Petite histoire du cours de morale

Transcription

Petite histoire du cours de morale
Petite histoire
du cours de
morale
L
’intitulé même de notre mouvement s’explique par la rencontre
de deux volontés : celle de reconstituer un mouvement laïque
autonome, porteur des revendications de notre communauté, dès
lors que les partis laïques s’ouvrant aussi à des chrétiens n’allaient plus, par la force des choses, relayer celles-ci avec toute la
détermination requise ; seconde volonté plus spécifique : celle de
donner au cours de morale non confessionnelle, dont l’organisation était devenue obligatoire dans toutes les écoles officielles, vu
la loi issue du Pacte scolaire, un soutien extérieur, une infrastructure matérielle de services, de documentation, un environnement
culturel de sympathies actives.
Pacte scolaire de 1959 et situation du
cours de morale
L
’article 8 de la loi du 29 mai 1959 stipule : « Dans les établissements officiels d’enseignement primaire et secondaire de plein
exercice, l’horaire hebdomadaire comprend au moins deux heures
de religion et deux heures de morale ».
De fait, l’enseignement de la morale non confessionnelle avait, en
1959, tout un passé, mais on ne peut plus contrasté : depuis son
absence significative au profit de la religion et de la morale inspirée
de celle-ci (dont, il est vrai, un élève pouvait être « dispensé » à la
demande des parents, et souvent, par voie de conséquence, marginalisé et suspect…) jusqu’à des situations « républicaines » où
le cours de morale était inscrit à l’horaire de tous les élèves, et où
le cours de religion n’existait pas ! Des anciens de l’Athénée communal Fernand Blum (à Schaerbeek) se souviennent peut-être du
discours solennel du Préfet des études expliquant à tous ses élèves que c’était contraint et forcé par la loi que l’athénée communal
allait organiser des cours de religion ! Mais d’où venait-on ?
L’article 17 de la Constitution
D
’une situation historique marquée par cette disposition constitutionnelle instaurant la liberté de l’enseignement que le
monde catholique n’allait plus cesser d’exploiter et d’interpréter
au mieux de ses intérêts idéologiques et matériels. Comme l’écrit
Henri Masson (1), « alors que les libéraux s’imaginaient que la liberté d’enseignement aurait pour limite l’indépendance du pouvoir
civil, les catholiques y voyaient le moyen de rétablir leur monopole
sur la formation et la direction des esprits ». C’est ainsi, nous montre le même auteur, que le jeune état belge connut un démembrement rapide de l’enseignement public (la loi scolaire de 1806
organisait l’instruction publique sur une base laïque et neutre !).
Beaucoup de communes à direction catholique interprètent la « liberté d’enseignement » comme celle les autorisant à avoir ou non
une école ; par ailleurs, pour réduire leurs charges, elles fermèrent
leurs écoles ou les remirent au clergé. Dès 1840, plus de la moitié
des écoles primaires appartiennent à l’Eglise ; presque tout l’enseignement secondaire est dispensé par les collèges épiscopaux,
les petits séminaires et par divers collèges ouverts par les Jésuites. En dehors de quelques centres urbains, précise Henri Masson, l’enseignement public se confond avec l’enseignement libre
confessionnel. Il cite cette intéressante exception gantoise : la ville
y créait un athénée, dont le règlement disposait que « tout ce qui
concerne l’enseignement de la religion reste étranger à l’athénée
et regarde les parents »…
1842 : la Première loi organique de
l’enseignement primaire
L
es chambres votent en 1842 la première loi organique de l’enseignement primaire, qui consacre l’abandon de l’ambition de
l’état d’organiser de manière volontariste cet enseignement (il
sera tout au plus « supplétif », pouvant envisager, ponctuellement,
comme la province, d’accorder des subventions) : l’enseignement
primaire est laissé aux communes qui l’organisent ou adoptent une
ou des écoles privées. L’orientation philosophique de cette loi ne
laisse aucun doute : l’enseignement de la religion catholique (catéchisme et histoire sainte) est inséparable de la morale, et c’est
l’instituteur qui en est chargé sous la direction et le contrôle d’un
prêtre. Il est tenu de conduire ses élèves à la messe et de remplir
lui-même ses devoirs religieux ! Ajoutons que les deux écoles normales officielles étaient dirigées par des ecclésiastiques, et que les
autorités religieuses surveillaient tous les cours et les livres scolaires. Les historiens nous assurent cependant que cette première loi
organique était le résultat d’un « compromis » entre catholiques et
libéraux dans le cadre politique de l’ « unionisme »…
Première riposte libérale
L
’on peut comprendre que dans les rangs libéraux une riposte
s’envisage (et en amont dans les loges maçonniques). Le parti
libéral se structure en 1846 et inscrit à son programme l’indépendance réelle du pouvoir civil, ainsi que l’organisation d’un enseignement public à tous les degrés, sous la direction exclusive de
l’autorité civile. Les discussions internes sur la réforme électorale
le fragilisent cependant, et deux tendances se dessinent : les doctrinaires (conservateurs) et les progressistes. Et si, en 1847, après
un succès électoral, le cabinet Rogier s’efforça de traduire concrètement dans les faits le principe adopté par le Congrès libéral, ce
fut avec modération : création de dix athénées et de cinq écoles
moyennes. Le pouvoir civil nomme les professeurs, inspecte les
écoles, mais ne remet pas en cause l’enseignement de la religion, au contraire. C’est ainsi que le 5 avril 1854, la Convention
d’Anvers (conclusion d’une négociation entre les représentants de
l’état et l’archevêque de Malines) consolide le contrôle religieux
sur les établissements officiels : l’instruction moyenne comprend
l’instruction religieuse qui en est la base ! Une dispense de fréquentation du cours de religion pouvait néanmoins être introduite
par écrit par le père de famille, avant la première leçon… Face
à cette contre-offensive cléricale victorieuse, outre l’activité des
loges maçonniques, des associations de libre pensée se constituent : ainsi la Ligue de l’Enseignement se met en place en 1864
et mène campagne en faveur de l’école publique. Une doctrine
laïque radicale et cohérente s’élabore.
La loi Van Humbeek de 1879, une loi
laïque ; la première grande guerre
scolaire
E
n 1878, la victoire libérale aux élections est suivie de la formation d’un cabinet libéral homogène présidé par Frère Orban,
dont tous les membres étaient francs-maçons(1), et qui gouverne
jusqu’en 1884 : un gouvernement laïque. Ainsi le ministre de l’instruction publique (la fonction est créée) s’attaque directement au
contrôle que le clergé exerçait sur l’enseignement officiel : au niveau primaire l’enseignement de la morale remplace le cours de
religion et est rendu obligatoire (néanmoins un local est mis à la
disposition du clergé pour y donner à la demande expresse des
parents un enseignement religieux avant ou après les cours ; il
s’agit du seul local où le clergé aura accès). Les communes sont
tenues de créer au moins une école primaire et il leur est interdit
d’adopter ou de subventionner à cette fin une école libre. Des bastions laïques se constituent : en application de la loi Van Humbeek,
les villes de Bruxelles et d’Anvers créent un cours de morale et
de civisme. A titre d’enseignement occasionnel, la morale fait son
apparition dans l’enseignement moyen. Les cléricaux se déchaînèrent contre cette « loi de malheur » et entamèrent la première
grande guerre scolaire de notre histoire . Le pape Pie IX dénonça
le gouvernement belge qui se vit obligé de rappeler son représentant auprès du Vatican. Divisés sur la question du suffrage universel, les libéraux perdirent les élections de 1884, et les catholiques
allaient garder le pouvoir jusqu’en 1914 !
1884-1914 : hégémonie catholique et
résistances ; instauration d’un nouveau
rapport de forces
N
ous ne pouvons entrer dans les détails de la revanche catholique, mais nous noterons que la loi du 20 septembre 1884 refusait toute existence indépendante de la morale pour l’intégrer à
la religion. Cependant le père de famille gardait le droit de dispense : ce qui dans les termes mêmes où le problème philosophique
d’une morale indépendante de la religion était posé, équivalait à
une déclaration d’immortalité ! Notons aussi que le rétablissement
de l’autonomie communale se retourne localement contre les cléricaux dans les communes progressistes qui, comme à Bruxelles,
sauront créer un remarquable réseau d’écoles officielles dispensant un enseignement moral indépendant des dogmes religieux.
Dans le même ordre d’idées, à l’initiative de Charles Buls (ancien
président de la Ligue) et de Dewael, Bourgmestre d’Anvers, un
front commun des municipalités progressistes, le « Compromis
des communes » s’engageait solennellement à défendre l’intégrité
des écoles communales. En 1904, Nicolas Smelten, les échevins
de l’instruction, Morichar (Saint-Gilles), Smets (Molenbeek-SaintJean) mettent en place « l’Union nationale pour la défense de
l’école publique ». Dès 1911, l’alliance libérale-socialiste en matière scolaire est confirmée (Paul Hymans-Vandervelde). Autant
d’éléments qui indiquent clairement et une résistance et un nouveau rapport des forces(2).
La loi organique de 1895 (inspirée entre autres par la crainte de la
montée du socialisme, présent désormais au parlement) précise
que l’instruction comprend nécessairement « l’enseignement de
la religion et de la morale, la lecture, l’écriture ». Cependant la
circulaire Schollaert, en application de la loi, est, d’un certain point
de vue, modérée, et reflète, semble-t-il, ce nouveau rapport de
forces : si un élève est dispensé du cours de religion, il est interdit
aux professeurs de lui faire des observations inspirées par la religion. Quant à l’enseignement général, il ne peut être inspiré par
des principes confessionnels…(3).
De la marginalité à l’autonomie : la
longue marche du cours de morale
L’après-guerre allait confirmer l’influence croissante de la laïcité
politique et associative sur l’enseignement officiel, et sa volonté de
se réapproprier un domaine qui était le sien.
• 1920 : sous l’impulsion de Jules Destrée, introduction dans
l’enseignement primaire du « cours d’éducation morale et
civique » en faveur des élèves dispensés du cours de religion.
• 1924 : instauration dans l’enseignement moyen d’un « cours
de morale obligatoire pour tous les élèves dispensés du
cours de religion ».
• Circulaire du 13 septembre 1947 : le ministre socialiste Camille Huysmans, prescrit aux chefs d’établissement de remettre aux parents, à la rentrée des classes, un formulaire
portant l’option : religion ou morale. Pour la première fois
donc, mis à part l’intermède laïque de 1878 à 1884, et mises
à part les situations « républicaines que nous connaissons,
le cours de morale n’apparaît plus comme marginal, mais à
part entière, sur un pied d’égalité par rapport à la religion.
• L’accord Buset-De Schryver du 13 mai 1948, préalable à
la loi du 5 août 1948, va, pour la première fois, définir ce
qui allait désormais s’appeler, dans notre pays, les « cours
philosophiques ».
« Par enseignement de la religion, il faut entendre l’enseignement
de la religion (catholique, protestante ou israélite) et la morale inspirée de cette religion.
Par enseignement de la morale, il faut entendre l’enseignement de
la morale non confessionnelle ».
Les ministres des cultes sont invités à donner ou à surveiller l’enseignement de la religion et de la morale inspirée de cette religion.
L’enseignement de la morale non confessionnelle est organisé par
le Ministre de l’instruction publique. Un arrêté du 9 août 1948 crée
et organise l’inspection du cours de morale, qui fut confiée à Fernand Janson. Notons que les dispositions de la loi ne couvrent pas
l’enseignement organisé par les provinces et les communes (où
se constatent de situations on ne peut plus contrastées : des plus
cléricales aux plus « républicaines » !).
Deuxième Grande guerre scolaire et
Pacte scolaire de 1959
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urant la deuxième grande guerre scolaire (1954-1958), la loi
du 27 juillet 1955 (loi Collard) confirme la loi du 5 août 1948,
mais étend ses modalités à l’enseignement organisé par les provinces et les communes.
La loi du 29 mai 1959, dite du Pacte scolaire (lequel avait été
combattu par la Ligue de l’Enseignement et par la CGSP-Enseignement, essentiellement parce qu’il institutionnalisait la prise en
charge par l’Etat des traitements, indemnités, pensions, frais de
fonctionnement et d’équipements, etc… de l’enseignement catholique !, sans oublier l’obligation pour les pouvoirs subordonnés
- provinces et communes - d’octroyer aux écoles confessionnelles les mêmes avantages sociaux que ceux dont jouissent leurs
propres institutions) rend cette fois l’organisation du cours de morale non confessionnelle (et des cours de religion !…) obligatoire,
dans tous les réseaux officiels, tant dans l’enseignement primaire
que secondaire, et définit le cours de morale dans les mêmes termes que ceux de la loi du 5 août 1948.
Deux faits, deux cultures laïques
D
eux faits ressortent clairement du parcours que nous venons
d’achever : la force et la permanence du contrôle social et
idéologique du lobby catholique sur l’enseignement officiel (à quoi
il convient d’ajouter le développement puissant, après la crise de
1878, de son propre réseau !), d’une part, une résistance laïque,
d’autre part : radicale et « républicaine » dans certains bastions,
prudente, pragmatique, patiente et progressive, par ailleurs. L’on
pourrait avancer que ces deux modes de résistance créèrent
deux cultures laïques de sensibilité différente, qui expliqueraient
la coexistence dans notre mouvement de deux cultures laïques :
une certaine nostalgie « républicaine » présente à des degrés divers au sein de la Ligue, comme au sein de la CGSP, et le développement d’une autre culture, née d’un sentiment de libération de
ceux qui allaient apprécier hautement l’instauration obligatoire,
inscrite dans la loi, du cours de morale en terre cléricale ! Recul
objectif pour les uns, avancée objective pour les autres…
Une définition négative ?
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otre parcours antérieur nous l’a rappelé : c’est en 1948 que
le contenu philosophique du cours de morale est, pour la première fois, précisé officiellement. Il est de nature « non confessionnelle ». Dans la foulée législative du Pacte scolaire, sa « Commission permanente » approuve le 8 mai 1963, une résolution sur
la neutralité qui, cette fois, explicite le contenu de la « morale non
confessionnelle » :
« Le cours de morale non confessionnelle est un guide d’action
morale fondé sur des justifications sociologiques, psychologiques
et historiques. Il ne fait pas appel à des motivations de caractère
religieux, il ne tend pas non plus à la défense d’une ultime conception philosophique déterminée. Néanmoins, sur des points particuliers et lorsque les circonstances le commandent, le titulaire doit
pouvoir exprimer avec mesure sa propre conviction morale et les
fondements de celle-ci ».
Lucia de Brouckère était de ces grands militants laïques que cette
formulation « négative » : « non confessionnelle » et non pas « laïque » comme d’aucuns l’eussent préféré, ne chagrinait pas, au
contraire. Passage obligé, pour elle. Oui, « non confessionnelle »,
ne « faisant pas appel à des motivations de caractère religieux »,
non religieuse, une formulation qui avait le mérite de la clarté, « laïque » restant, dans le contexte de l’époque, ambigu, n’ayant pas
le même sens pour les libres penseurs et les croyants. Quant à la
définition plus explicite du cours, résultat évident d’un compromis
au sein de la Commission, elle lui donnait le fondement « positif »
des sciences humaines et libérait le maître, le professeur, du souci
d’une neutralité paralysante par rapport à l’engagement évident
des collègues de religion !
Rappelons, par ailleurs, que la Résolution du 8 mai 1963, souvent appelée « Charte de la neutralité » développait la doctrine
de la « neutralité positive » (à appliquer dans tous les cours) et
rompait elle-même avec une éventuelle neutralité réductrice, insipide et hypocrite, mettait en avant les principes positifs de l’objectivité scientifique, la recherche de la vérité, le développement
de l’esprit critique, l’adhésion à l’humanisme occidental, et rejetait
dans les exposés le tabou du politique. Le fait est là : voilà qui sut
dynamiser maîtres et professeurs, jeter les bases d’une culture
laïque dans nos écoles (et là où elle existait, parfois de longue
date, d’une nouvelle culture laïque), des écoles, désormais, objectivement pluralistes :
« Le professeur du cours de morale non confessionnelle et celui
du cours de religion et de morale confessionnelle construiront leur
enseignement positivement en évitant la critique des positions exprimées dans l’autre cours ».
Voilà qui sut aussi largement contribuer à reconstruire à la périphérie des établissements officiels, et en appui « logistique », le
mouvement laïque lui-même. Ainsi se mettent en place et s’organisent :
La Pensée et les Hommes (1961), La Famille Heureuse (1962), les
Fêtes de la Jeunesse Laïque (1964), La Fondation pour l’assistance morale laïque aux détenus (1964), La Fédération des Amis de
la Morale Laïque (1969), dont la vocation est explicite, Le Centre
d’Action Laïque (1969). De fait entre le développement du cours
et la restructuration du mouvement laïque, allait s’instaurer un riche et complexe courant d’échanges et d’influences réciproques.
Participent aussi de cette effervescence militante et culturelle les
grands combats fondamentaux pour la dépénalisation des moyens
de contraception et de l’interruption volontaire de grossesse, de
même que la contestation culturelle et pédagogique liée aux événements de mai 68. C’est l’époque aussi où, au plan symbolique,
la vieille chouette d’Athena, et bientôt le « flambeau », donnaient
à cette nouvelle laïcité une incontestable visibilité…
La formation et le recrutement des maîtres et des professeurs,
l’esprit du cours, les programmes, la pédagogie.
Progressivement les Pouvoirs organisateurs décidèrent de confier
les « cours philosophiques » au niveau primaire à des « maîtres
spéciaux » : une décision où l’on trouve souvent tantôt en amont,
tantôt en aval, la création d’une association d’ « amis de la morale
laïque ». Dès 1969, la jeune Fédération des Amis de la Morale Laïque, et, bientôt le CAL, auront ce souci permanent que ce cours
soit confié tant au primaire qu’au secondaire à un(e) enseignant(e),
dont les compétences, mais aussi les convictions laïques soient
garanties. En effet, la loi dite du Pacte scolaire ne prévoit, en la
matière, qu’une simple priorité accordée aux porteurs d’un diplôme
officiel, lesquels auront de préférence suivi le cours de morale…
Force nous est de constater que la liste est longue des déconvenues à ce propos.
Quarante ans après le Pacte, la situation reste inégale et hétérogène, même si nous nous félicitons du souci très réel et sérieux
de l’inspection et d’un certain nombre de pouvoirs organisateurs
proches de notre sensibilité philosophique, de veiller à ces garanties laïques, voire de mettre le cours de morale en valeur par leur
présence lors des Fêtes de la Jeunesse Laïque (discours, réceptions, etc…), par leur soutien actif à l’AML locale, ou bien encore
par la désignation d’un(e) coordinateur(trice) des cours de morale,
voire d’une inspection locale, par l’élaboration d’un programme
spécifique. Quarante ans après le Pacte, le problème de la formation a reçu, lui, des solutions plus satisfaisantes : certes encore
trop légère chez les instituteurs (cours à option de deux heures
semaine durant les trois années d’études), et chez les licenciés,
le cours est confié le plus souvent à un titulaire d’un diplôme de
philosophie et lettres, et de préférence à un agrégé en philoso-
phie ou en philosophie morale (le titre requis d’AESS en science
morale n’est délivré ni par l’ULB, ni par l’Ulg !). Signalons cependant que, bien avant que le lexique pédagogique ne fasse un sort
à l’expression de « formation continuée », l’ULB, très consciente
que tout était encore à faire en matière de formation adéquate à
l’enseignement de la philosophie et de la morale laïque, créait au
début des années soixante, le « certificat d’aptitude à l’enseignement de la morale » : sous la direction de Madame Goedert-Croissant, avec, entre autres, la collaboration des professeurs Paumen,
Goriely, Osterrieth, ces passionnants cours et séminaires jouèrent
pendant quelques années un rôle important dans la nécessaire
critique et dans l’approfondissement philosophique, sociologique
et psychologique du programme de morale, alors en application
dans le secondaire.
En ce qui concerne les programmes, il sera impossible d’envisager ici de les analyser dans leur contenu et dans leur évolution
de manière exhaustive. Le lecteur pourra utilement se reporter à
l’approche qu’en a faite Michel Bastien (4). Celui-ci nous montre
qu’entre autres ils furent marqués par l’air du temps pédagogique
(la leçon magistrale, la vertu de l’exemple à partir de beaux textes,
les idées de l’école active, l’idée que la morale n’a de réelle valeur
que vécue dans l’action, etc…). Mais cette même étude confirme
cette hypothèse que nous avons développée plus haut : cette dialectique entre la dynamique propre au cours à partir de 1959, et
le développement du mouvement laïque lui-même. Ainsi le programme de 1976 (on peut y déceler aussi l’influence des idées
libertaires de 1968, et du climat modifié des écoles secondaires)
« installe l’humanisme au cœur de la pédagogie », mais – et nous
nous permettons d’y insister – se réclame cette fois tout à fait clairement de la laïcité en tant que libre pensée (le programme du
primaire en fera de même en 1981) :
« La finalité du cours de morale non confessionnelle est d’exercer les élèves et les étudiants, dont les parents ne se réclament
d’aucune confession, à résoudre les problèmes moraux sans se
référer à une puissance transcendante ni à un fondement absolu,
par le moyen d’une méthode de réflexion basée sur le libre examen
(…). L’attitude des professeurs reposera sur le respect scrupuleux
de la finalité propre au cours de morale non confessionnelle, ce qui
implique entre autres choses, qu’ils ne se bornent pas à adopter
les principes fondamentaux de la laïcité sur un plan exclusivement
théorique, mais qu’ils n’hésitent pas le cas échéant à prendre position, à définir leur point de vue, à formuler leur opinion. Cet engagement se fera dans le respect de la liberté des élèves et des étudiants, ce qui exclut toute propagande ou conditionnement (…). Le
problème n’est donc pas dans la limitation de l’engagement mais
dans le sens et les formes que prend celui-ci ».
Le programme de 1976 (toujours en application dans les deux premiers degrés du secondaire) était – et de loin – beaucoup moins
directif que les précédents : il permettait désormais au professeur
de « cogérer » son cours avec ses élèves ! et visait avant tout à
aider le jeune à se construire, à conquérir son autonomie morale,
à se situer, à s’engager. La matière n’était donc plus le but mais
« le moyen de poser et d’analyser des problèmes moraux avec les
élèves de façon à former leur sens morale et leur esprit critique,
à leur donner conscience de leurs responsabilités vis-à-vis de la
société, à les amener à penser et à agir ». Le programme devenait
une sorte de réservoir théorique et pratique (les « thèmes de discussion ») à la disposition du titulaire et des élèves. De fait cette
liberté pédagogique était telle qu’elle allait désormais exiger du
professeur - risquons le mot - une véritable maîtrise (au sens le
plus fort, le plus philosophique, le plus pédagogique du terme…) :
les choix à opérer dans cet énorme catalogue étant d’une nécessité évidente, car faute d’y procéder, les dérives et les dérapages
sont immédiats. Michel Bastien écrivait à ce propos : « Notre cours
risquait une dérive : celle d’une mauvaise vulgarisation des sciences humaines et fluctuant au gré des événements du monde et de
l’intérêt passager des élèves. L’essentiel, la spécificité même du
cours, était en péril. La réflexion sur les valeurs morales était négligée au profit du sociologisme ambiant ». Voilà pourquoi le nouveau programme du degré supérieur (1997) s’est ouvert – nous
dirions plutôt renoue avec une sage tradition qui remonte aux années 20 et 30 (et qu’un bon nombre de profs de morale n’avait
jamais abandonnée…) avec les notions de philosophie, « axée sur
le principe du libre examen et marquée par une conception humaniste de l’existence »(4).
L’immense travail réalisé dans les cours de morale ainsi que la
créativité pédagogique dont les professeurs de morale ont fait
montre.
C’est en ces termes que s’exprime P. Hullebroeck, directeur de la
Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente, présentant le « dossier » « philosophie et morale laïque » dans Tribune
Laïque, non sans avoir rappelé la position de principe de la Ligue,
considérant toujours « préférable la généralisation d’un cours de
morale et d’éducation à la citoyenneté destiné à tous les enfants,
en commun, plutôt qu’une forme d’organisation regroupant les
enfants en communauté séparée ». Il ajoute néanmoins qu’il faut
aussi constater « l’évolution des mentalités ». C’est qu’en effet - et
la FAML y a souvent insisté - l’école officielle est devenue dans
les faits et en droit pluraliste, puisqu’elle est la seule à organiser
en vertu du Pacte scolaire, et nous en parlerons plus loin, de la
Constitution, et les cours de religion et les cours de morale non
confessionnelle, et la seule à appliquer la « neutralité positive ».
Certes le problème philosophique et politique de ce cours à vocation humaniste et universaliste placé paradoxalement en situation
particulariste reste posé(5), mais aux ricanements faciles, voire haineux de ceux qui nous reprochent cette « religion de trop » et aux
donneurs de leçons de vigilance laïque dont ils ne donnent guère
l’exemple, nous préférons l’attitude constructive de P. Hullebroeck
qui veut prendre en compte « l’immense travail » des maîtres et
des professeurs de morale. Certes ils sont sans aucun doute nom-
breux, très nombreux, les lecteurs de cette étude qui savent com- 10
bien cette rencontre bihebdomadaire avec le(la) prof de morale, a
pu être, à tel ou tel moment de leurs études, un moment privilégié,
initiatique au sens fort du terme ; combien l’apprentissage du libre
examen en tant que méthode et principe, en tant que règle de
vie, combien la distinction des faits et des valeurs, de la nature
et de la culture, la découverte et le respect de l’altérité, la prise
en compte du fait métaphysique et de la spiritualité, le refus radical de l’argument d’autorité, ils le doivent à cette femme, à cet
homme qui était leur « prof de morale », dans ce lieu « différent »
qu’était la classe de morale ! Véritable « creuset » où dans cet
enrichissement réciproque prof-élèves se sont élaborées au fil des
années ces méthodes nouvelles : la « clarification des valeurs »
(Cathy Legros), la « démopédie » (Claudine Leleux), l’application
de la « philosophie pour enfant » de Mathew Lipman (Marie-Pierre
Grosjean et Marcel Voisin), « drama » (Christian Staquet), etc…
Sans oublier ce véritable et irremplaçable classique qu’est « Vivre la laïcité » de Marcel Voisin, ni la contribution spécifique de
la FAML et de son secteur d’édition pédagogique, sa collection
« Culture laïque », ni ses « outils pour le cours de morale », ni ses
« Dossiers Société »(4) et (6).
Un statut ambigu, une certaine hostilité
permanente, ouverte, occulte, la
différence flamande, des avancées
constitutionnelles et institutionnelles,
un cours qui coûte cher…
N
ous avons évoqué plus haut la problématique du recrutement
et de la formation : elle ne fut pas la seule dont a eu à connaître notre fédération. Il est certain, par exemple, que cette curieuse
disposition réglementaire de prendre en compte les résultats de
morale (et des autres cours philosophiques) au niveau primaire,
et de les mettre « hors total » au niveau secondaire (pour éviter
une concurrence malsaine, tout en imposant néanmoins la réussite pour le passage dans la classe supérieure, et en interdisant
toute délibération à ce sujet, du moins théoriquement) n’a, à aucun
moment, rendu la tâche des titulaires très facile. La pédagogie
des « compétences » et de « l’école de la réussite » qui, en principe, rend obsolètes les « totaux » modifiera sans doute, à terme,
les données du problème… Il n’en demeure pas moins qu’objectivement marginalisé, le prof de morale du secondaire a dû faire
face, en permanence, à la kyrielle des défis posés par ce cours qui
« compte et ne compte pas », tant à l’intérieur de l’équipe pédagogique que vis-à-vis des étudiants.
L’engagement du prof de morale, légitimé par la résolution de 1963,
par les programmes de 1976 et de 1981, allait poser d’autres problèmes tout aussi délicats, d’autant que, comme nous l’avons indiqué, les références laïques et libre exaministes du cours s’étaient
affirmées de manière cette fois explicite. A quoi nous pourrions
ajouter que les tendances plus radicales des programmes de 1976 11
et de 1981, comme l’inscription de la « capacité de révolte » parmi
les valeurs laïques étaient loin, très loin, de faire l’unanimité…
Nos lecteurs et nos militants se souviendront certainement des
arrêts prononcés en 1985, 1989 et 1990, entre autres par la IVème
Chambre flamande du Conseil d’Etat, favorables à des recours
introduits par des Témoins de Jéhovah contre la laïcité du cours
de morale, alors qu’ils en attendaient une absolue neutralité philosophique. Force fut donc pour les Autorités flamandes d’accorder à ces parents une « dispense » (contraire à l’obligation légale
d’inscrire leur enfant à un cours philosophique) et force fut donc
– afin de surmonter cette contradiction conflictuelle entre la loi et
son interprétation par le Conseil d’Etat – de revoir non seulement
les programmes, mais aussi l’organisation et le statut du cours.
En gros les dispenses restent possibles, mais doivent être motivées de manière très approfondie. Quant au cours, sa laïcité reste
confirmée, quoiqu’en termes plus modérés, et la liberté philosophique de l’étudiant est explicitement garantie.
Mais il y a plus : le cours est désormais géré non plus par le Ministère de l’Education, mais par un conseil pluraliste (le raad voor inspectie en begeleiding niet-confessionele zedenleer, le ribz, asbl),
composé de 25 membres : des professeurs d’université des enseignants, des représentants des parents, des syndicalistes socialistes et libéraux, des organisations laïques. Il a comme fonction de
proposer à la désignation les inspections, de définir les fonctions,
les programmes. Désormais les professeurs de morale ne sont
soumis qu’à l’autorité administrative de la direction de l’établissement, pédagogiquement, ils dépendent uniquement de l’inspection(3).
Privatisation ? Consolidation stratégique
du cours de morale ?
es péripéties que connaissait le cours dans les écoles flamandes provoquèrent du côté francophone un incontestable malaise, de réelles inquiétudes, d’autant que – et personne ne s’en
étonnait – des demandes de dispense semblables parvenaient
aussi aux autorités scolaires et politiques. Significatif aussi, au
même moment, le retour de remarques, d’observations, de critiques contre la laïcité trop affirmée du cours, y compris dans notre mouvance. Par différentes voies, la FAML fit connaître à plusieurs reprises et très fermement sa volonté de ne rien céder sur
la « conquête laïque » que constituait « le cours de morale non
confessionnelle » tel qu’il est défini tant par la loi que par les programmes de 1976 et 1981. La Ligue de l’Enseignement, le CAL,
La Pensée et les Hommes relayèrent très correctement cette détermination, et cette action commune fut, chaque fois entendue,
par le Ministre responsable (Bertouille, Ylieff, Graté) : l’obligation
de faire un choix entre le cours de morale non confessionnelle et le
L
cours de religion fut maintenue, et la Résolution de la Commission 12
permanente du Pacte scolaire, simplement rappelée.
La vigilance de la FAML ne se relâcha cependant, à aucun moment : un nouveau programme était-il en préparation ? Pour quoi
faire ? pour en faire le « cours résiduaire » cher à certains juristes ? pour en arriver à cette situation scandaleuse d’une école officielle vidée de sa substance matérielle et doctrinale (parce que se
reniant elle-même, renonçant à sa neutralité positive, à sa propre
légalité, celle-là même définie par la Résolution du 8 mai 1963 ?)
accueillant, de manière pluraliste – des cours de religion engagés
(tous les croyants s’y reconnaissent-ils ?) soumis au seul contrôle
des autorités ecclésiastiques, mais censurant en son sein toute
velléité d’engagement libre exaministe ? la morale laïque y devenait au pire une manifestation subversive, au mieux une affaire
strictement privée ? la boucle serait alors bouclée. A moins que…
nous ne disions : « Non ! » Tous, simplement (7).
Complexité de la fin des années 80 et des années 90 : des avancées significatives, constitutionnelles et institutionnelles confortent
aussi, dans une certaine mesure, le cours de morale :
• l’article 17§1 de la Constitution révisée (1988) qui garantit
l’offre du choix philosophique morale-religion, jusqu’à la fin
de l’obligation scolaire, une garantie de pérennité encore
que la forme du choix ne soit pas précisée …
• la modification de l’article 117, en 1993 (désormais l’article 181§2) qui reconnaît « l’assistance morale selon une
conception philosophique non confessionnelle », désormais
à charge de l’Etat ;
• le décret du 31 mars 1994 de la Communauté française,
qui reprécise la neutralité de l’enseignement, prolongeant,
et dans une certaine mesure, approfondissant, actualisant
l’œuvre législative de 1963 : à savoir la définition de la neutralité positive. Désormais les élèves et les étudiants accèdent à la liberté d’expression sur « toute question d’intérêt
scolaire ou relative aux droits de l’homme » ; l’école officielle
y réaffirme son engagement « humaniste » et y répète son
hostilité à tout tabou politique et philosophique : les enseignants traitent des « justifications politiques et philosophiques et doctrinales des faits » ; cependant tout prosélytisme
et militantisme sont interdits.
• L’article 5 du décret est relatif aux cours philosophiques :
un peu maigrelet au demeurant. Il définit le cours de morale
comme « inspiré de l’esprit du libre examen » et rappelle - ce
n’est pas sans importance - que la fréquentation des cours
philosophiques est obligatoire. A l’heure actuelle, ce décret
n’a toujours pas été généralisé à l’enseignement officiel subventionné (une demande du mouvement laïque dans son
ensemble).
Notons cependant que le Conseil permanent de l’enseignement
officiel subventionné (CPEONS), à savoir l’enseignement secon- 13
daire des villes, communes, provinces et Commission communautaire française de Bruxelles Capitale, qui agit pratiquement comme
un Pouvoir organisateur, vu le rôle qui lui est dévolu dans les derniers décrets sur l’enseignement, a élaboré un « projet éducatif »
(1998) qui ne laisse pas de nous réjouir et de nous interpeller, puisqu’il valorise « trois principes intangibles » qui sont non seulement
les nôtres, mais qui sont ceux du cours de morale lui-même !
• la notion de service public ;
• le concept de non-confessionnalisme de son enseignement.
La laïcité étant la garantie du respect des opinions de chacun ;
• la démarche libre exaministe (8).
Soyons de bon compte, ces « avancées » peuvent apparaître
comme des « acquis » appréciables. Ils n’ont cependant pas empêché, dans le même temps, ces péripéties négatives que tous
nos lecteurs et tous nos militants gardent en mémoire. Elles se
situent très précisément dans ce contexte très délabré de la crise
du financement de l’enseignement de et par la Communauté française, de sa politique de crise, c’est-à-dire des restrictions budgétaires qui ont frappé très durement l’enseignement, et dont les
conséquences matérielles, sociales, humaines, morales sont vécues au quotidien par les profs et les élèves.
Lucide, la FAML, dans ce contexte ne pouvait pas ne pas attirer
l’attention sur la tentation évidente du Pouvoir de pratiquer des
coupes sombres dans le budget des cours philosophiques.
Dès la rentrée de septembre 1990, les enseignants de morale (et
le mouvement laïque) allaient devoir faire face sinon à une hostilité
calculée, du moins à des décisions très significatives :
• Un « vade mecum pédagogique de l’enseignement secondaire » repense l’évaluation en général et supprime l’examen de morale (dans l’enseignement officiel subventionné,
il fut souvent maintenu). En présence des inspecteurs Cathy
Legros et Michel Bastien, le Conseil d’administration de la
FAML adoptait à ce propos une motion très dure, appelant
l’ensemble des forces vives attachées à l’enseignement officiel à barrer la route à la « marginalisation des cours philosophiques, qui pourrait précéder leur caractère facultatif,
puis leur suppression pure et simple ». Point de départ d’une
mobilisation réelle du côté laïque : outre la FAML, La Pensée et les Hommes et Nicole Rosel, le GEML (groupement
des enseignants de morale laïque). Fait sans précédent, des
contacts d’alliance avec les représentants des cours confessionnels catholique, protestant et israélite, furent établis (ce
qui nous fut reproché par ceux-là mêmes qui nous laissaient
assez seuls dans ce combat…).
• Le même scénario devait se répéter à la fin de l’année scolaire 1994-1995, face à la menace de réduire, dès l’année
scolaire suivante, de 50%, les heures attribuées aux cours
philosophiques, avec un recentrage de ces cours sur la citoyenneté ! une idée que le ministre Flahaut, et quelques
autres, n’allaient plus cesser d’avancer.
• Le décret du 13 juillet 1998, réorganisant l’enseignement
primaire, allait, cette fois toucher sérieusement l’organisation même des cours philosophiques.
Fidèle à sa vocation, la FAML alertait, dès la rentrée de 1998,
l’ensemble du mouvement laïque sur cette question, mobilisait
et sa base et les maîtres de morale. Sans avoir obtenu gain de
cause, elle a recueilli quelques fruits de sa détermination. Reçue
par la Ministre-Présidente, le 23 février 1999, la FAML entendait
la confirmation de la logique de restriction budgétaire qui préside
à la nouvelle réglementation… mais aussi celle de l’attachement
de Laurette Onkelinx à la laïcité du cours de morale non confessionnelle ainsi qu’à la laïcité militante, au maintien du cours dans
l’ensemble des cours philosophiques, et sa ferme condamnation
des attitudes réductrices en la matière d’une certaine inspection.
Mais elle reconnaissait que tout le monde au PS ne partageait pas
ses convictions.
Entre-temps, la FAML enregistrait avec satisfaction la reprise par
la CGSP-Enseignement, dans son nouveau cahier revendicatif, de
son exigence de l’organisation parallèle des cours philosophiques,
et du retour à l’organisation antérieure.
Quant au CAL, il reprenait lui aussi l’essentiel de l’argumentation
de la FAML dans le mémorandum qu’il adressait au prochain Gouvernement.
A l’initiative du CAL, et à l’actif du Gouvernement de la Communauté française, notons l’installation, le 16 décembre 1998, du
Conseil supérieur de la morale non confessionnelle ou Conseil
de la Morale Laïque (CML), constitué de représentants du mouvement laïque, des étudiants, des formateurs, des syndicats (voilà qui n’est pas sans rappeler un certain modèle flamand…). Il a
pour objet d’observer, d’examiner, d’améliorer et de promouvoir en
Communauté française l’enseignement de la morale non confessionnelle.
Toujours à l’initiative du CAL, mais cherchant encore ses marques,
et assez représentatif des contradictions et des tensions internes
du mouvement laïque, s’est installé le 11 mars 1998, l’Institut de
recherche et de formation des enseignants de morale (IRFEM),
composé d’une douzaine d’associations laïques, d’inspecteurs,
d’enseignants, de formateurs.
14
Pour conclure
I
ci s’achève ce parcours de part et d’autre du Pacte scolaire. Sur
des éléments positifs pourrait-on dire, sur une meilleure coordination du Mouvement laïque (CAL-FAML), sur la mise en place
volontariste de l’IRFEM, du CML, sur cette constatation que parmi
les articles de la Constitution, promis à une révision durant la prochaine législature, ne figure pas celui garantissant la pérennité des
cours philosophiques. En tout état de cause, notre optimisme sera
« de volonté » : celle de préserver la conquête que constitue le
contenu laïque et libre exaministe du cours de morale non confessionnelle, et son organisation obligatoire par les pouvoirs publics.
Le 25 mars 1999, le Conseil d’administration de la Fédération des
Amis de la Morale Laïque adoptait la motion suivante, qu’il adressait tant aux diverses instances du mouvement laïque, qu’à la Ministre-présidente et qu’aux syndicats laïques de l’enseignement :
Décide de maintenir en tout état de cause sa mobilisation en vue
de la restauration, dès l’année scolaire 1999-2000, de conditions
correctes de l’enseignement de la morale non confessionnelle et
de dénoncer radicalement toute tentative de quelque nature que
ce soit et d’où qu’elle vienne qui viserait à le vider de son caractère
laïque et libre exaministe, tel qu’il est explicitement souligné dans
les programmes et dans la déclaration sur la neutralité ;
Se déclare néanmoins prêt à dépasser la défense et la promotion du cours de morale, délibérément déstabilisé, au profit d’un
cours commun obligatoire pour tous les élèves, de formation morale, citoyenne et philosophique, pour autant que ce dernier devienne effectivement l’expression philosophique de neutralité positive (Cfr circulaire Larock du 16 novembre 1961 ; résolution de la
Commission permanente du Pacte scolaire sur la notion de neutralité ; déclaration de la Communauté française sur la neutralité ;
projet éducatif du CPEONS) et qu’il adopte explicitement le libre
examen comme méthode d’investigation du réel ;
Invite cependant toutes les forces vives politiques et associatives,
attachées à la défense de l’école officielle, et à la laïcité, à mesurer
le plus exactement possible les enjeux d’un tel « dépassement »,
alors que quarante ans après la signature du Pacte scolaire, le
pluralisme de l’école publique est devenu son image de marque
et sa culture.
(1)
Henri Masson, La laïcisation et la morale, Ligue de l’enseignement de l’éducation permanente, 1980 .
(2)
voir Tribune laïque, La Ligue hier et aujourd’hui, numéro spécial,
septembre 1981.
(3)
voir L’engagement laïque et les spécificités du cours de morale
en Flandre, Luc Devuyst in Le cours de morale, aspects pédagogiques, La Pensée et les Hommes, 1991.
(4)
in Tribune Laïque, Dossier philosophique et morale laïque, oc-
15
16
tobre 1997.
(5)
voir à ce propos l’article de Jean-Louis Genard, L’avenir du
cours de morale : particularisme ou universalisme in Morale Laïque 89/90, décembre 1990.
(6)
Marcel Voisin, Vivre la Laïcité, essai de méthodologie de la Philosophie et de la morale laïques, Editions de l’Université Libre de
Bruxelles, 1981.
(7)
Editorial de Morale Laïque, n°75, janvier 1987.
(8)
in Convergences, Bulletin du centre de concertation de l’Enseignement officiel, Troisième trimestre 1998 n°31.
Texte: Roger Thirion
Maquette & mise en page: Daniel Leclercq
Education citoyenne n°1
Petite histoire du cours de
morale
Une production
e-CEDIL - 2005
Cet ouvrage est déjà paru dans la collection « Humanistes »
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