Compte rendu du conseil consultatif auprès du Haut

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Compte rendu du conseil consultatif auprès du Haut
réunion du Hcé
▼ HCE
DIRECTION N° 155 JANVIER/FÉVRIER 2008
Compte
rendu
du conseil
consultatif
auprès du
Haut conseil
de l’éducation
Philippe
TOURNIER
Au conseil consultatif
auprès du Haut conseil de
l’éducation, Philippe Tournier,
secrétaire général adjoint, est
intervenu au nom du SNPDEN
sur l’immaturité persistante
du débat scolaire dans notre
pays et sur la problématique
biaisée de la question de
l’orientation.
Le conseil consultatif auprès
du Haut conseil de l’éducation réunit périodiquement les acteurs de
l’éducation dont le SNPDEN qui y
est représenté par Philippe Tournier.
Lors de sa séance du 2 octobre der-
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HCE ▼
nier, il était saisi de deux questions : le
rapport du HCE sur l’école primaire et la
problématique générale de l’orientation.
mer de l’espérance en possible et
donc aussi renoncer à un certain nombre d’espérances.
Sur le rapport consacré à l’école
primaire, Philippe Tournier fait observer
que les éléments qui ont tant frappé
n’étaient pourtant pas nouveaux mais
que son caractère très synthétique lui
a permis d’avoir un impact plus fort
car d’accès plus facile, y compris pour
des journalistes. Le débat qui a eu lieu
autour de ce rapport montre le caractère à la fois central et parfaitement
immature du débat général sur l’école
dans notre pays : on passe des louanges les plus outrées à un réquisitoire
sans nuance. Il prend l’exemple de
l’école maternelle, jusque là considérée comme la meilleure du monde et
qu’on découvre aujourd’hui accusée
d’être à la base de tous les dysfonctionnements du système.
La situation est aggravée, dans
notre pays, du fait de l’existence d’un
jeu social particulièrement biaisé. Ce
sont les diplômes les plus élevés,
basés sur l’enseignement général, qui
donnent exclusivement accès aux postes à responsabilité et au pouvoir. Cela,
tous les élèves le savent pertinemment
et on ne peut pas faire comme si cela
n’existait pas. L’orientation scolaire a
ainsi comme fonction de distribuer les
individus dans leur rôle futur d’autant
que le rôle joué par la formation initiale
est irrémédiable dans notre pays. Il ne
faut pas nier ces réalités si on ne veut
pas s’y résoudre. De même, on sait
bien que l’orientation est déterminée
par l’offre de proximité et qu’on préconise les bienfaits de la mobilité surtout
aux élèves les plus en difficulté : on
n’impose pas à un élève de scientifique S d’être mobile.
Pour lui, cela montre qu’il est très
difficile en France d’avoir un débat
rationnel et pragmatique sur l’école.
Le SNPDEN partage plusieurs
constats du HCE : le doublement au
sujet duquel la France fait figure de
contrée exotique, la différenciation
dont on parle depuis vingt ans mais
qui ne fait toujours pas partie de la formation des personnels et l’actualité de
la loi Guizot sur laquelle il n’est pas
interdit de s’interroger…
Par ailleurs, on peut comprendre
que des personnels se soient sentis mis en cause par le rapport mais
ce n’était pas son objet : c’est plutôt
la façon dont est gouvernée l’école
depuis quinze ans qui est mise en
cause. Il y a aujourd’hui un déphasage
total entre la nécessité de mettre en
œuvre un certain nombre de réformes
qui s’inscrivent dans la durée et le fait
qu’aucune politique ne dure plus de
deux ans. La mise en place des cycles
ou celle du socle commun demandent un travail de longue haleine or
ce n’est manifestement pas prioritaire.
Le mode de gouvernement actuel de
l’école n’est pas viable et c’est sans
doute aujourd’hui son premier problème.
Sur la question de l’orientation,
Philippe Tournier souligne que le mot
« orientation » est un terme générique qui recouvre des réalités différentes lesquelles, dans la plupart des
autres pays, sont désignées par des
mots différents ce qui fait que l’on ne
sait pas toujours de quoi on parle en
France. Cela dit, dans tous les pays
du monde, l’orientation est quelque
chose de difficile, car c’est transfor-
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Dans ce jeu social biaisé, les
familles utilisent le système de manière
qui nous déplaît parce qu’elle nous y
renvoie. L’orientation est le moment où
l’école est en contact avec la société
qui l’entoure : elle n’est certes pas
totalement maîtresse du jeu mais elle
ne peut s’exonérer de sa responsabilité sociale.
À partir de ce constat, Philippe
Tournier s’interroge sur ce qu’il est
possible de faire.
Tout d’abord, il n’est pas certain
que la question de l’orientation se
réglera par de nouvelles procédures,
plus compliquées les unes que les
autres, et dont on ne sait même pas
si elles sont appliquées ou non.
La caricature de ce qu’il ne faut pas
faire, selon lui, ce sont par exemple
les fameux « entretiens individuels »
prévus l’année dernière pour chaque
élève de troisième : les instigateurs ne
se préoccupent pas de savoir si les
professeurs ont la formation nécessaire pour conduire ce type d’entretien,
ni quelle est la fiabilité des conseils
qu’ils pourront donner aux élèves. Et,
bien entendu, aucune évaluation n’a
été menée sur le résultat, ni même sur
la réalité de ces entretiens.
Il souligne aussi qu’il faudrait avoir
une posture d’honnêteté intellectuelle
plus grande que celle qui prévaut
aujourd’hui. Les brochures de l’ONISEP sont très bien faites mais elles
ne décrivent pas la réalité. Tant qu’un
élève aura plus de chances avec un
bac S d’intégrer une hypokhâgne ou
HEC, ou d’accéder à un IUT avec un
bac général qu’avec un bac technologique, tout ce que l’on pourra dire
dans les brochures officielles sonnera
faux. Il y a un décalage entre l’architecture théorique et la réalité des pratiques : cela, la plupart des élèves le
voient bien et on ne peut reprocher à
ceux qui en ont les moyens d’utiliser
rationnellement le système.
Ensuite, Philippe Tournier évoque
la question de la fluidité des parcours
et du chantier de la formation tout au
long de la vie : tant que le diplôme de
formation initiale est le déterminant
majeur de la destinée des individus
dans la société, il est normal que le
système fonctionne aussi mal. Tant
qu’on ne laisse pas entrevoir que les
portes ne sont pas fermées après
la formation initiale, on restera dans
un système d’orientation par l’échec
dans lequel chacun essaie d’obtenir
« le plus loin possible de n’importe
quoi » pour éviter que des portes ne
lui soient fermées. Dans ce système,
on s’arrête quand on ne peut pas aller
plus loin, pas lorsque l’on a atteint le
but qu’on s’était fixé : d’ailleurs, on ne
se pose la question de l’orientation
que lorsque des choix cessent d’être
possibles.
Tant qu’on ne sera pas en mesure
de montrer aux élèves qu’ils n’ont pas
raison de penser ce qu’ils pensent à
juste titre, tout ce que l’on pourra dire
sur l’orientation sera plus ou moins
un impuissant discours de regret. Les
pays où l’orientation fonctionne mieux
sont les pays où le jeu social est plus
ouvert.
Un dernier point lui paraît essentiel
celui de l’information. Non seulement
elle ne manque pas mais elle est surabondante, en partie dans des mains
qui ne sont pas désintéressées y compris de la part des universités, des
grandes écoles, des IUT, des lycées
eux-mêmes : chaque (bon) élève
compte dans tous les sens du mots !
Il est plus simple de choisir son forfait téléphonique que son orientation
même si c’est un peu pareil : rien n’est
comparable et c’est seulement après
que l’on connaît le prix exact du choix
fait. Apprendre aux élèves à s’y retrouver dans une offre extraordinairement
foisonnante, développer chez eux la
capacité d’un accès critique à l’information est effectivement un enjeu.
C’est ce qu’on a appelé l’éducation au
choix mais qui est aujourd’hui, hélas,
passée de mode.
DIRECTION N° 155 JANVIER/FÉVRIER 2008

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