Lettre de Didier Migaud

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Lettre de Didier Migaud
NOTE AUX RÉDACTIONS
Le 10 novembre 2016
COURRIER DE DIDIER MIGAUD
A ALFRED MARIE-JEANNE
Lors de la séance plénière du 4 octobre 2016 de la collectivité territoriale
de Martinique, le président du conseil exécutif a évoqué les travaux des juridictions
financières dans des termes qui ont conduit le Premier président de la Cour
des comptes à lui adresser, le 24 octobre dernier, le courrier suivant :
Monsieur le Président,
J’ai eu connaissance de la teneur du discours que vous avez prononcé en séance plénière du
conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique (CTM), le 4 octobre 2016.
Vous y qualifiez le rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) de la Martinique de
« tendancieux et outrancier » et de « pamphlet » dont l’« unique but est de nuire à la majorité
actuelle ». Vous ajoutez que « toutes les règles de droit ont été violentées volontairement,
sans aucun scrupule » et que – je cite toujours – « ce rapport pue la politique politicienne et la
servilité ».
En ma qualité de Premier président de la Cour des comptes, présidant le conseil supérieur
des chambres régionales des comptes, je ne peux pas laisser passer de tels propos sans
réagir vigoureusement, tant ils me paraissent inexacts, injustes et, pour tout dire, graves.
Je ne reviendrai pas sur l’incident qu’a constitué la publication partielle de votre réponse à un
précédent rapport de la CRC, datant de 2014 – épisode que vous évoquez à nouveau en
laissant entendre qu’il était le fruit d’une intention délibérée de vous nuire. Ceci est tout à fait
inexact, comme je vous l’avais d’ailleurs indiqué dans mon courrier du 11 mars 2014, et je
déplore que vous n’ayez pas tenu compte de ma réponse.
J’observe, par ailleurs, qu’alors que vous n’avez pas répondu aux observations provisoires de
la Cour sur la progression des dépenses de personnel et sur l’évolution à la baisse des achats
de biens et de services de la Martinique en 2015, vous affirmez que les chiffres que vous
donnez sur la masse salariale de la CTM auraient été « confirmés par la Cour des comptes ».
Ceci est, là encore, inexact, car aucune donnée relative à la masse salariale de la CTM ne
figure dans le récent rapport de la Cour sur les finances publiques locales, pas plus que dans
ses observations provisoires, et jamais un taux de progression de près de 100 % n’y est
évoqué.
Je vous rappelle que c’est à la demande du préfet de la Martinique que la CRC a rendu en
septembre un avis de contrôle budgétaire sur le compte administratif 2015 de l’ancien conseil
régional, qui a fusionné en décembre 2015 avec l’ancien conseil général pour former une
nouvelle collectivité territoriale.
L’avis budgétaire est un avis technique, rendu au vu de l’ensemble des documents remis par
la collectivité et analysés au vu des lois, règlements et instructions comptables en vigueur,
sans qu’il y ait de place pour des appréciations en opportunité, ce que la CRC s’est bien
gardée de faire. Les règles de droit applicable en l’occurrence, prévues par l’article L. 161214, 1er alinéa, du code général des collectivités territoriales, ont été parfaitement respectées.
Vous n’apportez d’ailleurs aucun élément tangible venant étayer vos graves accusations.
S’il est heureux que le compte de gestion du payeur territorial, qui n’intègre pas les restes à
réaliser, coïncide avec le compte administratif de l’ordonnateur, cela ne suffit aucunement à
garantir l’exhaustivité de ce dernier, car il doit intégrer, en plus, les restes à réaliser en
dépenses et en recettes soumis à la vérification de la chambre.
A la lumière des contrôles menés, l’avis de la CRC fait ainsi apparaître que le compte
administratif, présenté par la collectivité comme lourdement déficitaire en 2015, était en réalité
excédentaire de 0,54 M€. La médiocre qualité du suivi des engagements pluriannuels de la
collectivité, au sein de l’ex-conseil régional puis de la nouvelle collectivité, ainsi que des
erreurs ou omissions de rattachement de recettes et de dépenses à l’exercice, sont la cause
de cette forte différence selon la CRC.
L’un des point soulevés dans votre discours tient au fait qu’au 31 décembre 2015, le solde des
disponibilités sur le compte 515 « Compte au Trésor » était insuffisant, à hauteur de
9 281 364,86 €, pour rembourser la ligne de trésorerie contractée, et qu’en conséquence, ce
solde doit être requalifié en emprunt à inscrire au compte 1641 en recettes, traduisant ainsi
l’augmentation de la dette bancaire de la collectivité. L’avis de la chambre indique clairement
que cette ressource, classée en « recette », s’accompagne d’une augmentation de
l’endettement de la collectivité.
Jeter comme vous le faites l’anathème et le discrédit sur une institution de la République, pour
la seule raison que les conclusions de ses travaux ne vous satisfont pas, est en tout cas
particulièrement regrettable en démocratie.
Les juridictions financières ne sont là ni pour plaire, ni pour déplaire à qui que ce soit, mais
pour dire de la manière la plus objective possible ce qu’elles ont constaté lors de leurs
contrôles, menés dans le strict respect des procédures et normes professionnelles qui les
encadrent. Leur indépendance et les conditions d’élaboration de leurs travaux – la collégialité
des délibérations notamment – les mettent à l’abri de toute suspicion partisane.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma considération distinguée.
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