Fous de Nature invite les gibbons Notre ami Pascal Fournié

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Fous de Nature invite les gibbons Notre ami Pascal Fournié
Fous de Nature invite les gibbons
Notre ami Pascal Fournié, président de la nouvelle association Fous de Nature, a invité le
public au ravissant Théâtre de la Halle au blé de La Flèche le 12 octobre 2014, afin d’assister à une
conférence avec projection sur un singe bien connu des visiteurs du zoo de La Flèche : le gibbon. Il se
trouve en effet que le zoo de La Flèche est partenaire de l’association Kalaweit (gibbon en langue
dayak), créée en 1998 par le jeune Français Aurélien Brulé, alias Chanee (gibbon en langue thaï) pour
sauver les singes victimes de la déforestation à Bornéo et Sumatra (Indonésie). Ainsi, lorsque les
jeunes visiteurs du zoo de La Flèche mettent deux euros dans l’urne pour nourrir les girafes, ces deux
euros sont reversés à Kalaweit. Autrement dit, les girafes de La Flèche participent à la sauvegarde des
gibbons d’Indonésie !
Un parcours fulgurant
L’aventure de Chanee, 35 ans aujourd’hui, mérite d’être contée. A dix ans, déjà, il se
passionne pour les singes. Ne doutant de rien, il écrit au primatologue Jean-Yves Collet, qu’il
rencontre dans les Alpes deux ans plus tard. Il découvre le gibbon en 1992 au zoo de Fréjus. Dès lors,
il va les retrouver tous les mercredis après-midi, afin de les observer et de noter leur comportement.
Il constate que les gibbons se choisissent pour former des couples et restent fidèles à leur partenaire.
En cage, les gibbons sont plus agités que dans la nature, ce qui est compréhensible.
Fort de ses observations, Aurélien Brulé écrit à seize ans un livre qui est publié en 1996 sous
le titre Les gibbons à mains blanches. L’ouvrage suscite un article dans le magazine VSD qui, à son
tour, attire l’attention de l’humoriste Muriel Robin. Elle lui téléphone et le garçon, croyant à une
blague, réalise que c’est bien Muriel Robin. Elle lui propose de lui payer le voyage pour découvrir les
gibbons in situ. A l’été 1997, après son bac, il va donc passer trois mois en Thaïlande, d’abord à la
frontière birmane puis à la frontière cambodgienne. C’est là qu’il choisit de se faire appeler Chanee.
A cette occasion, il constate de l’avion où il voyage que le ciel est noir des fumées d’incendies en
provenance d’Indonésie. C’est sans doute là-bas que le gibbon est le plus menacé.
Il rencontre Muriel Robin à son retour, et elle l’encourage à poursuivre sa mission en
Indonésie en lui finançant un deuxième voyage. Il débarque là-bas au plus mauvais moment, car le
président Suharto est renversé en mai 1998. Il ne s’attarde donc pas à Java mais s’installe à Bornéo,
où les associations de protection de la nature ne s’intéressent qu’à l’orang-outan, primate
prestigieux lui aussi très menacé par la déforestation. Il découvre que le gibbon est aussi menacé par
l’habitude locale d’élever le singe en cage. Car pour élever un bébé gibbon, il faut d’abord tuer la
mère. En Indonésie, il y a ainsi des milliers de gibbons en cage, comme animal de compagnie. La
déforestation est aujourd’hui le fait des planteurs de palmiers à huile, qui investissent toutes les
plaines accessibles et brûlent la tourbe du sol. Chanee préfère les sociétés d’exploitation forestière
qui, elles, maintiennent la forêt dans leurs concessions.
Première réserve à Bornéo
Chanee se lance donc dans la sauvegarde des bébés gibbons orphelins. Son objectif :
« Sauver ce qui peut l’être lorsqu’il est encore temps ». Sa méthode : « Agir dans l’urgence ». Pour
financer son projet de réserve, il fonde l’association Kalaweit en 1998. Mais, n’étant pas citoyen
indonésien, il ne peut pas acheter de terres. En 1999, cependant, il obtient l’autorisation officielle du
gouvernement pour créer sa première réserve. Il l’installe au centre de Bornéo, dans les montagnes
où subsiste la forêt primaire, inaccessibles aux engins de terrassement ou de débardage. Il installe
des « volières », ces très hautes et vastes cages où il accueille des gibbons malades, blessés ou
abandonnés. La réserve compte aussi une trentaine de gibbons sauvages.
En 2002, Chanee déménage sa réserve dans une île, plus accessible. Il ne sauve pas « les »
gibbons, mais « des » gibbons, tient-il à souligner. En 2004, il crée un deuxième centre dans l’île de
Sumatra, où la déforestation va bon train aussi. Il embauche du personnel : soigneurs, cuisiniers,
vétérinaire. En 2012, changement d’échelle : il acquiert la nationalité indonésienne. Dès lors, il peut
acheter 211 hectares de forêt, qu’il surveille lui-même avec un parapente à moteur, qui vole
lentement à 300m d’altitude. L’objectif est d’installer des volières isolées dans la forêt, car les
gibbons sont territoriaux et n’aiment pas la concurrence. Il a actuellement 254 gibbons en pension,
avec une clinique vétérinaire, 31 soigneurs, 4 vétérinaires et deux représentants du ministère
indonésien des forêts.
Pour la réintroduction dans la nature, qui est le but ultime de Kalaweit, des volières
d’acclimatation sont installées à proximité des lieux de lâcher final. Le gibbon y passe trois mois, seul
ou en couple, nourri par un monte-charge manuel qui apporte les fruits à 6m de haut. Les soigneurs
ne doivent plus approcher à moins de 20m de la volière, pour désaccoutumer le singe de l’homme.
Les quelques gibbons relâchés sont suivis pendant un an.
Une arche de Noé improvisée
Bien entendu, comme dans tous les centres d’accueil pour animaux blessés ou abandonnés,
toutes sortes d’animaux sont apportés à Kalaweit : macaques, nasiques (5.000 singes de ce type à
Bornéo), orang-outan, pythons, cobras, ours, panthères, crocodiles, tortues, civettes, varans, loris
(petits mammifères aux canines venimeuses) et même des hirondelles ! Les orang-outans sont
confiés aux associations spécialisées. Les ours sont parqués dans des enclos électrifiés. Les crocodiles
sont relâchés, surtout le faux gavial qui est rare. Un crocodile marin d’une tonne est conservé : il se
contente de trois poulets par semaine. L’objectif est de donner une deuxième chance à l’animal, sans
suivi, et de sauver un peu « de la » forêt. La réserve de Sumatra est surveillée par des patrouilles
équestres, qui s’efforcent de dissuader les braconniers, surtout ceux qui capturent les oiseaux avec
appelants et glu.
Depuis 2013, Kalaweit participe à la commission des petits primates de l’UICN. En 2014,
Chanee a effectué une mission en Chine, où existe une espèce rare de gibbon (on en compte cinq
espèces différentes en Asie). L’espèce chinoise ne compte plus que 23 spécimens dans une île.
Kalaweit participe à l’action d’une association australienne qui protège les gibbons à Java. Il existe
une réserve d’Etat à Bornéo : Pararawen (5.800 hectares). Kalaweit est aujourd’hui bien connue en
Indonésie grâce à une radio qui diffuse 24h sur 24, en insérant des messages sur l’association au
milieu de la musique et des blagues. Depuis le 15 août dernier, la grande chaîne de télévision
nationale diffuse une émission hebdomadaire sur Kalaweit. Tous les Indonésiens ont entendu parler
de l’action en faveur des gibbons. Ce qui n’empêche pas les citadins de continuer à élever le singe en
cage, hélas.
Chanee est donc aujourd’hui bien installé avec sa famille en Indonésie, où il vit depuis 16 ans.
Son association compte 54 salariés et gère un chiffre d’affaire de 450.000 euros par an. Lui aussi est
contre l’écologie punitive. Il préfère séduire plutôt que dénoncer, même les planteurs d’huile de
palme ou les exploitants de charbon qui détruisent la forêt pour vendre leur production à la Chine. Il
préfère expliquer, comme par exemple le cas du crocodile marin qui devient mangeur d’hommes
faute de poissons, tués par les rejets miniers toxiques. Lors de son bref passage à La Flèche, il a
remercié le vétérinaire du zoo à l’origine du partenariat avec Kalaweit, dont la marraine reste Muriel
Robin.
Roger Cans.
Contacts : [email protected]/07 86 01 18 87, ou [email protected]/0470
089 575. Et aussi : www.kalaweit.org.