Dossier - Le Centre Spatial Guyanais

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Dossier - Le Centre Spatial Guyanais
Dossier Super
Dossier préparé
par Karol Barthelemy
Producteurs
© S. QUARTARARO
Centre Spatial Guyanais, l’an 2014. Leader sur le marché
commercial des lancements spatiaux, l’Europe doit
affronter une concurrence ultra compétitive.
Dans cette guerre des prix, quatre producteurs du CSG
enfilent leurs costumes de super héros : Regulus,
Europropulsion, Airbus Defence & Space et Air Liquide
Spatial Guyane.
Ce quatuor industriel déploie des trésors d’ingéniosité
pour faire baisser les coûts tout en conservant, voire
en améliorant, leurs produits. Leur super pouvoir
commun : un solide retour d’expérience.
Empruntons la Route de l’Espace pour découvrir
leurs quartiers généraux, leurs stratégies, leurs alliés,
et in fine, leur alliance.
Powder Man
Super Booster
Ariane Man
Cryo Man
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Produire & stocker
Avec ses deux malaxeurs, ses quatre puits de coulée et de multiples
outillages dédiés, l'UPG (Usine de Propergol de
Guyane) produit annuellement les boosters pour
S1
6 Ariane 5, soit 24 segments d'Etages à Propulsion
Solide EAP (12 S2 et 12 S3) [les S1 arrivent d'Italie
au port de Pariacabo déjà chargés], et 2 premiers étages
S2
P80 pour le lanceur Vega. «Nous disposons de 3 stockages
pour 24 segments au total car nous assurons également
le stockage pour Europropulsion. Nous sommes donc très
attentifs aux cadences de lancement qui peuvent rapidement
avoir un impact sur notre cadence de production» explique
Jean-Jacques Gainza.
Par ailleurs, l'UPG a bénéficié d’investissements
S3
d'Arianespace ces dernières années pour passer
à cadence 8 (8 lanceurs par an). Selon les périodes
et les disponibilités de stockage, l'usine fonctionne
en campagne 2C (coulée d’un segment par semaine
sur 2 semaines consécutives) ou en 4C (4 segments
sur 4 semaines consécutives). Ceci induit un
important travail des équipes de production mais
aussi de maintenance afin de garantir en
permanence l’aptitude opérationnelle de l’usine.
 Surveillance de la coulée du propergol.
Plan de progrès
Dans l'usine pyrotechnique qu'est l'UPG, la production obéit à des
processus très stricts que l'on ne peut sacrifier sur l'autel des coûts.
« La sécurité est notre priorité quotidienne. Nous sommes aujourd'hui sur
un processus de fabrication à la fiabilité prouvée, avec un retour d'expérience
important. Il n'y a pas d'opération inutile et le taux de rebut est très faible»
commente le Directeur Industriel.
© P. BAUDON
La maintenance des équipements, ici un malaxeur, est pour l'UPG une activité
prépondérante puisqu'elle garantit la production de l'usine.
 JJ Gainza (à gauche) au poste de supervision où les opérateurs gardent un œil
constant sur le malaxage et la coulée du propergol.
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«Les évolutions sont toujours possibles mais doivent passer par un processus
de modification via la chaÏne contractuelle. Certaines modifications
nécessitent parfois une validation au travers d’un tir ARTA
(Accompagnement et Recherche Technologique Ariane) au BEAP (Banc
d'Essai des Accélérateurs à Poudre) pour en valider l'applicabilité. Dans
un cas comme dans l'autre, ce sont des processus lourds et longs. Finalement,
à notre niveau, des évolutions plus importantes en termes de procédé
de production pourront intervenir avec Ariane 6» analyse-t-il.
© P. BAUDON
«L'usine de propergol de Guyane, ce sont des moyens
de production très peu répandus sur la planète.
On entre là dans le monde de l'industrie lourde »
entame Jean-Jacques Gainza, Directeur Industriel
de Regulus (60% Avio, 40% Safran).
© P. BAUDON
REGULUS, alias Powder Man
Néanmoins nous sommes soucieux de la réduction de nos coûts
aussi avons-nous mis sur pied depuis 2013 un “plan de progrès”
visant à réduire les coûts de production, et notamment d'achat.
« Les points sur lesquels nous avons pu influer rapidement sont les coûts
d'acquisition des matières premières et de nos pièces détachées ainsi que la
renégociation des contrats de maintenance et de service auxquels nous avons
intégré une obligation de résultat» explique Mr Gainza, qui enchaîne
avec le caractère primordial du facteur humain et la mixité
des effectifs. « Les hommes sont les garants de la qualité des produits et
de la sécurité des opérations. Nous fonctionnons avec 95 personnes dont
2/3 de sédentaires, plus le renfort de missionnaires des maisons mères
(jusqu'à 25 personnes supplémentaires) en campagne de coulée. Ce sont
des occasions d'échange avec nos opérateurs qui enrichissent ainsi leurs
savoir-faire, occasions que nous entendons faire perdurer».
A l'horizon Ariane 6
Pour rappel, Ariane 6 sera un lanceur “tout solide”, exception faite
du dernier étage à la technologie cryotechnique. Il est envisagé
4 propulseurs chargés d’environ 130 t de propergol chacun, dont
la production nécessitera quelques aménagements de l'UPG. «Parmi
les choix à faire figure celui concernant le mode de malaxage du propergol.
De plus il faudra très probablement construire un second bâtiment
de contrôle radiographique ; ce procédé de contrôle non destructif assurant
la santé matière d'un propulseur est absolument indispensable à la sécurité
du lanceur».
 Transfert d'un P80 de l'UPG au BIP sur un étonnant véhicule nommé fardier.
 Le 1er moteur P80 à sa sortie du puits de coulée.
 Boosters d'Ariane 5 ou P80 de Vega, Regulus livre ses segments chargés
à Europropulsion , au BIP, ici à l'arrière plan.
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EUROPROPULSION, alias Super Booster
© L. MIRA
Simplifier et gagner en efficacité
Et la première question que s'est posée Marcel Munoz fut : comment
réduire le nombre annuel de semaines travaillées avec 3 vacations
-donc avec des horaires de nuit- sans changer la durée du cycle
d’intégration ? «Je voulais que le personnel travaille moins de nuit où la
vigilance s'atténue et où, finalement, les coûts de production sont plus élevés
avec une efficacité moindre. C’est en prime un cycle très sollicitant pour
les opérationnels comme pour les fonctions support. Par ailleurs, travailler
sur une vacation supplémentaire nécessite davantage de personnel que nous
faisons venir des maisons mères, et ceci a un coût. Au final, j'ai partiellement
L'EAP specimen ARTA 5 en cellule d'intégration au BIP.
L’approche Lean
© P. BAUDON
© P. BAUDON
La méthode, inventée dans les années 1950 chez Toyota sous le nom
de TPS (Toyota Production System), a ensuite été formalisée par
le Massachussetts Institute of Technology (MIT) sous le nom de Lean
Manufacturing. Il s’agit, dans le cadre d’une démarche d’amélioration
continue, d’augmenter la part des activités à valeur ajoutée en éliminant
toutes les sources de gaspillages (dans les transports, les stocks,
les déplacements, les temps d’attente, la surproduction, la duplication
d’activités, la non qualité…).
Au final cette approche vise à optimiser l’ensemble des processus, les rendre
plus robustes, avec pour cible, la satisfaction du client. La mesure de
la performance est déclinée sous plusieurs aspects : sécurité, qualité, coûts,
délais et enfin le personnel (polyvalence, gestion de qualification,…).
 Avant la démarche lean, plusieurs “couples-maîtres” mécaniques permettaient
d'étalonner les clés dynamométriques. Aujourd'hui ce sont des boîtiers électroniques
installés à poste dans chaque cellule d'intégration, avec une étendue de mesure
beaucoup plus large et un affichage digital. Au final, un appareil remplace
4 ou 5 des précédents avec une mesure et une lecture plus fiables,
ainsi qu’une maintenance moindre.
réussi car l’objectif est ambitieux, et cela reste à consolider» se réjouit-il.
Deuxième étape : identifier les points matériels permettant
de réduire soit le cycle, soit les coûts. Pour cela, un groupe de travail
de tous les secteurs de l'entreprise a synthétisé une centaine
de propositions, dont une bonne partie émanant des opérateurs.
© P. BAUDON
© P. BAUDON
En face de l'UPG, Europropulsion (50% Avio, 50%
Safran) intègre les Etages d'Accélération à Poudre
d'Ariane 5 et le P80 de Vega à partir des segments
livrés par Regulus. Charge à eux de les assembler,
d'installer les moteurs et autres équipements. Tout cela
se déroule principalement dans le BIP, Bâtiment
d'Intégration Propulseurs, d'où sortent douze EAP
par an (+ un en cas de tir ARTA) et bientôt deux
P80 (un jusqu'à 2013).
Chez Europropulsion, on parle
Marcel Munoz
d'emblée de lean manufacturing (voir
encadré). La paternité dans cette
entreprise revient à Marcel Munoz,
responsable du groupe Production
de 2010 à 2013 et aujourd’hui
Coordinateur Industriel d’Herakles.
Ce dernier a démarré sa réflexion
sur deux axes : « faire moins d'erreurs
et réduire les cycles (donc les coûts)».
 Europropulsion utilise de nombreux outillages dédiés à son activité.
Dans sa démarche Lean, la société a en a simplifié plusieurs.
«Nous avons décidé de traiter les opérations à courte durée de mise en place
afin de donner un retour rapide et positif à l'entreprise et ainsi donner
une dynamique au projet. A ce jour, 60% ont pu être mis en œuvre» confie
Marcel Munoz.
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© P. BAUDON
Parmi ces avancées, citons les suivantes :
 Evolution de l'ergonomie des postes de travail  le travail
des opérateurs est de meilleure qualité.
 Simplification des outillages (outils dédiés à l'activité) :
- création de gabarits aimantés en lieu et place d'une fastidieuse
installation de câbles pour les mesures des capteurs moteurs  gain
de temps et de qualité
- installation de deux gouttières sur l'EAP dans lesquelles cheminent
les câbles électriques et pyrotechniques  le travail de fermeture des
gouttières, auparavant en série, est désormais possible en parallèle,
juste après l’inspection d’Europropulsion et du client  gain
en cycle apporté par l’activité en parallèle
 Réduction du temps cycle par le regroupement d’opérations dans
la même cellule de préparation ou d’intégration.
© L. MIRA
Tutorer
Second volet de la démarche d'amélioration : la valeur ajoutée
par l'homme. «Intégrer un EAP ne s'apprend pas sur les bancs d'école mais
sur le terrain, au terme d'une longue formation» stipule le responsable.
 Julien Gunasekara, dernier tutoré, achève le montage électrique sur une gouttière
d'EAP sous l'œil bienveillant de son tuteur, Michel Potin. «Initialement, je suis
mécanicien. A mon arrivée ici, c'était un nouveau métier, avec beaucoup de stress.
Michel, très expérimenté, m'a bien dirigé, ce qui m'a rassuré. J'ai pu poser
des questions -car une procédure ne suffit pas toujours, il faut entrer dans
le dialogue. Avec cet accompagnement bien structuré, on sait où on en est dans
sa progression» apprécie Julien. Un sentiment de satisfaction partagé par son tuteur :
«j'ai souvent formé mes collègues. Structurer cet accompagnement est beaucoup
plus rentable. Le fait d'être à 100% ensemble, ou presque, est particulièrement
efficace, cela permet d'avoir un réel suivi».
© P. BAUDON
les évaluations des tutorés. Nous avons pour cela organisé deux sessions
de formation en six mois, la seconde bénéficiant du retour d’expérience
de la première, où les opérateurs tuteurs et les chefs d’atelier ont proposé
une logique calendaire avec des jalons et des cartes de compétences les plus
factuelles qui soient. Ils se sont appropriés ce projet et c’est sans doute
ma plus belle réussite» conclut Marcel Munoz.
Préparation du specimen ARTA5 au BIP
En effet, intégrer un EAP revient à réaliser 500 opérations déroulées
selon 250 procédures ! Et maîtriser une de ces opérations demande
de la réaliser entre trois à six fois ! Pour limiter cet apprentissage,
il en résulte deux types de spécialistes : les intégrateurs MPS (Moteur
à Propulsion Solide) et les intégrateurs EAP (Etage d’Accélération
à Poudre).
Europropulsion fonctionne avec trois types de contrats : sédentaires,
détachés et missionnaires des maisons mères. Selon Marcel Munoz,
« les deux premiers ont une influence prépondérante sur la performance
de l'entreprise. Nous travaillons dans un milieu pyrotechnique donc
dangereux et il nous faut former des responsables d'opérations. Cela nécessite
d'être calme, compétent, savoir piloter d'autres personnes, respecter
les procédures et réagir correctement en cas d'incident. Nous avons donc mis
en place un système de tutorat pour accompagner les nouveaux arrivants
pendant les premiers mois. Aujourd'hui, treize personnes ont bénéficié de
ce dispositif et les premiers tutorés -en janvier 2012- sont en passe de devenir
tuteurs à leur tour».
Mais pour prendre corps, une telle démarche doit emporter
l’adhésion des tuteurs et futurs tuteurs, « en particulier dans
EAP d'Ariane 5 assemblé et motorisé en cours de livraison à Airbus D&S, au BIL.
L'intégration d'un tel étage représente 500 opérations pour l'apprentissage
desquelles le tutorat est une remarquable valeur ajoutée.
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© P. BAUDON
Airbus Defence & Space, alias Ariane Man
Encore quelques kilomètres, dernières lignes droites pour
qu'Ariane 5 prenne corps : d'abord le BIL, Bâtiment
d'Intégration Lanceur, où les équipes francoallemandes d’Airbus Defence & Space, le Maître
d’œuvre Industriel (ou Prime) du lanceur, intègrent
Ariane 5. «Nous produisons un lanceur intégré et contrôlé,
mécaniquement et électriquement. Nous assemblons 6 à 7
Ariane 5 par an » annoncent Emmanuel Sanchez,
Directeur d'Airbus D&S Kourou, et Patrick Correa, Responsable
Programme Production.
er
Puis vient le BAF, Bâtiment Au 1 janvier 2014, l'activité
d'Astrium rejoint la division
d'Assemblage Final, où Airbus D&S, Airbus Defence & Space.
sous la responsabilité d’Arianespace,
apporte sa compétence d’intégrateur pour intégrer sur le lanceur
la (les) charge(s) utile(s), la coiffe, et préparer le lanceur au lancement
(armement des systèmes pyrotechniques, chargement du programme
de vol…)
© JM. GUILLON
«Nous garantissons de fabriquer un produit conforme à la définition déposée
du lanceur » poursuit Patrick Correa. « Nous sommes totalement
responsables de l'intégration du lanceur au BIL, mais dans un bâtiment
et avec des moyens sols qui sont la propriété d'Arianespace, ce qui impose
quelques contraintes de fonctionnement ». Autrement dit, même prêt
à l'avance, Airbus D&S n’intervient au BIL que quand celui-ci
est disponible, et donc hors période de maintenance.
 Airbus D&S réceptionne et assemble les éléments d'Ariane 5 au BIL (à droite)
puis intervient au BAF (à gauche) pour finaliser le lanceur. En arrière-plan entre
ces deux bâtiments se trouve la ZL3, zone de lancement d'Ariane 5
L’établissement d’Airbus D&S à Kourou fonctionne avec 26
résidents et le renfort d'une équipe importante de missionnaires
franco-allemands (jusqu'à 70) pour conduire la réception des EAP
au BIP, leur stockage au BSE, les activités de préparation et
d'intégration BIL et BAF ainsi que les activités de transport
et magasin associées, … «Ce renfort de missionnaires permet d’optimiser
au mieux d’une part la réponse charge/effectif pour l’intégration du lanceur
en Guyane (18 jours travaillés en phase BIL et 14 en phase BAF), et d’autre
part la production des étages en Europe, essentiellement aux Mureaux et
à Brème. Nos équipes s’investissent ainsi en Europe puis viennent à Kourou
intégrer le lanceur ; cette organisation garantit une compétence et une
polyvalence fortes de nos équipes. Bien sûr ce fonctionnement suppose
une planification des ressources très intégrée entre Kourou et l’Europe »
explique Emmanuel Sanchez. Le Directeur précise que la
disponibilité de ces deux bâtiments, BIL et BAF, permet de conduire
en parallèle deux campagnes lanceurs et donc de porter à moins
d’un mois le délai entre deux lancements Ariane.
“Kourou Ambition”
Des projets d’optimisation et de réduction de coût du lanceur
Ariane 5 ont été décidés au sein d’Airbus D&S et donnent
aujourd’hui des résultats significatifs. En Guyane, le projet porte
le nom de “Kourou Ambition”. «L’objectif consiste à réduire nos coûts
tout en garantissant,voire en améliorant, la qualité et la maturité du lanceur
Ariane 5 » synthétise Emmanuel Sanchez. Et là encore, rien n'est
laissé au hasard ! Quelques exemples :
 Réduction des coûts de fonctionnement avec une nouvelle
 Pour chaque campagne au BIL et au BAF, Airbus D&S fait appel
à des missionnaires des maisons mères dont le déplacement est optimisé.
Ici l'on peut voir l'intégration de l'ESC au BIL.
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politique voyage plus économique (côuts divisés par deux).
 Réduction du cycle d'intégration au BIL de 20 jours à 18 j en
incorporant les deux jours d'inspection finale dans les opérations
d'intégration.
 Renforcement de la polyvalence et de la responsabilisation
des équipes à tous niveaux.
 Optimisation de la fonction transport et magasin avec un
représentant Airbus D&S à Kourou
 Présence des effectifs à Kourou et en Europe plus efficiente avec
des moyens de coordination et de communication adaptés.
© G. BARBASTE
«Quelques grands principes de management accompagnent cette démarche
d’optimisation » complète le Directeur, « avec tout d’abord le
développement d’un esprit d’équipe fort entre résidents et missionnaires,
français et allemands, de façon à gommer les 8000 km entre Kourou et
l’Europe ainsi que les écarts culturels ; nous l’avons nommé “One team”».
Puis un véritable plan d’accompagnement du changement a été
déployé avec une participation de tous les acteurs à tous les niveaux
de l’organisation pour dégager les pistes d’optimisation (ateliers
de réflexion, séminaires, séances d’information). Des plans de
formations adaptés ont été mis en place. Enfin cette dynamique
a été présentée voire challengée avec Arianespace, le CNES et l’ESA.
En phase de déploiement, un comité de vigilance et de surveillance
des “signaux faibles” a veillé à la bonne appropriation par les
équipes, à la maîtrise des risques et à garantir le niveau de qualité
recherché. Bref, une super stratégie pour une super Equipe !
Déploiement du “Lean Manufacturing” à Kourou
Selon Emmanuel Sanchez, «A Kourou,
le résultat d'une industrialisation au sens
“Lean” a permis d'apporter une cohérence
forte entre les flux d'équipements nécessaires
à l'intégration du lanceur et la campagne
au BIL ». Pour exemple, la notion
de “kitting” permet, en amont des
opérations d'intégration, de préparer
des unités de stockage mobiles sur
lesquelles les opérateurs vont trouver
Selon E. Sanchez, ici accompagné
les outillages, ingrédients, appareils
sur sa droite de P. Correa,
«L’approche lean est avant
de mesure et équipements nécessaires
tout une approche de bon sens
à l'exécution de la prestation. C’est aussi
au service de l’amélioration
continue de la performance».
la rationalisation des espaces de travail
et de stockage au BIL. C’est enfin une approche très opérationnelle
(réunion quotidienne de phasage assurant que tout est en place pour
 Maître d'Oeuvre industriel d'Ariane 5, Airbus D&S intègre le lanceur au BIL ;
ici le hissage de l'Etage Principal Cryotechnique d'Ariane 5.
les jours à venir, dite réunion “debout” autour d’un état de situation
visuel : équipements attendus pour une opération donnée,
disponibilité des outillages…). La performance des processus ainsi
déployés est continuellement mesurée par des indicateurs sur les
points clé Sécurité, Qualité, Coût, Délais, Personnel, avec un système
visuel vert et rouge et dont, bien entendu, les résultats sont exploités
pour s’améliorer en continu.
«L'objectif demeure au final d'être au service de notre client Arianespace
et des campagnes d’intégration, toujours plus performants, plus compétitifs
et plus innovants, tout en garantissant la qualité du lanceur et sa fiabilité,
mais aussi en garantissant la maîtrise de la sécurité et des conditions
de travail » résume le Directeur d'Airbus Defence & Space en
Guyane, avant de conclure : «Nous contribuons ainsi à la performance
d’Ariane au sein de la Base spatiale».
Boosters chargés de propergol par Regulus, EAP intégrés
par Europropulsion, le lanceur Ariane 5 intégré par
Airbus Defence & Space arrive sur son pas de tir.
Les citernes de LOX et de LH2 d'ALSG sont pleines
et prêtes à remplir l'EPC du lanceur.
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© P. BAUDON
 A gauche la SILPA, l’usine de production d’oxygène liquide et d’azote qu’elle extrait de l’air. A droite, l’usine LH2 produit de l’hydrogène liquide à partir de méthanol.
En arrière-plan apparaissent le BIL, le BAF et Ariane 5 sur son pas de tir.
Cheminons encore un peu plus avant sur la route
de l'Espace pour voir apparaître les usines d'oxygène
et d’hydrogène liquides, respectivement LOX et LH2.
Ces fluides cryotechniques, comburant et carburant
de l'EPC et de l'ESC d'Ariane 5 (mais Soyuz utilise
également du LOX), sont produits par Air Liquide
Spatial Guyane, qui alimente par ailleurs toute
la Base spatiale en fluides liquides et gazeux. Avec des produits
particulièrement volatiles et cryogéniques, la gestion des stocks
est cruciale pour ALSG.
pour le LH2. « Nous nous calons sur les dates de lancement de façon
à être à stock plein au moment du tir, tout en conservant une marge
de sécurité pour les éventuels incidents techniques. Nos produits requièrent
des conditions spécifiques pour être conservés ; par exemple l'hydrogène
liquide se vaporise rapidement, d’où l’importance d’optimiser nos
“marche/arrêt” d’unité pour limiter les pertes» entame Olivier Swiergiel,
Responsable des usines d'ALSG.
« Chaque unité de production est pilotée par un système numérique
de contrôle commande, sous l’œil vigilant des techniciens de production.
© JM. GUILLON
ALSG, alias Cryo Man
Capacité de production
quotidienne d'ALSG
© JM. GUILLON
Produire des fluides cryo
> 30 000 l de LH2
Techniquement, oxygène et > 50 000 l d'O2 et 30 000 l d'azote
azote sont extraits de l’air puis ou 20 000 l d'O2 et 60 000 l d'azote
(selon besoins et en fonction des
liquéfiés pour être stockés stockages)
dans des réservoirs cryogéniques. Le cycle est plus compliqué et plus long pour le LH2
à base de méthanol -dont il faut séparer les molécules- et d’eau
déminéralisée. Compresseur, booster, turbines, pompe, tout cela
réclame des moyens mécaniques importants.
 Avec des process variés et une palette d'instrumentation, ALSG travaille avec
des liquides et des gaz, dont aucun ne réagit de la même façon.
La surveillance de nos sites et des paramètres de sécurité est permanente.
Pour cela, un système de surveillance automatique suit des paramètres
clé du process, et permet d’alerter l’astreinte en cas de déviation de
ces paramètres et, le cas échéant, d’arrêter les installations en sécurité »
souligne le responsable des usines.
 Pour sa production, ALSG utilise et entretient des moyens mécaniques importants,
comme ici le compresseur de l'usine LH2.
Un lancement Ariane 5 nécessite à J0 620 000 litres de LOX et
1 400 000 l de LH2 plus, en stock à J+3, 160 000 l de LOX et
320 000 l de LH2. Cela représente environ 60 jours de production
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Parallèlement, ALSG alimente Réseau de distribution des gaz
le CSG en air, hélium et azote > Réseau général : air 7 bars (ba),
à différentes pressions grâce hélium 200 ba, azote 250 ba
> Réseau Soyuz : air et azote
à un réseau de canalisations, à 400 ba, hélium 600 ba
une activité quotidienne
importante pour un service continu.
© JM. GUILLON
d’un projet de véhicule fonctionnant à l’hydrogène H2 ». Parallèlement,
ALSG échange avec son fournisseur d’énergie pour optimiser
ses consommations.
Autre point clé d’optimisation, l’hélium, généralement une
ressource fossile dont les livraisons dépendent de sources externes
et des livraisons maritimes. « Produit rare et couteux, l’hélium est
particulièrement volatile. Un outil stratégique, Hélial, nous aide à limiter
les pertes en re-liquéfiant les vapeurs de gaz que nous récupérons au
maximum. C'est un réel poste d'économie !» explique Olivier Swiergiel.
© JM. GUILLON
Pour tout cela, ALSG s’appuie sur une équipe locale qui constitue
un socle de par ses compétences et connaissances des installations
« Pour entretenir les compétences, ALSG met à profit ses bases arrière
en métropole où les personnels peuvent échanger et découvrir d'autres
méthodes, d'autres matériels, tout simplement élargir leur vision. Complété
par des formations extérieures,nous développons également un tutorat
qui permet de découvrir les 40 modules du “carnet d'opérateur” que suit
tout nouvel arrivant. Une équipe est dédiée aux “Activités Service”, à savoir
le transport et la mise en œuvre des produits depuis les usines jusqu’aux
zones de lancement et autres bâtiments» décrit Olivier Swiergiel.
Chez ALSG, tous les stockages sont soumis à inspection.
© JM. GUILLON
Optimiser
Depuis mi 2013, ALSG utilise pour le suivi des performances
du SILPA, l'usine de production LOX, un outil informatique
nommé Daily Energy Management. Selon Olivier Swiergiel, «à partir
d’une modélisation réalisée sur la base de marche optimum en terme
de production et d’énergie, cet outil nous permet de comparer au jour le jour
le fonctionnement du SILPA et de le situer par rapport à ce modèle.
Le “rouge” traduit généralement un disfonctionnement important comme
une perte de performance machine, le “orange” plutôt un mauvais réglage
de l’appareil, et le “vert” signifie que les performances attendues sont là.
Ce système nous permet donc un réel gain d’optimisation en détectant
rapidement fuites et pertes d'énergie. L’objectif pour 2014 est de mettre
en place cet outil pour l'usine LH2. D’autres améliorations sont en cours
d’étude comme la récupération des pertes par vaporisation de LH2 au profit
 Pour gérer au mieux les 2 stocks d'Hélium liquide (100 000 l chacun),
Philippe Gaillot paramètre l'Hélial qui permet de reliquéfier les vapeurs d'hélium
qui s'évaporent. «Grâce à cet équipement, nous pouvons avoir une chronologie
d'avance» assure-t-il.
Enfin, «promouvant l’amélioration continue en matière de sécurité, ALSG
encourage ses sous-traitants à adhérer à la démarche MASE. Nous valorisons
régulièrement les équipes ALSG et sous-traitants sur l’engagement sécurité,
c’est un véritable levier de reconnaissance» apprécie Olivier Swiergiel. 4
MASE,
Manuel d’Amélioration Sécurité des Entreprises
MASE est un système de management dont l’objectif est l’amélioration
permanente et continue des performances Sécurité Santé Environnement
des entreprises.
 «Nos installations réclament une vigilance de tous les instants» déclarent Olivier
Swiergiel, responsable des usines d'ALSG, et Romain Migeon, responsable
de production LH2, du sommet de la boîte froide sous vide de l'usine LH2.
C’est un système d’industriels au service des industriels qui cherche à :
 améliorer la sécurité au travers d’un système de management adapté
à l’entreprise.
 mieux s’organiser, mieux communiquer, en améliorant les conditions
d’intervention des salariés.
 mettre en place un langage commun afin de progresser ensemble.
[www.mase-asso.fr]
LATITUDE 5 / N°103 / FEVRIER 2014 /
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© C CHAPIN

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