Compte rendu atelier Aout 2011 Le jeun du Ramadan tc versus mnc
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Compte rendu atelier Aout 2011 Le jeun du Ramadan tc versus mnc
Les ateliers de l’Espace Volontariats Sénégal : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais Samedi 20 Août 2011 Problématique : Le ramadan constitue pour les musulmans un moment fort de dévotion autour de valeurs comme la piété, le partage, la solidarité avec les plus démunis. Ces valeurs constituent le socle de l’islam et doivent être suivies quotidiennement. Or, la réalité est souvent toute autre. On observerait un éloignement quotidien des prescriptions religieuses par bon nombre de personnes se réclamant de cette religion. C’est justement tout le sens du mois de ramadan : rappeler aux fidèles les valeurs cardinales de leur religion. La perception du mois de ramadan, sa compréhension ainsi que sa pratique, diffèrent, cependant, d’un fidèle à un autre, d’un environnement à l’autre. Quelles sont alors les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais ? Objectifs : Décrire les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais. Comprendre les spécificités et les particularités de ce mois, considéré comme béni pour 95% des sénégalais. Déroulement de la journée : 15h30 : Début de l’atelier dans les locaux de la Fondation Konrad Adenauer 19h30 : partage d’un ndogou traditionnel à la case. Intervenant : Djiby Diakhaté : Sociologue, professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, et Directeur des études de IAM (Institut Africain de Management). L’analyse et la présentation du thème ont été abordées autour de trois grands axes : - la société sénégalaise - le jeûne - l’après jeûne. Atelier Août 2011 : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais 1 Les ateliers de l’Espace Volontariats Sénégal : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais La société sénégalaise La société sénégalaise se caractérise par une pluralité de communautés et de groupes ethniques ayant chacune des traditions et des pratiques spécifiques. Cependant, on peut identifier un certain nombre de pratiques transversales : - LA GERONTOCRATIE Dans toutes les sociétés négro-africaines, les personnes âgées ont beaucoup de pouvoir et gèrent la communauté. La personne âgée est l’intermédiaire entre les « dieux » et le peuple. Ce sont les vieux qui savent ce que les dieux veulent, rôle pontife. D’ailleurs, un dicton wolof l’illustre parfaitement : ‘‘ Maggà dou Yalla wante yage na ak Yalla’’ ‘‘La personne âgée n’est pas Dieu mais elle a séjourné avec Dieu’’. - LA SACRALISATION DU MILIEU PHYSIQUE Les différentes composantes du milieu physique sont vénérées et respectées. Les éléments de la nature sont considérés comme des forces, ce sont des éléments protecteurs dans la mesure où on les respecte. Leur non respect expose l’individu à des sanctions voire à des malédictions. L’ouvrage des contes d’Amadou et koumba en est un exemple ; Exemple : Conte Sarzant le fou : Histoire d’un sergent sénégalais envoyé au Vietnam qui à son retour, cesse de respecter les forces de la nature et devient fou. - LES GROUPE PRIMAIRES Dans les sociétés traditionnelles, le village est un clan. La communauté est fondée sur la parenté, ainsi on observe une solidarité mécanique, selon la théorie du sociologue français Émile Durkheim. Les enfants de la communauté sont les enfants de tous les membres de la communauté. Atelier Août 2011 : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais 2 Les ateliers de l’Espace Volontariats Sénégal : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais - LA STRATIFICATION SOCIALE La société sénégalaise est marquée par une stratification castuelle, un système de caste. La caste renvoie à l’exercice d’une profession, certains noms sont directement apparenté à l’appartenance à une caste, au rang social et à l’activité professionnelle Exemples : Noble : Ndiaye, Diouf, … Forgeron : Thiam, Gueye, Seck, …. Griots : Mboup, Mbaye, …. (cf El Hadji Mansour Mbaye ‘‘ patron des griots’’) président de l’association des communicateurs traditionnels Cordonnier : Mbow, Gueye,… Bucheron : Sow Au Sénégal, il y a beaucoup de tabous autour de la vie sexuelle, par contre la caste de Laobé est considérée comme libérée sexuellement, avoir une femme Laobé est symbole de chance dans les croyances. - LA FAMILLE ELARGIE En opposition à la famille nucléaire, la famille élargie est la règle dans les sociétés traditionnelles africaines. La maison est en fait une grande concession où sont présents les membres d’une famille de deux ou trois générations le monde vit ensemble. Malgré l’attachement aux valeurs traditionnelles, la société sénégalaise a connu de nombreuses mutations dues d’une part, à des facteurs externes comme la colonisation et l’islamisation et, d’autre part, à des facteurs internes, comme les conflits entre groupes. En effet si on laisse une société isolée, elle ne sera pas identique à elle-même indéfiniment. Ce sont les conflits internes qui occasionnent des changements. Le conflit est d’ailleurs au cœur de tout changement social. Cependant, ces conflits et mutations, n’ont pas affecté le substrat culturel existant au Sénégal. D’ailleurs ces facteurs internes et externes ont des conséquences sur la société sénégalaise. Leurs conséquences sur le ramadan ne sont pas en reste. Atelier Août 2011 : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais 3 Les ateliers de l’Espace Volontariats Sénégal : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais Le Ramadan Il est un des cinq piliers de l’islam. Il marque la société sénégalaise sur le plan politique, économique et social. L’essence du jeûne pour le croyant se trouve dans une perspective de l’ascétisme notamment en se détachant du monde sensible, en lui accordant peu d’intérêt. La pratique du jeûne consiste à : s’abstenir de manger et boire du lever au coucher du soleil, à s’abstenir de relations sexuelles, à respecter ses engagements, à faire le bien, à travailler plus .Voici brièvement les pratiques essentielles recommandées. Au Sénégal, cette période du ramadan est attendu par tous les musulmans pour des raisons diverses. La diversité des attentes procure au mois de ramadan toute son essence et sa spécificité. Un certain nombre de pratiques peuvent être observées durant le mois de ramadan et après. Durant le mois de ramadan, notons ces pratiques récurrentes : - - - Une forte ruée des populations vers les lieux de culte : toutes les couches de la population sont représentées durant le mois de ramadan dans les lieux de prière, ce qui n’est pas le cas, au cours de l’année. De même cette affluence diminue une semaine après le début du jeun. Intérêt élevé à la prière surérogatoire : certains fidèles accordent plus d’importance aux prières surérogatoires dites « nafila » qu’aux cinq prières quotidiennes. Les attitudes ostentatoires avec notamment des cures dents à la bouche, le port du chapelet au cou, les crachats. Recours à la dissimulation pour les jeûneurs de maison : Ce sont ces adultes qui font croire à leurs familles qu’ils jeûnent tandis qu’une fois sortis, ils se retrouvent dans les arrières cours des restaurants pour s’alimenter et se comporter après comme de véritables jeuneurs. L’observation du croissant lunaire qui se fait par les confréries avec en tête les personnes les plus âgées. Le réveil communautaire : les jeunes des quartiers réveil les jeuneurs, souvent à l’aide de tam-tam, en entonnant ‘‘Diouk lene wadje wadje diotna’’ ‘‘levez vous pour vous préparer’’. Pratique en recul observable majoritairement dans les quartiers populaires. Atelier Août 2011 : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais 4 Les ateliers de l’Espace Volontariats Sénégal : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais - - - - La rupture communautaire du jeûne dans les lieux de culte. Organisation de la nuit la plus bénie qui se déroule avec un tapage nocturne. La pratique des dons et contre dons : les dons ne sont pas étrangers dans la culture sénégalaise ; durant le mois de ramadan et à l’heure actuelle, ces dons communément appelés « sukeurou koor » sont devenus obligatoires et imposés par les belles familles. Ils s’éloignent de plus en plus de leur essence, de raffermissement des liens qui unissent la femme mariée à sa belle famille. Ils deviennent une contrainte pour les femmes mariées et une obligation pour les belles familles. La femme mariée en offrant des dattes, du lait, du sucre etc. (en quantité et en qualité) accompagnés d’une forte somme financière, aux beaux parents est sûre d’assurer « ses arrières » et de compter sur ces derniers pour intercéder en sa faveur en cas de conflit avec son mari etc. Animation dans les « grandes places » ou lieux publiques : ce sont des lieux de rencontre de jeûneurs pour « traquer le jeûne ». Pratique de jeux de cartes, jeux de dames et d’échecs sur les grandes places afin de ne pas sentir le poids du jeûne. Recul du phénomène de distraction ; les loisirs sont moins nombreux pendant ce mois Les conférences affaires : ce sont des conférences religieuses animées par d’illustres personnalités. Elles sont organisées par les femmes réunies autour des Dahiras. C’est l’occasion pour elle de récolter de l’argent en trouvant des sponsors. L’animation des centres commerciaux, 15 jours avant la korité ; L’après Ramadan L’après ramadan est le moment crucial pour les membres d’une même localité ou communauté de se retrouver autour : - De la prière à 9H le jour de la fête ; D’un repas communautaire le jour de la fête, des échanges de générosité entre chefs de famille, d’une quête de petits cadeaux pour les plus petits. Atelier Août 2011 : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais 5 Les ateliers de l’Espace Volontariats Sénégal : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais Questions et échanges L’analyse d’un tel thème a bien entendu suscitée des réflexions chez les participants. Ainsi, un certain nombre de questions ont été posées. 1- Les noms renvoient ils tous aux castes ? Dans une certaine mesure oui. Les noms permettent de connaître l’ethnie et également la stratification castuelle. Par contre avec les migrations, des mécanismes d’égalisation de noms venus du Mali par exemple ont été trouvés. Nous pouvons donner l’exemple de Diarra qui est l’équivalent de Ndiaye au Sénégal, Coulibaly qui a pour équivalent Fall. Ce mécanisme d’égalisation a pour souci d’intégrer le migrant, ce qui traduit d’ailleurs toute l’ouverture du peuple sénégalais. 2- Est-ce que chez les wolofs, il existe les cousins à plaisanterie ? Oui. Les cousins à plaisanterie facilitent les relations entre deux individus qui ne se connaissent pas. 3- A partir de quel âge doit-on jeûner ? A l’âge de 7 ans, les parents peuvent initier l’enfant à jeûner, (par la pratique du jeûne par intermittence ou à temps partiel) ; à 9ans l’enfant doit commencer à jeuner, s’il refuse il doit être contraint jusqu’ à être molesté. 4- Pour les fêtes religieuse il y a tous un cérémonial, mais depuis quand est apparu le côté ostentatoire? La colonisation a apporté la culture commerciale notamment avec l’introduction de l’arachide, les relations ont commencé à se définir autour de valeurs comme l’argent. On observe ainsi une importante prédominante des besoins de reconnaissance et d’estime, comme définie dans la pyramide des besoins de Maslow, il s’agit de monter que l’on a les moyens. 5- Quel est le rôle de la société wolof dans l’affirmation des pratiques ostentatoires ? Les pratiques ostentatoires existent dans toutes les ethnies. Atelier Août 2011 : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais 6 Les ateliers de l’Espace Volontariats Sénégal : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais Bibliographie J.Copans : Ethnies et régions dans une formation sociale dominée. Hypothèses à propos du cas sénégalais, in Anthropologie et société, vol2, n°1978 C. Coulon: Mobilisation islamique en Afrique noire in jeune Afrique plus n°6 mai-juin 1990 J.Copans: Les marabouts de l’arachide, l’harmattan, Paris, 1988 C. Coulon: Les musulmans et le pouvoir en Afrique noire, Karthala, 1993 B. Diop : la Société Wolof, les systèmes d’inégalités et de domination, Paris, Karthala, 1995 A. Diop : Nations nègres et cultures, Présence Africaine, 1972 Sheldon GELLAR: Sénégal : An African Nation between Islam and the West, Oxford, 1982. M. Magassouba: L’Islam au Sénégal: Demain les Mollahs? Paris, Karthala, 1985. LV. Thomas et R.luneau, La terre africaine et ses religions, Larousse université, 1975. Atelier Août 2011 : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais 7 Les ateliers de l’Espace Volontariats Sénégal : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais La Fondation Konrad Adenauer Konrad Adenauer est le premier chancelier de la République Fédérale d'Allemagne nouvellement fondée. Les orientations politiques fondamentales de son gouvernement (1949-1963) déterminent aujourd'hui encore la structure interne et l'orientation de la République Fédérale d'Allemagne en termes de politique étrangère. Konrad Adenauer 05 janvier 1876 - 19 avril 1967 La Fondation Konrad Adenaeur a commencé ses activités au Sénégal en 1976. Elle soutien l’Etat sénégalais dans ses initiatives de régionalisation, de décentralisation, elle œuvre pour la promotion du secteur économique privé et elle appuie diverses initiatives de renforcement de la démocratie et de dialogue au niveau de la société civile et des institutions. Plus d’informations : www.kas.de/senegal Atelier Août 2011 : Les pratiques sociologiques du jeûne chez les musulmans sénégalais 8