Les poulies de l`appareil fléchisseur
Transcription
Les poulies de l`appareil fléchisseur
Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 www.elsevier.com/locate/chimai Mise au point Les poulies de l’appareil fléchisseur : anatomie, pathologies, traitement Flexor tendon pulley system: anatomy, pathology, treatment F. Moutet * SOS Main Grenoble, unité de chirurgie réparatrice de la main et des brûlés, hôpital A.-Michallon, centre hospitalier universitaire de Grenoble, 38043 Grenoble cedex, France Reçu le 4 décembre 2002 ; accepté le 5 décembre 2002 Résumé L’identification d’un système de poulie au niveau du canal digital a été observée très tôt et décrit. La nomenclature en 6 poulies arciformes (A0 à A5) et 3 poulies cruciformes (C1 à C3) est maintenant acceptée par tous. L’anatomie et la physiologie de ce système de glissement et de réflexion des tendons fléchisseurs sont détaillées. La nécessité de l’intégrité de ce système est devenue une évidence lors de la réparation des tendons fléchisseurs. Quatre grands types de pathologies peuvent être envisagés à ce niveau : • une pathologie locale à type de doigts à ressaut congénitaux ou acquis liés à une métaplasie chondroïde de la poulie A1 ; • des kystes ténosynoviaux développés au niveau du point de faiblesse du canal digital entre A1 et A2 ; • des lésions accidentelles, concomitantes des plaies des tendons fléchisseurs ou iatrogènes, lors de leur réparation ; • enfin des lésions quasi expérimentales de rupture isolées d’une ou plusieurs poulies se rencontrent dans quelques pratiques sportives, particulièrement l’escalade et notamment à un haut niveau. Les modes de réparation sont explicités afin de permettre de planifier et de hiérarchiser les réparations en fonction des pathologies. La réparation de A2 et A4 est toujours impérative. Le matériaux de choix en est un greffon de ligament retinaculaire dorsal des extenseurs mais sa quantité limitée nécessite souvent le recours au greffon tendineux conventionnel type palmaris longus. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Flexor tendon pulley system has been very early noticed and described. Terminology usually accepted recognizes 6 arcifom pulleys (A0 to A5) and 3 cruciform pulleys (C1 to C3). Anatomy and physiology of this flexor tendon gliding and reflection system at the level of the digital sheet are exposed. The integrity necessity of this system became obvious regarding the flexor tendons repair. Four main pathologies may be concerned: • the trigger finger congenital or progressive, due to a chondroïd metaplasia of the A1 pulley; • tenosynovial ganglions arising at the weak point between A1 and A2 pulley; • lesions of the flexor tendon sheet during traumatic lacerations or surgical repairs; • quite experimental lesions creating isolated ruptures of one or several pulleys which occur during sport practice, especially high level rock climbing. The repair techniques are exposed to allow to graduate and hierarchy the reparation technique regarding the pathology. A2 and A4 repair is always indicated. The best reconstruction material is a an extensor retinaculum graft. But its poor surface available often draws to use conventional palmaris longus free graft. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Poulies fléchisseurs ; Doigt à ressaut ; Kyste ténosynovial ; Rupture ; Main du grimpeur ; Réparation de l’appareil fléchisseur en deux temps Keywords: Flexor tendon pulley; Trigger finger; Tenosynovial ganglion; Rupture; Rock climber pathology; Two stage flexor tendon repair * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Moutet). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 1 2 9 7 - 3 2 0 3 ( 0 2 ) 0 0 0 1 0 - 0 2 F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 1. Introduction La première description avérée des poulies des tendons fléchisseurs des doigts semble revenir à Léonard De Vinci (1452–1529) (Fig. 1). Vésale en 1543 dans son ouvrage De humani copore fabrica souligne ensuite l’importance biomécanique des poulies dans l’anatomie du corps humain car elles permettent de produire une mobilité articulaire grâce à la traction sur les tendons sans la création d’un effet de corde d’arc (Fig. 1b). Winslow en 1746 décrit la gaine des tendons fléchisseurs des doigts situant son origine au niveau de la tête métacarpienne et utilise le terme de « feuillet ligamentaire » pour les poulies au niveau de la phalange proximale (P1) et de la phalange intermédiaire (P2). En 1751 sous le dessin Fig. 1. Les poulies selon les anciens : a : selon Léonard de Vinci 1500 ; b : selon Vésale 1543 ; c : selon Bourgery 1852. d’Albinus, dans l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert, les poulies sont désignées comme « les ligaments qui retiennent les fléchisseurs des doigts ». Les anatomistes du début du XIXe siècle vont apporter des descriptions plus précises. Bichat en 1801, Portal en 1804, Boyer en 1815, Cloquet en 1836 et Cruveilhier en 1837 décrivent les parties épaissies de la gaine des fléchisseurs des doigts comme formées de puissantes fibres nacrées, arciformes, attachées aux bords latéraux des phalanges et passant au-dessus des fléchisseurs. Ils mettent en évidence le rôle de ces poulies pour retenir l’appareil tendineux au plus près du squelette phalangien afin d’éviter l’effet de corde d’arc lors de la contraction des fléchisseurs. Ils remarquent aussi que ces gaines sont plus fines au voisinage des articulations F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 interphalangiennes. Portal décrit le passage croisé des fibres au niveau des articulations digitales. Antomarchi dans ses planches anatomiques du corps humain de 1823 à 1826 illustre clairement les différentes portions de la gaine des fléchisseurs. Lauth en 1829 décrit trois composants au canal digital, 1– les ligaments vaginaux, 2– les anneaux ligamenteux des jointures, 3– les ligaments croisés. La description de Lauth et les illustrations qu’en font Bourgery et Jacob en 1852 (Fig. 1c) sont sans doutes les premières descriptions qui s’accordent raisonnablement avec l’anatomie que nous reconnaissons aujourd’hui à la gaine des fléchisseurs. 2. Anatomie descriptive La nomenclature actuelle est basée sur les descriptions faites par Doyle et Blythe en 1985 [1]. Suite à la dissection de 80 doigts de cadavres frais, le canal digital est décrit comme un canal ostéofibreux avec des condensation fibreuses segmentaires (les poulies), tapissé de synoviale et qui contient enclos les tendons fléchisseurs. On retient 5 poulies ostéofibreuses annulaires nommées A, pour arciforme, (A1, A2, A3 A4 et A5) formées de puissantes fibres arciformes en avant des phalanges et 3 poulies cruciformes nommées C pour cruciforme, (C1, C2 et C3) faites de fibres qui s’entrecroisent en avant des articulations (Fig. 2). C’est dans l’entrecroisement des fibres de ces poulies cruciformes que pénètrent latéralement les vaisseaux issus des artères collatérales digitales palmaires et destinés aux tendons fléchisseurs : les vincula. La gaine synoviale commence au col du métacarpien pour se terminer au niveau de l’articulation interphalangienne distale (IPD) sans la franchir. Par définition les poulies sont des formations constituées de tissus fibreux de largeur et d’épaisseur variable qui surmontent la membrane synoviale. La synoviale est plus apparente entre ces différentes poulies où elles forment des recessus et des culs-de-sac sur lesquels insistent Strauch et De Moura en 1985 [2]. En effet ces divers culs-de-sac entre chacune des poulies, permettent l’allongement ou la rétraction de la gaine digitale dans son ensemble pendant les mouvements du doigt. 2.1. Les premières et deuxièmes poulies arciformes (A1 et A2) La poulie A1 commence en moyenne 5 mm en amont de l’interligne de l’articulation métacarpophalangienne (MP), est longue de 10 mm (soit environ 20 % de la taille de P1) et est fixée latéralement à la plaque palmaire de la MP. La poulie A2 commence en moyenne 2 mm en aval de A1. Elle s’étend sur 20 mm soit environ 40 % de la taille de la phalange proximale et se situe en regard de celle-ci. Hunter [3] a proposé de diviser cette longue poulie en deux segments, l’un proximal (A2a), l’autre distal (A2b). Certains auteurs, tels Barton [4] et De La Caffinière [5] voient en A1 et A2 une poulie unique. Pour Strauch et De Moura, dans la plus part des cas (65 %) il n’y a pas de 3 séparation entre A1 et A2. Doyle [6] en revanche, reprenant ses travaux, retrouve une séparation de 1 à 3 mm entre A1 et A2 dans 80 % des cas. En fait, il existe des variations de forme de A1. Celle-ci peut être constituée d’une, deux, voire trois bandes annulaires, alors que la poulie A2 reste de façon constante semi-circulaire. Ces différences de structure entre ces deux poulies sont telles qu’elles justifient de garder une dénomination distincte entre A1 et A2. 2.2. Les autres poulies arciformes (A3, A4 et A5) A3 se situe au niveau de l’articulation interphalangienne proximale (IPP). Elle est présente dans plus de 90 % des cas bien que ne mesurant qu’environ 3 mm de large et est fixée en arrière à la plaque palmaire de l’IPP. A4 se situe au niveau de la phalange intermédiaire (P2). Elle aussi est quasi constante. C’est avec A2 la plus étendue et la plus épaisse des poulies. Elle mesure environ 12 mm. A5 est présente dans 80 % des cas. C’est une poulie fine étroite fixée en arrière à la plaque palmaire de l’IPD. Il n’y a pas de poulie au-delà de l’IPD. 2.3. Les poulies cruciformes (C1, C2 et C3) Elles sont variables dans leur taille et dans leur présence. Elles peuvent n’être qu’une simple bande oblique étroite. C’est particulièrement le cas de C3 qui, à la partie distale de A4, tend souvent à n’en être que le prolongement de cette dernière sans véritable séparation. Comme l’a bien démontré Doyle [6], il n’y a pas de poulie en aval de l’IPD et les formations fibreuses que l’on retrouve alors, ne peuvent être reconnues comme des poulies mais plutôt comme des éléments du fascia pulpaire décrit par Shrewsbury et Johnson en 1975 [7]. 2.4. La poulie A0 Manske et Lesker [8] décrivent en 1983 l’anatomie fonctionnelle des fibres transversales de la partie distale de l’aponévrose palmaire moyenne. Celles-ci agissent comme une poulie et en possèdent la structure arciforme. Ils baptisent A0 cette poulie proximale qui se situe de 1 à 3 mm en amont du bord proximal du canal digital. Elle est amarrée latéralement par des fibres verticales qui se fixent en arrière au ligament intermétacarpien et aux fibres de l’aponévrose palmaire profonde. Cette poulie est plus large sur le majeur et l’annulaire. De par son amarrage profond « non osseux », elle est moins fixe que les autres poulies digitales (Fig. 2b). 2.5. Les poulies du pouce Le pouce avec ses deux phalanges ne possède que la partie proximale du système des poulies du canal digital, avec une poulie A1 au niveau de la MP comme sur les doigts longs et une poulie A2 située au niveau de l’interphalangienne (IP) fixée en arrière à la plaque palmaire. Ces deux poulies arciformes sont séparées par une poulie oblique qui recouvre P1 4 F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 Fig. 2. Les poulies nomenclature actuelle : a et c : classification selon Doyle et Blyth [1] ; b : la poulie A0 selon Manske et Lesker [8] ; APM = aponévrose palmaire moyenne ; APP = aponévrose palmaire profonde. et va de dedans en dehors de proximal en distal. Les fibres terminales de l’adducteur du pouce courent sur la partie proximale de cette poulie oblique (Fig. 2c). 3. Histogenèse et morphologie Cohen et Kaplan [9] ont montré en 1987 que le système des poulies est extérieur à la gaine synoviale mais qu’il n’y a pas de différences structurales et ultrastructurales entre la couche pariétale recouvrant la poulie, la portion membraneuse de la gaine synoviale et la synoviale qui forme l’épitendon. Sbernardori et al. [10] quant à eux ont montré en 2000 sur des mains embryonnaire âgés de 6 à 12 semaines que le système des poulies peut être mis en évidence dès la 9e semaine de gestation et que les structures sont toutes identifiables à la 12e semaine, identiques à ce qu’elles sont chez l’adulte. F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 5 D’un point de vue structural et ultrastructural les poulies ne sont pas seulement un épaississement de la gaine digitale. Elles sont formées de trois couches, une interne mono- ou bicellulaire représentant sans doute le feuillet pariétal de la gaine tendineuse, une couche moyenne formée de trousseaux de collagène et de fibroblastes orientés perpendiculairement au grand axe de la phalange sous-jacente et enfin une couche externe, faite de tissu mésenchymateux, richement vascularisé qui s’étend dorsalement de façon annulaire et qui englobe l’appareil fléchisseur, l’appareil extenseur et la matrice cartilagineuse de la phalange. En fait la poulie n’a pas une forme semi-circulaire mais de façon plus complexe une forme en 8 due à la couche moyenne qui s’étend à la fois dorsalement et ventralement sous le tendon fléchisseur. Cette forme en 8 permet l’allongement ou la rétraction de l’ensemble selon le mouvement d’extension ou de flexion du doigt. 4. Biomécanique D’un point de vue fonctionnel, on peut avec Lin (1989) [11] identifier trois mécanismes d’action des poulies selon leur type et leur situation anatomique. 4.1. Les poulies annulaires « diaphysaires » (A0, A2 et A4) Elles maintiennent un rapport constant du fléchisseur à l’axe de rotation de l’articulation d’aval. Elles se rétrécissent peu en flexion (moins de 25 %) et préviennent la corde d’arc en regard des os concaves (métacarpiens, P1 et P2) qui, sans elles, apparaîtrait en flexion. La suppression d’une telle poulie annulaire diaphysaire a un effet sur la mobilité puisqu’elle détend l’appareil fléchisseur, diminuant ainsi son moment fléchissant en le laissant s’éloigner du squelette (Fig. 3). Les poulies A2 et A4 sont essentielles à la fonction des fléchisseurs et au bon enroulement digital. La section isolée de A2 diminue l’enroulement digital de 10 %. 4.2. Les poulies annulaires « articulaires » (A1, A3 et A5) Elles ont un rapport variable à l’axe de rotation de l’articulation qu’elles recouvrent puisqu’il dépend de la position de celle-ci. Elles ne préviennent la corde d’arc qu’en avant de « leur » articulation. Elles se raccourcissent de plus de 50 % en flexion. Ces poulies qui s’attachent à la plaque palmaire à une extrémité et à l’os de l’autre, servent à répartir les forces durant la flexion du doigt et le déplacement en avant de la plaque palmaire durant la flexion. Ainsi A3 prend toute son importance si elle reste la seule poulie intacte, en avant de l’IPP. 4.3. Les poulies cruciformes (C1, C2 et C3) Elles varient en épaisseur, en taille et en pourcentage de raccourcissement lors de la flexion. Elles ont un faible effet rétentif sur l’effet « corde d’arc ». Fig. 3. L’effet corde d’arc. Conséquence sur le bras de levier et donc le moment fléchissant, de l’effet corde d’arc lié à la suppression massive d’une partie du canal digital. Ici la partie distale de A2 + C1+ A3+ A4 dans sa partie proximale. 4.4. Contraintes et forces de rupture Lors de la mobilisation en flexion des doigts, le canal digital assume des contraintes conséquentes et les poulies présentent donc des valeurs de résistance à la rupture tout à fait considérables. En 1992, Schuind [12] a évalué les contraintes que les tendons fléchisseurs appliquent sur les parois du canal digital et donc sur les poulies. Elles sont respectivement de 34 N pour la mobilisation sans résistance, de 63 N pour la prise en serrage globale (grasp), de 65 N pour la pince digitale latérale et de 118 N pour la pince pulpaire termino-terminale. Manske et Lester [13] ont montré en 1977 que la résistance à la rupture de A1 était de 310 N, celle de A4 de 193N, c’est-à-dire plus importante que celle de A2 (137 N). De plus les poulies du majeur sont les plus solides suivies de celles de l’annulaire et de l’index. Cela est légèrement contesté par Lin en 1989 [11] pour qui A2, avec une résistance à la rupture de 407 N, est plus solide que A4 qui elle ne résiste qu’à 210 N (Tableau 1). 6 F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 Tableau 1 Force maximale de rupture (N/m) (Selon Lin [11]). La résistance par mm de poulie peut être calculée en divisant la charge maximale par la longueur de la poulie, cela donne 25 à 35 N/mm pour les poulies arciformes et 5 à 10 N/mm pour les poulies cruciformes Poulie A1 A2 A3 A4 A5 C1C2C3 Force de rupture en N/m 324 407 80 324 < 80 < 80 4.5. L’intégrité du canal digital En 2000 Mitsionis [14] avec une méthode de traction fonctionnelle plus proche de la réalité des conditions physiologiques donne des chiffres plus réalistes que ceux de Lin qui utilise la technique de la boucle de traction. Persiste néanmoins le biais de l’étude cadavérique qui ne prend pas en compte la résistance induite par les parties molles et le tonus musculaire du sujet vivant dans les conditions physiologiques. Mitsionis montre néanmoins que la résections de près de 75 %, en tout cas 50 %, de A1 ou A4 permet de conserver une force résiduelle suffisante pour les activités quotidiennes sans risque de rupture de la poulie ni d’incidence sur l’enroulement digital. Les poulies A2 et A4 ainsi excisées résistent à 224 N et 131 N respectivement, ce qui est bien au-dessus des forces appliquées lors de la mobilisation active. En 1995, Tang [15] avait montré que l’excision partielle de A2, si A1 et A3 demeuraient intactes, ne diminuait la force globale de serrage que de seulement 9 %. En revanche, si la poulie A0 est aussi supprimée la perte de fonction devient notable. Les travaux de Savage [16] avaient eux aussi montrés en 1990 que ni A2 ni A4 étaient indispensable tant que la plus grande partie de la gaine du canal digital demeurait intacte. Ces diverses études convergent toutes en ce qu’elles insistent sur la nécessaire cohésion du système de réflexion et de glissement que réalisent les poulies, indispensable pour conserver l’enroulement digital dans sa force et dans sa course. Mais il est clair que la suppression d’une certaine portion de poulie n’en supprime pas la fonction mécanique. Cela est tolérable et permet d’envisager plus sereinement des réparations des fléchisseurs au canal digital que le dogme du respect absolu des poulies rendaient difficilement réalisables. digital devient trop petit pour un tendon trop volumineux entraînant une friction puis un blocage en flexion du doigt concerné que l’extenseur ne pourra lever [17]. Dans les formes secondaires l’origine peut en être dans des ténosynovites rhumatismales ou non, des épaississements tendineux par dépôts amyloïdes ou autres au niveau des fléchisseurs. Ceux-ci se bloquent dans un canal ostéofibreux devenu trop étroit. Les tonus des fléchisseurs permet le passage en force du nodule incriminé sous A1, l. La faiblesse comparative de l’appareil extenseur explique l’obligation d’une extension volontaire forcée pour passer le goulot d’étranglement et le ressaut qui s’ensuit lorsque l’obstacle est franchi, s’il l’est. Congénital ou acquis le traitement de ces doigts à ressaut est identique. Il consiste en la levée chirurgicale de l’étranglement du fléchisseur grâce à la section longitudinale ou l’agrandissement par une plastie en Z de la poulie A1 si le phénomène n’a pas cédé à une infiltration de corticostéroïdes (chez l’adulte). Cette ouverture de la poulie A1 peut être percutanée dans les cas de nodules palpables, isolés et présentant un ressaut clinique constaté de visu, au niveau des doigts longs médians. Les indication au niveau du pouce du 5e doigt sont plus discutées. En cas de synovite palpable, de doigt bloqué ou d’échec de la libération percutanée il faut revenir à la méthode chirurgicale conventionnelle [18]. De façon assez paradoxale la suppression totale de la poulie A1 n’entraîne que peu ou pas d’effet de corde d’arc au niveau de la MP et en tout cas n’a pas de répercussion sur la force de serrage. En revanche si l’ouverture est trop importante et intéresse A0 et tout ou partie de A2 l’effet est là conséquent et nécessite une reconstruction [19]. 5.2. Les kystes des poulies Un peu en marge des lésions des poulies elles-mêmes les kystes ténosynoviaux des poulies sont des lésions fréquentes. Métaplasie chondroïde de la poulie elle-même ou hernie synoviale de la gaine des fléchisseurs, ces kystes sont fonctionnellement gênants. En effet le plus souvent développés au niveau du point de faiblesse entre A1 et A2, ils réalisent une petite saillie très tendue au niveau du pli digitopalmaire gênant la prise cylindrique et la fermeture des doigts. Plus volontiers développés au niveau des doigts longs, ces kystes, s’ils sont fonctionnellement gênants, requièrent un traitement chirurgical simple qui consiste en l’ablation de la poche kystique et de sa base d’implantation au niveau de la poulie. Cette résection très partielle de la poulie n’en affecte en rien la fonction. 5. La pathologie 5.3. La rupture de poulie Quatre circonstances pathologiques peuvent être schématisées. 5.1. Le doigt à ressaut Dans les formes primitives, il s’agit de la dégénérescence chondroïde et d’un épaississement de la poulie A1. Le canal Dans ce cas, il s’agit d’un accident à mettre en relation avec une activité sportive à forte sollicitation digitale, escalade dans la très grande majorité des cas mais aussi rugby ou judo parfois. Lors d’une mise en tension brusque et violente en position arquée (Fig. 4) d’un doigt (le plus souvent l’annulaire ou le F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 7 de microtraumatismes et de surcharge prend ici tout son sens [21,22]. Ces ruptures ne sont pas spécifiques de l’escalade mais bien rares dans d’autres contextes qu’ils soient sportifs et Le Viet en rapporte 2 cas [23] ou qu’ils soient celui de rhumatismes inflammatoires chroniques et Bowers n’en rapporte que 9 cas en 10 ans [24]. 5.4. La lésions des fléchisseurs au canal digital Fig. 4. La position arquée. Position typique de la progression en escalade la position arquée imprime une flexion forcée à l’IPP et une hyperextension de l’IPD. Toutes les contraintes sur le canal digital sont reportées en avant sur la poulie A2 [19]. C’est la position de référence pour la recherche d’une rupture de poulie lors de l’imagerie. majeur) la poulie A2 le plus souvent, mais aussi A4 et/ou A3 se rompt brutalement ou de façon plus progressive, se distend [20]. Cet accident typique de la pratique de l’escalade propose la plus pure des symptomatologies cliniques. Elle associe douleur antérieure ou latérale sur les insertions de la poulie concernée et corde d’arc des fléchisseurs qui viennent se plaquer en avant à la peau en flexion contrariée lors d’un rupture complète. Le site de ce phénomène de corde d’arc en regard de la poulie manquante (rompue) permet le diagnostic lésionnel et topographique [21]. Ces ruptures en position arquée, sont en règle brutales mais peuvent avoir été précédées d’un véritable syndrome de menace associant douleurs au niveau du doigt lésé et perte d’efficacité de la prise sans empêcher pour autant la pratique de l’escalade dans les 8 à 10 jours précédant la rupture vraie. Deux circonstances peuvent donc être retrouvées. Soit il s’agit d’une rupture aiguë avec, en escalade, la perception très fréquente d’un « clac » sonore, puissant, audible, y compris par celui qui assure le grimpeur quelques mètres en contrebas et le diagnostic est alors éminemment probable. Soit il s’agit d’une rupture plus lente, déchirure progressive d’une poulie « surchargée » de façon chronique, que l’interrogatoire saura retracer sur des signes prodromiques assez parlants comme des douleurs latérales ou antérieures en regard de la situation de la poulie incriminée avec sédation à l’arrêt de l’effort puis reprise des douleurs inflammatoires au repos. Dans ce cas de figure que l’on peut dire non-iatrogène, la majorité des ruptures intéresse la poulie A2 et survient dans les suites d’un entraînement intensif notamment spécifique, c’est-à-dire reprenant et répétant de nombreuses fois le même geste pour un même passage. Le terme de pathologie Il s’agit ici d’une pathologie où la perturbation de la fonction de l’appareil fléchisseur est directement liée à une réparation chirurgicale des tendons fléchisseurs en zone 2. Le canal digital est devenu en tout ou partie incompétent du fait des adhérences serrées voire de l’incorporation au tissu cicatriciel des poulies qui en supprime l’effet. Dans ce cas, que l’on peut dire iatrogène, n’importe quelle poulie peut être intéressée mais d’expérience, il s’agit le plus souvent du canal digital dans son ensemble. On ne sait pas toujours si les poulies ont pu être respectées et/ou reconstruites lors du premier geste chirurgical et donc si elles risquent d’être prises dans un phénomène cicatriciel prévisible. Il faut alors envisager la reconstruction globale de l’appareil de glissement dans le cadre d’une réparation en deux temps de l’appareil fléchisseur à la manière de Hunter [25]. Pour pallier ce risque on peut lors du geste primaire de réparation des lésions tendineuses, pratiquer l’ouverture latérale partielle de la ou des poulies qui brident le passage de la suture sans affecter en cela la physiologie de la flexion extension du doigt [26]. Cela nous paraît plus raisonnable que la réparation par suture directe, fût-elle immédiate, de poulies volontairement sectionnées. La suture primitive de poulies rompues requiert en effet en postopératoire un difficile équilibre entre la mobilisation sans tension de la suture tendineuses nécessaire pour éviter les adhérences et le soulagement de la pression de l’appareil fléchisseur sur la poulie pour en éviter la rupture itérative. En cas de destruction première ou volontaire des poulies une reconstruction complète, primitive, selon les méthodes proposées plus loin nous paraît toujours meilleure que la suture directe. 6. Le diagnostic 6.1. Les arguments anamnestiques Ils sont parfois suffisants pour reconnaître une pathologie des poulies au canal digital. En effet, les circonstances de survenue, ressaut typique décrit par le patient, accident d’escalade ou chirurgie primitive des fléchisseurs en zone 2 dans les antécédents, orientent très fortement voire posent déjà le diagnostic. 6.2. Les arguments cliniques Ils permettent en règle de confirmer l’hypothèse première enrichie qu’ils sont de l’anamnèse. 8 F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 Pour le doigt à ressaut la palpation retrouve un nodule douloureux de l’appareil fléchisseur mobile avec lui, sous ou en amont de A1. La mobilisation active recréée le phénomène de ressaut lors de l’extension en demandant quelques flexions forcées du doigt intéressé. L’incompétence du canal digital, secondaire à une chirurgie des fléchisseurs en zone 2 est confirmée par une mobilité nulle ou très diminuée du ou des rayons concernés. Dans le cas des ruptures isolées de poulie, la mobilité est facile, libre mais incomplète avec un défaut d’enroulement et souvent un petit flessum antalgique de l’IPP. S’il s’agit d’une rupture complète, le signe pathognomonique, comme déjà dit, est la découverte d’une corde d’arc de l’appareil fléchisseur lors de la flexion contrariée d’un rayon digital. On sent alors le fléchisseur venir en avant, se tendre sous la peau là où normalement la poulie l’aurait contenu. Pour être significatif ce signe doit bien sûr être recherché sans succès sur le doigt sain homologue controlatéral. Le phénomène est particulièrement clair chez les grimpeurs où la rupture aiguë des poulies est un événement assez stéréotypé. Mais la nondécouverte de cette corde d’arc clinique ne permet pas d’éliminer une rupture partielle ou une distension progressive d’une poulie cicatricielle [21,22]. C’est dans ces cas qui prêtent à discussion que les examens paracliniques permettent de trancher de façon définitive (Tableau 2). 6.3. Les argument paracliniques Ils reposent exclusivement sur l’imagerie. Quelle que soit cette imagerie, elle se devra d’être bilatérale, comparative et de préférence réalisée en position arquée qui seule permet une mise en tension maximale de l’appareil fléchisseur dans le canal digital. Tableau 2 Arbre décisionnel devant une rupture de poulie Fig. 5. Image de scanner. En position arquée on met en évidence par rapport au côté opposé le décollement de l’appareil fléchisseur du plan osseux qui confirme ou met en évidence la rupture des poulies. Ici une rupture massive de A2 A3 et A4. 6.3.1. L’échographie Statique avec une sonde linéaire de 10 MHz elle permet la visualisation, au niveau des tendons fléchisseurs, des lésions chroniques : augmentation d’épaisseur des poulies, épanchement, kystes synoviaux etc. mais elle ne permet pas de faire le diagnostic de rupture de poulie de façon régulière comme le montre Klausser en 1999 [27]. Dynamique en revanche elle permet de faire le diagnostic des ruptures complètes mais ne visualise pas les lésions partielles des poulies ce que confirme Hauger en 2000 [28]. 6.3.2. Le scanner Des coupes de 1,5 mm d’épaisseur de profil, en arqué, comparatives avec le doigt sain opposé et avec filtre des parties molles comme proposé par Le Viet et Rousselin [23] mettent en évidence de façon constante les ruptures des poulies qu’elles soient partielles ou totales en montrant des fléchisseurs qui prennent de façon plus ou moins accentuée, la corde de l’arc (Fig. 5). Il n’y a pas dans notre expérience de faux positifs mais parfois de faux négatifs, une fois sur dix environ. Ceci est à mettre selon nous, sur le compte d’une insuffisance de résistance imprimée à la flexion contrariée en position arquée, lors de la réalisation de l’examen. 6.3.3. L’imagerie par résonance magnétique Comme l’a montré Gabl [29] on peut en IRM, grâce à une antenne de surface de petit diamètre (8 cm), sur des coupes sagittales et coronales du doigt lésé obtenir des images comparable à elle du scanner. L’image de l’un est le négatif de l’image de l’autre (Fig. 6). Les limites de cet examen sont identiques à celles du scanner et la qualité des informations fournies sont à la hauteur de la qualité de réalisation de l’examen. Il nous paraît pour des raisons pratiques plus aisé d’avoir recours au scanner qu’à l’IRM. Au total, l’examen bilatéral comparatif en position arqué du doigt suspect et de son homologue controlatéral au scanner ou en IRM confirme ou non l’existence d’une corde F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 Fig. 6. Image d’IRM. L’IRM donne des images identiques à celles du scanner, tout aussi précises, le contraste étant simplement inversé. Image identique à celle de la figure N° 5. d’arc. C’est l’existence de cette corde d’arc qui va conditionner l’indication d’une réparation chirurgicale ou non de la poulie (Tableau 2). 7. Reconstruction De ce qui précède, on comprend aisément que « l’ambiance » dans laquelle va se concevoir la reconstruction d’une ou plusieurs poulies est entièrement différente entre la réparation primitive d’une poulie rompue de manière franche chez un sportif souvent de haut niveau, entraîné et motivé et la reconstruction d’une ou plusieurs poulies sur un doigt déjà multi-opéré et qui se trouve souvent dans des conditions cicatricielles voire vasculaires et/ou nerveuses défavorables. Ces conditions vasculonerveuses conditionnent l’état trophique du doigt et peuvent nécessiter, à elles seules dans un premier temps ou concomitamment à la réparation, un geste de resurfaçage du doigt et du canal digital par lambeau local ou à distance. Le risque si minime soit-il d’exposition de la reconstruction doit être absolument écarté sous peine de voir une nécrose anéantir toutes les chances de résultat fonctionnel. De plus une reconstruction itérative ultérieure posera le problème du matériel de reconstruction disponible et de la reprise d’un éventuel sepsis. Quoi qu’il en soit et quelle que soit la date envisagée de la reconstruction par rapport à la date de l’accident initial, plusieurs techniques de réparation sont envisageables mais elles doivent toutes souscrire à un cahier des charges identique en trois points : • la néo-poulie doit être située dans un emplacement aussi anatomique que possible pour permettre un glissement le plus physiologique possible des fléchisseurs. On admet que pour l’ensemble du canal digital il faut, comme nous l’avons déjà vu, reconstruire au moins A2 et A4 ; • la néo-poulie doit être suffisamment solide pour résister, sans se distendre ni se rompre, aux forces qui lui seront appliquées lors de la flexion du doigt ; 9 Fig 7. Les techniques de reconstruction : a : selon Bunnell [29] : passage autour de P1 et de P2 d’un greffon tendineux. b : selon Kleinert [30] : laçage antérieur fixé latéralement aux reliquats ostéofibreux du canal digital. c : selon Lister [31] : utilisation d’un greffon de ligament annulaire dorsal du carpe (LADC). Ce fragment de rétinaculum des extenseurs est passé à la manière de Bunnell ou fixé latéralement au reliquat ostéofibreux du canal digital. d : selon Karev [33] : « Belt loop » technique du passant de ceinture utilisant la plaque palmaire de l’IPP pour recréer une poulie A3. • la néo-poulie doit autoriser un glissement tendineux avec un minimum de frottement sachant que le passage d’un tendon suturé sera source de plus de frottement que le passage d’un tendon sain [30]. 7.1. La technique de Bunnell [31] Elle consiste à utiliser un greffon tendineux de petit palmaire ou d’extenseur du 5e doigt pour le passer de façon annulaire à plusieurs reprises autour de la phalange. Le fléchisseur superficiel, s’il est présent, peut être avantageusement utilisé nous y reviendrons. Pour la reconstruction de A2 il convient de passer en avant des extenseurs en zone 4, au tour et au contact de P1 à deux ou trois reprises en boucle. Pour la reconstruction de A4, il convient de passer autour de P2, en arrière des extenseurs en sous-cutané en zone 2 (Fig. 7a). 7.2. La technique d’Andreas Weilbey popularisée par Kleinert [32] Elle consiste à utiliser les berges restantes de la poulie rompue ou disparue et d’utiliser un greffon tendineux libre (petit palmaire, FCS IV ou extenseur du V). Celui-ci est faufilé au travers des reliquats de la poulie originelle pour reformer le canal digital (Fig. 7b). Cela n’est en fait raisonnablement faisable qu’après une rupture fraîche de poulie ou si, lors d’un premier temps d’intervention de Hunter, il reste suffisamment de tissu aux berges du canal ostéofibreux pour permettre un laçage ou une suture fiable. 10 F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 7.3. La technique de Lister [33] Elle utilise un fragment du ligament annulaire dorsal du carpe prélevé au dépend du 4e compartiment des extenseurs. Un tel prélèvement n’entraîne aucune séquelle au niveau des extenseurs et procure un matériel synovialisé de qualité. Celui-ci est passé en boucle autour de P1 et ou P2 de la même manière que dans la technique de Bunnell. La technique de Bunnell ou de Lister peut avoir recours à un trajet transosseux au travers de la phalange sous-jacente à la poulie reconstruite ce qui est un gage de solidité du montage mais peut parfois être délicat et fragiliser dangereusement la phalange [34]. 7.4. La technique de Karev [35] Elle consiste à utiliser la plaque palmaire de l’IPP comme néo-poulie. Le premier obstacle à cette technique est bien sûr qu’elle suppose la persistance d’un plaque palmaire utilisable. Le second est la nécessité d’un tendon interrompu si l’on veut le passer sous cette néo-poulie. Elle n’est donc utilisable que s’il existe au moins une suture à exécuter ou une greffe tendineuse à réaliser (Fig.7c). 7.5. Notre choix et ses raisons Bien qu’un coefficient de friction ne puisse être calculé in vitro pour des structures visco-élastiques comme les tendons et les poulies, Nishida [30] a bien montré que le glissement tendineux était influencé non seulement par la situation anatomique de la néo-poulie mais aussi par les matériaux qui la constituent. Moindre sera la friction engendrée par le matériau utilisé, moindre sera le risque d’adhérences. L’utilisation d’un matériel synovialisé comme le rétinaculum des extenseurs ou le FCS IV montre une différence bénéfique significative par rapport à l’utilisation d’un matériel qui ne l’est pas (petit palmaire). 7.6. Les complications En dehors des complications liées aux problèmes vasculonerveux et de couverture locale évoquées plus haut, la complication majeure reste l’inadéquation de la reconstruction. Soit due à la formation d’adhérences limitant la mobilité digitale, soit due à une insuffisance mécanique première ne permettant pas l’obtention d’un enroulement digital complet et un force de serrage satisfaisante. Cette insuffisance mécanique peut être liée soit à un défaut de montage (poulie trop lâche) soit à une rupture secondaire. Dans ces deux derniers cas, la reprise est envisageable sachant qu’à chaque nouveau geste se pose le problème du matériel de reconstruction disponible d’une part et le respect des plans de glissement tendineux d’autre part. Les adhérences peuvent conduire à la ténolyse de l’appareil fléchisseur dans son nouveau canal digital. Ce geste toujours problématique nécessite la rééducation postopératoire de toute ténolyse mais ici elle sera particulièrement longue et précise. 7.6.1. Au total En cas de rupture fraîche des poulies, il nous semble logique de conseiller la réalisation de la néo-poulie à l’aide d’un greffon de rétinaculum des extenseurs (Lister) prélevé aux dépens du 4e compartiment et de le fixer aux berges du canal ostéofibreux sur les moignons latéraux de la poulie rompue dès lors que ceux-ci sont suffisants pour autoriser une suture fiable et solide. Ceci est toujours faisable, chez le grimpeur en particulier, dans notre expérience. Si l’on ne peut se fixer latéralement et qu’il faut réaliser une boucle autour de la phalange, le prélèvement du rétinaculum se doit d’être beaucoup plus étendu en longueur et intéresse alors la quasi-totalité de la largeur de celui-ci. En cas de réparation secondaire des fléchisseurs ou si la solution précédente n’est pas réalisable, l’utilisation de la technique de Bunnell pour reconstruire A2 et A4 en priorité avec un fragment de fléchisseur superficiel passé autour de P1 et de P2 nous paraît la plus sûre et la plus efficace. Dans les cas de ruptures multiples on privilégiera la reconstruction de A2 avec le LADC, les autres poulies étant reconstruites avec le petit palmaire ou des reliquats de FCS. La fermeture global d’un espace de glissement pour l’appareil fléchisseur reste l’objectif à atteindre. La technique de Karev, certes séduisante s’avère en réalité aléatoire et le passant de ceinture (belt loop) souvent trop étroit pour livrer passage au fléchisseur réparé à ou à la greffe tendineuse utilisée. 8. L’appareillage et la rééducation La place de l’appareillage dans la cicatrisation d’une poulie rompue partiellement et non opérée ou dans les suites de la reconstruction d’une néo-poulie mérite d’être explicitée. Ce dernier va chercher dans tous les cas à autoriser un glissement le plus complet possible du fléchisseur dans son canal, en tentant de diminuer au maximum les contraintes qui vont s’appliquer sur ses berges [36]. Dans le cas d’une poulie incomplètement rompue chez le sportif, grimpeur ou non, la solution est pour nous univoque. Il s’agit de la confection d’une bague externe, rigide, en thermoplastique, qui plaque au mieux les fléchisseurs au plus près du squelette digital pendant le temps de la cicatrisation (Fig. 8a). Ce temps de 45 jours est pour nous incompressible et suppose un repos complet de toute activité de flexion en force du doigt concerné et des doigts voisins. Cela n’est pas toujours facile à faire respecter au sportif passionné. En ce qui concerne les reconstructions chirurgicales, la protection de la néo-poulie se doit d’être maximale pendant les 45 premiers jours. S’il s’agit d’une reconstruction isolée, il convient de mettre une attelle en flexion de poignet (40°) et des MP (80 à 90°) afin de détendre au mieux l’appareil fléchisseur tout en assurant la mobilisation activo-passive du rayon incriminé, limitant ainsi le risque d’adhérences (Fig. 8b). Au 45e jour l’appareillage « long » peut être remplacé par une bague rigide comme décrit plus haut et cela pour encore 45 jours en F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 11 lement et partant perte de fonction plus ou moins marquée. Ces seuls impératifs biomécaniques justifient leur respect, au moins fonctionnel, dans les réparations chirurgicales des tendons fléchisseurs au canal digital et leur reconstruction en cas de rupture complète ou de destruction. La pathologie de ces poulies s’inscrit dans trois contextes bien différents. Un premier, fréquent, bénin et de solution simple est le doigt à ressaut primitif ou non dont la cure est aisée. Le second assez stéréotypé est celui du sportif, grimpeur le plus souvent. Ici la solution est chirurgicale ou non, mais le traitement apporte dans des mains quelque peu expertes, constamment de bons ou très bons résultats. Le troisième cas de figure est beaucoup plus délicat puisqu’il s’agit là de reconstruire un appareil de glissement à des tendons fléchisseurs plus ou moins sévèrement lésés et déjà opérés. La reconstruction est ici plus complexe, moins anatomique et ses résultats grandement liés au contexte général de la lésion initiale et aux gestes associés nécessaires et possibles. Références [1] Fig. 8. L’appareillage : a : bague en thermoplastique rigide protégeant une rupture incomplète d’une poulie (ici A2) ou mise après le 45e j d’une réparation chirurgicale. b : appareil de protection d’une réparation chirurgicale de la poulie A2 pour les 45 premiers j. [2] autorisant la mobilisation dans les amplitudes fonctionnelles mais sans résistance. La reprise en force de la flexion digitale doit être progressive et pas avant le 90e jour postopératoire. Les conseils d’échauffement, d’étirement, d’éviction de tout foyer infectieux (caries dentaires) et d’hydratation nous semblent en cas de pratique sportive de haut niveau, absolument fondamentaux pour une reprise sans risques. Le strapping systématique des doigts atteints lors de la reprise de l’escalade relève d’un effet « anxiolytique » chez le grimpeur mais n’a pas d’effet ni mécanique réel ni préventif de nouvelles ruptures [37]. Dans le cas de reconstruction en deux temps de l’appareil fléchisseur selon Hunter, la reconstruction des poulies ou du canal digital s’intègre dans le plan global de rééducation du rayon digital reconstruit et là aussi le recours à une mobilisation passive en détente du canal digital s’impose [25]. Les délais de remise en charge du canal digital sont là bien sûr plus longs et conditionnés par le moment de la réalisation du 2e temps de greffe tendineuse. [4] [3] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] 9. Conclusion [16] Anneaux fibreux qui ferment en avant le canal digital, les poulies des tendons fléchisseurs assurent la transmission précise et optimale des forces de flexion du doigt. Leur suppression entraîne ipso facto perte de force, perte d’enrou- [17] [18] Doyle JR, Blythe W. The finger flexor tendon sheath and pulleys: anatomy and reconstruction. AAOS Symposium on Tendon Surgery in the Hand. Saint Louis: CV Mosby Co; 1975. p. 81–7. Strauch B, De Moura W. Digital flexor tendon sheath: an anatomic study. J Hand Surg 1985;10:785–9. Hunter JM. Anatomy of flexor tendons - pulley, vincula, synovia, and vascular structures. In: Spinner M, editor. Kaplan’s Functional and Surgical Anatomy of the Hand. 3rd Ed. Philadelphia: JB Lippincott; 1984. p. 65–92. Barton NJ. Experimental study of optimal location of flexor tendon pulley. Plast Reconstr Surg 1969;43:125–9. De La Caffiniere JY. Anatomie fonctionnelle de la poulie proximale des doigts. Arch Anat Cytol Pathol 1971;19:357–66. Doyle JR. Anatomy of the flexor tendon sheath and pulley system: A current review. J Hand Surg 1989;14A:349–51. Shrewsbury M, Johnson RK. The fascia of the distal phalanx. J Bone Joint Sur [Am] 1975;57:784–8. Manske PR, Lesker PA. Palmar aponeurosis pulley. J Hand Surg 1983;8:259–63. Cohen MJ, Kaplan L. Histology and ultrastructure of the human flexor tendon sheath. J Hand Surg 1987;12A:25–9. Sbernardori MC, Fenu G, Pirino A, Fabbriaciani C, Montella A. Histogenesis and morphology of the flexor tendon pulley system in the human embryonic hand. J Hand Surg 2000;25B:175–9. Lin GT, Amadio PC, An KN, Cooney WP. Functional anatomy of the human digital flexor pulley system. J Hand Surg 1989;14A:949–56. Schuind F, Garcia-Elias M, Cooney WP, An KN. Flexor tendon forces: in vivo measurements. J Hand Surg 1992;17A:291–8. Manske PR, Lesker PA. Strength of human pulley. The Hand 1977;9: 147–52. Mitsionis G, Fischer KJ, Bastidas JA, Grewal R, Pfaeffle HJ, Tomaino MM. Feasibility of partial A2 and A4 pulley excision: residual pulley strength. J Hand Surg 2000;25B:90–4. Tang JB. The double sheath system and tendon gliding in zone 2c. J Hand Surg 1995;20B:281–5. Savage R. The mechanical effect of partial resection of the digital fibrous flexor sheath. J Hand Surg 1990;15B:435–42. Hueston JT, Wilson WF. The etiology of trigger finger, Explained on the basis of intra tendinous architecture. Hand 1972;4:257–60. Bain GI, Wallwork NA. Percutaneous A1 pulley release a clinical study. Hand Surg 1999;4:45–50. 12 F. Moutet / Chirurgie de la main 22 (2003) 1–12 [19] Heithoff SJ, Millender LH, Helman J. Bowstringing as a complication of trigger finger release. J Hand Surg 1988;13A:567–70. [20] Duval MA. La main du grimpeur : approche physiologique, clinique et expérimentale. Thèse de Médecine Nice, 1986. [21] Moutet F, Guinard D, Gerard P, Mugnier C. Les ruptures souscutanées des poulies des fléchisseurs des doigts longs chez les grimpeurs de haut niveau. Ann Hand Surg 1993;12:182–8. [22] Boitard D. Ruptures des poulies digitales chez le grimpeur : évaluation clinique du traitement par plastie autologue. Thèse de Médecine Paris Necker-Enfants-Malades, 2000. [23] Rousselin B, Le Viet D, Roulot E, Godefroy D. Intérêt du scanner dans les ruptures des poulies digitales chez le grimpeur. J Traumato Sport 1995;12:7–14. [24] Bowers WH, Kumza GR, Bynum DK. Closed rupture of finger flexor pulley. J Hand Surg 1994;14A:782–7. [25] Friol JP. Reconstructions secondaires après lésions traumatiques de l’appareil fléchisseur. In: Alnot JY, editor. Cahier d’Enseignement de la Société française de chirurgie de la main, n° 13. Paris: Elsevier; 2001. p. 71–103. [26] Kwai Ben I, Elliot D. “Venting” or partial lateral release of the A2 and A4 pulleys after repair of zone 2 flexor tendon injuries. J Hand Sur [Br] 1998;23:649–54. [27] Klauser A, Bodner G, Frauscher F. Finger injuries in extreme rock climbers, Assesment of High-resolution ultrasonography. Am J Sports Med 1999;27:733–7. [28] Hauger O, Chung CB, Lektrakul N, Botte MJ, Trudell D, Boutin RD, et al. Pulley system in the fingers: normal anatomy and simulated lesions in cadavers at MR imaging, CT, and US with and without contrast material distension of the tendon sheath. Radiology 2000;217:201–12. [29] Gabl M, Lener M, Pechlaner S. Rupture or stress injury of the flexor tendon pulley? Early diagnosis with MRI. Handchir Microchir Plast Chir 1996;28:317–21. [30] Nishida J, Amadio PC, Bettinger PC, An KN. Flexor tendon pulley intercation after pulley reconstruction: A biomechanical study in a human model in vitro. J Hand Surg 1998;23A:665–72. [31] Boyes JH. In Bunnell’s surgery of the hand. 5th ed. Philadelphia: JB Lippincott; 1970 pp. 403-404. [32] Kleinert HE, Bennett JB. Digital pulley reconstruction employing always present rim of the previous pulley. J Hand Surg 1978;3:297–8. [33] Lister GD. Reconstruction of pulleys employing extensor retinaculum. J Hand Surg 1979;4:461–4. [34] Lin GT, Amadio PC, An KN, Cooney WP, Chao EYS. Biomechanical analysis of finger flexor pulley reconstruction. J Hand Surg 1989;14B: 278–82. [35] Karev A. The “belt loop” technique for the reconstruction of pulleys in the first stage of flexor tendon grafting. J Hand Surg 1984;9A:923–4. [36] Mugnier C, Moutet F. La main du grimpeur. Annales Kinesither 1992;19:19–23. [37] Warme WJ, Brooks D. The effect of circumferential taping on flexor tendon pulley failure in rock climbers. Am J Sports Med 2000;28: 674–8.