Pas de Calais - Ville d`Avion

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Pas de Calais - Ville d`Avion
Commémoration/centenaire de la guerre 1914-1918
Discours de Pierre Laurent devant le « monument de la paix »
Pas de Calais - Avion, le 9 novembre 2013
Cher-e-s Ami-e-s,
Cher-e-s camarades,
C'est avec émotion que je prends la parole devant vous, devant ce
monument aux morts érigé en 1927, ce monument aux morts pacifiste, sur
lequel est inscrite la fameuse sentence biblique « tu ne tueras point ».
Inscription que les autorités de l'époque voulurent interdire.
Après avoir visité la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette, le flambeau
de la Paix de Neuville Saint-Vaast, le centre européen de la Paix à
Souchez, je ne peux qu'être traversé par l'émotion et réfléchir, avec
vous, à cette guerre, à ses conséquences, aux choix qui ont été faits
par les uns et par les autres en 1914. Et je ne peux que réfléchir au
monde d'aujourd'hui, un monde tellement différent et pourtant hanté par
le spectre de la guerre.
Le Parti communiste s'engage avec cette première journée d'initiatives
dans le Pas de Calais dans dans une année de commémoration du
centenaire
de la Première Guerre mondiale où nous entendons bien faire entendre la
voix de la paix.
Oui la guerre nous n'en avons pas voulu hier, et notre parti est né de
ce refus.
Oui, la guerre nous n'en voulons pas ni aujourd'hui, ni demain.
Henri Barbusse dans Le feu, dont le récit se déroule en partie sur la
fameuse cote 119 que nous avons entrevue ce matin, écrit "Ce serait un
crime de montrer les beaux côtés de la guerre, même s'il y en avait !"
Oui, la Première guerre mondiale fut une extraordinaire boucherie, 10
millions de morts, 20 millions de blessés.
Regardez la longue liste sur ce monument, elle n'en finit pas. La
jeunesse de ce pays fut fauchée , des familles entières décimées, la
France mit des décennies à s'en remettre. Sur ce monument, plus de 400
noms de militaires et de civils sont inscrits sur une population de plus
de 10 000 habitants en 1914.
Des morts, des veuves, des orphelins, des invalides, des malades, des
gueules cassées. Que de souffrance dans les corps, la chair et les
esprits.
En lisant cette liste, nous pensons donc à toutes les victimes
militaires de la Première Guerre mondiale quelles que soient leur
nationalité: 1400000 français; 2 millions dallemands; 1800000 russes;
1100000 austro-hongrois; 650000 italiens... je pourrai continuer
longtemps.
Et comment ne pas aux troupes coloniales embarquées comme chair à
canon,
auxquelles on a mis si longtemps à rendre hommage, emmenées dans un
conflit qui ne les concernaient pas, près de 100 000 morts pour les
seules colonies françaises.
Tous furent victimes d'une guerre injuste et inhumaine. Alors qu'on ne
compte pas sur nous pour tomber aujourd'hui dans une sorte de nouvelle
Union sacrée qui commémorerait cette guerre comme s'il s'agissait de
notre guerre, d'une guerre qui aurait prétendument rassemblé le peuple
français.
Unis dans le refus des guerres, hier comme aujourd'hui, nous n'oublions
les causes singulières historiques et politiques qui les provoquent.
Nous ne croyons pas aux hommages fourre-tout qui mettent un trait
d'égalité, comme si toutes, la guerre de 14-18, les guerres coloniales,
la guerre contre le nazisme n'était qu'un magma indifférencié. Se
souvenir, c'est comprendre et en tirer des leçons. Nicolas Sarkozy,
suivi par François Hollande, ont transformé le 11 novembre en une
journée d'hommage aux morts français de toutes les guerres. Cette
confusion risque fort de transformer cette journée de mémoire en une
journée de l'oubli. Pour notre part, nous n'oublierons pas que la
boucherie de 14-18 fut une terrible guerre impérialiste et que toutes
ses victimes doivent être au nom du refus de cette innommable boucherie.
A ce propos, et devant ce monument aux morts pacifiste, je veux évoquer
ceux que l'on appelle les « fusillés pour l'exemple », 2500
condamnations furent prononcées, plus de 650 furent exécutés auxquels il
faut ajouter les exécutions sommaires.
Il est temps de décider maintenant clairement, sans ambiguïté la
réhabilitation collective des fusillés pour l'exemple et de les inscrire
aussi sur les monuments aux morts. Cest ce que prévoit la proposition
de loi déposée par le groupe communiste en janvier 2012. Il faut que ce
combat dun siècle porté par le PCF, des organisations comme lARAC, La
Libre Pensée et la LDH aboutisse enfin.
Jeudi, François Hollande a annoncé quune place leur sera faite au Musée
de lArmée aux Invalides et que leurs dossiers de justice seront
numérisés et rendus accessibles. Cest tout un petit pas en avant, bien
insuffisant. Le sondage publié par L'Humanité indique que 75% des
Français sont prêts à la réhabilitation collective de ces fusillés. La
déclaration présidentielle ne suffit pas, il faut un acte législatif
comme le propose notre projet de loi. C'est au Parlement de s'exprimer,
il y a une majorité pour le faire, la parole présidentielle ne peut
clore cette question majeure. Le Parti communiste français prendra donc
cette année toutes les initiatives nécessaires pour soutenir ce projet
et le faire aboutir. 2014 doit être l'année de la réhabilitation de ces
hommes injustement fauchés par la barbarie militaire.
La réhabilitation au cas par cas n'est pas possible non seulement car
une partie des dossiers judiciaires a disparu mais parce qu'ils furent
comme les autres combattants les victimes d'une guerre injuste, d'un
commandement souvent défaillant. Un siècle après il est temps de réparer
l'injustice faite à ces hommes, à leurs familles. On nous dit que l'on
ne pourrait mêler aux combattants certains de ces fusillés qui seraient
des espions ou des criminels de droit commun. On préfère donc
l'injustice pour le plus grand nombre pour ne pas se tromper sur
quelques cas. Réhabilitons et ensuite si il y a des cas avérés de
criminels mais il faudra le prouver, on les en exclura.
Cette guerre fut une guerre injuste, elle ne fut pas celle du Droit mais
celle des affrontements et des rivalités nationalistes et impérialistes
qui n'avaient rien à voir l'intérêt des peuples
Les grandes puissances impérialistes se sont affrontées pour des parts
du gâteau colonial, des territoires et leurs richesses. Elles s'étaient
engagées pour cela, déjà, dans une folle course à la militarisation, au
surarmement. Les marchands de canons avaient préparé cette guerre, ils
la voulaient, ils l'ont eue, ils avaient construit un système
d'alliances non pas défensif mais pour la guerre.
Les gouvernements et les forces de l'argent attisèrent les haines
nationalistes pour diviser les peuples, les détourner de la lutte des
classes, qui grondait partout en Europe, pour les conduire au grand
affrontement, à la grande boucherie.
En 1914, ce qui était à l'ordre du jour, c'était, déjà, la réduction du
temps de travail, l'augmentation des salaires, l'amélioration des
conditions de travail, l'égalité entre les hommes et les femmes, ce
n'était pas d'aller à la guerre. Travailleurs et paysans voulaient le
pain, le fruit de leur labeur, pas la guerre. La bourgeoisie a su
exacerber les haines, monter les peuples les uns contre les autres, pour
dévier les peuples de la lutte pour un monde meilleur, elle a su les
entraîner dans une voie sans retour, que des millions d'hommes paieront
de leur vie.
C'est une leçon à l'heure où tant de forces, à commencer par
l'extrême-droite de Marine Le Pen, s'emploient à distiller le poison du
rejet de l'autre, quand face à la crise, rien ne devrait nous faire
oublier que notre voisin, proche ou lointain, est toujours un
travailleur, une sœur ou un frère d'humanité.
C'est pour cela qu'ils ont tué Jaurès le 31 juillet 1914. Le fondateur
de l'Humanité, le parlementaire, le leader du parti socialiste n'avait
de cesse de s'opposer à la guerre, inlassablement, il cherchait les
moyens de la conjurer en organisant une riposte internationaliste avec
les socialistes allemands. Ce n'est donc pas seulement un militant
exalté de l'Action française cette organisation royaliste, antisémite,
nationaliste et d'extrême-droite qui l'a tué mais ceux qui ne voulaient
pas de la Paix et de la fraternité entre les peuples. Sa mort a
totalement désorganisé le mouvement socialiste et syndical à tel point
que face à l'offensive allemande, leurs chefs se sont ralliés à l'Union
sacrée et à la guerre.
Il en fallait du courage pour résister à l'esprit de guerre pendant
l'été 1914 et il vrai qu'au niveau politique seule une petite minorité
s'est opposée à la guerre, mais dans le peuple contrairement à la
légende de la fleur au fusil, très vite le refus de la guerre a
progressé sinon on n'expliquerait pas que le maximum des fusillades et
de la répression pour indiscipline et refus de guerre fut à son maximum
pendant les deux premières années du conflit.
Ce refus souterrain, individuel gagna en force politique quand en Russie
en 1917 la révolution retentit pour dire non à la guerre ; comme en
France, comme en Allemagne des mutineries éclatèrent.
On comprit dès lors dans les rangs socialistes qu'il n'était pas
possible de rester au gouvernement de guerre.
Progressivement la minorité pacifiste s'imposa au sein du parti
socialiste, sut rallier des partisans honnêtes de la guerre et
l'ancienne majorité fut renversée. C' est ce qui conduisit à la création
majoritaire à Tours de notre parti le parti communiste.
Le PCF naquit ainsi du feu mêlé des luttes ouvrières et paysannes en
France, de l'espoir né avec la Révolution russe, du non à la
collaboration de classe, du non à la guerre. Nous pouvons être fiers de
tous ces communistes qui créèrent alors le PCF pour rompre avec le
socialisme de guerre : les Paul Vaillant-Couturier, André Marty, Charles
Tillon qui allèrent même jusqu'à se mutiner quand la France poursuivit
sa guerre mondiale en 1919 en agressant la Russie révolutionnaire, les
Duclos, les Thorez...La liste est longue de ceux qui dirent oui au
communisme pour dire non à la guerre.
Oui, aujourd'hui comme hier, en nous souvenant que celle que l'on
appelle " la Grande Guerre" fut le premier désastre humain et social du
XXème siècle, nous clamons "plus jamais la guerre".
Mais nous le savons aussi. Il n'y a pas de «leçons» mécaniques à
apprendre... comme si la simple connaissance des faits de l'histoire et
les automatismes de la mémoire pouvaient nous garantir ce «plus jamais
ça»... et une paix définitive. On sait par expérience que ce n'est pas
le cas.
Le 20ème siècle dans sa totalité, ce siècle tragique que certains
appellent «un siècle de fer et de sang», nous le rappelle, avec ses 80
millions de morts, le génocide nazi, les massacres et les guerres
coloniales...
Et le 21éme siècle s'ouvre dans un monde totalement différent, où le
fléau de la guerre n'a pas disparu.
La violence politique reste aujourd'hui une réalité. Une nouvelle course
aux armements pousse à une militarisation à des niveaux jamais atteints
avec des dépenses militaires inégalées: 1750 milliards de dollars en
2012. La guerre est toujours là. Elle prend d'autres formes. Elle a
d'autres causes. Même si l'on rencontre encore et toujours cette
mensongère et désolante thématique de «la guerre juste».
Il n'y a pas de guerre juste. Il y a des résistances légitimes. Il y a
des luttes armées et des pratiques de terreur qui ne le sont pas. Mais
la guerre, aujourd'hui comme hier, reste le moyen privilégié d'imposer
par la force sa propre logique et ses propres intérêts. Aujourd'hui
comme hier, la guerre et la violence politique se nourrissent dans le
terreau du sous-développement des injustices sociales, des stratégies de
domination. Elles sont le fruit des crises et du mépris des attentes
populaires. Elles sont le résultat des politiques hégémoniques et des
ambitions néo-impériales.
La guerre alimente un terrorisme qu'elle prétend combattre. Elle reste
l'expression d'une recherche de la domination et de la prédation
économique. Elle continue d'affirmer des hiérarchies dans les
souverainetés au sein d'un monde capitaliste ultra-concurrentiel où
l'accès aux ressources, aux matières premières, à l'énergie figure parmi
les non-dits des buts réels de la guerre.
Voilà pourquoi les Communistes refusent la guerre, refusent les guerres.
Notre parti, je l'ai dit, est né du rejet de la première guerre
mondiale. Notre histoire, au-delà des vicissitudes politique, est une
histoire anti-guerre, une histoire du combat pour le désarmement, pour
la démilitarisation des relations internationales, pour la paix. Nous en
sommes fiers.
Ce combat pour la paix n'est pas, et n'a jamais été pour nous, la seule
volonté de bannir la guerre comme moyen de règlement des différends.
Nous noublions pas, cependant, que linterdiction du recours à la force
est un principe majeur du multilatéralisme appartenant à l'Organisation
des Nations-Unies. Et cette dernière est bien le fruit des deux guerres
mondiales du 20ème siècle, après l'échec de la Société des Nations, la
SDN, créée en conséquence de la guerre de 14-18. Ne sous-estimons pas
cette exigence de l'interdiction du recours à la force même si elle est
bafouée en permanence. Son existence même, comme principe, rappelle
que
ce qui est juste et légitime c'est le règlement politique des conflits,
donc le droit dans ses différentes formulations et le politique dans la
dignité que celui-ci devrait conserver en toute circonstance. Nous avons
eu l'opportunité de rappeler cette réalité en particulier lors de toutes
les guerres qui ont dramatiquement marqué lactualité depuis la chute du
mur.
Mais pour le Parti communiste, la paix n'est pas, et ne peux pas être
seulement, l'absence de guerre. C'est surtout une conception du
développement dans toutes ses dimensions, ce sont les conditions de ce
que les Nations-Unies ont appelé, dès 1994, une Sécurité humaine. C'est
la satisfaction des besoins sociaux, la lutte contre les inégalités et
les injustices, le respect des indépendances, la maîtrise des choix
nationaux, la coopération et les solidarités nécessaires face aux
nouveaux défis mondiaux...Construire la paix, c'est construire un autre
monde, une autre Europe, une autre configuration des relations
internationales, c'est construire les conditions d'une sécurité
internationale, sociale, écologique, civile, humaine... C'est la vision
d'un nouvel ordre international. C'est un combat populaire et citoyen de
tous les instants dans le rassemblement et l'unité de toutes les forces
progressistes et démocratiques, y compris avec celles des peuples du
Sud, notamment du monde arabe et d'Afrique.
Il est consternant de voir pourtant que la seule idée et perspective
avancée par la plupart des dirigeants et des forces politiques
françaises, comme réponse aux enjeux du monde actuel, est la
constitution d'une Europe de la défense liée à l'OTAN, dans la
continuité des politiques de puissance et de militarisation...C'est à
croire que l'on a finalement rien appris !
Un monde de paix et de sécurité pour les peuples suppose enfin des
engagements prioritaires et cruciaux. Je pense en particulier au
désarmement nucléaire. L'arme nucléaire caractérise cette période
terminée de l'affrontement stratégique des blocs dans la 2ème partie du
20ème siècle. Elle constitue une menace pour l'existence même de
l'Humanité. C'est une arme qui tend à proliférer malgré les traités et
les discours. A ceux qui prétendent que la théorie de la dissuasion
constituerait la garantie qu'elle ne sera pas utilisée (alors qu'elle
l'a déjà été), nous répondons que la meilleure garantie de non-emploi
est un engagement résolu, multilatéral, c'est à dire international, pour
la réduction maximale de la menace qu'elle représente, pour son
élimination progressive et universelle. C'est d'ailleurs le sens du
traité de Non-prolifération signé par tous les États de la planète à
l'exception d'Israël, du Pakistan et de l'Inde.
La France devrait user de son autorité morale et de son rôle comme
membre permanent du Conseil de Sécurité pour prendre des initiatives en
ce sens, sur l'arme nucléaire comme sur toutes les armes de destruction
massive…
Notre pays fut un des principaux champs de bataille de la première
guerre mondiale et de la seconde. Elle est une des principales
puissances nucléaires. Ses autorités politiques portent une
responsabilité directe et connue dans la prolifération nucléaire. La
France a donc une responsabilité. Elle doit lassumer avec d'autres,
avec tous les autres États. Car le désarmement et la paix constituent
bien une responsabilité collective devant l'histoire et, surtout, devant
l'avenir. Personne, aucun pays, ne peut se croire exonéré de cette
nécessité.
Voilà l'esprit avec lesquelles nous organiserons durant toute l'année
qui vient une multitude d'initiatives. Je souhaite que dans chaque
département de France, notre parti soit à l'initiative d'évènements
utiles au débat national. Nous tiendrons au printemps une grande
exposition au siège de notre parti à Paris. Intitulée " Putain de
guerre" elle présentera 100 planches originales du dessinateur Tardi .
Nous tiendrons d'autres évènements de débats au siège national du Parti,
des évènements européens dans le cadre des élections européennes, ainsi
qu'une soirée autour de l'écrivain Henri Barbusse, Prix Goncourt 1916
pour le roman «Le Feu»; nous participerons à des rencontres, des
initiatives à Verdun, à Sarajevo et ailleurs; évidemment avec l'Humanité
nous célébrerons Jaurès.
Oui, Cent ans après il est temps de se souvenir et de s'engager pour
notre futur, pour une autre vision de lEurope et du monde. Pour la paix
et la solidarité.