MichaelConnelly,deL.A.àLyon
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MichaelConnelly,deL.A.àLyon
Date : 03/04/2012 Pays : FRANCE Page(s) : 28 Rubrique : Culture Diffusion : (137831) Périodicité : Quotidien littérature Avecl'IslandaisIndridason,l'auteur américaina été la star de la 8eéditionde Quaisdu polar. MichaelConnelly, de L.A.à Lyon Dans lephalanstère que constituent les festi vals français de roman policier, le lyonnais Quais du polar relève de l'armada. Pour preuve, les chiffresde la 8e édition : 80 auteurs venus de toute la planète, quelque 45 000 visiteurs en trois jours, avec un pic, samedi après-midi, qui a contraint les organisateurs à suspendre temporairement l'accès à la chambre de commerce, épicentre de l'affaire. Un ballet suavement orchestré sous les dorures de laville, telles cel les de la chapelle de la Tri nité. Opulence non seule ment agréable mais, à l'occasion, commode: en cas de débat soporifique, regar der le plafond s'avère plein d'enseignements. Regarder le plafond, et alen tour : c'est aussi ce qu'a fait MichaelConnelly (CalmannLévy) mais, pour le coup, avant d'entrer en scène dans la fameuse chapelle pour l'occasion pleine comme un œuf. Un succès de rock star, à l'échelle littéraire. C'est pourtant notoire, l'animal n'a rien d'une bête de scène. Gaillardgranitique, sphinx et taiseux. Auteur chevillé à Los Angeles mais aux anti podes du Satanas de la Cité des anges, James Ellroy, dont «Aux Etats-Unis, quand vous êtes innocent, les chances sont vraiment contre vous.» Michael Connelly lesvociférations constituent un one-man-show couru par les aficionados. Fourmi. Michael Connelly n'a d'ailleurs pas lu d'extrait de son œuvre, des comé diens s'en sont chargés, quand Ellroy, ou son fils spi rituel, David Peace, excelle dans la transe chamanique live. Sa réserve présente au moins l'avantage de torpiller toute sensiblerie : «Jamaisje n'aurais cru être présent pendantvingt ans», se borne-t-il à répondre aux présentations d'usage. Et de se décrire en fourmi laborieuse, ex-jour naliste spécialisé dans le fait divers qui a commencé par engranger les «détails par lants» pendant quinze ans, avant de se lancer, à l'en tame des années 90, dans un premier roman sous influen ces revendiquées - Raymond Chandler, Ross McDonald, Joseph Wambaugh. Galop d'essai remarqué, les Egoutsde LosAngelesa aussi tôt été transformé avec la Glace noire, puis la Blondeen béton.L'adoubement général viendra en 1996, par le Poète, quête journalistico-fraternelle sur fond d'Edgar Allan Poe. Connelly compte aujourd'hui vingt -cinq opus au compteur, inégaux. Il dément tout stakhanovisme im posé: «Ecrirea pour moi un côté mysti que : il s'agit de créer à partir de rien, doncquandvous tenez une dynamique, vous conti nuez de crainte qu'ellene dis paraisse.» C'est tout aussi dépassionné qu'il décoche cette flèche contre le sys tème judiciaire américain : «Aux Etats- Unis,quand vous êtes innocent,leschancessont vraiment contre vous.» Gageons qu'il eût été piquant de voir Connelly au côté de son compatriote Jerry Stahl (Rivages). Ex-toxico hobo, scénariste à succès, auteur du bien déjanté Anesthésie générale, Stahl est un sacré pistolet à gueule de repris de justice, qui a pour ennemi personnel la chaîne Fox News, «ce truc de fous, l'aile républicaine des médias». StahJ, «commeMartinLuther King», a fait un rêve : «Que Jésus revienne sur Terre et nous donne des préservatifs pour nous protéger des répu blicains.» Yeah!Le cadre est une table ronde autour des élections américaines. Patri cia McDonald (Albin Mi chel) , figure du polar psy chologique, apporte, en français dans le texte, son art du décalage grinçant : «Je ne croispas que la majorité des Américains, même républi cains, croientà ce que raconte Fox News... Du moins, je me soulage avec cette idée.» GeorgeBush? « Unpetit gar çon qui a joué, et mal, avec le rôle de président. » Obama ? « Un homme fin, intelligent, ouvert», pour qui elleva vo ter, mais dont l'élection «a réveilléleracismeincnryablede ce pays». Iln'a pas été question de po litiqueà Lyon, avecArnaldur Indridason (Métailié). Du moins pas frontalement. Mais ce thème irrigue en sous-main h Muraillede lave, polar qui mêle sexe et ma gouilles financières sur fond de course au profit générali sée. Et la star du roman noir nordique s'inclut manifeste ment dans le «grand nombre d'Islandais qui trouventqu'on met tmp de tempsà demander descomptesaux responsables de lafaillite dupays» . Egale ment ex-journaliste (cultu rel), désormais las du ramdam médiatique, Indri dason accepte au compte gouttes lesinterventions pu bliques. Iljoue néanmoins le Tous droits de reproduction réservés Date : 03/04/2012 Pays : FRANCE Page(s) : 28 Rubrique : Culture Diffusion : (137831) Périodicité : Quotidien jeu, sobre mais plutôt relax. Sur son commissaire Erlendur, par exemple, ce mora liste nostalgique et atrabi laire : «Je reçois beaucoup de courriers qui me suggèrent de lui faciliter un peu la vie, de gentillesdames notamment.Je pourrais lui faire rencontrer unejoliefemme, ou envoyersa filledroguéeen cure...» Il sou rit. Mais s'il ne s'interdit pas de convoquer les fantômes, «car les Islandais ne croient pas qu'aux trolls ou aux el fes», Indridason tient aux personnages réalistes et à faire écho au «discours so cial, sans pour autant entrer dans une sorte deprêche». On ne détecte chez lui qu'une religion : celle de la langue islandaise. «Ellea 1100 ans, nous sommes 320 000 à la parler, et ellesubit constam mentlesassauts de l'anglais... Certains chercheurs estiment qu'elle aura disparu dans un siècle.» Son émotion est pal pable. Mention spéciale à son traducteur de toujours, Eric Boury, qui cisèle le propos instantanément. Idiomes. Le Sud-Africain Dcon Mcyer, un ours bien veillant qui publie A la trace (Seuil), est une autre star du festival qui parle également de sa langue, l'afrikaans. Une langue minoritaire par lée par 6 millions de person nes, «dont 2 millions de Noirs»: «Ils ont d'ailleurs été lespremiers à l'employer, des esclavesmalaisamenéspar les Néerlandaisau XVIIesiècle.» Meyer parle aussi l'anglais (comme ici), le sesotho, comprend le tswana et le zulu. Dans un pays aux onze idiomes officiels, les langues vivent en lui et se chevau chent comme sespersonna ges, avec une force fragile, toujours aimées, jamais ex clusives. Désormais traduit directement de l'afrikaans, Mcycr l'a longtemps etc à partir des versions anglaises. Achaque roman, il refait ta pis, se lançant des défis de narration («la structure me fascine») qu'il n'est pas sûr de pouvoir relever : «Je pense qu'il faut toujours être mal à l 'aiseavecsonpropre travail.» Envcjyés spéciauxà Lyon SABRINA CHAMPENOIS et PHILIPPELANÇON Tous droits de reproduction réservés