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Journal de l’Orchestre national d’Ile de France
7 IMPRESSION
« La Flûte enchantée »
9 LE COIN DES MUSICIENS
Les Mille et un sons
»5
édito
JAN. - FÉV. 2004
4 DANS L’AIR DU TEMPS
INTERVIEW
Profession : amoureux
du spectacle
7 IMPRESSION
THEMA
Entretien entre
Lukas Hemleb
et François Regnault
12 IMPRESSION
THEMA
Pourquoi La Flûte enchantée ?
Par définition, notre orchestre n’a pas pour
priorité de jouer le répertoire lyrique : notre
répertoire de prédilection est essentiellement
symphonique, allant à peu près de Bach
jusqu’à nos jours, en moyenne ou grande
formation. Il serait cependant malheureux de
ne pas jouer des œuvres d’une insurpassable
beauté, telles que La Flûte enchantée, Pelléas
et Mélisande et bien d’autres. Pour un
orchestre, quoi de plus extraordinaire que de
jouer le Choral des Hommes d’armes, le trio
de Cosi fan tutte ou le mélologue de Zaïde ?
L’envers du décors
14 ÉMOTIONS
CHRONIQUE DE
GOLLIWOGG
Retour vers l’avenir
«Pulcinella »
16 LE COIN
DES MUSICIENS
INTERVIEW
Les Mille et un sons
19 À PROPOS DE
AGENDA
20 NOS CHOUCHOUS
PARTENARIATS
ET OFFRES
22 RUBRIK LUDIK
MOTS CROISÉS
Directeur de la publication
Marc-Olivier Dupin
Rédacteur en chef
Emmanuelle Lucchini assistée de
Anne-Laure Henry-Tonnerre
Conception graphique
NH&DC
Maquette
SB
ISSN : 1638-976X
Ci-contre : affiche de la saison
© David Coulon
En couverture : Timbales
Au-delà de la qualité musicale intrinsèque de
ces œuvres, le travail avec les chanteurs, un
metteur en scène et la myriade de corps de
métiers qui l’accompagnent (décorateurs,
costumiers, habilleurs, éclairagistes,…)
demeure une expérience unique.
De plus, La Flûte enchantée a la particularité
d’être un chef-d’œuvre tellement universel
que nous aimerions que notre mission lui
corresponde: toutes et tous, petits et grands,
peuvent en apprécier les beautés et trouver
les niveaux de sens qui les émerveillent.
La production que nous vous invitons à
découvrir reprend une bonne partie de la
distribution de la version présentée au
Conservatoire National Supérieur de
Musique de Paris, en 2002, comme aujourd’hui dans la mise en scène de Lukas
Hemleb, et dirigée par Alain Altinoglu. La
jeunesse des chanteurs, leur énergie et leur
talent, donnent une vivacité et un ton qui
auraient ravi autant Schikaneder que Mozart.
Voici quelques-unes des raisons pour
lesquelles l’Orchestre National d’Ile de France
s’engage avec passion, une fois l’an au moins,
sur le navire opéra.
Marc-Olivier Dupin, directeur général
4
DANS L’AIR DU TEMPS
INTERVIEW
DANS L’AIR DU TEMPS
INTERVIEW
Profession :
amoureux
du spectacle
Olivier Meyer, directeur du Théâtre de Suresnes
Jean Vilar. © Patrice Bondurand.
La fonction
»
Olivier Meyer, parleznous de votre fonction
de directeur de théâtre.
Je suis là pour composer un programme :
choisir des œuvres et des interprètes.
Le choix est donc au cœur de la fonction.
Il s’agit aussi de diriger une entreprise
comme une autre, qui est au service
d’une belle mission de service public :
l’entreprise théâtrale.
Le directeur de théâtre supervise donc
l’artistique, la gestion, la communication
et la technique. Mais c’est une vision
un peu froide de ce qui se passe.
Ce qui est également important dans
un théâtre, c’est l’esprit d’équipe
qui doit rejaillir sur le travail que l’on fait
avec le public et les artistes.
Le théâtre ne fonctionne pas simplement
parce qu’on propose un programme,
mais parce qu’on y insuffle un esprit.
Il y a une équipe et des artistes,
il faut que l’on sente que quelque chose
réunit tout ça, que ce n’est pas éclaté,
faire œuvre commune.
Depuis 12 ans, Olivier Meyer est à la tête
du Théâtre de Suresnes Jean Vilar.
Il nous parle de son expérience et de ses
coups de cœur.
Avez-vous le temps d’aller
au spectacle ?
Quand je ne suis pas ici, je sors
au théâtre, à l’opéra ou ailleurs,
et j’essaie de mettre le maximum de
chances de mon côté en sélectionnant
les spectacles que je vais voir.
Cela vous aide-t-il
dans vos choix
de programmation ?
Oui, mais je peux aussi faire simplement
confiance à l’artiste que je rencontre,
sans être nécessairement allé à
son spectacle. Pour les créations
notamment, on ne sait pas ce qu’il va
se passer. Rukmini Chatterjee par
exemple, artiste bengali, est venue
me voir, porteuse d’un bon projet.
J’ai vu des images de ce qu’elle avait
fait auparavant, et j’ai décidé de
travailler avec elle. Cela se passe aussi
comme ça, sur une rencontre.
Il faut faire œuvre
commune.
Il y a donc une certaine prise de
risque, mais cela me plait.
Pourquoi ?
Pendant 25 ans, j’étais à la tête de
Meyer production et, en tant que
producteur de spectacle, j’ai donné
5000 représentations en France et
à l’étranger. Mon métier, c’était de
produire des artistes, louer des salles,
attirer le public, équilibrer les budgets,
essayer de gagner de l’argent, en
perdre aussi parfois. J’aime ce jeu
de la prise de risque, et je continue à
le faire ici, au Théâtre Jean Vilar,
dans des conditions plus confortables
puisque je suis subventionné.
Comment arrive-t-on au poste
de directeur de théâtre ?
La culture a été pour moi une vocation
plutôt tardive. Après avoir été
journaliste, je suis devenu
directeur-fondateur d’une société
de production. Suresnes est arrivé
ensuite, sur la décision du maire
de la ville, Christian Dupuy.
La représentation
Comment se passent
les représentations ?
Il est fondamental de travailler dans
une bonne ambiance. Quand un artiste
est bien accueilli, attendu,
il sent que les conditions techniques
sont rassemblées, que le travail sur
le public a été fait, il se sent donc en
confiance, et va faire vivre le théâtre.
Cela donne alors des représentations
où il se passe quelque chose de
singulier, qui seront différentes des
précédentes. Mais la représentation
n’est pas seulement le fruit du travail
des artistes, c’est la somme d’un
certain nombre de facteurs : le public,
les conditions techniques, le type
d’accueil. Tout ce qui est périphérique
contribue à la beauté du cadeau final :
la représentation.
Votre rôle lors de
la représentation ?
Je suis pratiquement toujours présent
aux représentations. J’accueille le
public et les artistes, et dans les deux
cas, je le fais avec bonheur. Je trouve
mon métier formidable, malgré son lot
de complications. Il est fantastique
de pouvoir se dire que l’on crée
des moments qui sont particuliers, qui
sont des rassemblements de beauté.
Chaplin, Cocteau. Il y a aussi Laurent
Laffargue en théâtre, Angelin Prejlocaj
en danse, mais aussi des ensembles :
le Centre de formation lyrique, l’Opéra
de Paris… des rencontres avec
des interprètes, avec des musiciens,
des metteurs en scène.
La politique du public
Parlez-nous de votre
politique du public.
Cela fait douze ans que je suis là,
et on a réussi à créer un public qui est
attaché à ce lieu, qui EST ce lieu.
Notre public aime découvrir, ce n’est
Il est fantastique
de pouvoir se dire
que l’on crée des
moments qui sont
particuliers, qui
sont des rassemblements de beauté.
Vous souvenez-vous
d’une rencontre avec
un artiste qui vous ait
particulièrement marqué ?
La rencontre avec ma femme !
C’est une grande artiste. Je l’ai
épousée. C’est donc une rencontre
importante sur le plan privé.
Mais les belles rencontres sont multiples.
Nous travaillons actuellement avec
Roland Petit sur la production « Roland
Petit raconte… » où, avec six danseurs,
il va relater les rencontres qui ont été
importantes dans sa vie : Picasso,
La façade du Théâtre.
5
pas un public de consommateurs,
il est là parce qu’il a compris qu’il
pouvait faire confiance.
Il y a une pérennité des personnes
qui accueillent les spectateurs,
et une continuité dans l’esprit de
la programmation, qui crée un théâtre
singulier, dans un lieu singulier.
L’unique, voilà ce qui est important.
C’est ce que j’aime dans le spectacle
vivant, et je crois que l’artiste est
très lié à cette unicité, puisqu’il en est
l’originalité.
Que dire de l’emplacement
du théâtre, de sa proximité
avec Paris et sa profusion de
propositions culturelles ?
Le Théâtre Jean Vilar, avant les travaux
de 1990, recevait à peu près
4000 spectateurs par an. Nous en
recevons maintenant 40000.
Ce n’est donc pas le même théâtre,
ce ne sont pas les mêmes moyens.
Mais nous sommes dans une
configuration difficile : situé hors de
Paris, sans le métro, tout en étant
absolument limitrophe à cette ville,
avec son énorme attraction culturelle
6
DANS L’AIR DU TEMPS
INTERVIEW
IMPRESSION
THEMA : « La Flûte enchantée »
7
qui joue sur les habitants de Suresnes,
et les parisiens qui ne traversent pas
volontiers le périphérique.
Il a donc fallu créer un lieu singulier,
ouvert, et faire comprendre aux
habitants de Suresnes que notre
théâtre reçoit des artistes de tout
premier plan, dans des domaines très
différents : théâtre, danse, variété, etc.
Petit à petit, la confiance s’instaure.
Entretien
Théâtre, variété, danse
contemporaine et musique
classique.
Pourquoi une telle variété
dans votre sélection ?
Tous deux hommes de théâtre et d’opéra,
Lukas Hemleb et François Regnault se sont
entretenus sur la mise en scène de « La Flûte
enchantée » le temps d’une rencontre.
Je suis inspiré par les rencontres
avec les artistes et les œuvres.
À partir de ce qu’ils me proposent,
je construis ma programmation,
sans quota, et comme j’ai une volonté
de diversité, il y a un équilibre
stratégique à trouver avec
les contraintes techniques,
financières, et de calendrier.
La programmation se construit
donc en fonction de l’idée que
je m’en fais, rectifiée par
ces contraintes.
Et comment réagit le public ?
En général, les spectateurs sont
satisfaits du large choix qui leur est
proposé ici. Dans chaque domaine,
j’essaie de proposer l’excellence,
des artistes qui n’ont pas abandonné
leur rêve, qui sont souvent virtuoses
techniquement.
Je ne suis pas dans le concept,
mais dans la rencontre humaine.
Vous avez invité l’Orchestre
National d’Île de France pour
le programme « Vie et destin »
le 6 février 2004…
Plusieurs raisons m’ont poussé à
faire ce choix. Tout d’abord
l’excellence de la proposition
artistique : deux chefs-d’œuvre de
entre Lukas Hemleb
et François Regnault *
Lukas Hemelb.
Le hall d’entrée du Théâtre Jean Vilar.
Je ne suis pas
dans le concept,
mais dans la
rencontre humaine.
Beethoven et Tchaïkovski, et
la présence du soliste, le grand
Boris Berezowski. J’ai aussi souhaité
rendre hommage à la direction
de Marc-Olivier Dupin, qui donne
une nouvelle impulsion à l’orchestre.
De plus, ce qu’il faut à Suresnes,
ce sont des œuvres emblématiques,
des chefs-d’œuvre repérés,
Stravinski, Ravel, Bartok mais aussi
Beethoven, Bach… Au Théâtre
Jean Vilar, on a besoin de propositions
incontestables, car on ne peut pas
lutter contre l’incroyable attraction
parisienne, alors on joue la proximité.
Mon domaine d’action privilégié
n’est pas la musique dite classique.
Mais je tiens à ce que le concert
symphonique soit présent sous forme
de rendez-vous, on a absolument
besoin de cette beauté, de cette
grandeur. Mais je pense qu’il faut la
mettre en scène, créer de l’attractivité,
faire vivre cette musique comme
les danseurs classiques font vivre
leur répertoire. Pour cela, il faut utiliser
les moyens modernes : travailler
les lumières, accompagner par
un environnement moins uniforme,
théâtraliser la représentation.
Propos recueillis
par A.-L. Henry-Tonnerre
Le projet
»
François Regnault :
Comment vous est
venue l’idée de monter
« La Flûte enchantée » ?
Lukas Hemleb : Il se trouve qu’il y
avait suffisamment d’élèves capables
de chanter La Flûte enchantée dans
la section vocale du Conservatoire
National Supérieur de Musique de
Paris (trois filles étaient susceptibles
de jouer la Reine de la nuit et deux
garçons Tamino). Le projet était alors
possible, et il était aisé de trouver
le reste de la distribution.
De plus, en tant que metteur en scène,
La Flûte est une œuvre que l’on espère
toujours réaliser.
Et qu’est-ce qui
vous a poussé à le faire,
personnellement ?
Voir l’œuvre qu’on aime mal montée est
un élément déclencheur en théâtre.
Or j’ai vu tellement de Flûte enchantée
mal réalisées que je me suis posé la
question de savoir comment mieux faire.
C’est-à-dire ?
J’ai vu des mises en scène extrêmement
L’histoire
La Flûte enchantée est le récit du parcours initiatique qui doit mener Tamino et Pamina
vers la Lumière et la Vérité.
Perdu dans la forêt, menacé par un dragon, le prince Tamino est sauvé par les servantes
de la Reine de la nuit qui lui demande de délivrer sa fille Pamina des griffes de Sarastro,
qu'elle décrit comme un tyran.
Au terme de ce long parcours initiatique, au cours duquel Tamino reçoit l'aide de l'oiseleur
Papageno, et d'une flûte magique, le jeune prince découvre que Sarastro, qui incarne
les valeurs fondamentales des Lumières, a en réalité mis Pamina à l'abri de l’influence
néfaste de sa mère.
frustrantes, dans lesquelles certaines
questions étaient soit éludées,
soit médiocrement traitées.
Il faut dire que le cahier des charges
de cette œuvre est très vaste.
Très souvent les mises en scène de
La Flûte essaient de créer des
synthèses là où il n’y en a pas.
Or l’un des intérêts de cet opéra
réside dans sa propension à
« partir dans tous les sens ».
Tenter de créer une harmonisation
des contenus sur une telle œuvre
est donc un exercice intellectuel
qui peut être très réducteur.
C’est pourquoi la préparation
d’un tel projet commence par
une analyse de l’existant.
La mise en scène
J’ai lu que Mozart avait eu vent
de l’œuvre de Shakespeare,
mais il n’en a évidemment rien
tiré. L’idée d’une création
dans les faubourgs de Vienne,
où il quittait son public
ordinaire pour trouver un
nouveau public, le séduisait….
Il y a un côté très déterminé et très
volontaire de Mozart dans sa rencontre
avec le théâtre, c’est une question qui
m’a beaucoup intéressé.
Notre mise en scène a la particularité
de ne pas éluder les dialogues.
Dans les versions de La Flûte que
je connais (enregistrements et
8
IMPRESSION
THEMA : « La Flûte enchantée »
réalisations scéniques), on a tendance
à élaguer les dialogues, à couper
beaucoup le texte parlé, et je peux
comprendre pourquoi.
C’est un texte très difficile,
contrairement à ce que l’on pense,
l’écriture n’en est pas évidente.
À cette difficulté s’ajoute la couleur
dialectale. Or, dans l’opéra,
les distributions sont internationales,
et les chanteurs n’apprécient pas de
dire des textes dans une langue
étrangère. Il s’est donc établi un usage
où travailler les dialogues est devenu
exceptionnel, ce qui pose un vrai
problème dans La Flûte enchantée,
parce que l’histoire n’est pas
facile à comprendre, et le public
est très vite perdu.
De plus, le problème est aussi musical.
Comparons le langage de La Flûte
enchantée avec Les Noces de Figaro,
Don Giovanni et Cosi fan tutte, les
trois opéras écrits sur un livret de
Da Ponte, chantés en italien.
Dans ces trois opéras, la texture et
les articulations dramatiques sont
inscrites dans la musique.
Or dans La Flûte, ce n’est pas le cas :
on a l’impression que la musique
représente des moments d’inertie,
parce que toute l’action se situe dans
les dialogues. Ainsi, les versions où
les dialogues sont réduits au minimum
sont dépourvues d’alliage dramatique.
Les dialogues forment donc le relief
dramatique de l’œuvre, et ne se
limitent pas à éclairer les spectateurs
sur les évolutions de la trame.
Et les numéros musicaux forment
un contrepoint reposant, contrastant
avec ce qui se passe dans les chœurs
ou sur scène.
Prenons l’exemple des effets comiques.
Naturellement, ils sont situés dans
la musique, mais ils se trouvent aussi
et surtout dans les dialogues.
Ainsi, les dialogues de Papageno
(le rôle que jouait Schikaneder)
C’est un texte
très difficile,
contrairement à
ce que l’on pense,
l’écriture n’en est
pas évidente.
sont une partition de clown,
ils contiennent une part de théâtre
de foire qu’il est fondamental de
restituer, avec les contrepoints
que forment les scènes « de cour ».
Comment ces nombreux
dialogues ont-ils été perçus
par les chanteurs ?
On a la chance de pouvoir travailler
dans un esprit de troupe : nos
chanteurs sont pratiquement tous
français, et ils aiment communiquer
entre eux. De plus, ils se connaissent
depuis longtemps pour avoir fait
leurs études ensemble. Un certain
nombre d’entre eux suit en
permanence les cours d’Emmanuelle
Cordoliani, qui est mon assistante
sur La Flûte enchantée. Cela crée
une ambiance de travail très rare,
un esprit de troupe. Nous avons donc
décidé de jouer tous les dialogues
en français, tout d’abord parce que
le français est la langue de nos
chanteurs, et qu’ils devaient se frotter
au théâtre dans une langue qui leur
permettrait de s’approprier la matière
dramatique de façon personnalisée.
Ensuite, les dialogues en français
permettent au public d’entrer dans
l’histoire, d’y participer, de tout
comprendre et d’être dans cette situation
de partage avec les comédiens.
Avez-vous rencontré
des difficultés à faire parler
vos chanteurs ?
IMPRESSION
THEMA : « La Flûte enchantée »
Peu à peu, la culture du jeu et du théâtre
se construit dans le métier du chanteur,
à travers des metteurs en scène
qui font travailler le répertoire du
XXe siècle, mais aussi au conservatoire
où l’on étudie les questions du jeu.
Les chanteurs ont la volonté d’en
profiter. D’ailleurs le chanteur qui
interprétera Sarastro dans cette reprise
(qui n’avait pas créé le rôle au conservatoire) a auparavant joué au théâtre,
avec moi, et j’ai senti qu’il avait la
passion de l’acteur, et celle de l’opéra.
Les dialogues sont-ils établis
de façon très empirique ?
Non, ils sont très fiables.
On découvrirait peut-être des choses
si on faisait des recherches de
philologie. Nous avons utilisé la
traduction de Michel Bataillon, qui est
une genèse un peu particulière,
réalisée sur commande de l’Opéra de
Lyon. La Flûte enchantée est un opéra
qu’il n’est pas facile de traduire,
il est donc tout à fait merveilleux
qu’on ait pu utiliser ce travail.
Vous avez dit que vous aviez
rendu grave le burlesque et
drôle ce qui était grave…
On a essayé de ne pas négliger
les extrêmes, c’est-à-dire qu’on n’a
pas cherché à créer une unité là où
il n’y en avait pas. Quand Papageno
agit, c’est très souvent décadré,
déglingué, sauvage : quand la Reine
de la nuit est confrontée aux rébellions
de sa fille, ça devient strindbergien.
C’est justement dans les contrastes
que réside le fond de cette œuvre.
Jusqu’au glockenspiel
qui se déglingue…
9
La Flûte enchantée au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 2002.
Effectivement, cela en pose parfois.
On a donc fait quelques petites
inversions, en essayant avant tout
d’être cohérent. Mais, j’ai surtout
essayé de respecter la logique
de l’événement particulier qu’est
le passage de la langue parlée à
la musique, où se situe la facture
organique de l’œuvre.
C’est là qu’il faut un semblant d’unité,
lorsque quelque chose se dramatise
tellement dans le dialogue, que
la prochaine étape est inévitablement
une identification musicale.
les décors de La Flûte enchantée
comportaient la pire débauche de l’art
pompier. Nous sommes radicalement
à contre-courant de cette esthétique.
Avez-vous gardé le même
décor qu’en 2002 au CNSMP ?
Mozart
Oui, c’est la même scénographie.
A l’origine c’était un projet
pédagogique, l’accent n’avait donc
pas été mis sur les questions
scénographiques. Je voulais
un dispositif relativement simple et
efficace, qui mette le jeu en valeur.
J’avais très envie d’entrer en contact
avec cet opéra écrit et joué par un
homme de théâtre, renfermant un peu
de cette veine shakespearienne
qui tend à l’universel, car fabriqué
avec la matière même du comédien.
A la création, les affiches
présentaient « La Flûte
enchantée » d’Emanuel
Schikaneder, Mozart y étant à
peine mentionné dans le bas.
L’opéra était donné pour
un public populaire.
Cela impliquait un changement
de style, de lieu, de public…
C’est le reflet de Papageno qui
sombre dans l’éthylisme par désespoir.
Après la mort de Mozart,
il y eut en effet ces grands
décors magnifiques…
L’enchaînement des scènes
vous a-t-il posé problème ?
Il y eut une surenchère de faste
orientaliste, et au XIXe siècle
Et pour les costumes ?
Ils sont plutôt modernes, sans trop
de contemporanéité volontariste.
J’avais une volonté d’intimité (pas de
grands costumes), cela doit fonctionner
sur une touche personnelle, qui donne
la possibilité à chaque chanteur
de s’approprier son personnage.
Mozart a probablement voulu changer
de genre, ce qu’il a d’ailleurs fait deux
fois dans sa vie avec La Clémence de
Titus notamment, œuvre absolument
étonnante aussi. Il a certainement été
fasciné par les différents niveaux de
lecture de l’œuvre, destinée au premier
degré au tout public qui s’amuse
comme dans un chapiteau de foire.
D’autres lectures, plus approfondies,
s’adressent à des personnes initiées
à certaines questions qui préoccupaient
le compositeur. En outre, Mozart a du
être attiré par la création d’une œuvre
qui aurait une répercussion sur le
grand public, ce que beaucoup d’entre
nous peuvent comprendre. C’est donc
une œuvre populaire.
Vous avez rencontré
bien sûr la question de
la franc-maçonnerie ?
Naturellement. Avec beaucoup de
respect et de timidité, j’ai étudié ce flot
de littérature qui présente différentes
interprétations franc-maçonniques de
La Flûte enchantée. En plus de
la franc-maçonnerie, j’ai fini par trouver
une musicologie cabalistique !
Finalement, et je dirais cela presque
par provocation, j’ai découvert que tout
cela n’avait que peu d’impact.
En fait, je suis convaincu que Mozart
s’y est beaucoup moins intéressé
qu’on ne le dit. Un élément
déclencheur de la composition de
cette œuvre est effectivement lié à
cette question de la franc-maçonnerie,
mais cet opéra n’est pas un plaidoyer
anti-clérical et franc-maçonniste,
à la gloire de Sarastro.
Cela nous amène au problème du
revirement idéologique dans le
deuxième acte. Dans le premier acte,
la Reine de la nuit est présentée
comme une entité bénéfique, positive,
10
IMPRESSION
THEMA : « La Flûte enchantée »
IMPRESSION
THEMA : « La Flûte enchantée »
La Flûte enchantée au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 2002.
victime, opposée à un Sarastro cruel
et négatif, et tout s’inverse dans
le deuxième acte. Or, je suis convaincu
que Mozart ne jette aucun opprobre
sur la Reine de la nuit et ne fait aucun
éloge de Sarastro. Il ne fait, à l’instar
de Shakespeare et Tchekhov, que
constater le changement inéluctable
d’un monde. Il a le talent rare de nous
faire sentir le passage d’une époque à
une autre. En effet, il y a des étapes
devant lesquelles on ne peut reculer,
et Sarastro en représente une.
La Reine de la nuit a la mauvaise idée
de vouloir se rebeller contre une
instance du statu quo politique et
économique de la société, et elle s’y
casse littéralement les dents. Sarastro
incarne simplement la contrainte d’un
monde qui s’organise d’une certaine
manière, avec certaines valeurs
économiques et politiques inévitables,
un univers qui se modernise
en quelque sorte.
Je pense que Mozart nous dit
simplement qu’on ne doit pas
forcément aimer Sarastro,
mais qu’il est incontournable.
Les personnages
Entrons dans le détail.
Que diriez-vous sur les Trois
garçons, les Trois dames,
les Hommes d’armes, etc…
Suivons certains éléments au
fur et à mesure de leur entrée.
Pour les Trois garçons, on est
confronté à l’éternelle question de
savoir si l’on fait appel à de vrais
enfants. C’est toujours pareil :
on prend trois jeunes garçons d’une
maîtrise de département qui finissent
par trembler devant le chef d’orchestre
qui gronde ! Pour eux, il est ardu de
sortir les bonnes notes, qui sont de
toute façon faibles devant la grandeur
de l’espace et le poids de l’orchestre.
Naturellement, tout le monde souhaite
que ce soient des enfants, mais
paradoxalement tout le monde est
frustré lorsque c’est le cas...
Étant donné que nous étions dans le
cadre d’un projet étudiant, il n’était pas
question de prendre d’autres acteurs,
même si je trouvais cela intéressant
de travailler avec des enfants.
Et le serpent ?
Je souhaitais traiter la question du
serpent avec une touche d’humour,
sans tomber dans l’objet de foire ou
le dragon naïf. La solution de
ne faire exister le serpent que dans
le cauchemar de Tamino, comme
je l’ai vu faire dans une mise en scène
récente, ne m’a pas convaincu.
Le serpent est donc devenu un tuyau
d’extincteur des pompiers, dont
la morphologie est adaptée au jeu.
De plus, cela rejoint la légèreté du
théâtre de Schikaneder, sa façon
de penser les choses.
À la fin du deuxième acte, elle fulmine,
et l’on découvre la profondeur de sa
blessure, ce que cette femme a subi,
encaissé. Cela pose des questions
similaires à celles sur lesquelles
on réfléchit pour la mise en scène
de Médée, la mère infanticide.
Naturellement, le metteur en scène
va révéler tout le relief de
ses souffrances, de ses humiliations,
de ses blessures, afin d’expliquer ce
geste inexplicable. La Reine de la nuit
représente la même chose, dans
une vision beaucoup moins exotique.
Cet opéra nettoie mal, purge mal,
enterre mal ; les solutions qui sont
proposées à la fin sont loin d’être
apaisantes. C’est ce que je trouve
particulièrement intéressant et
théâtralement formidable.
Monostatos ?
Les Trois dames…
On s’est amusé à créer un certain
dynamisme féminin entre ces trois
personnages, contrairement à ce que
l’on a souvent vu, quand elles sont
vêtues de robes de cocktail, agissant
d’une seule voix, avec un impact
collectif sur Papageno.
Il y a en réalité de formidables enjeux
entre les Trois dames. Le comique
de leur scène provient de leur
individualité, leurs contradictions
réciproques, leurs désaccords.
La Reine de la nuit ?
La Reine de la nuit est un personnage
complexe, riche, plein d’affect,
sur lequel on a l’habitude de poser
un regard étroit, en raison d’un a priori
qu’on ne devrait pas avoir dans le
théâtre. Le rapport qu’elle entretient
avec sa fille est d’une intensité extrême,
à l’instar du rapport mère-fille en
général, qui est très complexe, explosif,
et riche en rebondissements. C’est un
régal pour moi d’explorer ces questionslà, car c’est une expérience sans fond.
C’est un peu pareil. La démarche
de Mozart peut sembler ambiguë.
Dans le choix des registres vocaux,
il est étonnant que Monostatos soit
un ténor léger. Du coup, il est traité
musicalement avec tendresse, et
avec une légèreté qui est en complète
contradiction avec son texte,
qui pourrait suggérer des registres
beaucoup plus caricaturaux dans
la méchanceté. C’est un rôle où
le statut de l’esclave et la frustration
inhérente à ce statut est très présent.
Monostatos joue à la fois dans
les registres du comique et de
la méchanceté sournoise. Rien n’est
pur, c’est toujours un mélange des deux.
Face à la bassesse la plus sournoise,
on cherche toujours à expliquer la raison
d’être de cet état de fait.
Papageno, Papagena …
Papageno constitue l’articulation
principale de l’œuvre : il a un pied dans
l’intrigue et un pied en dehors, comme
un dyade qui saute entre le public et
la scène. Une énorme recherche
Cet opéra nettoie
mal, purge mal,
enterre mal ;
les solutions qui
sont proposées à
la fin sont loin
d’être apaisantes.
théâtrale est donc nécessaire pour
ce personnage. Papagena lui est
semblable, et cela tient du miroitement
intérieur de l’œuvre.
Les Hommes d’armes ?
Ce groupe est une prolongation
de Sarastro, reconnu comme principe
normatif de la société tendant
inexorablement vers une modernité,
qu’on apprécie ou non. Les Hommes
d’armes en font partie. Dans une
scène, les dialogues entre Tamino et
Papageno, transposés aujourd’hui,
feraient penser à une mise en scène
de jeu télévisé, doté d’une valeur
initiatique pour la société (comme tous
les jeux télévisés). C’est pour moi
l’expression d’une certaine modernité
cruelle où, à travers le jeu, on se dirige
vers un reformatage du moral et
des façons de réagir de l’homme.
Qu’en est-il des rapports
de Tamino et Pamina, les deux
contrepoints amoureux ?
Cette histoire d’amour n’est pas naïve,
c’est une histoire d’amour décalée,
où les sacrifices demandés sont
énormes, et la réalité des rencontres
bien différente des rêves formés
au départ. C’est une histoire ponctuée
de désillusions et de tristesse.
11
La musique
Combien y a-t-il de musiciens
d’orchestre par rapport à
la formation d’origine ?
Il n’y a aucune réduction, nous jouons
la partition d’origine avec tout l’effectif,
plus le chef d’orchestre, qui joue
aussi du glockenspiel.
Quel est votre rapport
au chef d’orchestre ?
Alain Altinoglu, que je connais
depuis longtemps, est un musicien
extraordinaire. Lui et moi partageons
un vrai plaisir de la musique,
et il a le plaisir du théâtre comme
j’ai celui de la musique, donc nous
sommes en connivence.
Êtes-vous d’accord avec
Jean-Pierre Ponelle qui disait
qu’on ne pouvait mettre
en scène un opéra sans savoir
lire la partition ?
On peut très bien mettre en scène
un opéra sans savoir lire la partition,
j’en suis convaincu. Même si c’est plus
facile quand on connaît ou qu’on
entend la musique.
Est-ce que vous écoutiez
beaucoup « La Flûte » dans
une interprétation particulière
avant de monter cet opéra ?
Non, je le connais très bien, et
la partition est tellement lisible
qu’il n’est pas nécessaire de se baser
sur un enregistrement.
Y-a-t-il d’autres opéras de
Mozart que vous aimeriez
monter ?
Tous, non, mais il y en a beaucoup.
Comparons la mise en scène
de théâtre et la mise en scène
d’opéra…
Je vais essayer d’éviter de dire
12
IMPRESSION
THEMA : « La Flûte enchantée »
IMPRESSION
THEMA : « La Flûte enchantée »
13
suite de la page 11
un poncif… Idéalement, il n’y a pas
tellement de différence, et, de plus en
plus, j’essaie de trouver une façon de
travailler qui marche bien dans l’un
comme dans l’autre.
Tout d’abord, je pense toujours en
terme de musique, même quand
il n’y en a pas. Dans le théâtre,
je demande toujours à chacun de bien
percevoir le temps musical, ce qui est
très difficile à obtenir, notamment en
France, où nombre de comédiens ne
se sont jamais frottés à la musique.
J’introduis très souvent dans les pièces
que je monte un élément musical
qui s’adresse aux comédiens, si bien
qu’ils doivent automatiquement faire
un travail musical avec moi.
L’envers
du décor
Et, en général, les chanteurs
arrivent et ils connaissent déjà
leur texte, ce qui n’est pas
toujours le cas au théâtre.
La production
Disons qu’un chanteur, contrairement à
un acteur, ne peut pas répéter s’il ne
connaît pas son texte. Je trouve qu’il
est même très intéressant qu’un acteur
ne connaisse pas tout à fait son texte,
c’est ce que je demande à mes
comédiens. Mais un chanteur qui ne
l’a pas parfaitement appris est
handicapant pour la mise en scène
et pour lui-même.
* François Regnault, Maître de Conférences à
Paris VIII (philosophie, psychanalyse), écrivain
et traducteur, cofondateur avec Brigitte JaquesWajeman de la Compagnie Pandora.
Il a collaboré notamment à plusieurs œuvres
scéniques de Georges Aperghis,
ainsi qu’à un ballet de Maurice Béjart.
« La Flûte enchantée », c’est… 1 metteur en scène et
Cela constitue beaucoup
de travail…
La phase active
Oui. Il faut que tout soit parfaitement
coordonné pour que rien ne soit
oublié. Mon rôle, c’est aussi
de mettre en place un planning
cohérent, avec l’équipe de l’orchestre,
et le coproducteur (l’opéra de Massy),
et avec les théâtres qui nous accueillent.
Et on entre dans le vif du sujet.
1 assistante à la mise en scène, 16 solistes, 1 chef de
chœur et 24 choristes, 1 scénographe, 1 costumière,
3 habilleuses, 2 maquilleuses, 1 régisseur général et
plusieurs techniciens, 1 régisseur plateau, 1 machiniste,
1 chef d’orchestre et 46 musiciens d’orchestre !
Dominique Guerder, quel est
votre rôle dans la production
de « La Flûte enchantée » ?
Dominique Guerder : Je dirige cette
production, mon rôle est donc de
coordonner les aspects administratifs,
artistiques et techniques. Je suis aussi
le garant de la bonne mise en place
budgétaire de cette production.
Parlez-nous de « l’envers
du décor »…
Après la mise au point de l’aspect
budgétaire avec l’administrateur, nous
passons à l’engagement de l’équipe
artistique et des solistes.
Ensuite, il faut constituer la base de
l’équipe technique. Puis il faut poser
la question de la reprise du décor
et des costumes.
Le décor
Certains matériels ont donc
été stockés ?
Le décor a été conservé, mais
nous avons constaté qu’il fallait
le retravailler, ce qui a été fait aux
ateliers de construction du Théâtre
des Amandiers, à Nanterre.
Qu’en est-il du démontage
et du transport du décor ?
Ce décor a été constitué
d’une manière assez légère
(ce n’est pas un opéra de Wagner à
Bayreuth !). Il n’est pas forcément
aisé à manier, mais il est facile à
monter et démonter. Lors de
la dernière à Massy, on peut
considérer qu’en l’espace de
trois heures on aura démonté le décor
et qu’il sera prêt à partir pour
la phase suivante, avec les costumes,
dans un seul véhicule.
Revenons-en aux différentes
étapes de la production…
Viennent ensuite la lumière
et les accessoires qu’il faut recenser.
La question de la lumière est un peu
plus compliquée puisqu’on est dans
le cadre d‘une tournée, où l’on va jouer
dans plusieurs théâtres, dont chacun
aura des spécificités. Il faut donc
adapter le décor, le jeu et les lumières
en fonction de ces spécificités.
Les hommes
Combien de personnes sont
mobilisées pour ce projet ?
On peut dire qu’il y a presque cent
personnes. L’orchestre est d’ailleurs
à dimension variable en fonction
des capacités d’accueil des lieux.
Quels sont les moyens
humains et les différents
corps de métier ?
Le metteur en scène et ses assistants,
le scénographe, la costumière,
les moyens techniques (régie générale,
régie lumière, régie plateau et
machinistes), une personne pour gérer
les envois de surtitres en français,
voilà l’ossature centrale. En plus,
il y a un technicien-son, et une personne
pour la vidéo. Il y a aussi deux
maquilleuses et trois habilleuses.
En l’espace de
trois heures,
on aura démonté
le décor et il sera
prêt à partir pour
la phase suivante,
avec les costumes,
dans un seul
véhicule.
Un mois avant l’événement,
la direction artistique et technique
se réunissent pour faire un point final
sur chacun des lieux, pour les questions
d’organisation et de planning.
Trois semaines avant, les premières
répétitions des solistes avec le metteur
en scène commencent. Parallèlement,
les décors sont installés et les lumières
réalisées, puis ce sont les répétitions
scéniques avec orchestre à l’opéra.
Petit à petit, on constitue la globalité
du fonctionnement du spectacle
pour en arriver à la pré-générale,
la générale, puis la première.
Vous avez déjà travaillé
avec l’orchestre en
janvier 2003, pouvez-vous
comparer votre rôle sur
ces deux productions ?
Elles n’ont pas grand-chose à voir.
« Hi ! Broadway » était un événement
très éphémère qui, le temps d’un soir,
regroupait 1500 enfants. La gestion
de 1500 enfants n’a strictement rien
à voir avec la gestion d’artistes qui
connaissent leur métier. Pour La Flûte,
on est dans un contexte d’opéra,
pour lequel nous avons une certaine
expérience. Bien entendu,
il y a toujours des détails à régler,
mais cela reste très cadré.
Vous consacrez-vous
exclusivement à de grosses
productions ?
J’étais récemment au Japon avec
le petit ensemble de musique baroque
Richard Boothby et quatre danseurs
français, une petite forme. J’apprécie
aussi beaucoup de travailler dans cette
forme là, car on fait plus dans le détail.
Qu’en est-il du côté humain ?
Il est plus facile d’entrer en contact
Combien ?
3 heures
pour démonter le décor
40 personnes
à maquiller chaque soir
46 musiciens
d’orchestre
66 m3
pour le transport du matériel
100 personnes
sur la production
avec les gens dans ce type de petite
forme. Mais je pense que l’on ne
change pas fondamentalement
son état d’esprit, petite ou grande
forme, il est important de toujours
chercher une qualité de contact
humain, c’est aussi pour cela que
l’on fait ce métier.
Que pensez-vous de monter
des opéras aujourd’hui ?
L’opéra est un art total, où
pratiquement toutes les formes d’art
sont représentées. C’est une forme
très enrichissante en terme de mise
en place technique et artistique.
Le fait qu’un orchestre se lance
dans ce type de production permet
de décloisonner l’activité, les
musiciens ont l’opportunité de vivre
des expériences nouvelles et
enrichissantes.
Propos recueillis
par A.-L. Henry-Tonnerre
14
ÉMOTIONS
CHRONIQUE DE GOLLIWOGG
ÉMOTIONS
CHRONIQUE DE GOLLIWOGG
Retour vers l’avenir
« Pulcinella »
Pulcinella, c’est le nom italien de Polichinelle. Il a le nez crochu, mais il n’est pas
bossu comme en France. Habillé de blanc, il porte un masque noir. « On en était
resté au « Sacre », que l’on avait finalement acclamé après l’avoir accablé, et voilà
que Stravinsky nous servait un pastiche », dit Robert Siohan dans son « Stravinsky ».
«
R
etenir la subjectivité en
l’excluant – par exemple dans
les gracieux méfaits que Pulcinella
commet à l’égard de Pergolèse –
c’est le meilleur côté du Stravinsky
des années 1920, etc. » Les auteurs
du programme distribué à la salle
Gaveau le 5 décembre ont eu la bonne
idée de citer un long morceau
de l’étude du philosophe Adorno,
« Stravinsky et la restauration »,
qui constitue après « Schönberg et
le progrès » le second volet de sa
Philosophie de la nouvelle musique.
Toute l’admiration que j’ai pour
Adorno, l’un des philosophes qui
se soient le mieux confrontés à
l’esthétique moderne et sans doute
le seul qui, sur la musique, ait écrit
des analyses aussi informées et aussi
originales (Wagner, Mahler, Stravinsky,
Schönberg), ne m’a pas empêché de
m’emparer de cette phrase, de l’isoler,
et de me demander quel sens obvie
elle pouvait offrir à l’auditeur de
ce concert, où le chef d’orchestre
Martin Sieghart dirigea Pulcinella.
« Retenir la subjectivité », ici, veut-il dire
« la freiner », ou bien « la conserver » ?
L’auditeur un peu éclairé croit savoir
qu’à une période révolutionnaire
de Stravinsky (Le Sacre du printemps,
Pourtant, me dis-je,
Marcel Proust a
écrit des pastiches
magnifiques…
l’Oiseau de feu, Noces) a succédé
une période néo-classique, dont
Pulcinella est la première œuvre
caractéristique, libre à chacun ensuite
de trouver cette période délicieuse
ou réactionnaire. Le terme de
« restauration », utilisé par Adorno,
outre son allusion au retour opéré
par Stravinsky à Bach, Haendel,
Beethoven, Weber, Donizetti, Verdi
(comme l’indique Robert Siohan dans
son précieux petit livre sur Stravinsky),
a une connotation tout de même
péjorative. Reste que pour avoir été
favorable à la Restauration en France,
Chateaubriand n’en est pas moins
l’un des plus grands écrivains.
Évidemment, l’auditeur non prévenu
(catégorie toute fictive) trouve
un grand charme à Pulcinella.
Il lui semble sans doute entendre
quelque chose comme un pastiche,
le pastiche d’une musique qu’il n’aura
jamais entendue, et peut-être ne
dispose-t-il que du mot « pastiche »,
ce qui restreint considérablement la
question néo-classique.
Pourtant, me dis-je, Marcel Proust
a écrit des pastiches magnifiques,
mais, il est vrai, comme une sorte
d’exercice préparatoire à son grand
œuvre. Stravinsky a-t-il fait des
pastiches au sens de Proust ? Si c’est
le cas, pourquoi lui reprocherait-on
de s’être proposé un passage obligé
par des retours, que ce fût à Bach
(Œuvres de 1923-24), à Pergolèse,
à l’histoire de l’opéra (The Rake’s
Progress). Pour finir par un « retour à
l’École de Vienne », à laquelle, disait
un jour Pierre Boulez, il était évident
qu’il ne pouvait se rallier tant que vivait
Schönberg. Il aura même fait du
sérialisme un classicisme de plus.
pénétrer mieux dans l’économie intime
des grands créateurs. Même si
Stravinsky semble restaurer, ne peuton pas prendre cela pour un progrès
en un autre sens ? C’est ainsi qu’un
génie absorbe une conjoncture
qui se prête mal à l’invention ou
au bouleversement. Le disciple ardent
le lâche, et crie à la trahison, mais
l’inventeur sait à présent qu’il lui faut
assurer les fondements, renforcer
quelques remparts, creuser quelques
fossés annexes apparemment inutiles,
revenir à des sources cachées ;
il se prépare à d’autres inventions,
s’il en est capable. Il en va de
la création musicale comme de la
mathématique. On est Évariste Galois
à vingt ans, et on meurt en duel après
avoir rédigé dans la nuit qui précède
la solution générale algébrique de
toutes les équations du second degré
(c’est un peu le Mozart de l’algèbre),
mais s’il l’on se survit, il faut bien
devenir Cauchy ou Gauss, et assurer
à l’ensemble des mathématiques
de nouvelles assises…
La politique, la grande, elle non plus,
ne se divise pas seulement en
Révolution et Réaction. Elle a ses
crues et ses étiages, et il faut
distinguer les fleuves qui s’assèchent
de ceux qui prennent un nouveau
méandre. La fluide Pulcinella est
donc une œuvre qui dialogue peut-être
plus avec les œuvres précédentes
qu’elle ne leur tourne le dos.
Peut-être s’est-elle ce soir-là trouvée
faire fonction d’exercice pour un
orchestre qui devait ensuite exécuter
des oeuvres authentiquement
classiques, le Concerto n° 22 de
Mozart (en mi bémol majeur, K 482),
15
auquel Alain Planès sut donner des
cadences simples et belles, qui
reproduisaient dans leurs proportions,
et comme en abîme, les dimensions
mêmes de ce concerto extrêmement
inventif, et la Seconde Symphonie de
Beethoven (n°2, en ré majeur, op. 36),
qui semble elle aussi ébaucher à l’état
latent, en retenant, comme un cheval
cette fois-ci sa subjectivité,
toutes les splendeurs des grandes
symphonies à venir, les siennes,
d’abord, et toutes les autres,
que les siennes contiennent
en puissance, et à tout jamais.
Golliwogg
Theodor W. Adorno, Philosophie de
la nouvelle musique (1958), TEL Gallimard.
Robert Siohan, Stravinsky,
collection « solfèges », Seuil.
Pourquoi Cervantès, qui avait liquidé
tout roman de chevalerie à venir
dans Don Quichotte, a-t-il éprouvé
le besoin de finir son œuvre par ce
roman de chevalerie tardif, assez
« néo », peut-être le dernier du genre,
Persilès y Sigismunda, si difficile
à lire après le Quichotte ?
Mais peut-être de telles œuvres,
dites trop vite néo-quelque chose,
devraient-elles plutôt nous faire
Extrait de la partition
de Pulcinella.
16
LE COIN DES MUSICIENS
INTERVIEW
LE COIN DES MUSICIENS
INTERVIEW
Les Mille et un sons
Conversation à six avec
les percussionnistes et le timbalier
de l’orchestre.
Didier Keck, Gérard Deléger, Pascal Chapelon
et Jacques Deshaulle.
»
Quels instruments de
percussion jouez-vous ?
Gérard Deléger :
De par notre formation, nous sommes
capables de jouer de chaque
instrument. Mais on finit par se
spécialiser, et on choisit un instrument
en fonction de nos goûts :
instruments à peau, claviers, etc.
Les percussions sont
connues pour leurs différents
types de claviers…
G. D. : Les claviers que l’on utilise
principalement à l’orchestre sont
le xylophone, le vibraphone, le
marimba, le glockenspiel et les cloches
tubulaires. Le xylophone, par exemple,
est composé d’un clavier de piano en
bois et se travaille avec des baguettes,
dont le bout est soit en bakélite,
soit en bois, soit en caoutchouc dur
en fonction des sons à produire.
Le marimba est un xylophone grave,
joué avec quatre baguettes,
notamment dans la musique contemporaine, en raison de son étendue.
Jacques Deshaulle : Quant au
vibraphone, il comporte une pédale
qui étouffe et tire les notes, comme
pour le piano.
Techniquement, le point commun à tous
nos instruments est la façon de frapper :
les coups de baguettes doivent former
des sons relevés, et non plaqués,
ce qui n’est pas facile à assimiler.
Le nombre de baguettes
est-il variable ?
G. D. : Il varie en fonction des
instruments. Il faut deux baguettes
pour le xylophone et beaucoup plus
pour le vibraphone et le marimba.
Précisément, quels sont
vos profils de poste ?
G. D. : Je joue les claviers, c’est, à mon
sens, l’instrument le plus mélodique
dans la percussion.
J. D. : Je suis aux timbales, ce n’est
pas une spécialisation des percussions,
mais c’est le poste de timbalier.
Je fais aussi de la percussion en
musique contemporaine. En général,
j’ai cinq timbales, mais cela peut aller
de quatre à six. Par certains côtés,
la technique du clavier est très proche
de celle des timbales.
Pascal Chapelon : Je suis plus
intéressé par les instruments à peau :
la caisse claire notamment, mais aussi
les accessoires : tambour de basse,
triangle, castagnettes, tambour, etc.
Il y a différentes façons de tenir les
baguettes. La technique du tambour
est vraiment traditionnelle : chaque
coup est donné avec le poignet.
Pour la caisse claire (instrument plus
petit, avec des peaux plus tendues sur
son bois), on se sert du rebond naturel
de la peau.
Et la grosse caisse ?
P. C. : Elle se joue avec le pied.
Mais dans l’orchestre on utilise plutôt
la grosse caisse symphonique qui
se joue avec des mailloches,
à la différence des grosses caisses
à pédale jouées dans les batteries
d’orchestre de jazz ou de variétés.
Didier Keck : Quant à moi, je ne suis
pas spécialisé mais polyvalent.
Et dans la musique
contemporaine ?
D. K. : Il y a des milliers d’instruments,
tous très particuliers.
J. D. : Parfois on a même trop de
matériel. Certains compositeurs ne
réalisent pas toutes les potentialités
de chaque instrument, qui peuvent
être doublés inutilement. Mais les
compositeurs qui ont davantage
d’expérience savent éviter ces écueils.
D. K. : Notre travail consiste beaucoup
à traduire les intentions du
compositeur, à rendre possible ce
qui n’est qu’imaginaire.
C’est une gymnastique de l’esprit
assez complexe.
J. D. : Le répertoire du XXe siècle
contient de la musique de percussion.
Mais même dans ce répertoire, les
symphonistes (Dusapin, Dutilleux,
Messiaen) utilisent la percussion pour
donner des couleurs.
Historiquement, que
peut-on dire de la percussion
en général ?
G. D. : On sait qu’au Moyen Âge
il y avait une espèce de xylophone,
appelé claquebois. Mais on ne connaît
pas son aspect, même si on peut
l’imaginer composé de lames de bois…
J. D. : Il y avait alors un tas de choses :
les petites clochettes, les grands
tambours provençaux,
puis les instruments arabes.
C’est vraiment à l’époque classique
que tout change, quand les
instruments à percussion reviennent à
leur fonction originelle : la musique
militaire. Trompettes et timbales sont
donc arrivées dans l’orchestre
symphonique petit à petit.
On ponctuait alors le ton principal
de la symphonie avec les trompettes
et les timbales, toujours ensemble.
À partir des Romantiques,
elles commencent à se dissocier,
la percussion apparaît timidement.
Par exemple, Beethoven,
dans sa 9e symphonie, utilise
les instruments de la musique militaire,
à savoir le triangle, les cymbales,
la grosse caisse.
Et le glockenspiel ?
J. D. : C’était l’instrument de
la musique militaire allemande,
Timbales.
Une heure et demie
de travail par
jour par instrument,
à quoi s’ajoute
le solfège.
assez peu utilisé en France puisque
nous avions les fifres et tambours.
Le glockenspiel se joue d’une main,
et donne une couleur particulière.
Il existe également un glockenspiel à
clavier, celui que Mozart utilise
dans La Flûte enchantée.
G. D. : Il y a aussi le célesta, qui nous
incombe parfois, bien que souvent joué
par le pianiste. D’ailleurs, le piano est
aussi, d’une certaine façon, un instrument
à percussion, puisqu’il est frappé.
Quels sont les problèmes
majeurs que vous rencontrez ?
P. C. : Ce sont les problèmes de doigté…
G. D. : Il y a des limites techniques
pour réaliser ce que demande le chef.
Il faut trouver le bon doigté,
le plus pratique, qui sonne le mieux.
À cela s’ajoute le problème particulier
aux percussionnistes qui doivent
regarder la partition, repérer l’endroit
où ils jouent, et regarder le chef en
même temps. Les trois ensemble sont
parfois difficiles à réaliser.
P. C. : Il faut souvent agrandir les
partitions car, selon les instruments,
Glockenspiel.
17
on les joue de plus ou moins loin.
G. D. : Et quand on a quinze ou seize
instruments autour de soi, le pupitre
est difficile à atteindre.
J. D. : Particulièrement en musique
contemporaine, où l’on a souvent
plusieurs pupitres et, occasionnellement, il faut tourner plusieurs
pages dans plusieurs pupitres…
on n’a pas le temps !
Et avec les baguettes ?
J. D. : Il faut les poser dans un endroit
où l’on pourra les reprendre
rapidement. Certains compositeurs
prennent en compte cette difficulté,
d’autres ne le font pas.
P. C. : Indiquer de prendre telle
baguette, tourner la page de tel
pupitre… Ce sont des choses qui
ne se voient pas pour d’autres
instruments.
Je suppose que vous avez
des « trucs » pour contourner
les problèmes ?
D. K. : Il s’agit bien souvent de
« bidouiller » sur l’instrument
ou la partition…
J. D. : J’ai toujours un jeu de clés,
des tournevis, de quoi monter et
démonter, car sur les timbales
il y a beaucoup de mécanique.
Il faut pouvoir régler un problème au
dernier moment, et donc être
bricoleurs, inventifs.
Vibraphone.
18
LE COIN DES MUSICIENS
INTERVIEW
À PROPOS DE
AGENDA
Tambour ou Caisse claire,
ancien modèle.
Grosse Caisse nouveau modèle.
Il y a des œuvres dans
lesquelles vous n’êtes pas
sollicités, dans Mozart
par exemple.
J. D. : Il n’y a jamais de percussion
dans Mozart (sauf dans La Flûte
enchantée), mais il y a des timbales,
tout comme dans la musique classique
et à l’époque baroque. Je trouve qu’il y
a eu un appauvrissement des timbres
de l’orchestre à l’époque classique.
L’apparition de la sonate et de
la symphonie a été une manière de
recadrer d’une façon beaucoup plus
stricte. Mais les grands symphonistes
(Haydn, Mozart) trouvent le moyen de
s’amuser à l’intérieur de ce cadre rigide.
Et Berlioz ?
D. K. : On lui doit tout. Dans le Traité
d’orchestration, il décrit dix-huit instruments de percussion, me semble-t-il,
et c’était une petite révolution.
J. D. : De son temps, en France,
les bons timbaliers étaient rares.
Le timbalier de l’orchestre était
souvent un musicien à la retraite.
Pour Berlioz, c’était scandaleux.
Combien de timbales
dans son « Requiem » ?
D. K. : Il y a dix timbaliers et seize
timbales.
J. D. : Dans Berlioz, c’est surtout le
nombre de timbaliers qui est intéressant.
Dans La Fantastique, il y a quatre
timbales et quatre timbaliers, ce qui
est très nouveau.
Cymbales.
Dans Wagner ?
J. D. : Dans la Tétralogie, il y a la
multitude des enclumes des
Nibelungen, et le timbalier doit avoir
une bonne santé physique.
Avez-vous souvent de longues
périodes d’attente ?
J. D. : Il ne s’agit pas de ne rien faire :
il faut compter les mesures,
pour ne pas louper son départ.
D’ailleurs on se donne des points
de repères, pour éviter de compter
jusqu’à cinq cents mesures !
Et certains chefs nous font des signes.
G. D. : On peut aussi marquer les
répliques d’instruments qu’on entend.
J. D. : Mais ce n’est pas très fiable.
Je préfère marquer des chiffrages
d’accords et des tonalités.
Quel est le rapport
des chefs d’orchestre
aux percussions ?
G. D. : On a besoin qu’il nous fasse
signe.
J. D. : Mais il est arrivé qu’on attende
un geste qui n’est pas venu…
on s’apprête à jouer, on va jouer,
et le geste ne vient pas, on ne joue
pas, et on aurait du jouer.
Comment êtes-vous venus
aux percussions et timbales ?
G. D. : J’ai commencé par le piano
puis j’ai choisi la percussion. À 19 ans
j’ai intégré le conservatoire de Paris.
À l’époque, on y travaillait le
vibraphone, les timbales, le xylophone,
la caisse claire (c’est toujours cette
base aujourd’hui), ce qui demande une
heure et demie de travail par jour par
instrument, à quoi s’ajoute le solfège.
À la maison, on travaillait soit sur
des xylophones de location soit sur
des tampons (cercle sur lequel est
tendue une petite peau, sur une
mousse étouffant le son).
Le résultat que l’on a sur le tampon est
pratiquement identique, et on arrive à
travailler la technique, le mouvement,
les coups, etc.
J. D. : Pour les timbales, je travaillais
la technique du poignet à la maison sur
des silencieux, c’est-à-dire des Tintin
et des bottins de téléphone empilés.
D. K. : Quant à moi, je suis batteur de
jazz et rock, autodidacte, et je me suis
inscrit dans un conservatoire très tard.
Il a fallu travailler beaucoup puisque
j’ai tout fait en même temps.
P. C. : Personnellement, ce n’est pas
la percussion que je voulais faire au
départ. J’ai fait du piano, puis de
l’accordéon, et ensuite je me suis senti
attiré par la batterie. Je suis donc
allé au conservatoire pour des cours
de percussion, tout en continuant
les batteries.
En quoi la batterie est-elle
différente des percussions ?
P. C. : La technique, la façon de travailler et le répertoire sont très différents.
Et l’improvisation libre ?
P. C. : Comme dans beaucoup de
styles de musique, il y a un rythme
de base, et ensuite c’est au musicien,
selon ses capacités, de jouer sur
la base imposée par le compositeur.
Et vous, Jacques, quelle est
votre formation ?
J. D. : Comme Pascal, j’ai commencé
très tôt, à quatre ans, avec
l’accordéon, puis je suis allé à l’école
Nous sommes
« auto-nuisants »
19
JANVIER-FÉVRIER
du spectacle où j’ai appris le piano.
J’aimais jouer du Bach, et écrire de
la musique. Ensuite, la percussion
m’a plu, je suis entré au conservatoire
à 14 ans pour l’harmonie et
les percussions.
Dans l’orchestre, vous
entendez les cuivres plus
que les bois…
J. D. : Il n’y a que les cors que l’on
entende beaucoup, car on a le pavillon
devant.
D. K. : Étant au fond, on n’a pas
de nuisance… Mais nous provoquons
nous-même les nuisances…
Nous sommes « auto-nuisants ».
Comment se passent
vos répétitions en orchestre ?
La Flûte enchantée
Mozart
direction Alain Altinoglu
mise en scène Lukas Hemleb
livret Emanuel Schikaneder
Massy (91)
vendredi 9 janv. / 20h
dimanche 11 janv. / 16h
mardi 13 janv. / 20h
G. D. : On se répartit le travail ; dans
certaines œuvres, il ne faudrait que
deux percussionnistes, mais il y a
une telle étendue d’instruments qu’on
décide entre nous de faire une
troisième partie. On crée alors
une ligne de front des percussions,
à l’intérieur de laquelle on voyage.
Opéra de Massy
Rés. 01 60 13 13 13
C’est vous qui décidez de
la place des instruments ?
Théâtre de Corbeil-Essonnes
Rés. 01 60 89 75 57
P. C. : Nous les organisons pendant
les changements de plateau.
D. G. : Mais certains compositeurs
imposent une place spécifique.
J. D. : Et même si les régisseurs
mettent tout en place, nous devons
nous organiser, si bien qu’on arrive
longtemps à l’avance, et que
les entractes sont consacrés à
l’installation !
Lorient (56)
vendredi 23 janv. / 20h30
Propos recueillis par
François Regnault
et A.-L. Henry-Tonnerre
Cergy-Pontoise (95)
vendredi 16 janv. / 20h30
samedi 17 janv. / 20h30
L’apostrophe / Théâtre des Louvrais
Rés. 01 34 20 14 14
Corbeil-Essonnes (91)
mardi 20 janv. / 20h45
Grand Théâtre
Rés. 02 97 02 22 77
Combs-la-Ville (77)
dimanche 25 janv. / 17h
La Coupole
Rés. 01 60 34 53 60
(version de concert)
Chou, bijou, joujoux
Bizet, Debussy, Sciarrino
direction Tito Ceccherini
soprano Sonia Turchetta
Paris (75)
samedi 31 janv. / 20h
Cité de la musique (en coproduction)
Rés. 01 43 68 76 00
Maisons-Alfort (94)
dimanche 1er fév. / 16h
Théâtre Claude Debussy
Rés. 01 41 79 17 25
Vie et destin
Beethoven, Tchaïkovski
direction Moshe Atzmon
piano Boris Berezowski
Suresnes (92)
vendredi 6 fév. / 21h
Théâtre de Suresnes, salle Jean Vilar
Rés. 01 46 97 98 10
Paris (75)
samedi 7 fév. / 20h
Théâtre Mogador
Rés. 01 43 68 76 00
Fontainebleau (77)
dimanche 8 fév. / 16h
Halle de Villars
Rés. 01 64 22 26 91
Le Perreux (94)
jeudi 12 fév. / 20h30
Centre des Bords de Marne
Rés. 01 43 24 54 28
Beynes (78)
vendredi 13 fév. / 20h30
La Barbacane
Rés. 01 34 91 06 58
20
NOS CHOUCHOUS
PARTENARIATS ET OFFRES
21
AVANTAGES ATHENEE
AVANTAGES ODÉON
AVANTAGES
FONDATION CARTIER
THEATRE LOUIS JOUVET
THÉÂTRE DE L’EUROPE
THÉÂTRE DU ROND-POINT
POUR L’ART
L’événement
auquel
vous participez
est parrainé
par
Télérama.
CONTEMPORAIN
Square de l’Opéra Louis-Jouvet
7, rue Boudreau - 75009 Paris
Eva Peron
Aux Ateliers Berthier
8, Bd Berthier - 75017 Paris
M° ou RER Porte de Clichy
www.theatre-odeon.fr
Salle Renaud-Barrault
Théâtre du Rond-Point
2 bis, av. Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
de Copi
du 14 janv. au 14 fév.
mise en scène Gloria Paris
avec Christine Gagnieux, Edith
Scob, Alain Gautré, Bruno Fleury,
Nathalie Lacroix
Femme de dictateur, actrice à ses
heures, un rien madone, glamour
toujours, Eva Peron traverse
l’Argentine et l’Histoire, adulée
des foules. Dans un huis clos
aux allures de cabaret,
les personnages s’affairent
en des numéros haletants.
Une variation en kitsch morbide.
Prix réservés aux abonnés sur
présentation de la Carte Pass,
valables sur toutes les représentations
(sur réservation et dans la limite
des places disponibles) :
# 23 € au lieu de 28 € en
orchestre / corbeille
# 13 € au lieu de 20 € au balcon
Prix réservés aux détenteurs et sur
présentation de la Carte Jeune :
# 14 € dans les conditions suivantes :
Moins de 27 ans. Le jour même,
sur place uniquement, une heure
avant le début de la représentation,
et dans la limite des places disponibles.
Mardi à 19h - mercredi, jeudi,
vendredi, samedi à 20h - dimanche à
16h (relâche exceptionnelle dimanche
18 janvier et dimanche 1er février)
relâche lundi.
Rés. 01 53 05 19 19,
du lundi au samedi de 13h à 19h
Orchestre OstinatO
Direction Mirella Giardelli
samedi 24 janv. à 16h
Concert gratuit
Suites et concerto pour clavecin
de Bach
Concerto grosso de Haendel
Tango de Piazzola
Rés. 01 53 05 19 19, du lundi au
samedi de 13h à 19h
La Cerisaie
Mein Kampf (farce)
d’Anton Tchekhov
de George Tabori
du 23 janv. au 28 fév.
du 16 janv. au 15 fév. à 20h30,
dimanche à 15h
mise en scène Georges Lavaudant
avec Gilles Arbona, Eric Berger,
Elise Berthellier, Hervé Briaux,
Laurence Cordier, Olivier Cruveiller,
Pascal Elso, Aline Le Berre, Philippe
Morier-Genoud, Sylvie Orcier,
Patrick Pineau et Marie Trystram
Quatre tranches de temps réel,
faussement simples. Une par acte
et par saison. La symphonie
nocturne et blanche, en quatre
mouvements, d’un long adieu à
la Cerisaie telle que chacun l’a
aimée. Pour Lioubov, elle a la
grâce gratuite de l’enfance, mais
c’est là que son fils s’est noyé.
Pour Lopakhine, elle vaut de l’or,
mais il faut la détruire à la hache.
Beauté stérile ou trésor à défigurer,
chacun porte en soi sa Cerisaie.
Et pour tous, l’avenir s’ouvre sur
les décombres de son charme.
Une « comédie » crépusculaire
et lumineuse, le dernier chefd’oeuvre de Tchekhov.
Offre spéciale pour les détenteurs
de la Carte Pass :
# 20 € au lieu de 26 € et 13 € pour
les moins de trente ans.
Pour les représentations du 23 janvier
au 1er février inclus, dans la limite
des places disponibles.
Réservation dès maintenant
au 01 44 85 40 37 ou par courriel
[email protected]
(merci d’indiquer deux dates
au choix par ordre de préférence,
ainsi que le nombre de places
souhaité et vos coordonnées
complètes).
Du mardi au samedi à 20h,
le dimanche à 15h.
mise en scène Agathe Alexis
avec John Arnold, Pierre Barrat,
Bruno Buffoli, Joséphine Derenne,
Philippe Hottier, Sarah
Karbasnikoff, Olivier Peigné,
Stéphane Schleininger,
Jean-Jacques Azulay
Oui, Madame, ça pourrait être ça
la poésie. Bavarder avec la mort
pour gagner du temps.
Un certain Adolphe Hitler, jeune
étudiant en peinture, débarque à
Vienne dans un asile de nuit.
Il y rencontre un juif colporteur de
Bible et de Kama sutra, Schlomo
Herzl. Un rendez-vous avec
l’inéluctable, mettant en scène
le couple improbable du futur
bourreau et de la future victime.
Offre spéciale pour les détenteurs
de la Carte Pass, sur présentation
de celle-ci.
# 1 place achetée à 12 € = 1 place
offerte du mercredi 21 janvier au
dimanche 1er février 2004
dans la limite des places disponibles
Rés. 01 44 95 98 21
261, boulevard Raspail - 75014 Paris
J’aime Cheri Samba
Trente-cinq tableaux réalisés
depuis 1990, dans lesquels
l’artiste, témoin et commentateur
de l’histoire et du monde, se met
lui-même en scène.
Télérama,
c’est un lieu
où chaque semaine
se rencontrent
toutes les cultures
qui font la culture.
Kelvin 40, un projet
de Marc Newson
Exposition singulière en ce qu’elle
accueille dans un contexte
culturel un objet modélisé selon
de hautes technologies
industrielles.
du 24 janv. au 2 mai 2004
Prix réservés aux abonnés sur
présentation de la Carte Pass :
# 3,50 € (tarif réduit) pour
ces deux expositions.
Président
Guy Dumélie
Directeur général
Marc-Olivier Dupin
Premiers violons
supersolistes
…
…
Violons solos
Stefan Rodescu
Bernard Le Monnier
Chefs d’attaque
des seconds violons
Jean-Michel Jalinière
Flore Nicquevert
Violons
Maryse Thiery
Christophe Mourguiart
Marie-Claude Cachot
Marie-France Flamant
Léon Kuzka
Odile Sagon
Sylviane Touratier
Marie-Anne Le Bars
Marie-Laure Calmels
Delphine Douillet
Julie Oddou
Brigitte Richard
Virginie Dupont
Jérôme Arger-Lefèvre
Anne-Marie Gamard
Jean-François Marcel
…
Bernadette Jarry-Guillamot
Pierre-Emmanuel Sombret
Geneviève Melet
Isabelle Durain
Yoko Lévy-Kobayashi
Altos
Muriel Jollis-Dimitriu
Renaud Stahl
L’île joyeuse
Ile, pour l’île-de-France,
cet immense territoire sur
lequel nous aimerions partager avec le maximum de
ses 15 millions d’habitants,
l’une des plus belles formes
d’art, la musique sympho-
Sonia Badets
Inès Karsenty
Chantal Ardouin
Anne-Marie Arduini
Frédéric Gondot
Solange Marbotin
Catherine Méron
Jean-Michel Vernier
Violoncelles
Frédéric Dupuis
Anne-Marie Rochard
Jean-Michel Chrétien
Jean-Marie Gabard
Bertrand Braillard
Béatrice Chirinian
Paul Pichard
Bernard Vandenbroucque
Contrebasses
Robert Pelatan
Didier Goury
Pierre Maindive
Jean-Philippe Vo Dinh
Philippe Bonnefond
Pierre Herbaux
Tom Gelineaud
Flûtes
Hélène Giraud
Jean-Michel Varache
Pierre Blazy
Piccolo
Nathalie Rozat
Hautbois
Jean-Michel Penot
Jean-Philippe Thiébaut
Cor anglais
Marianne Legendre
Clarinettes
Jean-Claude Falietti
Myriam Carrier
Clarinette basse
Alexandre Ringeval
Bassons
nique. Joyeuse, parce que
notre vision de la musique
est plus que jamais engagée et optimiste sur l’avenir du concert symphonique (à condition qu’on le
sauve). Enfin, Ile Joyeuse,
en hommage à l’un de nos
plus grands compositeurs,
Henri Lescourret
Frédéric Bouteille
Cyril Exposito
Cors
Jean-Claude Baillieux
Jean-Pierre Saint-Dizier
Jean Pincemin
Annouk Eudeline
…
Trompettes
Pierre Greffin
Nadine Schneider
Patrick Lagorce
André Presle
Trombones
Patrick Hanss
Laurent Madeuf
Matthieu Dubray
Michel Calmels
Contretuba / tuba-basse
André Gilbert
Timbales
Jacques Deshaulle
Percussions
Gérard Deléger
Pascal Chapelon
Didier Keck
Harpe
Florence Dumont
L’équipe administrative
et technique
Directeur délégué
Roland David
Administrateur
Catherine Delcroix
Assistante de direction
Annie Lanuza
Comptables
Annie Péan
Patrice Frantz
Chargée de missions
Emmanuelle Lucchini
Chargée de diffusion
Fabienne Voisin
Administrateur de production
Catherine Vauchelles
Secrétaire de production
Lyne Chambron
Chargée de communication
Karen Leroux
Chargée de l’édition
Anne-Laure Henry-Tonnerre
Chargée des relations
avec les publics
Margarida Batista
Attachée de presse
Marie-Hélène Arbour
Secrétaire de communication
Consuelo Senis
Chargé des actions
éducatives et culturelles
Jérôme Antoine
Régisseurs du
personnel artistique
Bernard Chapelle
Violaine de Souqual
Régisseur général
François Vega
Régisseurs techniques
Didier Theeten
Adrien Husson
Mickaël Theeten
Chargée du service intérieur
Marie-Béatrice Bertrand
Bibliothécaire
David Stieltjes
Standardiste
Ana Lopez
Claude Debussy. Merci
à François Regnault d’en
avoir trouvé le titre… Merci
aux artistes et à l’équipe
administrative et technique de transmettre une
image vivante et belle de
notre orchestre.
Marc-Olivier Dupin
22
RUBRIK LUDIK
MOTS CROISÉS
Horizontal
1. Pièces pour piano non préparées ? 2. Appui pour le violoniste,
même s’il ne joue pas comme un pied. L’une des quatre filles de
Vivaldi. 3. Marcellus pour Pelléas. Début d’arrêt. 4. Pour se
mettre d’accord. La première de Mahler. 5. Dans le coup. Tentative de fugue. 6. Début de ballade. Elle est de la revue. 7. Avec
l’archet. Presque rien. 8. Pièce pour la nuit. 9. Elles sont
nombreuses en musique, mais une seule est en soie.
1
2
Vertical
I. A traversé la Méditerranée avec Rossini. II. Dernier mot de
l’Enfant et les Sortilèges. Langue de troubadour. III. C’est selon
Mallarmé et Boulez. Un homme de bon tempérament. IV. Dans
le Rhin, en remontant le cours. Pour la musique, c’est mercredi
et dimanche. V. Notre orchestre. C’est quand même un peu de
culture. VI. Tuba coupé en deux. A consulter si l’on entend mal.
VII. Gâteux désordonné. Négatif. VIII. Dont les temps sont divisibles par trois. IX. Note. Classement. 10. Club des sept.
3
4
5
6
7
8
9
Solution des mots croisés de L’île joyeuse n° 4.
1
2
3
4
5
6
7
8
bulletin d’abonnement »5
Pour recevoir L’île joyeuse gratuitement, retournez-nous ce coupon affranchi ou
téléphonez au 01 43 68 76 00 ou par e-mail : [email protected]
nom et prénom
n° et rue
code postal et ville
téléphone journée
e-mail
Orchestre national d’Ile de France : 19, rue des Écoles – 94140 Alfortville