Coopération de développement en Afrique

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Coopération de développement en Afrique
BENIN
Séminaire d’Alliance Sud, Suisse :
L’Afrique souffre-t-elle de trop d’aide ?
Berne/Suisse, 24 novembre 2006
Huguette Akplogan-Dossa, Coordinatrice Nationale du réseau d’ONG «Social Watch», Bénin,
Spécialiste en Développement et Education des Adultes
« Bilan de la coopération pour le développement :
cas de la République du Bénin »
Préliminaires
L’Aide Publique au Développement (APD) est le budget alloué à la coopération au
développement par les pays riches. Les trois principaux canaux de distribution de
l’aide au développement représentant 85,51 % de l’APD sont :
- La coopération bilatérale directe ou la coopération d’Etat à Etat. Il s’agit de la
coopération menée par un Etat vers un pays en développement.
- La coopération bilatérale indirecte. Il s’agit de la coopération menée par un Etat
par le truchement d’acteurs non officiels, dont les ONG (organisations non
gouvernementales).
A
ce
niveau,
on
retrouve
également
la
coopération
interuniversitaire, l’aide d’urgence, etc.
- La coopération multilatérale consiste en les contributions versées par le pays aux
institutions internationales: les Nations Unies (notamment le Programme des Nations
Unies pour le Développement PNUD), l’Union européenne (notamment le Fonds
Européen de Développement FED), et le groupe de la Banque mondiale.
L'APD est née des engagements pris par la communauté internationale d'assister les
pays colonisés au lendemain de leur accession à la souveraineté, afin de permettre à
ceux-ci de se doter de mécanismes ou instruments de leur développement. Les pays
donateurs s'étaient engagés à consacrer 0,70% de leur Produit National Brut (PNB)
à l'aide aux anciennes colonies. Pour mémoire dès 1969 c’était la Commission
1
Person qui proposait que le niveau de l’aide publique pour le développement des
pays industrialisés atteigne 0,7% de leur produit national brut (PNB). Cette
proposition fut adopté en 1970 par les Nations Unies et fut réaffirmée à plusieurs
reprises depuis lors, et notamment lors du sommet de Rio (juin 1992) et à
Johannesburg (septembre 2002). En juin 2005, l’Union Européenne sur la base du
Consensus de Monterrey a pris la décision visant à ce que les pays européens
parviennent d’ici à 2015 à consacrer 0,7% de leur Produit national brut (PNB) à
l’APD, avec un objectif intermédiaire de porter l’APD à 0,56% du PNB d’ici à 2010.
Force est donc de constater que la quasi-totalité des pays donateurs (hormis cinq)
n'a pu respecter l'objectif de 0,70%, mais que les flux d'aide s'amenuisent depuis
quelques années. Par ailleurs, il ressort des indicateurs de développement humain
en Afrique et en particulier au Bénin que l'aide consentie n'a pas permis d'améliorer
sensiblement les conditions de vie des populations.
Le Bénin a reçu de ses partenaires au développement, un important soutien financier
pour la mise en œuvre de sa politique de développement.
L'APD est en constante régression depuis 1994, alors que l'on observe que le
phénomène de la pauvreté devient de plus en plus préoccupant. En effet, le niveau
de l'aide totale par habitant est passé de 32,6 milliards en 1994 à 26,4 milliards en
2000, soit une baisse de 19%, l'intervention du Système des Nations Unies ayant
elle-même connu une tendance à la baisse ces dernières années.
Evolution global de l’aide publique au développement
Au Bénin comme dans d'autres pays en développement, l'APD est fournie sous
forme d'aide alimentaire, d'aide financière ou d'assistance technique.
Les
statistiques
publiées
par
les
rapports
sur
la
"Coopération
pour
le
Développement" font ressortir une évolution irrégulière de l'APD.
Au cours de la période 1990-2000, le Bénin a bénéficié d'environ 1420,7 milliards
FCFA au titre de l'APD provenant aussi bien de partenaires multilatéraux, que
bilatéraux. L'aide sous forme de "Don" reste la principale composante, représentant
65,3% de l'APD en moyenne au cours de la période contre 34,7% pour les "Prêts".
En termes de provenance, l'analyse des données révèle que les partenaires au
développement bilatéraux constituent les plus importants pourvoyeurs de l'APD,
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représentant une moyenne de 49% du flux global des financements mobilisés sur la
décennie.
Toutefois, les décaissements effectués par les bailleurs de fonds ont connu une
quasi-stagnation jusqu'en 1997 pour ensuite entamer un déclin atteignant 13,3% en
1998 et 17,1% en 2000.
Les partenaires multilatéraux occupent pour leur part, le deuxième rang avec 48% de
l'APD, dont 25% pour le Système des Nations Unies. Leurs déboursements ont
enregistré une croissance rapide ces dernières années surtout au titre des dons.
Enfin, les ONG n'apportent qu'une faible contribution, environ 3% au cours de la
période.
Le financement du développement par l'APD, analysé à travers l'évolution globale
des décaissements ou selon la répartition par partenaire ou par type d'intervention,
montre la forte dépendance du Bénin vis-à-vis de l'aide pour l'orientation de ses
choix.
1-)
RESULTATS OU CONTRIBUTIONS DE L’APD AU DEVELOPPEMENT DU BENIN
L'Aide Publique au Développement demeure une source de financement essentielle
pour réaliser les buts et objectifs du Programme d'Action des gouvernements
successifs qui ont dirigé le Bénin. Aussi importe-t-il d'examiner avec attention ses
retombées sur le développement socioéconomique de notre pays, le Bénin.
L'APD dont le Bénin a bénéficié au cours de la période 1990-2000 est importante ;
mais son impact sur le développement humain reste limité. Cette situation découle
fondamentalement des conditions d'allocation de l'APD.
En premier lieu, il convient d'observer la répartition sectorielle de l'APD. Il est apparu
que sur la période 1990-2000, près de 24% du montant cumulé de l'Aide a été
absorbé par le secteur dit "Gestion de l'économie". Ce secteur, il faut le rappeler,
désigne toutes les administrations chargées de la gestion des politiques et
planification économique et financière.
L'éducation et la santé n'ont bénéficié que d'environ 18% du montant cumulé de
l'APD de 1990 à 2001. Ceci montre la faible importance qui leur a été accordée, alors
que le Bénin connaît de lourds déficits en matière de santé et d'instruction comme le
montrent les indicateurs du développement.
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Par ailleurs, l'affectation des ressources accordées aux secteurs vitaux ne semblent
pas avoir privilégié l'amélioration de la disponibilité et de la qualité des services
essentiels. En effet, une partie non négligeable de ces ressources a souvent servi à
financer des dépenses improductives tels que les achats de véhicules coûteux aux
fonctionnaires gestionnaires des projets, le paiement de primes et commissions sur
les marchés, etc.
Deuxièmement, il importe de constater qu'une grande partie de l'aide porte sur
l'assistance technique. En effet, il ressort de l'analyse cette période que 30% des
ressources APD ont été octroyées sous forme de "Coopération technique" contre
25% seulement pour l'acquisition de biens et services liés à la réalisation des projets
de développement. Le choix du recours à l'assistance technique extérieure échappe
souvent à la partie béninoise, et apparaît plutôt pour certains partenaires comme une
condition non négociable à la mise en place de l'aide.
Ainsi, avec de telles conditions d'utilisation, l'efficacité de l'Aide "liée" ou
"conditionnée" demeure réduite et son impact sur le développement humain reste
négligeable. L'affectation irrationnelle par le pays bénéficiaire et le poids de
l'assistance technique réduisent les opportunités des populations à tirer profit de
l'APD qui comporte de ce fait une part d'iniquité et d'instabilité.
Enfin, l'APD ne s'inscrit pas dans la durée tant du point de vue de sa gestion que des
conditions d'octroi. Les partenaires au développement ne se soucient pas toujours
des priorités du Bénin. Cette situation est illustrée par les arrangements auxquels se
livrent les gestionnaires des ressources APD des pays partenaires et bénéficiaires ;
de tels arrangements se font au détriment des intérêts préalablement visés des
populations bénéficiaires. C'est ainsi que la lassitude de plus en plus exprimée par
les populations des pays donateurs, les crises sociales provoquées par des
situations de misère dans les pays en développement paraissent justifier les faibles
retombées de l'APD sur les secteurs clés que nous verrons.
APD et éducation
Le secteur de l'éducation est l'un des piliers du développement dans la mesure où
l'ignorance est la pire maladie à l'origine de l'aggravation de la pauvreté humaine.
L'APD au Bénin a pratiquement négligé le financement de l'éducation jusque dans
les années 90.
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Ce n'est qu'à partir de 1994 que certains partenaires se sont intéressés au
financement de l'Education en faisant passer les concours d'un montant de 2,8
milliards FCFA en 1992 à 5 milliards F CFA en 1995, 14,2 milliards en 1996, 24,6
milliards en 1997.
Ces concours ont baissé par la suite pour se stabiliser autour de 20 milliards depuis
1999. Le financement de l'éducation de base qui était évalué à 43% de l'APD
accordée à l'ensemble du secteur de l'éducation entre 1992 et 1997, a atteint son
point culminant en 1994 avec 70,2%. A partir de 1997, la part de "l'APD Education de
base" a diminué revenant à 44% en 2000.
Rapportée à l'APD total, l'aide en faveur de l'Education de base se situe en moyenne
annuelle à 3,1% entre 1990 et 1995, et à 4,8% entre 1996 et 2000.
L’Education des Adulte est le parent pauvre de ce secteur. Or nous savons tous que
l’éducation aujourd’hui doit être une « éducation tout au long de la vie ».
Le Bénin a reçu une aide importante ces dernières années pour la réforme de son
système éducatif. Ainsi, les experts ont conçu les Nouveaux Programmes d’Etudes
(NPE). Ces nouveaux programmes d’enseignement sont actuellement décriés par les
acteurs du système d’enseignement : les enseignants, les parents d’élèves et les
élèves eux-mêmes. Mais étant donné que c’est sur financement extérieur, les
autorités ont des difficultés pour y renoncer. Tout comme si on préférait sacrifier des
générations des enfants béninois à une éducation à la baisse. Dans ces conditions, il
est préférable que les bailleurs gardent leur financement, disent la plupart de mes
concitoyens.
APD et santé
Le secteur de la santé n'a pas toujours bénéficié d'une grande priorité dans l'APD.
En effet, de 1990 à 1995, l'APD à la santé n'atteignait même pas 10 milliards FCFA
(4,3 milliards F CFA en 1990). C'est seulement à partir de 1996 que certains
partenaires ont commencé à prêter une attention particulière à ce secteur pourtant
vital. Le niveau de l'APD est passé à 22,9 milliards F CFA en 1996 (12,9% du total
de l'aide) pour retomber néanmoins autour de 10 milliards F CFA en 1997, soit 7,6%
de l'aide totale. Il a amorcé de nouveau une hausse en 1999 pour se stabiliser autour
de 20 milliards F CFA, soit près de 12% de l'aide totale.
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L'APD allouée aux soins de santé primaire représente une plus grande part du
montant global du secteur de la Santé ; ce qui traduit l'intérêt que les partenaires au
développement accordent à ce secteur.
En effet, la part de l'APD à la santé allouée aux soins de santé primaires se situe en
moyenne à 68,2% au cours de la période sous revue, les efforts les plus importants
étant consentis en 1990 et en 1996, avec des parts respectives de 83% et 87,4%.
APD et le développement social
L'APD au développement social qui englobe l'aide aux travaux relatifs à
l'approvisionnement en eau potable, à l'hygiène et à l'assainissement du milieu de
vie des populations est demeurée modeste contrairement aux deux autres secteurs
de la santé et de l'éducation qui ont suscité plus d'intérêt les dernières années.
L'aide accordée à ce secteur a évolué en dents de scie de 1996 à 2000 : en 1996,
les déboursements ont représenté 8,4% du total de l'aide avant de retomber à 6,5%
en 1997 pour remonter ensuite à 7,3%. Ils ont de nouveau chuté en 1999 à 5,8%
pour revenir à 7,9% en 2000. Le sous secteur de l'« eau potable et assainissement »
a absorbé près de 58% de l'aide au développement social au cours des dix dernières
années.
APD et agriculture
L'APD accordée à l'agriculture (y compris l'élevage, les forêts et la pêche) est loin de
refléter l'importance de ce secteur dans l'économie qui occupe plus de 80% de la
population.
En effet, l'aide consacrée à ce secteur se situe autour de 8% de l'aide totale depuis
1996. Les interventions des partenaires au développement dans le secteur agricole
se sont concentrées prioritairement dans le domaine des cultures vivrières et de
l'élevage.
De 46,3% en 1990, la part de l'APD consacrée à ces activités dans l'APD pour
l'agriculture a atteint 79,3% en 1999 pour ensuite baisser à 63,6% en 2000, situant
au total le niveau de la part moyenne à 62%.
L'évolution du ratio APD par tête d'habitant accordé au sous secteur des cultures
vivrières et de l'élevage montre qu'il n'a pratiquement pas bénéficié de l'attention des
partenaires extérieurs avant 1994. Après 1994, il a connu une évolution en dents de
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scie avec une rapide augmentation en 1995 et 1998 (27,2% et 33,6%
respectivement) alors qu'il a fortement baissé en 1996 et 1997 (31,4% et 17,4%
respectivement), une hausse de 4% en 1999 et une baisse de 1,6% en 2000.
Où est-ce que l’APD a-t-elle eu des effets positifs, quand est-elle plutôt nuisible?
Y-a-t-il des différences entre la politique des divers pays donateurs ?
Il n’y a pas une harmonisation des actions des différents bailleurs de fonds. Chacun
vient avec sa méthode et ses procédures et surtout avec son secteur d’activité à
développer, sans même se demander quelles sont les priorités des populations à la
base. La multiplicité des procédures chez les bailleurs de fonds, une prévisibilité
insuffisante de l’aide, une mauvaise coordination entre l’aide officielle au
développement et les procédures d’élaboration du budget de l’Etat, ces différences
sont donc un obstacle à l’efficacité de l’aide. D’où l’importance pour les donateurs de
respecter les grandes lignes de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au
développement » s’agissant de l’appropriation, harmonisation, alignement, résultats
et responsabilité mutuelle.
L’APD au profit des élites ou du développement sociale ?
Comme je le disais plus haut, une partie non négligeable de l’aide sert souvent à
financer des dépenses improductives tels que les achats de véhicules coûteux aux
fonctionnaires gestionnaires des projets, le paiement de primes et commissions sur
les marchés, etc. Ainsi, une bonne part de l’aide est pourvue à la satisfaction de
l’élite dans les villes et les bureaux administratifs. De plus, l’opacité dans laquelle
sont gérées les ressources de l’aide favorise les détournements de fonds ou le
placement temporaire dans des comptes bloqués de ces fonds par de hauts
fonctionnaires. De ce fait, ils retardent la mise en œuvre de projets vitaux pour la
basse couche.
En d’autres termes, lorsque l’aide fait le nid à la corruption, elle arrange plutôt l’élite
au détriment des populations
L’aide apporte à la lutte contre la pauvreté quand elle poursuit la réalisation des
infrastructures sociocommunautaires, et des actions énergiques en vue d’assainir les
finances publiques, d’accroître la productivité, de généraliser et de renforcer la lutte
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contre la corruption. L’aide doit être directement orientée vers la diminution des coûts
de la santé, l’éducation, et l’investissement dans la réalisation d’infrastructures
identifiées par les populations.
Pour une APD au service du développement sociale ?
Les actions de financement du développement devront s'intensifier et comporter
davantage d'éléments de DONS que de PRETS. II convient de souligner l'impérieuse
nécessité de financer des programmes relatifs à des secteurs tels que la santé,
l'éducation, la nutrition, ou d'autres secteurs liés au développement des ressources
humaines bien qu'ils ne soient pas directement générateurs de revenus et donc ne
contribuent pas à court terme au remboursement des prêts.
-
APD pour financer les OMD, la décentralisation et soutenir la Société civile
Si les pays partenaires et les bailleurs se révèlent incapables d’acheminer, de gérer
et d’utiliser de façon efficace les ressources provenant de l’aide pour en démontrer
les résultats, nous ne serons pas en mesure d’atteindre les OMD.
Le Bénin étant partie à la Déclaration du Millénaire, a élaboré en 2003 son premier
rapport gouvernemental sur les objectifs du millénaire pour le développement. A la
suite du gouvernement, les organisations de la société civile, saisissant l’occasion de
la Déclaration du Millénaire + 5, année d’un bilan critique pour donner une nouvelle
impulsion à la réalisation des OMD, ont produit un rapport de suivi de la mise en
œuvre des engagements du millénaire au Bénin. Ce processus a abouti à
l’élaboration en 2005 du Premier Rapport Alternatif de la société civile sur les OMD
au Bénin par le réseau Social Watch Bénin. Ce regard porté par les OSC sur les
OMD cinq après leur adoption et dix ans avant l’échéance de 2015 a tenté de faire le
point des douze cibles retenues par le Bénin dans le cadre de ces objectifs. Il s’était
agi de rendre compte :
-
des situations et tendances,
-
des progrès réalisés,
-
des défis à relever,
-
des axes prioritaires de coopération,
et d’adresser au gouvernement et autres institutions de la République, aux élus
locaux, aux partenaires au développement, au secteur privé et à la société civile,
8
-
des recommandations.
Le gouvernement béninois a déjà fait l’effort de décliner les Huit Objectifs du
Millénaire pour le Développement en douze (12) cibles quantifiables avec des axes
de coopération bien précis. Malheureusement le financement des OMD se fait
toujours attendre.
La décentralisation au Bénin est conçue comme faisant partie intégrante du
processus de démocratisation engagée en 1990. Les 77 communes du pays ont tous
élaborés leur plan de développement communal. Ces plans sont de véritables
recueils de besoins ciblés qui ont été travaillés au niveau communal pour donner
divers projets couvrant tous les domaines de la vie communale avec la participation
effective des populations. Ces communes disposent d’énormes potentialités de
développement. Et il serait heureux que l’APD au développement, si tant est qu’elle
vise le développement des populations à la base, soit dirigée vers le financement
des plans de développement des communes pour se montrer plus visible aux yeux
des populations.
Bien évidemment, la société civile très engagée et très agissante au niveau du pays
doit être soutenue par le renforcement des capacités, par des appuis institutionnels
aux organisations de la société civile, qui avouons-le, ne disposent pas des mêmes
ressources que leurs homologues du nord.
Adapter l’aide aux besoins du pays
Il n’existe souvent aucun rapport entre les types de dépenses que les pays veulent
financer en vue de rehausser la prestation des services d’éducation et de santé
(coûts récurrents, locaux et principalement liés au personnel) et ce que les bailleurs
de fonds bilatéraux fournissent effectivement, soit un financement en nature et de
l’assistance technique. Quelque deux tiers de toute l’aide à l’éducation sont fournis
sous forme d’assistance technique.
L’aide est souvent fragmentée et volatile, davantage alignée sur les objectifs et les
préférences des bailleurs de fonds que sur les priorités du Bénin, et elle comporte
des frais de transaction élevés. Il faut harmoniser deux calendriers souvent
incompatibles: le calendrier du budget de l’État et celui des décaissements par les
bailleurs de fonds. Toutes choses qui amènent à une adaptation de l’APD.
Il faudra donc améliorer l’alignement en concluant des accords cadres pour l’appui
budgétaire et d’autres domaines, et entamer des réformes dans la gestion des
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finances publiques au Bénin et dans l’administration en général. Aussi sera-t-il
intéressant de créer une matrice d’actions prioritaires qui sert de boussole aux
bailleurs de fonds
Est-ce que la société civile peut-elle influencer la coopération internationale au Bénin et la
politique du gouvernement? A-t-elle été intégrée dans l’élaboration du DSRP ?
Le gouvernement béninois, pour donner un socle et une boussole indispensables à
la mise en œuvre du programme de développement de notre pays, a conçu le
Document de Stratégies de Réduction de la Pauvreté (DSRP) afin de consolider les
acquis et renforcer la démocratie participative. Le premier DSRP a été mis en œuvre
de 2003 à 2005 et a souffert de la faiblesse du diagnostic de l’état de la pauvreté et
du mécanisme participatif qui devrait conduire à la prise en compte des
préoccupations de l’ensemble des acteurs : société civile, élus locaux, secteur privé.
Lors de la deuxième génération du DSRP qui est actuellement en cours
d’élaboration, tirant leçons du DSRP, les autorités du pays ont tenu à associer la
société civile, le secteur privé et les élus locaux à l’élaboration, la mise en œuvre et
le suivi-évaluation du DSRP II.
A cet effet, prenant en compte les insuffisances notées dans l’élaboration et la mise
en œuvre de la première génération de DSRP au Bénin, le réseau Social Watch
Bénin a mis au point une approche spécifique de participation au processus
d’élaboration de la deuxième génération de DSRP. Cette démarché s’est
opérationnalisée à travers la mise en œuvre du projet « De la Consultation vers la
participation effective des OSC » qui a bénéficié de l’appui technique et financier
des partenaires au développement que sont le PNUD, le service allemand de
développement DED, la SNV Bénin et l’Ambassade des Pays Bas.
Ce projet prône une démarche qui rompt avec les sentiers battus de la consultation
de routine qui n’offre aux couches sociales démunies aucune chance d’influencer les
processus en cours, en saisissant l’opportunité du mécanisme de participation mis en
place par la Commission Nationale pour le Développement et la Lutte conte la
Pauvreté (CNDLP) pour définir une stratégie spécifique de participation de la société
civile à l’élaboration du DSRP de deuxième génération. Ainsi le processus de
participation mis en place par Social Watch comprend 5 étapes à savoir :
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- Implication dans les réflexions en cours au niveau des groupes
thématiques de la CNDLP
La première action enclenchée par social Watch Bénin dans le processus
d’élaboration du DSRP2 a été l’inscription des représentants du réseau dans les 9
groupes thématiques de la CNDLP. A travers l’implication des représentants de
Social Watch Bénin aux 09 groupes thématiques, le réseau a pris une part active aux
débats dans ces différents groupes thématiques de façon à influencer les
orientations du DSRP dans le sens d’une amélioration des conditions de vie des
populations à la base.
- Mise en place d’un système de collecte de données auprès des
populations à la base
Afin de favoriser une participation effective et efficiente des représentants de Social
Watch dans les groupes thématiques, il a été mis en place un mécanisme de collecte
des données sur les aspirations profondes des populations à la base.
- Rencontres régulières avec les représentants de social Watch dans les
différents groupes
Parallèlement au processus de collecte de données sur le terrain, les rencontres
régulières sont tenues avec les représentants de Social Watch Bénin dans les
différents groupes thématiques afin d’échanger avec eux sur les niveaux de débats
en cours au sein des groupes thématiques et dans une certaine mesurer les outiller
à interagir efficacement dans ces débats.
- Rédaction et transmission de la contribution de social Watch Bénin à la
rédaction de la deuxième génération de DSRP au Bénin
Tout ce processus décrit a permis à Social Watch Bénin d’élaborer une contribution
spécifique basée sur les réalités des populations à la base, telles qu’elles les ont
exprimées et sur les défis à relever dans ces différentes zones pour atteindre les
objectifs du millénaire pour le développement. Ce document a été transmis à la
CNDLP.
Je puis affirmer ici que les autorités actuelles du Bénin souscrivant au cadre de la
Déclaration de Paris, entendent élaborer un Document de Stratégie de Croissance et
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de Réduction de la Pauvreté (DSCRP) avec la participation de la société civile et des
bailleurs de fonds.
Quelles sont les revendications de Social Watch au Bénin quant à la coopération internationale
(APD) ?
- Respecter les engagements pris à la suite du Consensus de Monterrey en doublant
au minimum l’aide publique au développement (APD) au cours des cinq prochaines
années afin d’appuyer les OMD, en particulier dans les pays à faible revenu et en
Afrique subsaharienne, en alignant le rythme d’accroissement de l’aide sur la
capacité d’absorption du bénéficiaire.
- Un allègement accru voire une annulation des dettes multilatérales et surtout
bilatérales du pays.
- Éliminer les obstacles au commerce, en mettant fin aux subventions agricoles et
commerciales.
- Que Bruxelles (c’est-à-dire la Commission de l’UE) cesse d’être le fer de lance de la
mondialisation par l’« intégration forcée » du pays au marché mondial
- Que Bruxelles, accorde une oreille plus attentive aux plaintes des organisations
paysannes, de la société civile dans les négociations des Accords de Partenariats
Economiques.
- Rendre l’aide flexible.
- Toutes les aides devraient appuyer les priorités identifiées dans le DSCRP et les
plans sectoriels approuvés. Le Bénin a plus besoin d’aide sous forme d’appui
budgétaire.
Quel rôle devrait jouer la société civile, pourquoi celle-ci est-elle si importante ?
Le rôle de veille permanent, d’information et de mobilisation sociale que doit jouer la
société civile est plus que capitale. Ce rôle est important, parce que le contexte
néolibéral
de
« moins
d’Etat »
affaiblit
notre
Etat
dans
les
négociations
internationales. Le gouvernement fait l’objet de pressions insupportables lors des
négociations. Nos autorités n’ont même pas le temps d’étudier tous les contours des
accords (qui la plupart sont rédigés en Anglais, alors que nous sommes un pays
francophone), que sous pression, sous menace de conditionnement de l’aide, elles
ratifient dans la hâte.
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L’appui au renforcement des capacités revêt une importance particulière pour les
pays. Renforcer les capacités de lobbying et de plaidoyer serait une meilleure
manière d’aider les organisations de la société civile béninoise à influencer la
politique internationale au Bénin
CONCLUSION
L'APD apportée au Bénin, même si elle semble massive en termes absolus, apparaît
très faible au regard des besoins nationaux de développement. Par ailleurs, la faible
efficacité de l'APD consécutive aux conditions d'intervention dictées par les
partenaires et à la mauvaise gestion par l'administration nationale, n'a pas permis de
déclencher le processus de développement, mais a plutôt conduit à une dépendance
financière du Bénin vis à vis de l'APD dont les effets pervers se sont traduits par des
problèmes de financement du développement.
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