Diffusion des races améliorées: le rôle de l`insémination artificielle et

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Diffusion des races améliorées: le rôle de l`insémination artificielle et
Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1990, 9 (3), 795-810
Diffusion des races améliorées:
le rôle de l'insémination artificielle
et des transferts embryonnaires
A. MALAFOSSE *
Résumé: L'insémination artificielle et le transfert embryonnaire sont autant des
moyens de reproduction que des outils indispensables à la création et à la
diffusion du progrès génétique.
En ce sens, ils participent efficacement à la diffusion des races améliorées.
L'analyse de l'évolution des inséminations suivant les races exploitées en France
de 1960 à nos jours montre comment les éleveurs modifient leurs choix génétiques
en fonction du contexte économique.
L'insémination et le transfert embryonnaire ont aussi leur place dans les
schémas de sélection : évaluation des taureaux grâce au testage, plus grande
pression de sélection pour les mères à taureaux, raccourcissement de l'intervalle
de génération des reproducteurs.
Au total, le revenu des éleveurs est étroitement lié à la qualité du matériel
génétique qu'ils utilisent.
MOTS-CLÉS : Amélioration génétique - Elevage - Elevage des bovins Insémination artificielle - Transfert d'embryons.
Le premier souci de tout éleveur est d'assurer la reproduction de son t r o u p e a u
et donc de trouver le reproducteur mâle qu'il utilisera. Du succès de cette opération
dépend bien souvent son revenu.
Les moyens modernes de reproduction lui permettent d ' a p p o r t e r la génétique qui
garantira la qualité des produits. Aussi l'insémination artificielle et le transfert
embryonnaire sont-ils de puissants moyens de diffusion du progrès génétique et des
races les plus intéressantes à u n m o m e n t d o n n é .
Il est important de connaître le contexte d'utilisation de ces techniques pour
comprendre comment elles participent à la diffusion du progrès génétique.
De plus, elles font partie intégrante des schémas de sélection qui permettent de
créer le progrès génétique.
* Union Nationale des Coopératives d'Elevage et d'Insémination Artificielle (UNCEIA), 149 rue
de Bercy, 75595 Paris Cedex 12, France.
796
L'INSÉMINATION ARTIFICIELLE :
U N E TECHNIQUE MONDIALEMENT UTILISÉE
DANS LA PLUPART DES ESPÈCES D ' A N I M A U X DOMESTIQUES
L'insémination artificielle est une technique de reproduction utilisée sur tous les
continents, dans la plupart des espèces d ' a n i m a u x domestiques.
Elle concerne essentiellement les espèces bovine, ovine, caprine, porcine, équine,
les volailles - dindes, canards, poules - et les lapins.
Il est extrêmement difficile d'obtenir des données précises sur cette activité car,
les seules données disponibles ne peuvent provenir que de l'insémination pratiquée
par les centres d'insémination qui assurent la fécondation des femelles. Or, beaucoup
d'éleveurs achètent des doses qu'ils conservent dans leur propre «container» avant
de les utiliser à leur convenance ; il est, dans ce cas, alors difficile d'estimer le nombre
de femelles inséminées.
B o n a d o n n a et Succi (1) ont établi les dernières statistiques mondiales de
l'insémination artificielle.
Le Tableau I présente l'insémination artificielle bovine dans le monde (à l'exception
de la C E E ) .
Plus récemment, le C O P A - C O G E C A (4) a dressé les statistiques d ' I A bovine dans
les pays de la C E E . Le Tableau II donne la situation pour la C E E en 1988 et
l'importance relative de chacun des pays.
Avec 21,5 millions d'inséminations artificielles, l'Europe représente environ 2 0 %
de l'activité mondiale.
Le Tableau III m o n t r e les principales races de taureaux utilisées en insémination
artificielle en 1988. On voit que deux grandes races laitières dominent : la Holstein
avec 4 9 % du total et la Simmental avec 1 5 % du total.
Plusieurs autres races laitières, en général à double fin, lait et viande, occupent
une place intéressante : la Pie Rouge des Plaines (ou Meuse Rhein Ysel, ou Rotbunte,
suivant les pays), la N o r m a n d e , la Brune.
Les races bouchères, souvent utilisées en croisement industriel, occupent une place
honorable.
O n r e m a r q u e r a que les données sont souvent anciennes et que leur précision est
différente suivant les pays. Les Etats-Unis d'Amérique ne dorment, par exemple, que
les statistiques de vente de doses. O n estime aujourd'hui à 100 millions le nombre
de vaches inséminées sur la planète.
Le Tableau IV donne u n aperçu de l'insémination artificielle dans le m o n d e pour
les espèces porcine, ovine, caprine. L à encore, les données sont souvent anciennes
et disparates. Elles montrent toutefois l'intérêt porté à cette technique dans beaucoup
de pays ( 1 , 5).
Il est clair que les différences observées proviennent du contexte d'utilisation de
l'insémination. Schématiquement, on peut dire que l'insémination sert, soit à multiplier
«
797
les quelques reproducteurs mâles d'élite, soit à organiser la reproduction des femelles.
On peut préciser cette observation dans le cas de l'espèce bovine en prenant l'exemple
de la France.
TABLEAU I
L'insémination
artificielle bovine dans le
(à l'exception de la C E E )
Pays
Afrique du Sud
Argentine
Autriche
Botswana
Brésil
Bulgarie
Canada
Chili
Egypte (bovins)
Egypte (buffles)
Equateur
Etats-Unis d'Amérique
Finlande
Hongrie
Indonésie
Islande
Israël
Japon
Kenya
Koweit
Malaisie
Nicaragua
Norvège
Nouvelle-Zélande
Pologne
Suède
Suisse
Tchécoslovaquie
Thaïlande
Turquie
URSS
Nombre
d'inséminations
531 351
2 500 000
660 000
4 160
1 246 000
682 038
1 400 000
105 000
26 000
15 834
99 720
7 000 000
766 000
919 856
69 951
148 100
1 064 650
1 864 752
519 866
151
7 570
355 111
441 000
1 152 511
5 379 235
598 700
726 862
2 256 000
14 149
186 503
30 600 000
monde
% Population
inséminée
4.2
54,7
0,2
5,6
83,9
60
10
52
57,9
9,9
40
100
98
45,7
94,5
-
6
-
70,1
-
89,7
73
6
98
4,1
79
Année
1977
1977
1977
1977
1977
1977
1988
1976
1978
1978
1977
1987
1977
1977
1978
1977
1977
1977
1977
1977
1977
1978
1978
1986
1977
1977
1978
1977
1978
1977
1977
798
TABLEAU I I
Insémination artificielle dans la CEE
Activité par pays
IAP * 1988
Pays
Allemagne (République fédérale d')
Belgique
Danemark
Espagne
France
Grande-Bretagne
Grèce
Irlande
Italie
Pays-Bas
% / Total CEE
5 551 722
540 000
939 854
1 097 480
5 938 358
1 974 598
260 000
1 126 478
2 204 650
1 878 249
25,81
2,51
4,37
5,10
27,61
9,18
1,21
5,24
10,25
8,73
21 511 389
Total CEE
* IAP : Inséminations artificielles premières
LE CONTEXTE D E L'UTILISATION
D E L'INSÉMINATION ARTIFICIELLE
L'insémination artificielle a été le m o d e de reproduction privilégié p o u r les petits
élevages bovins français dès le début de la diffusion de cette technique, peu après
la seconde guerre mondiale.
Les conditions étaient en effet idéales pour garantir son succès dans ces troupeaux :
— t r o p peu de vaches p o u r justifier l'utilisation d ' u n taureau,
— facilité de mise en œ u v r e ,
—
nécessité de disposer de reproducteurs sanitairement irréprochables (6).
Cependant, les éleveurs ont très vite pensé à limiter la production de semences
en vue de l'utilisation en insémination artificielle des «meilleurs» reproducteurs, en
tentant d'utiliser pleinement la capacité extraordinaire de production de gamètes du
taureau pour une large diffusion.
U n pas supplémentaire gigantesque a été franchi avec la mise au point de la
congélation de la semence qui a permis de s'affranchir du temps et de l'espace pour
la mise à disposition des semences. L a mise au point des programmes de sélection
modernes en a été la première conséquence (9).
A u j o u r d ' h u i , l'insémination artificielle est le moyen privilégié de reproduction
des vaches laitières puisque 60 à 90 % de celles-ci sont inséminées dans les différents
pays européens.
799
L'utilisation de l'insémination artificielle avec des taureaux de races bouchères
s'inscrit dans u n contexte très différent :
- ou bien ces taureaux sont utilisés en croisement industriel sur des vaches laitières
et les produits engraissés pour être abattus,
- ou bien ils sont destinés à procréer des reproducteurs utilisés ensuite en saillie
naturelle ; l'impact génétique de ces inséminations est alors, bien sûr, très important.
TABLEAU I I I
Insémination artificielle dans la CEE
Activité par race
Races
IAP * 1988
Holstein
Simmental
Red and White
Charolais
Limousin
Normande
Brown Swiss
Blanc-bleu belge
Blonde
Piemontese
Hereford
Simmental
Angler
Angus
Asturiana
Jersey
Rubia gallega
Gelbvieh
Marchigiana
Abondance
Maine-Anjou
Chianina
Flemish Red
Shorthorn
Ayrshire
Valdostan
Grigia
Guernesey
Tarentaise
Vorderwald
Romagnola
Salers
Galloway
Autres
Total
V : viande
L
L
L
V
V
L
L
V
V
V
V
V
L
V
V
L
V
L
V
L
V
V
L
L
L
V
V
L
L
L
V
V
V
9
3
1
1
608 518
007 288
489 493
441 389
943 623
724 003
628 219
476 094
410 667
350 419
334 109
247 573
225 143
191 846
181 084
155 155
153 647
60 099
41 000
36 836
27 996
25 000
20 000
17 077
16 651
16 000
11 600
11 383
11 035
9 574
9 000
8 553
1 715
58 878
21 511 389
L : lait
% / Total CEE
44,67
13,98
6,92
6,70
4,39
3,37
2,92
2,21
1,91
1,63
1,55
1,15
1,05
0,97
0,92
0,72
0,71
0,28
0,19
0,17
0,13
0,12
0,09
0,08
0,08
0,07
0,05
0,05
0,05
0,04
0,04
0,04
0,01
0,27
800
T A B L E A U IV
Insémination artificielle dans le monde
Espèces porcine, ovine, caprine
(sauf indication contraire, les résultats sont ceux de 1977)
Pays
Argentine
Autriche
Belgique
Brésil
Bulgarie
Canada
Chili
Chypre
Danemark
Etats-Unis d'Amérique
Finlande
France
Grande-Bretagne
Hongrie
Irlande
Japon
Malaisie
Norvège
Pays-Bas
Pologne
Suède
Suisse
Tchécoslovaquie
Thaïlande
Turquie
URSS
Ovins
Porcins
Caprins
150 000
68
12
5
145
9
256
021
950
193
887
356
30
69
230
61
000
000
066
000
000
1
71
3
61
317
150
21
17
165
6
429
2 400
525 200
3 524 435
238
200 W
500
( b )
817
062
896
455
585 <>
431
100
725
103
711
361
000
600 000 W
3 000
298 640
600
55 000 <®
773
612
1 381
c
29 006
1 900
( c )
20 894
123 981
46 700 000
397
1 426
( d )
722
(a) 1976
(b) 1988
(c) 1978
(d) 1974
L a capacité de production d'embryons d ' u n e vache n'est pas comparable à la
production de semence d ' u n taureau : on peut envisager de faire produire plusieurs
dizaines, voire plusieurs centaines de milliers de doses de semence à u n taureau alors
q u ' u n e vache ne p o u r r a produire que quelques dizaines d'embryons dans toute sa
vie (9).
Aussi le transfert embryonnaire, malgré sa puissance de diffusion génétique, a-t-il
été envisagé d'emblée plutôt comme u n des outils de la sélection (3).
801
L'INSÉMINATION ARTIFICIELLE BOVINE:
ÉVOLUTION D E L'ACTIVITÉ ET PERSPECTIVES
Evolution
La photographie de l'insémination artificielle d o n n e un «instantané» d ' u n e
situation en perpétuelle évolution. Il est très intéressant d'examiner comment a évolué
cette activité depuis 1960 en prenant la France comme exemple.
Les statistiques fournies par l ' U N C E I A servent de base à cette analyse (2, 5, 7).
La Figure 1 présente l'évolution de l'activité d'insémination artificielle en France
depuis i960 j u s q u ' à nos j o u r s .
On peut constater trois phases dans cette évolution:
— de 1960 à 1969, on a assisté à une progression très rapide de l'activité qui a
atteint son m a x i m u m en 1969 avec presque 7,8 millons d ' I A ;
- de 1970 à 1974, l'activité s'est réduite et s'est stabilisée à 7 047 000 I A pendant
10 ans ;
— depuis la mise en place des quotas laitiers, on assiste à u n e baisse régulière et
importante de l'activité.
Cette évolution de l'insémination s'explique par les différents événements qui ont
affecté l'élevage.
Jusqu'en 1970, il fallait assurer une production de produits animaux aussi
importante que possible p o u r atteindre l'autosuffisance. Les effectifs bovins étaient
en forte progression. Les inséminations ont accompagné cette progression en laissant
d'ailleurs une place importante aux inséminations bouchères. L a production de veaux
de boucherie était très développée.
Au début des années 1970, le m o n d e de l'élevage a entrepris une m u t a t i o n
considérable. Les élevages laitiers ont commencé à se spécialiser, ce qui a
entraîné une progression des IA laitières et u n recul du croisement industriel par
l'IA.
Les élevages allaitants utilisant ITA ont vu leur situation se modifier, ce qui les
a entraînés à recourir à des techniques extensives tout en limitant les coûts de
production.
De 1974 à 1983, la progression des I A laitières a compensé exactement la baisse
des IA bouchères.
Depuis la mise en place des quotas laitiers en 1984, o n a assisté à une baisse de
25 % des inséminations laitières et à une reprise du croisement industriel.
Pour maintenir la production de chaque troupeau dans les limites autorisées, les
éleveurs ont été amenés à réduire leur cheptel, puisque le progrès génétique et
l'amélioration de la conduite des troupeaux autorisent une progression laitière
individuelle de plus de 2 % par an. P a r ailleurs, les moins bonnes vaches du t r o u p e a u
ont été inséminées en croisement industriel, contribuant ainsi à une intensification
de la sélection laitière.
802
FIG.
1
Evolution des IAP en France depuis 1961
(toutes races)
Malgré son faible coût, les difficultés de mise en œuvre de l'insémination dans
les races allaitantes (surveillance, m a n i p u l a t i o n des a n i m a u x ) entravent
c o n s i d é r a b l e m e n t son d é v e l o p p e m e n t c o m m e t e c h n i q u e de r e p r o d u c t i o n .
L'insémination artificielle est donc plutôt utilisée comme moyen de démultiplication
de la génétique acquise dans les programmes de sélection.
Perspectives
L a mise en place des quotas laitiers a eu pour conséquence, en France, d'accentuer
la spécialisation de l'atelier laitier, qui diminue de taille au fur et à mesure que la
production individuelle augmente. On assiste donc à un recul de la Holstein et à une
803
baisse accentuée de la N o r m a n d e . Dans d'autres pays européens, il n ' e n est pas ainsi,
notamment en République fédérale d'Allemagne, où les races mixtes confortent plutôt
leur position (4).
On s'attend d o n c à une baisse continue des inséminations laitières en France,
victimes du succès de la génétique qu'elles apportent et à u n recul du croisement
industriel au fur et à mesure que les vaches support de croisement disparaissent. O n
verra probablement se développer l'insémination bouchère en race pure dans les
nouveaux élevages allaitants qui mettent en place des troupeaux de races bouchères
à côté des laitières (5).
La m ê m e tendance est attendue dans les principaux pays laitiers européens : les
éleveurs essaieront de tirer le plus possible parti du progrès génétique en gardant leurs
meilleures vaches et en limitant la taille du troupeau.
LE TRANSFERT EMBRYONNAIRE
Cette technique est passée très rapidement du laboratoire, où elle a été mise au
point au début des années 1970, à une utilisation de routine.
Thibier (10) donne une estimation de cette activité pour l'année 1986 (Tableau V).
On estimait à 200 000 le n o m b r e de transferts pratiqués cette année.
TABLEAU V
Estimation du nombre d'embryons
bovins
transférés dans le monde en 1986
Continents
Afrique
Amérique latine
Amérique du Nord
Asie-Australie
Europe occidentale
Europe orientale
Nombre
5
125
15
35
5
100
000
000
000
000
000
Cependant cette activité est en pleine évolution, comme le m o n t r e le Tableau VI :
certains pays européens connaissent une progression annuelle de 50 % , ce qui traduit
une maîtrise technique et économique du transfert et un intérêt croissant des éleveurs.
Thibier (11) indique (Tableau VII) que l'on a collecté en France, en 1988, 6 000
vaches environ, qui ont produit 27 000 embryons utilisables. 22 000 opérations de
transfert ont été réalisées.
On peut noter que 1 600 transferts concernent l'implantation d'embryons congelés
importés. Ces opérations ont lieu en station, par voie chirurgicale.
804
TABLEAU V I
Evolution du transfert embryonnaire
dans quelques pays d'Europe
occidentale
1988
1986
Pays
Danemark
France
Irlande
Italie
Pays-Bas
République fédérale d'Allemagne
Royaume-Uni
Suisse
9
2
5
7
7
400
581
300 *
500
000 *
846
500 *
750
1
21
2
3
12
9
11
268
615
548
554
000 *
901
000 *
737
* Estimation
TABLEAU
Activité
VII
globale du transfert embryonnaire
en France (AETE, 1989) *
Nombre de donneuses traitées
Nombre de donneuses collectées
en 1988
5 974
5 427 **
Nombre d'embryons collectés
Nombre d'embryons utilisables
48 684
26 974
Nombre d'embryons transférés
frais
congelés français
congelés étrangers
21
11
8
1
Nombre d'embryons stockés
13 516
615
772
190
653
* Données rassemblées par Thibier (11). Résultats issus de 25 équipes de transfert
embryonnaire agréées. Il convient d'ajouter 300 vaches environ collectées à des
fins expérimentales ou de formation.
** Dont 54,5% de race Holstein Française, 7,9% de Montbéliarde, 5% de
Normande, 15,8% de Charolaise, 9,7% de Blonde d'Aquitaine, 1,2% de
Limousine, 4,4% de races à viande diverses et 1,5% de races laitières diverses.
On a pu estimer globalement que 15 % des transferts embryonnaires ont été réalisés
dans le cadre de schémas collectifs, le reste étant du ressort de l'initiative des éleveurs
privés.
Thibier (11) a présenté, dans le cadre de l'Association Européenne de Transfert
E m b r y o n n a i r e (AETE), l'activité du transfert embryonnaire en E u r o p e . Il apparaît
que sans les statistiques de Grande-Bretagne et de l ' U R S S , les pays membres de
805
l'AETE ont collecté en 1989 u n peu plus de 17 000 donneuses qui ont produit 153 000
embryons ( 5 6 , 6 % tranférables). Près de 80 000 transferts ont été réalisés.
L o r s q u ' o n analyse la destination des embryons collectés, o n peut constater que
les éleveurs laitiers stockent peu longtemps leurs embryons. Ils les remettent en place
rapidement pour profiter au plus vite de la supériorité génétique des produits à naître.
On a pu constater que 40 à 45 % des embryons collectés à partir des vaches laitières
étaient tranférés en frais.
P a r contre, les embryons de races allaitantes sont conservés plus longtemps pour
tenter de tirer profit d'opportunités commerciales à l'extérieur de l'élevage ou de la
zone d'élevage. 1 2 , 6 % seulement des embryons des races allaitantes sont transférés
en frais.
Bien que numériquement assez importante et en progression très rapide, cette
technique de reproduction restera marginale pour de nombreuses années encore par
rapport à l'insémination artificielle. U n e étude prospective fait état de la possibilité
de voir effectuer plus de 100 000 transferts chaque année en France.
Ceci est, bien sûr, lié aux capacités de production des embryons des vaches et
aux coûts de mise en œ u v r e . O n estime en effet que le supplément de coût ramené
au veau né se situe dans les conditions françaises aux alentours de 2 000 F (hors
génétique).
Il convient de mentionner que l'intérêt principal du transfert embryonnaire est
son pouvoir de diffusion des meilleurs reproducteurs dans une race, avec comme
conséquence une élévation instantanée du niveau génétique des femelles exploitées.
Ce pouvoir sera encore amélioré lorsque le clonage des embryons sera mis au point,
c'est-à-dire l o r s q u ' o n sera capable, après une fécondation in vitro et le contrôle du
développement de l'embryon, de transférer des nucléis obtenus dans l'enveloppe
d'embryons sans valeur préalablement énucléés. On p o u r r a donc multiplier chaque
embryon produit et améliorer le pouvoir de diffusion de chaque vache (3).
CONTRIBUTION D E L'INSÉMINATION ARTIFICIELLE
ET D U TRANSFERT EMBRYONNAIRE À LA CRÉATION
D U PROGRÈS GÉNÉTIQUE
On a vu clairement plus h a u t comment l'insémination artificielle contribue
au développement des races améliorées. Cela tient au fait que les reproducteurs
proposés en insémination artificielle présentent u n intérêt génétique évident p o u r
l'éleveur.
L'explication ne tient pas aux seules potentialités des races. E n effet, la différence
génétique existante entre reproducteurs d ' u n e même race est plus importante que les
différences moyennes existant entre races. Ainsi, les schémas de sélection développés
pour chaque race et permettant de connaître la valeur individuelle de chaque
reproducteur, sont-ils très importants à prendre en considération. Les schémas utilisent
l'Insémination Artificielle et le Transfert Embryonnaire p o u r contribuer à créer le
progrès génétique.
806
Les schémas de sélection
P o u r être efficaces, les schémas de sélection doivent reposer sur u n certain nombre
de principes :
- les objectifs de sélection doivent être clairement établis et concerner des caractères
économiquement intéressants pour les éleveurs, mesurables, dont on connaît le
mécanisme génétique (héritabilité et corrélation génétique) ;
—
les candidats à la sélection doivent être les meilleurs possibles pour les critères
demandés ;
—
l'évaluation des reproducteurs candidats doit être objective et précise ;
- l a sélection des reproducteurs mâles évalués doit se faire collectivement, de
façon à ce que seuls les plus intéressants soient utilisés intensivement en
insémination.
L a sélection des reproducteurs s'effectue dans les schémas de sélection modernes
en combinant plusieurs méthodes d'évaluation et en exerçant une pression de sélection,
conformément aux objectifs, à chacune des étapes:
— Choix sur ascendance : on accouple les meilleures mères à taureaux de la race
avec les meilleurs pères à taureaux et on garde les meilleurs produits mâles issus de
ces accouplements.
- Choix individuel : les reproducteurs sont évalués pour des caractères que l'on
peut mesurer sur eux-mêmes. Ainsi les aptitudes bouchères des taureaux de races
bouchères ou mixtes sont souvent contrôlées en Station de Contrôle Individuel.
— Choix sur descendance : p o u r connaître avec précision et de façon objective
la valeur génétique des taureaux, on réalise les opérations de testage qui consistent
à faire procréer, au hasard et sans biais, u n certain n o m b r e de produits (de 30 à 100
suivant les caractères évalués) et contrôler objectivement, et également sans biais,
ces produits en ferme ou en station.
O n voit donc que l'insémination artificielle est u n outil indispensable dans ces
schémas puisqu'elle permet de réaliser au hasard u n grand n o m b r e de fécondations
dans le cadre des opérations de testage.
De plus, elle permet d'utiliser comme pères à taureaux les meilleurs existant au
m o n d e . C'est particulièrement net en Holstein où on utilise actuellement, dans tous
les schémas les 10 à 15 meilleurs taureaux de la race, quelle que soit leur origine
(Etats-Unis d ' A m é r i q u e , C a n a d a ou Europe).
Les applications du transfert embryonnaire dans les schémas de sélection
Le transfert embryonnaire est utilisé aussi de façon efficace dans les schémas de
sélection.
a) Importation
de gènes de
l'étranger
L a seule façon d'importer des reproducteurs de certains pays est d'importer des
embryons et de faire naître les produits dans le pays de destination. C'est notamment
le cas lorsque les conditions sanitaires interdisent l'importation d ' a n i m a u x vivants
(Etats-Unis d ' A m é r i q u e n o t a m m e n t ) .
807
On a vu plus haut l'importance de cette action dans le cas des schémas de sélection.
On estime q u ' à l'heure actuelle, le tiers des reproducteurs Holstein mis en testage
en France sont procréés de cette manière.
Enfin il est parfois plus intéressant, p o u r des questions de coût, d'importer des
embryons que des reproducteurs vivants.
b) Sélection
des mères à
taureaux
Le progrès génétique est d ' a u t a n t plus important dans une race donnée que la
sélection des mères à taureaux est intense. Cette pression de sélection est normalement
déjà très forte puisque peu de taureaux sont nécessaires pour féconder les vaches.
Elle est accentuée par le transfert embryonnaire dans la mesure où elle permet
d'obtenir, avec une quasi-certitude au moins u n fils de chaque mère à taureaux
retenue. On doit cependant remarquer que la contribution du transfert d'embryons
au progrès génétique est d ' a u t a n t plus marquée que le schéma de sélection est peu
efficace.
Les généticiens (8) ne recommandent généralement pas de faire procréer plus d ' u n
fils par mère à taureaux, sauf si le schéma de sélection prévoit une sélection individuelle
des aptitudes de croissance préalablement à la mise à l'épreuve laitière.
Une autre application intéressante du transfert embryonnaire est celle utilisée dans
certains schémas de sélection de races bouchères. En effet, l o r s q u ' o n veut procréer
des animaux particulièrement intéressants pour leurs aptitudes bouchères, il convient
de cumuler les qualités bouchères du père et de la mère sur u n m ê m e produit
d'accouplement.
Or les éleveurs qui approvisionnent habituellement les schémas de sélection ne
pratiquent jamais de cette façon. Elle risque, en effet, d'entraîner des difficultés lors
de la mise bas des produits ; de plus, ces éleveurs ne cherchent pas à faire naître des
animaux de type trop «viande» puisque, au contraire, ils recherchent le plus souvent
un équilibre entre les aptitudes bouchères et les aptitudes maternelles.
Ces difficultés sont complètement levées l o r s q u ' o n a recours au transfert
embryonnaire : o n peut cumuler sans difficulté les aptitudes génétiques de vaches
et de taureaux à fort développement musculaire en provoquant une ou plusieurs pontes
embryonnaires sur les vaches intéressantes. Les embryons sont ensuite remis en place
sur des femelles sans valeur particulière, puis élevés.
Les femelles issues de ces embryons peuvent être aussi conservées pour la
reproduction et devenir le pied de cuve de véritables noyaux de sélection.
Il convient de signaler que plusieurs Unités de Sélection Françaises, responsables
de programmes de sélection bouchers, utilisent aujourd'hui cette technique pour faire
procréer les futurs taureaux destinés à l'insémination artificielle.
c) Création
de noyaux de
sélection
Il est possible de faire produire à des femelles de très haute valeur génétique sur
ascendance des embryons avant même qu'elles aient reproduit. Ces embryons,
engendrés par des taureaux également de très haute valeur génétique, permettent
d'obtenir des reproducteurs qui ont à peu près une génération d'avance sur les produits
procréés normalement à partir des mêmes parents (8).
808
L a transplantation embryonnaire permet donc d'accélérer le progrès génétique
par le raccourcissement de l'intervalle entre générations.
C'est le principe de la constitution de noyaux de sélection appelés aussi M O E T
(Multiple Ovulation and E m b r y o Transfer).
O n distingue deux types de noyaux (3) :
Les noyaux fermés sont constitués de groupes d ' a n i m a u x dans le b u t d'estimer
la valeur génétique de taureaux par l'intermédiaire de leurs descendants et de leurs
collatéraux et n o n plus seulement de leurs descendants.
L ' a v a n t a g e de cette technique est d'assurer, théoriquement, u n progrès génétique
plus rapide que grâce aux schémas classiques, p a r suite du raccourcissement de
l'intervalle entre générations. Il faut toutefois que toutes les conditions génétiques
de base présidant à l'établissement de ces noyaux de sélection soient parfaitement
remplies. L'inconvénient est l'absence de connaissance individuelle précise de chaque
reproducteur issu du noyau.
Les noyaux ouverts sont constitués à partir de jeunes femelles de très haut niveau,
généralement issues, en France, d'embryons importés ou d'accouplements réalisés
entre des mères à taureaux et les meilleurs taureaux existants.
O n procrée ainsi les futurs taurillons à mettre à l'épreuve après q u ' o n ait vérifié
sur les premiers résultats de la mère (qui sont connus q u a n d le taurillon arrive à
maturité sexuelle) qu'elle confirme les espoirs fondés sur elle. P o u r être efficace, ce
noyau doit se renouveler rapidement, c'est-à-dire que chaque femelle doit être
remplacée, dès qu'elle a effectué sa production d'embryons, par une des femelles
obtenues par transfert embryonnaire en même temps que les taurillons destinés au
testage.
Contrairement aux noyaux fermés, il existe une évaluation individuelle des
taureaux. Plusieurs de ces noyaux ouverts ont déjà été mis en place en France.
CONCLUSION
Insémination artificielle et transfert embryonnaire sont des outils indispensables
à la création et à la diffusion du progrès génétique. Ce sont des techniques utilisées
a u j o u r d ' h u i en routine et à grande échelle.
Les résultats qu'elles ont permis d'obtenir et permettront encore d'obtenir sont
spectaculaires. O n sait par exemple que le niveau génétique des génisses Holstein
Française qui vêleront en l'an 2000 sera de 3000 kg environ supérieur à celui de celles
vêlées 25 ans plus tôt (en 1975).
Des calculs précis ont montré que l'utilisation de taureaux testés de races bouchères
pouvait donner en moyenne par carcasse de taurillon produit une marge supérieure
de 1 200 à 1 500 F par r a p p o r t aux produits de taureaux sans référence.
O n sait aussi que les femelles issues de taureaux testés favorablement p o u r les
aptitudes maternelles permettent d'assurer u n gain de 450 F lors de chaque cycle de
reproduction (meilleure fertilité, vêlage plus facile, plus de lait).
809
La génétique participe donc de façon éclatante à l'amélioration du revenu des
éleveurs grâce à l'insémination et au transfert embryonnaire.
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DIFUSIÓN D E R A Z A S M E J O R A D A S : P A P E L D E L A INSEMINACIÓN A R T I F I C I A L
Y L A T R A N S F E R E N C I A D E E M B R I O N E S . - A . Malafosse.
Resumen: La inseminación artificial y la transferencia de embriones son, además
de medios de reproducción, técnicas indispensables para la creación y difusión
del progreso genético.
En ese sentido, dichas técnicas participan de manera eficaz en la difusión
de las razas mejoradas. El análisis de la evolución de las inseminaciones según
las razas aprovechadas en Francia desde 1960 hasta la fecha muestra la manera
en que los ganaderos modifican sus decisiones respecto a los procedimientos
genéticos en función del contexto económico.
La inseminación y la transferencia de embriones también encuentran su lugar
en los esquemas de selección. Por ejemplo: evaluación de toros mediante el
testaje, mayor presión de selección para las madres de toros, disminución del
intervalo de generación de reproductores.
En general, los ingresos de los ganaderos guardan estrecho vínculo con la
calidad del material genético que utilizan.
PALABRAS CLAVE: Cría - Ganadería - Inseminación artificial - Mejora
genética - Transferencia de embriones.
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BIBLIOGRAPHIE
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