SAINT-MARTIN Nos plus gros cochons P. 17 TRIBUNAL Gorilles

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SAINT-MARTIN Nos plus gros cochons P. 17 TRIBUNAL Gorilles
Vendredi 7 novembre 2014 // No 210
VAUD
Ça va le château ?
P. 4
CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch
Darbellay
Poils à raté
P. 5
Tribunal
Gorilles dans
la prune P. 8
Saint-Martin
Nos plus gros
cochons P. 17
JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA
2
C ’ E S T P A S P O UR D IRE !
Mauvais augure
Alinda Dufey
C’
est joli, un oiseau. C’est espiègle
et joyeux. Ça égaie l’aube de ses
gazouillis, ça enchante les enfants par
des ballets aériens, ça émeut les petits
vieux par son appétit vorace. Et même
s’il leur arrive de déféquer de manière inopportune
sur une voiture rutilante, le front altier d’un général
de bronze ou une chevelure fraîchement lavée à l’éclat
soyeux et naturel, tout le monde aime les oiseaux.
Certes, quelques espèces sont moins appréciées que
d’autres. Corbeaux, corneilles et autres gros volatiles
charognards aux plumages sombres et aux croassements
caverneux n’ont rien de très attendrissant. Au contraire,
leur dégaine de tueurs d’outre-tombe et leurs yeux
jaunâtres de psychopathes foutent les jetons ! Et
pourtant, cette mauvaise réputation est injuste et ne
repose sur rien.
Mais la plupart des zoziaux, mésanges, pinsons,
étourneaux, moineaux, perdrix, sont de mignonnes
petites boules duveteuses. Et en plus, ça parle aux
poètes : ça a des ailes, ça annule la pesanteur pour
virevolter avec grâce et virtuosité. Ça fait rêver. C’est
beau, un oiseau. C’est léger et fragile.
Tellement fragile qu’en à peine trente ans l’homme
est parvenu à en éliminer 421 millions du ciel
européen. Bravo, bel exploit ! Presque aussi efficace
que l’élimination radicale et définitive du dodo ! La
population de plusieurs espèces communes, telle
l’alouette, accuse en effet un déclin de plus de 90%,
c’est dire. Plumées, les alouettes.
Cette hécatombe ornithologique a pour cause les
méthodes de l’agriculture moderne (utilisation de
pesticides, d’insecticides, de tout un arsenal de saletés
chimiques et d’instruments dévastateurs), ainsi
que la disparition des biotopes propices à nicher,
principalement en zone urbaine. Pour remédier à cette
catastrophe animalière annoncée, il n’y a pas trentesix solutions : les pratiques agricoles doivent être
radicalement modifiées, il faut réintroduire bon nombre
d’espaces verts dans les villes et ces changements
doivent être faits au plus vite. Il est temps de se bouger
le croupion ! Car à ce rythme-là, dans la droite ligne des
abeilles et des oiseaux, c’est à coup sûr l’espèce humaine
qui bientôt y perdra des plumes.
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
Q UELLE S E M AINE !
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a f f a i r e s e n co u r t
Peines en peine Mariage gai
Spécialiste mondiale du zigouillage
Dans un pénitencier de São Paulo,
deux célèbres meurtrières se sont
mariées. Suzanne Von Ritchofen,
condamnée à 39 ans pour avoir
défoncé la tête de ses parents
à coups de barre de fer, car ils
n’aimaient pas son petit ami, et
Sandra Regina Sanchez, qui purge
une peine de 27 ans pour avoir
enlevé, puis assassiné un enfant
dont les parents n’avaient pas
payé la rançon, se sont dit oui.
Tous nos vœux de bonheur !
judiciaire, la Chine s’apprête à réduire,
de 55 à 46, le nombre de délits
passibles de la peine capitale. Ayant
déjà biffé le meurtre d’un panda en
1997, le gouvernement va retirer de la
liste le proxénétisme, le trafic d’armes
et de matériel radioactif, la fabrication
et le trafic de fausse monnaie, le fait de
lever des fonds de manière frauduleuse,
d’empêcher un soldat d’accomplir son
devoir ou de lancer des rumeurs en
temps de guerre. Plus que 46 méfaits,
donc, menant à la peine de mort : le
régime s’adoucit.
LE CHIFFRE
20
milliards de francs. Selon une étude publiée le 4 novembre
par la Confédération, tel serait le chiffre d’affaires annuel
réalisé par le sport suisse. Son impact économique est
donc considérable. Si les terrains de golf et les centres
de fitness y participent pour beaucoup, les fédérations
sportives ne sont pas en reste. Merci donc, entre autres,
au CIO et à la FIFA de contribuer au PIB helvétique.
Les travailleurs népalais du Qatar en sont sûrement ravis.
Lord direct
Siégeant à la Chambre des lords
et secrétaire d’Etat à la Santé et à
l’Assistance sociale, le conservateur
David Anthony Freud, petit-fils
de Sigmund, est connu outreManche pour ses déclarations
aberrantes et fracassantes. Lors
d’un récent débat politique, il
a déclaré très sérieusement :
« Certains handicapés ne méritent
pas le salaire minimum, on pourrait
les payer moins… » Ces propos ont
provoqué un tollé général ainsi que
le courroux du Premier ministre.
Dans la famille Freud, tout le
monde n’est pas fin psychologue.
Ames
en haine
Le 4 novembre, la Cour
européenne des droits de
l’homme a bloqué l’expulsion,
de Suisse en Italie, d’une
famille de demandeurs d’asile
afghans. Il n’en fallut pas plus
pour déclencher un torrent
de commentaires haineux,
nationalistes et xénophobes
sur le site du Matin, certains
crachant abondamment sur
l’Entraide protestante, coupable
à leurs yeux d’avoir soutenu
cette famille. Bizarrement,
ce sont les mêmes qui, pour
justifier le rejet des musulmans,
brandissent la tradition
chrétienne de la Suisse…
Heureux les simples d’esprit.
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
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FAIT S D I V ER S ET V ARI É S
FAIT S D I V ER S ET V ARI É S
Tranches de château
Christophe Darbellay
les pieds dans la barbe
Farce d’inertie A Hauteville, au-dessus de Vevey, un précieux
patrimoine s’évapore à prix d’or pendant que Vaud dort.
Aux poils Pour mieux défendre les forfaits fiscaux, le président du PDC suisse
en appelle à un illustre inconnu... australien. Quel raseur !
Le 17 janvier dernier, la baronne
Edith Grand d’Hauteville décédait
à l’âge de 83 ans. Dès lors, son château « à la française », achevé en
1767 et resté propriété familiale
depuis 1794, était à vendre. Sise à
Saint-Légier au-dessus de Vevey, la
somptueuse bâtisse (brièvement
envisagée en 2009 comme un possible écrin pour le Musée cantonal
des beaux-arts) se liquide pour la
modique somme de 60 millions de
francs.
Liotard et de Firmin Massot. Soucieuse de sauver au moins ce qui
peut l’être encore, l’association
Patrimoine suisse réclame qu’un
inventaire scientifique de la collection soit réalisé avant la vente.
L’Office fédéral de la culture
(OFC) se déclare prêt à soutenir
une telle opération ; toutefois,
précise-t-il, il n’est « pas en mesure de faire plus ni de mettre une
pression sur le canton pour prendre
l’une ou l’autre décision ». N’empêche : assuré d’un appui fédéral, l’Etat de Vaud pourrait donc
envisager, peut-être, l’éventualité
d’une esquisse de démarche en
vue d’examiner l’opportunité de
sortir de sa torpeur.
adieu, vaud,
vaches, cochons
Mandatée par la hoirie, la société
Riviera Properties vante sur son
site : « Le domaine de 27 hectares est
bordé d’arbres séculaires, de belles
allées, de jardins à la française et de
fontaines du XVIIIe siècle. La façade
du château qui donne sur la terrasse
et les jardins est décorée de stucs
tout comme son fronton à jour. Les
fenêtres s’ouvrent du côté lac et sont
exposées au soleil, préservant la vie
intime de ses habitants et laissant
l’autre côté aux visiteurs et fournisseurs. » Plutôt cossu, quoi.
Comme l’ensemble (château, dépendances et parc) figure à l’inventaire architectural de la commune
ainsi qu’à l’inventaire des biens
culturels d’importance nationale,
le futur acquéreur devra se plier à
quelques contraintes. En revanche,
les nombreux objets d’art et le riche
mobilier d’époque que renfermait
l’édifice ne seront pas sauvegardés :
mis aux enchères par la famille, ces
biens sont déjà en bonne partie dispersés, au plus offrant.
L’Etat de Vaud n’aurait-il pas dû
intervenir pour conserver tout ou
partie de ce patrimoine historique ?
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
Va-t-il le faire ? Ni Laurent Che« Oui, et son absence de réaction est
regrettable », répond en substance
l’association Patrimoine suisse,
qui s’est démenée en vain pour
empêcher la dilapidation. Elle a
alerté Laurent Chenu, conservateur des monuments et sites du
canton de Vaud, le 27 juin déjà.
Lequel Chenu, qui devait être distrait ce jour-là, semble n’avoir pas
saisi le message : le 14 septembre,
5
il disait en effet n’avoir appris la
vente qu’en ouvrant le catalogue
Christie’s publié fin août, de sorte
qu’il était malencontreusement
trop tard pour agir avant le début
des enchères fixé au 30 septembre.
Sur quoi l’Etat de Vaud décidait
fermement qu’il était impératif et
urgent de ne ne rien faire.
Face à l’inertie des services vaudois, Patrimoine suisse déposait,
Objets perdus
Parmi les trésors du château vendus à Londres, une commode Louis
XV s’est envolée pour 216 000 francs, L’Encyclopédie de Diderot
pour 18 500 francs. La Tribune de l’Art signale aussi la vente de l’un
des premiers Atlas de Suisse par Johann Heinrich Weiss (17581826), bradé 2700 francs. Consolation : grâce à l’aide de privés,
le Musée historique de Lausanne (institution municipale et non
cantonale) a pu sauver, pour 25 000 francs, le bâton de justice de
Jean-François Grand, juge ordinaire à Lausanne dans la seconde
moitié du XVIIIe siècle, sous l’occupation bernoise. Rien à voir avec
du patrimoine vaudois, donc.
le 14 septembre, un recours auprès du Tribunal cantonal. But :
obtenir des mesures préprovisionnelles afin d’empêcher la dissémination de « pièces de renom
international ». Le 29 septembre,
soit la veille de la vente, la Cour
décrétait qu’il était hélas trop tard
et qu’il n’y avait rien à faire. C’est
vraiment trop bête.
C’est ainsi que chez Christie’s,
à Londres, des fleurons du patrimoine vaudois se sont évaporés.
Le site français La Tribune de l’Art
a publié le 2 novembre un article
sur les précieux objets, dont la
vente a rapporté 1,5 million de
francs.
D’autres enchères sont prévues
au printemps 2015 à Genève, où
seront proposées les pièces de
moindre importance. De beaux
restes tout de même : des costumes et des décors de théâtre
du XIXe siècle, de l’argenterie, de
la porcelaine ou des œuvres de
nu ni son patron, le conseiller
d’Etat Pascal Broulis, n’ayant souhaité répondre à nos questions,
c’est Philippe Pont, le responsable
du Service immeubles, patrimoine et logistique, qui s’y colle :
« En ce qui concerne le mobilier,
l’Etat va prendre contact avec le
propriétaire pour faire un point de
la situation », annonce-t-il. Ça ne
devrait pas se révéler trop compliqué : l’essentiel de la collection est
perdu, point.
Par ailleurs, l’Etat de Vaud prévoit de « procéder à l’ouverture
d’une procédure de classement de
l’ensemble architectural représenté par le château et son parc ».
Ce qui est mieux que rien, même
s’ils sont déjà inscrits aux inventaires communal et national. Les
œuvres et les meubles, eux, se
sont fait la malle, mais, comme
disent les Vaudois, « qui ne peut
ne peut ». Et qui ne veut ne veut.
Jean-Luc Wenger
Président du Parti démocrate-chrétien suisse, Christophe Darbellay
s’agite beaucoup sur Twitter : ça
fait jeune. Et pour défendre les
forfaits fiscaux, il met les bouchées
doubles en matière de communication. Mais comment convaincre
les citoyens de maintenir les privilèges injustes d’une poignée de
millionnaires exilés et capricieux ?
Le président du PDC a trouvé l’ar-
gument idéal en la personne d’un
protagoniste très concerné. Il s’agit
en l’occurrence d’un certain « Yann,
26 ans, photographe » dont il partage
avec enthousiasme le témoignage
émouvant (et dysorthographique)
sur le réseau de micro-messagerie. « Yann », dont l’allure d’artiste
branché bohème tranche opportunément avec l’image d’un affreux
bourgeois ploutocrate à la solde du
grand capital, est « pour l’imposition
d’après la dépense destinés (sic) aux
étrangers », car « les subventions
pour la culture en dépendent ». Or,
« Yann », photographe, tient particulièrement à « [préserver] la vie
culturelle locale ».
Voilà qui devrait faire réfléchir les
bobos gauchistes adeptes de la pellicule et de la culture en général.
Faites comme « Yann », qui refuse
de se tirer un autogoal dans le
pied ! Problème : comme l’a astucieusement relevé sur Facebook
le journaliste Jérôme Cachin (de
La Liberté), la photo utilisée est
celle d’un certain Jimmy Niggles,
Scott Maggs de son vrai nom,
connu pour avoir mis en vente sa
luxuriante barbe au prix d’un million de dollars au bénéfice de la
recherche sur le cancer de la peau.
Autrement dit, outre qu’il ne s’appelle pas Yann et qu’il n’est pas
photographe, son rapport avec les
votations suisses sur les forfaits
fiscaux est pour le moins ténu.
Interpellé, Christophe Darbellay
s’est rapidement excusé avec le
Yann », pseudo défenseur local des
forfaits fiscaux, dans la vraie vie
Australien vendeur de barbe.
tweet suivant : « Juste ! Une amie
ayant realisé le visuel est à l’origine
de la bourde. J’ai aussitôt retiré cette
image ! #sorry. »
De fait, si la « bourde » a effectivement été retirée, elle n’a pas été
corrigée. Il doit bien exister une
vraie photo de ce « Yann, 26 ans,
photographe » qui milite en faveur
des forfaits fiscaux, non ? Encore
faudrait-il en retrouver la trace :
« La police genevoise recherche
Yann, photographe de 26 ans à
Genève. Sa barbe ne pousse que
très lentement ;) » explique le prolifique et humoristique @C_Darbellay.
Et si ce « Yann » devait demeurer
introuvable ? Gageons alors que le
comité contre l’initiative « Halte
aux privilèges fiscaux des millionnaires », avec Christophe Darbellay en tête, n’aurait aucune peine
à trouver, avant le 30 novembre,
d’autres jeunes artistes et acteurs
de la « vie culturelle locale », semblablement entichés des largesses
des forfaitaires philanthropes. Sinon, c’est vraiment que les jeunes
artistes n’ont aucune conscience
politique.
Il faut dire que si le peuple abolissait les forfaits fiscaux, ils pourraient toujours vendre leur barbe
aux enchères. Sebastian Dieguez
Gleisunterhaltsarbeiten
Entre Saint-Blaise (NE) et Bienne,
le Röstigraben se matérialise sous
la forme d’une missive des CFF signée « Maintenance Region Ouest
Biel/Bienne ».
Au recto et en français, la lettre
s’adresse « aux Riverains », avec
la majuscule d’inspiration germanophone. Emanant du « Chef de
team Voies Ferrées Bienne* », elle
précise : « Cette information vous
est envoyé (sic) selon une distribu-
tion large due au réseau postal, il
se peut qu’elle ne vous concerne pas
directement. »
Mais le message essentiel vaut son
pesant de Kägi Fret : « Des nuisances sont à craindre plus particulièrement durant la nuit suivante :
du 22 octobre au 01 novembre
2014. » Les Welsches se lèvent
tard, c’est bien connu.
Depuis la fin des travaux d’entretien et après cette fameuse nuit, les
riverains ont retrouvé la lumière
du jour, du moins quand le brouillard daigne se lever. Et du côté des
SBB Biel, on admet une fâcheuse
erreur de frappe, on prend acte
des remarques quant à la formulation, on promet de tout mettre
en œuvre pour y remédier. Pas sûr
que ce soit en bonne voie. J.-L. W.
* nom connu de la rédaction
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co n so & co n so r t s
Taches d’huile
Un déclin qui rapporte
Gras-le-bol Malmenée par la
nature, la production d’huile d’olive
tourne au vinaigre.
Vieux jeu Le business de
l’entraînement cérébral prend
de l’ampleur avec pour cible les
personnes âgées. Et pourquoi les
voyants seraient-ils les seuls à se faire
du pognon en escroquant les vieux ?
L’amour par
le concombre
Surpoids, cholestérol, maladies
cardiovasculaires et bien d’autres
problèmes de santé étant liés aux
habitudes alimentaires, les gens
surveillent de plus en plus ce qu’ils
ingurgitent. Et pour manger sainement, il est conseillé par toute une
série de diététiciens de remplacer
les mauvaises graisses par la saine
Le fait qu’un pays traverse une crise
majeure implique-t-il que chacun
de ses habitants, jusqu’au dernier,
se mobilise 24 heures sur 24 pour
sortir sa patrie du petchi ? Non,
non et non : quoi qu’il advienne, la
vie continue. Ainsi rien n’empêche
qu’en Sierra Leone une jeune
femme lance sa marque de lingerie.
Rien n’interdit qu’en Irak un jeune
idéaliste développe une application
pour retrouver sa maison après
une sortie bien arrosée. Et rien ne
s’oppose à ce qu’en Israël on s’évertue à mettre au point une variété de
concombres dont la section est en
forme de cœur.
tapenade
dans la panade
et savoureuse huile d’olive. Las !
Les récoltes de 2014 étant victimes
de calamités variées, le prix de l’or
jaune risque fort de s’envoler.
Premier
producteur mondial
d’huile d’olive, l’Espagne a subi une
sécheresse exceptionnelle. Résultat : les oliveraies d’Andalousie ont
fourni un volume réduit de fruits
tout rabougris. Et en Italie, au deuxième rang du marché mondial,
c’est une vraie saleté de bactérie
qui affecte la production. Repérée dans les Pouilles en 2013, la
Xylella fastidiosa continue de sévir
méchamment, asséchant lentement
mais sûrement les oliviers. Comme
il n’existe encore aucun traitement,
l’unique parade consiste à brûler
les arbres contaminés pour enrayer
la propagation rapide du mal. Or
un olivier, ça pousse lentement et
ça n’atteint son meilleur rendement
Inspirées par des cuisiniers pour
productif qu’au bout d’une vingtaine d’années. Une bonne majorité
des arbres est donc d’âge avancé.
Pour les cultivateurs, incendier les
oliveraies revient ainsi à réduire en
cendres leur héritage et le travail
d’une vie.
Quant à la France, elle pâtit
d’un fléau certes moins dévastateur mais assez désagréable pour
les producteurs : des myriades de
mouches d’olive se sont abattues
sur certaines régions du Midi, rendant quantité de fruits inconsommables.
Star cherche sous
Lame de fonds Le financement participatif en ligne
offrait aux anonymes la possibilité de réaliser leurs
projets. Aujourd’hui, il est colonisé par les célébrités.
A l’heure des stars virtuelles et des
« people » fabriqués pour une saison de télé, les feux de la rampe et
les paillettes ne garantissent plus
comme autrefois une fortune colossale. Heureusement, d’aucuns ont
trouvé le moyen de métamorphoser
la notoriété en or.
Alors que les industries de la musique et du cinéma touchent le
fond et continuent de creuser, des
chanteurs et des acteurs prennent
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FAIT S D I V ER S ET V ARI É S
Si les producteurs d’Espagne,
d’Italie et de France font grise
mine, ceux de Grèce et de Turquie
s’en sortent plutôt bien. Après plusieurs récoltes catastrophiques, ils
vont pouvoir s’engraisser cette année en compensant partiellement
les pertes espagnoles. N’empêche
que sur un marché mondial qui
reste précaire, les choses sont loin
de baigner dans l’huile : si les plaies
continuent de s’abattre sur les oliveraies, la production des fruits
à noyau risque bien d’être noyée
sous les pépins. Alinda Dufey
la tangente en cherchant à ratisser
de l’argent directement sur la Toile.
Ainsi l’actrice, réalisatrice et chanteuse agaçante Mélanie Laurent at-elle récolté auprès des internautes
l’équivalent d’un demi-million de
francs suisses pour réaliser un film
documentaire sur des gens « qui
changent le monde ». But :
revendre ensuite son truc à
des télés, faire du bénéfice
et changer sinon le monde,
du moins son train de vie.
Créateur du jeu Docteur
Maboul, le septuagénaire
états-unien John Spinello
a quant à lui appelé à la
générosité en ligne pour se
qui l’ingrédient essentiel d’une recette réussie est tout simplement…
l’amour, lesdites cucurbitacées profitent à Ein Yahav, station agricole
proche de la frontière jordanienne,
du havre de quiétude propice à leur
croissance.
Les cultivateurs ayant réussi ce très
bel exploit gardent jalousement le
secret quant aux méthodes d’obtention du concombre à tranches
en cœur. Il est vrai que l’affaire
peut s’avérer juteuse, surtout si la
production est dirigée vers Jérusalem-Est ou la bande de Gaza, où
nombre de consommateurs lassés
des salades ont grand besoin de
baume au cœur. Sacha Durant
payer une intervention chirurgicale :
déjà près de 20 000 dollars réunis
sur les 25 000 nécessaires. Manifestement, de nombreux adeptes ont
considéré que la célébrité du jeu
justifiait que son concepteur profite
de soins médicaux inaccessibles à de
simples quidams.
Plus futile, Louis Tomlinson, le
chanteur anglais des One Direction,
cherche à réunir 2 millions de livres
pour sauver son club de football
favori, le FC Doncaster. Quant au
clochard du coin de la rue ou à l’inconnu portant un projet génial, ils
attendront : il y a tant de vedettes et
de millionnaires nécessiteux qui ont
un urgent besoin des petits sous des
internautes ! Samuel Dubuis
La mémoire qui flanche ? On ne
se souvient plus très bien ? Bah,
c’est l’âge. Oui, c’est ainsi, l’espèce
humaine, grâce à sa propre intelligence et ses merveilleuses trouvailles, vit largement au-delà de
sa date de péremption naturelle.
Du coup, rien d’étonnant à ce que
ses capacités cognitives déclinent.
Toutes les études le prouvent :
les vieux sont moins vifs, moins
alertes, apprennent moins bien et
plus lentement, oublient davantage. Bref, ils sont vieux. Génial,
on peut donc en profiter pour leur
extorquer du fric !
les vieux
sont faits
Les voyants et arnaqueurs de
tout poil ont compris ça depuis
longtemps, bien sûr, mais ils ne
sont pas les seuls. Aujourd’hui,
les scientifiques sont aussi sur le
coup. Exploitant ce déclin cognitif
fort naturel, agitant le spectre de
(lancez une musique terrifiante)
la maladie d’Alzheimer, célébrant
le culte de la performance et de
la jeunesse éternelle, profitant du
prestige de la blouse blanche, ils
sont nombreux à se lancer sur le
créneau de l’entraînement cérébral.
Au début, il s’agissait simple-
ment de petits jeux sur console
portable, histoire pour Nintendo
de taper dans le marché des têtes
grises. Les promesses d’améliorations mirifiques de la mémoire et
du QI étaient déjà parfaitement
exagérées, mais loin de la sophistication actuelle de ce marché. En
effet, l’industrie du Brain Training,
ou Brain Gym, brasse aujourd’hui
plus d’un milliard de dollars.
On trouve sur ordinateur, tablette
et smartphone une armée de
concurrents qui tous prétendent
survitaminer l’intellect des personnes âgées – et même des gosses
et des malades en tous genres – à
coup d’exercices et de jeux prétendument conçus sur des bases
scientifiquement éprouvées. Les
principaux acteurs de ce business sont Posit Science avec son
BrainHQ, Rosetta Stone et son
Fit Brains, Lumosity et son pompeux Human Cognition Project,
CogMed, Happy Neuron et bien
d’autres. Tous affichent sur leurs
produits des grands noms de la
recherche sur le cerveau et clament haut et fort l’efficacité de leur
camelote onéreuse.
Ce marché a atteint de telles proportions qu’un groupe de chercheurs a décidé d’intervenir. Publié
le 20 octobre dernier, le « Consensus de la communauté scientifique
sur l’industrie du Brain Training »
est une lettre ouverte qui met en
garde contre les prétentions de ces
programmes. Lancé par les centres
spécialisés sur la science du
vieillissement de Stanford en
Californie et de Max Planck à
Berlin, signé par 69 experts en la
matière, le document rappelle que
les effets de ces dispositifs sont au
mieux minimes, au pire inexistants.
La recherche sur le sujet, en tout
cas, est loin de refléter les promesses délirantes des firmes et
start-up qui exploitent les angoisses du troisième âge. Plus
important : les signataires argumentent que même si ces trucs
« marchaient », ce serait autant de
temps passé à ne pas sortir, marcher, discuter, jardiner ou tout
simplement vivre, puisque après
tout c’est à ça que sert notre matière grise et qu’on sait, pour le
coup, que les activités physiques
et sociales ont un véritable effet
bénéfique sur le cerveau et l’esprit.
Bon, mais qu’en est-il des cher-
cheurs qui s’affichent sur ces produits ? Tous des vendus ? La lettre
ne va pas si loin, mais dans le fond
c’est clairement le message. Toutes
ces années d’études et de recherche
pour vendre de la camelote à des
vieillards naïfs et sans défense
alors qu’il suffisait de commencer
par ça… Sebastian Dieguez
A Consensus on the Brain Training
Industry from the Scientific Community,
disponible sur http ://longevity3.
stanford.edu
PUB
Noz-Chocolatier
Rue Marterey 11 - 1005 Lausanne
www.noz-chocolatier.ch
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
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FAIT S D I V ER S ET V ARI É S
PLUS VRAI QUE
VECU
Q UELLE S E M AINE !
Audience en correctionnelle dans un tribunal d’arrondissement.
Noms fictifs mais personnages réels et dialogues authentiques.
« On ne menace pas, on agit
et on sait le faire. »
Les jumeaux Tobler sont accusés d’injures, violence ou menace
envers les autorités et les fonctionnaires, contravention à la loi
vaudoise sur les contraventions et contravention à la loi pénale
vaudoise.
– Toute l’affaire se résume en un contrôle routier qui a
totalement dégénéré, constate le juge. Est-ce que vous
reconnaissez les faits ?
– On admet qu’on s’est énervés, répondent-ils en chœur.
Mais c’est parce qu’on n’a pas été contrôlés : on a été
agressés ! Pas de bonjour, de s’il vous plaît, rien : le flic a
juste sèchement dit « rangez-vous ». Et là, comme on n’a rien
fait, on demande des explications et il nous dit « on n’est
pas au souk ici ». C’est du racisme ! C’est parce qu’on est
métis ! Mais on est plus suisses que lui !
– Actuellement, c’est très à la mode de juger le travail des
policiers, soupire le magistrat. Ils sont surchargés et ils font
ce qu’ils peuvent, peut-être pas toujours parfaitement. Se
tournant vers l’appointé :
– Est-ce que vous avez dit ça ?
– Non, je ne connaissais même pas l’expression. J’ai
contrôlé leur véhicule parce qu’ils ont klaxonné une dizaine
de fois un cycliste qu’ils essayaient de dépasser. Je les ai
fait s’arrêter sur le bas-côté et dès que je leur ai demandé
leurs papiers, ils sont sortis de la voiture et se sont montrés
agressifs. Mais je n’ai jamais dit ça.
– Bien sûr qu’il l’a dit ! Il n’a pas cessé de nous manquer de
respect, s’indignent les accusés.
– De votre côté, n’est-il pas vrai que vous l’avez traité de
« gros tas », « gros cochon », « grosse poire, t’as pas fait
d’études, espèce de boucher » en ajoutant des menaces
comme « viens à la salle (ndlr : de sport) demain et je te
démonte », « je te pète la mâchoire » ou encore « t’es
mort » ?
– Les insultes, ça, on reconnaît. Mais les menaces non,
c’est n’importe quoi ! Nous, on fait de l’action : donc on ne
l’aurait pas dit, on l’aurait fait.
– Comment ça ? interroge le magistrat.
– On a travaillé dans la sécurité, expliquent les prévenus, très
balèzes. Alors, si on veut en arriver là, on ne menace pas, on
agit et on sait le faire. Mais on a su se contrôler, même s’il
a essayé de nous pousser dans la zone rouge.
– Pourquoi ce policier aurait-il essayé de vous pousser à
bout alors qu’il risquait des coups en retour ? A l’agent :
– Avez-vous eu peur ?
– Ben oui quand même, ils me venaient contre et me
poussaient. Mais mes collègues sont arrivés.
– A six ! crachent les accusés. Et ils ont commencé à dire
plein de trucs, eux aussi, on a tout dit en portant plainte
contre eux, mais comme par hasard la plainte a été
enterrée.
– Mais il faut cesser de voir le mal partout ! Vous croyez que
policiers, procureurs et juges sont contre vous et racistes ?
s’exclame le magistrat.
– Notre père, il est blanc, on n’est pas racistes, nous. Faut
pas nous dire ça.
– Ecoutez, temporise le juge. Je comprends que vous soyez
sensibles à ce type de propos, vous en avez peut-être
souffert dans la vie et c’est intolérable.
– Oui, on est très sensibles.
– Je le vois. Mais là, il faut arrêter avec la susceptibilité.
Pourquoi un simple contrôle routier doit-il dégénérer ?
– On accepte tous les contrôles, mais là, faut voir la
manière.
– Euh… vous avez quand même trois autres condamnations
du genre dans vos casiers.
– Pour les autres trucs, on avait 18 ans… Et cette fois,
la vérité, c’est qu’on a répondu de manière pas juste à
quelque chose de pas juste, concèdent-ils.
– Voilà. Il faut mûrir et essayer d’être philosophes, même si
ce n’est pas toujours facile, conclut le juge.
Reconnus coupables, les frères Tobler écopent chacun d’une
peine privative de liberté de 6 mois avec un sursis de 3 ans
et d’une amende de 500 francs. Et les frais de dossier de
987,50 francs sont à leur charge. Lily
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Le recueil du 8e conseiller
fédéral, disponible dès la
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une publication
9
. . . e n co u r t
Epoux dans la tête
La députée russe Olga Galkina
lutte contre la prostitution en
menaçant les clients de ces dames
de mariage. Si son projet de loi
est accepté, toute personne prise
en flagrant délit de fornication
tarifée aura le choix entre payer
une amende 100 000 roubles
(2200 francs), purger une peine
de prison de 15 jours ou faire de
la péripatéticienne une honnête
femme. Une punition de but en
gland.
Mous du volant
La bagnole, ça pollue, tout le
monde le sait. Et en plus ça
rend gras. Une étude publiée
par le British Medical Journal
démontre que les personnes se
rendant quotidiennement au
travail à pied ou à vélo, mais
aussi empruntant les transports
en commun, affichent un poids
inférieur à celles qui vont
bosser en voiture. La différence
moyenne est de 3 kilos pour les
hommes et de 2,5 kilos pour les
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Vigousse vendredi 7 novembre 2014
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
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BIEN P R O F O N D D AN S L ' A C TU
Pitch
Notre Cthulhu qui es aux cieux
LE COURRIER
DU CHIEUR
Les controverses théologiques du professeur Junge Cette semaine : comment la
diversification anarchique des croyances des Suisses mène tout droit aux flammes du bûcher.
31 octobre 2014. Une semaine
après une étude qui révélait que les
chrétiens helvétiques se forgeaient
leur propre croyance à la carte sans
trop se soucier du dogme, voici
qu’un sondage nous apprend que
deux tiers des Suisses croient au
surnaturel contre seulement 42 %
qui sont convaincus de l’existence
de Dieu.
13 novembre 2014. S’engouffrant
dans la brèche ouverte par la conseillère nationale Ada Marra, qui a entamé le débat sur la reconnaissance
de l’islam comme religion officielle,
plein de groupuscules fantaisistes
ont commencé à déposer des demandes pour que leurs croyances
soient également reconnues.
23 février 2015. Après un long
combat juridique, l’Amicale de Spirites Tourneurs de Tables a obtenu
le versement d’un pourcentage
de l’impôt ecclésiastique dans le
canton d’Uri. Ils ont d’ores et déjà
annoncé que l’argent serait utilisé
à mieux insonoriser leur local de
réunion afin de protéger les voisins
contre les nuisances sonores provoquées par les esprits frappeurs.
A Beat Feurer
6 décembre 2015. Il va être temps
Carré d’ASS
de décorer la maison pour les
Fêtes. Les grands magasins se sont
adaptés à la nouvelle donne religieuse et débordent d’articles pour
tous les goûts. Outre des petits
Pères Noël en pain d’épice, je
m’achète un taureau en chocolat, car je viens de me faire initier aux mystères de Mithra, et
des boules à l’effigie de Cthulhu et
de saint Lovecraft pour faire plaisir
à mon épouse qui a adhéré au culte
des Grands Anciens.
5 mai 2016. C’est dimanche et
nous nous rendons en famille à
la cathédrale de Lausanne, rebaptisée récemment Notre-Dame des
Télépathes. Les lieux de culte étant
rares, il a bien fallu que les différents courants spirituels se les partagent. Pendant que les Adorateurs
de Satan célèbrent leur sabbat dans
la nef au son des meilleurs tubes de
black metal norvégien, les fidèles
des Anges de Petite Taille se prosternent devant une statue de Mimie Mathy dans la chapelle arrière
gauche, les druides de Cernunnos
sacrifient des jeunes vierges dans
la travée droite, la Confrérie du
Mage Garcimore tente de prouver
l’inexistence de Dieu au moyen de
tours de cartes ratés dans la crypte
et les survivants de l’Ordre du
Temple Solaire entreprennent de se
mettre le feu à côté des grandes orgues. Au milieu de ce capharnaüm,
quelques protestants et catholiques
errent hagards, se demandant depuis quand les statues des évangélistes ont été remplacées par des
effigies des frères Bogdanoff.
17 juillet 2017. Se rendant enfin
compte de son erreur, Ada Marra
tente de revenir en arrière, mais
une fronde menée par les parlementaires astrologues, gnostiques,
vaudous, davidiens, loups-garous,
manichéistes, mazdéistes, cultistes
de Sauron et paulo-coelhistes
lui fait barrage avant de la brûler
comme hérétique sur la place Fédérale. Monseigneur Junge, grand
prêtre de la religion contemporaine
Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique.
Les scandales à répétition
dans le secteur viticole
vont ruiner l’image de nos
beaux vins suisses !
Plusieurs grandes caves se
sont fait épingler pour des
coupages illégaux. Et tout ça
a mis en lumière le fait que
nos contrôles sont
complètement laxistes.
On ne peut pas
couper le vin suisse ?
C’est débile.
Nos pinards sont
tellement dégueulasses
que je n’arrive pas en
avaler un verre si je ne
les coupe pas avec du
jus d’orange et de la
boisson énergisante.
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
La mer était plutôt mauvaise, ce
jour-là. C’est que Yahvé alias le
Seigneur, d’humeur massacrante
une fois de plus, avait décidé de
déchaîner une tempête pour apprendre à Jonas à s’enfuir en bateau plutôt que d’obéir aux ordres.
L’équipage n’y était évidemment
pour rien, mais le Seigneur n’avait
pas coutume de faire dans la dentelle en s’embarrassant des dégâts
collatéraux. Paniqués par l’imminence du naufrage, les marins balancèrent Jonas par-dessus bord,
« et la mer calma sa fureur ». Sur
quoi « Yahvé fit venir un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas
fut dans les entrailles du poisson
trois jours et trois nuits ».
Plutôt content d’avoir ainsi échappé à la noyade, Jonas fit ses prières
dans le poisson, non sans chanter
les louanges du Seigneur et tout le
baratin. Satisfait, « Yahvé parla au
poisson » qui, aimablement, s’en
alla « vomir Jonas sur la terre ».
On notera que la Bible (Jonas, 1-2)
ne parle pas de baleine. En même
temps, on voit mal quel autre animal marin serait de taille à gober un
prophète tout entier et tout habillé. Jadis présent en Méditerranée,
le rorqual commun (Balaenoptera
physalus) ferait un bon candidat,
avec ses 20 mètres de longueur et
ses 50 tonnes. Sauf que sa gueule
garnie de fanons est conçue pour
avaler des petites crevettes et qu’il
ne s’agit pas d’un « poisson » mais
d’un cétacé. Or Yahvé, dans son infinie sagesse, n’aurait pas commis
une telle confusion (d’autant qu’il
avait lui-même créé les espèces
Fig. 1. Cabot de sauvetage.
animales, entre autres). Bref, tout
ça est pour le moins obscur. Mieux
vaut donc admettre que l’histoire
de Jonas n’est pas très sérieuse, ce
qui d’ailleurs ne surprend guère
dans un ouvrage qui commence
par interdire de goûter aux fruits
de la connaissance avant qu’un
serpent qui parle fasse son Malin,
et qui finit avec un individu marchant sur l’eau.
Heureusement, les Grecs anciens
étaient un peu plus crédibles en
matière de zoologie marine. Ainsi
narraient-ils qu’un fameux poète
et musicien nommé Arion de Méthymne (car il était de Méthymne,
sur l’île de Lesbos) avait un jour
embarqué à Tarente sur un navire en partance pour Corinthe.
Mais une fois en pleine mer, les
matelots fomentèrent de lui faire
la peau pour mieux lui faire les
poches. Acculé et dépouillé, Arion
allait être jeté à l’eau lorsqu’il demanda à pouvoir jouer de la lyre
une dernière fois. « OK », dirent les
marins (en substance). Perché à la
poupe, l’artiste attira par sa mélodie un dauphin qui passait par là,
puis sauta au jus. Le dauphin lui
porta secours, le prit sur son dos
et l’emmena jusqu’en Grèce où il
accosta, fauché mais sain et sauf.
Le naturaliste romain Pline l’Ancien raconte quant à lui qu’un dauphin, dans le lac Lucrin en baie de
Naples, s’était pris d’affection pour
un gosse de pauvre. Sur le chemin
de l’école, le garçon enfourchait le
cétacé pour traverser le plan d’eau,
aller-retour. Et lorsque son meilleur copain humain fut emporté
par une maladie, le dauphin fit
une grave dépression, puis finit
par succomber au chagrin. Pline
rapporte plusieurs autres histoires
de la même eau, qui toutes mettent
en exergue le caractère affable et
très secourable des dauphins.
C’est dire s’il est regrettable que
la pêche industrielle et la pollution
aient, au cours des vingt dernières
années, décimé les dauphins communs (Delphinus delphis) en Méditerranée, au point d’y entraîner
leur quasi-disparition. Du coup,
les gouvernements européens
n’ont plus guère le choix : faute de
cétacés de sauvetage, il leur faut
bien se résoudre à faire quelque
chose pour porter secours aux migrants naufragés. D’autant que le
Seigneur, malgré son spectaculaire
repêchage de Jonas, semble se désintéresser de la question. A moins
qu’il ne veuille pas mobiliser ses
gros poissons pour du menu fretin. Laurent Flutsch
Le strip de Bénédicte
L’expert a raison : vous prendre
au sérieux est très difficile.
C’est un sale coup
à la réputation de
notre terroir.
Jean-Luc Wenger
142
Qu’est-ce qui
se passe ?
Derniers secours
Un personnel inquiet, de la méfiance réciproque, rien ne vous
ébranle. Mais vous avez quand
même reconnu avoir parfois fait
preuve de naïveté et d’indécision. Durant votre campagne,
vous disiez vouloir réduire le
taux d’aide sociale. Or, malgré
tous vos efforts pour pourrir
la vie de vos employés, Bienne
reste en tête des villes suisses
en matière d’aide sociale.
Et même comme ça
ils me font vomir.
Ah bon ? J’ai raté ça.
Monsieur Feurer, élu UDC à la
Municipalité de Bienne en septembre 2012, vous voilà au cœur
d’une affaire qui secoue la
direction de l’Action sociale
et de la sécurité (ASS), votre
dicastère. Depuis cet été, une
enquête administrative révèle
de graves dysfonctionnements
dans vos services. Des manquements en matière de conduite y
sont notés. En conférence de
presse, le 31 octobre, l’expert
envoyait : « Si les cadres des
départements ne se sentent plus
ni pris au sérieux ni estimés,
un conseiller municipal peut
très difficilement être pris
lui-même au sérieux avec une
telle méthode de travail. »
Après une attaque aussi chirurgicale, on se disait que vous
alliez discrètement faire vos
cartons. Mais non, vous résistez. Et c’est la responsable
des affaires sociales et le
secrétaire de direction qui
quittent leurs fonctions. Même
si vos collègues de l’Exécutif
répètent que la « délégation de
soutien » qui vous surveille désormais ne ressemble en rien à
une mise sous tutelle de l’ASS,
on se prend à douter.
Le 8e conseiller fédéral
Il faut faire
quelque chose,
chef !
11
LE FIN M O T D E L ' H I S T O IRE
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
12
C ULTURE
C ULTURE
Sans couleur,
avec douleur
Charb akbar !
Oubliez ces tocards de djihadistes, talibans et autres ahuris
du pseudo-extrémisme religieux.
Pourquoi rejoindre des combats
d’arrière-garde dont l’horizon se
borne aux limites de l’imagination
rachitique d’une poignée de subdébiles déscolarisés ? On sera bien
avancé quand les infidèles, les minijupes, le rock’n’roll, les écrivains
et la bière auront été éliminés de la
surface terrestre. Jeune, ne te laisse
pas leurrer par ces enfantillages et
joins-toi à la véritable bataille du
XXIe siècle, celle des fatwas de
Charb (la Paix soit avec lui).
Rends-toi utile en instaurant un
califat éclairé, d’où seront éradiqués, entre autres, les bananes
Louis Vuitton, les films en 3D, les
bonnets de Père Noël, les truffes,
les parents d’élèves, les chanteurs
qui demandent à leur public si « ça
va », les syndicalistes qui ânonnent
« on lâche rien » et tous les nuisibles qui citent Audiard, éructent
des dictons, sortent le champagne
et nous rendent impurs avec leurs
« au jour d’aujourd’hui », « c’est dans
son ADN » et autres « impacter ».
Charb (que des tombereaux de
Miséricorde s’abattent sur sa tête)
fournit même la sentence à infliger à ces hérétiques, au cas par
cas, dans le tome 2 de son Petit
traité d’intolérance. Tu seras même
autorisé à rire dans ta barbe.
Sebastian Dieguez
à vous de voir On savait que le futur
n’était pas rose, on sait avec The Giver qu’il
est même en noir et blanc ; on savait que
l’enfance était parfois lourde à porter, on
sait avec Bouboule qu’elle pèse des tonnes.
Pour ceux qui sont contre les régimes (totalitaires). A Hollywood,
les auteurs de romans futuristes
pour adolescents sont en train
de remplacer les scénaristes.
Après Hunger Games ou Divergente, voilà The Giver (Le passeur) qui nous emmène chez les
Bisounours nazis (même si, ici,
ce sont les bons à rien, vieillards
ou enfants non conformes, qui
sont, comme ils disent, « élargis »). Un monde qui a supprimé la guerre, les émotions et les
fins de mois difficiles, qui a effacé
la mémoire et la couleur. Comme
les yoghourts, un bonheur garanti
0 %! Une zénitude quasi bouddhiste.
Mais le problème, que ce soit pour le
petit véhicule comme pour le grand,
c’est toujours la transmission. Car
le passeur, dépositaire du passé universel, va passer la main à un ado,
à l’Elu. Et avec lui, le changement,
c’est maintenant... Pas inintéressante
dans le fond, cette vision du meilleur
des mondes apparaît trop formatée,
trop ciblée, molle plus que folle. Le
futur ? Passez votre chemin !
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BLANCHE Nuit des musées,
9e édition, 22 musées du Valais,
le 8 novembre, www.ndmvs.ch
BOBINE 22e Fête du cinéma, 39 films
dont 13 avant-premières, salles de
Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, les 7,
8 et 9 novembre, www.cinevital.ch
scène : Fabrice Gorgerat, par la Cie Jours
Tranquilles, Théâtre Arsenic, Lausanne,
du 11 au 19 novembre, www.arsenic.ch
FANTASME Hold up, de François
Kevin, 12 ans, pèse
101 kilos et des poussières, pardon des
miettes, et Bouboule, le
film dont il est le héros, ne fait pas
dans le léger-léger. Le refrain de la
chanson de -M- montrant le niveau :
« J’m’appelle Bouboule, il faut que ça
roule, j’ai le cœur en boule. J’m’appelle
Bouboule, il faut que ça roule, sinon
tout s’écroule. » Pour rester dans le
domaine musical, on croise aussi,
comme acteur, François Hadji-Lazaro, lequel est à l’origine du seul
vrai gag (involontaire) d’un film
qui aurait voulu être drôle et émotionel, mais qui ne l’est malheureusement jamais : l’ex-leader des
Garçons Bouchers y grille des saucisses. Bertrand Lesarmes
The Giver (Le passeur), de Phillip Noyce
(1 h 53) ; Bouboule, de Bruno Deville
(1 h 24). En salles.
gimes (alimentaires). Houston, on
a un gros problème ! En fait, deux.
Gare aux grilles par
BROUILLON
DE CULTURE
ASSIETTE Manger seul, mise en
Pour ceux qui sont contre les ré-
Les fatwas de Charb : petit traité
d’intolérance, tome II, Editions Les
Echappés Charlie Hebdo, 116 pages.
Des expos
Des films
Un bouquin
Gugger, par la Cie Collectif du Pif,
Théâtre du Pommier, Neuchâtel,
les 12 et 13 novembre à 20 h,
www.ccn-pommier.ch
GLOUSSEMENT Vous reprendrez
bien quelques sketches, de et par
Philippe Chevalier et Régis Laspalès,
salle de la Prillaz, Estavayer-le-Lac,
mercredi 12 novembre à 20 h,
www.estavayer-le-lac.ch, et à
La Marive, Yverdon-les-Bains, le
13 novembre à 20 h 30, www.emoi.ch
RIGOLADE A part ça, globalement,
ça va plutôt bien, de et par Karim
Slama, Théâtre de Poche de La
Grenette, Vevey, les 12, 14, 15 et 16
novembre, www.theatregrenette.ch
SAXOPHONISTE Concert Bill Evans,
Forum St-Georges, Delémont, le jeudi
13 novembre à 20 h 30, www.ccrd.ch
égé No 69
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Des védés
Plaisirs solidaires
Quatre-vingts artistes internationaux réunis dans une exposition
traitant du plaisir sous toutes ses
formes dans la création contemporaine ; de quoi titiller les sens de
tout un chacun. Première étude
approfondie sur l’ascendant de
la jouissance dans l’art, le design
et la mode, Nirvana présente 200
œuvres franchement coquines ou
mystérieusement voluptueuses.
Du sofa composé d’un enchevêtrement de corps éreintés aux flippantes (et fouettantes !) parures de
longs et soyeux cheveux en passant par les combinaisons sadomasochistes et autres accessoires
de jeux sexuels en tous genres,
les pièces exposées reflètent les
mille et une facettes du désir.
Sans tabou ni censure, les créateurs conçoivent des meubles aux
formes évocatrices, inventent des
bijoux aux usages multiples et se
jouent des sensations en dévoilant, couvrant, moulant, caressant
et excitant la chair. Des objets de
plaisir, quels que soient les goûts
et les douleurs. Alinda Dufey
Nirvana – Les étranges formes du
plaisir, Musée de design et d’arts
appliqués contemporains (MUDAC),
Lausanne, jusqu’au 26 avril 2015,
www.mudac.ch
Eléphants volent
« Je ne suis pas un peintre, je suis
un clown qui peint » : à l’évidence,
Dimitri est ravi de l’effet obtenu.
Et son visage se fend de cet inimitable sourire qu’il balade depuis un
demi-siècle sur toutes les pistes et
scènes du monde. Rectificatif : « Je
peins depuis toujours. J’aime jouer
avec les couleurs et les formes. Dans
mon métier, et même si cela n’apparaît pas en spectacle, chaque geste
est mille fois répété et vient s’inscrire
dans un schéma très précis. Devant
la toile, c’est l’inverse, je peux laisser
libre cours à mon imagination, faire,
si je le veux, voler les éléphants. Je n’ai
de contraintes que celles que je m’im-
pose moi-même, c’est tout dire… »
La preuve par une cinquantaine de
toiles, aquarelles, lithos et gravures
confondues qu’expose depuis le
week-end dernier la galerie Plexus à
Clarens. Bernard Chassot, directeur
et âme du lieu, évoque « un artiste
qui rend le monde beau et joyeux ». A
deux pas de là, Dimitri tend l’oreille.
Sourit à nouveau. Et, du coup, le
soleil inonde le jardin de la Villa
Murillo… Roger Jaunin
Vent d’Est
Le vent se lève, un film d’animation
avec lequel s’achève l’une des plus
grandes carrières cinématographiques
de ces dernières décennies. Au niveau
de l’animation, Hayao Miyazaki est une
figure importantissime comparable
seulement, au niveau historique,
avec Walt Disney. Il est possible que
l’histoire retiendra, avec le recul, qu’il
fut créativement supérieur à l’homme
un peu réac qui inventa Mickey…
Dans cette œuvre testament
apparaissent encore une fois les
divers thèmes clés du créateur :
l’aviation, l’histoire japonaise (plus
particulièrement la période charnière
des années 20 à 40) et la cohabitation
entre écologie et technologie. Par le
biais de l’histoire d’un homme qui,
ne pouvant devenir pilote, devient
concepteur et bouleverse l’histoire de
l’aviation, Miyazaki raconte, de manière
déguisée, l’histoire de sa vie ainsi que
celle de son père qui travailla dans
le domaine. Impossible à résumer en
quelques phrases, ce film mérite juste
un mot : chef-d’œuvre. Michael Frei,
Karloff, films cultes, rares et classiques,
Lausanne
Dimitri expose. Plexus Art Gallery, Villa Murillo, rue du Lac 61, 1815 Montreux/
Clarens. Jusqu’au 30 novembre. Ouvert de jeudi à dimanche entre 14 et 18 h ou
sur demande au 026 321 54 35. Epouse de Dimitri, artiste elle aussi, Gunda Salgo
expose également une quinzaine de pièces ainsi que 25 sculptures de sa création.
Le vent se lève,
d’Hayao Miyazaki,
2013, Ghibli, Vf et
Vost, DVD et Bluray, 121 min.
PUB
TRANSFORMATION Boris
Dennler – Design from the Lab, Fri
Art, Centre d’art de Fribourg, jusqu’au
16 novembre, www.fri-art.ch
HORIZONTAL 1 A répétition à la Rifle Association 2 Régime se passant entre
quelques puissants 3 Accros du métro-boulot-dodo 4 Rejetée de la société – Sortie
de travail – Martien ou Sélénien 5 Pas des masses pour la souillasse – Fera
conquête de chevrette 6 Un Aldo qui plus ne bouge à cause des Brigades rouges
– Descendant 7 Procéder à l’usinage en garage 8 Overbooké – Palindrome
polychrome 9 A la mode démodé – Nière souvent en colère 10 Tenant au secret –
Meilleure image pour téléphage.
VERTICAL 1 Musique de tous les zigs (2 mots) 2 Ville marine et philippine – Elève qui
peu s’élève 3 Ile que commande la Nouvelle-Zélande – Satisfaction après ingestion
4 Galère pour les salaires – Légende pourvu qu’on l’entende – Barack en est plus ou
moins le crack 5 Vouée par Blocher au casher – Archipel de la belle Irlande
6 De Mayenne, ses citoyennes – Type comme bradype 7 Où l’on ne débite pas que
des bêtises 8 Déterminant à Manhattan – Son char est d’attaque 9 Ile belle selon
les Gaëls – Nigaud tout de go 10 Steaks, pastèques ou tartes à sa carte.
Solution pour les nuls dans le prochain numéro
[email protected]
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Pajak Prix Médicis
Un pur bonheur ! Frédéric Pajak
reçoit le Prix Médicis essai 2014
pour son brillant ouvrage écrit et
dessiné, Manifeste incertain 3.
Nous avions dit le plus grand
bien de ses trois premiers
volumes dans nos pages. Des
ouvrages qui nous plongent
dans la mémoire et la culture.
Une lumière dans la pénombre
des temps. Les Médicis ne sont
pas des crétins, merci à eux.
Manifeste
incertain 3
Frédéric Pajak
Les éditions
noir sur blanc
Des cédés
Par l’odeur alléché
« Enfin, vous voilà, Vigousse ! »
Le guichetier de La Poste n’avait
jamais tant souri à notre arrivée :
« Votre colis, là, ça pue. » C’est que
pour fêter ses 10 ans de complicité, les musiciens de Climax, tous
ou presque originaires de la vallée
de Joux, ont testé le placement de
produit. Un nouveau CD, Heavy
Roots, délicatement emballé dans
le couvercle d’aubier d’un vacherin Mont-d’Or et adressé à la rubrique culture et gastronomie.
Dans la « newsroom » de Vigousse,
l’effluve est monté d’un cran et la
température à l’écoute de la galette aussi : du bon, du vieux rock
qui tache et un humour à faire
fondre un fromage. Raphaël Noir,
à l’orgue Hammond notamment,
Vendredi 7 novembre (20 h 30)
Samedi 8 novembre (20 h 30)
Dimanche 9 novembre (17 h)
Guy Rombaux
et les quatre Combiers ont invité
Sophie Kummer et Mark Kelly
pour un son très « années 1970 ».
Définitivement, Climax est le plus
grand groupe de rock du monde
et Danièle Magnenat, au Séchey, la
meilleure fromagère de l’Univers.
Jean-Luc Wenger
Heavy Roots, de Climax, chez les
très bons disquaires. En concert
le 21 novembre à Bulle et le
20 décembre à Ovronnaz.
Comédien-chanteur
Vendredi 7 novembre – 1re partie
Capitaine Etc.
Une croisière
peu commune
L’Esprit frappeur
Villa Mégroz – 1095 Lutry (VD)
www.livestream.com/espritfrappeur
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S u i ss e - F i c t i o n
R e b u t S d e p r e ss e
Labrador afghan
Les morts pour le dire
Au risque de se mettre toute la meute des amis des bêtes aux
fesses, le journaliste Dominique Botti, dans Le Matin Dimanche
(02.11.14), donne la parole à l’auteur « d’un geste d’une violence
extrême, d’acharnement, de brutalité et de lâcheté contre Raffy »,
selon Maître Barillon dans la Tribune de Genève (02.09.14).
Courageux, Botti rappelle que l’histoire du labrador blessé a fait la
une de plusieurs journaux, surtout du Matin. Tous les ingrédients
sont là pour d’émouvants papiers : un animal, un bébé et un fait
divers qui finit bien : « Raffy revit grâce à sa prothèse » titrait Le
Matin (24.10.14). On se gardera de juger des effets de manche
des avocats genevois des deux parties qui utilisent les médias
et « Raffy » à titre publicitaire. Dans ce très bon article, un seul
bémol : Botti situe les faits au 19 août et, quelques paragraphes
plus loin, évoque « le jour de fête nationale ». Le drame du Signalde-Bernex (GE) aurait-il eu lieu en Afghanistan, qui célébrait son
indépendance le 19 août ? J.-L. W.
En quête de quoi ?
L’auditoire, le journal des étudiant-e-s de Lausanne
(11.14) s’est amusé à poser 3 questions à Pascale
Blattner, journaliste sportive à la RTS. Question,
donc : « Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans
le domaine sportif ? » Réponse : « Le fait que les sujets
ne soient, en principe, pas trop « délicats ». Ils ne
changent pas le monde, on n’a pas à parler de morts,
à déranger quand on enquête. » C’est le mot enquête
qui dérange ? R. J.
Périodiquement, on a droit a une resucée de
l’inépuisable thème des « expériences de mort
imminente » dans les médias. Récemment, c’était
à propos d’une grotesque étude (Vigousse No 207,
17.10.14), et la semaine passée, c’était « à l’occasion
de la Toussaint » dans le Lausanne Cités (29.10.14),
avec un long article intitulé « Un voyage aux
frontières de la mort ». Quoi de neuf alors ? Rien
évidemment. Depuis 40 ans qu’on nous vend de
la « lumière au bout du tunnel » et des « visions
désincarnées » comme la preuve d’une « vie après la
mort », pas le moindre progrès n’a été fait dans cette
direction.
Ça n’empêche pas les journalistes de se précipiter
vers l’Institut suisse des sciences noétiques et sa
fondatrice Sylvie Déthiollaz dès qu’il s’agit d’aborder
ce marronnier totalement défraîchi. Ce « centre
» à Genève (dont le fervent rationaliste Jacques
Neyrinck est membre du « conseil de fondation »)
existe depuis 1999 et prétend conduire « des travaux
de recherche » sur le sujet ; un « lieu unique au
monde » qui n’est en fait qu’un groupe de soutien et
un club de relaxation comme il en existe des milliers
d’autres.
On y soutient, entre autres âneries, que les
hallucinations et les « états modifiés de conscience »
sont en fait des visions authentiques d’un autre
monde. Niveau « recherche », rappelons que Sylvie
Déthiollaz promettait à L’Illustré, en novembre
2011, la publication imminente de ses « travaux
scientifiques ». On attend toujours. A ce stade, ce
n’est plus de la recherche qu’il faut faire sur ce thème
éventé : c’est une autopsie. Sebastian Dieguez
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LE CAHIER
DES SPORTS
TIROIRS-CAISSES
Chez Tamedia on a des projets
plein les tiroirs. Caisses. L’un des
derniers en date est la création d’une
sorte de pot commun dans lequel
viendraient puiser non seulement
l’ensemble des journaux du groupe
(Le Matin, Le Matin Dimanche,
24 heures, 20 minutes et la Tribune
de Genève), mais également ceux de
Romandie Combi, à savoir L’Impartial,
L’Express, Le Journal du Jura, Le
Quotidien Jurassien, Le Nouvelliste
et La Liberté. Les articles proposés
traiteraient uniquement des grandes
manifestations sportives, principaux
tournois de tennis, Tour de France
cycliste, matches des équipes suisses
de football et de hockey sur glace, GP
de F1 et de moto, etc. L’agence ainsi
créée serait dirigée depuis le bunker
de l’avenue de la Rasude, à Lausanne
et, bien sûr, l’essentiel des reportages
serait confié à un pool de rédacteurs
du Matin, voir de la TG et/ou de
24 heures.
Le but de l’exercice est clair :
limiter le nombre des envoyés
spéciaux, les frais de déplacement,
à moyen terme supprimer quelques
postes et accessoirement vendre
des articles à qui voudra bien les
acheter en acceptant de publier
les mêmes commentaires que la
concurrence. Les titres propriétés de
Tamedia, eux, n’auront pas le choix
et au sein des rédactions la bataille
s’annonce sanglante pour savoir qui
couvrira quoi. Pour les autres, les
futurs « clients » du groupe zurichois,
à condition qu’il s’en trouve, ce sera
à prendre ou à laisser. « Si Le Matin
Dimanche accepte de nous livrer sa
matière pour notre édition du samedi,
nous sommes prêts à discuter »,
sourit malicieusement Louis Ruffieux,
rédacteur en chef de La Liberté. Qui
nie tout contact… « pour l’instant ».
Quand à Vincent Fragnières, son
homologue du Nouvelliste, il dégage
en touche en direction de Sandra Jean,
directrice des rédactions du groupe
valaisan « en charge de ce dossier »,
précise-t-il. Et dont le téléphone sonne
désespérément dans le vide…
Et ce sera tout pour cette semaine.
Episode 12
Après de brefs transferts voués à de simples et ennuyeuses
observations passives de la Suisse parallèle, Greta reçoit de Glutz
une véritable mission d’enquête en immersion.
S
ix heures et treize
minutes plus tard,
Greta débouchait sur
la Bundesplatz baignée de
soleil. « Pénétrer, comprendre
et documenter le centre du
pouvoir en Switzerland » : la
tâche s’annonçait stimulante,
enfin. « Casimir, viens ici ! »
cria-t-elle à l’helvétron qui
trimballait ses trois lourdes
valises et ahanait à vingt
pas derrière elle. Elle l’avait
libéré sitôt que Glutz eut fixé
les objectifs, découvrant une
créature rougeaude et blonde
dans un costume-cravate gris
et fripé, nauséabonde du fait
de sa contention prolongée.
Eperdu de reconnaissance
envers celle qui avait mis fin
à son supplice, Casimir s’était
montré servile à souhait : une
fois lavé au canon à vapeur
d’essence de fourmi rouge
pressée, il s’était plié avec
empressement aux ordres
de Greta, jurant de la servir
fidèlement, de la guider
jusqu’au siège des instances
dirigeantes de Switzerland, de
ne pas s’enfuir dès son retour
dans son monde, de ne pas la
dénoncer aux autres helvétrons
comme une infiltrée venue
d’une dimension parallèle, de
ne pas ourdir de tromperie ni
de coup fourré d’aucune sorte,
et aussi, par surcroît, de tenir
ces promesses.
« Alors c’est ici, le centre du
pouvoir ? » demanda Greta.
« Oui… oui, pa… tronne »,
balbutia son porteur à bout
de souffle, le teint écarlate à
cramoisi. Elle contempla l’édifice à l’architecture pompeuse
et pesante qui barrait la place.
Bien qu’elle eût déjà pu constater, au gré des explorations
précédentes, le goût marqué
des Switzerlandais pour les
Est-ce que tu beuzzes ?
Toute l’actu qui fait du clic
Niouze
Les photos prétextes en recrudescence
Presse. Selon une étude publiée mercredi passé, l’usage de photos prétextes dans le
journalisme aurait augmenté de 178 % depuis 2011. Ces images sorties de banques
de données ou directement pompées sur internet permettent d’illustrer des faits
divers quand il n’y a pas de représentation visuelle directe et réelle d’un événement.
« N’importe quelle merde fait l’affaire, c’est génial ! Il y en a pour les bagarres, le
harcèlement au travail, les scènes de crime, tout ! Tu m’étonnes que la pratique soit
en hausse, c’est à se demander pourquoi il y a encore des photographes ! » a expliqué
Lutz Sonntag, responsable du secteur déontologie pour Tamedia. (Photo : CtrlZ Media)
(suite : voir plus tard)
Info route
Attention, on nous indique la présence simultanée sur l’autoroute
A1, à hauteur de Féchy, Rolle, Oftringen, Yverdon et Winterthour,
et sur l’A9 un peu partout, et dans les deux sens, de crétins qui
refusent de se rabattre alors qu’ils effectuent un dépassement au
maximum de la limite de vitesse autorisée. Ils empêchent ainsi
les honnêtes citoyens qui les talonnent à quelques centimètres
de passer en trombe malgré le fait que ceux-ci ont activé leur
clignotant gauche afin de signifier à la misérable vermine qui
les précède qu’elle devrait se volatiliser dans les airs, ou en tout
cas comprendre que dans un monde meilleur les gens pressés
pourraient aussi bien leur passer littéralement au travers.
Sinon, à l’échangeur du Vengeron, un cycliste roule en sens
contraire en laissant traîner des bidons d’huile derrière lui, ou une
connerie dans ce genre, comme d’habitude, quoi.
Niouzes
Roger Jaunin
Sebastian Dieguez
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
bâtiments inesthétiques en tous
genres, elle était comme fascinée par cet hybride improbable,
à la fois austère et chargé,
solennel et étriqué, massif et
disparate, qui avec insistance
lui rappelait certaines pâtisseries guatémaltèques. Sur un
linteau surmonté d’un fronton
gris et nu s’alignaient les mots
« CURIA CONFOEDERATIONIS
HELVETICAE ». Et sur la coupole qui coiffait le tout flottait
un immense drapeau rouge et
or arborant les lettres « SBU ».
« Bon, eh bien au travail :
entrons voir », dit Greta en
faisant un pas vers l’imposante
façade. « Mais euh… vous ne
vouliez pas aller au siège du
pouvoir, patronne ? » intervint
Casimir. « C’est là-bas », ajouta-t-il
en indiquant du pouce un point
à l’angle opposé de la place.
Pile-poil. Un rapport indique qu’il n’y a strictement aucune
polémique à propos du traitement officiel et médiatique de la mort
des cinq membres de la Fédération vaudoise des entrepreneurs,
lors du tragique accident d’hélicoptère du 2 octobre dernier.
« Après un examen attentif, il s’avère que cette affaire a été
traitée dans les règles de l’art », rapporte l’audit effectué sur les
médias et l’Etat de Vaud. « Honnêtement, c’était d’une dignité
ahurissante. Il se trouve qu’on en a fait exactement ni trop ni trop
peu. C’est assez fou, mais au millimètre près, tout cela aurait
pu paraître soit inhumain, soit obscène, or les autorités et les
journalistes ont mis en plein dans le mille, précisément juste ce
qu’il faut, ni plus ni moins. Personne, absolument personne, n’y
a donc trouvé rien à redire », conclut le document que personne
pour l’heure ne songe non plus à remettre en question.
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
16
{
B é B E RT D E
PLONK & REPLONK
}
LA S UITE AU P R O C H AIN NU M É R O
Markus Lehmann en danseuse
De temps en temps, il faut mettre
les héros de l’ombre à l’honneur.
Prenons Markus Lehmann, par
exemple. Bien sûr, son nom ne
vous dit rien. Il n’en demande pas
tant : lui, sa joie, c’est simplement
de travailler d’arrache-pied pour
la Suisse et pour son peuple, dans
la plus totale abnégation de soi.
Membre de la Commission des
transports et des télécommunications, ce conseiller national PDC
bâlois ne songe qu’à la sécurité de
ses concitoyens.
C’est ainsi que le 25 septembre
il déposait une motion intitulée
« Sauver des vies : punir plus durement les chauffards du guidon ».
On y lit qu’il faut des mesures plus
sévères pour viser les « voyous qui
causent des accidents et des souffrances par leur manque de
respect inouï des règles de vie
en commun ». Les cyclistes,
donc. Ces « fous », on le sait,
« roulent sur le trottoir sans
aucun égard pour les piétons »
et mettent la vie « des autres
Vigousse vendredi 7 novembre 2014
en danger ». La solution contre ce
fléau diabolique ? Une « Via Sicura » pour les deux-roues, des caméras partout, une nouvelle taxe
pour cyclistes, la réintroduction
de la plaque d’immatriculation
(retirée en 2010 sur une proposition du PDC, soit dit en passant)
et le flicage généralisé de la petite
reine.
Dans un geste de lâcheté inouïe,
faisant fi de la préoccupation
principale des Suisses et de leur
haine bien légitime à l’égard des
djihadistes-à-vélo qui veulent leur
peau, le Conseil fédéral lui a répondu récemment ceci : « T’es au
courant qu’il y a déjà des lois pour
ces trucs ? Ça s’appelle le code de
la route, ducon. » On cite de mémoire, bien sûr.
Lehmann, Dieu soit loué, ne désarme pas pour autant. En bon
démocrate-chrétien, il sait que
son combat est soutenu par JésusChrist lui-même. On se rappelle en
effet la célèbre parabole du cycliste
de Babylone, cet infâme bobo qui
zigzaguait parmi les honnêtes marchands du Temple et que Jésus,
d’un seul regard, maudit sur 33 fois
33 générations.
Dans un monde meilleur, les Markus Lehmann en 4x4 pourraient
défoncer à loisir les salopards à
vélo. Pour l’heure, hélas,
la loi leur permet seulement d’encombrer et de
polluer nos villes. Et le
Parlement. Sebastian
Dieguez
Il a dit
la semaine prochaine
(ou du moins ça se pourrait bien)
« Au jeu de balles,
Federer mène 4 à 1. »
N. Djokovic
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