lettre Veille Météo et Climat ONERC mars-avril
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lettre Veille Météo et Climat ONERC mars-avril
Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable | N° 51 mars 2013 Veille météo et climat Créé par la loi du 19 février 2001, l’Observation National sur les Effets du Réchauffement Climatique (Onerc), est rattaché à la direction générale de l’énergie et du climat du ministère du Développement durable. Sa mission première est de collecter et de diffuser les informations, études et recherches sur les risques liés au réchauffement climatique et aux phénomènes climatiques extrêmes (http://www.onerc.gouv.fr). A ce titre, il propose des outils afin d’aider les décideurs à mieux appréhender les enjeux liés au bouleversement du climat et à planifier des actions d’adaptation : indicateurs, portail del’adaptation et publications. Il remet chaque année un rapport au Premier ministre et au Parlement. Son rapport 2012, publié en décembre, a pour objet «Les outre-mer face au défi du changement climatique». Ce numéro de la lettre de veille météo et climat du CGEDD présente ce rapport, édité par La documentation Française où il peut être commandé. Le point de vue du rapport sur l’évolution du climat en outre-mer La modélisation du climat dans les zones outre-mer reste encore un domaine de recherche très jeune. En 2006 Météo-France a entrepris une étude détaillée de l’évolution des températures dans les Drom-Com, sur les cinquante années précédentes environ, où apparaît une tendance à la hausse des températures moyennes annuelles dans tous ces territoires (Royer, 2006). Pour les précipitations la situation est plus diversifiée. Sur 40 ans une tendance à la baisse des précipitations sur les parties ouest, sud-ouest et sud de La Réunion. Sur sa façade orientale «au vent», le nombre de jours de faibles précipitations augmente, avec une baisse de durée des épisodes secs, mais pratiquement pas de modification du cumul. En Nouvelle Calédonie, en Polynésie, sauf à Mururoa et Pueu, où les cumuls ont augmenté, en Martinique et en Guyane il n’est pas identifié d’évolutions statistiquement significatives. Des études plus récentes montrent que sur 1969-2008 la température moyenne de l’île de La Réunion a augmenté de +0,62°C. Aux Kerguelen l’augmentation est de +1,3°C depuis 1960. Elle est de +1,3°C en Nouvelle Calédonie de 1970 à 2009, de +1,05°C en Polynésie française entre 1976 et 2003, d’environ +1,3°C en Guyane entre 1955 et 2009 et de +1,47 °C en Martinique sur la période 1965-2009. Les Drom-Com ont pour la plupart une étendue trop réduite pour que les modèles globaux représentent convenablement les évolutions climatiques locales. Néanmoins Météo-France réalise actuellement des simulations régionales afin de compléter la base de connaissances. Dès 2013, ces résultats sur l'outre-mer seront intégrés au site Drias les futurs du climat (confère le numéro 49 de la Lettre de veille météo et climat). Bien évidemment de multiples incertitudes se combinent dans l'évaluation de ces évolutions, tant sur le niveau futur des émissions de gaz à effet de serre que sur les réactions des systèmes atmosphériques et océaniques. Il s'agit du constat des difficultés que rencontrent les scientifiques et modélisateurs pour bien appréhender les mécanismes physiques ou les évolutions sociétales à ces échelles de temps. Les tableaux 1 et 2 synthétisent les éléments disponibles et généralement évalués par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Les températures et les précipitations pour les AntillesGuyane, La Réunion, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont détaillées dans le tableau 1. Pour l'élévation du niveau de la mer, les événements extrêmes et les cyclones tropicaux, le tableau 2 présente un bilan global sur l'ensemble des outre-mer. Ces incertitudes ne doivent pas être un frein à l'adaptation au changement, ce qui suppose une évolution des attitudes et des comportements des décideurs, des gestionnaires et des populations en général. Tableau 1 : Récapitulatif sur les évolutions des températures et des précipitations Températures Observations récentes Antilles-Guyane La Réunion Polynésie Précipitations Horizon 2080 +1,5°C(Martinique) +1°C Horizon 2080 -12% (régional) + 2 à 3°C Pas d’évolution +1,4 à 3°C Légère baisse -8% Pas d’évolution + 5 à 20% (Martinique, îles de la Société, îles Australes) +1,3°C(Guyane) +0,65 à 1°C Observations récentes +1,5 à 2,5°C 0% (Martinique) -5 à -40% (Tuamotu) Nouvelle-Calédonie +1°C +1,8 à 2,1°C Pas d’évolution -5 à 8% Tableau 2 : Récapitulatif sur les évolutions du niveau de la mer et des événements extrêmes Élévations niveau de la mer Observations récentes Tendance d’ici la fin du siècle +3 mm/an +60 cm (pessimiste) +40 cm (optimiste) Ensemble des outre-mer +1 m (extrême) Évenements extrêmes Cyclones tropicaux Tendance d’ici la fin du siècle Tendance d’ici la fin du siècle Pluies violentes* Sécheresses* Intensité* Canicules* Fréquence Feux de forêt* *Tendance probable mais non précisément quantifié Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l’Énergie www.developpement-durable.gouv.fr Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable | N° 51 mars 2013 Les coraux, une espèce emblématique Les coraux palissent voire blanchissent totalement et meurent sous l'effet de l'augmentation de température des océans qui entraîne l'arrêt d'un phénomène de symbiose avec la micro-algue photosynthétique "zooxanthelle".Par ailleurs le pH de l’eau de mer est aujourd’hui compris entre 8 et 8,2, or la forte augmentation du CO2 dans l’atmosphère depuis le début de la période industrielle (de 270 ppm en 1850 à 380 ppm actuellement), a entraîné une baisse du pH des eaux de surface de presque 0,1 unité pH dans les eaux chaudes. Selon Gattuso et al (1999) et Buddemeir et al (2004) la calcification aurait déjà diminué de 10% entre 1880 et 1990. Une réduction de 0,2 à 0,3 unité de pH pourrait se produire dans le siècle à venir, or le seuil limite de pH pour la survie des coraux est compris entre 7,6 et 7,9. Le changement climatique sera l'un des grands facteurs de contrainte des activités économiques et des modes de vie. Mais comme le montre le graphique ci-dessus, il ne sera pas le seul moteur de changement ni même parfois le principal. Ci-après, trois illustrations thématiques : la santé, la forêt et les coraux. Le lien entre le changement climatique et la santé est l'un des moins bien cernés à l'heure actuelle (MC Micheal et al., 2003) En Polynésie française, ces phénomènes sont apparus lorsque la température de l'eau de mer a dépassé 29,2°C (Hoegh-Guldberg et Salvat, 1995). Ce phénomène pourrait devenir annuel à partir de 2040. L'importance des mortalités est liée principalement aux pressions anthropiques annexes auxquelles sont soumis les coraux et notamment aux pollutions "terrigènes", c'est à dire aux apports d'éléments issus de l'érosion des sols. Une adaptation pour diminuer cet impact du changement climatique sera de maintenir les surfaces végétalisées sur les côtes et d'adopter des pratiques agricoles y contribuant. Les pathologies qui affectent aujourd'hui l'outre-mer pourraient être amplifiées comme par exemple l'épidémie de chikungunya de 2005-2006 à La Réunion (212 000 cas recensés en avril 2006). La Réunion présente pourtant la meilleure situation sanitaire au sein des territoires ultramarins. Cependant schématiquement on peut avancer que le changement climatique va accroître les risques liés aux maladies transportées par les moustiques Aedes dont la densité et la durée du cycle de vie sont susceptibles d'être affectés par l'évolution des paramètres climatiques (Avagliano et Petit, 2009). Une des pistes d'adaptation envisageable est le développement des plans de surveillance, d'alerte et de gestion des crise. L'Agence régionale de la santé, la Cellule interrégionale d'épidémiologie et l'Institut national de veille sanitaire peuvent fonctionner en réseau et assurer les relais d'alerte vis à vis des préfets. Le dispositif peut être complété par l'élaboration d'une stratégie régionale d'information des populations. Ainsi le Programme de surveillance d'alerte et de gestion "Chikungunya" (Psage Chik) est mis en place dans les Drom dès février 2006 (INPES, 2008) Les prévisions saisonnières pour mars, avril et mai 2013 (http://france.meteofrance.com) La forêt, un espace potentiellement et fortement impacté En Métropole, pour les températures comme pour les cumuls de précipitation, aucun scénario ne se dégage. Une augmentation de la température atmosphérique de 1°C peut modifier le fonctionnement et la composition spécifiques des forêts. En outre-mer la distribution des forêts boréales, tropicales sèches, tropicales humides et alpines pourra être affectée. Aux Antilles comme en Guyane, aucun scénario n’est privilégié pour les précipitations. Les températures moyennes en Guyane pourraient être supérieures aux normales saisonnières alors qu’aux Antilles leur évolution est incertaine. La Guyane et tout le bloc forestier amazonien verront leur vulnérabilité aux feux augmentée du fait d'épisodes de sécheresse prolongés. 43% des espèces de plantes angiospermes de ces zones seraient non viables d'ici la fin du siècle (Miles, 2004). De même les espèces caractéristiques des forêts tropicales étant très acclimatées à leur milieu ne pourront résister à des variations climatiques même très légères (Woodward, 2004). Les précipitations à Mayotte pourraient être en-dessous des normales saisonnières. En revanche, aucun scénario ne se dégage ni pour les températures à La Réunion et Mayotte ni pour les précipitations à La Réunion. Les recherches laissent penser que les écosystèmes seront plus résilients s'ils sont diversifiés et en bonne santé. Un bon état de conservation de ces écosystèmes forestiers ultramarins implique de minimiser les impacts de toutes causes de dégradation, notamment la fragmentation et la protection contre les espèces envahissantes. Au regard des incertitudes qui demeurent sur les impacts, il sera nécessaire de développer la connaissance au profit de la gestion adaptative des forêts. En Polynésie, les températures devraient être conformes aux normales et les précipitations sans scénario privilégié. Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable Tour Pascal B 92055 La Défense cedex Collège Gestion Intégrée de l’Eau, Collège Energie et Climat Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l’Énergie En Nouvelle-Calédonie, les températures et les précipitations pourraient être au-dessus des normales saisonnières. A Wallis et Futuna, les précipitations pourraient être inférieures aux normales. Aucun scénario n'est retenu pour les températures. 2013 France métropolitaine Antilles Guyane Réunion Mayotte Nouvelle-Calédonie Wallis et Futuna Polynésie St-Pierre et Miquelon F-M-A T ? > > ? = ? ? = > M-A-M RR ? ? ? ? ? ? ? < ? T ? ? ? ? ? > ? = > RR ? ? ? ? > < > ? ? T : température RR : précipitations Gris : pas de scénario privilégié Orange : chaud ou sec Bleu : froid ou humide Vert : normal Responsable de la publication : Dominique Marbouty Rédacteur en chef : Philippe Boiret Comité de rédaction : Henry Boyé, Daniel Burette, Bernard Flury-Hérard Assistance mise en page et PAO : Véronique Vermesse, SG/SPSSI/ATL2 Benoit Cudelou www.developpement-durable.gouv.fr