Québec Science

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UNIVERSITÉ DE
SHERBROOKE
GÉNIE
PHILIPPE JASMIN
Ils ont
réinventé
le moteur!
UN MOTEUR À HYDROGÈNE
SI PETIT ET SI PUISSANT POURRAIT CONDUIRE À DES TRANSPORTS PLUS PROPRES ET
PLUS EFFICACES.
Par Joël Leblanc
46 Québec Science | Janvier ~ Février 2013
a puissance d’une Ferrari
dans un moteur de seulement
12 kg! Jean-Sébastien Plante,
professeur au département
de génie mécanique de l’Université de Sherbrooke, ainsi que deux de
ses étudiants, Mathieu Picard et David
Rancourt, n’ont pas réinventé la roue; ils
ont réinventé le moteur! «Nous sommes
parvenus à fabriquer une turbine à réaction
d’une grande puissance qui ne compte
qu’une seule pièce mobile, résume le professeur. En plus, elle brûle de l’hydrogène
en n’émettant pas de gaz polluants.»
L
À Sherbrooke, dans les labos de la faculté de génie, l’ingénieur et ses étudiants
présentent un morceau d’aluminium finement travaillé. « C’est notre prototype.
Il a démontré que le concept fonctionne
très bien. » À première vue, on dirait une
simple roue dentée grosse comme une
rondelle de hockey. Mais de plus près,
on constate que les dents sont en fait de
petites pales orientées selon des angles
bien précis. « L’air et l’hydrogène entrent
d’un côté, explique David Rancourt. Il
y a une chambre d’allumage. Puis, les
gaz de combustion s’échappent par des
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MARC DENNINGER
Trois des cinq pères du nouveau moteur à hydrogène :
Martin Brouillette qui a eu l’idée de départ, Jean-Sébastien
Plante, qui a supervisé les travaux et Marc Denninger qui
a fait les analyses de dynamique du rotor. Absents de la photo :
les étudiants Mathieu Picard et David Rancourt.
fentes sur l’autre côté. » Le tout d’une
seule pièce.
« Notre innovation fracasse le paradigme de la turbine à gaz »,
s’enthousiasme Jean-Sébastien Plante. De fait, le
concept est révolutionnaire; ses inventeurs constatent même qu’ils sont
peut-être un peu en avance
sur leur temps. « Les réviseurs qui ont parcouru notre
manuscrit ne semblaient pas
toujours comprendre notre idée
et la portée du changement qu’on propose », poursuit-il.
Pour bien comprendre le système, on
peut le comparer à une roue dotée
d’un pneu creux à parois rigides.
D’un côté du pneu, des fentes
permettent l’entrée d’air et
d’hydrogène. La combustion
a alors lieu à l’intérieur du
pneu. Les gaz d’échappement – essentiellement de
la vapeur d’eau – ressortent
par des fentes de l’autre
côté; ces fentes sont à angle,
comme les opercules des requins qui laissent
s’écouler l’eau vers l’arrière. C’est en
s’échappant du pneu que les gaz font
tourner la roue.
«La combustion et la production de gaz
ont lieu dans la jante, décrit Mathieu Picard,
ce qui fait que chaque pale de la “turbine”
est en réalité une petite tuyère d’échappement pour les gaz de combustion, comme
à la sortie du statoréacteur d’un avion de
chasse. Nous avons testé notre prototype
en laboratoire, enchaîne-t-il. Comme avec
un statoréacteur, il fallait d’abord atteindre
une certaine vitesse pour que l’air entre
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LES
200
DECOUVERTES
DE L’ANNEE
dans le système sous pression. Nous l’avons
donc couplé à un autre moteur pour le faire
tourner à 100 000 tours/minute Lorsque
nous avons allumé le système, le moteur a
accéléré à 116 000 tours/minute en moins
d’une seconde.»
Le moteur fonctionne selon les prédictions théoriques. À poids égal, il génère
une puissance trois fois plus grande que
n’importe quels moteurs, même ceux qui
équipent les avions de ligne. Il fallait tout
de même arriver à construire un rotor qui
pût supporter de telles vitesses.
« Notre design compte une structure
principale en aluminium entourée d’une
jante en fibre de carbone, explique David
Rancourt, le spécialiste des matériaux
dans l’équipe. C’est cette jante qui empêche
la structure d’éclater en morceaux lorsqu’elle tourne à grande vitesse, et c’est
juste en dessous de cette jante que se fait
la combustion.» L’équipe a d’ailleurs baptisé son invention le R4E, pour Rim-RotorRotary Ramjet Engine (traduction libre :
moteur à statoréacteur rotatif dans la jante
du rotor).
«À grande vitesse, des phénomènes
particuliers apparaissent, ajoute Mathieu
Picard, le spécialiste de la combustion.
À 200 000 tours/minute, la rotation crée
une force centrifuge de près de un million
de g. La gravité terrestre devient alors
négligeable et la combustion, qui se fait
normalement du bas vers le haut, se fait
des parois de la jante vers l’intérieur de
la roue. »
L’invention maintenant brevetée doit
encore être améliorée, reconnaissent les
jeunes ingénieurs, mais le jeu en vaut la
chandelle. Ses applications potentielles
vont du moteur d’hélicoptère aux génératrices d’électricité de tous formats, en
passant par des systèmes d’extension de
l’autonomie destinés à des voitures électriques ou à des moteurs, petits mais puisQS
sants, pour exosquelettes. ■
A aussi participé à l’étude: Marc Denninger.
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LE GRAND PALMARÈS
20 ANS DE SCIENCE
Depuis 1993, Québec Science propose une revue de l’année qui plonge dans la science
de pointe. Tout bien compté, cela fait maintenant 200 découvertes qui ont été portées
à votre connaissance. Ce sont 200 raisons de dire merci aux scientifiques d'ici.
Y a-t-il des institutions plus performantes que d'autres? Nous n'oserions l’affirmer. Le palmarès
que l'on obtient atteste, à peu de choses près, d’un bel équilibre interuniversitaire dans l'effort de
recherche et il fait ressortir les champs les plus actifs au Québec. Évidemment, ce portrait n'est pas
exhaustif. Il suffit de se rappeler qu’à chaque année environ 80 résultats de travaux nous sont soumis
en moyenne. Nous avons quand même eu sous nos yeux, près de 1600 découvertes. Ça s'appelle du
capital savoir! Et ce n'est pas près de s'épuiser, à en juger par la vitalité et la diversité que l’on
constate de Sherbrooke à Rouyn-Noranda, de Montréal à Rimouski.
CLASSEMENT GÉNÉRAL
TOUTES DISCIPLINES CONFONDUES
Institutions
1. Université McGill
2. Université Laval
3. Université de Montréal
4. Réseau de l’Université du Québec
5. Université de Sherbrooke
6. École polytechnique
7. Université Concordia
Diverses institutions
Chercheurs indépendants
Nombre
43,5
42
42
31,6
19
5,8
3,5
9,6
3
Pourcentage
21,8
21
21
15,8
9,5
2,9
1,7
4,8
1,5
LE PALMARÈS DES PRINCIPAUX DOMAINES DE RECHERCHE
1 Médecine, biologie, génétique,
neurologie, santé publique
Université de Montréal
Université McGill
Université Laval
3 Physique, astronomie, chimie,
28,5
28
26
2 Environnement, sciences de la Terre
et sciences naturelles
Réseau de l’Université du Québec
Université Laval
Université McGill
16
6,5
4,5
Note : Lorsqu’une découverte a été faite conjointement par
plus d’une institution, elle confère une fraction de point en
fonction de la contribution de chacune.
mathématiques, informatique
Université de Montréal
Université de Sherbrooke
Université Laval
9
9
8