La Grenouille taureau - Invasions biologiques en milieux aquatiques

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La Grenouille taureau - Invasions biologiques en milieux aquatiques
Détaint M. & Coïc C., 2003. La Grenouille taureau : Rana catesbeiana Shaw, 1802. Pp 154-156, in :
Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions (M. Pascal, O.
Lorvelec, J.-D. Vigne, P. Keith & P. Clergeau, coordonnateurs), Institut National de la Recherche
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(381 pages). Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la
Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003.
La Grenouille taureau : Rana catesbeiana Shaw, 1802
La Grenouille taureau est le plus grand représentant des Ranidés d'Amérique du
Nord. Autochtone de la côte est (de la Floride aux Grands Lacs), elle a été introduite,
souvent à des fins d'élevage mais aussi comme prédateur d'espèces "indésirables", dans de
nombreuses régions du Monde. Actuellement, elle est implantée en Amérique du Nord,
depuis le nord du Mexique jusqu'au sud du Canada, en passant par la plus grande partie du
territoire des Etats-Unis ainsi que dans plusieurs pays d'Amérique du Sud, des Grandes
Antilles, d'Asie et dans diverses îles du Pacifique (e.g. Telford, 1960 ; McKeown, 1996 ;
Neveu, 1997 ; Baker, 1998 ; Barbadillo et al., 1999). En Europe, elle a été introduite en
Allemagne (Laufer & Waitzmann, 2002), en Espagne (García París, 1991 ; Salvador &
García París, 2001), en Grande-Bretagne (Frazer, 1964), en Italie (Albertini & Lanza, 1987),
aux Pays-Bas (Lanza & Ferri, 1997) et en France (Touratier, 1992).
Les modalités de l'introduction de la Grenouille taureau en France sont connues. En
1968, une dizaine d’individus, vraisemblablement originaires de Floride, ont été placés par
un particulier dans un bassin d’ornementation privé à Arveyres en Gironde. Ces individus
seraient à l’origine de toutes les populations connues du grand sud-ouest.
En Gironde, l'espèce occupe actuellement l’aval du cours de la Dordogne depuis le
Bec d’Ambès jusqu’à Castillon-la-Bataille. Sur la rive droite, le parcours Fronsac – Libourne,
au moins, est aussi touché. La Garonne est colonisée depuis Ambarès jusqu’à la zone
estuarienne. Le territoire compris entre ces deux cours d’eau est également concerné. On
trouve aussi la Grenouille taureau dans le Médoc (Saint-Estèphe, Labarde, VendaysMontalivet) et au sud du Bassin d’Arcachon (détroit de l’Eyre, Le Teich).
En Dordogne, la zone principale d’occupation se situe au nord du département dans
les étangs de Saint-Saud. L’espèce a été également observée au nord-est de Périgueux et
le long de l’Isle autour de Saint-Astier et de Montpon-Ménéstérol.
Des populations pour l'instant plus localisées sont également signalées en Charente
Maritime, en Charente et dans le nord des Landes.
En dehors du sud-ouest, des individus isolés ont été signalés dans l’Allier, dans le
Pas-de-Calais (Thun l’Évêque, José Godin, comm. pers., mai 2002) et dans le Loir-et-Cher
(Chaumont, Claude Miaud, comm. pers., octobre 2002). L'origine et les modalités
d'introductions de ces animaux ne sont pas documentées.
La Grenouille taureau est une espèce inféodée au milieu aquatique et peu exigeante
en ce qui concerne la qualité de son habitat : lacs et étangs dans son aire d'origine mais
aussi mares, fossés, gravières remises en eau, bassins de stations d'épuration ou de
captage des eaux de pluies en France.
Active de jour comme de nuit, cette espèce est susceptible de s'alimenter sur un
large spectre de proies : amphibiens, poissons, micromammifères, juvéniles ou petites
espèces d'oiseaux, mollusques, crustacés, insectes (Hays & Warner, 1985 ; Adam 2002 ;
Cross, 2002).
Son hibernation dans le sud-ouest de la France se produit d'octobre à mars (Détaint
& Coïc, 2001). Après les pontes estivales, la métamorphose intervient après un à quatre ans
de développement larvaire aquatique. En France, la longueur moyenne d'un adulte est de 20
cm du museau au cloaque et son poids s'élève à plusieurs centaines de grammes (Neveu,
1997).
Les premières informations recueillies sur la répartition, la vitesse de propagation, la
biologie et les perturbations que cette espèce est susceptible d'occasionner dans ses
écosystèmes d'accueil français, ont déjà fait l'objet de plusieurs synthèses bibliographiques
(Touratier, 1992 ; Neveu, 1997 ; Thirion, 2000 ; Détaint & Coïc, 2001). Les suivis réalisés
(Détaint & Coïc, 2001 ; Adam, 2002) font état d'un impact fort sur les populations
d'Amphibiens autochtones (prédation et compétition interspécifique au stade larvaire).
En regard de ces premières informations et des dommages occasionnés à la
biodiversité locale (destruction d’espèces endémiques d’Amphibiens Anoures notamment)
enregistré partout où la Grenouille taureau a été introduite dans le monde, sa présence dans
le sud-ouest de la France, où elle était déjà bien implantée avant l’interdiction récente de son
importation dans la communauté européenne (Anonyme, 1997), constitue un risque majeur
de développement de graves perturbations écologiques.
Un programme d’étude et de régulation de l’espèce est actuellement mis en place
dans le sud-ouest de la France (maîtrise d’œuvre : association Cistude Nature ; maîtrise
d’ouvrage : fédération pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Gironde) : il
associe études scientifiques, inventaire, tests de méthodes de régulation des populations et
information du public et des acteurs locaux. Ce programme vise l'élaboration de stratégie et
d'outils de gestion, à l’horizon 2007, permettant la limitation des populations, voire
l'éradication de l'espèce.
Mathieu Détaint & Christophe Coïc
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