dossier-de-voyage-24

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dossier-de-voyage-24
Mercredi 24 octobre
4
Alienus visitator
Mercurii dies : ____________________
En route pour le Capitole et son musée !
- Si je ne me trompe pas, c’est là que Romulus fonde son Asylum, précisa Antoine.
- C’est exact, confirma Mahaut. La plus petite des sept collines devint ensuite un camp
militaire fortifié avant de céder la place à la fonction religieuse.
Tarquin
l’Ancien
y
fit
alors
bâtir
le
grand
temple
dédié
à
la
triade
capitoline
(_________________, _______________ et ________________). Le cœur de la religion
romaine était en cet endroit.
Quelques marches plus haut, nous voici piazza del Campidoglio. En 1536, le
génial________________ décide de créer, sous l’impulsion du Pape, une place qui
permettrait de recevoir les têtes couronnées et grands dignitaires venus du monde entier.
L’artiste florentin sort ses crayons et dessine une place parfaitement
rectangulaire. Au
centre, il installe la statue de Marc Aurèle, qui avait échappé à la destruction puisqu’on
l’avait prise pour celle de Constantin, le premier empereur chrétien (verrais-je cette statue
se pavaner dans mes rêves ?). Le projet fut achevé bien après la mort de l’artiste… après
un siècle de travaux. C’en est fini de la Rome antique : le Capitole nouveau tourne le dos au
forum.
Pourtant, en entrant dans le musée du Capitole, on se rend vite compte que
l’Antiquité est partout.
Tandis que Remus et Romulus tètent leur mère la louve, l’empereur Constantin
montre sa puissance et nous donne l’impression d’être vraiment… petits.
LES MUSEES CAPITOLINS
Les musées du Capitole sont les plus anciens musées du monde puisqu'ils
existent depuis plus de cinq siècles ! Ils ont été inaugurés par le pape Clément VII
et ouverts au public en 1734.
Musée du Palais neuf
1. Cherche la Vénus du Capitole, découverte dans un jardin. De quel
modèle
de
statue
grecque
est-elle
dérivée?
____________________________________________
2. Est-ce un original grec ou une copie romaine ?
3. Qui a-t-elle inspirée ? __________________________
1
Voyage à Rome. Reproduction interdite du dossier de voyage.
4. Observe le placement du buste de la déesse. Que remarques-tu ? Quel est
l’effet produit ? ___________
_________________________________________________________
5. Que ressent la déesse ? _____________________________________________
Observe la majesté des bustes de la salle des empereurs (leur grande vertu doit
être la Clementia _____________) . A coté, dans la salle des Philosophes, 80
visages d’orateurs et de poètes contemplent l’éternité. Cherche
bien… Cicéron est parmi eux.
Dans la salle du Gladiateur, tu trouveras le Galate mourant
(vers 200 av JC).
6. Quel bijou porte-t-il ? ___________________________
6. A quel pays appartient ce guerrier ? Pourquoi ?___________________________
___________________________________________________________________
7. La blessure est-elle mortelle ? ________________________________________
8. Qualifie l’expression de son visage. ____________________________________
9. Cherche la mosaïque des masques de théâtre. Le
masque de droite représente-il un personnage comique
ou tragique ? __________________________________
10. Observe sa coiffure. Du cortège de quel lieu fait-il
partie ? ______________________________________
11. A quoi sert « la grande bouche » ?_______________
Musée du Palais des Conservateurs
Dans la cour extérieure, une immense tête de statue en marbre est posée
contre
le
mur.
C’est
la
tête
de
l’empereur
Flavius
Valerius
Aurelius
_________________ qui a changé l’histoire en devenant ____________________.
En 325, il fonda une ville : ______________ qui a pour nom de nos jours
_____________. Le pied mesure 2m. Si sa statue était complète, elle mesurerait
________ m. Lors de la bataille du pont Milvius, tout près de Rome, le Christ
lui apparaît et dessine une croix de feu dans le ciel en disant : « In hoc signo
vinces »________________________. L’empereur fait apposer sur les
boucliers de son armée une croix avec les lettres grecques Khi(X) et Rho(P) qui
sont les initiales du Christ. Ainsi paré, l’empereur remporta la victoire sur le Pont
Milvius.
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Tu trouveras aussi le buste de l’empereur Commode en Hercule (ses attributs sont
la
_____________,
la
______________
et
les
__________________
des
Hespérides). Commode (2e siècle), fut le dernier des Antonins. Cruel, mégalomane,
arrogant, il s’attire les faveurs de la Plèbe en descendant dans l’arène et en
distribuant du pain. Pour autant, le Sénat ne pardonne pas ses lubies (il change le
nom des mois et même de Rome renommée Colonia Lucia Annia Commodiana). Il
meurt assassiné par un esclave. Il reçoit à sa mort la damnatio memoriae
_____________________________ à l’instar de Néron.
Arrête-toi
un
instant
devant
la
louve
capitoline
allaitant
deux
garçons
_____________ et ________________.
Pour finir, jette un regard au buste de Méduse par Le Bernin (17e s).
Cette femme, autrefois terriblement belle au point de rendre fous
hommes et dieux fut punie par Athéna. Devenu monstre, elle doit
affronter Persée. De son sang, jaillit _______________, dont la
blancheur symbolise la pureté de la jeune fille.
1.
Quels
sentiments
éprouve
la
jeune
fille ?
___________________________________________________________________
2. Comment est représentée sa chevelure ? Quel est l’effet produit ? ____________
___________________________________________________________________
3. Freud et Lacan ont expliqué en psychologie ce que symbolise le mythe de
Méduse. Explique. ____________________________________________________
___________________________________________________________________
Les Musées capitolins ont le charme des vieilles demeures : elles ont une histoire,
que l’on imagine plus qu’on ne la devine. Un pape traverse une salle dans mon imagination,
un riche notable romain de la Renaissance pousse un soupir en découvrant la Vénus
Capitoline sortant du bain. Je pose une main sur un mur, j’ai le sentiment qu’il y a mille
ans, un siècle, un jour, un amoureux de l’histoire a posé ses doigts exactement au même
endroit. Je sens la pierre vivre et l’empreinte du passé prend un tour presque actuel.
Marchés de Trajan et forums impériaux
Plongé dans ma rêverie, je découvrais dans l’après-midi les marchés de Trajan.
Composés d'environ 150 boutiques, les tabernae, réparties sur trois étages, les marchés de
Trajan ont conservé leur façade en hémicycle : lieu de vente au détail, ils étaient également
un centre d'approvisionnement et de redistribution des produits. Ils donnent sur le forum de
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Trajan, le plus vaste et le plus somptueux de tous les forums de l’Urbs. Le forum romain
étant devenu exigu pour répondre aux besoins d’une population grandissante, Jules César
puis Vespasien, Nerva et Trajan décident d’établir de nouveaux sites. Ces forums
constituaient à l’époque un ensemble architectural cohérent, le forum de Trajan étant relié
par un arc de triomphe à celui d’Auguste, qui avait été édifié à la mémoire de César avec le
temple de Mars vengeur qui cachait en son sein l’épée du général…
Trajan choisit un
architecte au nom évocateur : Apollodore de Damas. Ce bâtisseur qui n’avait peur de rien,
imagina le colonne Trajane, haute de 40 m avec la base, pour rappeler que la colline avait
été rabotée pour créer une place d’un niveau égal au reste et pour célébrer la victoire de
Trajan sur les Daces. En 155 scènes, la colona trajana raconte l’épopée guerrière de
l’empereur. Autrefois, des pics, des lances, des épées étaient fichés dans la colonne. Les
plaques de marbre qui s’enroulent encore étaient peintes avec des couleurs évocatrices. Et
bien sûr, une statue de Trajan surplombait l’ensemble avant d’être remplacée par celle plus
spirituelle de Saint Pierre au temps de la Rome sacrée. De part et d’autre, deux
bibliothèques encadraient le colonne : il faut croire que l’empereur aimait les armes autant
que la culture.
Forum de César
Inauguré en -46 par ___________________ , il est le __________________ des
forums impériaux. Trois colonnes rappellent le temple de _____________ Genitrix. En
effet, César attribuait sa victoire contre Pompée, son ennemi dans sa quête de pouvoir, à la
déesse. Il se disait en effet descendant d’___________, le héros qui avait fui Troie, et par
conséquent descendant de la déesse de l’amour. Dans le temple, une statue de
_______________, la maîtresse de César, en or célébrait la beauté et la grâce. Devant le
temple, une statue du consul élu à vie, à cheval, glorifiait sa vaillance au combat et son
talent pour la stratégie militaire. Jules César
tenait à ce qu’on le compare à un vir, un
brave au courage sans faille.
Thermes de Caracalla
Année 212. Rome est une ville moderne. Aqueducs, eau
courante, égouts… La ville maîtrise l’eau. Les thermes de
Caracalla sur l’Aventin illustrent sur 13 hectares, le goût du
raffinement et le culte du corps. Après sa journée de travail,
vers 4 heures environ, tous les Romains viennent aux bains
pour se rafraîchir et se détendre. Pour un quart d’as, c’est-àdire presque rien.
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-
Si je me souviens bien, lança Aytekin, les thermes peuvent accueillir 1600 personnes
en même temps. Ils fonctionnent jour et nuit.
-
Un complexe dédié à la natation, ouvert jour et nuit ! C’est merveilleux, s’exclama
Océane. En même temps, c’est logique : pas question d’arrêter de chauffer l’eau.
-
C’est sûr. Le système de chauffage
porte un nom grec, ajouta Evann.
Je crois que c’est le système de
chauffage
par
hypocauste.
La
chaleur vient du sol.
En effet, l’eau était puisée à 91 km de
là et stockée dans 64 citernes d’une
capacité de 80 000 litres chacune. En
sous-sol, des fours à bois maintiennent
l’eau à la température souhaitée tandis
que la chaleur se répartit dans les salles
tièdes grâce à des canalisations et de bas
en
haut
à
travers
briques.
Des
travaillent
aux
des
conduits
centaines
thermes
de
de
d’esclaves
Caracalla.
Partout, du marbre. Partout, une eau transparente dans laquelle se reflètent les fresques
peintes sur les murs. C’est ici que toute la Plèbe de Rome se retrouve. Les femmes le
matin, les hommes l’après-midi.
On commence par laisser ses vêtements au vestiaire, l’apoditerium. Des niches sont
prévues pour ranger ses effets. Ensuite, on se dirige entièrement nu vers la Palestre, une
cour rectangulaire couverte de mosaïques. Notre Romain peut aussi pratiquer quelques
exercices d’échauffement : lutte, combat à l’épée, haltérophilie, jeux de balle… Ensuite, il
va dans le sudatorium, sorte de hammam antique. La température monte. Habitué à la
chaleur, on peut se détendre dans le caldarium.
-
Quand on est allé visiter l’expo sur Rome en 3D à Caen, le guide nous a expliqué que
le port de sandales était nécessaire : le sol est à 50° minimum, précisa Marie. La
chaleur devait être étouffante.
Dans cette salle circulaire de 34m de diamètre, un puits de lumière fait entrer les rayons
du soleil. Il fait 55° dans la pièce ! Il s’agit de transpirer autant que possible. On se racle la
peau avec le strigile, un grattoir incurvé, pour enlever la sueur et les impuretés.
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On passe ensuite dans une salle plus petite, le tepidarium. Il y fait moins chaud.
Cette salle, plus petite, sert de transition. Il ne reste qu’à passer dans le frigidarium : la
salle froide. On peut nager dans une piscine de la taille d’une piscine olympique (50m !).
Masseurs et épileurs sont à disposition pour soulager les muscles endoloris des sportifs ou
enlever les poils disgracieux. Les Romains ont une idée très précise de la beauté et ils font
de leur mieux pour correspondre à cet idéal de beauté. Ou bien, on peut aussi lire quelques
volumens dans les bibliothèques ou admirer les œuvres d’art. Les thermes sont aussi un
lieu de discussion et un centre d’art.
Dessine une mosaïque en noir et blanc
Année 2012. Les Barbares ont saccagé les
canalisations d’eau depuis longtemps. Caracalla est
un squelette. Les marbres ont disparu. Les statues
sont détruites ou éparpillées. Plus de fresques. Plus
d’eau. La mosaïque des athlètes est au musée du
Vatican.
Seules
les
briques
qui
constituaient
l’ossature du chauffage à hypocauste sont encore
là pour témoigner de ce qu’était le plus luxueux de
tous les complexes thermaux ayant jamais existés.
Il me faut faire un effort d’imagination pour imaginer le faste d’autrefois. Sous mes pieds,
un réseau de souterrains court encore.
Je suis inquiet de voir comme on peut bâtir de
grandes œuvres pour ensuite les laisser périr. Je suis troublé en songeant que le Moyen-âge
a fait de Caracalla un cimetière…
Je me concentrais pour observer la parfaite symétrie
des bâtiments quand j’aperçus une jeune fille qui nous
suivait. Elle semblait perdue. Elle passa du frigidarium à la
piscine. Elle appuya sa main blanche sur le pilier massif du
caldarium. Cette fille m’intriguait. Que faisait-elle ici toute
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seule ? Elle n’avait pas l’air d’une touriste. Elle cherchait quelque chose. Quelqu’un peutêtre. Soudain, comme si on lui avait soufflé un mot à l’oreille, elle se retourne et plonge son
regard dans le mien. J’eus une sensation de déjà-vu. Pourtant, je ne la connaissais pas. Elle
avait les traits fins et altiers de la statue de la Vestale du Forum Romain. Son regard me
mettait mal à l’aise. Elle me fixa. Moi qui l’avais observée quelques minutes auparavant,
j’étais à présent gêné d’être celui que l’on examine. Je pris l’air le plus naturel du monde et
je fis semblant de me passionner pour une arcade du frigidarium, afin de montrer à
l’insolente qu’elle ne m’intéressait nullement. Je poussais même le jeu jusqu’à prendre des
photographies des ruines… en espérant, l’air de rien, capturer l’image de l’espionne. Je pris
sept clichés. Je vous assure que je ne mens pas. Chaque cliché était d’une netteté
remarquable. Chaque détail des parements de briques était visible. Tout était net à une
exception près : sur les sept clichés, l’endroit même où apparaissait le visage de la jeune
fille était flou. Impossible de discerner le moindre trait. Il y avait comme un nuage de
brume qui camouflait sa personne.
Agacé, je comptais sur l’aide d’Albane pour croquer le visage de l’intrigante. Les
dessins d’Albane sont loin d’être flous, eux.
-
Albane, je sais que tu vas trouver mon idée étrange, mais pourrais-tu dessiner la fille
qui est là-bas, à coté du caldarium? Je t’expliquerai après.
-
Oui, bien sûr…, répondit-elle d’un air à demi perplexe. Mais elle est où, cette fille ?
Un nuage de poussière blanche tourbillonnait entre les piliers de l’ancienne salle chaude. Il
n’y avait plus l’ombre d’aucune fille. Ces apparitions capricieuses qui s’envolaient dès que je
n’étais plus seul commençaient sérieusement à me crisper. J’avais vu ce que j’avais vu. Le
vent du soir commençait à se lever. Les volutes blanches de cendres scintillaient de plus en
plus et dansaient ici et là entre les murs des Thermes. Une bourrasque plus forte que les
autres s’engouffra dans le couloir où je me trouvais. Un froid glacial m’éperonna droit au
cœur. Les cendres cinglèrent mon visage comme si j’avais reçu une gifle et je crus entendre
le vent siffler « nescis ! Sed me tueris ? » (______________________________) . Inutile
de préciser que mon pouls battait des records. Je me sentais pâle comme la mort.
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Phantasmatium Nox
Le soir venu, j’étais ravi de retrouver la chambre de l’Hôtel Washington. Elle n’avait
rien d’extraordinaire si ce n’est que tout s’y mélangeait. Décoration invraisemblable des
années 1970 et tentative de modernité. Les époques s’y étaient superposées avec une
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spontanéité déconcertante. Je m’endormis sans mal. Mais mon repos fut de courte durée.
A nouveau, je retombais dans le rêve de la nuit précédente. Fracas de pierres,
marbres fracturés, stucs arrachés… Rome brûlait. Rien ne semblait pouvoir contenir
l’incendie. Et sur le Palatin, à nouveau, je voyais ma Vestale, parée d’un voile blanc
scintillant, avec les traits de la jeune fille des Thermes. Elle tenait dans sa main un morceau
de papyrus. Elle se retourna, tendit le fragment froissé vers moi comme si elle voulait me le
donner. Puis, il disparut dans un claquement sec. Alors, contre toute attente, la jeune fille
montra la poche de ma veste. Puis, le sol sembla s’écrouler sous mes pieds. Les bâtiments
antiques étaient pris de tremblements.
-
Augustin ! Bon sang ! Tu vas réveiller tout le monde ! Arrête !
Guillaume me secouait énergiquement. J’étais debout, au beau milieu de la chambre.
-
Augustin : tu fais un mauvais rêve. Rien ne brûle !
Je retrouvais enfin la réalité, normale de 2012.
-
Je ne savais pas que tu étais somnambule, me fit remarquer Guillaume.
-
Moi non plus… ça a duré longtemps ? Je veux dire… Je marche depuis combien de
temps dans la chambre ?
-
Deux ou trois minutes. J’ai essayé de te raisonner, ajouta Jean, mais tu n’entendais
pas. Alors Guillaume a utilisé la manière forte.
-
Merci…
-
Je vous propose puisque tout est réglé, de retourner dormir, conclut Jean. Il est
bientôt minuit tout de même.
Nous suivîmes ces bons conseils. La respiration de mes camarades de chambre se fit de
plus en plus paisible. Ils dormaient. Pour ma part, j’avais peur de me rendormir et de me
livrer encore une fois à une scène grotesque où je proférerais des mises en garde contre
l’éboulement du Colisée… Je craignais aussi d’avoir à nouveau une vision de la Rome
antique aussi vraie que nature… Je me repassais les images rêvées. Ma Vestale blanche, le
papyrus, le bruit sec quand il disparut et... mais bien sûr ! Ma veste ! La preuve était là.
Preuve que tout n’était que le fuit de mon imagination. J’avais cru voir que le fragment de
papyrus était dans la poche de ma veste. Puisque j’avais rêvé, et que les rêves sont faux,
ma poche était certainement vide.
Comme un enfant qui vérifie si un monstre ne serait pas caché sous son lit, je me levai à
pas de loup. Je pris ma veste et j’entrepris d’en fouiller les poches. J’explorais les plis, les
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Voyage à Rome. Reproduction interdite du dossier de voyage.
recoins des poches latérales. Rien. J’étais soulagé. Mais dans la poche intérieure, celle qui
est sur mon cœur, se trouvait une sorte de toile rugueuse, froissée, déchirée avec des
lettres majuscules tracées à l’encre noire :
Vivemus Augustine ! Soles occidere et redire possunt.
Hic sum cur me intueris talis viva.
Media nocte In alto Foro i atque carmen audi.
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
Etais-je en train de devenir fou ? Etait-ce une plaisanterie ? Je ne savais plus quoi
faire. Guillaume et Jean dormaient. Inutile de leur expliquer quoi que ce soit, personne ne
me croirait. Le visage de la Vestale occupait toutes mes pensées. Sans y réfléchir
davantage, je m’habillais, pris ma veste et sortis.
J'ai toujours été une personne rationnelle et scientifique. J'aime la logique et tout ce
qui est logique me convient. Pour autant, je ne pouvais m'empêcher cette nuit-là
d'éprouver une peur étrange et irrationnelle. Les gémissements du vent m'inquiétaient.
C'était idiot. Pourtant, le bruit d'une pierre qui tombe, le bruissement des feuilles, le
chuchotement du vent me semblaient terriblement suspects. J'avais même le sentiment que
quelqu'un me suivait. J'avais envie de me retourner pour confronter le malotru mais je
n'osais pas. J'avançais un peu plus vite, dépassant le temple de Saturne, le dieu du temps.
C'était curieux. Il me paraissait plus grand que le matin.
Plus j'avançais, plus les bruits autour de moi se faisaient insistants. J'entendais le
roulement de roues sur les pavés. J'en étais désormais certain: je n'étais pas seul. Se
pouvait-il que mes camarades de chambre aient bravé l'interdit pour me suivre et me faire
peur?
- Antoine? Maxime ? Gabriel?... Vous pouvez vous montrer! ... Pas la peine de continuer à
vous cacher!
Cette fois-ci pas un doute, j'avais aperçu une ombre se faufilant derrière un pin sylvestre
qui avait traversé les âges.
- C'est toi Evann? ...
Aucune réponse.
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C'en était trop: je me lançai à la poursuite du fuyard, quel qu'il soit. En m'approchant du
temple de Vesta, j'eus une impression bizarre. Ce n'était pas une silhouette que je
poursuivais mais deux, quatre, dix... Des dizaines d'ombres dansaient sur le forum. Mon
coeur battait à tout rompre. Je comprenais bien qu'il ne pouvait pas s'agir de mes
camarades. Quelle rencontre mystérieuse avait lieu près de la Curie, sur les Rostres?...
Etait-ce une reconstitution historique au clair de lune? Ou bien la réunion d'une société
secrète ?...
Je continuais d'avancer. Les chuchotements se faisaient plus audibles. Pourtant, je ne
comprenais pas ce qui se disait. Une langue secrète? Un langage codé?
Trois pas de plus et j'étais dissimulé derrière une colonne de marbre blanche et soyeuse.
Elle était comme neuve. De là, je pouvais mieux voir. Et ce que je vis restera gravé dans
ma mémoire.
(Tableau, Sir Lawrence Alma Tadema)
Des danseuses, des joueurs de tibia et de
cistes, défilaient sur la place du forum en
clamant le nom du dieu Fontus, le dieu des
sources. Te gratias ago Fonte ! Des tambourins
rythmaient la progression du cortège. On jetait
des couronnes dans les fontaines, l’eau coulait à foison. Les fontaines étaient entièrement
restaurées, les murs étaient rebâtis, peints, décorés. Des graffitis rappelaient que Plaute
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Voyage à Rome. Reproduction interdite du dossier de voyage.
jouait Aulularia, La Marmite, le lendemain matin. L’horloge du temps sonnait deux fois la
même heure : le forum romain s’étalait devant moi. L’empire romain revivait.
Devant la Basilique Aemilia, les banquiers proposaient de prêter leur argent en
échange d’intérêts conséquents. Près de la prison, en face des Rostres, un marché aux
esclaves s’était improvisé. Un Gaulois, nu, portant le torque, était exposé. Ses pieds étaient
enduits de blanc pour montrer qu’il était étranger. Une couronne de pacotille était posée sur
sa tête pour signifier qu’il était prisonnier de guerre. Le vendeur racontait qu’il avait
survécu aux combats contre la légion VIII, qu’il était courageux et fort, qu’il élevait des
boeufs avant la guerre mais qu’il ne savait pas un mot de Latin. Il serait parfait pour les
travaux agricoles. Je remarquais qu’on avait mis de la résine pour masquer la plaie. Le
trafiquant d’esclaves avait le même regard cupide que le bonimenteur que j’avais rencontré
la veille devant la maison des Vestales.
Ce que je voyais n’avait aucune explication rationnelle, aucun fondement. Je ne pouvais me
résoudre qu’à une seule chose : croire.
-
I tu prae, adolescens. Taci.
Un homme me poussait de la pointe d’une dague. Personne ne remarquait l’agression. La
foule n’avait d’yeux que pour la vente des esclaves. Je tentais de gagner du temps pour
trouver un moyen de fuir et remerciais la fortune de placer cette phrase latine dans ma
bouche:
- Dicas quid velis ?
- I tu prae. Ne te mihi facias ferocem. Scire volo quid reddiisti.
Croyez-moi ou non, c’était le vieil Italien de la Maison des Vestales. Que faisait-il dans ma
fantasmagorie ? Je comprenais toutefois d’où venait ce léger accent que j’avais perçu chez
lui. Ce n’était pas un accent italien mais un
accent… Latin. C’était à devenir fou.
- Tu t’obstines à retrouver Lucretia. Mais elle est
à moi. Elle et son trésor. Elle finira par me dire
où il est caché. Les sortilèges des dieux seront
alors à moi. Tu ne peux rien pour elle.
Le vieux me menaçait toujours. J’étais peut-être
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Voyage à Rome. Reproduction interdite du dossier de voyage.
dans un rêve mais la dague, elle, semblait tout à fait réaliste. Je décidais de faire preuve de
bonne volonté, du moins pour l’instant. Nous remontâmes la Via Sacra puis nous prîmes sur
notre droite le Vicus Tuscus, le chemin étrusque. Mal famé surtout la nuit, je commençais à
m’inquiéter sérieusement. Heureusement pour moi, deux gladiateurs étaient en train de se
disputer leurs gains. Les deux combattants m’avaient l’air éméchés, la foule s’agglutinait
autour d’eux, avide de sang. On se bousculait pour voir.
-
Caedi ! Caedi ! criaient les spectateurs.
Il devenait difficile de se frayer un chemin. En passant devant un étal, je saisis vivement le
panier de pommes d’une vendeuse et je le jetais
à la figure du bonimenteur.
- Capi !
Je détalai à toutes jambes, plus vite que si la
mort était à mes trousses. Où aller dans une ville
fantôme ?
Qui
m’écouterait ?
J’aurais
voulu
parler, expliquer au premier venu mon aventure
mais
tout
ce
qui
m’arrivait
était
tellement
fantastique que j’en perdais mon Latin. Peut-être
parce que je ne pensais qu’à elle, je courus au temple de Vesta, reconnaissable à sa forme
ronde. Le temple était entièrement là, blanc et lumineux. Dans l’entrée, la flamme du feu
sacré brûlait. Tout mon espoir reposait sur ce temple, et ce que j’allais y découvrir. Je me
ruai à l’intérieur et criai :
- Lucretia ! Me audi ! Me adjuva !
Je fus saisi par la beauté des couleurs. Le marbre vert, la serpentine, de la cour intérieure
contrastait merveilleusement bien
avec le rouge du porphyre. J’entendais le son d’une
flûte, quelque part, à l’étage supérieur.
-
Lucretia ! Ubi es ?
Je grimpais une à une les marches. Curieusement, si l’on peut encore s’étonner de quoi que
ce soit, le temple semblait vide. C’est ainsi que je trouvai ma Vestale, lascivement installée
sur un triclinium. Une bandelette rouge et or retenait sa lourde chevelure, noire comme la
nuit et piquée de perles nacrées. Un éventail en plumes de paon était posé à coté d’elle.
Elle tendit la main pour me faire signe de m’installer à côté d’elle. Alors, un esclave, le
nomenclator, m’apporta une coupe d’eau de rose. J’étais ravi de pouvoir rencontrer la
Vestale de mes rêves dans un environnement sans incendie ni éboulement, mais je ne
savais pas si je pouvais oser goûter sans risque le sirop que l’on me présentait.
-
Que les dieux reçoivent cette offrande pour les remercier de me donner une seconde
vie, dit la belle dans un excellent Français (à ce stade, plus rien ne me surprenait).
Elle versa sur le sol un peu d’eau de rose. Tu es en sécurité ici. Cappadox n’a pas le
droit d’entrer dans le temple. Les dieux l’ont maudit. Il lui est impossible d’entrer
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Voyage à Rome. Reproduction interdite du dossier de voyage.
dans un lieu sacré.
-
Cappadox ?
-
Oui. Le vieux fou qui t’a menacé tout à l’heure.
-
Tu étais là ? Tu as tout vu et tu n’as rien fait ?
Le rire de Lucretia était tel une cascade de sons mélodieux. Il était un chant enivrant à lui
seul.
-
Pourquoi serais-je intervenue ? Tu as su lui échapper sans l’aide de quiconque.
Je ne savais pas si je devais le prendre pour un compliment ou me vexer que la belle n’ait
rien tenté pour me sauver la vie. Le sourire de Lucretia était si charmeur que j’écartais
l’idée d’être de mauvaise humeur. Je goûtai le sirop de rose : le nectar était suave et
délicat.
-
Dis-moi, comment toute cette magie est-elle possible ? Suis-je vraiment autrefois ?
-
Tu es béni des dieux ! Augustus es ! En me contemplant hier, tu as souhaité que je
sois en vie. C’est ton regard imaginatif qui me permet de vivre une fois encore. Et de
me délivrer d’un secret terrible.
-
Le trésor d’Enée ? C’est donc vrai ?
Une fois encore, la Vestale eut ce rire irrésistible.
-
Tout secret est un trésor… murmura-t-elle. Ou bien, seuls les vrais trésors sont
secrets. J’aimerai que tu accomplisses une mission pour moi. Le temps a effacé
certains souvenirs. J’ai vu passer les siècles pendant une éternité. Les poètes ont
chanté mes louanges. Ils m’ont appelée Psyché, Hélène, Laure… Mais aucun n’a voulu
m’aider. Toi, le pourrais-tu ?
Il est difficile d’expliquer ce que je ressentais. Porté par le souffle de l’aventure, la magie
de la nuit, j’étais prêt à prendre tous les risques, à affronter la Méduse, à sauver
Andromaque et à m’envoler sur mon cheval ailé. Sauf que je n’avais ni cheval ailé, ni
glaive, ni quoi que ce soit d’approprié pour la situation. Sans doute que la flamme du
temple de Vesta accrut mon courage car je m’entendis dire que je ferais tout mon possible
pour aider Lucretia à se libérer de Cappadox et de tous les vils marchands qui en voulaient
à sa tranquillité. Je repartis donc avec des instructions précises et une mission à accomplir,
dont je reparlerai plus tard. Le jour commençait à se lever. Il ne fallait pas perdre une
seconde pour regagner ma chambre avant que ma disparition fût découverte.
La suite le jeudi 25 octobre sur le blog…
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Voyage à Rome. Reproduction interdite du dossier de voyage.