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m o n d e a r a b e L E T T R E H E B D O M A D A I R E D ' I N F O R M AT I O N S S T R AT É G I Q U E S D i r e c t e u r : G u y P e r r i m o n d - R é d a c t e u r e n c h e f : R a s h i d S a e e d Ya g o u b - 3 0 m a i 2 0 1 3 - n ° 7 7 9 LES DOSSIERS FRANCO-TCHADIENS Lʼinquiétude dʼIsraël La visite à Paris du président tchadien Idriss Deby, prévue pour la semaine prochaine, sera l'occasion d'aborder les sujets d'intérêts communs entre Paris et N'Djamena. Notamment l'importante participation tchadienne au dispositif militaire africain au nord du Mali, venu en appui de l'opération Serval. Ce dossier comprendrait notamment le coût de l'engagement militaire tchadien au Mali, outre les indemnités qui devraient être versées aux familles des soldats tchadiens tombés en combattant les rebelles islamistes. Selon NʼDjamena, ce coût s'élève, à ce jour, à une centaine de millions d'euros, dont la facture devrait être présentée à la France. Autre sujet qui sera abordé par le président Deby : les relations entre N'Djamena et Tripoli, qui se sont fortement dégradées depuis la chute du colonel Kadhafi. Il y a trois mois, Paris était intervenu pour obtenir la libération de quatre diplomates tchadiens faits prisonniers par des groupes armés libyens durant le récent conflit. Idriss Deby souhaite que la France aide aussi à faire libérer les quelque 1 200 Tchadiens qui auraient été faits prisonniers au cours de cette guerre, alors qu'ils combattaient comme mercenaires pour le compte du colonel Kadhafi. L'armée tchadienne menacerait, pour sa part, dʼintervenir dans le sud libyen, où seraient retranchés des groupes armés rebelles tchadiens. De son côté, Tripoli a de multiples griefs à l'égard de N'Djamena, dont le premier concerne la mainmise sur les avoirs libyens au Tchad. Outre sa médiation sur ce dossier, Paris est sollicité sur le cas de l'ancien ambassadeur libyen au Tchad, Grene Saleh Grene. Tripoli voudrait que ce dernier s'abstienne de toute action hostile contre le nouveau pouvoir, alors que, selon certaines informations, il aurait récemment rencontré au Tchad Saadi Kadhafi, l'un des fils de l'ancien guide, résidant au Niger. En outre, le gouvernement libyen accuse N'Djamena de permettre à des membres de l'ancienne armée libyenne et de tribus favorables au colonel Kadhafi de rassembler leurs forces dans une zone frontalière entre le Tchad, la Libye et le Niger. Mais Paris s'intéresse aussi à l'intervention de l'armée tchadienne dans l'ouest du Soudan et en Centrafrique. Au cours d'une visite dans la capitale française, cette semaine, une délégation du JEM aurait apporté des preuves de l'implication tchadienne au Darfour. Nul doute que des dossiers de politique intérieure tchadienne seront enfin abordés à Paris, en particulier celui des droits de l'homme. La fourniture de systèmes de défense antiaériens russes de type S-300 à la Syrie, dont Moscou brandit la menace à la suite de la levée de lʼembargo des armes européennes aux rebelles, inquiète au plus haut point Israël. Mais, selon les experts de Tsahal, il faudra une “longue période d'apprentissage” des militaires syriens avant qu'ils ne maîtrisent cet équipement qui pourrait menacer la liberté de manœuvre de l'aviation israélienne au Liban et en Syrie, en raison de sa sophistication. Sur le papier, le S-300 est, en effet, une arme redoutable avec son radar d'une portée de 200 km. «Mais dans la situation de guerre civile actuelle, il y a peu de chance pour que l'armée syrienne soit capable d'investir de la main d'œuvre et des ressources en vue d'utiliser ces systèmes complexes», estime un responsable du ministère de la Défense. Selon lui, le déploiement de S-300 nécessitera la construction d'installations qui pourraient être facilement repérables à partir de satellites ou de drones. Une solution consisterait à envoyer des techniciens du Hezbollah libanais se former directement en Russie quitte, ensuite, à ce que la milice chiite stocke des S-300 dans un lieu sûr au Liban. La troisième option serait l'envoi en Syrie de conseillers militaires russes. Mais ce scénario est peu probable, car ces experts russes seraient non seulement menacés par les forces rebelles, mais aussi exposés à des attaques israéliennes. Malgré toutes ces difficultés, Damas insiste pour obtenir ce matériel, après l'humiliation que lui a infligée Israël récemment, en lançant plusieurs raids aériens en Syrie contre des convois d'armes destinées au Hezbollah. (suite page 2) La crainte dʼune “cinquième colonne” Des sources proches des services de renseignements français estiment entre 150 et 200 le nombre de djihadistes français qui se sont rendus en Syrie au cours des deux dernières années. Le ministre de lʼIntérieur, Manuel Valls, a récemment donné quelques précisions sur ce flux. Selon lui, ce sont 120 djihadistes français qui sont partis se battre en Syrie, soit près de 60 % des ressortissants français engagés dans les rangs d'al-Qaida à l'étranger, dont une «petite dizaine de Français détectés au Mali». Environ cinquante d'entre eux seraient encore en Syrie, quarante en transit vers les zones de combats et une trentaine déjà rentrés en France. Comme le souligne une source proche des services de renseignements, le nombre de tués reste, lui, incertain, mais évalué «au moins» à une dizaine. Le retour annoncé de ces djihadistes suscite une inquiétude croissante au sein des services antiterroristes, qui craignent le passage à lʼacte dʼindividus isolés, voire la constitution de cellules djihadistes, sur le modèle de celles apparues à la fin de la guerre en Bosnie. PAGE 2 Politique et stratégie TTU MONDE ARABE - N° 779 - 30 MAI 2013 ➤ Lʼinquiétude dʼIsraël (suite de la p. 1) En s'équipant de S-300, le régime de Bachar al-Assad enverrait également un avertissement aux Etats-Unis, à la Turquie et aux autres pays de lʼOtan, pour leur faire comprendre qu'une intervention militaire en Syrie serait beaucoup plus périlleuse que l'offensive lancée contre Kadhafi en Libye et que, cette fois-ci, Moscou est bien décidé à soutenir son allié. ➤ Sur plusieurs fronts Alors que les forces loyalistes syriennes et leurs alliés piétinent devant Al-Koussaïr, un autre front sʼouvre à lʼest de la capitale. Des forces dirigées par le Hezbollah tentent, en effet, de reprendre des positions tenues par les rebelles dans une zone stratégique où passe la route de lʼaéroport de Damas. Des miliciens du parti libanais combattraient enfin dans la région dʼAlep, où, à partir de deux villages chiites (Nabel et al-Zahra), ils tenteraient dʼétablir une jonction avec des positions de lʼarmée régulière. MOSCOU JOUE LʼARBITRE SUR LA CRISE SYRIENNE Plus que jamais, Moscou apparaît comme lʼarbitre de la crise syrienne. Et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en visite à Paris cette semaine, où il sʼest entretenu avec le secrétaire dʼEtat américain, John Kerry, fait figure de parrain du processus politique en cours, avec lʼorganisation de la conférence internationale pour la Syrie (Genève 2). La diplomatie russe tient en effet la dragée haute aux Américains (voir TTU n° 777), alors que les Européens nʼont plus la main sur le dossier. Certes, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a participé à un dîner de travail avec les responsables américain et russe. Mais si le projet de la conférence a été abordé lors du dernier sommet Poutine-Hollande à Moscou, celle-ci aurait été décidée par les deux présidents américain et Russe. Pour sa part, Barack Obama semble résigné à une moindre implication des Etats-Unis dans la région, en dépit des pressions du Parti républicain et du Congrès, faisant la part belle aux autorités russes sur le dossier syrien. Dans ce contexte, lʼagenda et les procédures de la conférence Genève 2 le mois prochain ne sont toujours pas définis. Depuis Genève 1, qui sʼest tenu en juin 2012, règne un grand flou sur un certain nombre de points, notamment le sort du président Assad et les compétences du futur gouvernement transitoire. Ces questions nʼont pas été tranchées lors de la rencontre à Paris entre Kerry et Lavrov. Mais comme le demandaient les Russes, les Américains auraient finalement accepté que le président Assad achève son mandat, en 2014, et que les questions du devenir de lʼarmée, des services de sécurité et des renseignements ne soient pas abordées, tandis que la diplomatie française est désireuse de mettre sur la table tous ces sujets. En outre, la participation de principe du régime à la conférence par une délégation peu représentative (aucun responsable alaouite ne figure parmi les délégués), dʼune part, et les divisions et les atermoiements de lʼopposition, dʼautre part, augurent mal dʼun succès de Genève 2. Enfin, la participation de lʼIran à la conférence reste un sujet de débat. Lors de la réunion des amis de la Syrie organisée à Amman, la semaine dernière, la France, le Royaume-Uni, la Turquie, lʼArabie Saoudite et le Qatar ont réitéré leur refus dʼinviter Téhéran, quʼils soupçonnent de vouloir sʼengager dans un marchandage incluant le dossier du nucléaire. ➤ Election en trompe lʼœil Après la mise hors jeu de lʼancien président Ali Akbar Hachemi Rafsandjani et dʼAhmadi Esfandiar Rahim Mashaïe (dauphin de Mahmoud Ahmadinejad) de la course à la présidentielle en Iran, Mohammed Reza Aref et Hassan Rohani, personnalités “réformistes modérées”, apparaissent comme de simples figurants pour le scrutin du 14 juin. Les candidats les plus en vue sont Said Jalil, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale et responsable des négociations sur le dossier du nucléaire, et Mohammad Baker Kalibaf, maire de Téhéran. Avec, comme outsider, lʼancien ministre des Affaires étrangères, Ali Akbar Velayati, un proche du guide suprême, Ali Khamenei. Si le candidat retenu doit recueillir les suffrages des Gardiens de la révolution, le choix appartient à lʼimam Khamenei en dernier ressort. UN “EMPÊCHEMENT” DU PRÉSIDENT BOUTEFLIKA ? Depuis lʼhospitalisation en France du président Abdelaziz Bouteflika, il y a plus dʼun mois, la classe politique algérienne est agitée par le débat sur sa succession. Lequel comporte un volet juridique, puisque lʼarticle 88 de la Constitution algérienne traite de lʼempêchement du chef de lʼEtat. Cʼest ainsi que le RCD de Mohcine Belabès (laïc), qui nʼest pas représenté au Parlement suite au boycott des dernières élections législatives, et le MSP dʼAbderrezak Makri (islamiste), se sont prononcés en faveur de lʼapplication de cet article 88, déclenchant ainsi les salves des partis et représentants du pouvoir. Le FLN et le RND ont été les premiers à sʼélever contre ces déclarations, suivis par quelques personnalités considérées comme des poulains de Bouteflika, notamment Abdelmalek Sellal, le chef du gouvernement, Amar Ghoul et Amara Benyounès, respectivement leaders du TAJ (Tadjamoû Amal El Djazaïr), et du MPA (Mouvement populaire algérien). Dans lʼopposition, Louisa Hanoune, chef du Parti des travailleurs, dont on connaît les accointances avec le chef de lʼEtat, a dénoncé une tentative de «coup dʼEtat» dans cette volonté dʼappliquer lʼarticle 88, alors que le FFS est resté silencieux sur le sujet, confirmant ainsi ces rapports troubles avec le pouvoir. Lʼarticle 88 de la Constitution algérienne prévoit quʼen cas de défaillance du chef de lʼEtat, le Conseil constitutionnel puisse statuer et saisir le Parlement, qui devrait alors voter lʼempêchement. Ce qui est sûr, cʼest que la mise en œuvre de cet article ne pourrait être quʼune décision politique, puisque aussi bien le Conseil constitutionnel que le Parlement dépendent du pouvoir. Lequel a donc toute latitude pour organiser la succession de Bouteflika (voir TTU n° 778), dans lʼindifférence totale de la population algérienne face à la convalescence du chef de lʼEtat et à la chose politique en général. Politique et stratégie PAGE 3 TTU MONDE ARABE - N° 779 - 30 MAI 2013 DES PRESSIONS CROISSANTES SUR TRIPOLI Le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, est pris entre le marteau et lʼenclume. Avec, dʼun côté, les milices islamistes qui font la loi dans différentes régions du pays (voir TTU n° 777), et, de lʼautre, les autorités de Washington, qui le pressent de sévir contre les auteurs de l'attaque du consulat des EtatsUnis à Benghazi, le 11 septembre 2012. Une attaque qui avait coûté la vie à quatre Américains, dont l'ambassadeur en Libye, Christopher Stevens. Après avoir fait savoir quʼils étaient prêts à assurer eux-mêmes la protection de leurs intérêts, les Américains ont envoyé à Tripoli un haut responsable du département dʼEtat, la semaine dernière, afin de notifier aux autorités libyennes un message clair à ce sujet. Reçu par le vice-ministre libyen de l'Intérieur, Omar Khadraoui, le responsable américain lui aurait remis une liste de noms concernant trois personnes soupçonnées d'avoir participé à des attaques et cinq autres qui détiendraient des informations sur l'attentat contre le consulat américain de Benghazi. Ces individus appartiendraient aux brigades d'Ansar alCharia et de Rafallah As-Sahtaoui de Benghazi, classées comme groupes terroristes. Le responsable américain aurait averti les autorités libyennes que si les coupables nʼétaient pas arrêtés et déférés devant la justice, les Etats-Unis se verraient contraints d'agir eux-mêmes. Selon une source libyenne, le Premier ministre, Ali Zeidan, en visite à Bruxelles au début de cette semaine, a sollicité certains responsables européens, notamment français, britanniques et italiens, pour qu'ils interviennent auprès de Washington pour calmer le jeu. Indiquant que le gouvernement libyen avait besoin d'un peu plus de temps pour régler le problème par la négociation, et s'adressant aux chefs des tribus auxquelles appartiennent les personnes incriminées, et qu'une intervention des Américains rendrait la situation encore plus explosive. Par ailleurs, Ali Zeidan aurait sollicité l'aide des Européens pour la formation des forces de la garde nationale actuellement en projet. Enfin, au cours de sa rencontre avec le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, il lui aurait demandé des éclaircissements sur des propos quʼil a tenus il y a quelques semaines, dans lesquels il fait planer la menace dʼune nouvelle intervention des forces de lʼAlliance en Libye, sous couvert du chapitre 7 de la charte des Nations unies. IMPUNITÉ POUR LES DJIHADISTES SAHÉLIENS La Libye est-elle devenue le nouveau sanctuaire des djihadistes sahéliens ? Depuis lʼattaque sur le site algérien dʼIn Amenas, le 17 janvier, ce pays est, en effet, montré du doigt par ses voisins pour son incapacité à contrôler son territoire, particulièrement au sud, ce qui favorise la création dʼun nouveau refuge pour les groupes extrémistes chassés du nord du Mali par lʼintervention militaire française. Au lendemain des deux attentats suicides perpétrés le 23 mai au Niger, respectivement contre un camp militaire dʼAgadez et un site dʼAreva à Arlit, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, a assuré que les auteurs de ces attaques, à lʼinstar des terroristes dʼIn Amenas, «venaient du sud de la Libye», preuve que ce pays «continue dʼêtre une source de déstabilisation pour les pays du Sahel». Malgré les protestations du gouvernement dʼAli Zeidan, qui se défend de tout laxisme avec le déploiement des ex-rebelles de lʼunité “Bouclier du Sahara” et des “Martyrs Oumou al-Aranib”, pour sécuriser la région sud, les services de renseignements occidentaux ont pu établir la présence croissante dʼislamistes armés et de trafiquants aux abords des frontières nigériennes et algériennes. Les attaques dʼIn Amenas, dʼAgadez et dʼArlit ont toutes été commanditées par lʼAlgérien Mokhtar Belmokhtar, que «la crise malienne et Serval ont fait émerger comme le nouvel homme fort des réseaux terroristes au Sahel», selon un officier français. Dès la fin de lʼannée dernière, le chef de la katiba “ElMoulathimoun”, alors rattachée à AQMI, avait créé une nouvelle organisation, “les signataires par le sang”, intégrant sous son commandement dʼautres groupes, dont le MUJAO, auteur du double attentat au Niger, qui aurait ses bases dans le sud libyen. Inquiète de ces développements, lʼUnion européenne a approuvé, le 24 mai, lʼenvoi dʼune mission civile, lʼEUBAM, destinée à aider la Libye à améliorer la sécurité de ses frontières (voir TTU n° 778). ➤ Démission attendue Le président du Congrès général national (CGN) libyen, Mohammed al-Megaryef, a présenté sa démission mardi, après l'adoption d'une loi sur le bannissement politique des anciens collaborateurs du régime du colonel Kadhafi. Une démission prévue depuis l'adoption, le 5 mai dernier, de la loi controversée qui écarte de la vie politique les personnalités ayant occupé des postes de responsabilité de 1969 à 2011. Cette loi, qui doit entrer en vigueur le 5 juin, avait été adoptée sous la pression de groupes islamistes armés. Mohammed el-Megaryef avait été président de la cour des comptes, avec rang de ministre, avant dʼêtre nommé ambassadeur en Inde. Un poste quʼil avait occupé jusquʼen 1981, date à laquelle il avait fait défection pour rejoindre un mouvement d'opposition, le Front de salut national libyen. Dʼautres démissions sont à prévoir au sein du CGN, notamment celle de son vice-président, Jomaat Attika. ➤ Enquête parlementaire Le ministre koweïtien du Pétrole, Hani Hussein, en poste depuis février 2012, a démissionné cette semaine, alors quʼil doit être interrogé par le Parlement sur lʼaffaire du paiement, début mai, dʼune indemnité de 2,2 milliards de dollars au groupe Dow Chemical par Petrochemical Industries Company (PIC), filiale de Kuwait Petroleum Corporation (KPC). Or cʼest sous la pression du Parlement que le gouvernement koweïtien avait, en décembre 2008, contraint PIC à annuler lʼaccord signé avec Dow Chemical pour un projet majeur de partenariat dans le domaine des matières plastiques. Un arbitrage rendu lʼannée dernière par la Chambre de commerce internationale, sur requête du géant américain, avait condamné PIC à lui régler, à titre dʼindemnité pour rupture abusive de contrat, le montant qui fait maintenant lʼobjet dʼune enquête parlementaire. PAGE 4 Industrie et matériels TTU MONDE ARABE - N° 779 - 30 MAI 2013 ➤ Tornado TSP saoudiens Les deux derniers Tornado TSP (Tornado Sustainment Program) viennent d'être de nouveau intégrés à la flotte de combat de la Royal Saudi Air Force, après avoir complété leur upgrade en Grande-Bretagne, auprès des établissements BAE Systems de Warton. Se termine ainsi le programme de modernisation des Tornado IDS de la RSAF au standard TSP, qui comprend, notamment, l'intégration des missiles air-sol Brimstone et Storm Shadow, tout en garantissant à ces mêmes appareils une longévité opérationnelle jusqu'en 2020 et au-delà. ➤ Des hélicoptères au Qatar Selon des sources proches de Boeing, le constructeur américain est en négociations avec le Qatar pour la vente de huit hélicoptères de transports CH-47F Chinook. Une configuration similaire à celle qui doit être livrée aux forces canadiennes à partir de juin prochain. Le groupe américain escompte également recevoir dʼici à lʼété un contrat pour huit nouveaux MH-47G Chinook, dédiés pour les opérations spéciales, probablement pour les forces américaines. ➤ Réparation à distance L'infanterie israélienne a commencé à s'équiper avec un système de réparation à distance des mitrailleuses installées sur des blindés construits par le groupe Rafael Advanced Defense Systems. Cet équipement peut être adapté à plusieurs types de mitrailleuses. Il permet d'éviter qu'un technicien militaire ne s'expose sur le champ de bataille en cas de panne. De plus, le système, selon ses concepteurs, est «75 % plus rapide» qu'une intervention humaine. Le nouvel équipement est transportable dans une valise. RIYAD : UNE ALTERNATIVE AUX CHARS LEOPARD Alors que les autorités allemandes semblent hésiter à confirmer la vente de chars de combat Leopard 2A7+ à lʼArabie Saoudite, des sources turques et saoudiennes laissent entendre que Riyad pourrait acquérir des chars de combat Altay développés par le groupe Otokar. Des informations rapportées après la visite à Ankara du ministre saoudien de la Défense, lʼémir Salman Ibn Abdel Aziz, la semaine dernière (voir TTU n° 778). Ces blindés viendraient remplacer les 320 AMX-30 des forces saoudiennes. Si les quatre premiers prototypes du char doivent débuter leurs essais dʼici à la fin de lʼannée, selon des sources turques, la production en série de l'Altay ne devrait cependant débuter quʼen 2016, au mieux, voire en 2017. Un délai jugé relativement long, qui pourrait permettre à dʼautres industriels de proposer des alternatives à lʼoffre turque au cours des prochains mois. Et aux Allemands de passer le cap des élections législatives, en septembre prochain, la vente de matériel militaire aux pays peu respectueux des droits de lʼhomme étant un sujet sensible à Berlin, exposée notamment aux critiques de lʼopposition. LA PROTECTION DE PLATES-FORMES GAZIÈRES Israel Aerospace Industries (IAI) mise beaucoup sur l'exportation de systèmes de protection de plates-formes gazières off-shore. Le principal équipement mis au point par Alta-Systems, une filiale d'IAI, est basé sur une série de capteurs côtiers aériens, spaciaux et navals, ainsi que sur des composants spécialisés dans le renseignement. Tous les capteurs sont interconnectés par l'intermédiaire d'un réseau de commande, de contrôle et de communications qui fournit une large capacité de surveillance, d'alerte et d'analyse des renseignements. Parmi les autres matériels mis au point par IAI figure celui d'une autre de ses filiales, Lahav, qui fournit un système intégré pour hélicoptères équipés d'avionique et de capteurs spécialement conçus pour la surveillance des plates-formes. Ramta, une troisième filiale, a, pour sa part, mis au point une vedette de patrouille rapide spécialisée dans les missions menées pour la défense des zones économiques exclusives. Cette vedette est conçue pour affronter des très dures conditions atmosphériques. Enfin, IAI dispose d'un système radar tel que le Navguard, qui peut être adapté sur des vedettes de combat de petite et moyenne tailles, censées permettre la libre circulation maritime et des patrouilles dans des secteurs où existent des menaces d'attaques de roquettes ou de missiles. LE DRONE PATROLLER EN DÉMONSTRATION Le groupe Sagem a récemment terminé une campagne de démonstration de son drone Male léger Patroller dans un pays du Golfe. Au cours des cinq jours de démonstration, les équipes de Sagem ont démontré les capacités du Patroller (en version IFR) à mener des missions de “Homeland Security” (notamment la surveillance maritime et côtière) dans lʼespace aérien et lʼenvironnement opérationnel local. Il sʼagissait aussi de démontrer les capacités de déploiement du drone. Sur ce marché, qui porte sur une douzaine dʼunités, Sagem est en concurrence directe avec le Predator XP de lʼaméricain General Atomics et, de façon plus marginale, avec le Watchkeeper de Thales UK. En France, le Patroller est en compétition avec le Watchkeeper pour équiper lʼarmée de Terre, ce dernier bénéficiant des millions dʼeuros déjà investis dans les essais et de la dynamique politique des accords de Lancaster House conclus entre David Cameron et Nicolas Sarkozy. Industrie matériels PAGE 5 TTU MONDE ARABE - N° 779 - 30 MAI 2013 WELLINGTON ACHÈTE DES CAMIONS ALLEMANDS Rheinmetall MAN Military Vehicles a emporté un contrat de livraison de 200 camions militaires pour les forces armées néo-zélandaises (un peu plus de 70 millions dʼeuros). La livraison sʼétalera sur 2013 et 2014. Le contrat comprend la livraison de véhicules de 10 catégories différentes en trois versions de base (6 tonnes 4X4, 9 tonnes 6X6 et 15 tonnes 8X8). «Ces nouveaux véhicules viendront remplacer nos vieux Unimog et nos poids lourds qui sont en service depuis près de 30 ans», a précisé le ministre néo-zélandais de la Défense, Jonathan Coleman. Pour Rheinmetall, lʼune des raisons de ce succès est la bonne réputation de lʼentreprise en Nouvelle-Zélande, acquise à la suite du contrat remporté par MAN pour la livraison de 7 500 camions et véhicules à lʼarmée britannique. ACCORD SUÉDO-AUSTRALIEN DANS LES SOUS-MARINS La Suède et l'Australie ont conclu un accord donnant à cette dernière un droit élargi à l'utilisation de technologies suédoises dans le domaine des sous-marins. Signé le 16 mai, à Stockholm, par les ministres de la Défense des deux pays, cet accord rend possible une implication suédoise dans le futur programme australien visant à doter le pays de sous-marins modernes (Project SEA1000), pour remplacer ceux de classe Collins. En 1987, Canberra avait acheté six submersibles de classe Collins, dessinés dans les chantiers suédois Kockums et conçus pour les besoins propres de l'Australie. Le 3 mai, le gouvernement australien a donné son feu vert à la construction dans le pays de douze nouveaux sous-marins, de préférence à l'achat à l'étranger. Les nouveaux sous-marins seront soit conçus ex nihilo, soit dans une version modernisée de ceux de classe Collins. L'accord du 16 mai autorise d'ailleurs une possible modernisation par la Suède de ces submersibles, censés — pour les plus récents — rester opérationnels pendant encore deux décennies. Pour Kockums, devenue en 2005 une filiale de ThyssenKrupp (sur le point d'être rebaptisée ThyssenKrupp Marine Systems), cette entente entre gouvernements signifie de possibles contrats en Australie. NOUVELLE CORVETTE POUR LA MARINE RUSSE La nouvelle corvette “Boïkiï” (projet 20380) a été remise à la marine russe par son constructeur de Saint-Pétersbourg, Severnaya Verf. Elle sera affectée à la base navale de Baltiïsk. Il sʼagit du troisième exemplaire de ces corvettes multirôles à être construit depuis 2006. Le haut niveau d'automatisation des Boïkiï permet de réduire lʼéquipage à 99 hommes. L'armement est composé d'un canon de 100 mm, de deux canons antiaériens à six tubes de 30 mm, de missiles antinavires et de quatre lanceurs de torpilles de 330 mm. Elle emporte un hélicoptère Ka-27PL. Jusqu'à vingt corvettes de ce type pourraient être construites, notamment dans sa version modernisée (projet 20385). La mise en service de la “Boïkiï” coïncide avec la commémoration du 310e anniversaire de la flotte de la Baltique. LANCE-ROQUETTES MULTIPLES ARGENTINS Le “Grupo de Artilleria de Lanzadores Multiples 601 de l'armée de terre argentine vient de prendre livraison de quatre lance-roquettes multiples (LRM) LVC CP-30, conçus localement par CITEDEF et les établissements Fabricaciones Militares. Ces derniers fourniront également seize autres LRM à l'Ejercito. Les LVC CP-30 sont montés sur châssis 6X6 Iveco Trakker 420, pouvant tirer des roquettes Pampero de 105 et de 127 mm. ➤ Modernisation de Fuchs Le groupe allemand Rheinmetall Defence a obtenu un contrat de 36 millions d'euros pour moderniser une nouvelle tranche de blindés Fuchs/Fox de la Bundeswehr, en les portant au standard 1A8. Il s'agit de 25 engins supplémentaires sur un total de 177 en cours de modernisation. Ceux-ci seront livrés en cinq configurations différentes, notamment sept engins avec des transmissions HMR et équipés de systèmes radios haute fréquence, cinq de commandement et de contrôle de tir pour les opérations d'appui-feu tactique interarmées, six de reconnaissance blindée et trois de déminage et EOD (Explosive Ordnance Disposal). Doté d'une fiabilité accrue, d'un niveau de protection renforcé, tant contre le tir d'armes de petit calibre que les mines et les IED, le Fuchs/Fox 1A8 est utilisé en Afghanistan. Rheinmetall a déjà livré à la Bundeswehr 123 de ces engins 6X6 modernisés. Le programme devrait être complété en 2016. ➤ Appel dʼoffres français La DGA française a lancé un appel dʼoffres pour la rénovation et le MCO (maintien en condition opérationnelle) des centres radio sol/air de la marine nationale. Ce programme portera sur une dizaine de sites en France métropolitaine. Le parc actuel est constitué de matériels TELERAD, dont certains équipements fonctionnent toujours depuis les années… 1970. Une rénovation qui sʼavère complexe, car elle doit être réalisée sous des contraintes fortes imposées par la sécurité des vols et la continuité du service, et ce avec une longévité similaire au système existant. PAGE 6 Repères TTU MONDE ARABE - N° 779 - 30 MAI 2013 Crash de lʼEuro Hawk : quelles conséquences ? Il est encore difficile dʼévaluer lʼimportance des dégâts directs et collatéraux causés par “lʼexplosion en vol” du programme allemand Euro Hawk. Mais on peut, dʼores et déjà, prévoir quʼils seront considérables. Depuis que, il y a quinze jours, le ministère allemand de la Défense a fait savoir quʼil abandonnait à mi-chemin un projet dʼachat de drones HALE en version européanisée de type Global Hawk, pour un montant global de 1,3 milliard dʼeuros, le monde politique allemand est en effervescence et la pression ne cesse de monter sur le ministre Thomas de Maizière. Comment est-il possible quʼen période de vaches maigres, les experts du ministère et de la Luftwaffe se soient engagés dans un projet aussi coûteux, sans sʼinquiéter des problèmes de certification de vol des Euro Hawk dans lʼespace aérien européen ? Pourquoi les mises en garde qui, selon le Frankfurter allgemeine Sonntagszeitung, auraient été lancées dès 2004, soit bien avant la signature du contrat en 2007, nʼont-elles jamais été entendues ? Enfin qui sont les responsables de ce désastre ? Voilà les trois questions qui reviennent le plus fréquemment dans les couloirs du Bundestag. Et les critiques viennent tout autant des députés de lʼopposition que de la majorité. Le député écologiste Omid Nouripour, porte-parole de son groupe pour les questions de défense, a ainsi demandé un «moratoire immédiat pour toutes les dépenses concernant le programme». Son homologue social-démocrate Hans-Peter Bartels a, pour sa part, élargi le questionnement au programme AGS de lʼOtan : «Que va-t-il se passer avec les cinq autres Global Hawk qui doivent être achetés par lʼOtan ? Est-ce que tous les problèmes ont été réglés à ce niveau ?», sʼinterroge-t-il. Ce questionnement est partagé par la spécialiste de la question du parti libéral, la députée Elke Hoff, qui estime que «aussi au niveau de lʼOtan, il faut cesser dʼinvestir lʼargent des contribuables dans un système de drones», au moins tant que les problèmes de certification nʼauront pas été réglés. Evidemment, les camarades conservateurs de Thomas de Maizière se font plus discrets. Certains députés, tel le spécialiste conservateur du budget, Norbert Barthle, ont lancé une manœuvre de diversion en rappelant que le projet Euro Hawk avait été imaginé sous la tutelle dʼun ministre de la Défense social-démocrate. Mais lʼincompréhension et la colère ne dominent pas moins à gauche comme à droite. On considère, en effet, que Thomas de Maizière, responsable en charge, avait toutes les cartes en main pour arrêter plus tôt le désastre et quʼil ne lʼa pas fait. Longtemps premier de la classe dʼAngela Merkel, le ministre vient, sans nul doute, de perdre sa réputation dʼinfaillibilité. Va-t-il être, en outre, obligé de quitter ses fonctions dans les semaines à venir ? Il est trop tôt pour le dire. De Maizière sʼest, pour lʼinstant, ménagé un répit, en annonçant quʼil produirait un rapport explicatif détaillé le 5 juin prochain, rapport quʼil viendra présenter et défendre personnellement devant les députés. La survie du ministre dépend donc de ses explications, mais aussi de la nature des informations, qui risquent fort de «transpirer» dans les médias allemands dʼici à cette date. Comme à son habitude en situation de crise, Angela Merkel sʼest gardée dʼintervenir directement. Mais il est clair quʼaprès le 5 juin, il lui sera difficile de conserver le silence, surtout si les explications du ministre sont jugées insuffisantes. Quatre mois avant les élections du 22 septembre, Mme Merkel, qui consacre tous ses efforts actuels à convaincre les Allemands que leur argent est bien placé chez elle, nʼavait en tout cas pas besoin dʼune telle affaire. ➤ Frégate russe à Oman La frégate “Neustrachimyi” appartenant à la Flotte russe de la Baltique est arrivée le 21 mai au port Salalah d'Oman. Les marins russes y ont fait le plein de carburant, dʼeau potable et de vivres. L'escale s'est prolongée jusqu'au 23 mai. La frégate est en mission de lutte contre la piraterie dans la région de la Corne d'Afrique. Elle embarque un détachement de fusiliers marins pour les missions de combat. Depuis mars, lʼéquipage russe a interpellé sept individus suspectés de piraterie. A noter que c'est le troisième séjour de ce bâtiment au large de la Corne de lʼAfrique. ➤ Washington lève des sanctions Le département d'Etat américain aurait levé les sanctions contre la société biélorusse Beltechexport. Les EtatsUnis avaient imposé ces sanctions en juillet 2010, accusant Beltechexport dʼexporter des armes et des technologies liées à la production d'armes nucléaires, chimiques et biologiques ainsi que des missiles balistiques à l'Iran, la Syrie et la Corée du Nord. Selon Beltechexport, des experts internationaux, dont KPMG, ont réalisé un audit du groupe et confirmer la légalité de ses activités commerciales. ➤ Des spécialités très prisées Le contingent lituanien en Afghanistan, implanté dans la province de Ghôr, dont la nouvelle rotation est arrivée récemment sur place, possède une équipe de sept spécialistes ukrainiens. Ce sont des spécialités très prisées sur le théâtre afghan : deux officiers médecins, deux officiers et deux sousofficiers démineurs et un instructeur cynophile avec son chien «Bond», spécialisé dans la recherche des mines. La particularité de cette relève est le prochain transfert de la mission à l'armée afghane. Au mois de septembre, le contingent lituanien quitte la province de Ghôr. D'après l'accord conclu entre l'Ukraine et l'ISAF, l'équipe de spécialistes ukrainiens rejoindra le contingent italien à Herat. 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