Développement d`une application Analytics pour les ressources

Transcription

Développement d`une application Analytics pour les ressources
Développement d’une application Analytics
pour les ressources humaines : approche
orientée problèmes dans un contexte multiclients
Lynda Atif
PSL, Université de Paris Dauphine/ Talentsoft
LAMSADE UMR CNRS 7243,
Place du Maréchal de Lattre de Tassigny,
75016, Paris
[email protected]
: SIAD, Processus de décision RH, Approche orientée problèmes, développement
collaboratif
MOTS-CLÉS
KEYWORDS:
DSS, HR decision making, problem-driven approach, collaborative design
ENCADREMENT :
Camille Rosenthal Sabroux (PR) et Michel Grundstein (Chercheur-Associé)
1. Contexte
A l’heure du numérique et de la concurrence accrue, les éditeurs informatiques
développent des milliers de logiciels pour aider les organisations dans la gestion de
leurs activités internes. La conception de ces systèmes informatiques passe par une
phase amont du cycle de vie de développement logiciel appelée « phase d’analyse».
Cette phase a pour objectif de mettre en lumière les exigences du système à
développer pour satisfaire les utilisateurs finaux.
Depuis de nombreuses années, diverses études se sont penchées sur les raisons
d’échec et de réussite des projets de développement de systèmes informatiques. Le
rapport CHAOS du Standish Group de 1994 fait partie des plus connus.
Régulièrement mis à jour depuis la première publication en 1994, les résultats de
2002, 2006, puis de 2013, montrent que la phase analyse est l’un des facteurs clés de
la réussite ou d’échec d’un projet informatique. De même pour les systèmes
interactifs d’aide à la décision (SIAD), plusieurs études ont pu démontrer que la
cause principale d’échec de projets de leur développement était relative à cette
phase. Nous focalisons notre recherche sur les SIAD orientés données appelés aussi
« Application Analytics ».
2. État de l’art
Le Système Interactif d’Aide à la Décision (SIAD) est un concept complexe. Sa
complexité est liée en grande partie au nombre croissant de décisions de diverses
natures que peut supporter ce système, à l’évolution rapide des technologies ou
encore à l’émergence de nouvelles pratiques managériales. De nombreuses
définitions existent dans la littérature (Gorry & Morton, 1971) et toutes concourent à
dire que le système doit aider un décideur dans la résolution de problèmes non
programmés et mal structurés. De la même manière que les définitions varient en
fonction des auteurs, il n’existe pas de typologie standard des systèmes interactifs
d’aide à la décision. On peut s’appuyer sur différentes typologies. Selon RosenthalSabroux (1996) « un système interactif d’aide à la décision peut prendre des formes
extrêmement diverses selon l’importance que prennent des caractéristiques telles
que : orientation données ou modèles, décision unique ou répétitive structurée ou
non structurée, environnement statique ou dynamique et enfin décisions
individuelles ou collectives».
Le champ d’études des SIAD a vu apparaitre des méthodes de développement
spécifiques et adaptées à chaque contexte contrairement au domaine des systèmes
d’information numérique de gestion où on retrouve des méthodes de conception à
visée généralistes. La plupart de ces méthodes citées dans la littérature se focalisent
sur la modélisation de données. Les méthodes sont spécifiques à des outils :
entrepôts de données, cubes, requêteurs, etc., et restent très centrées sur les phases
aval de conception. De plus, la majorité minimise la phase d’analyse d’exigences à
l’amont du projet de développement voire l’occultent. Notons que les termes
exigence et besoin sont parfois considérés comme synonymes dans la littérature,
parfois employés systématiquement ensemble. Les approches d’analyse des
exigences pour l'aide à la décision, en particulier pour les SIAD orientés-données,
sont souvent classées selon trois grandes catégories: l’approche dirigée par les
données, l’approche dirigée par les besoins et enfin l’approche dirigée par les buts.
Ces approches restent encore non probantes à ce jour (STA, 2015). Selon nous, les
principales raisons sont :
-
-
la non-spécification des liens entre les problèmes de décision auxquels font
face les différents utilisateurs finaux et celles du SIAD développé en aval.
Soulignons aussi que si, dans la majorité des approches, les problèmes sont
regardés comme préexistants au processus d'analyse des exigences, ils ne
sont cependant pas considérés comme nécessaire à être extraits ou élicités,
. On sait aussi qu’« un problème bien posé est un problème dont le caractère
crucial vient d'une estimation produite collectivement et d'une formulation
estimée acceptable par toutes les parties » (Soubie & de Terssac, 91).
3. Problématique
Notre recherche part alors du postulat que développer un SIAD en particulier
pour aider les décisions peu ou non structurées, ne peut se faire sans s'intéresser aux
problèmes de décision qui se posent aux différents utilisateurs finaux, à la façon de
les représenter collectivement, au contenu des décisions, à leur sens et au processus
de prise des décisions. On pose ainsi la problématique du domaine dans une
perspective pluridisciplinaire : Pourquoi et comment pratiquer une approche par les
problèmes pour développer un SIAD ?
La perspective générale est ici celle de l’ingénierie des systèmes, non pas dans le
but de décrire en détail telle ou telle méthode ou tel ou tel outil technique, mais pour
s’arrêter sur les questions à se poser au cours du processus d’ingénierie, et en
particulier sur l’impact des choix faits par les différentes parties prenantes du
système à l’amont du cycle de développement.
Nous avons noté que le terme « décision » renvoie aux actions et processus de
résolution de problèmes : un problème qui se pose à un individu ou à une
organisation (Lévine, 1989). Il existe selon Longueville (2003) cinq types de
problèmes de décision distincts :
- Description : problèmes associés à la caractérisation réelle de l’état courant de
l’organisation;
- Investigation : problèmes associés aux relations entre deux ou plusieurs
éléments de données ou phénomènes ;
- Explication : problèmes associés à l’établissement d’une relation cause à effet ;
- Prédiction : problèmes associés à la projection future basée sur des données
historiques ;
- Prescription : problèmes associés à la projection normative basée sur des
données historiques.
À ce titre, notre approche orientée problèmes pour développer un SIAD se base
sur une catégorisation des problèmes que se posent les utilisateurs finaux à l’amont
du processus de développement puis la conception en miroir de la solution Analytics
à l’aval. Il en ressort une nouvelle typologie de SIAD que nous proposons :
Descriptif Analytics, Diagnostic Analytics, Explicatif Analytics, Predictif Analytics,
Prescriptif Analytics.
4. Actions réalisées
Nos travaux de recherche se déroulent dans le cadre industriel de la société
Talentsoft dans le cadre d’une bourse CIFRE. Une société spécialisée dans le
développement de progiciel de gestion de ressources humaines (RH) en Saas à
destination de différentes entreprises clientes. Afin d’apporter plus de valeur
ajoutée, Talentsoft a décidé de concevoir un SIAD orienté données (une application
Analytics) en complément du progiciel de gestion des ressources humaines afin
d’aider les RH dans la résolution de leurs problèmes de décision non structurés (de
description, d’investigation, d’explication, de prédiction et de prescription) qui se
posent dans chacun de leur processus de gestion : Le recrutement, l’évaluation des
collaborateurs, la formation et le processus d’administration.
Nous avons sollicité cinq clients de tailles différentes pour faire partie de
l’équipe projet jusqu’à la mise en production du SIAD puis nous avons appliqué
notre approche de développement qu’on peut synthétiser en cinq étapes :
-
La compréhension du domaine et l’explicitation collective des problèmes de
décision qui se posent aux différents utilisateurs finaux du même profil mais
d’entreprises différentes ;
Formalisation et validation des problèmes de décision à traiter ;
Traduction des problèmes de décision en spécifications fonctionnelles, et la
négociation entre les parties prenantes pour parvenir à une solution
acceptable ;
La spécification des caractéristiques du système à construire et leur
documentation ;
La vérification et la validation de l’adéquation entre la solution Analytics
développée et les problèmes de décision qui se posaient aux utilisateurs
finaux dans ce processus RH.
5. Actions futures
Notre approche est toujours en cours de validation sur le terrain. L’identification
des problèmes et l’élaboration de la solution s’effectuent en interaction, on doit alors
procéder à de nombreuses transformations des représentations associées à l'artefact
afin de construire une représentation de plus en plus détaillée du but à atteindre.
6. Bibliographie
Annoni E., Éléments méthodologiques pour le développement des systèmes décisionnels dans
un contexte de réutilisation, Thèse de doctorat, Université de Toulouse I, 2010.
Arnott D., Dodson G., “ Decision Support Systems Failure ”, Handbook on Decision Support
Systems, Berlin Heidelberg, Springer Verlag, 2008, p. 763-790.
Giorgini P., Rizzi S., Garzetti M., “ GRAnD: A goal-oriented approach to requirement analysis in data warehouses ”, Decision Support Systems, 45, 2008, p. 4-21.
Gorry G.A., Scott Morton M., “ A framework for management information systems ”, Sloan
Management Review, vol. 13, n° 1, 1971, p. 50-70.
Lamsweerde A.V., “ Requirements Engineering in the Year 00, A Research Perspective ”,
International Conference on Software Engineering, 2000.
Lévine P., Pomerol J.-C., SIAD et systèmes experts, Paris, Editions Hermès, 1989.
Longueville B. and Gardoni M., “ A survey of context modelling: approaches, theories and
use for engineering design researches ”, ICED 03, Stockholm, Sweden, 2003.
Rosenthal-Sabroux C., Contribution méthodologique à la conception de systèmes
d'information coopératifs, HDR, Université Paris Dauphine, 1996.
Standish Group, Chaos Report, Standish Group Report, 2015.