L`enquête sur le crash du MH17 pourrait servir la Russie

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L`enquête sur le crash du MH17 pourrait servir la Russie
BULENT KILIC/AFP
Les enquêteurs ont déclaré avoir identifié, sur le lieu du crash du vol MH17, des pièces qui pourraient provenir d’un missile BUK russe.
L’enquête sur le crash du MH17 pourrait servir la Russie
Entretien Maria Udrescu
A
lors que l’enquête pour déterminer les causes du crash du vol
MH17 tend à pointer une certaine
responsabilité de la Russie, il est encore
difficile d’évaluer les conséquences juridiques et diplomatiques que ses résultats auront pour Moscou. Tanguy de
Wilde, professeur de géopolitique et de relations
internationales à l’Université catholique de
Louvain (UCL), fait le
point sur l’enjeu de cette
investigation.
gouvernement néerlandais, contrairement à ses homologues grec, chypriote,
hongrois ou finlandais, ne remet pas en
cause le bien-fondé des sanctions européennes à l’encontre de la Russie, renouvelées jusqu’en janvier 2016.
Le cas du MH17 est-il, du point de vue du
droit international, unique ou des cas similaires ont-ils existé par le
passé?
Des précédents au cours
desquels un avion de ligne
civile a été abattu par erreur existent. En 1983, un
avion de la Korean Airlines reliant New York à
Quelles sont les conséquenSéoul avait dévié de sa
ces de cette enquête sur les
route et fut détruit près de
relations diplomatiques enl’île de Sakhaline par les
Soviétiques qui l’avaient
tre les Pays-Bas et la RusTANGUY DE WILDE
sie?
pris pour un avion espion
Professeur de géopolitique
Les relations entre les
américain. Il faudra attenà l’UCL.
deux pays ont été évidre la chute de l’Union sodemment affectées par
viétique pour récupérer
l’affaire du vol MH17. Considérés plutôt les boîtes noires et conclure que l’avion
comme des pragmatiques modérant leur avait dévié par erreur. Mais les 269 victicritique à l’égard de Moscou jusque-là, les mes ne perçurent aucune indemnisation
Pays-Bas ont changé leur fusil d’épaule en de la part de la Russie.
prônant au sein de l’Union européenne, En 1988, un avion de l’Iran Air a été
avec d’autres, l’accentuation de la coerci- abattu au-dessus du golfe Persique par un
tion visant la Russie. Et depuis lors, le tir de navire américain qui l’a pris pour
“Moscou pourrait
conditionner
un processus
d’indemnisation
des victimes à une
levée des mesures
de contrainte.”
un avion de chasse iranien. Les Etats-Unis
reconnaîtront leur erreur et indemniseront les 290 victimes huit ans plus tard
en accordant plus de 100 millions de dollars à l’Iran.
cas, il est plus que probable que l’on entrerait davantage dans un processus diplomatique d’indemnisation des victimes que dans une recherche de pénalisation des coupables.
Cet été, un “tribunal spécial” avait été proposé par plusieurs pays occidentaux pour juger les responsables du crash du MH17.
Pourquoi la Russie a-t-elle mis son veto à
cette résolution ?
Pour plusieurs raisons, dont la première
est évidente: la temporalité. Le temps
d’un règlement judiciaire d’une question
peut difficilement précéder le temps politique de la paix et de la stabilité effectives de la région. A la rigueur, cette paix
est indispensable à la réalisation d’une
enquête
En outre, Moscou souligne que le seul
lien, évident, entre la Russie et la destruction du MH17 est l’origine de fabrication
du type de missile utilisé, mais ce dernier
est possédé à la fois par l’armée officielle
ukrainienne et les rebelles pro-russes.
Quelles seraient les conséquences diplomatiques pour Moscou dans ce cas?
Par rapport à aujourd’hui, les conséquences diplomatiques seraient plutôt avantageuses pour la Russie parce qu’on n’imagine guère qu’un processus d’indemnisation des victimes se déroule sans
l’amélioration du climat de tension actuel. A la rigueur, Moscou pourrait conditionner un tel processus à une levée au
moins partielle des mesures de contrainte pesant actuellement sur la Russie.
Qu’est-ce qui pourrait engager la responsabilité de la Russie dans cet accident ?
Il faudrait prouver l’implication directe
de représentants officiels de la Fédération
de Russie dans la décision et l’exécution
du tir fatal. Néanmoins, même dans ce
Cette enquête vise-t-elle aussi à prouver la
présence de militaires ou d’armes russes sur
le territoire ukrainien ?
On n’a guère besoin d’une enquête
pour savoir que des militaires et des armes russes sont présents en Ukraine. En
février 2015, sous l’égide des dirigeants
russe, ukrainien, français et allemand, a
été signé l’accord de Minsk 2 dont l’objectif était de ramener la paix en Ukraine.
Le texte prévoit notamment le retrait de
toutes les armes lourdes et des groupes
armés étrangers.
mercredi 26 août 2015 - La Libre Belgique
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