Untitled [Paola Biagi on Tra guerra e pace. SocietÖ cultura e - H-Net

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Patrizia Bonifazio Scrivano, Sergio Pace, Michela Rosso, Paolo. Tra guerra e pace. SocietÖ cultura e architettura nel
secondo dopoguerra. Milano : Franco Angeli, 1998. 363 pp. 48 000 LIT (cloth), ISBN 978-88-464-0784-9.
Reviewed by Paola D. Biagi (Istituto Universitario di Architettura di Venezia)
Published on H-Urban (March, 1999)
Ce livre est le résultat de la collaboration de Patrizia Bonifazio, Sergio Pace, Michela Rosso et Paolo Scrivano, les jeunes historiens et historiennes du Politecnico
de Turin qui avaient organisé en juin 1997 le colloque
dont les actes sont publiés aujourd’hui. Centré sur la période de la reconstruction en Europe, l’ouvrage se prite
à de nombreuses lectures. Celle que nous suivrons se déroulera suivant deux directions : la première, très proche
du texte, propose certaines réflexions et questions suscités par les éléments plus superficiels du livre ; la seconde,
en revanche, plus distante, se penche sur des thèmes relatifs à la période prise en considération.
Telle hypothese est d’ailleurs renforcée par le fait que le
livre est plus attentif aux effets que le conflit a pu avoir
sur la discipline qu’ ceux qu’il a engendre sur l’espace
urbain et territorial ; s’il en eut ete ainsi la guerre aurait
sans doute assumé un rôle événementiel plus marqué.
L’examen des divers textes qui composent l’ouvrage
fait en fait apparaître des périodisations plutôt vagues,
qui tendent à dépasser une division plus rigide du temps
liée exclusivement à des événements appartenants “une
histoire externe de l̂Òurbanisme et de l’architecture,
même s’il est évident que le conflit a pesé de manière
profonde sur ces deux disciplines. Le fait que les auteurs
Arrêtons-nous d’abord sur la forme du livre, en consi- aient observé principalement les histoires internes fait
dérant en premier lieu son titre : Entre guerre et paix. So- apparaître nombre de seuils, fractures et continuités, auciété, culture et architecture du deuxième après-guerre. Il tant de ”temporalités diverses,“ comme le souligne Donasemble que titre et sous-titre restituent pleinement l’objet et tella Calabi dans son texte introductif à la première partie.
la période dont traite l’ouvrage : la société, la culture et l’ar- Ainsi les fractures ne sont-elles pas uniquement dues à la
chitecture de l’apres-guerre. En revanche, et en depit d̂Òune guerre, entendue en tant qu’événement qui rompt l̂Òaxe
apparente linearite, il se revele fort ambigu et polysémique. du temps etablissant de fait un ”avant“ et un ”apres“ (c’est
En effet sa première partie, Entre guerre et paix_, suggère ainsi que l’ont considérée la plupart des histoires de l’ardes problèmes non indifférents tel que celui de la division chitecture et de l’urbanisme du vingtième siècle ou de
chronologique, ou plus exactement du lien entre les divi- la seconde moitié du siècle), mais dictées par de mulsions chronologiques et l’opposition continuité/fracture. tiples événements ou encore par de lentes modifications
internes à la discipline qui se produisent dans plusieurs
La lecture du livre révèle en effet l’importance donmondes temporels.
née à la période de la seconde guerre mondiale, que ce
La nature même de l’ouvrage, sa pluralité qui multisoit par les éditeurs de l’ouvrage, ou par certains des
auteurs qui ont collabore l’edition de l’ouvrage comme, plie et stratifie les temps, en désignant des “trajectoires
par exemple, Jean-Louis Cohen dans son introduction la chronologiques non homogenes,” comme il est claireseconde partie. La guerre n’est pas consideree comme ment explicite dans l’introduction, contribue mettre en
une pause ou comme une fracture qui aurait déterminé lumiere, d̂Òune part les nombreuses fractures qui ne se
un vide à l’intérieur de la discipline, mais, au contraire, superposent pas toujours la guerre, d’autre part une subcomme la source de nouvelles possibilités pour l’archi- stantielle continuite interne de l’histoire de la discipline
tecture et l’urbanisme, possibilités qui ont eu, par la suite, au travers du conflit. Ce travail révèle ainsi une image
d’importantes répercussions. La guerre aurait egalement fort diverse de celles de certaines grandes fresques histojoue le rìle de pont, de conjonction entre deux periodes. riographiques qui se sont occupées de la même période,
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même s’il n’en a pas la cohérence.
à Prato en 1957, ou peu avant, dans un autre texte fort significatif de Quaronie Città e quartiere nella attuale fase
Vu que le livre traite une periode qui va de la seconde critica di culturae, ou dans le lancement du second sepmoitie des annees trente la premiere moitie des annees tennat de l’Ina Casa en 1956, ou dans le projet de Giancinquante, il est legitime de se demander si cette lecture carlo De Carlo pour le quartier Spine Bianche à Matera
de la continuite jette vraiment un pont entre ces deux en 1955, ou encore dans le début des travaux pour le plan
moments, si elle établit entre eux un lien thématique et
du Cet pour la ville de Rome, plan qui remonte à 1954?
sémantique. Y aurait-il par exemple, pour l’Italie, mais
également pour d’autres pays, une genèse située à la fin
Toutefois, et malgré de nombreux doutes en ce qui
des années trente et au début des années quarante des concerne commencements et conclusions des periodes
thèmes et des problèmes affrontés au début des années etudiees, les auteurs soutiennent juste titre la necessite
cinquante ? Le livre pose une problematique des seuils et de prendre position et d̂Òexprimer leur opinion en la madès l’introduction est posée la question des divers com- tiere ; ceci leur permet d’affirmer que “la Seconde Guerre
mencements et des incertaines conclusions que les his- Mondiale demeure un évenement qui a détruit hommes,
toires racontées proposent ; cette problématique est dé- ressources et frontières (pas seulement géographiques),
terminée par la diversité des événements et des géogra- mais a également ’mis en marche’ des mécanismes de
phies décrites, diversité qui se reflète sur la question de grande importance et de longue durée.” Ici l’hypothèse
la continuité.
de la continuité semble vaciller, mais il ne peut en être
autrement : continuité/discontinuité ne peuvent être utJ’y ajouterai de nouveaux doutes : quel ’commence- lisées comme des catégories rigides, mises en définitive
ments’ ? 1943, ou plutôt 1939-1943, période durant laopposition, ce qui est d’autant plus vrai dans le cas d’un
quelle Le Corbusier réécrit la Charte d̂ÒAthènes, considélivre pluriel et fragmenté comme l’est celui-ci. D’un livre
rée comme le grand manifeste de la reconstruction ? Evi- qui tisse des fils si divers, de provenances si diverses et si
demment non, puisqu’il est notoire que la Charte a une nombreuses, ressort une image de la période semblable
histoire plus étendue, qui ne débute pas même avec le à celle d’un tissu hétérogène, dans lequel certains fils se
quatrième Ciam en 1933. Ou alors, plus particulièrement sont interrompus avec la guerre, d’autres se poursuivent
pour le cas italien, situer les “commencements” en 1942,
après elle, et d’autres encore naissent avec elle ou peu
avec l’émanation de la loi urbanistique nationale, ou enapres.
core plus tôt avec la période de gestation de la dite
loi ? De même, quelles ’conclusions’ ? Quand la période
Retournons encore une fois au titre du livre pour
de la reconstruction ŝÒépuise-t-elle ? Est-ce une période une dernière observation à propos des trois mots : Soqui passe de façon linéaire des années quarante aux an- ciété, culture et architecture, et notons qûÒil en manque
nees cinquante ? Les annees cinquante sont-elles une de- d̂Òautres, tels que “ville,” “territoire,” “espace.” Cette abcennie homogene qui developpe et met en pratique idees, sence nous indique que les auteurs dirigent leur regard
theories et programmes mis au point durant la recons- presqu’exclusivement vers la discipline, vers l’histoire de
truction, mais egalement avant elle selon l’hypothese ici l’architecture et de l’urbanisme plus que vers l’histoire
defendue, aboutissant pour l’Italie par exemple au my- des mutations de la ville, plus vers l’explication de la
thique 1959, année qui ouvrirait la réflexion, le débat et faeon dont idees, projets, sujets et organisations se sont
la pratique architectonique à des hypothèses, thèmes et rapportés à l’espace physique que vers l’étude des effets
échelles complétement différents (de l’idée communau- de tout cela sur les dimensions, typologies et caractères
taire à la grande dimension) ? Ou alors le prétendu ’tour- de l’espace urbain. Au fond l’espace est le grand absent
nant’ de 1959 serait-il plutìt une invention historiogra- du livre. Un exemple : la continuité des travaux architecphique qui attribuerait un rôle fondateur à la publication toniques soulignée par les auteurs du livre est expliquée
du livre de Giuseppe Samonàe L’urbanistica e l’avvenire surtout comme le maintien, par les architectes, de posidelle città negli stati europeie au concours pour les Ba- tions acquises avant-guerre, dans les universites et par les
rene de San Giuliano à Mestre -en particulier au projet professionnels. Cependant, l’on est en droit de se demande Ludovico Quaroni- et au Congrès de l̂ÒInstitut Natio- der si cette continuite ne devrait pas être également relue
nal d̂ÒUrbanisme sur le visage de la ville, , oubliant, de à la lumière des thèmes architectoniques, de la concepce fait, tout un travail antérieur plus lent sur ces mêmes tion de l̂Òespace, des principes habitatifs, de la concepthèmes ? Oubliant de plus lentes mutations déjà évi- tion du quartier et de la traduction de ces éléments sur
dentes, par exemple, dans le texte de Quaronie Il paese dei le territoire. N̂Òa-t-on pas assisté, après la guerre, à un
barocchie et dans son projet pour le quartier San Giusto transfert, à une mise en pratique généralisée de principes
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déjà mñrs dans les années trente ? Voire même déjà murs
auparavant, par exemple dans l’immédiat après-guerre, si
ce n’est en Italie, du moins dans d’autres pays d’Europe
(pensons aux villes allemandes, à Francfort, Berlin,…) .
Les glissements géographiques et culturels posent sur ce
point aussi des questions et thèmes fort divers, ne seraitce point là un aspect à explorer ?
ŝÒagissaient des pièces d’un puzzle, en édifiant ainsi une
vision cohérente de la période, l’ouvrage privilégie l’option des lectures partielles, fragmentaires, analytiques.
Cette option le voue a reconnaître des parcours multiples, et parfois contradictoires, à tel point que la place
de chaque élément dans l’ensemble n’est pas toujours
des plus claires. Aussi est-il plus opportun de recourir à
l’image du collage plus qu’à celle du puzzle : autant de
fragments disposés sur des temps, des couches, des segments divers qui, plutôt que de confluer en une unique
narration, se dispersent en de multiples micro-histoires.
Il nous semble que le livre, si l’on en rassemble les
multiples fragments, tend de manière évidente à reconstruire l’histoire d̂Òune communauté scientifique, ou de
certaines élites. Dans ce sens il a le mérite de ne créer
ni confusion, ni ambiguïté, entre histoire de l’urbanisme
et histoire urbaine, entre histoire des idees de la ville et
histoire de la ville.
L’ouvrage lisant la periode suivant de nombreux
points de vue, il est, non seulement fragmentw, mais encore une fois, pluriel. Au regard des “géographies culturelles” (: la Suisse, les pays scandinaves, l’Allemagne,
Poursuivons notre exploration “superficielle” du la France, l’Angleterre, les Etats-Unis d’Amérique, les
texte et penchons nous sur la table des matière laquelle pays d’Europe de l’Est, l’Italie -avec Turin, Milan et
en met clairement en évidence la forme : celle d̂Òun texte Venise- etc…), mais aussi des différents genres historio“pluriel” et “fragmenté.”
graphiques : biographies et fragments biographiques corPluriel en ce qui concerne les thèmes traités et les respondant aux moments où des individus ont traversé
sens auxquels la somme des contributions renvoie, sens la période considérée ( Rogers, Samon, Gazzola, Shmidt,
selon lesquels l̂Òon pourrait procéder à de nombreuses Teige, Lods, Summerson, Smithson, Verwilghen, etc…),
lectures. Pluriel parce qu’il implique trois générations et biographies collectives, lectures de la periode au trade chercheurs, et un très grand nombre de jeunes cher- vers de groupements et associations (Ciam, Msa, Assocheurs. Pluriel aussi au regard de la provenance géogra- ciations des Architectes Finlandais, Ascoral, etc…). Aussi
phique des auteurs et des langues utilisées (italien, an- concordons-nous avec De Magistris quand, dans sa présentation de la troisième partie il écrit : la “clé centrale
glais, français).
de lecture semble être encore celle biographique.” Il est
Fragmenté puisque chaque texte représente un frag- vrai que l’accent est porté clairement sur ’l’auteur.’ Toument significatif de plus amples travaux de recherche, tefois cela ne semble pas être un obstacle la recherche,
présentés au travers d̂Òune trentaine de contributions, mais souligne au contraire l’interêt d’une approche bioauxquelles correspondent autant de recherches en cours graphique rarement utilisée dans le cadre de l’histoire de
ou achevées. En outre, les interventions originales de l’urbanisme, si ce n̂Òest en des temps récents.
chaque auteur permettent au texte d’eviter les lieux comEn outre l’ouvrage se penche sur certains lieux et momuns sur la période et sur les sujets traités. Aussi nous
ments
de la formation, de la transmission et de la circulasemble-t-il qu’une telle caractéristique puisse faire de cet
tions
des
idées et du savoir : les revues (Casabella, Meouvrage une sorte de “programme de recherche,” un protron
considérées
comme lieux de formation des élites),
gramme de travail qui, s’il était développé d̂Òune males
écoles
(l’
Iuav
de Venise, la Hochschule für Gestalnière plus spécifique (pour l’Italie par exemple), porterait
tung
de
Ulm,
…),
les
associations, les congres (congres
de nouvelles et plus articulees images de l’apres-guerre.
des
urbaniste
suisses,…),
les voyages, les archives et les
Un programme que justifierait egalement l’absence de
catalogues
(le
National
Buildings
Record,…). Mais egaleconclusions definitives, tout comme l’évidente ouverture
ment
sur
les
lieux
de
codification
et
de pratique du savoir
sur de futurs et ultérieurs projets de recherche.
technique : les bureaucraties (surintendances italiennes,
Fragmentee puisque le livre lit la periode etudiee sui- sociétés HLM françaises, Commissariat à la reconstrucvant de multiples et nombreux points de vue. Il de coupe tion en Belgique, etc..), les ordres professionnels (celui de
la periode, non seulement chronologiquement, mais ega- la région de Venise), les études professionnelles (Bbpr, …).
lement selon les thèmes, auteurs, sujets et évenements
On est donc en face d’une attitude qui cherche à idendivers. Il est évident qu’au lieu de définir des lectures
unitaires, synthétiques et généralisantes, en lesquelles tifier une image de la communaute scientifique, en etuchaque épisode trouverait sa juste place comme ŝÒil diant sa composition, ses acteurs, la manière dont elle
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fonctionne, communique, se rapporte à la société civile,
se regroupe et croît après la guerre. Si l’on retourne aux
hypothèses de T.Khun sur les stratégies de constitution
des communautés scientifiques, l’on se demande si, parmi
les hypotheses soutenues par cet ouvrage, il n’est pas possible de retrouver celle qui voit dans la période 1935-1955
un moment privilegie de reorganisation pour la communaute des architectes et des urbanistes, d’unification du
savoir et des techniques disciplinaires, en Italie et dans
les autres pays européens. Ou, au contraire, cette période
ne voit-elle pas le savoir disciplinaire se fragmenter et
se disperser le long des nombreuses voies qu’emprunte
l’urbanisme moderne ? Ici aussi il conviendrait d’observer l’évolution des villes afin de pouvoir vérifier de telles
hypothèses.
La petite reconstruction italienne, ou la “banale
reconstruction” (il s’agit ici encore d’une définition
d̂ÒAstengo), poursuivie avec les plans de reconstruction, n’a peut-être pas été encore suffisamment étudiée.
En effet, les quelques 300 plans élaborés dans tout le
pays devraient être l’objet d̂Òune recherche specifique
et d̂Òanalyses approfondies qui ne les liquident pas avec
trop de hâte pour avoir été des “occasions perdues”
comme l’écrivait Astengo en 1951 (par exemple : quels
en ont été les effets sur le développement des villes ? ;
qui en furent les auteurs ? Ici aussi il en ressortirait peut
être une ligne de continuité entre avant et après guerre,
comme celle mise en évidence dans l’ouvrage par Elena
Svalduz avec l’exemple de Duilio Torres à Venise).
Ces plans ont représenté des moments de forte reduction de la technique urbanistique. Ils furent, d̂Òune part,
des elements de continuite avec la periode precedente, au
travers des interventions de reconstruction des centres
historiques, où les destructions de la guerre ont été l’occasion d̂Òune ouverture des tissus, recourant aux théories de Marcello Piacentini plus qu’à celles de Gustavo
Giovannoni. D’autre part, ils établirent des liens avec les
plans successifs en indiquant des lignes directrices de développement, lesquelles suscitèrent une seeie d’attentes
que les plans des annees cinquante ne purent nier, et enfin en ouvrant la voie à l’intervention spéculative.
Penchons-nous maintenant sur un second niveau
d’analyse : une analyse thématique. Les thèmes que l’on
rencontre au travers du texte sont nombreux et il n’est
pas toujours facile, durant la lecture, de les identifier ; il
arrive même parfois que l’on s’interroge sur ce qui fait
le lien entre des thèmes si divers, outre la période au
cours de laquelle les auteurs ou événements traités interviennent. Aussi avons-nous tenté d’en mettre en relief
certains, même si pour ce faire nous avons dû en négliger
d’autres. Mais l’on sait, comme nous le rappelle Roland
Barthes, que pour un texte pluriel (d’un point de vue sémantique), l’omission d’un des sens ne peut être ressentie comme une erreur. Nous rappellerons seulement deux
ensembles thématiques qui nous permettent, de nouveau,
d’aborder l’ouvrage, tout en nous en éloignant de celuici : petite/grande reconstruction et tradition/innovation.
Deux binômes que nous étudions, non pas en tant qu’oppositions, mais bien plus parce qu’ils nous offrent l’opportunité de mettre en évidence des relations complexes.
Tous ces thèmes pourraient aussi se classer sous une
autre opposition : dissémination/regroupement, utilisée
également par Giovanni Astengo dans la revue Urbanistica. Astengo ne perd pas une occasion de dénoncer les
erreurs de la reconstruction italienne, la myopie des solutions immédiates et fragmentaires, et surtout la dissémination des politiques, des financements, tout comme
le fait que l’on ait pas su profiter de l’opportunite ofPetite/grande reconstruction : cette dichotomie nous ferte par la reconstruction (“les chroniques urbanistiques
a été inspirée par la relecture des numeros de la revue italiennes de l’apres-guerre ont trop souvent dû enregisUrbanistica publiés durant la période étudiée, et en par- trer des successions d’occasions perdues,” est l’incipit du
ticulier par les éditoriaux de Giovanni Astengo, acteur texte ’Nuovi quartieri in Italia’, Urbanistica n.7, 1951),
critique de la reconstruction en Italie. Par le biais de cette opportunité de définir une politique globale de planifidichotomie nous entendons nous reporter à certains pro- cation de l’Italie et de mettre sur pied le grand édifice
grammes et expériences urbanistiques européenne au- de la planification. Il dénonce la dissémination des intour desquelles s’est organisé tout le système urbain de terventions de constructions nouvelles, leur localisation
certaines nations (voir pour l’Angleterre, la loi sur les au hasard, leur “banalité,” le renoncement à la construcNew Towns et le plan pour le Grand Londres ; la France, tion d’ ”unités urbanistiques“ pour ne construire ”que des
avec les grands ensembles), par opposition l’experience logements.“ C’est-à-dire l’opportunité perdue de donner
italienne, ou un pragmatisme superficiel nous a empê- forme et structure à un dessin urbanistique d̂Òensemble
ché de comprendre les bouleversements territoriaux et des villes et des territoires italiens.
sociaux que les flux migratoires provoquaient sur le tissu
“L’énorme masse immobilière, - selon Astengo - aliurbain.
mentée par les diverses subventions étatiques, plutôt que
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de confluer à la formation de quartiers organiques, étudiés dans le détail et insérés avec précaution dans le
paysage, se brise en une myriade de petits fragments,
qui tombent de maniere casuelle ea et l sur le terrain,
s”adaptant paresseusement et avec quelques compromis
aux situations preexistantes.“ Il faut reconnaître qu’Astengo voyait juste, et qu’il avait compris que durant ces
années se mettaient en place des modalités d’intervention
qui auraient par la suite porté au phénomène de diffusion,
de perte d’une dimension délimité de l’espace habitable
que nous observons aujourd’hui sur notre territoire.
plus explicite peut être rapporté à la dichotomie : tradition/innovation ou tradition/modernité. Nous ne nous
étendrons sur la façon dont ce thème est abordé par les
divers auteurs, et citerons seulement deux noms et une
sorte de slogan : “de Gazzola à Teige.”
En revanche arrêtons-nous brièvement sur la Charte
d̂ÒAthènes, plusieurs fois citée au cours de l’ouvrage. En
général la Charte est considérée comme le symbole et la
matrice d’un type d’urbanisation, d’une idée de l’espace
qui a guidé la reconstruction europeenne, et elle est, de
ce fait, montree du doigt par de trop presses critiques,
Ici s’ouvre une perspective de recherche : comprendre en tant que responsable des resultats obtenus, des bandans quelle mesure la periode de la reconstruction a ete lieues mal réalisées à la périphérie des grandes villes. Il
fondamentale pour la mise au point des premices des est curieux qu’un texte produit dans les années trente, et
types d’urbanisations developpes au cours des decennies qui représente une discrète expression de la culture de
suivantes, et dont nous observons aujourd’hui les résul- cette décennie, mais qui constitue la conclusion de plus
tats dans l’espace contemporain.
amples parcours de recherches remontant au moins au
dix-huitieme siecle, soit devenu un des grands manifestes
Astengo, s’opposant à cette dissémination urbaine, de la reconstruction, ait guidé des pratiques architectocommente positivement l’émanation du plan Ina-Casa
niques qui ont contribuées à édifier les villes européennes
(1949), le grand programme étatique de construction de
durant la seconde moitié de ce siècle, pratiques qui ont
nouveaux logements et de quartiers pour ouvriers par- traduit, en les réduisant, certains grands principes prétout en Italie. Il y voit la possibilite de construire de nou- sents dans la Charte, et sur lesquels se base la société
velles unites organiques en dehors des villes, d’ameliorer contemporaine.
la qualite fonctionnelle, technique et esthetique des nouvelles portions urbaines et des nouvelles habitations, par
Dans ce sens, mettre en relation si étroite la Charte et
rapport aux premieres interventions pour les “sans-toits,” la reconstruction reviendrait à faire de la Charte un éléet ce également grâce à l’implication d’une “classe profes- ment de continuité, de poursuite d’une tradition disciplisionnelle, restée jusque-là à la fenêtre.”
naire ancienne, qui ne débute pas avec les annees trente.
Ainsi la Charte ne serait pas un document-programme
Pour Astengo les quartiers nouveaux sont de véri- totalement innovant, lequel introduirait de manière imtables îles d’utopie, refuges de la pensée et du projet, et promptue de nouvelles idées de ville et d’espace. Un tel
pas même la distance qui séparait alors ces quartiers des récit en ferait un document dans lequel confluent des
villes ne lui semble alors problématique, au contraire il
principes et des idées déjà largement diffusées et enla voit comme un élément à recréer : “Le fait que ces
racinées, l’exonérant ainsi d̂Òune responsabilité directe,
zones soient périphériques ou externes ne nuit pas, si d’autant plus que ce fut un texte peu lu. Nous conclules nouvelles unités résidentielles ont un caractere vrai- rons avec quelques réflexions à propos des critiques inment autonome ; au contraire celles-ci, émergeant en des distinctes qui, depuis longtemps, s’élèvent à l’encontre
zones libres dégagées des mailles d’anciens plans régu- des portions de villes construites dans l’apres-guerre,
lateurs préexistants, ont pu être caractérisées avec une
appelees, souvent trop vite, périphéries, et qui auraient
plus grande liberté d’installation par les architectes et,
été réalisées selon les principes exposés dans la Charte
en outre, etant deeaches des centres habites, elles ne d’Athènes, critiques qui sont retombées sur la Charte
sont pas en contact direct avec les anonymes construc- et sur les principes qu’elle expose. Critiques qui anéantions des faubourgs. Le choix de zones extErieures contri- tissent les caractéristiques de lieux divers : la périphérie
bue ”la decentralisation urbaine, et est donc, en tant que n’est pas un tout unique ; critiques qui superposent des
telle, fondamentalement saine.“ Cet extrait révèle avec
milieux et histoires différents : ville, histoire de la ville,
évidence non seulement les idées organicistes et l’option
histoire de l’urbanisme, urbanisme moderne, Mouvement
du décentrement urbain préférée par l’auteur, mais éga- moderne. Milieux qu’il est illégitime de superposer avec
lement sa position critique au regard des plans et des- légèreté si l’on désire poursuivre dans la voie de la réconstructions de l’après-guerre.
habilitation de ces portions de ville. Critiques grossières
Un autre thème qui parcours l’ouvrage de maniere et indifférentes qui, mélangeant et anéantissant des mi5
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lieux divers, finissent par attribuer la responsabilité des
erreurs commises durant la reconstruction des villes européennes, à l’urbanisme moderne et à ses programmes
de recherche. Et c’est justement là le sort qu’a, à ce qu’il
semble, subit la Charte : texte dans lequel, selon certains
critiques, sont enonces des principes consideres comme
etant la cause de la mauvaise qualitede l’espace peripherique, et devenu le symbole d̂Òun pretendu echec du
“moderne.”
contemporaine. De la màme manière retenons nous utiles
les exercices contextuels de re-lecture, re-description des
zones periphériques, pour mieux comprendre et éviter les
lieux communs qui empêchent d’apprécier différences,
spécificités, qualités, toutes choses utiles pour parvenir
à les repenser et à les réhabiliter.
Aussi retenons-nous utiles des travaux comme celui
que présente l’ouvrage Entre guerre et paix, comme moment de relecture d’idées, de textes, d’auteurs, de processus qui ont contribués à l’édification de l’espace de la ville
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Citation : Paola D. Biagi. Review of Scrivano, Patrizia Bonifazio ; Pace, Sergio ; Rosso, Michela ; Paolo, Tra guerra e
pace. SocietÖ cultura e architettura nel secondo dopoguerra. H-Urban, H-Net Reviews. March, 1999.
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