rapport de stage - Observatoire National de la Sophrologie
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rapport de stage - Observatoire National de la Sophrologie
COURTINAT Elisabeth Master 1ère année en psychologie clinique et psychopathologie RAPPORT DE STAGE « Maison de retraite La Roseraie » Psychologues référentes : Julie Causse et Virginie Bouvarel Responsable du groupe stage : Sophie Barthélémy UNITE D’ENSEIGNEMENT ANNEE UNIVERSITAIRE 2007-2008 REMERCIEMENTS En tout premier lieu, je tiens à remercier Sylvie BARLES, directrice de l’établissement la Roseraie de m’avoir accepté en stage libre dès le mois d’août 2007 et d’avoir également accepté que je fasse mon stage de Master 1ère année du 1er octobre 2007 au 31 Mai 2008. Je remercie également les psychologues, Julie Causse et Virginie Bouvarel, qui ont été à mon écoute et toujours présentes dans les moments de questionnement et d’incertitude. Elles m’ont chacune apportée un regard différent sur la psychologie en institution et je trouve leur travail très complémentaire. Je n’oublie pas de remercier Sophie Barthélémy qui, comme j’en avais gardé le souvenir de ma 3ème année de licence, est toujours très professionnelle, d’une grande écoute, et de très bon conseil. Sophie Barthélémy a su conserver face à son groupe stage une forme d’homogénéité du groupe dans la continuité, ce qui n’est pas toujours facile à mener. Son investissement dans cet enseignement est vraiment à la hauteur de ce que l’on attend de notre professeur. Ses compétences m’ont permis une évolution dans ma pratique, une élaboration nécessaire à la fonction de psychologue. Je tiens à remercier particulièrement mon époux et mon fils qui tout au long de ces années d’études me soutiennent encore et toujours. Il faut beaucoup d’amour et d’altruisme pour savoir donner à l’autre sans toujours recevoir. Je remercie enfin, en général, l’ensemble des personnes que j’ai pu rencontrer lors de mon stage et dans mes études, et qui m’ont toutes, d’une manière ou d’une autre enrichie de la connaissance et de la générosité qui devrait habiter tous les humains. 2 SOMMAIRE I- INTRODUCTION .....................................................................................................................4 II- HISTOIRE DE L’INSTITUTION GERIATRIQUE ET GERONTOLOGIQUE ...............5 II-1 MAISON DE RETRAITE LA ROSERAIE...............................................................................8 II-1.1 Situation géographique ................................................................................................8 II-1.2 Histoire de La Roseraie................................................................................................8 II-2 DESCRIPTION ACTUELLE DE LA MAISON DE RETRAITE LA ROSERAIE ...........................................9 II-2.1 Analyse du fonctionnement institutionnel de la Roseraie ................................................10 II-2.2 L’idéologie .......................................................................................................................11 II-3 L’ORGANISATION DANS L’ESPACE ET DANS LE TEMPS ..............................................................12 II-3.1 L’architecture de l’institution ..........................................................................................12 II-3.2 Les temps formels et informels de l’institution.................................................................13 II-4 LA POPULATION ACCUEILLIE DANS L’INSTITUTION ...................................................................14 II-5 LES FONCTIONS ........................................................................................................................15 II-5.1 Les fonctions du service administratif, médical et intendance.........................................15 II-5.2 Les fonctions de la psychologue......................................................................................15 II-5.3 La place du stagiaire dans l’institution...........................................................................17 II-6 CONCLUSION ............................................................................................................................18 III- MA PRATIQUE CLINIQUE A LA ROSERAIE..................................................................19 III-1 PRESENTATION DE MA PRATIQUE INDIVIDUELLE .....................................................................19 III-1.1 Pratique individuelle.......................................................................................................19 III-1.2 Les entretiens cliniques..................................................................................................23 III-2 PRESENTATION DE MA PRATIQUE DE GROUPE .....................................................................38 III-2.1 L’atelier réminiscence ....................................................................................................38 III-2.2 L’atelier détente musicale...............................................................................................39 IV- CONCLUSION ..........................................................................................................................40 V- BIBLIOGRAPHIE......................................................................................................................42 VI- ANNEXES ..................................................................................................................................43 3 I- INTRODUCTION En premier lieu, il me semble important de donner quelques explications sur le choix de mon lieu de stage. Il se trouve que j’ai eu l’occasion dans le courant de l’été 2007 de faire un stage libre à la Maison de Retraite médicalisée La Roseraie, institution ayant plus de cinquante ans d’existence. A ce moment-là, j’ai pensé que je pourrais y passer plus de temps, connaître ce public si différent du monde de la psychiatrie. J’ai également essayé à cet instant de comprendre ce qui m’a le plus attirée dans cette démarche, et alors, j’ai pensé que mon rapport à la vieillesse pouvait aussi être impliqué dans mon choix. De plus, j’ai rencontré une psychologue qui m’a reçu en me positionnant en tant que stagiaire avec tous les égards que cela comporte. Je dois dire que j’ai beaucoup apprécié. Cependant, cette psychologue n’étant pas de la même obédience que moi, elle est psychologue du développement, j’ai du faire appel à une psychologue clinicienne extérieure à l’entreprise pour me superviser. Ce choix n’a pas été pour me déplaire. En effet, avoir deux points de vue différents à chaque réunion de travail, poser les questions de manière différente, et projeter mon travail sur des plans complémentaires m’ont permis d’orienter mon regard clinique avec une vision globale. L’expérience de travail dans le groupe est à la fois enrichissante et « apprenante"1. J’ai eu l’occasion de prendre conscience de mon évolution tout au long des mois passés dans cette maison de retraite, avec ces équipes et ces changements qui demandent une nouvelle habituation, une nouvelle forme de relation à chaque fois. C’est apprenant dans le sens où il me semble nécessaire pour mon futur travail d’avoir la meilleure adaptabilité possible à mon environnement. A la fois, pour mieux connaître ce qui se joue dans les relations interpersonnelles, et pour mieux me situer et élaborer au sein de l’équipe. Tout au long de ce rapport, je présente tout d’abord de manière non exhaustive l’institution ellemême dans ses généralités et ses particularités. J’aborde aussi bien l’organisation dans l’espace et dans le temps que l’idéologie et les modes de fonctionnement. Il m’a semblé important, dans une deuxième grande partie d’aborder tout ce qui se rapporte à ma pratique clinique. Le lecteur peut prendre connaissance de la façon dont se passent des entretiens cliniques individuels avec des personnes âgées, de la façon dont se déroulent des ateliers de groupe à visée thérapeutique ou non avec des personnes âgées. Je présente également les modèles de 1 Jeanne Mallet, « l’entreprise apprenante », sciences de l’éducation 4 documents administratifs2 qui sont demandés à la psychologue aux fins d’un suivi constant de la vie de la personne âgée dans l’institution et de ce que cela peut représenter pour une psychologue en exercice que de se livrer à ce type d’élaboration qui doit se partager avec l’équipe. II- HISTOIRE DE L’INSTITUTION GERIATRIQUE ET GERONTOLOGIQUE La gériatrie (gérontologie clinique) est une spécialité médicale qui traite des maladies des sujets âgés. C'est Isaac Nasher qui, aux États unis, emploie le premier le terme de Gériatrie en 1909. La gérontologie désigne l'étude des modalités et des causes des modifications que l'âge imprime au fonctionnement des humains, sur tous les plans (biologique, psychologique et social) et à tous les niveaux de complexité. Il s'agit d'une approche des problèmes de la vie plutôt que d'une discipline autonome : toutes les avancées des sciences biologiques et des sciences humaines contribuent aux progrès de la gérontologie. La gérontologie est au centre de l’interaction entre : le vieillissement physique : la perte progressive de la capacité du corps à se renouveler, le vieillissement psychologique : la transformation des processus sensoriels, perceptuels, cognitifs et de la vie affective de l'individu, le vieillissement comportemental : résultat des changements ci-dessus dans le cadre d'un milieu donné et regroupant les aptitudes, attentes, motivations, image de soi, rôles sociaux, personnalité et adaptation, le contexte social du vieillissement : l'influence qu'exercent l'un sur l'autre l'individu et la société. Cet aspect touche la santé, le revenu, le travail, les loisirs, la famille, etc. En dehors du contexte soignant, la gérontologie est liée à des disciplines comme la philosophie, les sciences politiques, la psychologie de même que la sociologie et l'histoire : Su le plan philosophique : pour pouvoir soigner les personnes âgées il faut être capable de les écouter et pour cela il faut prendre conscience de sa propre conception de la vieillesse. Dans le cadre de mon stage, je me suis aperçue que prendre conscience de ma conception de la vieillesse était une forme de mécanisme contre-transférentiel qui m’accompagnée tout au 2 En annexe 5 long de cette démarche. De l’idée de séparation d’avec les familles à une vision plus métaphysique du vieillissement, j’ai trouvé que les attitudes contre-transférentielles que j’avais à certains moments pouvaient être difficiles à supporter. Néanmoins, j’ai continué, consciente de cet état, et j’ai pu tout doucement m’élever pour avoir un regard plus large sur la situation. Sur le plan politique : les aînés représentent désormais une force politique qui préoccupe les gouvernements de tous les pays, la population étant vieillissante dans beaucoup de pays industrialisés. De mon point de vue, je crains que la notion de vieillesse ne soit un peu trop associée à la notion de richesse et qu’il y ait un effet pervers sur la façon de diriger les maisons de retraite. C’est bien ce que j’ai observé à la Roseraie, à savoir, une gestion plus drastique qui se fait sentir à tous les niveaux hiérarchiques et qui conduit à une forme de souffrance au travail pour le personnel. Sur le plan psychologique : la psychologie du vieillissement est un domaine relativement nouveau. Auparavant, les psychologues se consacraient davantage à l'étude de l'enfance et de l'adolescence. Les préoccupations actuelles touchent surtout le développement continu de la personne âgée. La psychologie clinique y trouve sa place également au travers de l’écoute du patient, de la compréhension de ses relations interpersonnelles avec son lieu de vie. Ce qui me ramène à la conception idéologique de la Roseraie et peut-être aux effets que ces nouvelles organisations produisent sur le résident. Je me suis demandée tout au long de ce stage ce que pensait la plupart des résidents de La Roseraie de la manière dont on les accueille, dont on leur parle,… Je n’ai eu que quelques réponses à ces questions qui sont détaillées plus loin dans ma pratique clinique. Il va sans dire qu’une étude plus approfondie aurait été intéressante, mais le temps me manquait pour élaborer sur toutes ces pensées. Sur le plan psychologique, j’ai soulevé un point essentiel qui est la séparation de ces personnes âgées d’avec leur famille, leurs amis… Ce point est à souligner de par l’importance que chaque personne à attaché à me parler de leur famille, partie intégrante de leur histoire de vie, de tous ces souvenirs qui les accompagnent sur ce chemin existentiel. Sur le plan sociologie : la gérontologie sociale se penche sur l'influence de la société sur les personnes âgées, leur comportement social et l'impact de leur nombre sur les systèmes sociaux. Les recherches dans ce domaine sont très nombreuses. Cependant, il me semble que lorsque les personnes âgées se retrouvent en maison de retraite, il y a une forme de désocialisation malgré la vie en communauté. J’ai eu l’occasion de l’observer au travers des comportements des résidents entre eux. Beaucoup de résidents sont « dans leur coin », ne communiquent que lorsque nécessaire avec le personnel et ne sont pas du tout socialisés. Ils 6 sont dans le rejet de tout ce que les intervenants leur proposent. Cet isolement ne risque t-il pas de les faire glisser dans la dépression ? Sur le plan historique : cette discipline aide à comprendre l'origine et l'évolution de tout ce qui se rapporte au vieillissement. On apprend ainsi que vers 1600 on reconnaît aux vieux le "droit de mendier" officialisant ainsi la vieillesse... Ce n'est que vers 1950 que la gérontologie telle qu'on la connaît aujourd'hui a commencé à prendre forme et qu'on a vu apparaître les premières mesures politiques et sociales. o En fait la gérontologie s'est développée depuis les cinquante dernières années du fait de la création de la Sécurité Sociale et de l'accroissement de la longévité avec son corollaire, l'augmentation de troubles dégénératifs cérébraux et autres. La Roseraie datant des années 50, c’est un lieu où j’ai pu me rendre compte des changements opérés dans ce système L'importance du rôle de la technologie dans la guérison fait que le patient dont la maladie est incurable apparaît inexorablement aux professionnels de la santé comme un échec, leur échec et celui de l'institution, face à la mission reçue. La maladie d'Alzheimer ou les démences de type Alzheimer des personnes âgées est un rappel des limites du savoir et des possibilités actuelles de la médecine. De ce fait, il faut choisir une philosophie des soins : privilégier la vie biologique d'un individu ou la vie bio psychosociale d'une personne ? L'angoisse professionnelle est évacuée au travers de la maîtrise des actes techniques pour le personnel soignant. Par contre l'angoisse humaine sur le sens, les valeurs de la vie, devient déstructurante. Si on choisit la voie gérontologique il faut accepter que "l'autonomie" soit le critère discriminant de la qualité des soins. Ce qui oblige à réfléchir selon le mode de "la pensée complexe" (Edgar Morin, 1990)3. Edgar Morin s'est, dans toute son œuvre, attaché à mettre en évidence la complexité du monde et de l'homme et à proposer une méthode pour la concevoir. Le terme de complexité est pris au sens de son étymologie « complexus » qui signifie « ce qui est tissé ensemble » dans un enchevêtrement d'entrelacements (plexus). Il faut également abandonner le vocabulaire de la pathologie au profit de celui des capacités restantes de la personne. Cette optique peut permettre un meilleur accompagnement de fin de vie. 3 Edgar Morin, 1990, Introduction à la pensée complexe. 7 II-1 MAISON DE RETRAITE LA ROSERAIE La présentation de la maison de retraite La Roseraie permet de pouvoir appréhender globalement le fonctionnement de cette institution dans ses modalités psychiques groupales aussi bien que dans ses modalités purement économiques et politiques dans une certaine réalité sociale. La Roseraie est une maison de retraite privée, elle est donc représentative de ce que D. Anzieu appelle un groupe secondaire, à savoir une institution à l’intérieur d’un segment particulier de cette réalité sociale. II-1.1 Situation géographique La maison de retraite La Roseraie est située entre le quartier du Petit Bosquet let le quartier de Montolivet, au 283 de l’avenue de Montolivet, dans le 12ème arrondissement de Marseille. La Roseraie bénéficie des avantages de cette situation géographique, à savoir le calme, la tranquillité et la sécurité. Elle est facile d’accès, que ce soit en voiture ou en transports en commun, ce qui facilite les visites des familles et amis. La Roseraie a conservé son caractère typiquement provençal, le bâtiment principal étant une bastide à laquelle ont été ajoutées des ailes plus modernes avec une distribution fonctionnelle. Un parc ombragé, un terrain de boules, une cuisine d’été sont autant d’agréments qui enchantent les familles qui doivent déjà souffrir de se séparer de leur parent physiquement et qui ont donc besoin d’être rassurées sur le nouveau lieu de vie de leur père ou mère, grand-père ou grand-mère. II-1.2 Histoire de La Roseraie La fondatrice de La Roseraie, Mme TASSY, a créé cette maison de retraite en Juin 1951. Elle avait vécu à l’époque dans une communauté de femmes qui avaient eu leur mari au front, pendant la guerre, et qui étaient veuves pour la plupart. Mme TASSY avait eu l’idée alors de créer une maison de retraite de personnes plus jeunes, plus autonomes. 8 A cette époque, l’habilitation était pour « maison pour vieillards et incurables » avec 111 lits. Cette habilitation lui donnait le droit à une habilitation à l’aide sociale et elle pouvait donc recevoir une population à bas revenus. La sévérité des contrôles a permis d’éviter les abus (abus des familles qui dépouillaient leur parent) et La Roseraie s’est vu recevoir une nouvelle population socialement plus élevée qui pouvait payer son hébergement sans l’aide de l’état. Le Conseil Général s’est vu confier le contrôle de ces maisons de retraite et, pour s’assurer du bon maintien de fonctionnement, a organisé des contrôles inopinés ou annoncés tous les trois ans environ. Pendant plus de 25 ans, la Roseraie n’était pas une maison de retraite médicalisée. A la fin des années 80, à la demande d’hébergement se sont ajoutés des résidents qui avaient besoin de soins, de traitements médicamenteux (insuline par exemple). La direction a alors commencé à faire appel à des professions libérales du domaine médical et paramédical pour assister les résidents dans leurs soins quotidiens. C’est alors qu’avec l’accord de la DDASS, vingt-cinq lits de cure médicale ont été attribués. C’est ainsi que La Roseraie s’est peu à peu distinguée dans sa proposition de services aux personnes âgées dépendantes ou non. II-2 Description actuelle de la maison de retraite La Roseraie L’une de mes premières réflexions à mon arrivée en stage dans l’institution a été d’avoir rapidement pris conscience de ce que Kaës appelle « le fantôme des premiers fondateurs ». En effet, je crois bien que ce fantôme est là, que la construction de l’enveloppe mythique qu’il a forgée joue un rôle à ce jour dans l’institution. Pourtant, le fonctionnement a changé, mais l’esprit de La Roseraie porte un nom : Mme Tassy. Ce fantôme est porteur lui aussi d’un rôle qui se joue dans l’institution et qui permet les déplacements psychiques dans le groupe : - Tout d’abord, la cohérence du projet suffisait à rendre l’équipe cohésive. Aujourd’hui, les héritiers portent en eux un sentiment de culpabilité à la rencontre de la difficulté à contenir ses équipes. Je me suis aperçue que la directrice de l’établissement, héritière de cette lourde responsabilité a essayé de mettre en place une réunion appelée « staff » afin de pouvoir partager sur les problèmes rencontrés avec les résidents, mais elle a rencontré 9 systématiquement le refus pur et simple de la surveillante et du médecin coordonnateur qui n’entendent pas partager leurs informations avec d’autres membres des équipes en place. - Conserver les repères identificatoires des fondateurs même si cela peut occulter la réalité de la situation présente. J’ai partagé une expérience durant laquelle chaque moment passé dans cette maison de retraite laissait planer ce sentiment d’une présence portée par la directrice mais aussi par le personnel en poste depuis plus de dix ans, personnel imprégné de l’histoire et qui n’a de cesse de revenir dessus. Comment travaillions-nous il y a dix ou quinze ans ? Autrefois…, ils aiment à citer des exemples de leur mode de fonctionnement des années passées. - Ne pas remettre en cause le projet initial, peut-être porteur de failles à l’origine des difficultés présentes. En effet, je pense qu’il est possible que l’on porte en soi une histoire et qu’elle soit si importante à nos yeux qu’on ne puisse pas la remettre en doute dans son fonctionnement général. Peut-être est-ce que la direction pourrait voir ou revoir les projets, les réétudier avec un œil neuf ? Cela permettrait éventuellement de ne pas se laisser emporter par une autre période où tout paraissait plus simple pour elle. Il me semble important de préciser qu’un tel changement, même s’il a lieu au fil des années, peut être quelque chose de difficile à vivre. - Favoriser les histoires, les légendes et les rumeurs attestant d’une « scène primitive ».4 Pour exemple, j’ai eu l’occasion d’entendre des histoires d’autrefois sur les résidents, sur la manière dont leur famille décidait de les placer, sur la façon dont ils pouvaient être dépouillés. Je ne suis pas autorisée à détailler ces histoires, mais elles représentent cette scène primitive qui a permis la co-construction des modes de fonctionnement. II-2.1 Analyse du fonctionnement institutionnel de la Roseraie L’organigramme5 L’organigramme fait partie des documents internes qui doivent être obligatoirement affichés dans certains lieux de la maison de retraite, tels que l’infirmerie ou le secrétariat. Chaque membre du personnel est répertorié par une fonction dans l’entreprise, un poste qu’il occupe tout au long de sa vie professionnelle dans l’institution. Dans le cadre d’une organisation administrative rigoureuse, il existe pour chaque profession une fiche de poste régulièrement mise à jour selon les lois et réglementations en vigueur.6 4 Kaës, L’institution et les institutions, 2003 dernière édition, p. 84. Voir annexe « Organigramme » 6 Voir annexe Fiche de poste « aide-soignante » 5 10 Hiérarchie D’après ce que j’ai pu observer du fonctionnement hiérarchique de cette institution, il m’a semblé que sur le plan officiel la hiérarchie est établie, c’est-à-dire que l’organigramme étant affiché dans les parties communes, chacun est informé. Pourtant, tout au long de ce stage, du moins jusqu’au mois de mars, j’ai eu le sentiment que cette hiérarchie officielle ne se reflétait pas toujours dans le fonctionnement de l’institution. Pendant plusieurs mois, j’ai pu observer que deux personnes se disputaient la place du leader. Bien qu’elle soit officiellement attribuée à l’une des deux personnes, elles sont régulièrement rentrées en conflit ouvert, avec de plus en plus d’entretiens qui se sont terminés en haussement de ton, voire en cris. Comme l’a étudié Kaës, je me demande si « Le chef » qui est totalement responsable de tout ce qui arrive de par sa fonction, n’est pas mis à mal par une fonction psychique d’un sujet portant une fonction phorique de destruction. II-2.2 L’idéologie Cette institution est le lieu dans lequel vont se nouer des relations entre des soignants portant chacun un rôle normalement défini et stabilisé. Il se trouve que dans ce cas, des relations de pouvoir ont pris l’avantage sur les relations interpersonnelles qui auraient pu permettre une cohésion d’équipe. J’ai aussi remarqué dès mon arrivée qu’aucune séance de travail n’arrivait à se mettre en place pour discuter des cas, des problèmes, et, aucune séance de régulation d’équipe qui aurait eu pour but de tenter de résoudre les conflits. Les liens de subordination sont prégnants et semblent porter toutes les relations interpersonnelles, comme si aucune élaboration ne pouvait continuer à se faire pour que la construction du groupe se continue dans le temps. L’idéologie égalitaire abordée par Kaës reste de l’ordre de l’imaginaire, voire de la fantasmatisation, un des temps de l’appareil psychique groupal. Un peu comme si les processus de pensées ou, penser le groupe, ne pouvaient avancer sans le « coup de pouce » d’un leader. Dans ces mouvements, j’ai perçu la rivalité entre certains membres du groupe, comme si le clivage les accompagnait en permanence et ne pouvait être dépassé. Le projet institutionnel Dans le cadre des nouvelles conventions tripartites signées entre la DDASS, le Conseil Général et l’institution, des projets de vie, de soins et d’animations on été mis en place. 11 L’objectif de La Roseraie se transmet de génération en génération, même si la résidence a été rachetée par un groupe, il persiste cette valeur de transmission dans le psychisme du groupe. Cela peut-être parce que la direction actuelle de la Roseraie est représentée par la troisième génération des fondateurs. Sa directrice actuelle tient un discours allant vers une évolution de la pensée dans le travail : « Nous ne pouvons plus faire de « l’hébergement » comme il y a 20 ans, nous devons sans cesse nous remettre en question, nous adapter, évoluer pour maintenir un service de qualité, des prestations adaptées afin de garantir à chacun le meilleur environnement de Vie, de Soins et d’Accompagnement. » Les prévisions vs la réalité Dans les faits, j’ai eu le sentiment qu’il fallait encore travailler sur la dynamique du groupe pour atteindre les objectifs que se sont fixés les dirigeants de l’institution. Il se trouve qu’en quelques mois, et après des conflits « larvés » mis à jour, une cohésion d’équipe semble se mettre en place et porter le projet vers ce qui se rapproche d’un prévisionnel établi. C'est-à-dire que la direction met peu à peu en place de nouveaux modes de fonctionnement, des réunions, des échanges entre les services. II-3 L’organisation dans l’espace et dans le temps Cette organisation m’apporte beaucoup au niveau de mon élaboration des temps du groupe. Je suis partie de là pour mieux comprendre tout ce qui se joue dans un groupe, entre les membres du groupe, entre les leaders. II-3.1 L’architecture de l’institution Pour élaborer sur l’architecture de l’institution, je pourrais la mettre en lien avec la hiérarchie qui semble porter la structure architecturale du groupe en tant que fonctionnement psychique et déplacements des modes de fonctionnement. Par exemple, l’organigramme laisse apparaître une organisation peu « pyramidale », beaucoup de responsables sont directement sous les ordres de la direction de l’établissement. Il est clair que pour faire lien entre tous ces responsables, il faut passer 12 par la direction ou bien avoir accepté cette architecture et les liens qu’elle implique entre les responsables. Ce qui semble difficile à mettre en œuvre. Je citerais ici l’exemple d’échanges qui pourraient avoir lieu entre le médecin coordonnateur et la psychologue. Le clivage reste le mode de défense approprié pour l’instant, et les échanges ne se formalisent pas. La circulation de la parole n’est pas forcément liée à des temps formels induits par une équipe dirigeante. Je pense plutôt qu’une dynamique des mots permet la circulation de la parole dans cette architecture contenante. Je parle de contenance car l’organigramme (voir annexe) me fait penser à une contenance de la direction qui prend sous sa protection tous les services. Je me pose la question de la fonction véritablement contenante de la direction. Peut-on envisager le fonctionnement tel qu’une fonction contenante qui serait une peau psychique retenant le tout ? II-3.2 Les temps formels et informels de l’institution Les temps formels Les seuls temps formels que j’ai pu observer et où je n’ai pu participer qu’une seule fois au début du mois d’avril, soit six mois après mon début de stage sont ce que l’institution appelle « la relève ». Cette relève correspond à un récapitulatif de tous les évènements portant sur les soins aux résidents qui ont lieu pendant les heures de travail d’une même équipe. La surveillante peut ainsi répertorier les évènements et les signaler à l’équipe qui prend la relève plus tard. Mais c’est aussi pour faire un point avec le médecin coordonnateur, la surveillante et le kinésithérapeute sur les différents changements, problèmes observés au cours de la matinée. Ce temps formel est indispensable dans le secteur d’activité médical qui est un des sous-bassements architecturaux de l’institution. La parole circule dans ce temps comme un échange de mots qui m’a paru porteur de messages latents, de pensées non exprimées, mais qui permet un début d’élaboration pour chaque membre du groupe. Par exemple, les aides-soignantes vont prendre la parole, une par secteur et relater ce qu’elles ont remarqué, ce qui doit être inscrit dans « la relève », mais il y a beaucoup de « blancs », comme si elles voulaient dire autre chose, mais qu’elles n’osaient pas. J’ai ressenti une angoisse, peut-être est-ce une angoisse de morcellement qui se distinguerait par la peur de briser cette enveloppe groupale semblant fragile. 13 Les temps informels Les temps informels permettent une circulation de la parole totalement différente. En effet, les aides-soignantes par exemple ont des temps de pause pendant lesquelles elles ont l’occasion de discuter de tout ce qui se passe dans les relations de travail. Discussions ayant lieu dans les interstices, soit le jardin où elles vont fumer, soit leur salle de repos où elles prennent leur repas. Elles ont également l’occasion de déposer leurs problèmes auprès de la directrice de l’établissement. Elle est en effet perçue comme lieu de dépôt, espace débarras7 à qui les personnes peuvent s’adresser et qui leur permettent une symbolisation et une élaboration. Par exemple, une aide-soignante est allée la voir et lui a dit « je vais démissionner ». Dans ces trois mots, il y avait tout un processus psychique qui s’était mis en place dans le temps et qui faisait référence à des « petits problèmes » qui s’étaient accumulés peu à peu et avaient entamés le moral de l’aidesoignante. De ce fait, elle ressentait le besoin de s’éloigner. Je me suis alors demandé : « peut-être ne veut-elle pas affronter certains conflits ? Une angoisse la taraude certainement ». II-4 La population accueillie dans l’institution La Roseraie accueille des résidents dépendants ou non. Certains de ces résidents sont atteints de démences séniles, de type Alzheimer ou non. D’autres résidents peuvent avoir des pathologies psychiatriques comme des psychoses chroniques, des dépressions… D’autres encore peuvent être atteints de pathologies organiques, neurologiques… Pour chaque résident, l’importance de ce placement est la principale source d’angoisse. Parfois, des résidents(es) ne peuvent pas élaborer, atteindre des représentations de ces changements et leurs difficultés se manifestent au travers d’angoisses qui sont inconsciemment distribuées dans le groupe de résidents(es). Il arrive que certains(es) se plaignent de leurs souffrances et alors peut commencer un temps d’élaboration. J’ai retenu de mon observation que cette angoisse faisait écho dans le fonctionnement psychique de l’équipe. En fait, l’équipe fait fonction de mise en dépôt de quelque chose en attente de symbolisation pour pouvoir lui rendre transformé. Cependant, la difficulté des soignants à vivre au quotidien cette fonction se manifeste certainement dans leurs propres souffrances. 7 R. Roussillon, « L’institution et les institutions », p. 160 14 II-5 Les fonctions A la lecture des différentes fonctions rencontrées dans l’institution, j’ai détaillé plus loin le lien que j’ai cru bon de faire entre les positions de chacun, le groupe lui-même, les sous-groupes constitués par les services et les apports théoriques que l’on m’a enseignés et qui me semblent appropriés à la situation. II-5.1 Les fonctions du service administratif, médical et intendance En annexe se trouve une description plus complète des types de services et de postes rencontrés dans l’établissement. Pour mieux appréhender l’ensemble du personnel et donc du groupe qui se crée dans l’institution, j’ai choisi d’établir une liste non exhaustive du type de personnel de La Roseraie : Directrice de l’établissement - Médecin coordonnateur - Médecins spécialistes – Surveillante – Infirmière - Aide-soignante - Services restauration - Services entretien – Animatrice – Psychologue - Intervenants extérieurs Je me suis rendue compte que les intervenants extérieurs étaient là avec régularité pour certains, comme la coiffeuse par exemple. De ce fait, un lien relationnel s’est tissé avec les équipes en poste aux heures où elle est là. Par contre, pour les médecins libéraux, ils sont plutôt discrets et rapides. Je n’ai jamais eu l’occasion de les rencontrer ni de leur parler. Le seul lien qu’ils ont se fait auprès du médecin coordonnateur et de la surveillante avec qui les relations interpersonnelles devraient être extrêmement importantes du fait du suivi médical des résidents. Mais, là encore, je n’ai pas eu d’informations et je n’ai pas perçu de distinction dans le discours des personnels en relation avec eux ou non. II-5.2 Les fonctions de la psychologue L'arrêté du 26 avril 1999 concernant l’EHPAD8 définit des objectifs à atteindre relatifs à la qualité de vie des résidents : "garantir à chaque résident la plus grande autonomie psychique possible dans le respect de ses choix et de ses attentes ; concilier une indispensable sécurité avec une nécessaire liberté, particulièrement pour les résidents présentant une détérioration intellectuelle ; organiser l'entrée du résident, veiller à ce que sa décision d'entrée soit pleinement éclairée; mettre en œuvre 8 Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes 15 des activités à visée thérapeutique de type stimulation cognitive, en particulier pour !es résidents présentant une détérioration intellectuelle ; lors du décès, garantir la dignité de la personne et l'accompagnement du mourant". Toutes ces attributions relèvent de la compétence du psychologue. Les personnes âgées vivant en EHPAD sont en effet fragiles et y finissent souvent leur vie. De plus, elles souffrent généralement de démence ou de maladies dégénératives des fonctions intellectuelles, et la dépendance et la proximité de la mort engendrent pour elles des souffrances qu'elles doivent verbaliser, Le psychologue est alors le meilleur interlocuteur pour les écouter. Sa place est essentielle pour la vie de la personne âgée en institution. Il peut dédramatiser l'entrée de la personne en établissement, l'aider à s'adapter à sa nouvelle vie, à faire le deuil de la précédente, établir un diagnostic de ses capacités psychiques, écouter son mal-être face au vieillissement ou au handicap, la soutenir chaque fois que nécessaire, mettre en place des ateliers mémoire, de stimulation, des groupes de parole, l'aider à se préparer à la mort et, si des liens de confiance se sont tissés, l'accompagner en fin de vie. Bref, il peut lui permettre de s'accepter et de vivre au mieux sa nouvelle vie, au sein de la maison de retraite. Le travail du psychologue est également important pour les familles, souvent en désarroi. L'exercice de la fonction de psychologue s'inscrit dans une logique institutionnelle et pluridisciplinaire et notamment dans le projet d'établissement. Le psychologue ne peut en effet espérer aider la personne âgée que dans le cadre d'un travail en équipe, avec le soutien de la famille et l'assentiment de l'institution. L’action du psychologue l'amènera à analyser les pratiques. Cela doit être accepté par la structure. Le directeur d'établissement pourrait également être moins seul lorsqu'il doit faire face à des situations conflictuelles impliquant des personnels, des résidents ou des familles. Le psychologue pourra ainsi parfois désamorcer des conflits et aider le directeur à prendre le recul nécessaire. Pour ce que j’ai pu observer des fonctions de la psychologue, elle mène les entretiens avec les résidents, famille avec suivis ou non. Elle : anime des ateliers, participe à la relève des soignants, échange avec les aides-soignantes et l'animatrice à propos de la prise en charge des résidents, réalise des histoires de vie pour le projet de vie réalise des bilans psychologiques... La psychologue a une mission très importante dans le sens où elle peut faire lien entre les équipes et les résidents, elle peut permettre à chacun une élaboration grâce à son écoute, sa bienveillance. La 16 question que je me pose reste celle de la neutralité avec l’équipe, peut-elle vraiment rester neutre en prenant en compte les dires des membres de l’équipe en étant elle-même intégrée au groupe ? II-5.3 La place du stagiaire dans l’institution En ce qui concerne ma place de stagiaire dans La Roseraie, j’ai mis plusieurs mois à prendre conscience de ce qu’elle représentait pour le personnel. Au fur et à mesure de cette élaboration, s’est construite également pour moi une représentation de ma position au sein de cette institution. Compte tenu de mes antécédents relationnels avec certaines personnes en poste à La Roseraie, j’ai eu la sensation d’avoir beaucoup de mal à faire ma place. En effet, certains membres du groupe pouvaient ressentir mon arrivée comme une intrusion et les relations sont très vite devenues tendues. Durant tout le temps passé là-bas, il m’a semblé que le groupe, fort de sa position narcissique envers les membres influents du groupe, ne pouvait prendre en compte mes interventions comme les prémisses à un positionnement de stagiaire, mais plutôt comme le sujet extérieur au groupe. Ils sont dans une co-construction où ma place n’est pas forcément symbolisée. J’ai pensé que, peut-être, ils n’étaient pas prêts à dépasser certaines angoisses et qu’il était donc difficile de symboliser et de transformer ces angoisses. J’ai alors envisagé que cela pouvait ressembler à des angoisses d’intrusion, comme par exemple, lorsque je rentre dans l’infirmerie et que quelques personnes sont là, discutent entre elles, je ressens une sorte de gêne à parler devant moi, elles se mettent à chuchoter, elles ne m’adressent pas la parole. Une angoisse de morcellement serait une hypothèse probable, morcellement de l’enveloppe psychique du groupe par l’intrusion d’un nouveau sujet. Cela amène à la difficulté de reconnaître la différence des sujets, les uns et les autres, dans le groupe constitué. Pour avoir effectué des stages dans d’autres institutions, j’ai eu l’occasion de différencier la manière dont l’équipe se place face au stagiaire. Je pense que cette place est totalement différente selon que l’équipe forme un groupe constitué depuis longtemps, qu’il a dépassé le stade de l’idéalisation narcissique et qu’il est capable d’intégrer la différence de l’autre. Ceci permettant un fonctionnement sous le primat de l’idéal du Moi. Pour rester sur l’exemple cité précédemment, les soignantes ont peut-être encore un peu de mal à me percevoir et m’accepter comme différente d’elles. Je ne porte pas de tenue médicale, je ne peux pas aborder les mêmes sujets de discussion sur le plan professionnel, même si je pouvais apprécier d’échanger sur les résidents nos avis respectifs. 17 Pour finir sur ma place de stagiaire, je ferai un point sur ma place vis-à-vis de la psychologue. Je me suis très vite sentie acceptée. Rapidement, la psychologue m’a chargée de certaines actions dans l’institution, notamment pour la préparation d’ateliers que nous avons menés ensemble et par la suite pour prendre en charge les résidents(es) en consultation individuelle. Je reviendrai plus loin sur ce travail et sur ma pratique clinique en atelier. II-6 Conclusion Pour faire le lien entre cette partie du rapport concernant les différents services et la dynamique du groupe, j’ai eu le sentiment pendant toute la durée de mon stage que chaque service formait un groupe restreint et qu’ensuite chacun de ses groupes devait s’articuler au groupe général que représente l’ensemble des salariés de l’entreprise. Ceci génère également des mouvements, des conflits de par les différences de statuts, mais aussi par un besoin de sentiment de sécurité que chaque membre à besoin de ressentir en appartenant à un de ces groupes. Dans chaque petit groupe représenté par les services tels que le service médical ou le service entretien par exemple, l’idéalisation narcissique est maximale, le clivage et la projection portent le groupe. Je ne perçois pas de séparation, comme si l’illusion groupale maintenait le groupe. Les mécanismes de défense permettent de lutter contre les angoisses du groupe. Dans chaque groupe apparaît un leader, comme la surveillante pour le service médical. J’ai eu le sentiment que la création du groupe du service médical en était restée à ce temps d’illusion groupale (D. Anzieu, 1984), comme si les membres du groupe n’arrivaient pas à faire émerger les différences, à récupérer ce dont il essayait de se débarrasser par le clivage et la projection. Je n’ai pas ici cherché à tout expliquer mais à rappeler ce qui se dit et se dessine tout au long de cette première partie. 18 III- MA PRATIQUE CLINIQUE A LA ROSERAIE III-1 Présentation de ma pratique individuelle Ayant effectué un premier stage libre durant le mois d’août 2007 à La Roseraie, j’ai eu l’occasion de rencontrer la psychologue. Elle est diplômée en psychologie du développement et nous avons rapidement pu échanger sur nos façons de travailler, nos méthodes, nos outils et un lien relationnel s’est installé. Lors de cette rencontre, la psychologue m’a proposé de l’aider à mettre en place des ateliers de groupe pour les résidents en fonction de leur état cognitif, selon qu’ils étaient dans une démence diagnostiquée ou non. Le mois d’août nous a permis de faire connaissance, et, ensemble de travailler sur des ateliers pouvant amener aux résidents un peu de bonne humeur, parfois un peu de tristesse, mais surtout une rencontre entre eux et avec nous. Mon stage officiel pour l’année de master 1 a débuté le 1er octobre 2007 et se poursuit jusqu’au mois de mai 2008. Ainsi, ayant organisé certains ateliers à l’avance, dès mon arrivée à La Roseraie au mois d’octobre, la psychologue et moi-même avons démarré les ateliers. Quant à la pratique d’entretien individuel, elle a finalement pris sa place au fil du temps lors de la réalisation de l’histoire de vie des résidents. J’ai du faire appel à des théories et des auteurs tels que Bydlowski (2006) et Pedinielli (2005) pour m’aider à appréhender l’entretien, l’étude de cas et faire des liens avec une recherche clinique qui m’interpellait. III-1.1 Pratique individuelle Afin de mieux appréhender ma pratique clinique durant ce stage, j’ai choisi de présenter les outils que j’ai utilisés et qui m’ont servi à réaliser les premiers entretiens individuels. J’ai certainement ressenti ces outils comme des supports à l’entretien, une façon pour moi de m’appuyer sur quelque chose, de me rassurer. Ce moyen de mener des entretiens semi-directifs n’était pas pour moi une contrainte mais au contraire un soutien dans mon apprentissage. Je développe plus loin ce qu’il en est de ma pratique clinique autour du cas de Mme A. et de Mme T. avec qui j’ai eu plusieurs entretiens, les premiers ont été réalisés avec les outils précités. J’ai remarqué que j’avais eu plus de 19 mal à être dans l’intersubjectivité lorsque je travaillais avec ces longs questionnaires qui fermaient la discussion, qui cloisonnaient l’entretien. Le Bilan psychologique à l’admission9 Afin d’éviter de s’enfermer dans une pratique de recueil des données ressemblant à un « interrogatoire policier », et en se disant que la personne âgée n’est pas nécessairement la seule à pouvoir fournir des informations sur elle, la psychologue effectue une évaluation des besoins avec la personne âgée mais également dans la rencontre avec la famille souvent culpabilisée et soucieuse d’offrir à leur aîné la meilleure intégration possible. Dans ce cas, la famille n’hésite pas à fournir force détails sur l’histoire de vie du futur résident. Il arrive également que certaines personnes âgées n’aient pas de famille mais que leur entourage de voisinage soit suffisamment impliqué pour venir leur rendre visite et fournir également des informations sur l’histoire de vie. En ce qui me concerne, je n’ai pratiqué cet entretien qu’avec les résidents non accompagnés par leur famille. Pour aborder de façon plus humaine ce bilan, j’ai essayé d’éviter de poser des questions, je me suis positionnée comme le ferait une psychologue dans son cabinet, dans l’écoute active. Au fur et à mesure que les informations arrivaient, j’essayais alors de les répertorier de manière discrète sur le document. Lorsqu’à la fin de l’entretien, il a manqué de précision, je me suis assurée que le résident se trouvait encore bien dans cet espace de parole pour m’autoriser à lui poser quelques questions. Dans le cas contraire, le bilan ne s’est étoffé qu’au fil des rencontres suivantes. Le projet de vie personnalisé10 Le projet de vie personnalisé est un nouveau concept qui a été instauré lors de nouvelles lois et réglementations concernant les institutions en général et les maisons de retraite en particulier. Il s’articule autour d’une convention tripartite qui doit être signée par la maison de retraite pour conserver son statut de maison de retraite médicalisée. Un ensemble de règles est instauré pour le bon fonctionnement de l’institution. Cependant, dans le cas qui m’intéresse, je n’aborderai que deux points précis qui concernent la psychologue. 9 Voir annexe Voir annexe 10 20 Histoire du Résident11 Le fichier d’histoire de vie du résident constitue un outil indispensable, un axe central, sur lequel s’articulent les pratiques professionnelles de l’ensemble de l’équipe car, si l’on ne connait pas la personne âgée, et donc son histoire, les actions risquent de perdre tout leur sens.12 La création de cet outil de travail a nécessité et nécessite encore une concertation, une réflexion collective, afin d’impliquer chaque membre du personnel dans son utilisation. Dans le cas présent, la mise en place de cet outil a démarré au mois d’août 2007 et se poursuit toujours. L’objectif final étant de pouvoir appréhender globalement chaque résident en tant qu’individu à part entière. Le but de l’outil que La Roseraie met en place avec l’aide de tout son personnel est d’inscrire la démarche de travail dans une optique de qualité de services et d’amélioration de cette qualité, centrée sur l’identité du résident, lui-même représenté par son parcours de vie et ainsi, différencié des autres personnes âgées de la structure. Sa finalité suppose donc un enregistrement des informations d’ordre social, psychologique, environnemental, en relation avec les évènements importants qui ont pu marquer l’histoire de la personne. Cela n’exclut pas, pour autant, la présence d’autres éléments comme ceux touchant à la santé, dans la mesure où l’on respecte le secret en la matière. Il ne s’agit pas de répertorier des données indiscrètes, voire intimes, qui ne regardent que la personne ou sa famille, mais de se situer dans une démarche professionnelle dont le but est d’améliorer, d’adapter, d’individualiser et de personnaliser chaque action auprès de chaque résident. Ce fichier ne se construit pas en une seule rencontre mais plutôt au fil du temps. Il permet également l’élaboration de stratégies de prévention, d’anticipation de la dépendance afin de répondre au mieux aux différents besoins de la personne âgée. Il me semble que ce fichier, pour l’instant, considéré comme une contrainte par le personnel, n’arrive pas à prendre la place qu’il devrait avoir. En effet, sa création nécessite de la part des équipes en place des rencontres obligatoires, des rencontres plus pragmatiques, par exemple dans le cas d’une rupture du résident avec ses habitudes, d’un risque de syndrome de glissement. Il semblerait que la direction ait du mal à « rassembler » les équipes, les bonnes volontés, autour de ce projet de vie personnalisé qui pourtant est l’outil de travail et de partage indispensable pour que le résident soit installé comme habitant de la maison de retraite et non comme « de passage ». 11 12 Voir annexe Vercauteren et coll. Pour une identité de la personne âgée en établissement : le projet de vie. 2007. 21 C’est pourtant un outil intéressant que j’ai exploité dans mes entretiens et qui a parfois permis la rencontre avec le résident, qui a permis de découvrir la subjectivité du résident. Comme je l’ai expliqué précédemment dans le cas du bilan psychologique, j’ai tenté de me positionner par rapport au résident dans une écoute active, avec parfois une attention flottante. Il est vrai qu’il est souvent difficile de rester attentif pendant une heure avec des personnes qui ont des difficultés à s’exprimer. Dans certains cas, les résidents(es) ont des pathologies neurologiques qui altèrent le langage. Dans d’autres cas, les résidents(es) sont malentendants, une diminution de leur capacité auditive s’est installée avec l’âge. De fait, le fonctionnement psychique de la personne est systématique appelé, et j’ai parfois eu du mal à pouvoir faire lien entre les processus psychiques et leur subjectivité. C’est un travail difficile à la première rencontre. Dans tous les cas, je me suis méfiée de mes propres projections relatives à la vieillesse Le classeur réalisé Il a été mis en place un classeur à onglets qui s’appelle « Dossier de soins » et qui se trouve à l’infirmerie afin de le rendre accessible à l’ensemble du personnel médical, paramédical et à la direction. Ce document permet à chaque professionnel de pouvoir accéder à des informations récentes afin de s’approprier au mieux son rôle dans la rencontre avec le résident et de lui apporter tout ce qui lui est nécessaire sur le plan physique, psychique et relationnel. Dans le cadre de mon stage, je me suis rendu compte qu’il était, malgré tout, très difficile d’accéder à des informations exhaustives sur le résident. En effet, ce système de classeur n’est pas représentatif, pour l’instant en tout cas, de la globalité de la personne qu’est le résident. Ce n’est pour l’instant qu’un ensemble d’informations, parfois sans lien entre-elles. Après plusieurs consultations de ces dossiers, je me suis aperçue qu’il manquait, dans la plupart des cas, des informations concernant les antécédents psychiatriques, mais aussi concernant le diagnostic psychiatrique actuel du résident. Ce qui m’a amené à aller vers les résidents, pour mieux les connaître, pour faire que la rencontre soit bien plus riche que la lecture d’un dossier. Mon sentiment sur l’utilisation de ces documents Dans tous les cas, cette pratique m’a permis de comprendre qu’il n’était pas aisé de faire une anamnèse, que nous n’étions pas des médecins, et que notre écoute était primordiale. A chaque fois qu’une personne s’exprime, il ne suffit pas de remplir des cases sur une feuille. La rencontre ne peut 22 se faire que si nous sommes là, toutes les deux, aussi bien dans l’écoute que dans le regard, les mimiques… alors seulement le transfert peut se mettre en place et toute la chaîne des modalités discursives. III-1.2 Les entretiens cliniques La psychologue et moi-même avons commencé les entretiens ensemble afin qu’elle puisse vérifier la façon dont se pasaient les entretiens, la façon dont je les menais. J’ai trouvé très important ce soutien pour démarrer, une relation assez « neutre » s’est installée au départ et s’est peu à peu transformée pour laisser place à une relation plus constructive, où chacune trouve sa place. J’ai alors vraiment eu l’impression de faire partie d’une équipe, même si cette perception peut paraître limitée puisque l’équipe n’est représentée que par deux personnes. Il a été nécessaire pour moi de travailler tout d’abord avec la psychologue qui avait acquis en quelques mois une expérience avec les personnes âgées, expérience que je n’avais pas. La psychologue semble avoir pris très au sérieux l’importance du contact avec les résidents, l’importance de la rencontre. Elle va systématiquement leur prendre la main ou leur poser sa main sur une épaule, sur un avant-bras pour les rassurer lorsqu’elle leur adresse la parole. Elle est toujours rassurante dans ses propos, leur explique avec clarté le type d’entretien qu’elle veut avoir avec eux, est toujours dans la transparence. Elle m’a appris à avoir un contact très humain avec eux, comme si nous devions avoir une dimension clinique différente d’avec une population plus jeune, une population qui peut encore regarder vers l’avenir. Dans ma pratique clinique, j’ai perçu certaines angoisses, de séparation, de mort. J’ai senti que ce contact les rassurait. Leur sentiment de solitude est récurrent dans leur plainte, c’est pour moi quelque chose de relativement difficile que de sentir cette souffrance si présente dans leur parole et leur regard. Mon attitude contretransférentielle est mise à mal. Je me suis demandée parfois si j’étais dans l’angoisse, ou bien si ma bienveillance ne cachait pas une attitude trop protectrice avec un désir de vouloir guérir. Mon vécu personnel étant ici en lien direct avec cette représentation. J’avais l’impression que ces résidentes me disaient « regardez comment nous vivons », « nous sommes dignes d’être encore aimées ». Il me semblait alors que ce qui se passait alors pour moi était de l’ordre d’une attitude charitable, voire d’une volonté de « guérison », comme si je pensais que la vieillesse était une maladie. Ces sentiments m’ont permis d’avancer, en prenant conscience de ça, je pus prendre du recul sur les situations, me placer dans une position méta qui m’a permis de pouvoir appréhender autrement les entretiens suivants. 23 III-1.2.1 La rencontre avec les résidents Au moment de ma rencontre avec chaque résident(e), j’ai bien ressenti que la subjectivité était « le moteur de la rencontre avec l’autre »13 Les entretiens que j’ai eus avec quelques résidentes et un résident ont été dans un cadre de relation de soin. Ce qui m’a semblé le plus important lors de ces entretiens, c’est la manière dont j’ai pu les écouter, les observer et surtout les aider à exprimer leurs sentiments. J’ai eu l’occasion de les rencontrer dans des lieux différents de La Roseraie, leur chambre, la salle à manger, le bureau de la psychologue. J’espère avoir pu les aider à faire tomber leurs défenses. J’ai souvent perçu un repli sur soi de ces personnes, un isolement, peut-être est-ce la manifestation d’un vécu de rejet de leur famille, une situation difficile pour eux, voire un sentiment d’abandon. Une résidente a plus particulièrement manifesté une agressivité liée à son mécontentement d’être enfermée, seule, dans cette Maison de Retraite. Bien souvent, la rencontre, fusse-t-elle sous forme d’entretien à visée thérapeutique ou non, leur apporte une forme de récupération narcissique. En ce qui me concerne, j’ai du être très attentive à ne pas me mettre dans une situation de maternage, mais dans une situation de soin uniquement. Le cadre thérapeutique ne paraissant pas ici l’élément essentiel, mais plutôt l’installation du côté formel de l’entretien, j’ai du apprendre à m’en passer pour être sûre de pouvoir rencontrer réellement les personnes et leurs subjectivités. Ceci étant, la rencontre peut enfin avoir lieu dans l’intersubjectivité. Je développe plus loin le cas de Mme T. afin de mieux préciser mon positionnement de clinicienne et mon questionnement. Tout au long de ces rencontres avec les résidents, j’ai perçu chez moi des changements dans mon approche. Non pas que j’aie essayé de changer ma façon de les aborder, mais plutôt que la relation qui s’est installée avec chacun d’eux a modifié peu à peu mes propres comportements. Je me suis sentie plus réceptive, plus à l’écoute au fil des semaines. J’ai également remarqué que, indépendamment du travail clinique que je pouvais faire, je m’attachais à certaines personnes plus qu’à d’autres. J’ai alors pensé que cette forme de lien était peut-être ce qui permettait la véritable rencontre. A ce moment-là, je me suis « lâchée ». Je veux dire que j’ai oublié que j’étais étudiante, j’ai oublié tout ce qui se rapportait à la théorie, et j’ai laissé faire. 13 L’entretien clinique, Bénony et Chahraoui, p. 106 24 III-1.2.2 La position psychique du psychologue clinicien A partir d’une situation clinique Le cas de Mme A. J’ai choisi de vous parler de Mme A., 88 ans, qui est entrée à la Roseraie 10 ans plus tôt, à l’âge de 78 ans, de son propre chef. A la consultation de son dossier médical, je découvre que Mme A. a été résidente pendant 3 mois dans une autre maison de retraite en 1997 et que c’est à ce moment là que sa dépression névrotique a été diagnostiquée. Sous antidépresseur depuis lors, les médecins ont écrit qu’elle avait bien retrouvé sa forme, une stabilité psychique et que les malaises d’hypotension avaient diminué. Lorsque Mme A. est entrée à la Roseraie, elle était donc sous antidépresseur mais le diagnostic était pour le moins favorable à une guérison rapide. Les informations ci-dessus nous ont été communiquées seulement après les séances thérapeutiques. LA RENCONTRE J’ai rencontré Mme A. très rapidement en début de stage, la psychologue me l’a présentée, sans penser que nous aurions à mener des entretiens cliniques. Mme A., très avenante, est toujours très attachée à la rencontre. Elle manifeste un besoin de contact avec les autres, quels qu’ils soient. C’est une personne qui va sympathiser avec les résidents aussi bien qu’avec les personnels soignants ou administratifs, son besoin de communiquer est prégnant. Lorsqu’elle nous croise, nous devons absolument lui accorder un peu de notre temps, ce qui me semble naturel dans le contexte, qui pourrait ne pas l’être si on observait la Roseraie. En effet, pourquoi elle et pas quelqu’un d’autre, n’oublions pas qu’il ya 105 résidents. Que ces résidents formulent ou non une demande, ils ont certainement besoin de notre attention. Il est donc parfois un peu délicat de passer plus de temps avec une personne plutôt qu’une autre. Peut-être est-ce vis-à-vis de nous-mêmes que la question se pose ? Je dirais même, de « moimême ». Je me questionne sur ce que je ressens alors, peut-être ai-je un sentiment de culpabilité à n’accorder de mon temps qu’à certaines personnes. Mme A. semble être dans la répétition. Elle répète avec moi quelque chose de son histoire. J’ai l’impression qu’elle répète quelque chose de son enfance, et, au cours des entretiens suivants, je vais essayer de repérer ce qui se joue de cette enfance dont elle parle assez peu pour l’instant. Elle rejoue peut-être avec moi son histoire, et, il me semble que je prends alors la place d’une personne bienveillante, mais laquelle ? Je me suis demandée alors « est-ce que je prends la place de la mère 25 ou bien la place de son mari ? ». Elle s’adresse à moi de manière si affectueuse, comme si elle m’avait toujours connue, comme si je faisais partie de son entourage intime. Je comprends alors, qu’à mon niveau, le contre-transfert se met en place aussi et que je suis touchée de la manière dont elle s’adresse à moi, comme une petite fille avec sa mère. Ma propre projection est alors en jeu, et ce que je ressens est vraiment issu de ma relation avec Mme A. LA DEMANDE Il semblerait que la demande explicite soit venue de la psychologue et moi-même. La psychologue pensant que Mme A. était tout à fait disposée à accepter des entretiens cliniques. Mais qu’en est-il vraiment ? Cette rencontre s’est faite autour d’une intersubjectivité beaucoup plus que d’une demande explicite, c’est en tout cas ce qu’il m’a semblé. Le dossier de soin nous a apporté peu d’informations précises, si ce n’est qu’un médecin avait diagnostiqué une dépression, mais quel type ? qu’un médecin avait prescrit des antidépresseurs, mais depuis quand ? Nous avons donc offert à Mme A. la possibilité de participer à des entretiens, ce qu’elle a accepté avec une manifestation de joie plus ou moins inappropriée. Je crois que cette personne ne demande qu’à être accompagnée, à « remplir » ces journées. Elle est en effet en permanence en activité, elle participe à tous les ateliers, ne prend pas le temps de faire la sieste, ne peut concevoir une journée sans rien faire, à se détendre, lire ou regarder la télé lui semblent des activités bien ennuyeuses. Mme A. est une personne qui semble présenter une forme d’hyperactivité, cette semaine encore, l’animatrice nous en faisait la remarque. Pour en revenir à la demande, j’ai pensé que Mme A. manifestait une demande implicite pour combler les parties vides de ses journées, ou bien parce que finalement, elle avait très bien compris ce que ce type d’entretien représentait et elle souhaitait avoir la possibilité de s’exprimer, de parler de son histoire… Son besoin est certainement lié au fait qu’elle cherchait à conserver un lien avec l’extérieur, avec sa famille en profitant de ces moments de parole pour élaborer sur ses souvenirs. LA FORME DE L’ENTRETIEN Dans cette institution, il semble difficile de pratiquer des entretiens psychanalytiques, même si nos sources théoriques sont de ce type. Pour autant, les notions de demande, de transfert ont pu m’éclairer dans les entretiens. Il est bien évident qu’un face à face est indispensable, qu’une forme de semi-directivité s’impose à nous si l’on veut être sûr de pouvoir aider le patient à s’exprimer, à se libérer par la parole. Ce qui semble être le cas avec Mme A. Elle est très intéressée par la relation 26 qui s’installe entre nous, mais toutefois, a besoin de s’appuyer sur mes questions, sur mes remarques pour continuer son discours. C’est un peu comme si je l’aidais à relancer ses pensées régulièrement avec mes relances. Cette semi-directivité pourrait être contraire au type d’entretien mis en place par Rogers, pourtant, dans la compréhension empathique et dans mon écoute attentive, il me semble que je me rapproche de lui. LE PREMIER ENTRETIEN Nous avons reçu Mme A. pour la première fois dans un cadre peu conventionnel, à savoir « le salon Amande », salon où se passent souvent les réunions, les ateliers… En fait, le jeudi matin, nous partageons notre bureau avec l’orthophoniste libérale qui, compte tenu de son ancienneté, refuse de nous laisser l’accès à cette pièce quand elle est là. Il est évident que pour certains entretiens, nous sommes parfois un peu gênées. Pour Mme A., le cadre n’a pas présenté de problème. La psychologue était présente lors de ce premier entretien, mais elle m’a laissé guider cet entretien toute seule. Mme A. m’a paru très impatiente à l’idée de ce premier entretien, lorsque je suis arrivée ce jour-là, elle m’attendait en salle à manger. Elle m’a fait de grands signes de « peur que je ne la voie pas ». Elle s’est précipitamment levée, et nous sommes allées tout doucement jusqu’à l’ascenseur et dans la pièce où je l’ai reçue. Pendant tout le trajet d’une pièce à l’autre, Mme A. ne cesse de parler, elle semble très excitée, elle commence déjà à raconter. Ce qui me paraît le plus surprenant, c’est ce paradoxe entre son agitation mentale et sa marche lente pour se déplacer. Mais, quand je dis lente, elle est cependant bien plus rapide que d’autres personnes de son âge. Elle se déplace avec une canne et porte des chaussures orthopédiques bien adaptées. Concernant Mme A, elle est âgée de 88 ans, et est entrée en maison de retraite à 78 ans. Mme A. est la dernière d’une fratrie de 3 enfants, dont un frère et une sœur. Mme A. ne mentionne pas son père lors de l’entretien. La mère de Mme A. est décédée à l’âge de 98 ans, « lucide ». Mme A. est en admiration devant toutes les personnes qui ont la chance de pouvoir vivre longtemps et de conserver leur lucidité. Son père était chaudronnier, son frère boucher aux abattoirs. Mme A. a essentiellement abordé sa vie de femme mariée à un homme aimant, travailleur, gentil. Son mari était serveur dans des restaurants et des Salons de thé dansant. Lorsqu’ils partaient en 27 vacances, c’était quand monsieur avait un travail à la montagne ou à la mer, et que sa famille le suivait. Mme A. n’a jamais travaillé. Mme A. a un fils âgé de 59 ans, séparé, avec quatre enfants. Son fils l’appelle tous les soirs, sans jamais oublier. Mme A. a perdu son mari il y a une dizaine d’années. Il est décédé d’une embolie pulmonaire qui l’a emporté en 15 jours. Cette perte a été brutale pour elle, même si elle reconnaît que « c’était mieux pour lui, il n’a pas souffert ». Elle me dit «du 3 février au 14 février… ça ne lui a pas fait comme certains… il est parti très vite… ». Je la relance alors de façon interrogative pour m’assurer que de la cohérence de son discours car je sentais une certaine hésitation. C’est le seul moment de l’entretien où j’ai perçu beaucoup de tristesse dans sa voix, j’ai respecté les silences chargés d’émotion de Mme A. Dans son discours latent, je perçois un sentiment de peur, une angoisse liée à la mort. Je ne peux pas, pour l’instant, vérifier si cette angoisse est bien réelle ou si c’est ma perception, et je me demande alors si je ne suis pas dans une attitude contre-transférentielle. Je me dis à cet instant : « est-ce que c’est son rapport à la mort que je dois analyser ? Ou bien le mien ? ». C’est à ce moment là que Mme A. fait le lien avec la maison de retraite, « je ne l’ai pas bien pris car j’ai pas voulu rester toute seule à la maison… », « vivre seule, non, non, non, non ! ». Elle s’est « sentie dépressive » à cette époque. Mme A. a fait elle-même la démarche de rentrer dans une maison de retraite car sinon il ne lui restait « que le néant », selon ses paroles. Mme A. ne tarit pas d’éloges sur « la Roseraie », « c’est super, dit-elle. Je fais beaucoup de choses et je comprends que c’est dans mon intérêt, ça me fait du bien. Vous vous rendez compte, ça fait 10 ans que je suis ici, si j’étais restée dans le NEANT,…. Après on peut plus parler, plus rien ». Elle évoque son passé dans son appartement avec un sourire, sa mémoire est intacte. Sa bellefamille et son voisinage semblent avoir été le centre de son existence. Elle remâche « j’ai eu la chance d’avoir un gentil mari » à plusieurs reprises. Elle aborde ensuite l’histoire de sa famille, de sa mère décédée à 98 ans, et elle explique qu’elle allait s’occuper de sa mère, chez elle sans aide extérieure jusqu’à la fin. « Mon mari me disait toujours fais ton devoir », alors je la relance de façon interrogative, espérant qu’elle va me préciser comment elle ressentait ce devoir. En fait, elle précise bien que pour elle, ce n’était pas un devoir, et qu’elle se serait occupée de sa mère quelles ques soient les circonstances. Il me semble que ma propre expérience motive mes relances et donc, la manière dont le patient se raconte. 28 J’ai l’impression à ce moment là que sa vie s’est construite sur un mode de relation anaclitique, forme de relation que l’on retrouve dans sa vie à la maison de retraite, elle s’appuie sur la relation à l’autre et les activités de groupe. Je sens qu’elle a besoin de ça, que c’est indispensable pour sa survie. « J’ai eu ce destin de ne pas pouvoir choisir autre chose… vous savez la vie est tracée…. » Il semble qu’une certaine mélancolie apparaisse dans le ton de sa voix, mais Mme A. ne laisse pas facilement tomber ses défenses. Et je m’en rends compte car, elle répète sans cesse, « je n’ai pas le droit de me plaindre…. Je suis heureuse… j’ai eu une belle-vie… » Comme si, elle avait besoin de s’en persuader. Tout au long de l’entretien, mes relances font écho avec ce qu’elle vient de dire, mais aussi avec ma propre histoire. Les analogies inconscientes peuvent influencer mes relances, de même qu’orienter son discours. Je projette dans l’entretien ma propre subjectivité. Après une heure d’entretien, il était l’heure du repas pour Mme A. et la psychologue et moi avons de concert soulevé l’idée d’aller déjeuner pour mettre fin à l’entretien. Nous avons peut-être été chacune de notre côté, pour des raisons différentes, incitées à terminer l’entretien. Pour ma part, après une heure d’entretien, je sentais un peu « pesant » ce discours dans lequel il y avait des répétitions, je n’arrivais plus à relancer comme il l’aurait fallu. J’ai, à ce moment-là, proposé à Mme A. de la rencontrer de nouveau le jeudi suivant. Ce qu’elle a immédiatement accepté en me répondant : « avec grand plaisir, avec grand plaisir ». DANS L’APRES-COUP Dans son discours en général, je ressens une sorte de peur de l’abandon, elle n’a pas voulu une chambre seule d’ailleurs. La compagnie des autres résidents la rassure, la peur d’être seule ressort dans son discours. Je ressens son angoisse malgré une forme de rationalisation de son discours. Même dans son histoire, elle n’aborde aucun moment de sa vie qu’elle pourrait avoir passé seule. Il n’apparait pas une seule fois une histoire où elle est seule, chacune de ses locutions se rapporte à un autre, comme si elle n’avait jamais été seule de sa vie. Lors de mes relances, je m’aperçois qu’il est en effet difficile de faire tomber ses défenses, elle rationalise beaucoup, pensant que l’entretien que nous avons ensemble ne peut ou ne doit se borner qu’à raconter de façon monocorde son histoire. Je ne ressens pas chez elle l’envie d’exprimer ses sentiments. Elle aurait plutôt mis en place un mécanisme de formation réactionnelle, contre-investissement dans une attitude autorisée. 29 Le fait d’être deux psychologues dans la pièce peut également ne pas la rassurer. Pendant, l’entretien, je me dis que la prochaine fois, je la rencontrerai seule, peut-être alors arrivera-t-elle à faire tomber quelques défenses. J’ai le sentiment qu’elle ne dit pas tout, qu’elle nous regarde tour à tour, et qu’elle raconte. Cette rationalisation se prolonge tout au long de notre entretien. L’angoisse d’être abandonnée se manifeste peut-être dans un transfert sur la psychologue qui permet de remplacer l’autre, le tiers absent. J’essaie de me servir du contre-transfert comme un outil diagnostique, Par exemple, l’absence d’émotion de Mme A. produit dans son discours linéaire, concret et centré sur le réel entraîne un sentiment d’ennui et de monotonie chez moi. Est-ce une attitude qui tend à ressembler à un mécanisme de défense de ma part ? Il me semble difficile à ce stade de mes entretiens cliniques avec Mme A. de parler d’hypothèse psychopathologique en lien avec mes relances. . Mes relances auraient surtout pu servir le repérage de ses angoisses, des ses ressentis, de ses modes de relation. Les défenses de Mme A. seraient plutôt de l’ordre du déplacement, son angoisse de mort semble s’être déplacée sur une forme de comportement hyperactif avec une organisation presque obsessionnelle. Je pense qu’il y a une relation d’objet qui s’est déplacée sur des substituts qui pourraient être en lieu et place de son époux décédé sur lequel elle s’est toujours appuyée. Cette relation anaclitique persiste avec toutes les personnes qu’elle rencontre dans le cadre de son nouveau mode de vie. Effectivement, j’ai aussi émis l’hypothèse que l’hyperactivité de Mme A. masquait une dépression. Pour l’instant, mes autocritiques sont assez nombreuses. La première serait que je n’arrive pas à mener un entretien véritablement non-directif avec les résidents et que cela altère ma capacité d’écoute. J’ai tendance à me focaliser sur les informations que je souhaite en retirer, et, pendant ce temps, je perds un peu de la subjectivité. Mon empathie me permet pour l’instant de pallier cette faille que je ressens et que j’espère souder à force d’entretien clinique avec Mme A. L’écoute attentive a aidé Mme A. à élaborer, à reformuler les différentes informations de son histoire, à les intégrer et à en prendre conscience. Le cas de Mme T. Mme T. est âgée de 91 ans. Mme T. a été admise en maison de retraite fin 2005, un peu avant les fêtes de Noël. Mme T. se trouvait auparavant dans une structure familiale agréée par la DDASS où 30 se trouvait 3 ou 4 résidents. Mme T. a été placé pour la première fois après le décès de son mari et la vente de sa maison. Mme T. est suivi par son médecin traitant depuis 10 ans, libéral, médecin du quartier dans lequel elle a vécu une grande partie de sa vie. Son médecin a diagnostiqué un « syndrome anxio-dépressif avec une co-notation névrotique » au moment où Mme T. a été placée en institution, familiale ou non. Sous antidépresseur pendant un temps, Mme T. prend actuellement comme traitement des médicaments concernant une pathologie cardiaque et des antalgiques. Elle a été opérée à plusieurs reprises, la première fois pour un problème aux hanches et ensuite pour un problème organique au niveau gastro-intestinal. LA RENCONTRE La rencontre avec Mme T. s’est déroulée au début de mon stage. Mme T. avait participé à un atelier sur la détente musicale que je dirigeais, la psychologue de la maison de retraite n’étant pas formée à cette technique. Au cours de cette première rencontre, Mme T. semblait avoir « le moral », mais surtout un besoin de s’exprimer et de partager. Elle était ravie de pouvoir participer à cet atelier, le seul qui l’intéressait. Sa capacité à se détendre, à pratiquer la visualisation a surpris la psychologue et moi-même. Sa culture lui donne une bonne appréhension et une bonne compréhension de ce type de pratique. A ce moment-là, j’ai eu l’occasion de proposer à Mme T. de la rencontrer à d’autres moments, en face à face. Elle a immédiatement accepté. LA DEMANDE Du fait que je lui ai proposé de nous rencontrer en dehors de l’atelier de détente musicale, je pourrais dire que la demande explicite n’a été formulée que par la psychologue et moi-même. Cependant, de toute évidence, son travail thérapeutique le jour de l’atelier était une formulation implicite, latente de cette prochaine rencontre. En effet, dans sa manière de se comporter, de se raconter dans son histoire, Mme T. paraissait chercher le contact et le partage de ses émotions. Mme T. est dans une demande d’amour. C’est grâce à cette demande qu’elle s’en est sortie toute sa vie, après avoir subi des maltraitances durant son premier mariage. Elle répète avec moi cette croyance de l’autre « un Autre bienveillant ». Je me dis alors qu’elle me fait prendre la place de son deuxième mari disparu. 31 LA FORME DE L’ENTRETIEN Contrairement à Mme A., mes entretiens avec Mme T. sont vraiment non directifs, je fais très peu de relances. En effet, Mme T. est très excitée, parle beaucoup, sauf les jours son état est plus mélancolique. Je dois régulièrement reformuler afin de lui assurer et de m’assurer que j’ai bien compris. Il est vrai que Mme T. a quelques difficultés à entendre, d’où mes réitérations, et quelques difficultés à prononcer. LE PREMIER ENTRETIEN « C’est terrible. On se demande si un jour on trouvera un remède… » C’est ainsi que commence le premier entretien de Mme T. A l’instant où je rentre dans la chambre, je suis surprise par la position de Mme T., elle est allongée sur son lit, semble fatiguée, essoufflée. Elle a une position qui me laisse penser qu’elle n’a pas envie de se lever, ni de bouger. Elle a les bras ballants, la tête posée sur le coussin un peu en arrière. Au travers de sa première plainte, il semble qu’elle ait immédiatement essayé de se libérer de cette douleur dans son expression, sa plainte verbalisée. Je me rends compte également que l’aidesoignante vient de sortir et qu’elle lui a tenu le même discours sur sa souffrance. A son âge, il est très difficile d’arriver à différencier une souffrance physique réelle d’une souffrance qui tient de l’ordre du psychique. Mais, à ce moment là, je me dis alors que Mme T. est assez théâtrale, et je me souviens que son médecin m’a parlé de cette manifestation hystérique qui la caractérise. Je me demande alors si Mme T. souffre d’un état dépressif. Ma question est prématurée, mais à la lecture de son dossier qui mentionne l’état dépressif, j’essaie alors de retrouver les signes d’un état dépressif dès le début de mon entretien. Mme T. m’explique qu’elle souffre d’acouphènes et que c’est particulièrement désagréable d’avoir toujours ces bruits dans les oreilles. Puis, après m’être présentée à nouveau par crainte qu’elle m’ait oubliée, je lui présente mon travail et j’enchaîne sur une question ouverte : « vous êtes rentrée à la Roseraie à quelle occasion ? » Elle me raconte alors son histoire et l’anamnèse commence à prendre forme. « J’étais chez une personne qui M.. N.. et M celle que vous avez vu à ma table elle était dans sa maison il y avait M. et moi. A cet instant, Mme T. est assez confuse, je ne distingue pas très bien qui sont exactement les personnes avec qui elle partageait cette maison familiale. Mais, je retiens surtout le nom de N. qui est une personne âgée se trouvant également à la Roseraie. Je suis venue là parce dans sa maison à elle. Elle a eu l’occasion de changer de maison d’avoir une maison moins chère… ». Elle représente tout d’abord son amie qui est installée à la maison de 32 retraite. Le « elle » de la deuxième phrase fait allusion à la personne qui était responsable de la maison familiale que je relate plus loin. Ce passage de l’une à l’autre me laisse perplexe. Je me demande quelles représentations Mme T. se fait de ces deux personnes, quels sont les liens qui les rapprochent ? Mme T. m’explique qu’elle était placée auparavant, avant 2005, dans une maison familiale, et que la personne qui se chargeait d’elle et de deux autres personnes âgées était très bien, très gentille. Elle a donc gardé des souvenirs agréables de cette période et finalement, inconsciemment, doit vraisemblablement comparer cette pension à la maison de retraite dans laquelle elle vit maintenant. Une maison de retraite qui, au travers de sa dimension, ne peut pas avoir les mêmes modes de fonctionnement. Mme T. semble ressentir plus de solitude depuis qu’elle est ici. « Entr etemps j’avais vendu ma maison mon petit fils et ma belle fille ont tout fait pour me la faire vendre » Mme T. énonce avec une certaine amertume ce moment de sa vie, ce moment de séparation d’avec la vie qu’elle menait avec son mari. J’essaie à plusieurs reprises de faire des relances, mais Mme T. parle si vite, dans une telle logorrhée, que je me dis à cet instant : « je dois la laisser dire, élaborer, produire pour donner du sens ». « J’ai accepté de chercher une autre maison » prononce-t-elle dans un murmure. « Ma maison dans le quartier c’est pas une perte de mémoire c’est à force d’oublier parce que je passe ma vie à essayer d’oublier ». Mme T. me signifie peut-être à ce moment-là qu’elle ne souhaite pas en parler. Je ne la relance pas, j’attends dans un silence plein qu’elle puisse élaborer sur cette perte. « A …, là ou il y l’église on monte çà fait un angle droit il y a des maisons bd MR, juste en face là ou il y a le jardin c’est une cité la cité P. c’était pas grand il devait y avoir une vingtaine de maisons c’était bien j’avais un petit jardin j’étais au RDC j’étais bien ». Finalement, lentement, elle se met à expliquer où se situait sa maison, son lieu de vie, cet endroit regretté que je ressens dans sa voix comme une douleur psychique envahissante. Puis elle arrive à continuer : « Je suis allée là ici à la Roseraie comme N. était à la Roseraie ». N. est une personne âgée avec qui elle vivait dans cette « maison familiale » et où Mme T. se trouvait mieux qu’à la Roseraie. Mme T. me donne à cet instant la sensation qu’elle n’est venue ici que parce que son amie s’y trouvait, pour éviter de vivre une nouvelle séparation. Mme T. remâche assez souvent dans son discours. Il semble qu’elle ne puisse se détacher de cette représentation qu’elle s’est faite de la maison familiale. « Cà s’est passé assez vite » dit-elle dans un soupir. Ce soupir me fait alors penser qu’elle est peutêtre aussi perturbée par la façon dont les choses se sont passées. Effectivement, elle rajoute : « J’ai pas voulu faire de scandale je voulais garder mon petit fils et je suis partie pour ici ». 33 « C’est pas bien de sa part à mon petit fils depuis Noël je l’ai plus vu. Pour le jour de l’an il m’a téléphoné pour me souhaiter la bonne année « Je peux pas venir Marraine j’ai du travail » je lui en voulais pour ma maison il a vendu de mon vivant C’était mon filleul et mon petit fils en même temps ». Mme T. parle de son petit-fils au passé, comme s’il n’était plus là, comme si elle l’avait perdu. Une nouvelle séparation, une nouvelle perte pour elle. Puis elle glisse tout doucement de la perte de sa maison à la perte de son mari. Elle le raconte de son vivant : « Surtout que mon mari était sculpteur sur marbre et il avait arrangé cette maison magnifiquement mais seulement voilà il est mort j’ai tout perdu j’ai tout perdu quand il est mort ». « La mort de mon mari m’a tuée », Mme T. vit ce deuil comme sa propre mort. Je lui demande alors en quelle année son mari est décédé, « En 1998, ca va faire 10 ans le 15 mai de cette année », là encore, je ressens cette douleur qui la taraude, qui l’étreint et qui me fait penser à ces douleurs dont elle se plaint régulièrement, comme si elle devait souffrir pour se donner le droit d’avoir survécu à son mari. Mon attitude alors se base sur mes propres réactions à ce discours. Je ne peux m’empêcher de penser partager un sentiment de culpabilité. « Mon dieu qu’il était gentil, qu’il était gentil, mais seulement, là, ma vie de femme elle est triste », encore une fois, la tristesse ramène à une forme de mélancolie qui accompagne son fonctionnement psychique au quotidien. Elle parle avec des sanglots dans sa voix. Je respecte pendant quelques instants ce silence pour lui montrer que je suis là pour l’écouter, que cet espace de parole est pour elle, pour l’aider à symboliser. Le symboliser pourrait lui permettre d’éviter des moments de somatisation, d’agressivité envers le personnel. Ma fonction est peut-être aussi contenante à ce moment-là, un moyen pour Mme T. d’éviter de se répandre. Mme T. enchaîne sur sa vie de femme et me raconte qu’elle a été mariée une première fois, à l’âge de 19 ans, et a fait des études de droit. Mme T. me dit alors qu’elle n’est pas française, qu’elle est née aux Seychelles, elle a vécu à Madagascar. Sa mère était bretonne. Elle est donc anglaise de naissance, et toute sa famille, sauf sa mère, était anglaise. En arrivant en France, Mme T. a eu des difficultés pour trouver du travail car elle était anglaise, en se mariant, elle a eu la nationalité française et a pu travailler. « C’est par mariage que je suis devenue française. A cette époque j’étais anglaise. Mon vrai père il est mort mais ma mère l’a plus voulu ». Je découvre alors que Mme T. a connu son père biologique. Il est décédé assez jeune et après avoir divorcé. Mme T. l’a donc connu jusqu’à ce qu’elle est 9 ans, et, a été adoptée à l’âge de 15 ans par 34 son beau-père. Je me dis alors que cette adoption et ce déracinement ont du avoir une incidence sur sa vie de femme. Elle est venue en France au début de son adolescence et a fait ses études en France. « La Préfecture m’a dit que je vous envoie en Angleterre pendant 5 ans, et dans 5 ans vous êtes française lorsque vous revenez dans le pays. Et alors, on pourra vous embaucher. Mais çà m’embêtait, j’étais tellement déçue que j’ai pleuré tout le long de la rue de Rome, de la préfecture à la Canebière et il y avait des agents de police qui faisaient la circulation. Il y en a un qui m’a demandé : « où allez-vous mademoiselle ? ». Je vais chez moi, et ce monsieur m’a raccompagnée. Il me connaissait, m’avait déjà remarquée, et on s’est mariés à 18 ans. » « C’était un policier mauvais il était d’une jalousie féroce il me frappait c’est épouvantable ce que j’ai passé avec cet homme ». C’est alors que je prends conscience que Mme T. a vécu une partie de sa vie de femme avec cet homme violent qui la maltraitait. J’essaie de relancer pour qu’elle puisse élaborer sur cette souffrance, mais je n’en ai pas le temps, Mme T. se livre d’elle-même. « Gilbert est revenu de sa promenade en colère il avait 7 ans je n’ai plus de papa qu’il vienne plus chez mamie on vient de s’apercevoir il avait une autre femme il veut me donner une autre maman mais il est fou ». Surprise par le prénom, alors que Mme T. n’a mentionné que très peu de noms jusque-là, je laisse Mme T. continuer, comprenant dans son discours les évènements sur un axe véritablement diachronique. « Moi contente parce que dans le fond c’était un poids que je pouvais pas me défaire je voulais pas divorcer cette fois c’était fini. Je me disais qui sait s’il n’aura pas besoin de son père (elle revient alors à son fils) Le docteur est venu il savait que j’étais battu il me disait « divorcez… divorcez » ce jour là il ne vous inquiétez pas je vais vous aider ». Je suis saisie par ce regain d’énergie qu’elle manifeste en racontant ce moment de sa vie. Je ressens là le soulagement qu’elle a vécu au moment de ce divorce. La séparation ayant pu provoquer une angoisse de perte alors, mais, manifestement, des mécanismes ont alors dû se mettre en place. Elle a réussi à faire face à la situation, et reprenant sa vie en main, est allée s’installer chez sa mère. Quelques années plus tard, elle rencontre son deuxième mari, avec qui elle a vécu 49 ans de bonheur. Mme T. souffre toujours de la disparition de son mari. Et, pour faire lien peut-être, elle raconte la rencontre entre son fils et son futur mari « Et mon fils, lui, était malin… parce qu’il avait une marbrerie, lui… et le petit passait devant pour aller à l’école et il l’appelait… alors il faisait marcher sa machine, et il lui disait « tu sais si tu cherches un papa… ». Je vois alors le plaisir que 35 Mme T. ressent à retrouver ces moments de vie. La tristesse de son regard me ramène à mes propres angoisses de perte, à ma propre histoire. Mme T. enchaîne sans que je la relance « Il est mort en 98, 49 ans avec moi. Il était à l’hôpital quand… ». Un silence s’installe quelques instants. Je profite ensuite de faire une relance pour ramener ses pensées vers sa vie à la maison de retraite : « Comment vous vous sentez depuis que vous êtes ici ? » A ce moment là, ma question est basée sur l’idée que Mme T. étant dépressive depuis qu’elle est entrée en institution, la séparation d’avec sa famille y est sûrement pour quelque chose. « Mal. C’est malheureux, mais je vous dis franchement, je me sens pas bien ici. Je sais pas pourquoi. J’ai plus personne, j’ai plus de mère, j’ai plus de père, j’ai pas de sœur, pas de frère…j’ai plus de tante, j’ai plus personne ! Alors, j’aime mieux vous dire que j’ai qu’un fils… et ce fils, c’est tout pour moi, il lui arriverait quelque chose, je ne sais pas ce que je ferais. Et mon fils prenait mon deuxième mari pour son père… c’est affreux ! C’est affreux ! J’ai des hauts et des bas… eh oui, des hauts et des bas. » A ce moment-là, je sens que Mme T. me signifie la fin de l’entretien. Elle semble plus fatiguée. Il est temps pour moi de me retirer. Je lui propose alors de revenir la voir la semaine suivante, le même jour, elle acquiesce avec un sourire et notre entretien se termine. DANS L’APRES-COUP Je me demande si Mme T. peut investir d’autres personnes, d’autres activités de manière à pouvoir se construire un projet de vie au sein de la maison de retraite. Mme T. devrait pouvoir investir ce nouveau lieu, son nouveau « chez elle ». Parler des autres lui permet finalement de se différencier, de maintenir son identité. Les relances sur autre chose que la dernière idée dont elle a parlé sont peut-être un moyen pour moi d’éviter un sujet que je ne souhaite pas aborder, mon attitude contre-transférentielle est activée par des processus psychiques d’ordre du rejet. Mme T., selon son médecin traitant, est une personne qui se comporte de manière théâtrale, je pense qu’en effet il y a quelque chose de cet ordre là qui se joue. Cependant, dans ses plaintes concernant la douleur physique, il me paraît difficile à son âge de faire la part des choses. Il me paraît difficile de mettre en pensée ses douleurs simplement par un processus psychique de l’ordre de l’hystérie. Je reste pour l’instant prudente sur ce cas. Il me faudra plusieurs rencontres pour pouvoir émettre des hypothèses psychopathologiques la concernant. 36 Mme T. a toujours été une femme de caractère, avec une profession valorisante. Elle semble se sentir diminuée, sa dépendance doit lui donner une forme d’angoisse de castration, un sentiment de perte de sa toute-puissance. Cela doit être certainement pour elle une forme d’angoisse de castration, on la prive de ce qu’elle était autrefois, et l’institution pourrait représenter le père symbolique, serait-ce le premier mari qui la faisait souffrir sur le plan physique mais aussi sur le plan psychique. Je crois que Mme T. au travers de toutes ses paroles agressives vis-à-vis du personnel ou de certaines personnes de sa famille cache une blessure narcissique intense. N’oublions pas que Mme T. avait une profession valorisante, à responsabilité. Elle se comporte avec son fils comme si elle vivait une régression à l’enfance au travers d’une identification, le fils devient le père, et Mme T. redevient enfant avec le père symbolique (peut être le père biologique qu’elle n’a jamais connu). Mme T. a tendance à vivre sa relation à l’autre de manière duelle. De sorte que j’ai supposé que, pour reprendre le concept de Lacan, il peut y avoir une problématique à soulever au niveau du stade du miroir, phase décisive pour l’affirmation de l’identité, déterminante pour la structure narcissique du Moi. Il se pourrait que Mme T. utilise la dénégation comme procédé par lequel elle exprime un désir, une pensée, un sentiment jusqu'ici refoulé tout en se défendant, en niant qu'il lui appartienne. C'est une négation de précaution qui met en fait l'accent sur ce qui est important: "je vais vous dire ce que je ne suis pas" (c'est en fait ce que je suis). Elle présente son être sur le mode de n'être pas. Il y a une certaine acceptation du refoulé qui subsiste cependant sous la forme de négation. La dénégation est un moyen de prendre connaissance du refoulé, une sorte d'admission intellectuelle avec une inadmission affective. Le Moi est en méconnaissance dans la connaissance. Répugnance à s'identifier à ce qu'on vient de dire. Mme T. se raconte avec une image qui ne lui ressemble pas, qui n’est pas ce qu’elle s’est toujours représentée d’elle-même autrefois. Pour conclure dans l’après-coup, je pense que Mme T., au travers de sa répétition, joue une réactualisation de ses faiblesses et de ses résistances, elle peut alors me donner une place, dans ma bienveillance, elle me fait représenter cet époux tant aimé. Ce qui caractérise son histoire, c’est la notion de répétition. Selon Freud, quand on répète quelque chose, on subit une répétition, la pulsion de mort. Il me semble alors qu’elle rejoue cette répétition de ce conflit qu’elle vit avec son petit-fils et filleul, dans ses rapports distants avec sa belle-fille. 37 Dans mon attitude contre-transférentielle, je crois essayer d’être dans une position bienveillante, mais peut-être est-ce trop puissant pour moi, et j’essaie de prendre de la distance face à ce qui m’envahit. Je comprends alors que pour bien avancer dans mon rôle de psychologue auprès de Mme T., je dois savoir conserver une certaine distance qui me permet à la fois de me protéger et de pouvoir recevoir de Mme T. ses projections et les analyser. III-2 Présentation de ma pratique de groupe La mise en place d’ateliers ayant eu lieu dans le courant du mois d’août, nous avons pu démarrer dès le mois d’octobre nos ateliers de réminiscence et de détente musicale ; le premier étant dirigé par la psychologue et le second par moi-même. III-2.1 L’atelier réminiscence Goûter, entendre, sentir, toucher et voir… du ventre de notre mère à notre dernier jour, nos cinq sens sont les portes d’entrée de notre mémoire. C’est par eux que nous percevons le monde extérieur, les images, les sensations qui vont nourrir nos souvenirs, et nous faire ce que nous sommes, avec nos goûts, nos dégoûts, nos plaisirs et nos peurs. La rencontre avec le groupe Durant ma première rencontre avec le groupe de l’atelier « réminiscence », j’ai été impressionnée par la qualité du travail que chacune des participantes a réussi à faire. Elles étaient quatre, chacune souffrant d’une démence modérée à sévère. Pourtant, elles ont pu se souvenir, s’exprimer malgré leur difficulté. Chacune d’entre elles a également réussi à se positionner dans ce petit groupe. Qui arrivant à mieux s’exprimer que d’autre essayait d’aider sa voisine, qui pouvait raconter son histoire, qui d’autre pouvait dessiner. Dans les exercices que nous avons présentés, les participantes ont pu élaborer, ont pu déposer dans ce lieu leurs sentiments, leurs mémoires, chacune à sa façon était très émue et certaines avaient les larmes aux yeux. 38 Ayant pris une position d’observatrice essentiellement, je me suis sentie moins investie dans ce groupe. Et, pourtant, chacune des participantes a réussi à me faire ressentir cet élan de compassion que l’on peut avoir. Ma position contre-transférentielle à ces instants était plutôt une attitude surprotectrice, je sentais que je voulais les aider à se souvenir, mais que leur douleur psychique m’émouvait. Lors des séances, j’ai essayé de repérer la chaîne associative, de trouver le lien entre les scénarii de base pour mettre du sens au travail du groupe. Par exemple, Mme Z. a montré des photos de sa voiture qui lui servait d’outil de travail ainsi qu’à son défunt mari, nous a raconté qu’ils vendaient des caramels et des bonbons aux abords d’un grand parc municipal, pour chacune des autres participantes, les caramels, les bonbons leur ont permis de construire leur propre scénario. Le travail que j’ai essayé de faire dans ce groupe, malgré ma position, a été d’essayer de contenir une dynamique de groupe au sens de peau psychique d’Anzieu. Peut-être que la question du symptôme se situe là dans une fonction phorique, c’est-à-dire que chacune porte quelque chose qui appartient à l’autre ou qui appartient au groupe. Mme S. l’une des participantes, décédée depuis, semblait avoir une fonction de porte-émotion, elle vivait les instants du groupe, les larmes aux yeux, comme si les participantes avaient toutes partagé la même vie. Il se passait quelque chose de l’ordre de l’émotion partagée, mais portée par une seule personne. D’autres participantes semblaient être plutôt dans la pensée opératoire, ou bien simplement, leur démence ne leur permettait plus d’accéder à leurs souvenirs, ni même aux échanges si privilégiés dans ce lieu de contenance. J’ai alors remarqué que je vivais ce que l’on appelle le contre-transfert comme si je n’avais en face de moi qu’une seule personne, le groupe ne faisait qu’un pour moi. Ce que j’en comprenais me permettait de trouver ma position de psychologue. Il m’a semblé alors que cette position pouvait être à elle seule une forme de peau psychique. III-2.2 L’atelier détente musicale Pour la majorité d’entre nous, se relaxer signifie se détendre, profiter de loisirs… Scientifiquement parlant, la relaxation est une méthode thérapeutique qui, à l’aide de techniques bien définies produisant un état de détente musculaire plus ou moins volontaire, cherche à réduire la tension, l’anxiété, le déséquilibre émotionnel d’un sujet en agissant spécifiquement sur l’activité myotonique et le système neurovégétatif. 39 La rencontre avec le groupe Dans cette nouvelle rencontre, je me suis trouvée face à des personnes totalement différentes les unes des autres. Un résident pas très âgé avec des difficultés à la marche mais qui avait de bonnes capacités mnésiques, des résidentes qui semblaient être là parce qu’on les y avait amenées, d’autres qui nous avaient sollicités pour participer à l’atelier. Il est difficile de pouvoir parler d’hypothèse psychopathologique dans ce groupe-là. Ce que je peux dire c’est que la rencontre entre les participants(es) ne semble pas s’être déroulée comme je l’espérais. Il et elles ont bien essayé de suivre les indications qu’on leur donnait, mais certaines avec beaucoup de difficulté. Mme T. était présente. Elle semblait s’investir dans le groupe, puis, j’ai remarqué qu’en fait, elle avait bien pratiqué la séance de relaxation, mais ne communiquait, elle aussi, avec un autre membre du groupe. Mme C., accompagnée de sa fille, restait assise, sans parler, n’a pas fermé les yeux pendant la relaxation, ne semblait pas comprendre tout ce que je disais. Je me suis trouvée confrontée à un groupe qui me désorientait, dans lequel je n’ai pas réussi à repérer de co-construction. Cela étant, cet atelier a eu lieu au tout début de mon stage, et je pense que je n’étais pas suffisamment prête à recevoir ce qui se joue dans un groupe. Dans l’après-coup, avec le recul et l’expérience, je sais maintenant que je n’ai pas réussi à contenir le groupe. Je me rends compte que j’aurais dû, malgré la difficulté mentale de chaque participant(e), aller plus loin dans la prise de parole, aller plus loin dans la reconnaissance des émotions qui se jouent. Ces personnes, au demeurant encore dans quelque compréhension, semblent finalement errer sur le plan psychique et se perdre. Le rôle que j’aurais dû jouer était de tenir ce groupe, de l’aider à élaborer et à se sentir dans un espace de dépôt. Je suis aujourd’hui convaincue que ce stage m’a ouvert les yeux et l’esprit à la vie psychique. IV- CONCLUSION Pour conclure sur l’expérience de stage que j’ai vécu, je serais tentée de dire que je ne suis plus la même à la sortie qu’à l’entrée. L’expérience elle-même m’a permis d’évoluer dans le sens du travail 40 psychique et des observations. Mais l’ensemble de ce que je trouve lors de mes groupes stages m’apporte des éclairages sur les situations que je vis au jour le jour lors de mon stage. Dans tout ce temps de construction, l’ensemble des personnes, mais aussi les deux psychologues qui m’ont suivi, m’ont vraiment permis de voir autrement l’institution, les résidents, et surtout la manière dont le travail de psychologue peut s’élaborer dans la pratique. Il est clair que l’approche théorique que je rencontre à l’université est un support indispensable à mon expérience pratique, de même que les échanges que j’ai vécus tout au long de ces mois. « L’intersubjectivité… est le moteur de la rencontre avec l’autre »14 voilà qui nous dit tout de la vie psychique en quelques mots. La résonnance de ces mots ne peut se faire que si nous sommes dans l’apprentissage de la psychopathologie, ce domaine incontournable de notre travail de clinicien. Si je dis « nous », c’est que je nous crois tous concernés. Il ne s’agit pas là de ma seule expérience, mais de la manière dont chaque étudiant doit se retrouver dans ce discours. La rencontre doit se vivre comme une expérience dans cette relation asymétrique que nous avons avec les patients. Elle permet de créer ce cadre relationnel qui vise à diminuer les défenses du patient, à développer ses capacités à réaliser des actes et à limiter sa dépendance. Tout un enchaînement de modification de la vie psychique qui se joue, là, avec nous dans ces moments privilégiés que nous mettons en place pour eux. Dans l’après-coup, je crois qu’il me reste encore du chemin à faire, j’aimerais encore travailler sur la notion d’intersubjectivité et sur la notion de subjectivité liée à la modalisation15. Un domaine que j’ai encore besoin d’aborder sur le plan théorique et pratique. Pour conclure, je pense que mon travail d’élaboration au sein de cette institution prend tout son sens maintenant, à la fin de ce stage, après plusieurs mois de travail. Je considère que ces stages sont essentiels à notre future pratique, et que la rencontre est partout à la fois, que ce soit avec le personnel ou les résidents, aussi bien dans les interstices que dans des lieux formels en des temps formels. « … Le modèle intrapsychique vise à décrire cette activité indépendamment de toute expression comportementale et langagière alors que le modèle intersubjectif vise à la décrire en tant qu’elle s’exprime dans le processus de communication avec l’interlocuteur ». D. Widlöcher, 1998. 14 15 H.Bénony et coll. L’entretien clinique, p. 106. N. Garric,, Introduction à la pragmatique, p. 60. 41 V- BIBLIOGRAPHIE Anzieu D. (1995). Le Moi-peau. Paris. Editions Dunod. Deuxième édition. Anzieu D. & Martin JY. (1968). La dynamique des groupes restreints. Paris. PUF. Bénony H. & Chahraoui K. (1999). L’entretien clinique. Paris. Editions Dunod. Bourguignon 0. et Bydlowski M. (2006). La recherche clinique en psychopathologie. Paris : PUF. Garric N. & Calas F. (2007). Introduction à la pragmatique. Paris. Editions Hachette. Kaës R. (2003). L’institution et les institutions. Editions Dunod. Paris. Kaës R. (1996). Souffrance et psychopathologie des liens institutionnels. Editions Dunod. Paris. Kaës R. (1994). La parole et le lien, processus associatifs et travail psychique dans les groupes. Editions Dunod. Paris. Pedinielli JL. & Fernandez L. (2005). L’observation clinique et l’étude de cas. Paris. Editions Armand Colin. Vercauteren R., Predazzi M. et Loriaux M. (2007). Pour une identité de la personne âgée en établissement : le projet de vie. Editions Erès : Pratiques Gérontologiques. 42 VI- ANNEXES Plaquette commerciale de la Roseraie Photo de la Roseraie à ses débuts Photos de la Roseraie de nos jours Organigramme Descriptif des fonctions et des services fiche de poste du médecin-coordonnateur par décret Exemple de fiche de poste d’aide-soignante Charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante selon la FNG Modèle de fiche : droits des personnes âgées dépendantes en institution Le projet de vie du résident (16 pages) Fiche Histoire du résident Bilan psychologique Fiche descriptive de l’atelier Réminiscence Fiche descriptive de l’atelier Musique et détente Attestations de stage 43