Chopin : Biographie critique, illustre de douze reproductions hors texte

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Chopin : Biographie critique, illustre de douze reproductions hors texte
10
C54
64
906
Les Musiciens Célèbres
CHOPIN
Far Elie POIREE
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PROVO. yr^ATT
UTAH
*
^
LES MUSICIENS CÉLÈBRES
CHOPIN
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LES MUSICIENS CÉLÈBRES
COLLECTION
d'e
N SEIG NE M EN T ET DE
Placée sous
le
VULGARISATION
Haut Patronage
DE
L'ADMINISTRATION DES BEAUX-ARTS
Parus
:
Gounod, parP.-L. Hillemacher.
Liszt, par
M.-D. Calvocoressi.
Rossini, par Lionel Dauriau.
Gluck, par Jean d'Udine.
Hérold, par
Arthur Pougin.
Mozart, par Camille Bellaigue.
Schumann,
par
Weber,
Georges Servières.
par
Camille Mauclair.
En préparation
Wagner.
MM.
—
Auber.
—
Beethoven.
:
— Schubert,
etc.
Fourcaud Charles Malherbe; Vincent
d'iNDY; Bourgault-Ducoudray; etc.
Par
Louis de
;
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•
C-^H
LES MUSICIENS CÉLÈBRES
pc*H
CHOPIN
PAR
ÉLIE POIRÉE
Conservateur-adjoint à
la
Bibliothèque Sainte-Geneviève.
BIOGRAPHIE CRITIQUE
ILLUSTRÉE DE DOUZE REPRODUCTIONS HORS TEXTE
PARIS
LIBRAIRIE
RENOUARD
HENRI LAURENS, ÉDITEUR
6,
Tous
RUE DE TOURNON
(VI
e
)
droits de traduction et de reproduction réservés-
pour tous pays.
Q
rVV^
HÂROLD B. LEE LIBRARï
BRIGHAM YOUNG UNIVERSITE
PROVO,UTAH
FRÉDÉRIC CHOPIN
INTRODUCTION
Il
n'est
personne qui ne connaisse son nom, qui
n'ait
entendu quelqu'une de ses œuvres. Sa musique figure
sur tous les pianos
;
n'y eût-il ni Mozart, ni Beethoven,
Schumann, on trouverait certainement un de
ni
ses
nocturnes ou une de ses valses.
Cette extraordinaire popularité, que pourrait justifier,
sans l'expliquer complètement, la valeur de
fut
Chopin
comme
et
il
la
un type
jusqu'ici unique et que,
créa une forme typique très reconnais-
sable et très frappante.
comme
que
de son œuvre, provient de ce que Chopin,
pianiste, réalisa
compositeur,
l'artiste
H
y a une mélodie à la Chopin
y a des figures à la Raphaël, à la Rubens, à
Rembrandt. Mais cette phrase mélodique qui incarne,
pour
il
le public,
le
génie d'un artiste dont la réputation
de son vivant alla peut-être plus au virtuose qu'au compositeur, cette phrase n'est pas seulement
un document
intéressant pour l'histoire de l'évolution musicale, elle
partie d'une
écriture,
œuvre encore
très vivante, elle
une technique qui représentent
fait
inaugure une
les
tendances
FREDERIC CHOPIN
6
procédés de
et les
moderne. On aime ou on n'aime
l'art
pas la musique de Chopin, mais on ne peut rester indif-
une
férent devant
par
le
éclosion d'art,
telle
peu préparée
si
passé, apparaissant tout d'un coup et spontané-
ment.
Chopin, en
il
effet,
est surtout
un musicien
instinctif,
appartient à cette classe d'artistes merveilleusement
doués qui n'ont presque rien à apprendre, ayant
néité des choses
d'art,
l'in-
qui écrivent d'une façon tout
impulsive. Spontanéité, homogénéité, originalité, tous
ces caractères qu'on trouve dans leurs œuvres, se ren-
contrent au plus haut degré dans celles de Chopin, et
s'y
révèlent dès
siasme Schumann
1
On
début.
le
sait
avec quel enthou-
salua les premières compositions du
jeune pianiste, entre autres sa première œuvre éditée,
Variations pour piano et orchestre sur le
Juan
«
La
ci
darem
mano
la
».
On
Thème de Don
a cité maintes fois le
Chapeau bas, Messieurs, un génie »
poussé par un des compagnons de David, un de ces
cri
d'admiration
:
«
Davidsbiïndler que
!
le
maître se plaisait à faire intervenir
dans ses articles de critique. Or, l'auteur de ce morceau
—
un
artiste
polonais dont
inconnu de Schumann
—
le
nom
était
tout
à
fait
avait quelque vingt ans, lors-
qu'il publiait ses variations
;
il
en avait dix-huit à peine
lorsqu'il les écrivait. Et là, rien qui sentît les leçons de
l'école, les exercices sévères
parties;
1
une
connaissance
Allgemeine Zeitung, 1831.
d'un contrepoint à quatre
profonde
de
l'harmonie,
FREDERIC CHOPIN
7
un tour mélodique nouveau, une compréhension
prodi-
gieuse des ressources et des sonorités du piano y dénotaient
un maître, une personnalité déjà complètement
formée.
Cette personnalité ne se modifiera pas sensiblement
par la suite
à
peu de chose près, Chopin restera ce
au temps de sa jeunesse. Le
était
qu'il
:
romantique auquel
que médiocrement
Dans
se trouve
il
et
les querelles qui
musiciens
il
de Rossini
ses
mêlé à Paris ne
le
touche
seulement son œuvre.
effleure
passionnent les littérateurs
Non plus que
nombreux imitateurs,
ne prend pas
et cle
mouvement
parti.
et les
Fart facile
le
roman-
tisme sincère de Berlioz, l'éclectisme savant et faux de
Meyerbeer n'ont de prise sur sa musique. C'est
qu'elle traduit
en une forme spéciale,
remplie du zal 1 qu'elle raconte
protestant contre
affublés à la
les
titres
»,
il
c'est «
le dit
lui seul
son àme
volontiers,
dont ses morceaux sont
mode du jour par des
éditeurs peu scrupu-
leux, démentant les interprétations des salons littéraires,
les soi-disant histoires
que ces morceaux représentent.
L'idée, chez lui, est plus proche de la sensation que
de la pensée.
sensibilité
fonde,
Son concept musical
est le reflet d'une
extrême, qu'un état maladif rendra plus pro-
plus
pénétrante,
que
la
souffrance
aiguisera
Zal, mot polonais, presque intraduisible, correspondant à un état
d'âme plein de mélancolie, qui mêle le plaisir et la souffrance et trouve
dans la douleur une sorte de volupté. C'est le thème qui domine dans
la poésie des peuples du Nord, ce fut aussi celui des romantiques qui,
après l'avoir emprunté aux nations voisines, en firent un système d'art,
ce qui lui ôta toute sa spontanéité, sa profondeur et une partie de son
cl) arme.
1
FREDERIC CHOPIN
8
encore, avec des exaltations et des prostrations subites,
des enthousiasmes suivis de désespoirs. Hors de
n'est plus qu'un écho affaibli de
pu dire justement de
et Liszt a
lui-même ou
là,
il
d'autrui,
de ses composi-
telles
tions qu'il se trouve plus de volonté que d'inspiration
dans ces pages où
tion,
l'originalité disparaît
devant l'imita-
une imitation souvent maladroite, avec des
ments impropres ou peu adaptés. S a nature
si elle
ne l'entraîne pas du côté de
tructif, le
l'art
élé-
fine, exquise,
énergique, cons-
préserve des idées vulgaires, des formes gran-
diloquentes ou emphatiques, mais
elle
le
fréquemment dans un féminisme, une
pourra s'atténuer, mais dont
tomber
préciosité qui
n'aura pas
il
fait
le
courage de
s'affranchir entièrement.
Chez
ni les
lui les
la
nature ne dépassèrent
premières années de jeunesse,
pays natal;
tard,
impressions de
c'est à ces
ni les frontières
souvenirs qu'il se reporte plus
lorsqu'il continue d'écrire des polonaises
mazurkas. Les campagnes du Berry,
Baléares ne semblent avoir éveillé en
tion d'art.
Mais alors que
offraient à son
du
paysages des
les
lui
ou des
aucune sensa-
les spectacles
de
la
nature
contemporain Schumann une source iné-
puisable d'inspirations, Chopin
allait
chercher une exci-
tation factice dans les soirées mondaines, dans les salons
parisiens.
L'amour garda pour
lui les gentillesses et les
préciosités de la vingtième année. Si
Schumann
venait
chez sa fiancée en petit bourgeois simplet, Chopin se
rendait chez ses belles amies, ganté de blanc, élégam-
ment
cravaté, le stick en main,
comme un
parfait gen-
FREDERIC CHOPIN
tleman. Et quand un jour
il
11
rencontrera la passion vraie
qui eût pu féconder son génie et l'épanouir en une virile
maturité,
il
n'aura que les tristesses, l'amertume de
l'amour qui n'est pas partagé. Les seuls rayons qui
minèrent çà
et là cette existence furent les
candélabres et des lustres
pensait-il,
;
illu-
flammes des
en ce milieu
brillant et superficiel, trouver l'oubli de ses propres souf-
frances, souffrances morales, souffrances physiques d'un
mal que rien ne pouvait guérir? De
perçoit dans son
vie
:
œuvre
là vient
mélange
le singulier
que l'on
qu'offrit sa
une collection de sensations recueillies au fur
mesure, profondes
et
inconsistantes,
frivoles,
et à
capri-
cieuses,
rarement énergiques, gardant l'exquise
cheur de
la jeunesse,
fraî-
quoique devenant de plus en plus
maladives.
Schumann, à diverses
exprima
reprises,
le regret
voir son ami se confiner exclusivement dans la
musique
de piano, ne pas aborder des œuvres plus hautes.
demanda bien des
lui
«
Chopin,
lui dit
un jour
le
pour
d'écrire
fois
il
répondait modestement
:
laissez-moi ne faire que de la
faire des
théâtre ne pouvait le tenter,
un opéra?
Ah Monsieur
«
!
il
exige chez
et plastique qui faisait
sonorités
davantage
:
le
de
piano
»
comte,
le
musique de piano; pour
au compositeur. La musique de
grandes
théâtre.
le
opéras, je ne suis pas assez savant
un sens pictural
On
comte de Perthuis, avec vos
idées admirables, pourquoi ne faites-vous pas
et
de
la
l'orchestre
lui suffisait,
le
!
»
Le
musicien
totalement défaut
voix humaine, les
ne l'attirèrent
pas
avec son virtuosisme
FREDERIC CHOPIN
12
dont
possédait instinctivement le génie.
il
Il le
prit pour-
unique interprète de toute son œuvre. Pour qu'une évolution se produisît,
il
lui eût fallu
avoir à chercher des
comme
Liszt, qu'il était vir-
formes nouvelles, oublier,
tuose.
Il lui
surtout
eût fallu la vie plus longue et plus belle, et
calme, la force de la santé qui permet de
le
grandes entreprises. Mais
le
pauvre
artiste qui, dès
Fâge
de trente ans, se mourait de la phtisie et dont Fexistence
ne
fut
prolongée pendant dix ans qu'à force de soins,
qui composait au jour le jour, n'a-t-il pas
qu'il
pouvait donner? N'a-t-il pas enrichi
mieux que des musiciens dont
le
donné tout ce
l'art
beaucoup
bag"age est bien plus
considérable, et contribué largement à ses progrès, à son
évolution?
Dans son ensemble l'œuvre du compositeur semble
devoir être regardée comme une œuvre de transition.
Ses types mélodiques
école,
les
ils
conservent
courbes
dont
les
l'eurythmie de l'ancienne
balancement régulier
et les sinuosités
;
mais
et féconds,
ils
ils
et continu,
gracieuses de la danse,
se sont inspirés
classiques
dans la symphonie
nouveaux
le
ont
si
—
abondamment
offrent aussi des éléments
sont exprimés en une belle
langue, riche, variée, infiniment et délicatement nuancée.
L'œuvre de Chopin marque donc une étape dans
toire
de la musique pure qui, après
lui,
l'his-
cherchera une
expression de plus en plus précise, ira de plus en plus
vers le théâtre par des
d'orchestre, le
gramme,
routes
diverses, par la suite
poème symphonique,
et qui,
de
même
que
la
la poésie,
musique à proévoluera à son
FREDERIC CHOPIN
symbolisme dont Wagner
tour vers l'épopée, vers le
lisera le type avec
13
réa-
une magnificence incomparable.
\
A
et
la fin
un ans,
fort
de Tannée 1831, Chopin, alors âgé de vingt
arrivait à Paris.
peu de temps
rait se faire
comme
une
Son intention
était
de rester
de gagner l'Angleterre, où
et
comme
brillante situation
il
espé-
professeur et
virtuose.
Les premiers mois de séjour ne furent guère plaisants.
Il s'était
petit
logement
deux modestes
curiosité
boulevard Poissonnière, dans un
installé, 27,
situé
au quatrième étage
pièces.
amusée
la
De
sa
chambre
il
composé de
et
suivait avec
une
longue rangée des boulevards,
va-et-vient perpétuel de la foule
;
le
mais bientôt tout ce
populaire avec ses camelots, ses crieurs de journaux et
de brochures, d'allure faubourienne et de gestes gouailleurs, qui semblaient les maîtres de la rue, lui parut
répugnant. Ce spectacle contrastait
si
fort
de Varsovie, ou de Vienne quittée
il
y avait quelques
badauderie pari-
mois.
A
cette
époque, d'ailleurs,
la
avec l'aspect
sienne était plus agitée, plus turbulente que de coutume.
Les événements politiques avaient échauffé
on manifestait volontiers
raient parfois en émeutes.
et les
les esprits;
manifestations dégéné-
Lorsque
la
nouvelle de
l'in-
surrection de Pologne était parvenue à Paris, les Parisiens, chaleureusement, avaient pris fait et cause
pour
FREDERIC CHOPIN
14
les
opprimés contre
les oppresseurs, et
quand une troupe
de jeunes gens, de ceux qu'on appelait la Jeune France,
alla saluer
de ses acclamations un des héros de l'insur-
Ramo-
rection alors complètement anéantie, le général
Chopin avait de sa fenêtre
rino,
la
scène, enthousiasmé
assisté à
une partie de
de la généreuse attitude des
Parisiens, alors qu'à Vienne on était tout à
phile
;
mais
tinctive
le
pour
jeune étranger, avec
la foule,
et
sa répulsion ins-
mouvements désorville du monde » il se
ces
tapageurs, et dans la
sentit plus isolé
russo-
ne tarda pas à prendre en dégoût
ces démonstrations violentes,
donnés
fait
«
que jamais.
L'artiste, chez lui, était plus
déçu encore. Deux
lettres
de recommandation, données à Vienne, lui avaient per-
mis d'être présenté à quelques-uns des musiciens en
renom de
la capitale
échange de
:
politesses
quelques minutes d'entretien,
ou
de
banalités.
artiste semblait ignorer ses brillants succès
et
Le
en Autriche
en Allemagne. Les préparatifs du concert
proposait
traînaient
de donner avant
de
monde
qu'il
pour Londres
partir
en longueurs interminables, irritantes
date, primitivement fixée au
se
;
la
mois de décembre précé-
dent, avait été remise en janvier, et voici que de nou-
veaux empêchements
malgré
et
de
l'aide
l'obligeaient
d'ajourner encore,
complaisante de Paër, de Kalkbrenner
Norblin. Bien
des
illusions
chaque jour. Découragé, Frédéric
s'en
allaient
Chopin
mélancoliquement les boulevards sa pensée
;
Frycek,
comme on
l'appelait chez
lui,
—
ainsi
regardait
— au pauvre
se reportait
FRÉDÉRIC CHOPIN
là-bas, au pays natal,
Là-bas,
aux années de sa toute jeunesse.
c'était le foyer
de famille abandonné voici plus
d'un an, c'était la maison de Varsovie
des primats,
la
— l'ancien palais
— où son père, Nicolas Chopin, professait,
avant les troubles de 1831,
le
Lycée
français au
et à
l'École militaire préparatoire, et joignait à ses fonctions
officielles la direction
d'un pensionnat fréquenté par les
jeunes gens des familles nobles polonaises
grand salon où,
le soir,
c'était le
;
avec les amis de son père, les
pensionnaires devenus des amis personnels de Frédéric,
les
membres de
la famille se
rassemblaient
d'aspect sévère, au visage entièrement rasé
loin, assise à sa place habituelle sa
nowska, femme d'une
meilleure des mères
son père,
un peu plus
mère, Justine Krzyza-
sensibilité délicate et exquise, « la
», écrivait-il,
sa vie, dira plus tard George
ses
;
:
—
Sand
deux sœurs aînées, Louise
;
la seule
—
passion de
et à côté d'elle,
et Isabelle, qui
devaient
épouser plus tard la première Jedrzejewicz, la seconde
Antoine Barcinski, tous deux professeurs. Hélas
!
depuis
plusieurs années une place dans ce salon restait vide,
celle
de la petite sœur chérie entre toutes, Emilie, plus
jeune que
lui
de trois ans,
si frêle, si
mignonne, sa com-
pagne de jeux, sa collaboratrice dans
les
charades
les
comédies que tous deux signaient Emile
Pichon
et qu'ils jouaient,
et
et
Frédéric
avec un brio étourdissant, en
acteurs consommés, à l'occasion de quelque anniversaire,
Emilie,
terrible dont
il
morte à quatorze ans de
a, lui aussi, le
germe
et qui
la
maladie
transformera
bientôt son existence en une longue agonie.
FREDERIC CHOPIN
16
C'étaient aussi des évocations soudaines de paysages
contemplés bien souvent
d'immenses plaines coupées
:
de quelque large rivière, bordées à l'horizon de sombres
forêts
à
;
au milieu d'une campagne verdoyante,
c'était,
une vingtaine de verstes de Varsovie, Zelazowa-Wola,
de la comtesse Skarbek, où son père, Nico-
la propriété
las
Chopin
l
lorrain
,
tribulations
depuis
son
quelques années pour y
de la comtesse,
avait, après
d'origine,
départ
l'aire
Frédéric,
de
Nancy, demeuré
l'éducation du
que
le
bien des
fils
unique
compositeur devait
avoir pour parrain; c'était la chère maison où Nicolas
Chopin avait rencontré, épousé une parente éloignée
de
M mo
sœurs,
Skarbek. Dans cette maison étaient nés ses deux
et
lui-même,
le petit village
le
22 février 1810... C'était encore
mazovien de Szafarnia où
il
passait ses
vacances... Laissant ses camarades, forts et vigoureux,
chasser et chevaucher au loin,
lui
s'en
au hasard des sentiers, recueillant,
allait,
rêvant,
ineffaçables, des
sensations poétiques et musicales, s'arrêtant à la porte
des auberges où un violoneux raclait des thèmes populaires,
écoutant
danses...
Un
le
jour
chant des paysans, assistant à leurs
même
n'excita-t-il pas l'admiration
D"après un biographe, M. A. Szulc, Nicolas aurait été le fils naturel
d'un gentilhomme polonais, qui, ayant accompagné Stanislas Leczynski
en Lorraine, aurait pris le nom de Chopin. On a supposé également que
le père du compositeur descendait d'un certain Szop, valet au service
de Stanislas et qui aurait suivi son maître à Nancy. Dans les deux cas
cette origine polonaise serait une explication très plausible du long
voyage entrepris vers 1790 à travers l'Europe par Nicolas pour retrouver
sa véritable patrie, voyage que le fils devait faire quarante ans plus
tard en sens inverse, et sans esprit de retour.
1
PORTRAIT DE
C
11
P
I
N
(D'après la lithographie de Vigneron,
183:;
FREDERIC CHOPIN
19
de marchands juifs qui s'étaient attablés au cabaret d'un
village voisin
en leur jouant la marche nuptiale des
synagogues,
fameux majufes
De
le
ces années d'étude au lycée
?...
il
se rappelait maintes
—
espiègleries, maintes polichinades,
un
talent naturel
pour
les
marginés de caricatures;
nirs étaient encore
que, déjà,
il
il
car Chopin avait
imitations, ses cahiers étaient
— mais
les meilleurs
ceux qui se rapportaient à
aimait passionnément.
avait débuté, en public, à
A l'âge
la
musique
de huit ans,
un concert de bienfaisance;
vêtu à l'anglaise avec un grand col blanc dont
très fier,
il
souve-
il
était
avait ravi, électrisé l'assistance par son exé-
cution d'un concerto de Gyrowetz. Des invitations très
nombreuses avaient
suivi ce succès.
nalités aristocratiques de
A
l'envi, les person-
Varsovie avaient
fêté le petit
virtuose; entre autres, la princesse Gztwertynska, les
Radziwill, dont l'un d'eux, le prince Antoine,
bon musi-
un de
ses grands
cien, auteur d'un Faust, devait devenir
protecteurs, et jusqu'au vice-roi,
le
grand-duc Cons-
tantin, en qui les Polonais mettaient tout leur espoir et
à qui
ils
savaient gré de son mariage avec la
gentilhomme polonais. L'Altesse Impériale,
sensible à la musique, avait
néanmoins
fille
fort
que
la
musique
du
mar-
rythme de certaine marche
militaire exécuta ensuite, à la parade,
sur une place de la
Frédéric
le
peu
été frappée
talent prodigieux de l'enfant et elle avait daigné
quer de son auguste pied
d'un
s'était fait
ville.
Un peu
plus
tard le jeune
applaudir dans un concerto de Mos-
cheles et dans une merveilleuse improvisation; bientôt
FREDERIC CHOPIN
20
après,
avait eu l'honneur d'essayer devant l'empereur
il
Alexandre un nouvel instrument l'œolomelodicon.
Mais aussitôt ses études terminées,
commencé pour
tiques avaient
en 1826,
mère
il
tournées artis-
L'année précédente,
accompagné aux eaux de Reinerz sa
sœur Emilie, déjà hien malade
lui-même
avait
—
et sa
étant assez souffrant,
fice
lui.
les
—
et s'était fait
entendre au béné-
de deux pauvres orphelins. Maintenant,
et
sur les
vives instances de son professeur de musique, Elsner,
directeur du Conservatoire, qui lui prédisait le plus bel
avenir,
s'en irait, seul, tenter fortune.
il
par Berlin.
Un ami
de son père,
le
débuterait
Il
professeur Jarocki
y devait assister à un congrès de naturalistes, Fréen sepdéric l'accompagna. Dans les quinze jours
—
—
tembre 1828
qu'il
beaucoup de savants,
sohn,
si la
lement
et
il
avait rencontré
d'artistes, entre autres,
Mendels-
avait suivi régulièrement les représentations de
il
l'Opéra, pris dans son
Mais,
passa à Berlin,
il
musique
en
fit
album de nombreuses
l'avait
très peu,
caricatures.
beaucoup occupé, personnel-
— point du tout en
seulement au retour, à Posen, chez
le
public,
—
prince Antoine
Radziwill qui jouait du violoncelle et dont la
fille,
la prin-
cesse Élise, était excellente pianiste.
Beaucoup plus importante
la
et profitable
tournée de l'année suivante
en août 1829.
Il
s'y révéla
piano
et
—
le
lui fut
— vingt jours à Vienne
au grand public
comme un
—
le
Pour son premier concert
programme avait annoncé deux morceaux
pianiste hors ligne.
11 août
pour
orchestre du jeune compositeur, Variations sur
FRÉDÉRIC CHOPIN
21
un thème de Don Juan et Krakoviak, rondeau de concert. A la répétition, devenue passablement houleuse,
le
rondeau n'avait pu être répété, Chopin
par une improvisation qui eut pour
la
mauvaise humeur de messieurs
nois », et à son second concert
parties
d'orchestre,
très
de
effet
—
remplaça
«
désarmer
archets vien-
les
18 août,
le
mal copiées
—
d'ailleurs,
fautives, ayant été revues et corrigées, le
le
le
les
très
rondeau obtint
plus grand succès. Entre temps le compositeur avait
pris
musiciens résidants à Vienne,
contact avec les
Gyrowetz, Kreutzer, Lachner,
homme...
très satisfait, dit
Czerny,
un
«
brave
ironiquement Chopin, de sa
dernière transcription pour huit pianos et seize mains »
avait
il
qui,
vu plusieurs
malgré
la
fois l'éditeur
de musique Haslinger
recommandation d'Elsner,
les publier, plusieurs
:
gardait, sans
manuscrits du jeune
artiste, pro-
mettant cependant de faire paraître les Variations sur
thème de Don Juan. Et
le
le
triomphateur
était rentré
à Varsovie en septembre par Prague, Teplitz et Dresde.
A
Prague, Klengel
Dresde,
écrit-il,
1
,
le
chef d'orchestre de l'Opéra de
qui s'en allait en Italie,
lui
avait «
deux heures de musique fuguée
beaucoup de musique au château de
la
»
;
infligé,
à Teplitz,
princesse Klary.
L'année suivante (1830), à part quelques brèves absences,
notamment
à Antonin, chez le prince Radziwill,
Chopin
était resté à
Varsovie, caressant bien des projets
Klengel, mort en 1852, était un musicien de valeur, un original qui,
dans tous ses voyages, emportait, comme viatique, son recueil de
canons et de fugues, auxquels il travailla sans cesse et qui ne parurent
qu'après sa mort (1854).
1
FRÉDÉRIC CHOPIN
22
de dépari, d'installation à l'étranger, pour se créer une
situation impossible à Varsovie.
vaillé,
beaucoup fréquenté
donné
trois concerts,
avait
Il
les salons
beaucoup
tra-
de l'aristocratie,
deux en mars où
il
joua son con-
le
un en octobre pour faire connaître
deuxième concerto en mi mineur (le premier écrit
et
maintes
certo en fa mineur,
fois
retouché), enfin une fantaisie piano et
orchestre sur des airs polonais. Puis
reprendre
partir, à
le
le
1
er
au milieu de démonstrations amies,
« J'ai le
éternel
décidé à
s'était
chemin de Vienne... Mais que de
dans ce départ effectué
tristesses
il
novembre 1830
touchantes.
très
pressentiment, écrivait-il, que je dis un adieu
à
mon
pays natal
!» Et
de ce pays natal
il
emportait un peu de terre offerte par des amis dans une
coupe d'argent.
A
Dresde, grâce à l'entremise du baron de Friesen,
maître des cérémonies à la cour,
il
avait eu l'agréable
surprise de jouer au château, sans le soupçonner, devant
les majestés
saxonnes qui, après l'audition,
ser à l'artiste stupéfait des
compliments
firent adres-
et
des lettres
de recommandation auprès des cours royales et princières d'Italie.
Mais à Vienne, à peine
que luxueusement
installé
— pres-
— avec son ami Titus Wojciechowski,
que d'émotions, d'inquiétudes à
la nouvelle de l'insur-
rection de Pologne et des terribles événements de Varsovie...
Titus parti
resté seuL le
pour défendre
la
patrie,
cœur navré, tremblant pour
il
était
les siens. Il
avait été sur le point de rejoindre son ami, et de s'en-
gager; mais,
frôle et délicat
comme
il
l'était,
que pou-
FREDERIC CHOPIN
Et ce second séjour à Vienne, qui s'annonçait
vait-il"?
brillamment
si
avait sans doute
moroses
trouvé chez
consolante hospitalité
mais
au concert
dura jusqu'en
et qui
été rempli de jours
rées,
23
il
;
et
juillet 1831, avait
d'heures sombres.
le
11
docteur Malfatti une
avait eu de
nombreuses
soi-
n'avait paru qu'une seule fois en public,
il
M me
de
Garcia-Vestris
les
;
par
artistes,
jalousie, par courtisanerie politique, ne l'avaient plus
—
accueilli
tile;
lui
— qu'avec une froideur hos-
Polonais,
Haslinger s'en tenait aux variations de
les autres éditeurs
comprit
qu'il
devenue inhospitalière, mais
annonçant dans ses
lettres
fallait
quitter
il
avait
dû
faire
passeport pour l'Angleterre
20
qu'à la
juillet 1831,
lin
il
à ses parents, à son
l'Italie,
«
s'était
de l'année, après
semaines à Munich,
la
A
ami
court
appel aux subsides paternels.
Renonçant définitivement à
et, le
,
hésitait toujours,
il
Matuszewski un départ toujours abandonné.
d'argent,
1
ne rêvaient que valses genre Strauss
ou Lanner. Chopin
ville
Don Juan
il
avait
demandé son
en passant par Paris
»,
mis en route. Ce ne
fut
un séjour de plusieurs
qu'il arriva à Paris.
Tels étaient tous ces souvenirs qui lui revenaient en
foule, lui rappelant
un passé glorieux,
et qui,
en
le
réconfortant pour l'avenir, lui faisaient sentir davantage
ce qui lui
manquait dans sa solitude présente, en ce
Paris où
était si
1
il
La maison Haslinger ne publia qu'après
en 1851,
les
ni
«
i
'
i
wnn
r
. ii-iTii
.
la
Il
correspon-
mort du compositeur,
autres manuscrits par lui déposés plus de vingt ans aupa-
ravant.
mif t.
complètement ignoré.
i- . -n .'i
».
-.
,
FREDERIC CHOPIN
24
dait régulièrement avec
ses parents
ses
et
amis
de
Pologne, plus volontiers avec Titus Woyciechowski.
camarade préféré, confident de
le
ses premiers enthou-
siasmes féminins, de ses premières conquêtes amoureuses, de sa passion pour Constance Gladkowska, la
cantatrice de l'Opéra de Varsovie, adorée de loin pen-
dant six mois
ses concertos.
n'oubliait pas ses
Il
estimait particulièrement et à qui
affection,
Zywny
1
et
guère enseigné que
peu
il
Elsner qui
la plus
— Zywny,
éléments de
les
lui avait fait faire
d'harmonie
il
visites,
la
durable
violoniste, qui
et
ne
lui
musique
avait
et
de composition.
et
avait
—
A
ce dernier, tout récem-
rendu compte de ses démarches, de ses
notamment de
ému dans
un
des études assez complètes
celle
à Kalkbrenner, le grand
pianiste. Cette visite, dont le jeune
si
garda
qu'il
piano qu'en réalité IV-nfant apprit tout seul;
le
ment,
Elsner
2
deux maîtres
eu pour élève jusqu'à douze ans
l'avait
d'un de
et qui lui avait inspiré l'adagio
ses lettres,
mentaires. Les amis de
Chopin lui-même,
siastes, ont prêté à
et
homme
s'était
montré
a donné lieu à bien des
com-
Chopin, beaucoup plus que
avec eux les biographes enthou-
Kalkbrenner une attitude hautaine,
désobligeante et plutôt ridicule. D'après un ancien élève
de Chopin, artiste très distingué. M. Péru, qui, pour
d
où
Adaibert Zywny, né en Bohème en 1756. mort en 1842 à Varsovie,
donnait depuis longtemps des leçons de musique. Ses composi-
il
tions restèrent inédites.
2
Elsner, né à Grotkau (Silésie) en 1769. mort à Varsovie en 1854.
Directeur du Conservatoire fondé dans cette dernière ville en 1821.
Auteur de nombreuses compositions (19 opéras, ballets, concertos, symphonies et musique d'église). Musicien estimable et médiocre.
FRÉDÉRIC CHOPIN
25
maintes parties de cette étude a bien voulu mettre à
notre disposition sa parfaite obligeance, son savoir
souvenirs personnels,
ses
l'accueil
et
Kalkbrenner
de
1
au contraire, extrêmement cordial. Ce qui
aurait été,
que Kalkbrenner proposa à son jeune
est certain, c'est
confrère de prendre des leçons
Chopin,
l'intention de
tion.
A
trois
ans d'études
en croire
—
et
—
telle était d'ailleurs
de travailler sous sa direc-
correspondance,
la
«
question de
fut
il
pour devenir un grand
artiste
»,
mots ajoutés par Chopin avec quelque ironie dans un
accès d'humeur.
Il
douteux que
n'est pas
le
célèbre
pianiste comprenait quelle gloire ce lui serait de former
un
tel
élève qui « sans
toucher de Field
2
méthode encore mais avec
et le style
de Cramer
3
»,
le
pouvait lui
succéder plus tard, continuer son enseignement, son
école, sa
méthode,
la seule
!
l'unique
!!
On
devine
la
réponse indignée d'Elsner. Le vieux maître, après sa
réprobation d'une
brer un talent
autres amis
tutelle,
le
si
de
telle
proposition où risquait de som-
personnel, ajoutait, d'accord avec les
Pologne, qu'au lieu de se mettre en
jeune compositeur devait aller de l'avant,
l'avait tenté
—
des sujets polonais. Chopin avait répondu jugeant
le
aborder l'opéra, traiter
— comme Elsner
projet irréalisable, au-dessus de ses forces
:
il
déclarait
au surplus qu'il ne serait jamais la copie de Kalkbrenner,
1
Kalkbrenner, pianiste réputé, né à Berlin en 1788, mort à Enghien
près Paris en 1849.
2
'''
Field, pianiste, né à Dublin en 1782,
mort à Moscou en
1837.
Cramer, pianiste né à Mannheini en 1771, mort à Londres en 1838.
FREDERIC CHOPIN
26
que
et
celui-ci
ne détruirait pas son audacieuse, mais
noble intention de se créer un
monde nouveau,
une nouvelle ère musicale..., que d'aucuns,
d'ouvrir
d'ailleurs,
trouvaient son jeu l'égal de celui du grand virtuose.
Malgré ces déclarations
avait pris des leçons de
il
Kalkbrenner, quelques-unes seulement, mais qui firent
naître bientôt
une grande amitié entre eux deux.
quand
dînaient fréquemment ensemble, et
seuls,
ou dans une
très petite intimité,
étaient
ils
se défiaient
ils
courtoisement, l'un l'autre, au piano.
très
Cependant, après de multiples pourparlers,
paratifs
se
Ils
du concert
qu'il organisait
terminaient définitivement,
Chopin paraissait pour
la
Y
progamme
primitif?
depuis son arrivée,
le
première
parisien à la salle Pleyel.
tions au
et
fois
eut-il
les pré-
26
1832
février
devant
le
public
quelques modifica-
Des renseignements exacts
manquent à cet égard. Nous savons seulement par la
Revue musicale que ce programme comprenait un morceau pour six pianos avec Kalkbrenner, des intermèdes
de chant, de hautbois par Brod,
un
ven
«
célèbre hautboïste,
— probablement de
quintette de violon »
—
le
exécuté magistralement par Baillot,
certo en fa
Beetho-
et le
con-
mineur de Chopin. Chopin joua son reuvre
d'une façon incomparable
;
il
fut
acclamé.
Non
seule-
ment ses compatriotes réfugiés à Paris, venus en grand
nombre, mais toutes les notabilités musicales fixées ou de
passage dans
la capitale,
proclamèrent son succès. Hiller,
Liszt et Mendelssohn applaudirent vigoureusement.
FRÉDÉRIC CHOPIN
La Revue musicale
ne
lui
27
grandement
louait
le
virtuose,
reprochant que de manquer de sonorité
et
de
vigueur, défaut que feraient disparaître les leçons de
Kalkbrenner
très nouvelle
;
quant à l'œuvre,
elle paraissait originale,
dans ses formes mélodiques, dans sa tech-
nique de l'instrument, quoique un peu décousue
et trop
chargée de modulations.
A Vienne
déjà on avait remarqué la faible sonorité
de son jeu d'une délicatesse exquise, exagérée dans les
pianissimos. Chopin Favait attribuée à la qualité inférieure des instruments, mais cette médiocrité de puis-
sance restera un élément caractéristique de son talent.
Chopin ne sera jamais
le
pianiste des grandes salles,
des grands concerts. L'auteur des Trois romans de Chopin, le comte
Wodzinski rapporte qu'un jour Chopin
à ce sujet à Liszt
:
La
«
foule m'intimide
;
je
me
dit
sens
asphyxié par ces haleines précipitées, paralysé par ces
regards curieux, muet devant ces visages étrangers
;
mais vous, vous y êtes destiné, car, quand vous ne
gagnez pas votre public, vous avez de quoi l'assommer. »
Une deuxième
audition du concerto eut lieu en mai, à
un concert de bienfaisance, avec un succès
très bril-
lant.
Si
Chopin
s'était
imposé
comme
virtuose,
monde
s'il
avait
conquis d'emblée ses entrées dans
le
où sa présence
côté financier de sa
était
recherchée
situation était déplorable.
,
le
des arts
Les recettes de son concert
n'avaient pas couvertles frais, les ressources s'épuisaient
rapidement. Lui, qui
s'était
plaint de son isolement,
FREDERIC CHOPIN
28
voyait maintenant son logement encombré de visites,
compatriotes accueillis avec joie, mais aussi quémandeurs
inlassables, gêneurs tenaces, tels que le pianiste polonais
Sowinski, auteur d'un très médiocre recueil de chants
de son pays, et qui, ayant pris Chopin en grande amitié,
venait pendant des heures démolir son piano
ses
énormes doigts
improvisant
»,
«
«
avec
sans savoir au juste
quoi
», et qu'il fallait
supporter. Le temps passait, la
gêne
persistait,
s'aggravant et Chopin
tait,
ainsi qu'à
allait
sans énergie
et
rendaient plus pénibles et plus insolubles.
de nouveau à partir pour l'Angleterre, on
mers
»,
presque décidé à
était
Il
lorsqu'un des Radziwill,
rencontré sur
sen-
Vienne, repris de ses hésitations que
son peu de volonté, son caractère faible
l'Amérique.
se
le
boulevard,
le
le
«
Il
songeait
lui
parla de
traverser les
prince Valentin,
conduisit en soirée chez
le
baron James de Rothschild. Son jeu, qui portait merveilleusement dans un
salon,
délirante et le lendemain,
geait
brusquement
monde
le
:
excita une
sa mauvaise fortune chan-
des demandes de leçons dans
le
plus aristocratique de Paris, dans la plus belle
et la plus riche clientèle lui arrivèrent
en foule. D'après
M. Niecks, auteur d'une fie de Chopin
et
admiration
très complète, cette soirée,
biographies, serait,
comme
relatée
très
documentée
dans toutes
la plupart
les
des anecdotes,
d'une authenticité douteuse. Mais que cette aubaine fût
venue par
les
Rothschild ou par les grandes familles
polonaises résidant à Paris, Chopin avait
possibilité
assurée de vivre largement
:
dès lors la
il
voyait se
FRÉDÉRIC CHOPIN
transformer subitement
sa
vie.
Il
29
allait
devenir
le
mode
virtuose préféré des salons, le professeur à la
;
comme
compositeur,
nombre
déjà considérable d'œuvres restées manuscrites,
mais achevées
À
cette
et
il
apportait dans ses bagages un
prêtes à être publiées.
époque, en
bien qu'il n'eût que vingt-
effet,
deux ans, Chopin avait beaucoup produit. On voit par
le
choix
et le
caractère des
morceaux
d'abord se constituer et qu'il
voulu
qu'il avait
s'était constitué
un réper-
toire de virtuose: Fantaisies sur des airs polonais (op. 13),
Krakoviak rondeau de concert
le
thème de Don Juan
(op.
2)
;
(op.
Grande polonaise précé-
dée d'une Andante spianato (op.
piano et violoncelle (op.
3)
;
14); Variations sur
les
22)
;
Polonaise pour
deux concertos pour
piano (op. 11 et 21) qu'il n'acheva qu'en 1830, avant de
partir
pour Vienne; Allegro de concert
M. Niecks suppose vraisemblablement
mouvement d'un
(op.
être le
46)
que
premier
troisième concerto qui ne fut pas con-
tinué.
Il
avait écrit, en outre, dans la
forme classique, plu-
sieurs Rondos,
dont l'un, en ut majeur
retouché par
plusieurs fois et arrangé définitivement
lui
à deux pianos,
période, quelques
Il
faut
aussi noter, pour cette
morceaux de danse ou de salon
polonaises, deux valses, des écossaises,
même
73) fut
une Sonate en ut mineur, un Trio piano,
violon et violoncelle.
mazurka
(op.
:
trois
un nocturne, une
vraisemblablement bien d'autres pièces du
genre restées à l'état d'ébauche et mises au point
et
plus tard, mais ce qui est à retenir, dans cette
énumé-
FREDERIC CHOPIN
30
une des plus
ration, c'est
belles
œuvres
posées, les douze premières Études (op.
qu'il ait
dont
10),
comil
est
question dans une lettre du 14 novembre 1829. Chopin
comme
n'avait donc que dix-neuf ans, et, certes,
nique de l'instrument,
—
très belles et très
comme
sous
le
tech-
rapport des idées
simplement exposées.
—
le
compo-
siteur n'ira pas plus loin.
De
toutes
ces œuvres, trois
publiées, les Variations de
linger de Vienne,
Rondo à
ta
Mazur
le
seulement avaient
Don Juan en
Rondo en
ut
été
1831, par Has-
mineur
(op. 1)
et le
à Varsovie. Les autres ne verront le
jour que peu à peu et à des intervalles très différents. Sur
le
chemin de
la fortune et
de la gloire, Chopin n'aura plus
de peine, maintenant, à trouver
le
chemin des
éditeurs.
De 1832àl837 Chopinfut véritablement, complètement
heureux. Durant ces cinq années, les plus belles
et les
plus fécondes de sa vie, sa réputation va achever de Rétablir tant à l'étranger
qu'en France, où Paris
la consécration rêvée.
un engouement
lui,
incroyable...
ceux qui ont eu
autres.
Il
Dans
le
lui
apporte
les salons parisiens, c'est
Tout
le
monde
parle de
bonheur de l'entendre,
et les
n'y a que lui qui sache jouer du piano. Les
admirations ne s'adressaient pas seulement au virtuose,
elles allaient aussi à
l'homme, à sa personne même, à
sa qualité de Polonais, à cette nature étrange de Slave,
si
ou
accentuée chez
lui et qui
très réservées cachait
sionné.
sous des apparences froides
un tempérament ardent et pas-
FREDERIC CHOPIN
L'ensemble de sa personne,
«
quent
et
exubérant panégyrique
monieux. Son regard bleu
— notons
ici
nait
pas amer.
La
de Chopin, était har-
était plus spirituel
et
;
encore, ses cheveux bruns
ses
membres
long
et
frêles.
et fin
ne deve-
transparence de son
et la
—
—
crochu,
— rectifions
étaient soyeux, son nez
recourbé, expressivement accentué
le définissait
yeux de
cheveux blonds
ses
que rêveur
les
que
— son sourire doux
finesse
teint séduisaient Fœil
dans son élo-
dit Liszt
1
que Liszt se trompe
Chopin étaient bruns,
31
— Chopin lui-même
sa stature peu élevée,
Ses gestes étaient gracieux,
le
timbre
de sa voix, un peu assourdi, souvent étouffé. Ses allures
avaient une
distinction
telle
ses manières,
et
un
tel
cachet de haute compagnie qu'involontairement on
traitait
celle
en prince. Toute son apparence
faisait
le
penser à
des convolvulus, balançant sur des tiges d'une
incroyable finesse leurs coupes divinement colorées,
mais d'un
si
vaporeux ténu que
le
moindre contact
les
déchire. »
De mise extrêmement
sans gants blancs
—
rait les bijoux, les
les
soignée,
gants
il
« à la
ne sortait jamais
Chopin
»,
—
il
ado-
cannes, les belles cravates. Dans sa
démarche comme dans son langage, on retrouvait toutes
les délicatesses
hommes
de son jeu. Bien qu'il fût devenu un des
les plus à la
jours, au fond,
un
mode du
Paris élégant,
il
était tou-
vrai Polonais, et Louis Enault pou-
vait dire de lui, très justement
Une « symphonie funèbre
L'œuvre de Lis/t en 1851.
1
»,
:
disait
«
un
Les Slaves se prêtent
critique à l'apparition de
FREDERIC CHOPIN
32
volontiers, mais ne se
donnent jamais
Polonais que la Pologne.
purent jamais connaître
sible.
ment
«
est plus
Ses amis les plus intimes ne
les secrets
à sa popularité, à ses succès
Chopin,
rend tous
«
Chopin
de son
âme
inacces-
Cette attitude de mystère contribuait singulière-
un de
écrit
tant et vigoureux.
et
»
;
Me
Il
ses compatriotes, est bien por-
tourne la tête à toutes
maris jaloux.
les
mondains.
voilà lancé, écrit
les
»
Chopin vers
la fin de
1832 à son ami Dominique Dziewanowski. Je
de la plus haute société,
j'ai
femmes
ma
place
Tannée
fais partie
marquée au milieu
d'ambassadeurs, de princes, de ministres, sans savoir
moi-môme comment j'y
goût.
existence
Et cependant
c'est
une condition presque indispensable de
là aujourd'hui
mon
suis arrivé.
car c'est d'en haut que. nous vient
:
On vous
le
bon
trouve immédiatement beaucoup plus de
talent parce qu'on
vous aura reçu
et
applaudi à l'ambas-
sade anglaise ou à l'ambassade d'Autriche.
On
reconnaît
plus de finesse à votre jeu parce que la duchesse de
Vaudemont,
la
vous protéger...
dernière des Montmorency,
»
Et après avoir parlé de ses accoin-
tances artistiques, de musiciens qui,
brenner,
«
lui font
pour en
croirais
l'honneur de
finir, si j'étais
me trouver
a daigné
lui
moins
à l'apogée de
comme Pixis etKalk-
dédier leurs œuvres,
sot que je ne le suis, je
ma
carrière.
Cependant
nul ne se rend compte mieux que moi de ce qui
me
reste à acquérir ».
Malgré
le
ton simple et modeste de cette lettre dont on
vient de lire quelques fragments,
il
est aisé de deviner
\
X. >>„«/.
A*>
./t-H^/tZ.
SAMUEL BOGUMIL LINDE, RECTEUR DU LYCÉE DE VARSOVIE ET AMI DU PÈRE DE CHOPIN
(D'après un dessin de Chopin).
FREDERIC CHOPIN
que Chopin
est bien près de partager les préjugés artis-
du monde
tiques
35
et
que
cette société raffinée,
parfumée,
brillante et superficielle, va devenir l'élément nécessaire
à sa vie.
Chopin
appartement où
confortable
médecine de Paris. Dans
nait quatre
ou cinq leçons dont
inférieur à vingt francs
compositeur
;
allait
la
le
de la
cours à
matinée,
il
don-
cachet n'était pas
une partie de l'après-midi,
travaillait, puis le
des visites,
insurgé
maintenant chargé de
révolution polonaise,
Il faisait
vint bientôt le rejoindre
ami Matuszewski, l'ancien
soir fidèle
l'École de
Chaussée-d'Antin, dans uu
s'était installé, 5,
le
gentleman apparaissait.
dîner sur les boulevards,
et se
rendait eu soirée ou au théâtre, le plus souvent avec son
ami. Ce train de vie était fort coûteux, mais Chopin, quand
se trouvait
il
sans compter
gages,
il
en fonds, dépensait, selon son habitude,
:
il
avait
invitait ses
un
un cocher à
restaurants à la mode,
cabriolet à lui,
amis dans
les
payait en grand seigneur, quelquefois sans daigner dîner
lui-même,
souper
tons
1
.
et ses
intimes,
les
Aussi avoue-t-il qu'il ne
— ce
qu'il
n'avoue pas.
plus d'un compatriote
certs
il
donnés au
—
emmenait chez
profit des
bénéficiaient régulièrement
pas fortune
faisait
qu'il obligea
malheureux
et
lui
;
pour
ajou-
de sa bourse
que dans
les
con-
réfugiés polonais, ceux-ci
du cachet
offert à l'artiste.
Si les leçons rapportaient suffisamment,
s'il
lui plai-
Observons, avec M. Niecks,que Liszt, à propos de ces réceptions à la
Chaussée-d'Antin, se livre à son imagination coutumière, lorsqu'il
décrit l'assistance composée de personnalités artistiques ou littéraires
qui ne s'y sont jamais rencontrées.
1
FREDERIC CHOPIN
36
sait d'ailleurs
pour
«
bien davantage de jouer dans les salons
dames
les
encore renoncé
faire
»,
selon son expression,
il
n'avait pas
— comme cela arriva plus tard, — à se
entendre en public, nous ne disons pas devant
grand public, car Chopin redoutait par
le
instinct et par
expérience les vastes salles avec des milliers d'auditeurs.
Au
courant de l'hiver 1832-1833,
concerts
de Bach
celui d'Hiller
:
;
il
parut dans différents
avec Liszt, dans un concerto
1
avec Liszt également au concert donné par
miss Smithson,
femme de Berlioz, et à
Le séjour que Field,
l'occasion de
anglaise qui fut la première
l'actrice
celui des frères Herz.
comparer
cet hiver-là,
le
fit
à Paris, fournit
jeu des deux artistes
;
mais,
quelques ressemblances qu'on trouvât dans la finesse
de leur toucher, dans leur legalo également parfait, Field,
s'il
pouvait être regardé
pin, n'était,
comme
le
comme un
précurseur de Cho-
déclare M. Marmontel qu'un Cho-
pin sans rêve, sans poésie, sans passion. M. Marmontel
ajoute que Field, au physique, corpulent, grossier, de
manières vilaines, empestant
la plus
le
répugnante ivrognerie,
Pendant
l'hiver de
1834
et
tabac et buveur jusqu'à
faisait l'effet
de Falstaff.
au printemps suivant,
le
public entendit encore Chopin à la salle Pleyel avec Liszt,
Hiller,
Osborne 2
,
Stamaty 3
Ferdinand Hiller, pianiste
mort à Cologne en 1885.
1
et
.
Mais au Conservatoire, au
compositeur, né à Francfort en 1811,
2
Osborne, pianiste et compositeur de salon, né en Irlande à Limerick
en 1806, mort à Londres en 1893.
;i
en
Stamaty, pianiste et compositeur, né à Rome en 1811, mort à Paris,
1870, iils d'un Grec naturalisé Français.
FREDERIC CHOPIN
37
mois de décembre, son interprétation du larghetto du
concerto en fa mineur n'eut qu'un demi-succès. Plus
froid encore fut l'accueil
au concert du Théâtre-Italien
—
4 avril 1835, au bénéfice des réfugiés polonais,
figuraient Liszt, le violoniste Ernst, Nourrit et
Si bientôt après
certs
—
le
26 avril
—à
M
lle
il
où
Falcon.
la Société des
du Conservatoire (concert Habeneck),
—
Con-
prenait
sa revanche en jouant merveilleusement la Polonaise
précédée d'un anclante spianato, ces deux échecs ou
demi-échecs l'affectèrent
sieurs années,
il
si
vivement que pendant plu-
s'abstint de jouer en public 1
En 1835 Chopin rencontre
ne tardent pas à se
beaucoup
lier
Bellini.
sicilien «
Les deux artistes
d'une étroite amitié.
Il
y avait
nature de Chopin et celle
d'affinités entre la
du compositeur
.
blond
comme les
blés, dit
Léon
comme les anges, jeune comme l'aurore, mélancolique comme le couchant. » Tous deux
avaient le même idéal, souffraient de la même langueur
et la même fatalité devait peser sur leurs destinées.
Escudier, doux
mourait en septembre 1835
Bellini
tard
et
quatorze ans plus
Chopin viendra reposer auprès de son ami. La pro-
fonde sympathie qui les avait rapprochés devait aussi
—
Chopin, toutefois, participa à un concert donné en 1838
le 25 mars
à Rouen, au prolit du professeur polonais Orlowski. Legouvé, qui
assistait à ce concert, en fit un compte rendu enthousiaste, dont voici
l'éloquente et lyrique (!) péroraison
« En avant, Chopin, en avant!
Que ce triomphe vous décide. Ne soyez pas égoïste, donnez-nous sans
réserve votre beau talent, consentez à passer pour ce que vous êtes,
mettez fin au grand dérmt qui divise les artistes, et quand on demandera quel est le premier pianiste d'Europe, Liszt ou Thalberg, que le
monde entier réponde comme ceux; qui vous ont entendu
« C'est
Chopin.
1
—
:
:
))
38
FREDERIC CHOPIN
rapprocher leurs
œuvres.
Chopin
fut considérable
L'influence de Bellini
celui-ci
;
larmes lorsqu'il entendait la
il
est aisé
était
Norma ou
ému
sur
jusqu'aux
les Puritains, et
de voir qu'il s'est inspiré souvent de
ces
tendres mélodies sans les copier et en leur donnant une
forme que
le
musicien
du tout harmoniste,
En
italien, fort
était
peu instruit
et point
incapable de créer.
même
année (1835), Thalberg faisait la conquêtedeParis etdevenaitle « premier pianiste du monde»;
cette
Chopin, qui avait horreur de ses
«
fameuses mécaniques ».
s'amusait à les parodier de la plus drôle façon.
Pendant
Chopin
l'été,
On l'y
Mendelssohn. Schumann
Allemagne.
en
ses visites,
taient
si
attendait
—
indicible
voyageait
et
impatience;
avec
encore se dispu-
et d'autres
courtes fussent-elles.
d'interminables causeries,
charme
Paris
quittait
Il
y avait
des réunions intimes d'un
chacun s'asseyait tour à tour au
piano, Chopin jouait ses dernières compositions, reli-
gieusement écoutées,
aussi discutées. Et
la
admirées, applaudies
quand
il
partait,
et parfois
on exigeait de
lui
promesse de revenir l'année suivante. Pourquoi Cho-
pin ne sut-il pas demeurer dans ce milieu ami et vivi-
où Ton
fiant,
où
il
faisait
y avait de
si
fêtes
artistiques,
sohn?
A
tif,
si
bonne
et si
grande musique,
nobles tentatives d'art, avec de belles
comme
celles qu'organisait
Mendels-
Paris, sans doute, le professorat était très lucra-
mais cet argent,
sait plus
de
si
aisément gagné, Chopin
aisément encore,
vie, ses forces,
gaspillées
et qui pis est,
il
le
dépen-
dépensait sa
aux vaines exigences de
la
FREDERIC CHOPIN
société
mondaine. Là-bas,
il
39
eût pu avoir l'avenir assuré
par quelque fonction modestement rétribuée,
con-
le
tact
de ces grands musiciens eût apporté plus de matu-
rité
à son génie, et
Schumann,
eût peut-être réalisé
il
:
sacrifiait
et
la
beaucoup
aux goûts d'un public ignorant, peu accessible aux
grandes œuvres;
innovations des musiciens roman-
les
tiques, fort contestées, avaient
restait indifférent
;
il
peu de succès. Chopin
n'aimait pas Berlioz et quant à Liszt,
grand propagateur de ce mouvement,
plus camarades qu'amis
brouiller
«
de
y revenait sans cesse
produire l'œuvre qui eût donné toute
mesure de sa capacité. A Paris on
le
vœu
celui d'Elsner qui
sans succès
trop
le
un jour
camarade
» la
et
».
Une
«
ils
étaient
sotte histoire devait les
Chopin envia toute sa vie à son
puissance qu'il exerçait sur les masses
par sa personnalité, par l'énorme sonorité de son jeu.
De
ces excursions en pays allemand les séjours les
plus longs furent ceux de
Carlsbad
avait retrouvé
il
revu depuis Vienne,
sœur de
ses
Dresde
son père
à Dresde
amis Wodzinski. Elle
tout enfants, puis perdus de vue.
et
de Bohême.
pas
qu'il n'avait
Marie Wodzinska,
et lui s'étaient
Chopin dont
A
la
connus
cœur
le
s'enflammait facilement était toujours amoureux. D'après
George Sand, ce
passions qui
le
if était
pas une passion, mais cinq, six
tenaient à la fois, toutes sincères, qui
triomphaient alternativement les unes des autres
vent dans une
môme
soirée
il
s'éprenait de
;
sou-
deux ou
trois
femmes,
et,
aussitôt.
Marie Wodzinska donc rencontrée à Dresde,
à leur grand désappointement, les oubliait
FREDERIC CHOPIN
40
Bohème, la camaraderie enfantine de jadis tourna
au roman d'amour. Ce fut une idylle charmante. Cho-
puis en
vite
pin, sérieusement épris, paraissait transformé
retrouvé sa gaîté, son
exultait. Il
demanda
;
il
avait
humeur naturellement joyeuse,
la
il
main de Marie, ayant déjà orga-
nisé sa vie, une installation prés de Varsovie, au village
natal,
dans
le
voisinage de ses parents,
demande, favorablement
accueillie par la
—
mais
mère, ne
cette
fut
pas
Wodzinski avaient une des plus
grosses fortunes territoriales et Chopin ne possédait que
agréée du père
les
;
son admirable talent. Le refus
lui fut-il signifié à
Marien-
bad en 1836, au moment du départ précipité des Wodzinski, ou,
est
Il
comme le ditKarasowski,
certain
que l'Allemagne ne
seulement en 1837?
revit pas cette
le
année-là, qu'il tomba gravement malade, et qu'en juillet
seulement
il fit
une apparition à Londres pour jouer chez
Broadwood, mais sans visiter aucun artiste, ni Moscheles, ni Mendelssohn de passage en cette ville et qui
les
écrivait à Hiller
Revenu à
:
«
Chopin
est
encore très souffrant!
Paris, brisé au physique
comme
»
au moral, en
proie au plus sombre découragement, voyant son rêve
d'amour anéanti, sa vie désormais sans but
1
,
il
s'aban-
donnait de nouveau, lorsqu'une rencontre, une simple
présentation s'en vint modifier une fois de plus cette
existence qui à tout
moment
devenait un fardeau trop
lourd pour les frêles épaules du pauvre grand
artiste.
Sur le paquet de lettres des Wodzinski, noué d'une faveur rose, se
trouvent écrits de la main de Chopin, ces mots
« Moïa biéda (mon
malheur). » (Karlowicz, Souvenirs inédits de Chopin.)
1
:
^ ^3
N
a
<;
fl
<
e
o
o
H
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PC
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^
H
-
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Z
&
O
s
—
câ
,*3
=5
O
3
H
FRÉDÉRIC CHOPIN
43
Dans les Trois romans de Frédéric Chopin, le comte
Wodzinski rattache ingénieusement, poétiquement, le
au troicelui de Marie Wodzinska
second roman
—
—
sième, dont George S and fut L'héroïne,
11
assister à
fait
thème polonais,
coup devant
lui,
les
une certaine soirée chez
pensée.
la
même
marquise de
plus averti et
attitude de
femme grande, hrune
que George Sand
et qui
évoqua
de Marie, toujours présente à sa
Le charme, dans
D'après
une
tout près du piano, dans
et pâle qui n'était autre
soudain l'image
la
adieux du lancier, aperçut tout à
recueillement et d'admiration, une
tible.
sait.
comMarliani où Chopin, après avoir improvisé sur un
nous
tesse
comme on
cette illusion, aurait été irrésis-
Karasowski,
la soirée
avait lieu
chez
Mais d'après M. Niecks,
C... (Gustine).
mieux documenté,
la réalité
a été beaucoup
plus prosaïque. Liszt fut l'artisan de cette entrevue.
connaissait George
fut pris
Sand par
M
mc
Il
d'Agoult; rendez-vous
pour un après-midi où Chopin venait
soit chez
Liszt, soit chez son amie, essayer quelques compositions
— non
nouvelles,
averti d'ailleurs, car
il
détestait les
bas bleus et ne désirait aucunement être présenté à
l'auteur de
Lé lia. Mais
qui savent s'imposer
M mc
quand
s'imposer et s'imposa. Les
rement
le
Sand
était
de ces femmes
elles veulent,
elle
voulut
circonstances, particuliè-
voyage aux Baléares dont nous allons parler,
créèrent bientôt une vie
commune, une
famille, d'intérieur bourgeois avec
opposés de goûts
tout à
fait
devant
sauvegarder
cette
et
deux
sorte de vie de
êtres associés
de tempérament,
situation bizarre
par
lui
une
FREDERIC CHOPIN
44
correction et une réserve parfaites,
elle
devant mêler
à une affection véritable, prouvée par des soins assidus,
des fantaisies et des libertés déconcertantes.
Inquiète de la santé de son
quinze ans,
— résolut
et elle
M me
Sand
—
fils
c'était
Maurice, alors âgé de
dans l'automne de 1838,
dans
d'aller passer l'hiver
midi, à Majorque
le
proposa à Chopin, toujours très souffrant, de
l'accompagner; celui-ci accepta, sans rien dire toutefois
On
à ses amis.
se retrouva en
novembre
à Perpignan,
on s'embarqua à Port-Vendres pour Barcelone
Barcelone pour Palma. Ces deux traversées se
heureusement
et
firent
aux Baléares, sous un
et l'arrivée
à
ciel
admirable, au sein d'une nature presque tropicale, fut
une surprise délicieuse. L'enchantement dura peu. Le
logement
—
à grand peine à
bitable
«
;
les
Palma chez un
sieur
gens du pays, pratiquant
hospes hostis
une
chaux,
trois pièces blanchies à la
hostilité
»,
très
Gomez,
— trouvé
était inha-
la devise antique
marquèrent bientôt à nos voyageurs
manifeste,
due aux craintes de
la
contagion que causait la présence d'un malade soup-
çonné de
le
phtisie.
Il
fallut,
après
sieur Cornez, quitter cette «
au mois de décembre
la
indemnisé
avoir
maison du Vent
smala Sand
s'installait
»
et
dans
une partie inoccupée d'un ancien monastère, à Valdemosa, à peu de distance
de
Palma.
«
Entre
les
rochers et la mer, dans une grande chartreuse aban-
donnée, en une cellule dont
que
a
les portes
les portes sont plus
cochères à Paris, tu
son ami Fontana
le
me vois,
écrit
grandes
Chopin
28 décembre, sans gants blancs,
FRÉDÉRIC CHOPIN
les
d'habitude.
Ma
forme d'une bière de haute dimension,
les
cheveux sans
cellule à la
45
comme
frisure, pâle
voûtes sont couvertes de poussières, la fenêtre, petite,
donne sur des orangers, des palmiers et des cyprès. En
face de la fenêtre, sous une rosace découpée dans le
style mauresque, se trouve mon lit. Auprès, une table à
un chandelier de plomb
et une chandelle de suif. Les
c'est un grand luxe,
œuvres de Bach, mes manuscrits, mes notes et quelécrire, vieille, carrée, et dessus,
—
—
ques autres paperasses, voilà tout ce que je possède.
Le piano demandé
qu'à la
fin
d'énormes
à Pleyel et
si
»
attendu ne fut installé
de janvier, après mille difficultés et avec
frais
de transport.
M me Sand et ses deux enfants
Le reste des bâtiments
par des femmes de service, êtres
avaient des cellules voisines.
étaient
occupés
méchants
de
et sournois,
l'église, très
par deux moines, parle sacristain
scandalisé de constater que les Français
Dans un Hiver à Majorque 1
George Sand, avec son style imagé et luxuriant, a
n'assistaient pas
aux
offices.
,
raconté les mille détails du séjour à la chartreuse de
Yaldemosa.
Malgré
la
d'hiver, six
humidité,
—
contraire.
Il
douceur du climat
—
il
y eut,
semaines de grosses pluies
la santé de
et
en guise
de grande
Chopin ne s'améliorait pas, au
toussait continuellement, avait de terribles
crises, des suffocations qui causèrent de vives alarmes.
Puis un mieux se produisit. Mais Chopin s'ennuyait
1
Voir également l'Histoire de
ma
vie et la
Correspondance.
FREDERIC CHOPIN
46
extrêmement;
nervosité
sa
humeur, de plus en plus
Le
thème de
«
la
mort
devenait
excessive,
irritable. Il se jugeait perdu.
son esprit d'évocations lugubres,
telait
Les plus
veille.
d'apparitions
même
d'atroces cauchemars,
terrifiantes,
petits incidents prenaient des
M
jour
un
sion dans
birlocho
chevaux pouvant
les
—
défoncés,
avant dans
au piano
l'air
morts!
«
» Il se
dans un
lac,
était
il
se
leva d'un
que vous
je savais bien
voyait, lui aussi, dit
bond,
étiez tous
George Sand, noyé
des gouttes d'eau pesantes et glacées lui
il
la poitrine, et
«
l'on
George Sand ajoute
venait de la représenter admirable-
ment dans une improvisation
pluie...
chemins étant
Chopin, horriblement inquiet,
Ah!
cette scène,
mineur), où
—
fort
tombant lentement sur
que
en excur-
violent orage
à peine marcher, les
en les apercevant,
:
un
surpris par
propor-
ne rentrèrent à Yaldemosa que
la soirée.
;
égaré
ils
;
de
à l'état
tions fantastiques et déprimaient le moral.
me Sand et ses enfants partirent
Un
mar-
qui l'obsédait sans cesse,
»
son
(le
prélude en
si
bémol
entend précisément les gouttes de
))
Cette dernière partie de l'historiette n'est pas exacte.
Un des élèves de
meilleur élève,
Chopin, qui ne
Gutmann
1
fut
certainement pas son
a certifiera diverses reprises,
presque jamais à Paris sans être accompagné de
taillé en hercule avec de gros
servait de garde du corps. D'un
certain talent comme pianiste, très médiocre compositeur, Gutmann.
après des tournées plus ou moins fructueuses, abandonna la musique
et s'occupa, à Florence, de l'impression en couleurs sur satin, procédé
dont il était l'inventeur. Il mourut en 1882, à l'âge de soixante-tre^sans.
1
Chopin ne
sortait
Gutmann. un grand garçon,
membres, des mains énormes, et qui lui
ce fidèle
FREDERIC CHOPIN
que
Préludes attribués généralement au séjour de
les
Valdemosa avaient
lui
—
47
—
Gutmann
compositeur.
moments où
A
composés antérieurement,
été
avant
les avait copiés
Valdemosa,
Chopin,
le
clans
que
et
départ du
les
rares
sa santé lui permettait de travailler, ne
fit
donc pas autre chose que de retoucher son ceuvre, de
la
mettre au point. Nous savons déjà, d'ailleurs, qu'il gar-
longtemps ses manuscrits en portefeuille,
dait fort
for-
cément, tout d'abord, faute d'éditeurs, puis par habitude,
par
le
désir qu'il avait de modifier sans cesse, de cher-
cher quelques variantes nouvelles, quitte à revenir
comme
il
lui arrivait
il
—à
la
version primitive,
Nous savons aussi que de 1832 à 1837,
mit au jour un certain nombre d'œuvres nouvelles,
au premier
s'il
souvent,
—
jet.
s'occupa principalement de publier
le
stock
qu'il avait
rapporté de Vienne ou de Varsovie, et qui datait de
l'époque où sa productivité avait été très intense, productivité
qui
se
ralentira
considérablement ensuite,
lorsque les plaisirs mondains de Paris absorberont la
meilleure partie de son temps et surtout lorsqu'il sera
aux prises avec
les atteintes
de la terrible maladie.
S'il
est impossible de préciser la date de ces Préludes, elle
doit
—
à notre avis
arrière, lorsque
Chopin
d'Études (1830), soit
semble avoir
fait
—
que
le
être reportée sensiblement en
écrivit soit
second (1834).
la
A Majorque
Polonaise (op. 40, n°
mineur d'un caractère sombre,
z
son premier cahier
le
3
e
2)
il
ne
en ut
scherzo (op. 39)
plus sombre et plus désolé encore, et qui se rapproche
d'une œuvre maîtresse parue en 1841, de la sonate en
FRÉDÉRIC CHOPIN
48
si
bémol mineur, dont
raient bien avoir été
Au
les
premières esquisses pour-
commencées
là-bas.
début de mars, les approches du printemps permi-
rent à nos insulaires de mettre à exécution le projet de
départ
impatiemment attendu; Chopin, dangereuse-
si
ment malade à nouveau, pouvait
fatigue d'un déplacement, mais
à peine supporter la
se sentait incapable de
il
une semaine de plus dans un pays
rester
A
en horreur.
Marseille
fut
il
qu'il avait pris
un peu mieux, grâce aux
soins du docteur Cauvière qui exigea, pour obtenir
malade ne
résultat plus durable, que le
avant
seille
l'été,
George Sand
chands où
la
répulsion
la
femme de Nourrit ramena
tint l'orgue
désaccordé,
Mont.
le
Il
qu'inspirait à
—
dans
si
à Marseille le
tragiquement, ce
— un méchant instrument
la petite église de
«
grand chanteur aimait particulièrement.
pagner
et,
M
tout
Astres
Il
»,
que
put accom-
Sand dans une rapide excursion à Gênes,
en juin 1839, on arrivait enfin dans
Nohant où
fut
Notre-Dame du
joua une mélodie de Schubert, les
me
mar-
cette ville d'affaires, « cette cité de
corps de son mari mort à Naples
Chopin qui
Mar-
n'y avait pas de vie intellectuelle. »
il
Lorsque
malgré
quittât pas
un
se trouvait la propriété de
le
Berry, à
M me Sand.
Chopin,
qui y était venu en 1837 et en 1838, y prenait définitivement ses quartiers, devenant Phôte habituel du « château
»,
pour Pété tout au moins; entre temps,
chargé son ami Fontana
—
qui montre chez l'artiste
un côté
et
préparer l'installation à Paris de
il
avait
avec un luxe de détails
très bourgeois,
M me
— de
Sand pour laquelle
PIANO
\
QUEUE EN USAGE
A
VARSOVIE VERS 1830
FREDERIC CHOPIN
51
deux pavillons, au fond d'une cour, furent loués au
n° 16 de la rue Pigalle. Revenu à Paris, en octobre,
Chopin, qui avait conservé un appartement rue Tronche! n° 5, ne tardait pas à le quitter pour se rapprocher
de son amie
et lui
sous-louait
un des deux pavillons de
rue Pigalle.
la
Les années qui vont de 1840 à 1847 ne contiennent
pour
ou
la vie
trois
de Chopin aucun
événements
fait
important, sinon deux
menus
artistiques, quelques
inci-
dents que pourrait relater une biographie très détaillée,
certaines anecdotes où le chroniqueur
et
a le choix
entre plusieurs variantes, probablement toutes inexactes.
Chopin passait
l'hiver et le printemps à Paris, l'été et
l'automne à Nouant. Et à Paris
même
vie
familiale
Chipette était
—
elle le
abondante,
Ce
rôle,
:
Chip,
la
Chop ou
malade ordinaire, George avait
définit
—
établie
Nohant
à
le rôle
elle-même avec une rhétorique très
sœur de
de garde-malade, de
du moins,
se proposait
elle
de
le
charité.
remplir, et
remplit effectivement avec un grand dévouement.
elle le
On
le
s'était
comme
recevait beaucoup
:
artistes,
hommes
cantatrices, poètes, écrivains et
Pierre
comédiens, chanteurs,
politiques,
—
Leroux, Balzac, Louis Blanc, Edgar Quinet,
Etienne Arago, Henri Martin,
Bocage,
le
chanteur Lablache,
le
général Pepe, l'acteur
M me
Pauline Yiardot
et
son mari fréquentaient rue Pigalle avec bien d'autres
notabilités françaises
ou étrangères. C'était une société
FREDERIC CHOPIN
52
un milieu
d'élite,
mais qui ne
sons les
plaisait
guère à Chopin dont nous connais-
tendances
qu'il prît
divers, très vivant, très ardent,
très
aristocratiques.
jamais une part active à
11
ne semble pas
aux
la conversation,
discussions qui s'engageaient. Quelquefois, mais rare-
ment,
par de
il
charmait l'auditoire en jouant ses morceaux ou
délicieuses improvisations; le plus souvent
en une attitude silencieuse
restait absorbé,
Chopin ne
un
fut pas
intellectuel,
il
en
comme on
effet,
n'était ni
encore moins un philosophe:
conception de
l'art était
un
il
il
et réservée.
dit aujourd'hui,
lettré, ni
un penseur,
ne voyait pas grand, sa
plutôt étroite et
il
eût été fort en
peine de l'exposer. Les intimes disaient indifféremment
Chopin ou
dait la
les
le
il
gar-
sympathie des premiers jours à ses compatriotes,
musiciens de son pays exceptés
une sévérité
les
piano de Chopin. Resté très polonais,
justifiée
;
De
ses
,
qu'il jugeait
avec
mais, à partie poète Mickiewicz,
Polonais ne venaient pas chez
aimait pas.
1
amis à
nous ne pouvons guère
elle
citer
M me
Sand qui ne
devenus des amis à
que
le
les
lui,
grand peintre
Eugène Delacroix qui eut pour le compositeur, comme
le violoncelliste Franchomme, un ami de date antérieure,
une
affection très vive,
jamais démentie. Pendant
dernière maladie de Chopin, nous voyons, par
du peintre,
qu'il
ne montât chez
le
la
journal
ne se passait pas de jour où ce dernier
le
malade pour
le
réconforter par d'af-
fectueuses paroles. Ces longues et profondes amitiés que
Sauf le pianiste Julius Fontana, ami très intime, avec qui Chopin
correspondait très fréquemment.
1
FREDERIC CHOPIN
Chopin
53
sut inspirer aussi bien dans ses relations intimes
que parmi ses élèves ne sont-elles pas un démenti au
portrait
peu
flatteur
que Fétis a tracé de
tère sournois, dissimulé, perJide
table
même?
jugement de Fétis
En 1842
la
doit être
rue Pigalle fut abandonnée pour
raient alors Alexandre
M me
Dans
Dumas,
avait attirés vers cette
La
Marliani.
lanstère
—
— dont M
le
me
bouillir la
«
petite
ce square
Athènes
.
demeuDantan,
celle qui les
», la
comtesse
Marliani était la directrice, chargée de faire
marmite
»,
les
repas se prenant en com-
«
réaliser quelques
la saison d'été, fort
château
»
Aux
effet
toujours
Parisiens qui s'y succédaient sans dis-
continuer et que Chopin prisait
mêlaient les voisins de
campagne
davantage, entre autres,
polyte Chatiron,
dispendieuse
de Nohant qui pouvait
contenir beaucoup d'invités en contenait en
beaucoup
square
phalanstérisme était alors en grande vogue,
Berry. Le
1
le
de famille se transforma en un pha-
vie
économies en vue de
le
le
à laquelle on
et enfin
mun. Cet arrangement permettait de
dans
et
le caricaturiste
Zimmermann
Viardot,
mais
soit!
absolument réformé.
accédait par la rue Taitbout.
«
carac-
Qu'il fût irri-
mordant,
d'Orléans, cité disparue aujourd'hui
et
:
au plus haut degré, capricieux, fantasque, d'es-
prit caustique et paraît-il assez
M.
l'artiste
le
si
qui
médiocrement,
le
se
choquaient bien
demi-frère de
M mc Sand, Hip-
gentilhomme campagnard, grossier,
tapageur, aux allures de rustre.
1
une maison spacieuse, sans
un pays plat, sans beauté.
C'était
ilans
caractère, assez tristement situé,
FREDERIC CHOPIN
54
Cependant,
premiers
les
séjours dans
furent pas sans agréments. L'air de la
santé du poitrinaire
missait la
là,
;
le
Berry ne
campagne
il
raffer-
se reposait des
fatigues mondaines, reprenait des forces, avait tout le
loisir
de composer, ou de mettre au point des œuvres
La
anciennes.
somme
i
tiers
fort
Ton menait au château était en
agréable. Eugène Delacroix en parle volonvie que
de grands éloges des hôtes
et fait
plus aimables pour lui plaire »
ment inévitable
Quand on
«
lui
mais
;
pèse bientôt...
on ne peut
«
«
le
désœuvre-
»
pour dîner, déjeuner,
n'est pas retenu
jouer au billard ou se promener, on estdans sa chambre
à
ou à
lire,
se goberg-er sur son canapé.
vous arrive par
fenêtre
la
côté
;
cela se
le
le
il
faut que
le
il
jardin des
travaille de
mêle au chant des rossignols
des rosiers... cependant
donner
ouverte sur
Chopin qui
bouffées de la musique de
Par instants
son
et à
Fodeur
travail
vienne
grain de sel à tout cela. Cette vie est trop
facile... »
Et dans une autre
lettre
:
« J'ai
des tête-à-tête à perte
de vue avec Chopin que j'aime beaucoup, et qui est un
homme
que
d'une distinction rare
j'aie
rencontré.
peut admirer
Le
soir
on
et
Il
est de
estimer.
faisait
;
c'est le plus vrai artiste
ceux en
petit
nombre qu'on
»
de la musique,
surtout lorsque
M Yiardot était là, ou Liszt, toujours accompagnée de
M me d'Àgoult. Les deux pianistes rivalisaient, Liszt
uie
1
Lettres d'Eugène Delacroix, recueillies par Philippe Burty.
FREDERIC CHOPIN
jouait
fréquemment du Chopin,
les
55
Études admirable-
ment; maïs Chopin, à qui Liszt paraissait
le seul
pia-
une concurrence redoutable,
niste capable de lui faire
Técoutait avec quelque méfiance,
le
reprenait très vive-
ment, lorsque l'interprète usait à l'égard du texte musi-
que seul Fauteur a
cal de libertés
mettre.
Un
droit de se per-
soir qu'au salon toutes les lumières avaient
été éteintes,
était
le
pour
ainsi dire fortuitement, et
que Chopin
au piano, Lisztse substitua prestement à sa place,
continua de jouer,
qu'au
moment où
et la
supercherie ne fut découverte
Liszt ralluma [soudain les bougies
du piano. Chopin, légèrement vexé que personne n'eût
deviné
le
lui-même
Liszt,
changement de jeu,
s'y serait [trompé.
que
s'écria avec ironie
«
Gela prouve, conclut
que Liszt peut être Chopin, mais Chopin peut-il
être Liszt ? »
La
supériorité artistique, intellectuelle
du
grand virtuose qui prenait volontiers un ton protecteur
avec ses
amis,
Legouvé lui annonçant
proposait de faire un compte rendu très
brageux compositeur;
que Liszt se
sans irriter parfois l'om-
n'était pas
et
à
enthousiaste d'un de ses concerts,
nous allons parler,
«
Oui, je sais,
empire.
»
il
«
répondit amèrement
Et peu de temps après
insignifiante
:
l'artiste
me donnera un petit royaume dans
nistes cessaient de
ment
—
— celui de 1841, dont
se voir, brouillés
que chacun
Nos dames
les
deux grands
:
son
pia-
pour une cause
d'eux interprétait différem-
se sont fâchées, disait Liszt, et
en
bons chevaliers nous leur avons donné raison... »
Revenons à Nohant. Nohant possédait un théâtre,
FREDERIC CHOPIN
5i)
théâtre de marionnettes, resté célèbre et qui eut pendant
des années, pour imprésario, une illustre marionnette,
nommée
Balandard. C'était une des grandes occupa-
tions de Maurice Sand,
théâtre,
passionné pour
les
choses du
que ces représentations, qui comprenaient des
charades, des pantomimes, des ballets, voire des drames
— parfois
remplacé par
était
—
avec de vrais acteurs,
les
et
-
où l'orchestre
charmantes improvisations au
piano de Chopin. Autre distraction non moins goûtée
les charges, les imitations et les
si
:
polichinadesdu maestro,
divertissantes parla mobilité de la physionomie et le
jeu rapide de leurs transformations. Bocage, qui en
spectateur, prétendait que Chopin aurait été
fut
un grand
Acteur bouffe, s'entend, bien que nous ayons
acteur.
quelque peine à l'imaginer
comme
rival de
Ravel ou de
Grassot.
En
1841,
comme
mieux portant;
il
en 1842, Chopin parut beaucoup
donna deux concerts
années auparavant(1839)
il
s'était
salle Pleyel.
Deux
rendu avecMoscheles,
de passage à Paris, au château de Saint-Cloud, conviés
tous deux par
petit comité,
le roi
dans
Louis-Philippe à une audition en
Salon carré. Après une sonate de
le
Moscheles à quatre mains dont l'andante eut
neurs au
bis, ils
«
ternellement la gloire
deux frères
et les
»
se partagèrent fra-
compliments. Chopin reçut
de Sa Majesté une coupe en or ciselé
une
« le
roi a
cassette,
hon-
jouèrent, chacun, divers morceaux, puis
improvisèrent. Les
ment,
les
et. dit-il
plaisam-
donné à Moscheles un objet de voyage,
pour être plus
tôt
débarrassé de
lui.
»
FREDERIC CHOPIN
Le premier des deux concerts de
lieu le
et
26 avril 1841, avec
le
57
la salle
M
concours de
me
Pleyel eut
Damoreau
du violoniste Ernst qui interpréta son Elégie, restée
classique dans la musique de violon.
Le second concert du 20 février 1842 réunissait au
programme divers intermèdes de chant par M rao Viardot,
un solo de violoncelle par Franchomme, et comme
œuvres du
pianiste, la troisième Ballade, des Nocturnes,
des Préludes, des Études et des Mazurkas. L'auditoire,
en majorité féminin,
fut
transporté
critique,
la
;
très
élogieuse, reproduisit à peu près les appréciations déjà
faites,
dix ans auparavant.
pas gagné
habiles,
en
sonorité,
Le jeu de
mais par
l'artiste
n'avait
ménagements
des
arrivait à procurer, sans taper jamais, l'im-
il
pression d'un véritable forte. Avec quelle merveilleuse
rapidité les traits les plus difficiles couraientsur le clavier
dans un legato inimitable! Avec quel art
moyen encore nouveau,
—
fameux tempo rubato donné
que
basses conservaient
les
mesure, procédé dont
les
il
employait
deux pédales,
et
—
le
à la ligne mélodique, alors
le
rythme régulier
et la
amateurs
les professionnels et les
abusèrent tant depuis, non sans l'avoir au préalable
défiguré, négligeant
faite
par
gauche
la
compositeur lui-même
le
soit votre
mesure.
De 1840
recommandation
trop souvent la
:
Que votre main
«
maître de chapelle et garde toujours
»
à 1842,
publie beaucoup.
Chopin
travaille
Chaque morceau
avec
lui
ardeur
était
et
payé de
300 à 500 francs, droit de vente à l'étranger réservé.
FREDERIC CHOPIN
58
Somme
gent
toute, cela ne représentait pas
le
;
Chopin aurait pu y
professorat valait mieux.
faire fortune,
mais
beaucoup d'ar-
donnait peu de leçons
il
rement. Etre élève de Chopin
et irréguliè-
rêve de beaucoup
fut le
de pianistes, maisle maestro étaitdifficilement accessible,
plus encore peut-être pour les musiciens de profession
qu'il fréquentait
—
il
cher,
fallait
de moins en moins, que pour les autres,
au square d'Orléans forcer, pour l'appro-
une consigne
très sévère.
que grâce à une carte de Liszt
sable.
Le
W.
et à
de Lenz n'y réussit
un entêtement
récit de ses visites est conté
par
verve humoristique des plus amusantes
:
lui
1
inlas-
avec une
comment Lenz
joua du Chopin devant Chopin qui, reconnaissant dans
certains passages l'influence des conseils de Liszt, en
malicieusement
la
remarque; comment
fît
rencontra
il
George Sand qui échangea avec lui quelques mots aigresdoux, tout en fumant
par Fred;
le «
fîdibus »
comment Chopin
et lui
galamment apporté
causèrent d'art et de
musique, Fred ignorant ou feignant d'ignorer certaines
œuvres classiques des plus connues,
connaître du grand
cratie,
dans
se consacra presque entiè-
clientèle féminine recrutée
les
ne rien
mouvement romantique de Weber.
Chopin comme professeur
rement à sa
et disant
dans
grandes familles polonaises
;
l'aristoil
forma
peu de pianistes de profession. Citons, avec M. Niecks,
1
Die çrossen l'ianoforte-Virtuosen unserer Zeit.
FREDERIC CHOPIN
59
M. Georges Mathias. l'eminent professeur, durant de
longues années, au Conservatoire, Lysberg, de son vrai
nom Samuel Bovy,
Norvégien Tellefsen
le
Mikuli, publicateurs de l'œuvre du
Adolphe Gutmann,
et Filtsch,
maître
ajoutons
;
un enfant prodige mort à
un merveilleux
treize ans et qui eût été
Charles
et
virtuose. Sur son
enseignement
les
confus;
probable que les aptitudes de l'élève
il
est
renseignements recueillis sont assez
lui
indiquaient la méthode qu'il devait employer. Les débutants étudiaient
les concertos,
dont
il
démenti, Bach, Field dont
puis
Hummel,
ne comprit jamais
la
très
il
prisait fort
rarement Beethoven
grandiose synthèse
1
.
On
n'abordait pas ses œuvres sans de longues préparations,
souvent
et
il
interdisait certaines de ses compositions,
jugeant l'élève incapable de les interpréter. Pas
avec aisance, toujours
«
facilement
»,
d'effort,
selon son mot,
quelle que fût la difficulté à vaincre, surtout pas de bruit
La
!
position normale de la main, au lieu d'être établie
sur les touches blanches, était reportée plus avant sur
le clavier,
soit,
la\
vers les touches noires, représentant
si. Il
mi fa\
exerçait l'élève, nous dit M. Péru, à varier
sans cesse l'attaque d'une
lui-même, frappant
la
même
note,
comme
il
le faisait
touche de plus de vingt façons,
et
avec des sonorités différentes. Son doigter, très révolutionnaire, ne tenait
aucun compte des règles vénérables;
Kalkbrenner en avait remarqué jadis l'étrange
fantaisie,
Chopin recommandait à ses élèves de « toujours travailler Bach ».
en jouait lui-même fréquemment; la veille ou le jour même d'un
concert, c'est à la musique du vieux maître qu'il recourait pour calmer
ses nerfs et exercer ses doigts.
1
11
FREDERIC CHOPIN
60
Moscheles s'en
était indigné, et
un
critique allemand,
Rellstab, qui ne cessa de décrier l'artiste et l'œuvre, parle,
dans Y Iris, à propos de ce doigter, de combinaisons perverses, exigeant une opération chirurgicale pour que la
main disloquée,
tordus fussent capables de
les doigts
A vrai dire, dans une pareille musique,
comme il peut. Chopin avait une grande
jouer les Etudes.
chacun doigte
main, l'hercule Gutmann en
une plus grande
avait
encore.
Très méticuleux, s'attacliant aux détails, son ensei-
gnement correspondait
à son jeu
L
à son individualité très spéciale,
ainsi qu'à son
œuvre
Mais l'expression populaire
«
il
:
ne fonda pas d'école.
jouer à la Chopin
»
qui
représente un jeu maniéré, d'une sentimentalité outrée
mesquine, un rythme absolument désordonné dans
et
son perpétuel rubato, ne veut pas dire
Chopin.
«
jouer
comme
»
L'été de 1846 fut le dernier été que Chopin passa à
Nohant.
L'année d'après une brouille survenait, qui
aboutissait
à
une rupture.
On
là-dessus, invoqué bien des causes
du compositeur,
sie
une
beaucoup disserté
a
:
attitude
un accès de jaloude
blâme
l'occasion du mariage, en 1847, de Solange, la
M
me
Sand,
avec
le
sculpteur
Clésinger,
d'égards, Chopin ayant été servi
1
«
Le jour où
l'on
un
fille
à
de
un manque
soir à table après
aura inventé un microscope pour
Blazc de Bury, ce jour-là Chopin sera divinisé.
prise
»
le» oreilles, dit
FREDERIC CHOPIN
61
Maurice Sand avec qui
il
La
George Sand ne pouvant, d'après
vérité fut celle-ci
Franchoinrne
son gendre
comme
et
M. Niecks \ s'entendre avec
le dit
de
mis à
lui,
Chopin avait passé outre,
—
il
du prince Karol, un
Très vivement
le
que quelques
toutefois
sous peine de repré-
M mc
Sand
avait cessé
— avaient
que dans son dernier roman
Lucrezia Floriani, George Sand
fou.
défense à
fait
y en a toujours en pareil cas,
averti charitablement Gliopin
traits
Nohant
rupture fut accomplie. D'autre part,
lui écrire et la
des amis
la porte de
du mois de juin 1847,
lettre
Gliopin de les recevoir chez
sailles.
en assez mauvais tenues...
et sa fille, les avait
dans une
et,
:
était
représentait sous les
le
être détraqué, névrosé, à moitié
romancier protesta,
traits
il
est certain
de caractère devaient avoir
servi de modèle. Et de fait, dans cette association de
près de dix ans,
croître, de l'autre
si
il
d'un côté l'affection n'avait
n'y avait eu qu'un
sager, évanoui depuis longtemps.
que
M
me
artiste,
la
compagne qui convient
Chopin aucune collaboration
George Sand n'avait pas
geait d'ailleurs
cadavre
que
engouement pasy avait beau jour
Sand avait repris toute sa liberté. Elle était trop
je veux dire trop professionnellement artiste
pour être
et
Il
fait
»
les
à l'artiste. Entre elle
n'était possible
mêmes
;
sur
l'art
idées, elle en chan-
fréquemment. Elle soigna
«
son cher
sans comprendre ou sans vouloir comprendre
que l'ami qui s'acheminait vers
la
contre deux morts, la mort de son
tombe avait à
cœur où
lutter
palpitaient
Ri', dans le même sens la nouvelle publication de M. Rocheblave
George Sand et sa fille (Paris 1905).
1
:
FREDERIC CHOPIN
62
les restes d'un
amour déçu
mort de son corps qui
de plus en plus.
s'affaiblissait
deux dernières années de
Faut-il poursuivre? Les
vie de
et la
la
Chopin ne sont plus qu'un épilogue lamentable.
Les soins d'un homéopathe,
le
docteur Molin, avaient
eu raison d'une crise terrible, compliquée d'une véritable
névrose, mais
le
mal
— une phtisie laryngée — avait
fait
des progrès effrayants, réduit l'artiste à une maigreur
consomptive.
La moindre marche,
causaient des suffocations
escaliers;
il
il
;
le
fallait le
ne sortait qu'en voiture,
la fatigue d'en
plus petit effort
monter dans
et,
pour
les
lui éviter
descendre, l'éditeur Schlesinger, but ordi-
naire de ces courses, venait dans la voiture causer avec
lui.
il
Quelques leçons seulement avaient
les
été
conservées
;
donnait à grand'peine, étendu sur un divan près
d'un piano de « démonstration
»,
souvent
il
se faisait
suppléer par un de ses élèves. Cependant, cédant aux
sollicitations de ses
être parles
amis anglais
événements politiques
nous sommes en 1848,
Angleterre. Peut être
brumeux
et écossais,
et
Avant de
—
— n'oublions pas que
il
résolut de se rendre en
allait-il
chercher, dans un climat
malsain, la mort pour en
partir
il
apeuré peut-
finir
plus vite?
voulut se faire entendre une der-
Le concert du 22 février à
la salle Pleyel réunissait Alard, Franchomme, et pour
Molina de Mondi et Roger,
les intermèdes de chant, M
nière fois au public parisien.
lle
le
célèbre ténor.
chomme
piano
les
trois
Chopin exécuta avec Alard
derniers
et violoncelle; seul,
il
mouvements de
et
Fran-
sa sonate
joua délicieusement
la
Bar-
FREDERIC CHOPIN
carolle, la Berceuse, la
Valse
«
au
63
petit chien »,
un Noc-
La
turne, une Etude et diverses pièces de danse.
per-
de son jeu était restée idéale, les sonorités,
fection
ménagées
si
habilement, faisaient illusion sur ses forces
véritables. Mais l'effort
pour que
le
public ne s'aperçût
de son état d'épuisement ni dans son attitude ni dans
son mécanisme,
fut si
grand
et si
prolongé que
l'infor-
tuné, au sortir de cette séance où la salle entière l'accla-
tomba évanoui dans
mait,
le foyer.
Huit jours après, Paris était en pleine insurrection,
le projet
d'un second concert pour lequel presque tous
forcément aban-
les billets étaient retenus, se trouvait
donné,
et
au mois d'avril Chopin s'embarquait pour
l'Angleterre où
il
devait rester près d'un an
moment, on espéra
l'y
ou
du théâtre, des
qu'il reçoit,
un
sur ce séjour d'intéressants
Chopin parle des nombreuses
;
où,
retenir définitivement.
La correspondance donne
détails
et
visites qu'il fait
artistes
avec lesquels
il
est en relations, des invilations qui lui sont adressées
et qu'il
n'accepte pas toujours, ne confiant qu'à Julius
Fontana
le
véritable motif de ses refus, son misérable
état de santé.
dans
Il
les salons
se fait entendre quelquefois, rarement,
de l'aristocratie londonienne,
— pour se procurer l'argent dont
que deux matinées avec
M
lle
il
a
il
ne donne
grand besoin,
de Mondi
et
M me
—
Viardot
chez miss Sartoris et chez lord Farmouth. devant un
public payant, mais très restreint.
En Ecosse où
il
réside environ trois mois,
mondaine, plus agitée encore. Avec une
même
vie
activité plus
FRÉDÉRIC CHOPIN
64
fébrile
on
le voit aller
de ville en
— Manchester,
château. Ses trois concerts
Glasgow, 27 septembre,
de château en
ville,
— Edimbourg,
—
28 août,
4 octobre,
n'ont qu'un demi-succès; à part les fidèles et les initiés,
le public,
trouvant exagéré
le
prix des billets, s'abstient,
reste indifférent. Epuisé, l'artiste n'a plus
rité:
pour ne pas
se trahir,
tions
où
il
modifie les nuances, sup-
programme
qu'au dernier moment, selon
prime presque tous
définitivement
il
aucune sono-
se trouve.
les forte
;
le
n'est arrêté
les disposi-
Mais ces voyages, ces déplacements
continuels, ces réceptions finissent d'absorber
force nerveuse qui lui reste.
les
deux ou
trois
Il
le
peu de
ne peut plus travailler:
pianos toujours installés chez
—
Broadwood, le Pleyel, FErard,
tiles. Levé tard dans l'après-midi,
il
lui
lui
—
le
sont devenus inu-
occupé que des
n'est
soins de sa toilette, de sa coiffure, de sa mise plus recher-
chée que celle d'un
Après avoir
une de
petit- maître.
miss Stirling.
été l'hôte de la famille de
ses élèves et ferventes admiratrices,
Chopin revint
à Londres et Londres eut occasion de l'entendre encore
une
fois,
en novembre 1848, dans une
sance donnée à
nais.
la
de bienfai-
Guildhall au profit des réfugiés polo-
Mais dans quelles conditions! Tandis que la foule
dansait aux sons d'un bruyant orchestre,
une
fête
petite salle voisine...
lui,
jouait dans
personne ne l'écouta
comptes rendus des journaux ne signalèrent
et les
même
pas
sa présence.
Revenu en France en janvier 1849, Chopin se retrouva
avec une immense joie dans Paris. On avait loué square
FRÉDÉRIC CHOPIN
numéro
67
un appartement où Pleyel avait
fait porter un piano et que son ami Grzymala avait préparé,
orné de bouquets de violettes, parfum préféré de l'artiste.
d'Orléans, au
9,
Mais l'amélioration espérée ne survint pas. La mort subite
du docteur Molin qui avait toute sa confiance
profondément.
Un
instant
il
l'affecta
eut l'idée de rejoindre en
Belgique son ami Titus, mais, incapable à cette heure
de se déplacer,
il
se
fît
transporter, sur le conseil des
médecins, dans un quartier plus aéré, rue de Chaillot. La
détresse financière était
si
grande que des amis payèrent
une partie du modeste loyer (300 à 400 francs par an)
;
son caissier habituel, Franchomme, l'ami dévoué, n'arrivait plus à conjurer les déficits.
Mise au courant de
cette situation, miss Stirling apporta
généreusement une
somme
raconte à ce sujet
que
On
de 20 à 25 000 francs.
la concierge, à qui fut
remis
le pli
renfermant cette
y eut même à ce
sujet l'intervention bizarre d'un célèbre somnambule.
somme,
résolut de se l'approprier;
il
Sans nouvelle de son argent, inquiète de savoir ce
était
devenu, miss Stirling consulta l'oracle qui
naître que le pli était caché sous
fit
qu'il
con-
un globe de pendule.
C'était vrai, et l'infidèle portière dut restituer le dépôt,
s'excusant avec
oubli. L'état
humeur de
ce qu'elle appela
du malade ne laissait plus
d'espoir.
un simple
Au milieu
de septembre une consultation de médecins dénonçait
péril; la famille fut
me
M
prévenue
et la
sœur de Chopin,
Louise Jedrzejewicz accourut en
au chevet du malade avec
Chopin
fut
le fidèle
ramené de nouveau dans
le
et
le
hâte,
s'installa
bon Gutmann.
centre de Paris,
FREDERIC CHOPIN
68
place
Vendôme,
n° 12.
Dans
de visiteurs se pressait tout
le
le
salon une foule d'amis et
jour, anxieux d'avoir des
nouvelles, mais, seuls, quelquesintimes pénétraient dans
la
chambre où
veillaient jour et nuit la princesse
Mar-
Gutmann, et Louise qui gardait à
demeure dans ses mains la pauvre main décharnée de son
malheureux frère. C'était l'agonie lente des phtisiques
celine Czartorywska,
sans fièvre, sans délire, en pleine connaissance.
.
.
Informée
de ce qui passait, la comtesse Potocka, qui se trouvait à
Nice, arriva à temps.
le
A
sa vue
un
éclair de joie illumina
visage du moribond; d'une voix éteinte, affreusement
chuchota quelques paroles de bienvenue
changée,
il
demanda
à la visiteuse de chanter.
en hâte dans
la
chambre
indicible émotion, les
divinement un
et la
Le piano
et
fut roulé
comtesse, en proie à une
yeux pleins de larmes, chanta
air de la Béatrice di
Tenda, de Bellini
1
.
Le peintre Barrias a reproduit cette scène inoubliable.
Le lendemain, 16 octobre, Chopin se confessa à l'abbé
Jelowicki, il communia, adressa encore quelques mots
aux amis rassemblés près du lit, aux Gavard, à Fran-
chomme,
à la princesse Marceline... et le 17, à quatre
heures du matin,
bras pour
présenter à boire,
lui
faiblement
:
comme Gutmann
«
Cher ami
!
»
il
le
soulevait dans ses
expira, en
murmurant
Quelques heures après, Clé-
singer prenait l'empreinte de ce visage déjà rasséréné
par la mort
et
qui retrouvait
une beauté juvénile. Le
D'après certains témoins, suivant Franchomme, c'aurait été un
Marcello, ou un air de Pergolèse, ou encore l'hymne bien
connu de Stradella.
1
Psaume de
FREDERIC CHOPIN
peintre
Kwiatkowski
69
aussi une très belle esquisse.
fit
Les funérailles de Chopin ne furent célébrées que le
30 octobre, les détails de la cérémonie que Ton voulait
digne du grand artiste exigèrent l'accomplissement de
nombreuses formalités. Le service eut
la Madeleine,
Giraud,
M
mes
et Castellan,
Dupont, placés derrière
l'autel
et
grande draperie noire, exécutèrent
(préludes en
et
mi mineur
et si
Franchomme
Grandiose apothéose
et
dissimulés par une
Requiem de Mozart;
!
que
et
suivi d'une
file
le
le
Et,
les
prince Czartorywski, Dela-
malgré nous, tandis que reten-
marche funèbre orchestrée par
cortège
va grandissant sans cesse,
interminable d'équipages, nous songeons
sans un ami, seul par
tombe glacée
quand
le froid
un parent,
pénétrant, par la neige
!...
La tombe de Chopin
« jeta, dit le
corps
dont
le corbillard
à Mozart, à cet enterrement de pauvre, sans
Bellini et
le
Gutmann, marchait Meyerbeer.
tissent les accents de la
qui
et Alexis
une foule considérable accompagna
cordons étaient tenus par
Reber,
le
Lablache
mineur). L'assistance était
jusqu'au Père-Lachaise. Derrière
croix,
l'église de
Lefébure-Wély joua deux préludes du défunt
à l'orgue
énorme
en
du Conservatoire dirigé par
l'orchestre
Viardot
lieu
le
fut
creusée à côté de celle de
corps y fut descendu, une main amie
comte Wodzinski, sur
cette terre natale qu'il avait
la bière
emportée avec
un peu de
lui,
il
y avait
de cela près de vingt ans, en souvenir de la patrie
absente, et l'on rendit à la patrie le
l'avait
aimée d'un
si
ardent et
si
cœur d'un
tenace amour.
fils
»
qui
FREDERIC CHOPIN
70
II
Gracieuse, d'une grâce toute féminine, délicate et
comme
gile
la
fra-
première fleur d'un printemps précoce,
souriante dans sa tristesse et triste dans son sourire, la
phrase mélodique de Chopin a une expression très par-
Les classiques ont ignoré
ticulière qui ne peut s'oublier.
cette sensation, les
ils
ils
l'ont
dépassée
modernes l'ont recherchée avidement,
même, mais en voulant
aller plus loin,
n'ont plus retrouvé ce qui en faisait la délicatesse
profonde
et
exquise, presque insaisissable.
La phrase mélodique de Chopin venait
Elle
resplendit au déclin
de
classique,
l'art
une lueur merveilleuse, dans un beau
rayon de rêve,
fugitif,
la
ciel
comme
couchant,
qui sera sans lendemain.
Les mélodies de Chopin
sifs; le
à son heure.
offrent plusieurs types expres-
plus caractéristique de tous, celui qui constitue
mélodie
«
à la
parfois excessif.
Chopin
On
d'un charme extrême,
» est
désirerait çàet là des contours plus
fermes, des arêtes plus vives
mais dans ces chairs ado-
;
lescentes et molles, dans ces traits que l'âge n'a pas
encore accentués, quelle grâce séduisante, quelle poésie
émouvante en Féclosion de
La phrase
comme
le
la
est longue, elle a
sentiment dont
ampleur, par ses incidentes,
véritable
vingtième année
du
elle
souffle, elle grandit
est
l'écho.
elle diffère
thème symphonique,
!
bref,
Par son
absolument du
concentré en
lui-
même
FREDERIC CHOPIN
71
et qui a toute sa valeur, toute
son énergie ryth-
mique en quelques notes.
Les cadences féminines abondent. Sur ces terminaisons des groupes sonores se place
Chopin
« à la
»,
le
fameux ornement
tantôt le grupetto classique, la fiori-
ture du bel canto italien, tantôt une broderie
plus étendue, qui
s'élance librement, capricieusement,
avec l'apparence d'une improvisation
dentelle sera jetée sur le
groupe
même
1
.
comme un
dans sa forme
A l'intérieur du
cette
elle laissera
c'est
alors
comme une
groupe mélodique, pris
initiale et simple, des
courbes revêtent
le
caractère de forme ornementale, mais ralentie,
non ad libitum. Et lorsque ce groupe, débupar une note haute, s'infléchit pour remonter plus
mesurée
tant
et
geste plus doux, plus persuasif,
longue caresse.
même
Parfois,
dont
peine deviner les notes principales,
à
beaucoup
et
ou moins brusquement vers son point de départ,
résulte
une descente
puis une
lente,
une symétrie réalisée avec des vitesses
il
en
montée rapide,
différentes.
Ces
formes sinueuses, ces mouvements équivalents, équilibrés, éveillent
en nous quelque idée vague de
et c'est effectivement la
danse qui
la
les a inspirés.
danse
La
len-
teur de leur allure, la longueur de la phrase où les parties
Remarquons que la note finale dans ces terminaisons est souvent
une note aiguë, amenée ou non par un trait ornemental.
Exemples ut # grave montant à l'octave ut# par /a# la% ré % ut%
(terminaison du premier groupe au début du nocturne en /a# majeur).
ut montant d'une septième et s'infléchissant légèrement, ut si\> la\>
(terminaison du premier groupe du motif de la Marche funèbre, en ré
majeur
fa sot fa mi ré\> ut si la b).
Etc., etc..
1
:
—
\>
\>
\>
\)
FREDERIC CHOPIN
72
similaires sont plus
espacées
et
moins apparentes que
morceaux de danse proprements dits, quelques autres artifices relatifs au rythme et aux harmodans
les
nies,
effacent l'impression
d'une danse réelle et don-
nent un caractère de pantomime idéale
Mais bientôt
s'élargit; des
sions
le
geste, resté
calme
et
mystérieuse.
jusqu'ici, s'anime,
groupes de notes s'organisent en progreslibrement modulées.
ascendantes,
semble une mélodie vocale
:
La mélodie
une voix qui
c'est
inter-
vient et qui chante. Les notes, empruntées à un registre
de plus en plus aigu, se répètent; les appogiatures, les
accents se multiplient sur chaque temps ou
une partie de temps
clure,
mais
elle refait
et
elle
;
la
même
sur
voix s'infléchit alors, paraît con-
remonte encore,
— ou à peu près —
ne s'arrête qu'à bout de
le
elle insiste à
nouveau,
chemin déjà parcouru,
souffle, épuisée. Cette
envolée
lyrique, n'est-ce pas celle du poète qui, peu à peu se
grise de
celle
mots,
de gestes emphatiques
du comédien
?
N'est-ce
pas
dans l'exaltation du
qui, lui aussi,
jeu et de la scène, semble grisé par
le
son de sa voix,
par ses intonations tantôt basses, tantôt élevées? Ces
mouvements passionnés,
réalisent instinctivement
délirants,
avec
que
les
Italiens
leurs voix chaudes et
sonores, qui se retrouvent dans tous les opéras, dans
drame lyrique moderne, même dans
cette
mélodie
annoncée
et
agrandie,
cette
sans cesse retardée,
des classiques qui, à la
fin
le
drame wagnérien,
conclusion
si
le
toujours
différente de celle
des phrases, saluaient modes-
tement, cérémonieusement, toutes ces formes nouvelles,
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S
*
FREDERIC CHOPIN
théâtrales,
dans
Chopin
fut
pure musique.
la
évitant, atténuant
formule.
le côté
75
un des premiers à
le fît
Il
avec
tact,
employer
les
avec mesure,
— tout au moins, — l'aspect
Il
factice et
pratiqua merveilleusement Fart des
préparations qui amèneront dans la phrase cette poussée
lyrique. Grâce à ces transitions insensibles, l'introduc-
des procédés de la musique italienne, d'ailleurs
tion
sensiblement modifiés, ne produit pas un
et
nous constatons une
fois
de plus,
ici,
effet
disparate
combien
l'artiste
lui-même, compositeur ou exécutant.
est semblable à
Tout s'enchaînait dans l'admirable legato de son jeu, tout
s'enchaîne dans la composition de la phrase mélodique,
par
soin qu'il prend de relier toutes les parties, de
le
rattacher
à
l'un
l'autre,
groupes sonores.
On
dans
progressions,
les
dirait tantôt
d'un
fil
ténu,
léger, tantôt d'un lien plus fort, résistant, d'une
de
chaînons
constitués
par des
les
très
série
accords étroitement
serrés.
Dans
sans
ce type mélodique qui se rapproche du théâtre
aller
jusqu'au drame
réside encore,
comme
dans
véritable, l'effet expressif
la
musique de danse, beau-
coup plus dans Y eurythmie des formes que dans ces
formes
mêmes
;
il
est
obtenu beaucoup moins par
le
choix instinctif ou volontaire des intervalles qui ont,
par exemple, un rôle émotif
wagnériens, que par
courbes
de
la
le
si
important dans
balancement
mélodie que
les
thèmes
et l'équilibre
souligne
la
des
monotonie
systématique des formes accompagnantes. Les
mêmes
tendances se manifestent dans l'emploi de l'écriture chro-
FREDERIC CHOPIN
76
matique dont Chopin,
comme Wagner,
usa très fréquem-
ment. Le chromatisme chez Wagner, représente presque
toujours la difficulté de
vaincre
et
qui reste insurmontable
dramatique,
dans
la
l'effort, l'arrêt
il
un élément
est
comme dans Tristan; l'écriture chromatique,
musique de Chopin, a surtout un but pianistique,
deux groupes mélodiques, un
c'est le conduit qui relie
trait
,
devant l'obstacle à
de virtuosité pure,
le
moyen
de donner à une mélo-
légèreté et de mobilité. C'est
die plus d'élan, plus de
aussi
un
saisi
dans de plus petites nuances; ce pourra être éga-
artifice élégant,
lement l'écho
un geste
se faisant plus raffiné,
douce
et résignée,
d'un
Nous sommes donc en présence de conceptions
d'art
d'une
plainte
accent douloureux.
distinctes,
si
elles
ne sont pas opposées; alors que
la
conception wagnérienne est d'un réalisme poétique très
saisissant, celle de
Chopin
se plaît
au vague,
elle flotte
entre le rêve et la passion, elle va volontiers vers les sou-
un instant ranimés pour retomber bientôt
néantdécevant des choses. Elle associera doncaux
venirs du passé
dans
le
formes rêveuses de l'Allemagne
l'Italie,
où
de l'acte
momentané donne l'illusion de
volontaire. Extrêmement féminine,
les
supercheries de la femme,
quand
elle
elle
ne
en a
les
de Chopin
se lamente, sa tristesse,
pareille à
d'une jeune veuve, ne lui
est jolie.
elle
la force,
Quand la mélodie
petites roueries innocentes.
celle
formes passionnées de
l'effort
dédaigne pas
pleure,
les
Les couleurs sombres
fait
pas oublier qu'elle
lui siéent infiniment et
son deuil aime à s'entourer de broderies, de dentelles
FREDERIC CHOPIN
77
Nous aimons mieux la douleur plus simple,
moins habillée ou moins parée. Chopin lui-
et de bijoux.
plus crue,
même
nous donnera
cette
impression clans certaines
œuvre dans les études, les scherzos, dans
ébauches, quand il ne fignole pas le morceau, quand
parties de son
les
il
n'écrit pas
pour
le
public distingué, pour les belles
dames qui sont son auditoire préféré, en un mot, pour
le dire crûment, quand il n'a pas mis ses gants blancs
sa cravate de cérémonie.
et
En
ces
esquisses d'une
valeur plus haute que les longs morceaux, Chopin
véritablement du grand
si
même
il
ne
art,
il
se
fait
rapproche des maîtres,
les égale pas.
III
Très différent de l'accompagnement de l'école classique,
la
qui,
établi
à plusieurs parties réelles,
fait
de
mélodie un contour extérieur, une partie dans un
ensemble de mouvements combinés entre eux
certains
l'image
reproduisent, par
même
le
—
et
procédé des imitations,
de cette mélodie, directe ou renversée,
l'accompagnement de
la
ou descendent librement sur
un milieu amorphe d'où
celle d'un
—
phrase mélodique de Chopin,
réalisé par des accords, des arpèges qui oscillent,
tent
dont
mon-
l'échelle sonore, est
s'élève, isolée,
une voix
improvisateur habile et inspiré. Par
idéale,
le
choix
de ces accords, par leur disposition surtout, de ce simple
accompagnement
se
dégage une atmosphère harmo-
FRÉDÉRIC CHOPIN
78
nique qui
insaisissable,
flotte,
autour de
la
ou moins dense, l'enveloppe
qui, légère, plus
mélodie,
et la
pénètre
tout entière. Tantôt elle est transparente et limpide,
sant, ainsi qu'un ciel clair, surgir à nos
yeux tous
fai-
les
détails, toutes les sinuosités de l'horizon, tantôt elle se
voile,
s'embrume, avec de
belles éclaircies, traversées
soudain de rayons qui semblent avoir emprunté aux couleurs du prisme leur vivacité et leur irisation. Chopin
s'entend admirablement à distribuer ces jeux de lumière,
à en varier les effets, à les graduer et nous pouvons
nous demander
musique
si
n'est pas
l'impression que nous produit sa
due plus à ce milieu harmonique
qu'à la mélodie elle-même. Cette impression, d'ailleurs,
— abstraction
de quelques compositions médiocres,
— nous retrouvons dans toutes parties de l'œuvre,
faite
les
la
indépendamment des
il
s'est servi et
il
mélodiques dont
dont nous avons analysé dans
graphes précédents
De même
différents types
le
les para-
plus caractéristique de tous.
qu'il n'est
pas
le
n'est pas l'harmoniste des
poète des grands poèmes,
grands espaces.
Il
n'a pas
— peut-être faudrait-il excepter
quelques passages des
scherzos, d'envergure plus large
—
tions
les
qui font pressentir l'arrivée ou
tonalité,
il
n'a pas davantage ces
moniques où
la tonalité
de parenthèses
vénienne
et qui
si
le
retour d'une
intercalations » har-
régnante est suspendue, sorte
fréquentes dans la symphonie beetho-
dans
le
drame wagnérien vont prendre
des proportions colossales.
l'invention
«
longues prépara-
C'est dans les détails que
harmonique de Chopin
est la plus féconde.
FREDERIC CHOPIN
Non seulement
il
évite,
en mariant
79
accords d'une
les
tonalité, les alternances vulgaires, banales, les formules
ressassées des habituelles cadences, mais
en valeur
telle
il
sait
mettre
note de la mélodie, souligner un accent
par des rapports nouveaux, des associations librement
formées qui feront çà
et là des taches
Toutes ces trouvailles originales, à
c'est
sombres ou
lui
bien personnelles,
son merveilleux instinct d'harmoniste qui les
a suggérées, et cet instinct s'est développé
moins par
tact
claires.
les
enseignements de
l'école
lui
beaucoup
que par
le
con-
de la musique hongroise et tchèque qui ont une
remarquable allure harmonique. Chopin s'en
est tou-
jours souvenu, a toujours subi cette influence. Ouvrier
habile, n'ayant pas d'outils appropriés,
naisons
s'il
est
et se fabrique ainsi
pure
1
,
et
fait
des combi-
son propre matériel. Mais,
un harmoniste audacieux,
très nette et très
il
il
conserve une écriture
ne tombe jamais, sous pré-
texte de profondeur, dans l'obscur et l'incompréhensible.
Les modulations sont fréquentes
;
mais se
fût-il
égaré
en chemin, son inspiration Feût-elle conduit très loin,
1
Matériellement cette écriture est très souvent défectueuse et compliquée à plaisir. Chopin choisissait de préférence les tonalités chargées
de dièzes ou de bémols qui lui semblaient plus expressives et parce que
les touches noires émettent
est-ce une illusion?
des sonorités plus
veloutées, assez différentes des autres; mais, dans lé courant des modulations, son amour pour les dièzes ou les bémols l'entraîne à s'en servir
enharmoniquement pour les tonalités qui en comptent le moins ou
même pas du tout. Figurer les accords de si bémol majeur ou d'ut
majeur au moyen de Za# utXmift, ou si# re'X faX, c'est jouer à un
petit jeu de rébus. Cette coquetterie de ne pas écrire comme tout le
monde rappelle celle des écrivains à la poursuite constante des mots
bizarres ou baroques. Il y a dans cette musique assez de difficultés pour
qu'on n'y ajoute pas celle de la lecture.
—
—
FREDERIC CHOPIN
80
beaucoup trop
loin,
il
revient au ton
route ordinaire, longue, aux
un
nombreux
sentier rapide, escarpé,
connaît et qui
mène
initial,
non par
la
détours, mais par
une traverse que
lui
droit au but. Ici encore,
seul
comme
dans sa mélodie, point de spécialisation expressive; les
modulations sont principalement un élément de variété,
l'occasion de présenter
diversifiées,
un thème avec des couleurs
chatoyantes, sous des aspects
différents,
lumineux ou assombris, mais assez souvent
elles
amè-
nent dans une œuvre quelque peu étendue des longueurs
inutiles
en substituant à un développement véritable
la
répétition pure et simple, en d'autres tonalités, de certains passages
Par
la
ou
même
de pages entières.
connaissance parfaite
qu'il a
des ressources
harmoniques, par sa compréhension instinctive
éléments dissonants
un nouveau système
tôt,
et
de leur rôle, Chopin inaugura
d'écriture.
Wagner
qui donnera à ce système toute
faisant
de
des
ces combinaisons
viendra bien-
son ampleur, en
dissonantes
courant du discours musical, où
le
principe
la mobilité est ainsi plus
accentuée, la sonorité plus riche, plus pleine, et plus
égale. Chopin, en cela, est donc
Ton en
doutait,
publiait de
il
suffirait
de
un précurseur,
lire ce
—
si
qui se jouait et se
son temps. Ces nouveautés, ces licences
contre la règle ne furent pas admises du premier coup.
Schumann, malgré son admiration constante, déclare
certaine suite d'accords sauvage et arbitraire, Moscheles
qualifie de
tard
il
barbares ces modulations audacieuses. Plus
changera d'avis. Plus tard aussi presque tous les
13
On
3
sa.
s
o
=3
S
FREDERIC CHOPIN
83
musiciens s'engageront dans la voie que
maître a
le
ouverte, et qui sera continuée, agrandie. Mais où per-
sonne ne Fa dépassé,
dans
les adaptations
pour
le
là
où
il
semble inimitable,
c'est
de cette écriture
qu'il a réalisées
piano.
Les œuvres classiques étaient
le clavecin, les
orchestrale,
mécanisme,
pour l'orgue ou
écrites
sonates de Beethoven avaient une allure
Chopin compose pour
piano dont
le
le
du clavecin, venait
très supérieur à celui
alors de recevoir d'importants perfectionnements, et à
cet égard
nous venons de
un maître
le dire, c'est
écri-
de pure virtuosité. D'autres y
ont brillé au moins autant, sinon plus que lui. Liszt
vain.
Il
ne
pas
s'agit
ici
a plus de puissance,
il
est plus exubérant, plus fou-
gueux, plus fantaisiste. Thalberg, sur
le
piano, se livre
à des exercices qui deviennent de la haute école. Chopin,
beaucoup plus simplement, obtient de l'instrument des
sonorités
merveilleuses, en
nouvelles,
donnant aux
accords l'extension la plus grande possible,
jusqu'à l'extrême limite,
—
soit
— poussée
en frappant
les
notes
plusieurs fois redoublées de l'accord, soit, ce qui est le
moyen
préféré,
en
les
arpégeant successivement. Ce
sont,
en général de longs arpèges, embrassant deux,
trois
octaves, ou
davantage,
la
l'harmonie étant exceptionnelle
On me répondra que
de
même
bien
— la
artistes le
Liszt,
position serrée dans
et
ne persistant pas.
son contemporain, a
dans sa musique de piano, mais
date de la composition des
prouve
il
fait
semble
œuvres des deux
surabondamment, —
-
que Liszt ne
fut
FREDERIC CHOPIN
84
En
qu'un imitateur.
outre Liszt, avec ses mains puis-
santes, transportait des
montagnes, entassait Pélion sur
Ossa, lançait des masses énormes à l'assaut de la mélodie
l'accompagnement
;
fin et délicat
de Chopin ne vise
jamais à ce fracas pianistique. Chopin y reproduit, en
l'interprétant largement et librement, la disposition de
la série naturelle des
sons harmoniques émanés d'un son
grave fondamental demeurant
effet,
le
son dominant
cherché instinctivement par
paraîtrait
complètement dans
le
le bruit,
or cet
:
compositeur, dis-
dans
le
tapage de
toutes les notes frappées lourdement ou violemment.
— bien que
l'exécution, — paraît
Schumann
qu'à
le
passage suivant
n'ait trait
avoir eu l'intuition de ce
caractère, lorsqu'il écrit dans ses Daoidsbùndler
«
:
Qu'on imagine une harpe éolienne qui aurait toute
l'échelle des sons et
que
la
main d'un
artiste jette ces
sons pêle-mêle en toutes sortes d'arabesques fantastiques, de façon que toujours
damental grave
et
on entende un son fon-
une délicate note haute continue...
on aura une idée de l'incomparable virtuose.
Schumann ne
aperçu que
»
parle que du jeu de l'artiste. S'est-il
le secret
et très sobres était
de ces sonorités à la
fois très riches
dans l'œuvre même, que
le
désordre
de ces sons pêle-mêle, de ces arabesques n'était qu'ap-
parent? A-t-il
compris
que l'extension de
la
forme
accompagnante correspondait à l'extension, parfois
grande, de la forme mélodique, remplie de
de gammes,
réalisait
—
et qu'ainsi
très
traits
et
l'ensemble de la sonorité se
dans un parfait équilibre
?
FREDERIC CHOPIN
Le piano de Chopin, joué non
85
Chopin
à la
«
»,
mais
par Chopin lui-même, montrait à travers la pluie d'étoiles
firmament bleu
le
et
obscur, Finfini profond et grave
une plénitude qui
avait
se
;
il
rapprochait de celle d'un
orchestre entier. Aussi nous comprenons, malgré l'exa-
gération de certaines idées ou Fextravagance de cer-
que George Sand
taines épithètes,
lignes suivantes, citées très souvent
ce
Le génie de Chopin
d'émotion qui
et
a
ait existé. Il
saxophone,
ni
a su résumer en dix
immense, des drames d'une énergie
pour donner
riels
passer à un seul
n'a jamais eu besoin de grands
Il
sentiment
enfant pouvait jouer des poèmes d'une
lignes qu'un
égale.
fait
il
écrire les
:
est le plus plein de
instrument la langue de Finfini,
élévation
pu
ait
le
mot de son
ni ophicléide
—
génie.
(ceci à
sans
moyens maté-
Il
ne
lui a fallu
Fadresse de Ber-
— pour remplir l'âme de terreur, ni
orgues d'église —
maintenant à Meyerbeer), — pour
lioz,
apparemment),
(et
la
remplir de
et
il
ne
l'est
progrès dans
foi et
d'enthousiasme.
Il
pas encore de la foule.
le
goût
et l'intelligence
n'a pas été
Il
connu
faut de grands
de Fart pour que
œuvres deviennent populaires. Un jour viendra où
l'on orchestrera sa musique sans rien changer à sa parses
tition
de piano, et où tout
le
monde saura que
ce génie
aussi vaste, aussi complet, aussi savant que celui des
plus grands maîtres qu'il s'était assimilés, a gardé une
individualité encore plus
exquise que celle de Bach,
encore plus puissante que celle de Beethoven, encore
plus dramatique que celle de
Weber.
Il
est tous
les
FREDERIC CHOPIN
86
trois
ensemble
et
il
est encore
lui-même, c'est-à-dire plus
délicat dans le goût, plus austère
dans
le
grand, plus
déchirant dans la douleur. Mozart seul lui est supérieur,
parce que Mozart a en plus
conséquent
la plénitude
Appréciation
le
calme de
de la vie.
surtout
la santé,
par
»
littéraire,
musicalement peu
fondée, et sous bien des rapports peu exacte. Transportée
telle quelle
à l'orchestre
mélodie
un arpège
et
aussi pauvre
que
la
i
la
,
musique de Chopin
— produirait un
musique de
— une
effet
aussi terne,
Bellini.
Les belles
harmoniques y seraient perdues, dispersées
comme un amas de feuilles que le vent d'ouest vient
trouvailles
balayer
;
ce ne serait plus de la musique, mais de la
poussière musicale. Seul
le
piano, avec son
immense
clavier et sa parfaite égalité de timbre, peut se prêter à
la réalisation
et
de ces combinaisons, produire une grande
puissante impression harmonique et donner la sen-
sation,
comme on
l'a
déjà
dit, je
crois, d'une pluie de
perles tombant sur un plateau de cristal.
IV
Les formes musicales qui viennent
imparfaitement, d'ailleurs,
— en
d'être esquissées,
pareille matière
il
est
1
L'essai de M. Giacomo Orefice, Chopin, opéra en quatre actes, poème
de Angeolo Orvieto, composé entièrement sur des mélodies de l'artiste,
est tout à fait significatif à cet égard. Si, aux représentations qui
eurent lieu à Paris en 1905, quelques passages furent chaleureusement
applaudis, cette musique, dans son ensemble, parut, en général, tout à
fait impropre à exprimer le drame et ses évolutions, comme à fournir
une matière orchestrale suffisante.
FRÉDÉRIC CHOPIN
difficile d'être clair et
trop techniques,
œuvres;
— sont celles
tomber dans des détails
de la majeure partie des
sont très manifestes dans certaines, notam-
elles
ment dans
précis sans
87
les
Nocturnes.
Les Nocturnes de Chopin ont eu une vogue énorme
parmi ses compositions
il
;
en est peu qui aient contribué
autant à sa gloire, indiqué plus nettement ses tendances,
mieux accusé son
style et fait
dans
les salons
une plus
rapide et plus brillante fortune. Tous les amateurs ont
entendu jouer ou ont joué eux-mêmes ces morceaux
délicats,
charmants, d'une aimable mélancolie, élégies
gracieuses où chantent les vers du poète
:
Mais la tendre élégie et sa grâce touchante
M'ont séduit; l'élégie, à la voix gémissante,
Au
ris
Belle,
Bien que
mêlé de pleurs, aux longs cheveux épars.
levant au ciel des humides regards 1 ...
la
composition des Nocturnes se répartisse
sur l'ensemble de la carrière du compositeur,
tous
— à l'exception
air de jeunesse, la
d'éphèbe,
-
—
vingt ans.
et
et des
et
Ils
ils
ont
— même
même grâce touchante — une grâce
de deux ou de trois,
semblent avoir été
le
écrits entre dix-huit
ont défrayé l'imagination des biographes
commentateurs désireux de leur trouver quel-
que sens romantique, quelque interprétation
littéraire.
Là-dessus, Chopin ne s'expliqua jamais, gardant un
secret qui, sans doute, n'existait pas. Plus encore
toute autre, sa
1
musique ne représente-t-elle pas des
André Chénier. Elégie XXXII.
que
états
FRÉDÉRIC CHOPIN
88
émotifs, des étals d'âme antérieurs à l'idée et où celle-ci
ne pourrait apparaître sans en altérer ou rompre
charme
la
et
mystérieuse beauté
régions vagues
et
?
le
Puisée dans les
profondes de la sensibilité, l'inspira-
tion a créé l'image sonore sans intermédiaire, sans passer par l'idée qui l'enfermerait en
une formule beaucoup
trop étroite, et cette image sonore obtenue, le
siteur, qu'il soit
lui
donne
compoChopin, Beethoven ou Schumann, ne
sa forme définitive que par
moins long,
travail libre,
pation que cette forme
un
travail plus
accompli sans autre préoccu-
même.
Le plau du Nocturne de Chopin
extrêmement
est
simple; c'est celui du Nocturne de Field,
date, visiblement imité
une
phrase
unique,
ou
1
,
le
premier en
avec quelques modifications
longue,
quelquefois
suivie
thèmes accessoires ou d'une partie intermédiaire
:
de
très
différente. Mais, le plus souvent, cette partie accessoire
prend
le
caractère d'un récitatif instrumental, libre,
modulant, comparable à une déclamation vocale,
avec toute l'extension que
la
traitée
musique de piano peut
comporter. Ce procédé qui tranche avec
par son allure agitée, violente même,
et
la
mélodie
que Chopin
emploiera volontiers dans beaucoup d'autres œuvres,
Même système d'accompagnement en général, même recherche des
broderies et des fioritures, avec beaucoup moins d'invention chez
Field il y a même dans les formes mélodiques des premiers nocturnes
de Chopin (par exemple le célèbre nocturne en mi bémol) des analogies
frappantes avec ceux de Field. Mais la mélodie de Field ne s'écarte pas
du type classique dans son développement et dans ses cadences; l'harmonisation en est le plus souvent peu remarquable.
1
;
î
1
a
<2
<
ce
s-
a
^
5
FREDERIC CHOPIN
fréquemment
constitue
belle
la partie la plus
du morceau. Citons seulement
Nocturne
(op.
une modalité
mineur
n°
15,
très
1)
à
neuve, la plus
du
ici « le récitatif »
en fa majeur, dont
le
motif a
allemande, celui du Nocturne en fa
(op. 48, n° 2) qui,
tiles, atteint
91
malgré des répétitions inu-
une ampleur presque beethovénienne. Dans
ce recueil de dix-huit Nocturnes
diversifiées par des
nuances
1
les élégies
très fines, qui
dominent,
vont
s'éle-
vant jusqu'à une véritable grandeur (nocturne en ut
mineur, op. 27, n°
1,
pièce maîtresse du recueil)
ques autres accents s'y rencontrent.
une
sistant de la basse indique, en
flux et le reflux d'une barcarolle
ment
de
la
enlacées
chaque note portant accord,
colique
quel-
;
un arpège per-
tonalité claire
que
3
.
;
là,
2
,
le
suit capricieuse-
et
un chant
d'église
—
— succède au motif mélan-
d'une mazurka interrompue
sur une longue
Ce caractère religieux se retrouve çà
Nocturne en ut mineur (op. 48, n°
reux
Ici
#
mélodie, formée de deux voix idéales, deux voix
femme étroitement
tenue
#
1),
et là.
Le
au début doulou-
sombre, contient un véritable hymne, enthou-
siaste, triomphal,
lourdement
établi sur
accompagné
d'immenses accords,
ensuite,
—
très
cas est très
le
rare chez le compositeur. Mais en général Chopin se
montre peu inventif
de prière
;
Lamartine,
et
peu original dans
thèmes
son lyrisme n'a pas la religiosité de celui de
et
devant
le
grand
problème de
1
Dix-neuf, en y comprenant celui qui ne porte pas de
2
En
En
3
les
sol
majeur
(op. 37, n° 2).
sol
mineur
(op.
15,
n°
3).
la
fin
numéro d'œuvre.
FREDERIC CHOPIN
92
humaine
de la vie future, c'est l'épouvante qui l'em-
et
porte.
Les Impromptus peuvent aisément
Nocturnes; leurs éléments sont
les
être rapprochés des
mêmes, dans un ordre
morceau débute par une phrase rythmique
qui encadre le thème sentimental de ses traits brillants,
inverse
:
le
Le plus célèbre
assez difficiles et de vive allure.
Impromptus
plus joué de ces
impromptu,
et le
(op. 66), intitulé Fantaisie-
mort de Chopin
fut publié après la
son
;
chant très doux, très pénétrant, est d'un sentiment poétique très analogue à celui du thème de la
Dans
deuxième Impromptu,
le
à la basse,
comme
la
mélodie est transportée
contiée à
si elle était
disposition dont on trouve de
marche funèbre.
un
violoncelle
:
nombreux exemples dans
l'œuvre du musicien qui avait pour cet instrument une
prédilection toute spéciale.
Si
Chopin emprunta à Field
le
Nocturne,
morceau de salon
teur d'un autre
chanson
Le plan des Ballades, basé sur
deux thèmes,
nocturnes
est
:
de la
et
l'alternance de
beaucoup plus étendu que
et tout s'y
quatre Ballades
fut le créa-
très apprécié naguère,
la Ballade, qui participe à la fois de la
danse.
il
celui des
développe en proportion.
Il
y a
toutes quatre furent inspirées, paraît-il,
par les poèmes de Mickiewicz
;
très différentes les
unes
des autres, elles n'ont, dit Ehlert, que « deux points
communs,
le
romantisme de leur développement
et la
On regarde généralement la
comme la plus belle et même
noblesse de leurs thèmes».
première, en sol mineur,
comme un
des plus beaux morceaux de piano qui aient
FREDERIC CHOPIN
été
jamais
93
Rubinstein jouait volontiers la seconde
écrits.
en fa mineur, « fleur sauvage, enlevée et caressée par
un coup de vent »... Il nous semble, au début, entendre
des paysans qui chantent en chœur, en passant sur la
quelque antique légende;
route,
comme une
qui survient
le
rafale, est
mouvement agité,
fort beau. Nous ne
saurions en dire autant, malgré ses succès mondains et
un début heureux, de
la
Ballade suivante, en la bémol;
son second thème est un motif vulgaire de danse, un air
de ballet qui
penser à un théâtre de marionnettes
fait
morceau trop voisin de
Liszt
dit, très
musique de salon, dont
cette
justement, qu'elle ne demande à ses audi-
teurs distraits
aucun
sacrifice de leurs petites préoccu-
pations mesquines, musique pour les gens du
dont, en
fait
:
de poésie
comme en fait
d'art, « les
s'inhalent en quelques minutes, s'épuisent en
monde
émotions
une
soirée,
s'oublient le lendemain. »
La quatrième
plutôt
à
Ballade, en fa mineur, qui ressemble
une barcarolle,
au contraire absolument
est
remarquable par l'invention des motifs
—
le
de la première phrase a une grâce exquise,
final
manière dont
et les
ils
groupe
— par la
sont traités, par l'écriture barmonique
modulations.
Dans un genre
très voisin,
Chopin
écrivit
quelques
compositions, également d'une exécution très
autres
difficile.
Le Boléro
tion
a peu d'originalité et point de couleur locale.
:
il
(op. 19)
ne retiendra pas notre atten-
La
Barcarolle (op. 60) est jolie; un dessin persistant à la
basse indique
et
maintient
le
caractère du morceau.
FREDERIC CHOPIN
94
Tausig y voit une scène d'amour dans une gondole discrète. En quelque lieu que se passe cette « discrète »
aventure, la musique est très italienne, empreinte de cette
Italie «
vers laquelle,
Chopin
s'inclinait
comme
le
remarquait Schumann,
peu à peu par-dessus l'Allemagne.
»
— celui en la majeur
Un
des thèmes de cette barcarolle
—
d'un caractère tout différent, rappelle en ses pre-
mières notes
La
le
début de la Rapsodie norvégienne de Lalo.
plus curieuse de ces diverses compositions est sans
contredit la Berceuse (op. 57), une des dernières
sitions
du maître
et
qu'on pourrait regarder
l'apothéose de l'ornementation. C'est
un
petit
compo-
comme
poème
musical, exquis jusque dans son extraordinaire préciosité.
Le mouvement monotone du berceau y
par une seule mesure à la basse
péroraison
et
—
et
où
—
est représenté
répétée jusqu'à la
se balancent les accords de tonique
de dominante sur un rythme uniforme. L'enfant s'en-
dort...
une main prévoyante, pour
cheur du
soir,
le
garantir de la fraî-
recouvre son visage de voiles légers
délicats qui laissent entrevoir ses traits et
de
fée
ont
brodés merveilleusement.
endormi... et à travers les dentelles, un
tées,
nous apercevons
Tout cela
le
et
que des doigts
L'enfant
s'est
moment
écar-
sommeil adorable du mignon.
est bien précieux, trop précieux
pour de
la
grande musique, mais aussi, au sens propre du terme,
tout cela est précieux à la façon d'un objet d'art finement
ciselé,
Il
de
d'un bijou
serti
par
le
plus habile ouvrier.
y a également beaucoup de
piano dans la Tarentelle
«
bravoure
(op.
43)
»,
beaucoup
en la bémol,
FREDERIC CHOPIN
95
visiblement inspirée du style de Rossini; mais les bru-
meuses modulations qui l'enveloppent n'y laissent pas
percer le moindre rayon de soleil. Le génie de Chopin
n'est pas là; il cesse d'être lui-même en empruntant à
autrui.
Y
Voici des accents plus mâles et plus
fiers,
un
art qui
n'est plus l'élégie « à la voix gémissante »,nila fantaisie
de salon, mais presque de l'épopée
:
il
s'agit des polo-
naises.
L'origine de la polonaise est obscure et controversée;
son rythme actuel
1
n'est pas très ancien et ne paraît pas
remonter au delà de Bach qui s'en
trois
temps exprimés en croches, ses deux doubles pré-
cédant
tion
est servi; avec ses
le
deuxième temps,
il
semble
soit la
d'une danse populaire à deux temps,
transforma-
comme
la
krakoviak, soit une mazurka dégénérée, rendue pesante
et disgracieuse.
C'est
une danse masculine, danse de
bottes frappant le sol, détaillant la mesure, alors que la
svelte et féminine
grâce.
mazurka
Nous savons
encore dans
marche,
les
glisse avec légèreté et avec
d'ailleurs
que
la polonaise, usitée
pays du Nord, devint en
— marche de cour ou de
fête
réalité
une
par laquelle s'ou-
vraient les bals et les grandes réceptions de la noblesse
1
Voir à ce sujet une intéressante étude de M. Adolf Lindgren, Contribution à V histoire de la polonaise, dans le volume du Congrès international d'histoire de la musique de 1900.
FREDERIC CHOPIN
96
polonaise, cortège magnifique où, à travers les salons
illuminés, une suite de couples défilait, étalant orgueil-
leusement
splendeur des costumes,
la
des pierreries. Cet
rythme de
le
en
la polonaise le
mieux encore par
prit
être la
pompe
ruissellement
écrasante, massive,
rend bien; Chopin
le
com-
les interprétations très libres qu'il
par les variantes
fit,
de
effet
le
y introduisit, et c'est peutseule partie de son œuvre où les représentations
visuelles
s'offrent
précision.
qu'il
avec quelque insistance
quelque
et
impossible d'imaginer quelque chose de
Il est
plus fastueux ou de plus majestueux que la Polonaise en
la
bémol dont
le
début, d'une brillante solennité, est une
marche au rythme serré, aux pas pesants, accentués par
des basses mouvementées et puissantes. Il est impossible de
ne pas éprouver
soudain, sur
le
rythme
le
le frisson
sacré de l'art lorsque
roulement prodigieux des octaves graves,
se transforme, s'agrandit, éclate en
une fan-
y a là quelques moments
d'une émotion saisissante que Chopin ressentit lui-même.
fare d'allure triomphale. Il
On
dit
que,
se dresser
comme
il
il
vit
dans sa chambre tout un cortège de princes,
de magnats, de héros,
intensité,
composait cette polonaise,
une
Kwiatkovski
et
telle réalité
fit
l
'hallucination prit une telle
que
l'artiste s'enfuit.
Le peintre
de cet épisode, vrai ou supposé,
le sujet
de plusieurs compositions. Largement conçues, riches
de plusieurs thèmes, les polonaises ne sont pas seule-
ment des
pièces décoratives, somptueuses, elles ont
un
caractère patriotique, un souffle héroïque qui se retrouve
dans
les types
mélodiques mêmes, plus fermes, moins
H
H
a
<
H
<!
H
«H
H
-*J
M
O
5K
a
ta
-«J
H
H
a
a
a
j
FREDERIC CHOPIN
99
sinueux en leurs contours, vigoureux, d'une écriture
beaucoup plus sobre. La vie y circule plus abondante
ces pages
;
éloquentes parlent de la patrie, disent ce
qu'elle était
aux jours de
gloire, ce qu'elle devint
aux
jours de détresse; elles s'emplissent alors de clameurs
guerrières, d'appels aux armes, de bruits de combats,
auxquels succèdent
la
désespérance de
la défaite,
les
plaintes des blessés, les sanglots des vaincus. Les polo-
naises n'ont pas toutes cet aspect de révolte et de sauvagerie,
comme
celle
une phrase douce
dans
laquelle
mazurka
en ut mineur qui a pour contre-partie
et attristée,
Chopin
délicate avec
comme celle
intercale
un peu
en fa
par
#
mineur
une
contraste
trop d'insistance. Les pre-
miers essais du compositeur se rapprochent davantage
des polonaises nationales ou classiques,
virtuosité
du genre de
celle de
Weber
elles
1
.
ont une
Plus tard
le
rythme convenu s'émancipe, réhabilitant une forme
banale, et la conception de Chopin, dans les marches de
fêle,
sera,
en divers passages,
celle
de Meyerbeer;
elle
rappelle certains ensembles rythmiques des opéras de
celui-ci,
comme Meyerbeer donnera dans
une impression analogue à certaines
son Takseltanz
polonaises
de
Chopin.
Cette habileté de Chopin à manier les rythmes prove-
Polonaise terminant les variations sur le thème de Don Juan Polonaise pour piano et violoncelle (op. 3) souvent exécutée dans les concerts; Polonaise pour piano et orchestre (op. 22)
composée vers 1830
précédée d'un andante spianato, où se trouvent deux thèmes délicieux; ajoutons enfin une œuvre très postérieure, la Fantaisie-polonaise
1
;
—
—
{op. 61),
dont
le
début est charmant.
FREDERIC CHOPIN
400
nant directement ou indirectement de
danse, son
la
esprit inventif, curieux de détails et de nuances, recher-
chant partout
toujours le côté eurythmique de la
et
forme, donne à ses compositions de danse proprement
dites
une valeur
particulière, d'autant plus
grande que
défaut ordinaire à ce genre de musique, la vulgarité,
le
est
évité
soigneusement.
mazurkas, une quinzaine
mazurkas
œuvre
autre.
est à la fois
un
de valses.
Le
des
recueil
folk-lore impersonnel et
individualiste.
très
y a une soixantaine de
Il
C'est
Les éléments en sont
un
pris
une
art greffé sur
dans
les
un
productions
anonymes nationales en possession de son modèle,
Chopin l'idéalise, le commente d'une façon poétique ou
sentimentale, lui donne le cachet de sa propre originalité et en tire un grand nombre de copies. Il eût pu en
;
même type mélodique
indéfiniment, comme l'ont montré
écrire trois, quatre fois plus, le
pouvant se reproduire
Rossini, Bellini et leurs imitateurs.
A
même
raison
de leurs origines, les mazurkas ne
manquèrent pas de
plaire
champion convaincu, comme
infiniment
le
chanteurs^ de l'art populaire.
cachés sous des fleurs,
ennemi
le
ples des mazurkas,
il
savait quel
écrit-if,
à
Schumann,
Hans Sachs des Maîtres
« Ce sont des canons
et si l'autocrate du Nord
menace dans
les
interdirait cette
mélodies
musique.
si
sim»
La
remarque de Schumann s'appliquerait mieux, semblet-il, aux polonaises qu'au rythme souple, fragile et fort
peu dynamique des mazurkas. Celles-ci
amoureuses,
très
rarement gaies,
sont tendres,
tristes le
plus sou-
FRÉDÉRIC CHOPIN
Leur
vent.
allure
101
—
sentimentale a des admirateurs
moins nombreux que
jadis;
mais leur technique
est fort
y a là des documents qui résument
manière mélodique ou harmonique du maître
intéressante
:
il
la
1
.
Chopin ne devait pas moins réussir dans
qui est par excellence le
— où
les accents
la
presto
le
plus rapide.
public, selon son habitude,
meilleures
.
La
la valse
pas
Les
valses de
populaires,
tradition ayant décidé,
n'avait-il
combi-
les
et
ne choisit pas toujours
donné
le
les
pour ces valses,
— Chopin
l'exemple? — on
qu'elles ne doiventpas être jouées en
lui-même
—
possibles, depuis le
immédiatement
Chopin devinrent
2
danse
mesure, où toutes
mouvements sont
naisons, tous les
la
rythme
peuvent se porter successivement sur
chacun des temps de
lento jusqu'au
rythme de
le
mesure
les
comme non dansantes, on oublie sans doute
en serait de même de n'importe quelle musique
regarde
qu'il
rythmée, lorsque
Fexécutant
la
transforme au gré de
son caprice. Plus raffinées encore que les mazurkas dont
elles
ont fréquemment l'allure,
prétentieuses
parfois,
parfumées au musc, relevées d'une pointe d'émotion,
ces valses évoquaient dans l'imagination de
Schumann
l'image d'un bal de marquises ou de comtesses. Elles
semblent parfois, en
effet, le
compte rendu poétique des
Signalons, par exemple, les emprunts très habilement faits à l'art
populaire quant à l'emploi des gammes tonales modifiées, mélodique1
ment ou harmoniquement.
2 Première
valse en mi bémol, banale à force d'avoir été imitée
valse en ré bémol, dite « du Petit chien » qui tourne sur lui-même, et
;
quelques autres.
FREDERIC CHOPIN
102
réceptions du grand monde, avec Jeurs sonorités cha-
toyantes
comme
de
belles
toilettes,
scintillantes
Féclat des lustres ou des diamants; leurs accents
disent quelque
émus
amoureux, discrètement engagé,
flirt
de
1
et
tristement dans les larmes... Presque toutes
qui
finit
ces
valses,
gentleman
Chopin
les
composa
au jour
écrirait
le
à Paris,
comme un
jour son journal mondain
;
cependant quelques-unes datent de Vienne ou d'ailleurs,
et ce
la
ne sont pas les moins bonnes
Valse en
la
que
trante
et
C'était
un de
mineur
(op. 34) d'une mélancolie
morceaux
ses
Téloge semblait au maître
qu'on pûtjamais
de l'œuvre de
citons seulement
péné-
compositeur préférait à toute autre.
le
Et maintenant,
:
le
favoris
;
en parler, en
compliment le plus
faire
flatteur
lui adresser.
il
faut le reconnaître, toute cette partie
Chopin, qu'elle mêle sa langueur
et sa
mélancolie aux grandes ombres de la nuit ou aux bruits
des fêtes, aux sourires d'un bal, à la grâce des soirées
mondaines, est assez uniforme dans son ensemble
dans l'impression qu'elle
fait
naître. Cette
et
monotonie
musicale provient des rythmes choisis presque exclu-
sivement dans
la
rythmique de danse, de
la
manière
avec laquelle se succèdent les thèmes mis bout à bout,
et
aussi
de la monotonie des états d'âme qui y sont
Ce caractère émotif, passionnel, marque une évolution de la musique
de danse qui, jusqu'alors, s'attachait à en traduire fidèlement le côté
voyez Y Invitation à la valse,
purement plastique. Weber
avait fait,
avant Chopin, cette innovation, qui eut beaucoup de succès; il en est
résulté une véritable transformation du genre, il en est résulté aussi que
les rythmes spéciaux et caractéristiques ont, pour certaines danses,
disparu en partie, qu'ils tendent à disparaître de plus en plus.
1
—
—
FREDERIC CHOPIN
103
exprimés, qui se répètent, quels que soient les milieux;
on sent que, pareil au voyageur dont Sénèque parle à
Lucilius, emportant avec lui son
âme
Chopin
attristée,
promène partout dans son œuvre son inguérissable
neurasthénie.
H y
a plus
cette déviation des
:
rythmes
des formes de la danse qui les jette hors de leur
et
voie d'expression simple et naturelle, dont, en poésie,
Baudelaire, Verlaine et d'autres encore ont tant abusé,
peut produire
et
produit réellement un
tique; mais cet effet ne varie guère,
il
après nous avoir séduits tout d'abord,
il
nous lasser
efïet
artis-
est factice,
et
ne tarde pas à
l
.
VI
Les compositions
écrites
— mettons à part
scherzos, — datent presque
ou du rondo
les
dans
la
forme de
la sonate
en
la sonate
si
bémol
et
premières
toutes des
années de jeunesse. Ce sont, bien plutôt que des œuvres
définitives, des essais
dans un genre que Chopin ne par-
vintpas à s'assimiler 2 L'ordonnance classique y est suivie
.
ne faut pas s'en nourrir, mais s'en servir comme d'une essence »,
empruntant la phrase de Pascal comme épiW. de Lenz,
graphe,
en tète de son chapitre sur Chopin, dans les Virtuoses du
Piano, ouvrage déjà cité.
1
« 11
inscrit
—
—
2
Dans l'œuvre de Chopin, il n'y a pas une seule fugue les imitations
sont exceptionnelles, sans développement, sans portée, même dans les
parties traitées classiquement (je signalerai, à titre de curiosité, celles
qui se trouvent dans les mazurkas, ir s 32, 34, 38, édition Breitkopf).
Quant à la grande variation qu'il ne faut pas confondre avec l'air varié,
la Berceuse ne saurait être considérée comme un essai en ce genre, et
;
FREDERIC CHOPIN
104
un peu
à l'aventure, le style, les
ce
matériaux
»
mélo-
diques ne sont pas appropriés. Venues après Beethoven, ces compositions ne manifestent que davantage leur
Beethoven débute par un thème bref qui
insuffisance.
deviendra l'élément principal du développement,
il
crée
tout d'abord une sorte de milieu rythmique et ne
fait
apparaître qu'ensuite la mélodie proprement dite. Chopin
expose immédiatement
nous connaissons,
la
mélodie, la longue phrase que
livre sans réticence et
toute sa pensée; puis
il
du premier coup
passe à un autre thème, com-
blant les vides par des traits brillants, purement pianistiques. Si ingénieuses,
soient
ces combinaisons,
artistement agencées que
leur
défaut capital
de
lien nécessaire avec ce qui précède et ce
suit; elles
pourraient être utilisées n'importe où,
dans un allegro, un rondo, ou un andante
de régler convenablement l'écriture
basses. L'ensemble
une
est
un
n'avoir pas
qui
si
suite de sensations dispersées,
cohésion, offrant
un
«
flottement »
presque désagréable. Dans toutes ces œuvres
de piano, musique de chambre
pourraient être
détachées
suffirait
rythme des
et le
manque donc de
il
:
— musique
— où beaucoup de pages
qui feraient de charmants
nocturnes, les meilleures parties sont les mouvements
lents, là
où
les
longues cantilènes ne se trouvent pas
déplacées.
Parmi
les
rondos, au nombre de quatre,
le
Rondo
Chopin, ainsi que beaucoup d'autres, n'a pas soupçonné les ressources
d'une forme que Beethoven avait employée en ses dernières compositions et qui suscite dans l'art moderne,
M. Vincent d'Indy l'a l'ait
justement remarquer,
un grand nombre de belles œuvres.
—
—
Cliché Moreau.
PORTRAIT DE CHOPIX, PAR EUGENE DELACROIX
(Collection Marmontel).
FREDERIC CHOPIN
Mazur
à la
(o\>
nationaux;
le
5) tire
.
Rondo
107
quelque agrément de ses timbres
à deux pianos,
huit ans, a beaucoup de
charme
— répétons-le, —
composé à dix-
et de grâce.
un peu
mièvre et fort incomplet; le type expressif de Chopin
ne se prête nullement à un travail symphonique
Les compositions pour piano avec accompagnement
Mais
il
n'y a là qu'un art
1
.
d'orchestre
— pièces de concert, concertos, — destinées
aux tournées de
Fartiste, valent surtout par leurs mérites
au
virtuosisme
plat et banal de la plupart des pianistes
de l'époque,
pianistiques.
Infiniment
elles appellent les
cédentes.
mêmes
s'y rencontre
réserves que les œuvres pré-
également de jolis passages, de
nocturnes; des arcs-en-ciel apparaissent à travers
jolis
les
Il
supérieures
ondées sonores. Mais, à vrai
d'art qui n'a
et
tiste
pour but que de
où tout
lui
dire,
dans cette forme
faire briller l'instrumen-
est sacrifié, l'œuvre
elle-même n'a
forcément qu'une importance très secondaire.
La
Fantaisie sur
les airs
polonais
et la
Krakociak sont
de gracieux tableaux de danse très ornés
sur
le
thème de Don Juan
du compositeur,
le
le
morceau
début plein de promesses
— a une belle variation en
qui transporte dans une
byronien
—
;
sombre
forêt,
si
J>
mineur
dans un décor
lumineux thème de Mozart.
Les deux concertos, en fa mineur et en mi mineur,
que Chopin exécutait volontiers, tantôt entièrement,
L'Allégro de concert (op. 46) dans lequel les pianistes concoururent
tout récemment au Conservatoire, premier mouvement d'un troisième
concerto que Chopin, nous l'avons dit, se proposait d'écrire, est un morceau très médiocre, tout à fait indigne de lui.
1
FREDERIC CHOPIN
408
tantôt le plus souvent par fragments, durent peut-être
le
meilleur de leur succès à une interprétation que plus
tard les élèves s'efforcèrent d'imiter.
travailla
longtemps
reux vers un
la
;
ils
révèlent
un
Le compositeur y
effort parfois
art plus noble et plus
heu-
haut que celui de
pure virtuosité. Mais l'écriture symphonique reste
faible, les
sonorités orchestrales sont plates et ternes.
La pauvreté
ciens,
de cette orchestration inspira à deux musi-
Klindworth
réinstrumenter,
possible.
et
Tausig, l'idée singulière de les
le texte pianistique
Klindworth arrangea
le
concerto en fa mineur,
—
mi mineur,
Tausig, celui en
respecté autant que
pieuse intention
et
labeur ingrat qui demeurèrent inutiles.
Si les concertos de
Chopin gardent un
réel intérêt
didactique, on ne les joue plus en public depuis long-
temps, pas plus que la musique à virtuosité du dernier
siècle.
leur
De
telles
œuvres ne survivent presque jamais à
époque. Les tendances
en plus;
d'ailleurs de plus
modernes
la
admettent est celle qui vient,
wagnérien, concourir à
s'en
écartent
seule virtuosité qu'elles
comme
dans l'orchestre
l'idée et lui fournir la plénitude
de son expression.
Vil
Jusqu'ici l'étude des
œuvres de Chopin a montré
le
parallélisme rigoureux entre sa musique et les vicissi-
tudes de sa vie,
ses tendances
et ses
préoccupations;
FREDERIC CHOPIN
elle a fait
Les
connaître l'homme,
trois influences qui
le patriote et le virtuose.
dominèrent le compositeur sont
nettement représentées
jusqu'au bout malgré
109
la vie
:
mondaine, continuée
maladie, qui
les souffrances et la
inspirales nocturnes, les valses et la musique de salon;
la patrie,
dans
dont
il
traduisit les plaintes et les
les polonaises et les
mazurkas; enfin
les
héroïsmes
débuts de
sa carrière de pianiste à qui l'on doit des compositions
secondaire.
d'ordre
Les œuvres
examiner font connaître
qu'il
nous reste
seul,
l'artiste, l'artiste
à
dégagé
y échapper complètement; et
n'entends pas une entité métaphysique, quel-
ambiances, sans
des
par
là je
que chose d'immatériel ou de spéculatif,
mais un état
d'âme suffisamment affranchi des contingences immédiates et trop personnelles,
parvenu à ce haut degré de
perfection où Fart n'apparaît plus dans l'œuvre, où la
forme extérieure
plus
les
procédé matériel ne se distinguent
dans l'intégrale
animo
Il
et le
beauté
:
qui
materiam
vieil,
vie tus.
y a beaucoup d'art dans les Nocturnes, mais dans
Préludes infiniment plus beaux
il
n'y en a presque
y a beaucoup de recherche dans les concertos, il
n'y en a aucune dans les immortelles Études. Devant ces
plus.
Il
œuvres magistrales, quel peut
A
être le rôle
du critique?
quoi bon commenter ou expliquer longuement ce qui
s'impose à l'admiration et défie la critique elle-même?
Publiées en deux cahiers de douze numéros
trois
dernières, beaucoup
rément dans
la
—
les
moins remarquables, sépa-
Méthode des méthodes de Moscheles,
—
FREDERIC CHOPIN
110
les
Etudes sont l'aboutissement suprême des tendances
harmoniques de Chopin, l'expression
des effets d'harmonie
qu'il
la plus parfaite
chercha au piano par
moyen d'une virtuosité transcendante.
Le but immédiat des Études est un but
d'école
:
le
pré-
senter successivement les difficultés de mécanisme, difficultés
de notes ou de rythmes, diversement réparties
entre les deux mains.
Gammes
en tierces, en
sixtes,
en
octaves, traits chromatiques simples ou avec notes inter-
immenses ou grands accords plaqués,
calaires, arpèges
contretemps ou associations simultanées de rythmes
dif-
férents (trois contre deux, trois contre quatre), tels sont
chacun
les sujets passés
en revue,
quement, avec
des sonorités superbes,
incomparable.
Le
traités
côté didactique,
très
méthodi-
d'une
pureté
à peine sensible à
l'exécution, ne nuit en rien à la variété, et l'imagination
de Chopin s'y déploie à
l'aise.
Dans
tel
de ces morceaux
prend fantaisie au compositeur de ne promener
il
main
droite
que sur
et fa, les seules
les
la
touches noires du clavier, Y ut
touches blanches de la tonalité
[?
{sol
bémol majeur), ne figurant qu'à l'accompagnement. Une
sombre énergie éclate dans la belle Etude en ul mineur
avec le mouvela dernière du premier recueil
i
—
—
ment bouleversé
et persistant
de ses grands traits à la
moment de la
fut surnommée
basse; composée, paraît-il, en 1831, au
prise de Varsovie par les Russes, elle
Étude de
1
Même
deuxième
la
Révolution.
caractère dans
l'Etude en la mineur (dernier
cahier), très belle également.
numéro du
FREDERIC CHOPIN
Au
111
début du second recueil, une autre 1
à travers le
,
jeu des harmonies arpégées, apporte un bruissement
mélodique
une
imperceptible,
ses groupes
élancés,
ses
encore
autre
trilles
brefs
d'artifice...
Quelques-unes ont pour but d'apprendre à
lier le
admirables
que
phrase
ut
#
mineur
antique et
l'élève
à
chant, et ce sont des compositions
soi-disant
ces
(n° 19)
exercices.
La
belle
main gauche dans l'Étude
à la
confiée
avec
,
emportés dans
une course vertigineuse, semble quelque feu
phraser et à
2
en
évoque l'image d'une cérémonie
elle rappelle,
en sa modernité, certains pas-
sages des Erynnies de M. Massenet. Mais rien, peut-être
n'est comparable,
en mi majeur, en
le «
Wahnfried
a-t-il
»
comme
tête
mélodie, au début de l'Étude
de laquelle on serait tenté d'écrire
de la maison de
Wagner à Bayreuth. N'y
pas dans ces quelques mesures, dans cette phrase
qui dévie ensuite vers des formes
un peu
italiennes, la
représentation la plus sublime de la sérénité d'un
confiant, partagé, de
presque
religieuse?
deux âmes unies dans une paix
Il
se
rencontrera, en une
Étude 3 des accents analogues, mais
,
4
En la bémol majeur (op.
En fa majeur (op. 25, n°
25, n°
autre
cette paix profonde,
ce calme, Chopin ne les retrouvera jamais
2
amour
4
.
1).
3).
3
Etude en si mineur en octaves (op. 25, n° 10)
qui y est intercalé au milieu.
:
le
chant en
si
majeur
Les Études ont été l'objet de nombreux et savants commentaires
(Klindworth, Bùlow, Riemann, Kullak, Mikuli) un pianiste polonais,
M. Godowski, a fait plus que les commenter, il les a superposées les
unes aux autres, les combinant librement entre elles. Ce travail, d'une
rare ingéniosité, est resté, croyons-nous, inédit jusqu'ici.
4
;
FREDERIC CHOPIN
112
Les vingt-quatre Préludes sont comme
les
pages d'un
de pensées musicales, courtes parfois à la façon
livre
des maximes, énoncées dans
le
premier
jet de l'inspira-
tion avant tout enjolivement, toute sertissure.
dépassant de beaucoup les morceaux
du maître,
ils
Dans
aussi.
(la ?, sol
les plus travaillés
sont d'une simplicité imposante, reposante
de ces Préludes, un
l'un
obtenu par
est
Ébauches
la seule
prodigieux
etfet
répétition obstinée d'une note
sur laquelle se succèdent deux thèmes très
{?)
différents, l'un, à l'aigu, d'une
douceur exquise,
l'autre,
à la basse,
mystérieux
nien. Mais
faudrait citer toutes les pages de cet
il
et
sombre, presque beethové-
album
où, sur les sujets les plus divers, élégies, courtes épopées
ou
même
scènes de danse, les miniatures
côté des Études et des Préludes, « perles de la
Chopin
collection
être
aqua-
avec des dessins largement exécutés.
relles alternent
A
et les
moins
parfaites,
grande musique
,
se placent des
»,
œuvres
qui,
pour
expriment cependant une noble et
imprégnée de
très
la tradition
alle-
mande.
La
Fantaisie en fa mineur (op. 59) contient divers
éléments
longue
:
une
jolie
marche, esquissée seulement, une
Schumann, coupée de
d'un andante, aboutissant à un
phrase emportée à
parties récitatives
et
la
thème
large. D'allure orchestrale, cette composition fait
l'effet
d'une ouverture pour un drame lyrique. Chopin,
en la concevant, aurait-il
ses amis l'y invitaient
ensuite pour
le
piano?
?
songé au théâtre,
Serait-ce
là
un
comme
essai, adapté
Cliché Fiorillo.
MONUMENT DE CHOPIN, PAR
J.
FROMENT- M EURIGE
(Parc Monceau, à Paris).
FREDERIC CHOPIN
115
Les quatre Scherzos comptent parmi
les plus
les
morceaux
longs du compositeur, et ne se rattachent à rien
dans son œuvre. Leur plan est celui du scherzo classique
démesurément agrandi, dont
les
diverses parties, sont
mêlées intimement. La reprise de la partie principale
est
ou
amenée après
coda est
la
Chopin
« à la
fort
»
y
le trio
par une modulation; la strette
développée.
est
caractéristique
employée, mais avec d'autres types
mélodiques d'un aspect grave
controns chez
La phrase
et sévère,
lui nulle autre part.
La
que nous ne ren-
Les lignes sont nobles,
rythmique y est très
inspirée des scherzos des symphonies beethovéniennes,
d'une grande sobriété.
partie
rythme de danse, au lieu de persister comme
dans ces symphonies, est interrompu à tout instant par
mais
le
des passages lents, des mélodies ou des récitatifs qui n'ex-
priment aucunement la brève mesure ternaire du scherzo.
Évidemment Peffet cherché est d'opposer, en les alternant,
des rythmes et des mouvements différents, mais restés
solidaires entre eux un rythme très bref, comme le trois
temps d'un scherzo, et un rythme large qui s'étend sur
:
plusieurs mesures. Cet
effet,
scherzo qui offre, au trio en
tralto délicieux,
nifeste
dans
peu sensible dans le premier
si
majeur, un chant de con-
délicieusement accompagné, est très ma-
les trois autres.
Le second scherzo en
si
bémol mineur, débutant par une interrogation pianissimo, en est un des plus beaux spécimens;
Schumann quelque
de mépris
et
«
poème de Byron,
il
semblait à
plein de tendresse,
de dédain... » Avec leurs gestes impétueux,
désordonnés, avec leurs accalmies passagères, les Scher-
FREDERIC CHOPIN
116
zos ne justifient pas leur titre et n'éveillent que bien rare-
ment
la
d'une danse
l'idée
même
idéalisée. Mais,
forme seule paraît se singulariser.
aspects variés, dans
un
Ici,
mêmes
le
caprices, la
les
luttes,
même
les
mêmes
réalité,
sous des
musique
musique de
art, la
Chopin représente presque toujours
mêmes
effet,
style très éloigné de la
de salon et qui est vraiment du grand
d'âme, les
en
en
mêmes
états
angoisses et les
névrose; de tous ces drames,
plus poignant sera celui que traduit la sonate en si
bémol mineur, par lequel nous terminerons ce rapide
examen.
La Sonate en
si
bémol mineur
date, très vraisembla-
blement, de la crise terrible où la maladie
rition foudroyante en
celui de la
n'est pas le
Mort dont
il
et
l'artiste
après le voyage
poème de la Souffrance,
sentit,
c'est
à cette époque, courir
frisson sur ses chairs meurtries. Et à cette
l'idée
son appa-
1838, et qui étreignit
durant de longs mois, avant, pendant
aux Baléares. Ce
fit
le
Mort dont
devenait de plus en plus obsédante, Chopin con-
sacra
quatre
chants,
les
quatre
mouvements de
la
sonate.
Le poème
— une
épopée véritable,
— s'ouvre
dans
l'épouvante. L'allégro met en présence un motif d'un
— quelque chose comme
avec terreur, —
repousse brusquement
rythme haletant, haché
et bref
un geste qui
et une pensée apaisée, grande
au début
et
de lyrisme
ments
et
;
et
et noble, assez
wébérienne
montant ensuite dans une superbe envolée
le
développement fourni par ces deux
un peu écourté çà
et là,
notamment
élé-
à la fin,
FRÉDÉRIC CHOPIN
est
néanmoins
fort
117
beau, l'écriture, d'une audace harmo-
nique remarquable.
Le scherzo forme le deuxième chant du poème c'est
encore, au début, un effet analogue de poursuite terrifiante et de fuite éperdue. La Mort rôde dans une salle
:
de bal, dont les échos parviennent tantôt
tantôt ralentis,
que
la
mélodie
animés,
d'une grâce langoureuse. Et pendant
douce, pénétrante, des voix
chante,
sur des accords alternés, quelque
graves chuchotent,
troublante psalmodie.
elles
vifs et
tombent avec
Un
instant la mélodie se tait et
quand
elle, et
elle
reprend, les voix
mystérieuses recommencent aussi...
Mais
la
Mort a triomphé. Glorieuse, magnifique,
voit courbée devant elle toute
hommage
le
et
où demain, ce
une foule qui
soir peut-être, elle
lui
elle
rend
promènera
tranchant de sa faux. Ce Triomphe de la Mort, troi-
sième partie du drame,
populaire dans
monde
le
alternés, qui en font
tituent
c'est l'admirable
entier.
marche funèbre
Les deux
accords
l'accompagnement principal, cons-
une trouvaille d'harmonie absolument géniale.
Tandis que ce glas résonne lugubrement,
s'ébranle.
Le motif de
la
marche
le
est superbe,
rythme saccadé, sa ligne qui va tout
cortège
avec son
droit, sans détour,
sans hésitation, exprimant l'implacable destinée qui est
celle
de l'homme.
La
foule ralentit le pas.
Alors,
au
milieu des fumées d'encens qui montent des basses, un
chant s'élève
:
ce n'est ni une prière, ni
un hymne
un appel résigné, une aspide quelque espoir. La mélodie
une mélo-
gieux, mais une plainte douce,
ration faite
reli-
—
FREDERIC CHOPIN
118
Chopin
à la
die «
»,
—
a une émotion contenue, du
lyrisme, elle ne vaut pourtant pas le thème grandiose
de la marche. Ce morceau fut composé antérieurement
au reste de
l'apprenait,
la sonate.
Si
correspondance ne nous
la
nous eussions pu
le
deviner à son écriture
beaucoup plus calme que ce qui précède
ce qui va suivre. L'opinion
à
place
cette
que
et surtout
de Schumann, regrettant
quelque beau largo, ne
comprend
se
guère, car c'est cette marche qui a été l'idée première,
l'occasion
de la sonate, c'est
centre,
à notre avis
et,
elle
du moins,
demeure
qui en
le
la seule explication
possible.
Le quatrième
chant, le final, a paru longtemps une
chose laide, monstrueuse, repoussante, un non-sens,
cependant cet immense
plus de sauvagerie
geste
qui,
trait,
assez semblable
—
et
avec
— à celui d'une des Études, ce grand
pendant quelques minutes,
va balayer
le
clavier de ses octaves furibondes, unisonnantes et sans
forme appréciable,
qui
ait été écrite
montre avec
détruit
et
le
page
est peut-être la
dans toute
la
la plus hardie
musique. La Mort
s'y
réalisme atroce de sa force brutale qui
ruine tout.
C'est la
Camarde,
celle
maudit, à laquelle nul n'échappe. Le dernier
Manfred expirant
faisait
monter à
qu'on
effort
de
ses lèvres l'écume
sanglante d'une insulte, d'un blasphème; cette dernière
page de l'œuvre de Chopin donne
l'abîme où
l'être,
le vertige, elle
encore plein de forces
disparaître et pour toujours s'anéantir.
thème lyrique, a inspiré tous
les
et
ouvre
de vie, va
La Mort, comme
grands poètes, mais
FREDERIC CHOPIN
119
aucun, peut-être, ne Ta rendue en termes plus saisissants.
Les contemporains de Chopin, excepté sans doute
en Allemagne, ignorèrent presque complètement cette
belle composition,
les
ils
ne connurent pas beaucoup mieux
Études, les Préludes et les Scherzos. Ces œuvres
maîtresses n'ont été vraiment mises en lumière crue de
nos jours, faisant apparaître tout
révélant au grand public
Chopin
l'artiste,
un maître insoupçonné,
et
comme
fondateur de la musique de piano. Sans lui
manquerait non seulement à
l'art
génie de
est considéré aujourd'hui, à juste titre,
le véritable
il
le
l'histoire
générale de
musical un chapitre important, mais l'histoire du
piano n'existerait pas,
et,
à supposer l'œuvre entière de
Chopin anéantie, on peut affirmer,
même Schumann
subsistant, qu'il serait presque impossible de
comment la musique de piano
comprendre
a passé sans transition des
formes classiques anciennes aux formes actuelles.
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CATALOGUE DE L'ŒUVRE
Op.
1.
Premier rondo en ut mineur.
de Linde. Brzezina, Varso-
A M mc
—
2.
La ci darem la
bémol majeur), varié
pour le piano avec accompagnement d'orchestre. A M. Woycie-
vie, 1825.
mano
{si
chowski. Haslinger, Vienne, 1830.
3.
Polonaise brillante en ut
majeur, avec introduction pour
piano et violoncelle. A M. Joseph
Merk. Mèche tti, Vienne, 1833.
4. Sonate en ut mineur. A Joseph
Elsner. Haslinger, Vienne, 1851.
[Le manuscrit en avait été déposé
par Chopin, en 1828, pendant son
premier séjour à Vienne].
5.
—
—
—
Rondo
la
à la
Mazur
{fa majeur).
A
comtesse Alexandrine de Moriol-
les.
Brzezina, Varsovie, 1827.
—
Quatre mazurkas. A la comtesse
Pauline Plater. Schlesinger \ 1834.
7. Cinq mazurkas. A M. Johns.
6.
—
Schlesinger,
1834.
—
8.
Premier
mineur) pour piano, viovioloncelle. Au prince An-
trio {sol
lon et
toine Radziwill. Schlesinger, 1834.
9. Trois nocturnes. A M"16 Camille
—
Schlesinger,
Pleyel.
1834.
— 10.
Douze grandes études. A M. Fr.
Liszt. Schlesinger, puis Lemoine,
1833.
11. Grand concerto en ?mmineur
pour piano avec orchestre. A M.
Op.
Fr. Ralkbrenner. Schlesinger, 1833.
— 12.
Variations brillantes sur
le
rondeau favori de Ludovic d'Hérold
A M me Emma
.
Schlesinger,
1834.
—
Horsford
13.
Grande
fantaisie {la majeur) sur des airs
polonais, pour piano avec orchestre.
A J.-P. Pixis. Schlesinger,
—
1834.
14. Krakowiak, grand
rondo de concert {fa majeur),
pour piano avec orchestre. A la
Czartoryska. Schlesin15. Trois nocturnes.
Fer'd. Hitler. Schlesinger, 1834.
princesse
ger, 1834.
A
—
—
Rondo en mi bémol majeur.
16.
A M me
C.
—
Hartmann. Schlesinger.
Quatre
Lina Freppa.
1834.
18. Grande
bémol majeur. A
Harsford [Horsford].
1834.
M
17.
n,e
—
mazurkas.
A
Schlesinger,
valse en mi
M
lle
Laura
Schlesinger,
Maurice Schlesinger, éditeur de musique à Paris, qui eut pour successeur Brandus
premier publicateur en France, à de rares exceptions, de l'œuvre entier de Chopin,
les droits du compositeur étant réservés pour l'étranger. Les premiers publicateurs étrangers
furent Probst-Kistner, Breitkopf et Hârtel, Peters, tous trois à Leipzig, Wessel, à Londres...
Les éditions anglaise, allemande et française paraissaient simultanément ou à peu de distance; l'édition française est seule mentionnée ici. Les dates indiquées à la fin de chacun
nous les avons empruntées
des articles de ce répertoire ne sont parfois qu'approximatives
à l'excellent catalogue qui termine l'ouvrage, déjà cité, de M. Niecks.
1.
et
C ie
,
—
:
CATALOGUE DE L'OEUVRE
—
19. Boléro
puis Lemoine, 1834.
(ul majeur). A la comtesse de Flahault. Prilipp (partie du fonds
d'Ignace Pleyel), 1834. —20. Premier scherzo (si mineur). A M. T.
Albrecht. Schlesinger, 1835.
Op 2 1 Second concerto en fa mineur,
.
.
pour piano avec orchestre. A
la
comtesse Delphine Potocka. Schle-
—
22. Grande polosinger, 1836.
naise brillante (mi bémol majeur),
précédée d'un andante spianato.
A la baronne d'Est. Schlesinger,
23. Ballade (sol mineur).
1836.
Au baron de Stockhausen. Schle-
—
—
24. Quatre masinger 1836.
zurkas. Au comte de Perthuis.
25. Douze
Schlesinger, 1836.
études. A la comtesse d'Agoult.
Schlesinger, puis Lemoine, 1837.
26. Deux polonaises (ut% mineur
et mi bémol majeur). A M. Des27.
sauer. Schlesinger. 1836.
Deux nocturnes. A la comtesse
d'Appony. Schlesinger, 1836.
28. Vingt-quatre préludes. A son
ami Pleyel (dans l'édition allemande de Breitk. et H. à J -C.
—
—
—
—
Kessler). Ad.
— 29.
jeur).
Gatelin et C ie
Impromptu
A
la
Schlesinger,
(la
comtesse
1837.
—
,
1839.
bémol made
30.
Lobau.
Quatre
mazurkas. A la princesse de Wurtemberg, née Czartoryska. Schlesinger, 1837.
Op. 31. Deuxième scherzo (si bémol
mineur). A la comtesse de Furs-
— 32.
Deux nocturnes. A la baronne de
Billing. Schlesinger, 1837. — 33.
Quatre mazurkas. A la comtesse
Mostowska. Schlesinger, 1838. —
tenstein. Schlesinger, 1837.
34. Trois valses brillantes.
ses dédicaces. Schlesinger,
—
Diver1839.
Sonate en si bémol mineur.
Troupenas, 1840.
36. Deuxième
impromptu (fa # mineur). Trou35.
—
123
— 37. Deux nocturnes.
— Deuxième
ballade (fa majeur). A Robert
Schumann. Troupenas, 1840. —
penas, 1840.
Troupenas, 1840.
39.
A
.38.
Troisième scherzo (ul # mineur)
Gutmann. Troupenas, 1840.
A.
— 40.
Deux
polonaises.
A
Julius
Fontana. Troupenas, 1840.
Op. 41. Quatre mazurkas. A M. Witwicki. Troupenas, 1840.
42.
—
Valse
(la
—
bémol majeur).
Pacini,
1840.
43. Tarentelle. Troupenas, 1841. —44. Polonaise (fa #
majeur). A la princesse de Beauvau. Schlesinger, 1841.
45. Prélude (ut # mineur). A la princesse
Czernicheff. Schlesinger, 1841.
46. Allegro de concert (la majeur).
A lle Mùller. Schlesinger, 1841.
47. Troisième ballade (la bémol
llo
majeur). A
de Noailles. Schle-
—
—
—
M
M
singer, 1841,
A M
— 48. Deuxnocturnes.
Duperré. Schlesinger, 1841.
en fa mineur. A la
princesse de Souzzo. Schlesinger,
1841.
50. Trois mazurkas. A M.
L. Szmitkowski. Schlesinger, 1842.
Op. 51. Troisième impromptu (sol
bémol majeur). A la comtesse
Esterhazy. Schlesinger, 1843.
52. Quatrième ballade (fa mineur).
A la baronne G. de Rothschild.
lle
— 49. Fantaisie
—
—
—
53. Huitième
Schlesinger, 1843.
polonaise. A M. A. Léo. Schlesin54. Quatrième scherzo
ger, 1843.
Ue de Caraman.
(mi majeur). A
55. Deux nocSchlesinger. 1843.
lI °
Stirling. Schlesinturnes. A
56. Trois mazurkas.
ger, 1844.
A lle Maberly. Schlesinger, 1844.
Ue Elisa Ga57. Berceuse. A
vard. Meissonnier, 1845.
58.
—
M
—
M
—
—
M
M
—
Sonate en si mineur. A la comtesse
de Perthuis. Meissonnier, 1845.
59. Trois mazurkas. Brandus,1846.
60. Barcarolle. A la baronne de
Stockhausen. Brandus, 1846.
—
CATALOGUE DE L'OEUVRE
124
— Fantaisie (la béAM me Veyret. Bran-
Trois valses. Dédicaces diverses.
1 846. — 62. Deux nocturnes. A
de Kônneritz Brandus, 1 846.
Trois mazurkas. A la comtesse
Brandus, 1847.
65. Sonate en sol
mineur pour piano et violoncelle.
A A. Franchomme. Brandus. 1847.
Op. 61. Polonaise.
mol majeur).
dus,
M
1 '*
63.
publiées
1847.
—
64.
—
—
.
Œuvres
le
Czosnowska. Brandus,
par Chopin sans numérotation
:
Grand duo concertant pour piano et violoncelle sur des thèmes de Robert
Diable (en collaboration avec Franchomme). Schlesinger. 1833.
Trois nouvelles études (dans la Méthode des méthodes de Moscheles et
Fétis). Schlesinger. 1840.
Grandes variations de bravoure sur la marche des Puritains de Bellini,
n° 6 d'un recueil de divers auteurs, intitulé VHexaméron. Troupenas,
1841.
Mazurka. n e
2,
de Notre temps. Schott,
Œuvres posthumes publiées à
Op.
impromptu en
66.
Fantaisie
67.
68.
Quatre mazurkas.
Quatre mazurkas.
69.
Deux
à Mayence, 1842.
Paris, chez Meissonnier
par Julius Fonlana, qui
—
—
—
—
—
—
—
—
fils,
les
numérota de 66 à 74
fils
(1855)
:
ut # mineur.
valses.
Trois valses.
71. Trois polonaises.
70.
—
Nocturne en mi
mineur.
Marche funèbre en ut mineur (de
Trois écossaises.
73. Rondo en ut majeur pour deux pianos.
74. Dix-sept mélodies (poèmes de Witwicki, Mickiewicz.Zaleski, etc.).
piano et chant.
72.
1829).
—
convient d'ajouter à cette liste un certain nombre de morceaux
importants (mazurkas, valses, polonaises, variations), publiés
après la mort de Chopin à Varsovie ou en Allemagne, notamment à
Posen chez Leitgeber, et dont l'authenticité est souvent douteuse.
Il
peu
Œuvres
complètes
:
Les éditions originales, faites trop hâtivement, étaient remplies de
négligences qui disparurent, en grande partie tout au
moins, dans les éditions des Œuvres complètes publiées successivement à partir de 1855, date de l'édition de Julius Fontana chez Meissonnier fils. En 1860, alors que Schonenberger insérait un texte
fautes et de
—
CATALOGUE DE L'OEUVRE
125
—
de l'œuvre d'ailleurs incomplet de Chopin dans sa
Bibliothèque des pianistes (t. XXI-XXV), Richault donnait une version
beaucoup meilleure, mais encore défectueuse, révisée, en partie seulement par un élève de Chopin, ïellefsen (12 vol.).
La première édition véritablement complète fut faite à Varsovie,
non amendé
par Gebethner et Wolff.
Celle de Jurgenson à Moscou (6 vol., 1873-1876) est des plus estimées le texte, soigneusement corrigé par Klindworth, est celui que
choisirent pour leur publication les éditeurs Bote et Bock de Berlin.
L'édition Breitkopf et Hartel (1878-1880), par W. Dargiel, Brahms,
Franchomme, Liszt, lUidorff (avec les doigtés de Reinecke) comprend
les tutti des concertos, la musique de chambre et les lieder qui ne
figurent généralement pas dans les autres.
Les éditions de Peters et de Kistner (Leipzig, 1879) eurent pour
publicateurs la première, H. Scholtz, la seconde, Mikuli.
Signalons encore à Leipzig, les éditions de Schuberth (A. Richter),
de Kahnt (Jadassohn), Stetngraber (Mertke), et celle, très populaire
en France, de Litolff.
Des œuvres choisies ont paru chez Heugel et chez Schlesinger (de
Berlin), avec les doigtés pour l'une, de Marmontel, pour l'autre, de
Th. Kullak.
Rappelons enfin que les Etudes de Chopin ont été publiées séparément par Riemann et par H. de Bûlow avec des commentaires intéressants, des arrangements rythmiques très ingénieux. On en trouvera
l'analyse comparée et critique dans l'ouvrage de Huneker
Chopin,
l'homme et sa musique.
;
:
BIBLIOGRAPHIE
— Fr. Chopin, sa vie et ses œuvres. Paris, 1880.
— Fr. Chopin (Novello's Primers musical Biography). Londres.
Bennett
Enault (Louis). — Frédéric Chopin. Paris, 1856.
Awdley (M me
)
.
(J.).
Hoesick (Ferdynand). Chopin, tome
—
I
(1810-1831). Varsovie, 1904.
Chopin
the man and his music.
Huneker (James).
La traduction française d'une partie de cet ouvrage a paru dans The
Weckly Critical Review, Paris, 1903.
Karasowski.
— Fr.
:
Chopin
:
Sein Leben, seine
Werke und
seine
Briefe.
Dresde.
Karlowicz.
— Souvenirs inédits de
Chopin. Paris, 1904.
Recueil contenant la plus grande partie de la correspondance il s'y
trouve 14 lettres du compositeur, écrites principalement de 1844 à 1849.
;
—
Fr. Chopin. De l'interprétation de ses
Kleczynski (J.),
conférences faites à Varsovie. Paris, 1880.
Leichentritt
(H.).
—
Fr.
œuvres;
trois
Chopin (Beriihmte Musiker de Riemann, XVI),
Berlin.
Liszt.
— Frédéric
—
Chopin. Paris, 1852.
Frederick Chopin as a
Niecks (Fr.).
Londres, 1902, 2 vol.
Szulc
(A.).
Willeby
—
man and
musician. Third édition,
Fryderyk Chopin. Posen. 1873.
— Frédéric-François Chopin.
(comte). — Les trois romans de Chopin.
(Ch.).
Wodzinski
Paris, 1886.
TABLE DES GRAVURES
Maison natale de Chopin a Zelazowa-Wola
9
Portrait de Chopin (d'après la lithographie de Vigneron. 1833).
.
Samuel Bogumil Linde, recteur du lycée de Varsovie et ami du
père de Chopin (d'après un dessin de Chopin)
17
33
Chopin chez le prince Radzivill, a Posen (Tableau de H. Siemiradzki)
41
,
Piano a queue en usage a Varsovie vers 1830
Main gauche de Chopin
Dérut et
fin
(d'après
de la mazurka
un moulage de
(op. 63,
n°
1).
49
Clésinger)
....
Manuscrit autographe.
Lv chartreuse de Valdemosa
65
73
81
Chopin, d'après un dessin au crayon de George Sand
89
Chopin, par A. Besnard
89
Le CHATEAU DE NoHANT, ÉTAT ACTUEL
Portrait de Chopin, par Eugène Delacroix
Monument de Chopin, par
J.
Froment-Meurice
Fac-similé d'un numéro du journal de Chopin (1824)
97
105
113
121
TABLE DES MATIERES
Introduction
I.
II.
III.
IV.
V.
VI.
VII.
—
—
—
—
—
—
—
5
Esquisse biographique
13
La mélodie de Chopin
70
Les formes accompagnantes,
les
harmonies
77
Les Elégies
les nocturnes.
Les impromptus, les ballades, la musique de salon.
:
.
.
Les Epopées nationales les polonaises.
Les mazurkas et les valses
86
:
Les œuvres classiques
:
les
Les OEuvres Maîtresses
Les études, les préludes,
95
morceaux de concert
103
:
les
scherzos, le
poème de
la
Mort
108
Catalogue de l'oeuvre
122
Bibliographie
126
EVREUX, IMPRIMERIE CH. HÉRISSEY ET FILS
,o
®
A*
{h. LAURENT]
«ffijl
EDITEUR
PARIS
fëto

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