L`Europe a besoin de l`esprit de Schengen

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L`Europe a besoin de l`esprit de Schengen
L'Europe a besoin de l'esprit de Schengen
Viviane Reding, Vice-présidente de la Commission européenne de l'UE,
commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté.
Sur un petit bateau ancré dans le village luxembourgeois de Schengen, avec la
France et l'Allemagne pour horizon, les dirigeants de cinq pays se sont lancés dans
une aventure audacieuse il y a 25 ans. Ils se sont mis d’accord pour permettre à
leurs citoyens de faire quelque chose qui aujourd'hui nous parait normal : se balader
à travers les frontières sans passeport.
Il est aisé de penser que ce simple droit va de soi. Mais il a fallu de nombreuses
années pour supprimer les frontières et restaurer la confiance après deux guerres
mondiales dévastatrices. Il y a 65 ans, l'Europe était en ruines. La haine et les
dictateurs avaient écrasé les nations et des millions de vies. L'Europe était
dévastée. Des murs de béton, des barbelés et de profondes divisions politiques ont
maintenu les Européens divisés pendant des décennies.
Aujourd'hui, le mot Schengen rime avec liberté. Plus de 400 millions de personnes
voyagent à travers les frontières de 25 pays. Comme l'a si bien dit Jacques Delors le
14 Juin 1985, cet accord annonçait une société qui embrasse la diversité comme
mode de vie.
L'accord de Schengen – au départ avec le Luxembourg, la France, l'Allemagne, les
Pays-Bas et la Belgique – est allé au-delà des différences nationales telles que la
culture et la langue. Il est né d'une volonté commune de liberté accrue, notamment
la liberté de mouvement. L'esprit qui a inspiré cet accord est primordial de nos jours
car nous sommes confrontés à de nouveaux défis : le ralentissement économique,
les déficits en hausse et le vieillissement des populations. Avec cet esprit, nous
pouvons créer une nouvelle ère de Schengen en renforçant la confiance entre les
cours de justice et les autorités judiciaires, et simplifier ainsi la vie des citoyens
quand ils traversent les frontières.
Je suis très fière de fêter l'anniversaire de l'accord de Schengen, car pour moi
Schengen signifie beaucoup plus qu'une simple notion politique. Originaire d'Eschsur-Alzette, une ville à une demi-heure de Schengen, je suis à présent viceprésidente de la Commission européenne, l'institution qui a transformé cet esprit de
Schengen en réalité. En tant que première commissaire de l'UE pour la justice, les
droits fondamentaux et la citoyenneté, j’ai à cœur de travailler en gardant à l'esprit
l'héritage de Schengen et de m’assurer qu'il aura un impact durable sur les
générations d'Européens à venir.
Schengen a été un excellent point de départ. La puissance de la citoyenneté a fait
tomber le mur de Berlin et a contribué à forger l'Union européenne. Le pouvoir
d'unification de Schengen s'est manifesté lorsque l'UE a accueilli dix anciens pays
communistes en 2004.
Après avoir travaillé et étudié à l'étranger, j'ai la ferme conviction que les gens
devraient être biens accueillis dans les autres pays. Ils devraient avoir les mêmes
droits lorsqu'ils font face à un juge dans une cours étrangère. Nous devons faire en
sorte que les citoyens européens se sentent chez eux partout en Europe.
Dans l'esprit de Schengen, je veux donner à la citoyenneté une valeur et un sens
nouveaux dans un espace européen de justice. Depuis décembre dernier, la Charte
européenne des droits fondamentaux fait partie intégrante des traités. Les États
membres doivent respecter nos valeurs quand ils appliquent le droit communautaire.
Nous nous dirigeons à présent vers un espace européen de justice. 100 jours après
mon entrée en fonction avec ce nouveau portefeuille, j'ai, de concert avec le
Parlement européen et les États membres, travaillé dur pour mettre des propositions
sur la table. Le 4 Juin, les ministres de la justice de l'Union européenne ont
approuvé une règle garantissant le droit à l'interprétation et la traduction dans les
procédures pénales, peu importe où les personnes se trouvent dans l'UE. C'est une
véritable justice sans frontières dans une Union européenne sans frontières.
L'esprit de Schengen me guidera dans mon travail. Mon objectif est de lever les
obstacles juridiques qui subsistent et qui freinent nos citoyens. Par exemple, 60%
des créances transfrontalières ne sont pas recouvrées. Obtenir une décision
juridique reconnue dans un autre pays de l'UE peut coûter jusqu'à € 2000. Les
consommateurs ont beau vouloir acheter dans un autre pays en ligne quand un
produit est moins cher ou de meilleure qualité, seulement 8% des transactions en
ligne se font à l'étranger et 60% des transactions échouent.
Ces problèmes doivent être résolus avec des mesures concrètes, en suivant
l'exemple de ces cinq pays en 1985. L'esprit de Schengen nous montre comment
obtenir des résultats. Nous pouvons y arriver en travaillant avec des politiques
élaborées à partir de principes simples - la sécurité juridique, les droits de l'homme
et en mettant les citoyens au cœur de ces politiques.
Nous avons surmonté les obstacles physiques qui ont marqué notre continent - de la
Ligne Maginot au mur de Berlin. L'Union européenne a été la force qui a permis de
panser nos plaies après 1945. Nous supprimons les barrières à coup de coopération
et de confiance mutuelle, en particulier en matière de justice et de politiques de
sécurité. Je suis sûre que ces succès perdureront grâce à la vision et à l'esprit de
Schengen.