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LES TALLIS SCHOLARS
PÄRT: Les Sept antiennes
PÄRT: Magnificat
SHEPPARD: Sacris solemniis
TALLIS: Missa Puer natus (Gloria)
TALLIS: Missa Puer natus (Sanctus)
SHEPPARD: Gaude, gaude, gaude
PÄRT: Je suis le vrai cep
TALLIS: Missa Puer natus (Agnus dei)
À l’instar du chant Puer natus est nobis qui sous-tend la mise en
musique majestueuse de la messe de Thomas Tallis proclamant : «Un
enfant nous est né», le thème de la naissance du Christ imprègne
toute la musique de la soirée. Nous passons par l’émerveillement et
le mystère de l’Annonciation, l’attente silencieuse de l’Avent et la joie
de Noël avec, en perspective, le sacrifice du Christ et l’institution du
«pain des anges» dans l’Eucharistie.
Le compositeur estonien Arvo Pärt s’est illustré en composant de la
musique chorale, une musique à la fois épurée et richement texturée.
L’accent mis sur la sonorité de la triade et l’utilisation des silences
trouvent leur plus haute expression dans les textes de la saison de
l’Avent. Les Sept Antiennes comprennent un cadre qui fait souvent
référence aux grandes antiennes «O». Chacune d’elle commence
par l’interjection «O»... et annonce une vertu particulière du Christ
prophétisée par Esaïe. Dans la tradition catholique, les antiennes sont
chantées de part et d’autre du Magnificat aux vêpres au cours des
sept derniers jours de l’Avent.
Pärt traite chaque antienne à la manière d’un choral miniature
en laissant à chacun son caractère particulier. O Weisheit invoque
«l’ordre des choses» dans des accords amples et généreux. O Adonai
fait appel uniquement aux voix inférieures s’apparentant à des drones.
Les voix émergent de cette texture sombre pour évoquer le mystère du
buisson ardent. O Spross sert de contrepartie en utilisant uniquement
les voix supérieures. La dernière prière est que le Christ : «ne peut
plus reculer»… et la preuve en est donnée avec l’antienne centrale,
O Schlüssel Davids, jouée en un ut mineur flamboyant. Elle est suivie
par O Morgenstern, dont la bitonalité – deux des voix sont arpégées
en mi majeur, tandis que les deux autres suivent une ligne mélodique
en mi mineur – crée un sentiment d’incertitude. O König aller Völker
invoque l’urgence, la monotone récitation de la partie alto devenant
de plus en plus insistante. O Immanuel commence tranquillement, la
partie supérieure culminant en un accord en la majeur avec chaque
nouvelle phrase. Les autres parties montent lentement en spirales à
travers le cycle des quintes, syncopées et servant de contre-sujet au
soprano, grandissant en intensité pour venir tous s’aligner dans un
ample tonalité en la majeur qui nous ramène au début de O Weisheit.
Le Magnificat suit O Emmanuel – comme il le ferait pour un service
des Vêpres lors du dernier jour de l’Avent. L’hymne à Marie est la
réponse à la prédiction de l’Ange Gabriel selon laquelle elle portera le
fils de Dieu. Le Magnificat parle par conséquent de l’acceptation et de
l’humilité dont on doit faire preuve face à la parole de Dieu. La mise
en musique de Pärt parvient à traduire toute la majesté et le mystère
de ces paroles tout en restant en fa mineur. Le style tintinnabuli
caractéristique des voix mélodiques semble marquer une opposition
tandis que l’harmonie triadique crée un effet obsédant.
Bien que cela date de plus de quatre cents ans avant Pärt, on peut
trouver, dans la musique du compositeur anglais John Sheppard,
une préoccupation similaire touchant à l’interaction de la mélodie
avec l’harmonie. Dans Sacris solemniis, il utilise un hymne de Saint
Thomas d’Aquin écrit pour la fête de Corpus Christi qui célèbre la
venue du Christ revêtant la forme du pain et du vin de l’Eucharistie.
Cela lui permet de faire appel à une de ses techniques favorites:
la construction d’un réseau élaboré de voix polyphoniques autour
d’une mélodie d’un chant préexistant constitué de notes longues. La
pièce alterne versets de l’hymne chantés sans fioritures, avec des
passages d’une riche et ample polyphonie conçue sur le même air.
Le chant se situe dans la voix supérieure, bien que Sheppard le traite
de manière souple en le divisant en deux et en fragmentant l’air en
petites unités. Cela rend d’autant plus efficace ces moments où les
voix s’assemblent pour mettre l’accent, dans le verset 4, sur les mots
«dicens accipite» – moment où le Christ invite ses disciples à boire la
coupe qui représente son sang.
Dans l’Angleterre de 1554, Noël faisait l’objet d’une célébration
spéciale. La reine Mary vient d’épouser Philippe d’Espagne. Cette
union visait à renforcer les liens de l’Angleterre avec le catholicisme
romain après les frasques protestantes lors du court règne de
son frère. En outre, Mary semblait être enceinte pour bien des
observateurs. Par conséquent, on éprouve un sentiment jubilatoire
dans la grande messe à sept voix de Thomas Tallis, messe interprétée
probablement à cette époque pour la première fois. Elle est basée sur
le plain-chant «Puer natus est nobis» – Un enfant nous est né, un fils
nous est donné et la souveraineté est sur ses épaules. Et même si le
texte du chant n’est pas utilisé, l’allusion encodée dans l’ADN de la
musique a été perçue par ceux qui l’ont entendue. C’était une parole
d’espoir voulant que le trône de l’Angleterre catholique s’assurerait le
règne d’un héritier mâle.
La notation originale et inhabituelle de l’œuvre – sept voix à faible
hauteur – est probablement due à la présence de l’ensemble vocal
de Philippe, Capilla Flamenca ou «Chœur de la Chapelle flamande»
qui aurait accompagné leur roi en Angleterre. On peut penser que la
messe était destinée à être interprétée par les deux chœurs royaux
lors d’une même représentation. Le chœur de Philippe comportait des
compositeurs de grande notoriété et notamment Philippe de Monte. Il
n’est pas inconcevable que Tallis n’ait vu ici l’occasion de démontrer
les vertus de la musique anglaise à son rival continental.
Le compositeur anglais a relevé le défi en démontrant ses qualités
de virtuose dans l’ensemble de la messe. Le plain-chant est ralenti et
s’étire en de longues notes (voix de ténor). C’est une technique déjà
utilisée dans la musique de John Sheppard – bien que dans les années
1550, les bouleversements religieux des précédentes décennies
avaient vu cette pratique tomber en disgrâce. Le compositeur a
juxtaposé cette technique archaïque à des éléments plus modernes
associés à une composition «continentale» à l’instar de l’imitation
parfaite des autres voix. Cela lui permet de maintenir l’intérêt musical
tandis que le chant se déploie en longues notes (dans l’Agnus Dei,
une telle note résonne pendant un fragment presque ininterrompu de
trente et une mesures!). Œuvre insolite, voire expérimentale, la messe
doit sûrement avoir impressionné ceux qui l’ont entendue dans sa
composition habile si pleine de ferveur.
Gaude, gaude, gaude Maria est un texte nommé pour la Chandeleur,
la fête de la Présentation, qui célèbre le Christ présenté au temple
par ses parents conformément à la loi juive. Comme il est commun
dans la dévotion mariale, le répons met l’accent sur la chasteté de
Marie en célébrant l’immaculée Vierge Marie, mère de Dieu. Une fois
de plus, nous retrouvons le plain-chant de Sheppard qui s’étire en
notes longues – tonalité ténor cette fois – tandis qu’une tapisserie
polyphonique est tissée au-dessus et au-dessous.
Dans la mise en musique d’un des plus importants passages de
l’Évangile de Jean, Je suis un vrai cep, Arvo Pärt évite la microexpression du texte, préférant le présenter, comme allant de soi,
dans un beau cadre. La métaphore central du texte – le Christ est
la vigne à laquelle tout le monde est rattaché – est exprimée sous la
forme de la pièce elle-même. Comme une grande partie de l’œuvre
du compositeur, elle suit un processus de composition rigide tout
en évitant d’attirer trop l’attention sur ses qualités mathématiques.
Dans ce cas, une succession de notes est répété six fois. Les voix
transmettent les notes entre elles, construisant des accords selon un
schéma strict – Une voix, puis 2, 3, 3, 2,1. Il en résulte que le texte
est toujours en mouvement, allant d’une voix à l’autre, chaque voix
toutefois «demeurant» dans la même tessiture. En conséquence, la
pièce a les qualités de stase et d’intemporalité qui caractérisent la
plus belle musique du compositeur et reflètent la vertu de la foi que
l’ancien archevêque de Canterbury Rowan Williams a décrite comme :
«une attente silencieuse de la vérité, un moment de pureté et une
respiration face au mystère de la foi».
© James Potter, juillet 2015
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continuerons à distribuer des copies imprimées de notes de programme jusqu’à la fin de 2015.

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