fou noir au pays des blancs

Transcription

fou noir au pays des blancs
Pie Tshibanda conte les mésaventures
d’un «fou noir au pays des blancs»
« Un fou noir au pays des blancs » est une pièce de théâtre humoristique
écrite et interprétée par Pie Tshibanda, un écrivain originaire de la
République Démocratique du Congo (RDC). C’est à la source de son
expérience de l’exil en Belgique – où il se réfugie pour des raisons
politiques – qu’il puise l’inspiration pour l’écriture de sa pièce. Pie
Tshibanda a réalisé une tournée en Suisse romande fin 2013 début 2014 et
a interprété brillamment « Un fou noir au pays des blancs » qui a
d’ailleurs fait a plusieurs reprises salle comble. Un rédacteur de Voix
d’Exils a eu la chance d’assister à plusieurs représentations de son
spectacle.
Pie Tshibanda a été témoin oculaire de l’épuration ethnique des Kasaïens
qui a éclaté dans la province de Katanga en 1995 en RDC, ce qui l’a
poussé à dénoncer ce massacre à travers un film. Devenu gênant, il est
contraint de quitter la République Démocratique du Congo avec sa famille,
car il était en danger de mort. Il s’exile alors en Belgique où il
obtient l’asile politique.
Une pièce autobiographique
Confronté à l’exil, à la solitude, au manque de communication, au mépris
et à l’indifférence à l’image de beaucoup de migrants, il décide alors de
relater sa propre histoire avec humour dans une pièce de théâtre
intitulée « Un fou noir au pays des blancs ». Dans son spectacle, Pie
Tshibanda répond aux questions que se posent certains habitants des pays
du Nord:
« Pourquoi tous ces migrants du Sud viennent chez nous ? » ;
« Pourquoi ils ne restent pas chez eux ? On ne peut pas accueillir tout
le malheur du monde. » Pour Pie Tshibanda, s’arrêter à ces questions et
ne pas s’interroger sur l’origine des phénomènes migratoires est
insuffisant. Raison pour laquelle les thèmes de l’ouverture vers autrui
et celui de la méfiance vis-à-vis des apparences trompeuses occupent une
place importante dans son spectacle. A travers « Un fou noir au pays des
blancs », Pie Tshibanda cherche ainsi à sensibiliser le public aux
problèmes que rencontrent les migrants sur le chemin de l’exil en
racontant ce que beaucoup d’autres souffrent dans le silence. « (Grâce à
cette pièce) j’aurais joué un petit rôle à quelque part, j’aurais été la
voix des sans voix, celui qui parle au nom de ceux qui ne peuvent pas
parler et mon exil aura eu un sens à quelque part ».
M.B
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Infos :
Teaser de la pièce «Un fou noir au pays des blanc» de Pie Tshibanda.
Cliquez ici.
Extrait du spectacle de Pie Tshibanda « Un fou noir au pays des blancs ».
Cliquez ici.
Interview de Pie Tshimbanda menée par Aline Andrey à l’occasion de son
passage à Lausanne. Interview diffusée sur radio Django dans le cadre de
la semaine contre le racisme 2014 . Cliquez ici.
Requérant employeur
«Il faut défendre l’existence de la
norme antiraciste»
er
Mis en œuvre le 1
janvier 1995 afin
Doris Angst, Directrice de d’interdire la discrimination et l’atteinte à
la Commission fédérale
la dignité des personnes en raison de leur
contre le racisme (CFR).
appartenance raciale, ethnique ou religieuse,
la norme antiraciste a fait l’objet de
nouvelles attaques venant de l’extrême droite
Suisse qui la juge « liberticide » car trop
contraignante au point d’entraver l’un des
piliers de la démocratie : la liberté
d’expression. Voix d’Exils a interviewé Doris
Angst, Directrice de la Commission fédérale
contre le racisme (la CFR) pour en savoir
davantage sur les enjeux des récentes attaques
de cette norme formalisée dans l’article 261
bis du Code pénal suisse.
Voix d’Exils : Quels sont les objectifs que poursuit votre service et
quels sont les outils et les ressources qui sont à sa disposition pour
lutter contre le phénomène raciste en Suisse?
Doris Angst : La phrase clé du mandat donné par le Conseil fédéral à la
CFR est la suivante :« La CFR s’occupe de la discrimination fondée sur
des critères raciaux, ethniques et culturels, favorise la compréhension
entre les personnes de race, couleur, origine, religion, provenance
ethnique ou nationale différentes. Elle lutte contre toute forme de
discrimination raciale directe ou indirecte et attache une importance
particulière à la prévention pour que celle-ci soit efficace ». La CFR
dispose d’un budget de CHF 200’000.- par an et est dotée d’un secrétariat
de 2,9 postes.
Depuis quand et pourquoi selon vous
norme ?
l’UDC
souhaite-elle abroger cette
L’UDC, parti populiste de droite, défend une liberté d’opinion et
d’expression presque absolue. Dans ses campagnes, elle utilise souvent un
vocabulaire et des images xénophobes. Elle joue avec les sentiments
racistes sous-jacents dans une bonne partie de la population.
Qui est chargé de faire respecter cette norme ?
Le Tribunal fédéral défend cette grande liberté d’expression dans le
processus de la démocratie directe. Aucun tribunal suisse n’a, jusqu’à
présent, condamné une campagne politique pour cause de racisme. Par
contre, des personnalités politiques ont été jugées coupables pour des
propos racistes tenus dernièrement sur leur compte Twitter.
Quels sont selon vous les enjeux relatifs à la suppression de cette norme
?
Tant que la Suisse veut adhérer à la Convention internationale pour
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, elle est
tenue d’interdire le racisme. Comme Mme Helen Keller, juge suisse à la
Cour européenne des droits de l’homme, l’a dernièrement déclaré dans une
interview : « l’abolition de la Convention européenne des droits de
l’homme ne trouvera pas de majorité en Suisse. » J’en tire la même
conclusion pour l’abolition de la norme pénale contre le racisme qui
appellerait à l’abolition de la Convention contre le racisme de l’ONU. Il
faut comprendre que ces engagements pris par la Suisse font désormais
partie intégrale de notre propre droit et ne sont en aucune manière du
droit « étranger ».
Concrètement, la norme antiraciste adoptée en 1994 est-elle selon vous
efficace ?
Oui, elle est efficace, au moins dans certains domaines. On peut contrer
les négationnistes, elle a été un bon instrument pour lutter contre
l’extrémisme de droite (qui est par définition raciste). L’application de
la norme d’aujourd’hui garantit une bonne pratique contre des propos
racistes commis par des individus – dans la rue, par des voisins etc.
Dans d’autres domaines, on souhaiterait une pratique juridique plus dure.
Pour le moment, il n’est pas question d’améliorer la norme, mais certes,
on pourrait encore améliorer son application. Surtout, il faut défendre
l’existence d’une telle norme !
Les
victimes de propos racistes et discriminatoires hésitent-elles à
porter plainte ? Si oui, pourquoi ?
Certaines, oui. Les raisons sont : peu de confiance dans la norme,
déception par des arrêts dans le passé. Certains groupes n’ont pas
vraiment le même accès à la justice, même si la discrimination raciale
est un délit poursuivi d’office. Pensez seulement au requérants d’asile,
par exemple… Par ailleurs, il faut bien comprendre que la norme pénale ne
protège pas contre la discrimination dans les domaines civils comme le
logement, le monde du travail, etc. ce qui laisse parfois les victimes
assez désespérées. Contrairement à l’Union européenne, il manque, en
Suisse, une loi cohérente contre la discrimination.
Quelle est votre opinion à propos des accusations de l’UDC qui prétend
que la CFR est « une organisation partisane, très à gauche, qui ne fait
que gesticuler et coûte cher au contribuable » ?
La CFR a été instituée par le Conseil fédéral et il a renouvelé son
mandat en mai 2013. L’abolition de la CFR a été votée en 2007 au
parlement : avec un tiers (l’UDC) pour cette abolition et deux tiers
contre.
Propos recueillis par :
Bamba
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Racisme anti-Noirs: un phénomène trop souvent minimisé
selon la CFR
La Commission fédérale contre le racisme CFR a publié le 12 juin dernier
sur son site Internet un bulletin TANGRAM sur le racisme anti-Noirs. Elle
désire ainsi attirer l’attention sur un phénomène qui est encore trop
souvent minimisé ou mis sur le compte de la susceptibilité des victimes.
Le bulletin peut être téléchargé en cliquant ici
La rédaction
Informations:
Pour consulter l’article 261 bis du Code pénal suisse (la norme
antiraciste) cliquez ici
Pour accéder à un historique des attaques contre la norme antiraciste
cliquez ici
Le festival des chorales africaines
chrétiennes, ou l’expression d’une
foi transculturelle
chant de l’amitié avec toutes les
chorales. Photo: Voix d’Exils.
Plusieurs chorales africaines chrétiennes de Suisse s’étaient donné
rendez-vous le samedi 26 avril 2014 dernier dans le canton de Berne –
précisément à Bienne – dans la paroisse catholique Christ-Roi à
l’occasion de la deuxième édition du festival du festival des chorales
chrétiennes d’expression africaine.
Ce festival a été initié en 2012 par Migratio, organe de la Conférence
des Évêques Suisses qui s’occupe de la pastorale des migrants et des gens
du voyage. Ce service traite des besoins pastoraux, culturels et sociaux
des migrants et de leurs familles ainsi que des gens du voyage.
Balafon en action, à côté, en noir et
blanc, la chorale Capverdienne. Photo:
Voix d’Exils.
« Offrir aux chrétiens venus d’Afrique un espace d’expression de leur
foi »
En lançant l’idée d’un rassemblement des chorales africaines tous les
deux ans, le directeur de Migratio d’alors, Monsieur Marco Schmid,
voulait « offrir aux chrétiens venus d’Afrique, un espace d’expression de
leur foi qui est en même temps une vitrine pour la promotion des valeurs
chrétiennes africaines en Suisse », nous a-t-il confié.
La première édition a eu lieu à Berne en avril 2012. Pour cette deuxième
édition, la journée a commencé à 8h30 avec l’accueil et le petit déjeuner
servi par l’organisation aux choristes venus de Bâle, de Zurich, de
Fribourg, de Delémont et de Bienne, lieu d’accueil. Pour rendre la fête
plus belle, une chorale africaine était venue de Strasbourg, en France.
Quant aux nationalités, il y avait des Capverdiens, des Congolais (de
Kinshasa et du Congo Brazzaville), des Camerounais, des Togolais, des
Ivoiriens et des Suisses amis de l’Afrique.
L’entrée de la chorale Africaine de
Fribourg. Photo: Voix d’Exils.
C’est à 10h15 que le festival proprement dit a débuté, avec le mot de
bienvenue prononcé par Oscar Kayembe, l’un des organisateurs de
l’événement. Dans une ambiance festive propre à l’expression de la joie
de vivre africaine, chaque chorale disposait de 15 minutes de prestation
au cours de la première partie de la journée qui s’est terminée à 12h30
par le repas offert aux festivaliers dans la grande salle de la paroisse
Christ-Roi.
A 14h15, ce fut le début de la deuxième partie, avec la deuxième
prestation de chaque chorale. Il faut signaler que l’ambiance était plus
électrique pendant cette deuxième partie. Les choristes redoublaient
d’ardeur, les chants et les danses qu’accompagnaient aussi bien des
instruments traditionnels tels que le balafon, les maracas, le tam-tam
que des instruments modernes comme la guitare, le synthétiseur, la flûte,
mettaient l’église en effervescence.
Le temps fort de la journée fut le chant de l’amitié. Ici les choristes
des différentes chorales se sont retrouvés autour de l’autel de l’église
pour chanter ensemble un chant d’amitié et de fraternité. Les différences
d’origines et d’appartenances avaient disparues, l’espace d’un chant,
pour laisser place à une expression unanime d’une foi transculturelle.
Par la suite, une petite pause de vingt minutes a permis aux participants
de souffler un moment avant la messe de clôture. Celle-ci était célébrée
par l’abbé Nicolas, curé de la paroisse Christ-Roi et concélébrée par
deux prêtres camerounais et un prêtre congolais travaillant en Suisse. La
journée s’est clôturée à 18h20 avec les remerciements des festivaliers et
l’annonce du prochain festival qui aura lieu à Fribourg en 2016.
« Une belle démonstration de la foi chrétienne multiculturelle »
Messe de clôture. Photo: Voix d’Exils.
Cette journée n’a pas manqué de réjouir les paroissiens de Bienne et tous
les autres participants. Interrogé à la sortie de la messe, monsieur
Bernard Müller nous a avoué sa joie « de voir une belle démonstration de
la foi chrétienne multiculturelle et animée, qui tranche avec nos
liturgies habituelles suisses qui sont ternes et manquent parfois de
vitalité. Il y a là un signe encourageant de l’intégration des chrétiens
africains en Suisse ». Pour sa part, Marlène, une participante d’origine
congolaise a laissé éclater sa joie en ces termes : « ce fut un moment
magique que nous venons de vivre. Il nous replongé dans nos racines et
nous a tiré de nos angoisses de tous les jours, ne serait-ce que l’espace
d’une journée ».
Ainsi s’est achevée cette belle journée pleine d’émotions, de joie, de
bonne humeur et de souvenirs. Reste à espérer que cette joie se poursuive
dans le quotidien de chacune et de chacun et que les valeurs culturelles
et chrétiennes célébrées ici imprègnent la vie de tous les jours. Sans
quoi, ce genre de rencontres se réduirait à une simple démonstration
folklorique engendrant une euphorie éphémère.
Angèle Bawumute
Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils
Un canton, deux époques : les
paradoxes du Valais
auteur: www.zempione.com.
La rédaction valaisanne de Voix d’Exils a récemment visionné le film
documentaire « AUNAR, ceux qui sont partis », réalisé par Patric
Zenklusen et Simon César Forclaz. Produit en 2012, ce film retrace
l’émigration d’une partie de la population valaisanne qui a quitté le
ème
canton pour l’Argentine durant le 19
siècle. Cet exil était souvent
dicté par la misère qui prévalait alors en Valais. Il n’est pas sans
rappeler le destin actuel de certains requérants d’asile, ce qui a
inspiré ce commentaire de Jamel.
Le mot « étranger » vient du mot « étrange », qui signifie du dehors,
extérieur. Il désigne celui qui n’est pas de la famille, qui n’appartient
pas à la tribu. C’est quelqu’un qui vient d’un autre pays, qu’il soit
proche ou lointain, parfois d’une autre ville ou d’un autre village. On
est tous étrangers et tous étranges. Le Valais est à cet égard une région
qui
a
connu
deux
situations,
deux
phénomènes
et
deux
périodes
complètement opposés.
La première période remonte au 19
ème
siècle. Les citoyens valaisans
étaient alors dans la peau des migrants d’aujourd’hui. Ils ont vécu les
mêmes procédures, les mêmes situations. Ils ont connu les mêmes
sentiments de peur, les mêmes problèmes à l’origine du départ : la faim
et la pauvreté. Les Valaisans d’hier étaient souvent pauvres. Pour
beaucoup, le salut passait par l’émigration. Partir loin à la recherche
d’une vie meilleure.
La deuxième situation représente le Valais d’aujourd’hui, plus prospère,
devenu attractif pour certaines communautés. Les mêmes difficultés se
posent alors pour les demandeurs d’asile. Mais peu nombreux sont les
citoyens valaisans qui se souviennent que leurs grands-parents partis
pour l’étranger ont vécu un destin similaire.
Jamel
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Infos
Pour visionner la bande annonce du film « AUNAR, ceux qui sont partis »,
réalisé par Patric Zenklusen et Simon César Forclaz cliquez ici

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