Le réveil de la démocratie?

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Le réveil de la démocratie?
Le réveil de la démocratie?
Pour Charles de Gaulle, l’élection Présidentielle était la clef de voute des institutions. C’était le
moment quasiment mystique ou « un peuple rencontrait un homme ». Pour de Gaulle, dont la
famille était profondément Maurassienne, cette élection correspondait un peu à ce qu’était le
couronnement à Reims des Rois de France, LE moment où la Nation s’incarnait en un homme.
Cet homme, dans la Constitution de la V eme était en charge des intérêts supérieurs du pays, le
Premier Ministre conduisant la politique au jour le jour. Au cas où un différent se produisait entre
la classe politique et le Président, ce dernier pouvait soit avoir recours à l’arme du référendum
soit dissoudre le Parlement pour demander au peuple de trancher. En cas de défaite, le Président
ayant perdu l’onction sacrée devait se retirer.
Pour être parfaitement honnête, je n’ai jamais aimé cette conception de la démocratie tant elle
repose sur l’émergence d’un individu admirable et un peu surhumain. Une Constitution doit être
faite pour fonctionner avec des hommes normaux voir médiocres (les deux vont souvent de pair,
comme on le voit en France en ce moment) et non pas pour donner les pleins pouvoirs à un
envoyé du destin.Une constitution ne fonctionne en fait que si « le pouvoir arrête le pouvoir »,
c’est-à-dire si la séparation des pouvoirs y est organisée convenablement.
Dans un article précédent, j’ai dit tout le mal que je pensais de la constitution de la V eme
République et de son rédacteur Michel Debré. Je continue à soutenir que beaucoup des malheurs
de la France viennent des Institutions mises en place par cet homme. Citons entre autre la
concentration du pouvoir dans la fonction présidentielle, une constitution sans réelle séparation
des Pouvoirs, la création de l’ENA, de l’Ecole Nationale de la Magistrature, du Ministère de la
Culture et j’en passe.
Ayant dit cela, je suis prêt à concéder que cette conception du pouvoir ne manquait pas d’une
certaine grandeur. Le Président était en charge des intérêts supérieurs de la Nation et
responsable devant le Peuple et devant lui seul. Si la confiance entre les deux venait à
disparaitre, le Président n’ayant plus aucune légitimité, devait s’en aller. La pratique du Pouvoir
depuis plus de cinquante ans a montré au delà de ce qui est nécessaire la nocivité de ces
institutions. Les hommes politiques ont immédiatement adoré le cadeau qui leur était fait d’un
pouvoir présidentiel omnipotent (ce qui leur paraissait une très bonne idée), mais ils n’ont jamais
très bien compris pourquoi ils avaient besoin de faire appel au peuple fréquemment (par exemple
au travers de référendums), ce qui pouvait mettre leur situation en péril. En termes simples, de
Gaulle recherchait la légitimité pour gouverner. Ses successeurs se sont contentés de s’appuyer
sur la légalité formelle, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Et donc, depuis 1958-1962, tous les changements apportés à notre système politique ont eu
comme seul but de réduire les pouvoirs du peuple pour stabiliser autant que faire se pouvait la
situation des politiques. C’est-à-dire des deux partis de gouvernement . Nous en avons un
exemple parfait avec ce qu’il est convenu d’appeler les primaires .
Revenons à la définition Gaullienne de l’élection Présidentielle, moment « où un peuple et un
homme se rencontrent. »Le système des primaires en est l’exacte contradiction. Les élections
primaires sont organisées sous l’égide des partis politiques existants pour que ceux-ci continuent
à être les seuls à fournir au pays l’homme qui occupera la fonction Présidentielle. Ce n’est plus
du tout la rencontre entre un homme et un peuple, mais une sélection organisée par les deux
partis de gouvernement pour se donner la meilleure chance de rester au pouvoir en tant que
parti. Nous devrions plutôt parler ici de captation d’héritage plutôt que rencontre entre un homme
et un peuple.
A la question, pourquoi des primaires aujourd’hui et non pas il y a dix ou vingt ans, la réponse est
simple: l’émergence du Front-National. Le seul but des partis de gouvernement est de fournir un
candidat qui sera présent au deuxième tour. Ils sont en effet tous persuadés que le candidat du
FN en tout état de cause sera présent(e) au deuxième tour, et qu’il suffira d’être «l’autre»
participant au deuxième tour pour être élu, un peu comme Chirac l’avait été. Il faut donc
empêcher tout émiettement de son électorat et n’avoir qu’un seul candidat qui loin d’être désigné
par le peuple le sera par les militants On voit la différence avec la conception Gaullienne.
Qu’est que cette grosse ficelle peut bien vouloir dire? Une chose toute simple. Celui qui sera élu
compte conquérir le pouvoir d’abord en ostracisant d’abord environ un tiers du corps électoral
(les électeurs FN), puis en faisant voter pour eux un deuxième tiers qui ne le soutiendront que
pour empêcher le candidat du FN d’être élu. Le prochain Président ne sera donc soutenu dans
son action que par un tiers du corps électoral, dans le meilleur des cas. Nous sommes donc dans
un système où l’élu ne représente pas le peuple, mais à peine un tiers de celui-ci. Ce qui fait bien
sur que la France restera ingouvernable, ce qui conviendra fort bien à la classe politique
traditionnelle puisque rien ne pourra changer.
Contrairement à ce que nous disent les grands partis, les primaires ne sont donc pas une avancée
démocratique, mais un recul considérable tant elles consacrent le contrôle sur les institutions
d’une classe politique qui ne représente plus qu’elle. Le but n’est plus d’exercer le pouvoir dans
l’intérêt général, mais d’en exclure tous ceux dont cette classe n’approuve pas les idées.
S’ils étaient le moins du monde intéressés à la Démocratie, nos hommes politiques auraient dû
changer le système électoral il y a longtemps pour y introduire une dose de proportionnelle, en
particulier aux élections législatives. Voila qui aurait permis l’émergence de nouvelles forces.
Certes, cela serait risqué, mais n’est-il pas plus dangereux d’être gouvernés exclusivement par
des gens qui aujourd’hui ne représentent même plus 33 % du corps électoral et donc n’ont plus
aucune LEGITIMITE ?
Manipuler le système légal pour rester au pouvoir sans avoir aucune légitimité n’est jamais un
bon calcul à long terme. Et que l’on ne me dise pas que je fais le jeu du FN. Avoir 33 % du peuple
ou peu s’en faut qui ne soit représenté par aucun élu voila qui est pire qu’un crime, une faute …
Nous sommes à l’évidence loin, très loin du gouvernement par le peuple, pour le peuple. Nous
avons à l’heure actuelle, un gouvernement de nomenklatura organisée au profit de cette
nomenklatura par cette nomenklatura qui pour arriver à ses fins a monopolisé le pouvoir en se
servant des Institutions.
Et donc nous ne sommes plus en Démocratie et parler des valeurs de la République sans arrêt ne
veut rien dire si ce n’est ajouter l’hypocrisie à la forfaiture.
Que le lecteur ne croit pas que cette capture du système politique par une nomenklatura soit une
dérive purement Française.
Aux USA, les «appareils »s des partis Démocrates et Républicains, ceux que Madame Thatcher
appelaient les « petits hommes gris » ont depuis longtemps complètement mis sous leur contrôle
les « primaires ». Et donc, était élu l’un ou l’autre des candidats qui avaient été d’abord
présélectionnés par ces appareils. Il ne s’agissait plus pour le peuple de choisir mais tout au plus
d’entériner une sélection avec laquelle le peuple n’avait rien à voir. Or que se passe t’il outre
Atlantique? Des candidats venus de nulle part sont entrain de tailler des croupières aux candidats
« officiels », adoubés par les oints du seigneur de chaque parti. Et le plus drôle est que ces
rebelles ne dépensent pour ainsi dire aucun argent. Avoir plus d’argent que les autres n’est plus
du tout une garantie pour être le candidat officiel. Voila une bonne nouvelle pour la démocratie,
une très mauvaise pour la ploutocratie…Comme le dit plaisamment l’un de mes amis : Aux
élections, les électeurs vont avoir le choix entre Trump et Goldman-Sachs…On imagine
l’enthousiasme des petits hommes gris…
En Grande-Bretagne, le peuple va être amené à se prononcer sur la sortie des institutions
Européennes, non pas parce que monsieur Cameron a soudain connu une illumination Gaulliste
mais parce qu’un nouveau parti UKIP avait fait un tabac aux élections Européennes et risquait de
mettre en péril les Conservateurs aux élections législatives. Cameron a donc jeté un os à cet
électorat, en promettant d’organiser un referendum, ce qui lui a permis de gagner haut la main
les élections législatives. Je ne suis pas un bon observateur politique, mais je crains pour
monsieur Cameron qu’il ne s’agisse d’une élection à la Pyrrhus tant un vote pour le Brexit le
forcerait à présenter sa démission à la Reine.
En France enfin, je viens de voir passer les résultats de sondages semblant indiquer que les
Français seraient prêts, enfin, à voter pour des personnalités issues de la société civile, ce qui
risque de foutre en l’air tous les beaux calculs de nos élites auto désignées. Présenter en effet des
candidatures Juppé, Sarkozy, Hollande, Macron comme des moments ou «un homme rencontre un
peuple», ce n’est plus prendre les Français simplement pour des veaux, mais pour des ânes. Il
n’est donc plus sur du tout que l’un ou l’autre des candidats des partis dits de gouvernement soit
au deuxième tour. Voila qui serait un amusant coup de tonnerre.
La Démocratie a été capturée un peu partout par des forces, ici ploutocratiques, là
technocratiques dont je dirai avec mesure qu’elles ne sont pas toujours «bienveillantes».
Les Peuples, qui découvrent avec effarement l’incompétence inimaginable de ceux qui les
gouvernent depuis vingt ans sont en train de s’ébrouer… et bien sur les forces dont je viens de
parler dans la phrase précédente essaient de nous faire croire qu’un retour à la Démocratie et à
la souveraineté nationale serait extraordinairement dangereux. A mon humble avis, continuer à
être gouvernés par des incapables corrompus est infiniment plus dangereux
Et donc, ne «les» croyez pas. Ils vont essayer de vous faire peur, ce qui toujours est la réponse de
ceux qui ne peuvent répondre à des arguments rationnels. Un retour à la Démocratie ne peut
qu’être bon…
« N’ayez pas peur » aurait dit Jean Paul II.

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