République centRafRicaine - African Economic Outlook

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République centRafRicaine - African Economic Outlook
République centrafricaine
2016
Kalidou Diallo / [email protected]
www.africaneconomicoutlook.org
République centrafricaine
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
• La reprise économique entamée en 2014 s’est poursuivie en 2015, avant d’être
interrompue par la résurgence de la crise sécuritaire et politique, avec pour
conséquence de porter le taux de croissance du PIB réel à 4.1 % contre une prévision
initiale de 5.5 %.
• Après l’organisation des élections présidentielles et législatives ayant permis d’achever
le processus de transition politique, l’ancien Premier ministre, Faustin-Archange
Touadéra, a été élu président de la République à l’issue du second tour du scrutin.
• Le déplacement massif des populations, consécutif au déclenchement de la crise en
mars 2013, a accentué les défis liés à l’urbanisation et à l’aménagement territorial.
Vue d’ensemble
La reprise de l’activité économique, entamée en 2014, s’est confirmée au cours des neuf
premiers mois de l’année 2015. Sa dynamique a cependant été interrompue par la résurgence des
violences intercommunautaires à la fin du mois de septembre. En raison de la dégradation de la
situation sécuritaire, le taux de croissance du PIB réel s’est limité à environ 4.1 % en 2015, contre
un objectif initial de 5.5 %. Il a cependant augmenté par rapport à celui de 2014, alors de 1.0 %.
La plupart des activités économiques ont connu une progression par rapport à 2014, même si la
performance du secteur extérieur a continué à souffrir de la suspension du pays du processus de
Kimberley. Cette mesure implique en effet l’interdiction de l’exportation des diamants, en dépit
de la levée partielle des restrictions intervenue en juillet 2015. Malgré ce contexte difficile, la
gestion des finances publiques s’est significativement améliorée, grâce notamment aux efforts
importants déployés par les autorités de la transition et à l’appui des partenaires techniques et
financiers (PTF). La plupart des objectifs quantitatifs du plan budgétaire ont ainsi été atteints,
avec un retour progressif à la procédure normale d’exécution de la dépense publique et une
amélioration de la transparence dans la gestion des ressources publiques.
L’organisation des scrutins présidentiel et législatif a marqué l’année 2015, en particulier
l’élection à la tête du pays de Faustin-Archange Touadéra, ancien Premier ministre sous la
présidence de François Bozizé. L’organisation de votes, malgré une situation sécuritaire volatile et
un contexte politique incertain, permet de mettre un terme au processus de transition politique
engagé depuis trois ans. Ces élections ont été précédées par la tenue du Forum de Bangui en
juin 2015, sanctionné par la signature du Pacte républicain pour la paix, la réconciliation nationale
et la reconstruction de la République centrafricaine (RCA), et par l’adoption d’une nouvelle
Constitution en novembre 2015. Sur le plan social et humanitaire, les conditions globales ont été
relativement stables une partie de l’année 2015, avant de fortement se dégrader sous l’effet de
nouvelles violences communautaires qui ont fait de nombreuses victimes et grossi le nombre des
personnes déplacées à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
La situation urbaine de la RCA a été fortement affectée par la crise politico-sécuritaire, qui a
notamment détérioré les perspectives de développement des villes. Une étude est entreprise pour
élaborer un nouveau plan d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Bangui, en vue notamment
de structurer son urbanisation galopante et de mettre en place un cadre d’habitation sain.
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Perspectives économiques en Afrique
© BAfD, OCDE, PNUD 2016
Taux de croissance du PIB réel (%)
%
Afrique Centrale
Afrique (%)
10
5
0
République centrafricaine
Graphique 1. PIB par secteur (en pourcentage du PIB)
-5
-10
-15
-20
-25
-30
-35
-40
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
Source: BAfD. Département Statistique PEA. Estimations (e) ; prévisions (p).
Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
Croissance du PIB réel
1.0
4.1
5.2
6.0
Croissance du PIB réel par habitant
-1.0
2.1
3.2
4.0
Inflation
11.6
5.6
4.7
4.0
Solde budgétaire (% PIB)
3.2
-3.2
-2.8
-2.3
Compte courant (% PIB)
-6.1
-11.5
-5.1
-4.0
Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p).
Développements récents et perspectives
La reprise économique observée durant les neuf premiers mois de l’année 2015 a été
interrompue fin septembre en raison de la crise sécuritaire consécutive à la résurgence des
violences intercommunautaires et des incertitudes liées à la fin de la transition politique. Le taux
du PIB réel s’est par conséquent établi en 2015 à environ 4.1 %, contre un objectif initial de 5.5 %.
Il est cependant en hausse par rapport à celui de 2014, alors à 1.0 %. Cette embellie économique a
d’abord bénéficié de la reprise du secteur primaire, avec un taux de croissance de 4.2 % en 2015,
comparativement à un recul de 6.5 % en 2014. Les activités vivrières et forestières sont celles qui
ont le plus contribué à cette progression, en raison de l’amélioration des conditions de production
agricole et de l’appui apporté par les partenaires techniques et financiers (PTF) dans le cadre du
programme d’urgence pour la relance des cultures vivrières. La demande extérieure pour le bois
s’est par ailleurs maintenue à un niveau élevé dans un contexte d’amélioration des conditions de
transport. Le secteur secondaire a, quant à lui, connu une progression limitée à 2.4 %, cependant
supérieure à celle de 2014, alors de 1.2 %. Ce chiffre s’explique par une baisse de la production
manufacturière de 2.0 %, en raison des difficultés des entreprises du secteur à s’approvisionner
en matières premières et à accéder à l’électricité. Dans le secteur tertiaire, la dynamique des
services marchands et non marchands a permis de maintenir un niveau de performance élevé à
5.2 %, même s’il reste inférieur à celui de 2014, alors de 17.6 %.
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Perspectives économiques en Afrique
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République centrafricaine
En termes de demande, la croissance économique n’a bénéficié de l’accroissement des
investissements qu’à hauteur de 5 % environ, portant le ratio Investissement/PIB à 19 %, tandis
que la consommation finale a connu une quasi-stagnation par rapport à 2014. La contribution du
secteur extérieur a en outre été négative. En effet, la consommation finale, qui a augmenté durant
les neuf premiers mois sous l’effet des appuis financiers extérieurs, de l’aide humanitaire et du
paiement des salaires des fonctionnaires, a subi les conséquences des violences enregistrées à
la fin du mois de septembre 2015 et des incertitudes liées au processus électoral. La plupart des
projets d’investissements programmés pour l’année 2015 ont cependant pu voir le jour durant
les deux premiers trimestres, notamment les travaux d’aménagement des villes urbaines, la
réhabilitation des bâtiments administratifs et les travaux à forte intensité de main-d’œuvre
financés par les PTF. Quant à la demande extérieure nette, son évolution a négativement affecté
la croissance économique en raison de la forte progression des importations des biens et services,
consécutive à la reprise des activités économiques et à la présence des forces internationales et,
ce, malgré une hausse des exportations.
Les perspectives économiques pour 2016 sont favorables, surtout grâce à la normalisation
de la situation sécuritaire et politique, avec la fin de la transition. Cette embellie devrait en
particulier se traduire par l’adoption d’un programme économique de reconstruction, avec l’appui
de la communauté internationale, et par un taux de croissance du PIB réel pouvant atteindre 5.2 %
en 2016.
Tableau 2. PIB par secteur (en pourcentage du PIB)
Agriculture, foresterie, pêche et chasse
2010
2015
54.2
45.5
Dont pêche
5.7
5.4
Activités extractives
2.0
0.6
Dont extraction de pétrole brut et de gaz naturel
…
…
Activités de fabrication
6.7
7.8
Production et distribution d'électricité, de gaz et d'eau
0.7
0.8
Construction
4.4
5.9
13.2
14.0
Commerce de gros et de détail; réparation de véhicules
automobiles et hôtels et restaurants
Dont hôtels et restaurants
…
…
Transports, entreposage et communications
5.7
6.4
Intermédiation financière, immobilier, locations et activités de
services aux entreprises
6.7
6.8
Administration publique et défense; sécurité sociale
obligatoire
4.8
3.3
Autres services
Produit intérieur brut aux prix de base / au coût des facteurs
1.5
8.8
100.0
100.0
Source : Données des administrations nationales.
Politique macroéconomique
Politique budgétaire
En 2015, les principaux objectifs du gouvernement en matière de politique budgétaire visaient
à accroître la mobilisation des recettes publiques et à améliorer le contrôle des dépenses non
prioritaires, tout en restaurant le cadre normal de gestion des finances publiques. Dans les faits,
les efforts déployés ont effectivement permis d’augmenter les recettes publiques intérieures et
fiscales. Initialement prévu à 59.6 milliards XAF (francs CFA), le montant des recettes fiscales
a atteint 59.2 milliards XAF en 2015, contre 41.8 milliards en 2014. Cette amélioration résulte
à la fois de l’effet mécanique de la croissance économique de 4.1 % et des progrès réalisés en
matière de recouvrements, consécutifs au renforcement des administrations fiscale et douanière.
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Perspectives économiques en Afrique
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Quant aux dépenses publiques, elles ont enregistré en 2015 une augmentation par rapport
à 2014, pour s’établir à environ 137 milliards XAF contre 108 milliards XAF, soit 14.2 % du PIB
contre 12.4 % en 2014. Cette évolution résulte de la hausse à la fois des dépenses d’investissement
financées sur ressources intérieures et des dépenses courantes pour soutenir notamment les
élections présidentielles et législatives. Le montant des dépenses publiques en 2015 a toutefois
été inférieur à celui des prévisions initiales en raison d’une plus grande maîtrise de la masse
salariale et des dépenses non prioritaires, et d’une faible exécution de certaines dépenses
publiques, notamment celles dans les secteurs de la santé et de l’éducation. En conséquence, le
solde primaire et le solde global se sont révélés négatifs en 2015, s’établissant respectivement à
2.3 % et 3.2 % par rapport au PIB. Sur le plan des réformes, les efforts déployés par les autorités
centrafricaines, avec l’assistance des PTF en 2015, ont permis un retour progressif à une gestion de
la dépense publique conforme au cycle budgétaire normal, à savoir les phases de l’engagement, de
l’ordonnancement, de la liquidation et du paiement. Ces avancées encourageantes ont notamment
été obtenues grâce au rétablissement des systèmes informatiques de la direction générale du
budget et de la direction du Trésor, ainsi qu’aux dispositions réglementaires prises pour limiter le
recours aux procédures exceptionnelles de la dépense publique. Ces actions de redressement de
la gestion des finances publiques ont été appuyées par les mesures de renforcement de la gestion
de trésorerie, avec notamment le démarrage des activités de l’agent comptable central du Trésor
(ACCT) qui a significativement amélioré la transparence dans la gestion des ressources publiques.
République centrafricaine
Celles-ci ont en effet intensifié leurs contrôles en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et
d’exonérations fiscales. Le ratio recettes fiscales/PIB est toutefois resté stable en 2015 par rapport
à 2014, avec respectivement 4.3 % contre 4.4 %. Le total des ressources extérieures a, quant à
lui, reculé par rapport à son niveau exceptionnel de 2014, pour passer de 90 milliards XAF à
67.8 milliards XAF.
Tableau 3. Finances publiques (pourcentage du PIB aux prix actuels)
2007
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
14.4
16.4
8.4
15.6
11.0
12.3
10.8
Recettes fiscales
7.3
9.9
5.2
4.4
4.3
4.1
4.1
Dons
4.1
4.9
2.7
10.7
6.3
7.7
6.3
Total recettes et dons
Total dépenses et prêts nets (a)
13.3
16.4
14.7
12.4
14.2
15.1
13.1
Dépenses courantes
9.7
10.2
13.1
9.7
10.1
10.0
10.0
Sans intérêts
8.2
9.5
12.4
9.1
9.2
9.3
9.6
Salaires et rémunérations
4.6
4.6
7.1
6.4
6.6
6.7
6.8
Intérêt
1.5
0.7
0.7
0.7
0.9
0.7
0.4
Dépenses d’investissement
3.6
6.2
1.7
2.1
2.1
2.2
2.2
Solde primaire
2.6
0.7
-5.7
3.8
-2.3
-2.0
-1.8
Solde global
1.1
0.0
-6.3
3.2
-3.2
-2.8
-2.3
Note : a. Seuls les principaux postes de recettes et de dépenses sont détaillés.
Source : Données des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et les prévisions (p).
Politique monétaire
En 2015, la situation monétaire s’est améliorée en raison d’une meilleure fourniture des
produits alimentaires de base qui a permis de contenir les pressions inflationnistes. Le taux
d’inflation annuel est ainsi estimé à 5.6 % en 2015 contre 11.6 % en 2014. Il se situe cependant audessus du critère de convergence fixé à 3.0 % au sein de la zone de la Communauté économique et
monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) dont la RCA est membre. Son appartenanc des paiements
dans l’union. La politique monétaire de la BEAC donne la priorité à la maîtrise de l’inflation et au
maintien de la parité fixe entre le XAF et l’EUR. Dans ce but, pour contrôler l’expansion de l’offre
de monnaie, elle continue de s’appuyer sur les instruments indirects, tels que le refinancement et
les exigences de réserves obligatoires. En ce qui concerne particulièrement la RCA, en raison de
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Perspectives économiques en Afrique
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République centrafricaine
la fragilité de son système bancaire, les banques sont exemptées de la constitution des réserves
obligatoires depuis 2003.
Coopération économique, intégration régionale et commerce
En 2015, les autorités de transition ont poursuivi les politiques d’ouverture et de respect des
engagements pris en matière d’intégration régionale et de coopération économique. En raison de
son enclavement et de sa situation frontalière avec six pays de l’Afrique centrale, l’intégration
régionale constitue un enjeu majeur pour la RCA. D’abord, d’un point de vue géopolitique,
les conflits dans le pays ont souvent des ramifications dans les États voisins. Leur résolution
a montré toute l’importance de la coopération régionale, grâce à laquelle plusieurs accords de
paix ont pu être signés et ont permis une amélioration de la situation sécuritaire du pays. De
plus, pour un pays enclavé, l’accès maritime passe nécessairement par l’un de ses voisins. Les
gouvernements successifs de la RCA ont toujours été conscients de l’enjeu de l’intégration avec
les États limitrophes, comme l’atteste l’appartenance du pays aux trois organisations régionales :
la CEMAC, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté
des États sahélo-sahariens (CEN-SAD). La RCA abrite le siège de la CEMAC et son engagement
politique en faveur de l’intégration régionale est réaffirmé dans sa feuille de route de transition
et dans le programme d’urgence pour le relèvement durable (2014-16).
L’appartenance de la RCA à la CEMAC implique que le pays met en œuvre une politique
douanière commune aux six nations membres de cette union monétaire. À cet effet, la RCA est
soumise au tarif extérieur commun de la CEMAC, qui correspond à la moyenne simple du tarif
de la nation la plus favorisée (NPF) appliqué ces dernières années. En raison de sa situation
difficile en matière de trésorerie, la RCA continue de bénéficier de certaines exceptions, à
savoir un tarif de 22.7 % pour les produits agricoles et une dérogation à l’application du tarif
préférentiel généralisé (TPG) de la CEMAC. Le pays s’est par ailleurs engagé dans la Zone de libreéchange (ZLE) en Afrique centrale, couvrant les dix pays de la CEEAC et instituée depuis 2004.
Cette ZLE, qui devait aboutir à l’union douanière en 2008, n’est cependant toujours pas effective,
en raison de la persistance de multiples pesanteurs, comme par exemple la non-transposition des
textes au niveau communautaire ou encore la non-appropriation des instruments de la ZLE par
les différents acteurs.
Sur le plan des échanges extérieurs, l’année 2015 a été marquée, comme 2014, par une
détérioration du déficit du solde des transactions courantes, s’établissant à 55 milliards XAF contre
48 milliards XAF en 2014. Cette évolution négative résulte tout d’abord de la position déficitaire
de la balance commerciale en raison de l’accroissement des importations des biens et services,
plus important que celui des exportations. Il convient de rappeler que l’exportation de diamants,
qui représente une part significative de la valeur des échanges extérieurs du pays, continue de
souffrir de la suspension du pays du processus de Kimberley, en dépit de sa levée partielle en
juillet 2015. Le déficit du solde des transactions courantes a été d’autant plus élevé que le niveau
des dons en 2015 a baissé par rapport à 2014, année exceptionnelle. Comme les excédents des
comptes de transferts courants et de capital se sont révélés insuffisants, le financement du déficit
extérieur global a été assuré grâce aux réserves de change et à l’échelonnement d’une partie de
la dette extérieure.
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Perspectives économiques en Afrique
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2007
2012
2013
2014
2015(e)
2016(p)
2017(p)
Balance commerciale
-4.2
-6.2
-7.3
-18.9
-15.6
-10.6
-9.4
Exportations de biens (f.o.b.)
10.5
8.8
7.0
4.5
5.3
8.2
9.5
Importations de biens (f.o.b.)
14.8
15.0
14.2
23.3
20.9
18.8
18.9
Services
-5.1
-5.2
-3.2
-6.0
-5.6
-5.5
-5.7
Revenu des facteurs
-0.6
0.5
0.4
0.4
0.4
0.1
0.1
Transferts courants
3.8
6.3
7.1
18.4
9.3
11.0
10.9
-6.2
-4.6
-3.0
-6.1
-11.5
-5.1
-4.0
Solde des comptes courants
République centrafricaine
Tableau 4. Comptes courants (en pourcentage du PIB)
Source : Données de la Banque centrale et des administrations nationales; calculs des auteurs pour les estimations (e) et
les prévisions (p).
Politique de la dette
Les mesures prises en 2015 pour redresser les finances publiques ont permis de faire face à la
détérioration de la situation de la dette survenue en 2014, même si des arriérés de pensions sur trois
trimestres ont été accumulés en 2015. La récente dégradation de l’état de la dette centrafricaine,
notamment soulignée par l’analyse du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque
mondiale, s’est traduite par une hausse du ratio dette publique/PIB, celui-ci atteignant environ
40 % en 2014 comparativement aux 25 % obtenus en 2009 grâce à l’allègement de la dette. En
raison de la forte contraction du PIB et des exportations, la RCA est ainsi passée d’une situation de
risque modéré à celle de risque élevé. Comme l’indique le rapport conjoint du FMI et de la Banque
mondiale, « la valeur actuelle (VA) de référence des ratios de dette extérieure/exportations et service dette/
exportations sera supérieure aux seuils indicatifs liés aux politiques en œuvre, respectivement de 2013 à
2019 et de 2013 à 2015 ». Les mesures de redressement entreprises en 2015, conjuguées aux appuis
budgétaires extérieurs, ont permis non seulement de faire face aux services de la dette publique,
mais aussi d’honorer une bonne partie des arriérés.
Graphique 2. Part de l’encours de la dette extérieure dans le PIB et ratio du service de la dette sur les exportations
Dette extérieure (publique et privée) /PIB
%
Service de la dette /Exportations
70
60
50
40
30
20
10
0
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
Source : FMI (WEO & Article IV).
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Perspectives économiques en Afrique
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République centrafricaine
Gouvernance économique et politique
Secteur privé
Les problèmes sécuritaires et les incertitudes affectant le processus de transition ont continué
à peser sur le fonctionnement et le développement du secteur privé en 2015. Cette situation est
corroborée par le maintien de la RCA à la 185e place sur 189 pays présents dans le classement
Doing Business 2016 de la Banque mondiale. D’après lui, seuls les domaines d’octroi de permis de
construire et de raccordement à l’électricité auraient connu une légère amélioration par rapport
à 2014. L’obtention des prêts et le transfert de propriété sont les deux domaines qui ont le plus
enduré de conséquences négatives.
Les autorités de la transition ont pourtant fourni, avec l’appui des PTF, des efforts
encourageants pour améliorer l’environnement des affaires et relancer les activités du secteur
privé, fortement affectées par les violences liées à la crise. Elles ont ainsi repris les mesures qui
avaient été adoptées avant que celle-ci ne survienne, en vue de faciliter la création d’entreprise :
i) réduction de plus de 50 % des taxes pour créer une société ; ii) baisse de moitié des taxes sur le
transfert de parts d’une société ; iii) simplification de la formalité de présentation de l’extrait de
casier judiciaire ; iv) suppression des frais de création d’une société ; v) gratuité de l’inscription à
la chambre de commerce ; et vi) suppression des frais d’immatriculation à la sécurité sociale lors
de la création d’entreprise.
D’autres actions ont porté sur la réorganisation des structures en charge du dialogue publicprivé (DPP), dont la mission est de faciliter le processus de réformes économiques en impliquant
fortement les acteurs du secteur public et du secteur privé. Cette restructuration a notamment
consisté à créer, en février 2015, un nouvel organe : le Cadre mixte de concertation pour
l’amélioration des affaires (CMCAA). Celui-ci remplace les deux structures mises en place en
2010 pour promouvoir le développement du secteur privé : le Cadre permanent de concertation
État/secteur privé (CPC) et le Comité mixte pour l’amélioration de l’environnement des affaires.
Ceux-ci avaient en effet été confrontés à des problèmes d’efficacité et de gouvernance bien avant
l’éclatement de la crise de 2013, qui a finalement marqué l’arrêt total de leur fonctionnement.
En 2015, le gouvernement de transition et les PTF ont par ailleurs organisé plusieurs séminaires et
forums à Bangui pour repenser et définir les actions nécessaires à la relance et au développement
du secteur privé.
Secteur financier
En dépit de la progression non négligeable des activités de dépôt et de crédit par rapport
à 2014, le développement du secteur bancaire centrafricain, dont la contribution au financement
de l’économie a toujours été faible, a été limité en 2015. Les volumes de dépôt et de crédit sont
passés de 9 % en 2014 à 20 % en 2015. Cette évolution favorable des activités financières du
système bancaire a toutefois été alimentée par les flux financiers extérieurs et l’accroissement de
l’endettement du secteur public vis-à-vis des banques. L’accès des entreprises et des particuliers
aux services financiers et aux crédits bancaires reste toujours marginal. Les principaux indicateurs
d’approfondissement et de développement financiers, à savoir M2/PIB et crédits/PIB, restent aussi
au-dessous de la moyenne régionale.
Les rapports d’information du FMI et de la BEAC publiés en 2015 en matière de stabilité financière
font état de progrès encourageants, en dépit d’un environnement global défavorable. Ainsi, à
Bangui, trois banques sur quatre ont disposé de suffisamment de fonds propres pour honorer
l’ensemble des normes prudentielles telles que l’engagement sur les apparentés, le coefficient
de transformation et la couverture des immobilisations par les ressources permanentes. Seuls
les critères relatifs aux risques de liquidité et de limitation des risques encourus sur un même
bénéficiaire n’ont pas été globalement respectés par le système bancaire. Cette stabilité du système
financier, malgré le contexte de crise et de fragilité aiguë, s’explique aussi par l’appartenance de
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Perspectives économiques en Afrique
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Gestion du secteur public, institutions et réformes
Les défis visant à assurer un bon fonctionnement des institutions et une gestion adéquate
du secteur public en 2015 se sont révélés très importants pour les autorités centrafricaines, en
raison de la persistance de l’insécurité et des incertitudes liées à l’issue de la transition. Si les
difficultés se sont poursuivies pour la restauration de l’autorité de l’État et le redéploiement de
l’administration publique sur l’ensemble du territoire, des progrès encourageants ont toutefois
été accomplis dans le domaine de la gestion du secteur public, et plus particulièrement dans
celui des finances publiques. En effet, les efforts importants déployés par le gouvernement
de transition, avec le soutien des principaux PTF, ont ouvert la voie à un retour progressif à la
procédure normale d’exécution de la dépense publique.
République centrafricaine
la RCA à la zone monétaire de la CEMAC qui dispose d’un cadre réglementaire approprié et d’une
expertise dans la supervision et le contrôle prudentiel des activités bancaires et financières. Deux structures de gestion des finances publiques ont été mises en place dans un contexte
de crise et de fragilité extrême, puis opérationnalisées grâce à l’assistance significative des
PTF : le Comité de trésorerie pour la définition et le suivi mensuel de la gestion, et le Comité
de suivi et de gestion des finances publiques chargé de surveiller trimestriellement, ou sur une
base plus fréquente si nécessaire, l’utilisation faite de l’ensemble des ressources publiques et la
bonne exécution du plan de trésorerie Ces outils de gestion des finances publiques accroissent
d’autant plus la transparence dans l’utilisation des deniers publics que les PTF, apportant des
appuis budgétaires, y prennent part. Il convient par ailleurs de rappeler que l’opérationnalisation,
depuis 2014, de l’Agence comptable centrale du Trésor, avec un compte unique du Trésor auprès
de la Banque centrale, ainsi que l’interconnexion des systèmes informatiques du budget, sont de
nature à renforcer l’efficacité de ce système de gestion des finances publiques, même en situation
de crise. Parallèlement, la première phase du programme de nettoyage du fichier de la fonction
publique s’est achevée, avec l’appui de la Banque mondiale et du Programme des Nations Unies
pour le développement (PNUD), ce qui a ainsi permis d’économiser près de 4 milliards XAF de
2014 à 2015.
Gestion des ressources naturelles et environnement
En 2015, la situation du secteur des ressources naturelles et de l’environnement en RCA est
marquée par la levée partielle de la suspension du pays du processus de Kimberley au mois de
juillet. Cette décision, limitée à la zone géographique du Sud-Ouest, a été motivée à la fois par
les dispositions rassurantes prises par les autorités transitoires, avec l’appui de la communauté
internationale, dans la lutte contre le trafic illégal de diamant et par la nécessité de satisfaire
les besoins importants du pays en ressources financières. La suspension provisoire du système
de certification du processus de Kimberley, dont le pays est membre depuis 2003, était en effet
intervenue immédiatement après l’éclatement de la crise, en raison des soupçons et des risques
relatifs au financement des activités criminelles par l’exploitation des ressources diamantifères
du pays. La suspension du pays de l’Initiative pour la transparence des industries extractives
(ITIE), intervenue au même moment, reste en revanche toujours en vigueur. Le dernier rapport
de déclaration des revenus miniers effectué auprès de l’ITIE date de 2010. La RCA est devenue
membre de cette initiative en août 2007 et a été déclarée pays candidat en novembre 2008, avant
d’accéder au statut de pays conforme en mars 2011.
Dans le secteur des ressources forestières et du bois, l’Accord de partenariat volontaire
(APV) signé avec l’Union européenne en 2011 sur l’application des réglementations forestières,
la gouvernance et les échanges commerciaux des bois et produits dérivés (Forest Law Enforcement,
Governance and Trade, FLEGT) est resté en vigueur pendant la période de transition. Le bois restant
pratiquement le seul secteur économique à procurer au pays des recettes en devises, tout en
contribuant de manière significative aux revenus de l’État, il a été décidé, après la suspension de
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l’exploitation du diamant, que cet accord serait maintenu. Alors que certains acteurs, notamment
de la société civile, se sont mobilisés pour le maintien et la mise en application effective de l’APV,
d’autres ont toutefois critiqué l’exploitation du bois pendant la transition, arguant qu’elle aurait
contribué au financement des activités des groupes rebelles. En tout état de cause, il est difficile,
compte tenu de l’ampleur de la crise, que la RCA échappe au syndrome mis en avant en 2013 par la
Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, à savoir que « dans les pays en situation
de post-conflit affectés par l’absence ou la faiblesse des institutions politiques, et la contrainte budgétaire, la
corruption est davantage prononcée ».
Dans le domaine de la protection de l’environnement et du changement climatique, la RCA
a adhéré en 2010 au Programme des Nations Unies visant à réduire les émissions dues à la
dégradation des forêts (United Nations Programme on Reducing Emissions from Deforestation and Forest
Degradation, UN-REDD+) pour la gestion du bassin forestier du Congo. Cette adhésion traduit le rôle
important que pourraient jouer les forêts centrafricaines dans la séquestration des carbones, et
donc dans la réduction des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. La RCA se sent particulièrement
concernée car, ces dernières années, les élévations récurrentes de la température, associées à une
dégradation des paramètres pluviométriques, ont donné lieu à la destruction et/ou la dégradation
progressive des forêts, tandis que la sécheresse, qui sévit dans le nord du pays, est de plus en plus
importante, avec des menaces sérieuses sur les populations les plus vulnérables.
D’une façon générale, l’adhésion de la RCA à l’ensemble de ces initiatives internationales a
constitué l’un des piliers centraux de la stratégie des gouvernements successifs pour promouvoir la
bonne gouvernance dans le secteur des ressources naturelles. Elle témoigne aussi de l’importante
dotation du pays en ressources naturelles, tout en mettant en exergue le rôle primordial que
celles-ci pourraient jouer dans son développement socio-économique.
Contexte politique
En dépit d’un contexte sécuritaire volatile et d’un environnement politique incertain, des
élections présidentielles et législatives ont été organisées, avec le premier tour du scrutin
présidentiel en décembre 2015 et le second en février 2016. Faustin-Archange Touadéra, ancien
Premier ministre sous la présidence de François Bozizé, a été élu à la présidence de la République.
Même si des problèmes de régularité ont émaillé cet événement électoral lors du premier tour,
la plupart des acteurs nationaux et internationaux s’accordent à saluer cette étape cruciale
dans l’histoire politique et institutionnelle du pays, surtout eu égard aux extrêmes difficultés
rencontrées pendant la transition politique. Ces élections présidentielles et législatives, qui
achèvent la transition politique, ont été précédées par l’adoption d’une nouvelle Constitution en
novembre 2015 et par l’organisation du Forum de Bangui en juin 2015 dont l’objectif était de mettre
en place les jalons de la reconstruction politique, économique et sociale du pays. Ce Forum a
notamment donné lieu à l’adoption d’un Pacte républicain pour la paix, la réconciliation nationale
et la reconstruction du pays, et à la signature de l’Accord de désarmement, de démobilisation et
de réinsertion (DDR).
Le processus de transition politique avait été engagé à la suite du déclenchement, en décembre
2012, des attaques de la rébellion Seleka contre le régime en place de François Bozizé. Les accords
signés à Libreville en janvier 2013 entre les parties prenantes au conflit n’ayant pas pu aboutir,
François Bozizé et son équipe avaient finalement été renversés le 23 mars 2013 à la suite de l’assaut
lancé par les rebelles contre la ville de Bangui. À la suite de la suspension de la Constitution par le
chef de la rébellion, Michel Djotodia, qui s’était alors immédiatement autoproclamé président, les
chefs d’État et de gouvernement de la CEEAC avaient alors proposé une feuille de route définissant
un cadre politique de transition. Cette proposition, soutenue par la communauté internationale
et acceptée par la plupart des responsables et acteurs politiques, a aussitôt conduit à la mise
en place des organes et institutions de la transition : gouvernement d’union nationale, Conseil
national de transition (CNT), charte constitutionnelle de transition, nouveau code électoral, etc.
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Mais le processus de transition politique ainsi engagé s’est révélé particulièrement difficile, en
raison notamment de l’effondrement de l’État et des institutions publiques, de la généralisation
de l’insécurité sur l’ensemble du territoire et de l’éruption des violences intercommunautaires. La
situation d’instabilité a persisté en dépit de multiples initiatives de la communauté internationale
pour stabiliser le pays, à travers notamment le déploiement d’une force de maintien de la paix
des Nations Unies et des changements intervenus au niveau des responsables de la transition,
avec en particulier la désignation en janvier 2014 d’une femme comme chef d’État de la transition,
Catherine Samba-Panza.
Parmi les principaux défis auxquels seront confrontées les nouvelles institutions issues
des élections pour maintenir l’apaisement des tensions sociales et l’élan de stabilisation, on
compte : i) la mise en œuvre d’un programme de DDR ; ii) l’amélioration de la sécurité alimentaire
à travers la relance de la production agricole ; iii) la promotion de l’employabilité des jeunes ;
iv) la réconciliation nationale et la restauration de la cohésion sociale ; v) le déploiement de
l’administration publique et le paiement régulier des salaires ; et vi) la réforme du secteur de la
justice et de la sécurité.
Contexte social et développement humain
La persistance de l’insécurité et la fréquence des violences en 2015 ont continué à rendre
difficile l’amélioration de la situation sociale et humanitaire du pays, qui s’est fortement dégradée à
partir de fin septembre 2015, avec la résurgence des violences intercommunautaires. Les exactions
de septembre, qui avaient amené la plupart des PTF et des organismes non gouvernementaux
à suspendre temporairement leurs activités, auraient, selon les Nations Unies, causé plus de
77 morts et 400 blessés, tout en provoquant le déplacement de près de 40 000 personnes. Selon la
même source, le pays comptait à la fin de l’année 2015 environ 450 000 personnes déplacées, alors
même que l’assistance humanitaire était mise à rude épreuve.
En raison de cette dégradation de la situation sociale et humanitaire, en particulier depuis
l’éclatement de la crise politico-sécuritaire en mars 2013, la RCA n’a pu réaliser aucun des huit
Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) à l’horizon 2015, comme en témoigne le
rapport d’évaluation finale des OMD élaboré conjointement par les autorités centrafricaines
et le PNUD. Des progrès avaient pourtant été réalisés entre 2004 et 2012, notamment en
matière de scolarisation des filles au primaire, de promotion de l’égalité hommes-femmes,
d’approvisionnement en eau potable, d’assainissement du cadre macroéconomique, avec l’atteinte
du point d’achèvement en juin 2009, et de normalisation de la coopération internationale avec les
PTF. Ces progrès avaient en revanche été limités, surtout concernant l’éradication de l’extrême
pauvreté, dont l’incidence était estimée à 62 % en 2008, et la mortalité infantile. Aussi, sur le
plan du développement humain, la RCA se situe en 2015 au 187e rang sur 188 pays, en raison
notamment de l’aggravation de l’incidence de la pauvreté, estimée à 70 %, d’une espérance de
vie de seulement 49 ans et de la dégradation des autres indicateurs socio-économiques durant
la période de transition. Avec la fin de celle-ci, la RCA devrait adopter de nouveaux objectifs de
développement durable (ODD), et entamer leur réalisation dans un contexte plus favorable.
Analyse thématique : villes durables et transformation structurelle
La crise politico-sécuritaire a eu des conséquences néfastes sur la situation urbaine de la RCA.
Elle a détérioré les perspectives pour un développement durable des villes, en raison, notamment,
de son incidence sur le plan humain, avec un nombre élevé de décès et de personnes déplacées, de
la destruction du tissu social et économique, et de l’affaiblissement des capacités de l’État. Ainsi,
selon l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés, environ 25 % de la population centrafricaine
a été déplacée à l’intérieur du territoire depuis le début de la crise, avec une profonde fracture
ethnico-religieuse. Aussi est-il aujourd’hui extrêmement difficile de s’appuyer sur la situation
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d’avant la crise pour procéder à des projections sur la dynamique urbaine et la soutenabilité des
villes dans le contexte centrafricain actuel.
Avant le déclenchement de la crise, l’urbanisation, estimée à 38 % pour l’ensemble de la RCA,
était déjà relativement limitée et essentiellement concentrée à Bangui. Au moment de la crise
de 2013, la capitale comptait près d’un million d’habitants (soit environ 10 000 habitants/km²),
tandis que les autres villes considérées comme urbaines avaient moins de 100 000 habitants ‒ à
l’exception de Bimbo, avec environ 180 000 habitants. Plusieurs villes considérées comme urbaines
ne se distinguent des agglomérations rurales que par la présence des services de l’administration
publique, ce qui en fait les chefs-lieux de préfecture, et par celle des infrastructures scolaires
et sanitaires. La RCA connaît donc une situation de macrocéphalie urbaine, caractérisée par
l’absence de villes intermédiaires entre la première ville urbaine et le reste du réseau urbain. Par
conséquent, seule Bangui a réellement retenu l’attention dans le traitement de la problématique
de l’urbanisation en RCA et des enjeux liés au développement des villes durables.
Dans les faits, plusieurs facteurs ont contribué à la faible urbanisation en RCA : faible densité
de la population, manque de dynamisme de l’économie combiné à une absence de transformation
structurelle, déficience des infrastructures de transport sur un territoire vaste et fortement
enclavé, récurrence de crises et de conflits armés depuis l’indépendance du pays, etc. Ainsi,
dotée d’une superficie de 623 000 km² et d’une population d’environ 4 millions d’habitants, la
RCA présente l’une des plus faibles densités d’Afrique avec 7 habitants/km² contre une moyenne
de 38 habitants/km² ailleurs sur le continent. Le pays connaît par ailleurs une grande dispersion
démographique : à l’est, un « désert humain » avec moins de 1 habitant au km², au centre des
densités intermédiaires de 4 à 5 habitants au km² et, à l’ouest, une zone de concentration ne
dépassant toutefois pas 12 habitants au km². Pour remédier au problème de développement
urbain en RCA, les gouvernements successifs avaient, au cours de ces dernières années, adopté,
avec l’appui de l’Union européenne, une stratégie pour promouvoir des pôles de développement
avec la création d’un ministère en charge de ces questions. Il s’agit en fait de promouvoir
certaines agglomérations urbaines grâce au développement des activités économiques, en
ciblant notamment les régions disposant de ressources naturelles importantes et susceptibles
d’agglomérer des zones pour dépasser plus de 100 000 habitants.
Ces dernières décennies, l’urbanisation de Bangui, qui a fait l’objet de plusieurs études1,
s’est caractérisée par une accentuation de l’occupation anarchique des sols sous l’effet de
l’évolution de la démographie, mais sans une véritable planification urbaine. De nombreux
schémas d’urbanisme ou plans d’aménagement ont certes vu le jour depuis la création de la
capitale, mais ils n’ont pratiquement jamais guidé le développement urbain, entraînant ainsi
l’expansion des quartiers non lotis. La ville de Bangui, fondée en 1889, a ainsi vu sa population
passer de 80 000 habitants en 1960 à 622 771 habitants en 2003, date du dernier recensement, et
sa superficie de 22.56 km² à 92.50 km² au cours de la même période. Cette dynamique urbaine,
sans véritable lien avec celle de l’économie et de sa transformation structurelle, n’est pas sans
poser des problèmes de durabilité pour l’agglomération de Bangui, en raison notamment de sa
configuration géographique et de l’absence ou de l’inadéquation des infrastructures par rapport
aux besoins des habitants. En effet, riveraine du fleuve Oubangui, confluent du Congo, la capitale,
dont le sol est très argileux et limoneux, compte de nombreuses zones marécageuses, avec des
risques d’inondation dus au ruissellement pluvial. Ces dangers sont d’autant plus probables que
plus de 65 % de la zone construite est occupée par un habitat spontané assez dense près du
centre-ville. L’urbanisation galopante pose de véritables défis pour les conditions de vie et la mise
en place d’un cadre d’habitation sain.
Aussi, avec la multiplication des problèmes liés aux personnes déplacées et à la constitution
des camps de réfugiés dans la zone urbaine de la capitale, les autorités de transition ont récemment
entrepris, avec le soutien des PTF et en particulier de la Banque africaine de développement,
l’élaboration d’un nouveau plan d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Bangui. Ce nouveau
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Notes
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plan urbain, qui remplacera celui de 1971, vise en particulier à i) localiser les zones futures
d’urbanisation et les actions importantes à engager dans les quartiers existants ; ii) préciser
le tracé et les caractéristiques des principales voies de circulation ; iii) localiser les grands
équipements d’infrastructures et de superstructures dont l’implantation ne peut s’improviser ; et
iv) identifier et localiser les espaces naturels à protéger et/ou à mettre en valeur.
1. Voir par exemple Mossoa L. (2014), Où en est l’urbanisation en Centrafrique, L’Harmattan ; Nguimalet C.
R. (2007) « Population et croissance spatiale : diagnostic et implications pour une gestion urbaine de
Bangui », Document LACCEG, Université de Bangui.
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