est-elle si Puissante que ça

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est-elle si Puissante que ça
Enquête Cinéma : Astérix, un Gaulois champion de l’exil fiscal p. 12-13
www.latribune.fr
VENDREDI 12 octobre 2012 – No 20
Nouvelle
formule
hebdomadaire
France métropolitaine - 3 €
Gérald Karsenti
« Nous essayons
de délocaliser…
en France »
PAGE 30
Le PDG de
HP France estime
que la réduction
des coûts n’est
pas le seul levier
pour réussir.
christine lagarde
Ce week-end, à Tokyo, elle préside
l’assemblée générale du FMI.
Un rendez-vous important pour
une économie mondiale en crise…
et pour une femme prudente qui
reste le cinquième « homme politique »
le plus populaire de France.
Pages 4 à 6 et 9
en partenariat avec
entreprises
financement
territoires
ces patrons qui
osent « libérer »
leurs salariés PAGE 14
L’économie sociale la guerre des
cherche fonds
casinos agite
désespérément PAGE 18 la manche
PAGES 20-21
EVARISTO SA/AFP
L 15174 - 20 - F: 3,00 €
« La Tribune s’engage avec ecofolio pour le recyclage des papiers. Avec votre geste de tri, votre journal a plusieurs vies. »
est-elle si
puissante
que ça ?
3
Coulisses
VENDREDI 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
Pierre Moscovici cherche les moyens de soutenir la place financière de Paris.
Il est en quête de son Sartorius – l’ingénieur général des Mines qui a rédigé le rapport
sur PSA –, un expert qui reprendrait à son compte et porterait les solutions imaginées
par le Trésor. Les principaux banquiers sont déjà, bien sûr, associés à cette réflexion.
hiérarchie de Thales
a l’esprit taquin. Vu les très
nombreux départs exigés dans
le groupe d’électronique par Luc
Vigneron, le PDG, les cadres
sup ont créé le prix « Augustin
Trébuchon ». Augustin
Trébuchon ? C’est le dernier
soldat français mort pendant la
Grande Guerre, le 11 novembre
1918. Tué à 10 h 45, 15 minutes
avant le cessez-le-feu. Le prix
Augustin Trébuchon sera donc
décerné au dernier haut cadre
viré par Luc Vigneron. Pour
l’instant, c’est l’ancien directeur
des Ressources humaines et de
la communication, Loïc Mahé,
tombé au champ d’honneur
cet été, qui tient la corde.
Daniel Cohn-Bendit,
sauveur d’EELV en 2014 ?
L’Inquiétude
grandit chez
Groupama.
D
«
aniel CohnBendit a trop
envie de devenir président du Parlement européen et il sera de
nouveau tête de liste écolo
aux prochaines européennes », qui se dérouleront en 2014. C’est le
calcul de Jean-Vincent
Placé, le tacticien d’Europe Écologie Les Verts
(EELV). Le sénateur vert
de l’Essonne n’ignore pas
que, pour les écolos, la
seule élection vraiment
importante du quinquennat, ce sont les européennes. Et il sait pertinemment que seul Daniel
Cohn-Bendit peut leur
permettre de sauver la
face. Que Placé ait
bataillé ces dernières
semaines avec acharnement pour convertir
EELV en un parti « anti-traité » ne lui posera
aucun problème lorsqu’il s’agira de soutenir
dans deux ans un Cohn-Bendit « pro-traité ».
De toute façon, comme prévu, le traité a été
voté mardi dernier à une large majorité à l’As-
© BERTRAND GUAY/ AFP
Thales : qui tombera
le dernier ? La haute
Pour les écolos,
la seule élection
importante, ce sont
les européennes.
J.-P. Huchon : 14 ans à la tête
de l’Île-de-France. [citizenside.com]
La génération 98
s’accroche. « Il faut
Sommaire
absolument que la
génération de 1998 passe
la main. » La réaction
de la rue de Solférino
a été immédiate lorsque
Jean-Paul Huchon a laissé
entendre qu’il briguerait
bien un quatrième mandat.
Le président de la Région
est en poste depuis… 1998,
ainsi que les quatre
principaux vice-présidents
socialistes. Il n’a pas
encore de successeur
désigné et tâte donc
le terrain, mine de rien.
Le CNC mène grand
train. Le Centre national du
cinéma, avec ses 800 millions
d’euros de trésorerie, vient
de s’attirer les foudres de la Cour
des comptes, très sévère sur les
« frais de réception » : en 2011,
leur facture s’est élevée à
618 000 euros, un doublement
en 10 ans. Les vœux 2009 à la
Cité de l’architecture ont coûté
130 000 euros ! Autre dépense
qui a du mal à passer :
la délégation de 75 personnes
au festival de Cannes.
coulisses
3> Daniel Cohn-Bendit, sauveur d’EELV en 2014 ?
> Moscovici cherche son Sartorius.
L’événement
4L’irrésistible ascension de Christine L.
6>L’engagement contesté du FMI en Europe.
>Un rééquilibrage inachevé.
le buzz
L’œil de Philippe Mabille
9
2017 : et si c’était elle ?
10>Qui sera le pigeon de la farce ?
>La Norvège fait un pied de nez
à l’austérité.
11> Avec Etihad, Air France-KLM
fait-il entrer le loup dans la bergerie ?
> CO2 : l’étude qui sème le doute.
L’enquête
12Astérix, un Gaulois pas très français.
semblée, non ? Ce n’est
sans doute pas un calcul
politique très glorieux,
mais c’est cependant
ainsi qu’il a convaincu
Cécile Duflot de ménager la chèvre et le chou, et
de ne pas prendre parti ni pour le oui, ni pour
le non. Seul point faible dans ces petites et
savantes combinaisons : que Dany ait encore
assez de pêche dans deux ans pour se présenter… Et qu’il ne soit plus fâché, bien entendu.
Les sénateurs UMP font la sourde
oreille. L’autorité de Jean-Claude
Gaudin sur les sénateurs UMP semble
limitée. Jeudi, le président du groupe
annonce que le parti boycottera le
discours de François Hollande.
Vendredi, ses élus s’alignent sur les
bancs de la Sorbonne pour écouter le
président de la République et Gérard
Longuet, ex-président du groupe UMP
au Sénat, est aux premières loges.
entreprises & innovation
14Ces patrons qui osent « libérer » leurs salariés.
16L’hémoglobine des vers marins
transformée en or rouge.
17 >Quand la Scop affronte la multinationale
>Les transatlantiques, comme autrefois…
> O
n va parler de lui Dominique Massonneau,
président de M-Énergies.
entreprises & financement
18Recherche fonds propres désespérément.
19> L’emballage change de tête.
> Quatre cents patrons mutualisent leurs capitaux.
territoires / france
20Casinos : rien ne va plus sur les bords de la Manche.
22> Se faire une place au soleil entre deux métropoles.
> Quelle jeune pousse mérite d’être financée ?
Les internautes ont voté.
> O
n va parler d’elle Lucette Collet,
vice-présidente du Cese de Lorraine.
Emmanuel Sartorius. [AFP]
Que se passe-t-il chez
Groupama ? Après avoir
tenté — sans succès —
au cours de l’été
d’accélérer la création
des « certificats
mutualistes », ces titres
qui permettraient aux
assureurs mutualistes de
faire des appels de fonds
pour alimenter leurs
fonds propres, le groupe
vient de décider de ne
pas payer les 63 millions
d’euros de coupons de
l’un de ses emprunts de
type obligataire. Alors
même qu’il vient de
conclure plusieurs ventes
d’actifs. Une manière
peut-être de préparer
les esprits à d’autres
mauvaises nouvelles,
comme des mégadépréciations dans
ses portefeuilles.
Suspendre la régulation
pour mieux financer
l’économie ? « Nous
connaissons une crise où il faut
mobiliser les capitaux pour
financer l’économie. Avec
Bâle III et Solvabilité 2,
c’est comme s’il fallait mettre
un coup d’accélérateur
en appuyant sur le frein. »
C’est l’avis de Thierry Giami,
directeur à la Caisse
des dépôts et consignations
et président de l’Observatoire
du financement des entreprises.
« D’ailleurs, suspendre les effets
de ces directives sur les crédits
et les investissements en
capitaux dans les entreprises
ne coûterait rien à la puissance
publique », ajoute-t-il.
Une invitation à lever le pied
sur la régulation pour les
banquiers et les assureurs ?
territoires / international
24Saturés, les aéroports de Londres provoquent
un crash… politique.
25> Hopper, le taxi-scooter écolo d’Amsterdam.
> On en parle à Bruxelles Le carnet
de Florence Autret : Cocorico !
vos finances
26Mutuelles santé low cost : les plus, les moins, les pièges…
27> Parier sur le « Made in France » : pas si fou que ça !
> Le classement Le Vieux Continent
n’a pas dit son dernier mot.
les idées / les chroniques
28Toutes les leçons de la crise n’ont pas été tirées.
29> Dette : les créanciers privés doivent-ils être épargnés ?
> Restructurations d’entreprises :
et si on changeait d’approche…
l’interview
30Gérald Karsenti, PDG de Hewlett-Packard France.
« Nous essayons de délocaliser… en France .»
l’événement
Vedette
Times classe Christine Lagarde
parmi les 100 personnes
les plus influentes au monde.
L’économiste Nouriel Roubini, qui en fait
le portrait, lui voit le profil idéal pour devenir
la première femme à présider la France.
© ALAIN JOCARD/AFP
4
«
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
 Ces propos sont dangereux. Il ne faut pas s’adresser
aux peuples comme ça, et notamment en ce moment
au peuple grec, qui est victime d’une situation effroyable ».
Laurence Parisot, président du Medef, après que Christine Lagarde avait déclaré en mai dernier au quotidien
britannique The Guardian que des enfants d’une école d’un village du Niger mériteraient davantage une aide
que les Grecs, en évoquant « tous ces gens qui tentent en permanence d’échapper à l’impôt ».
l’irrésistible ascen
E
Robert Jules
n moins de huit ans,
Christine Lagarde
aura connu un destin
exceptionnel, passant
du monde discret et
cossu des grands cabinets d’avocats d’affaires internationaux à la
direction d’une des principales
institutions financières du monde,
le Fonds monétaire international
(FMI). Entre-temps, elle a occupé
des postes ministériels en France,
dont la citadelle de l’Économie et
des Finances. Elle est désormais
une des femmes les plus puissantes du monde. En cette fin de
semaine, du 12 au 14 octobre, à
Tokyo, elle sera à nouveau sous les
projecteurs, à l’occasion de l’assemblée annuelle du FMI, qui
réunira tout le gotha de la finance
internationale pour débattre de
l’avenir des quelque 7 milliards
d’êtres humains que compte la
planète.
La ténacité d’une
« self-made-woman »
Quel est le secret de ce parcours
(presque) sans faute ? D’abord sa
personnalité. Christine Lagarde est
une « self-made-woman » qui a
d’abord gravi l’échelle sociale palier
par palier à force de ténacité et de
volonté. Boursière, cette fille de
professeurs qui a passé sa jeunesse
au Havre, débarque dès 1974 aux
États-Unis, à 18 ans. L’Amérique va
lui permettre de comprendre tous
les codes de la culture des affaires
anglo-saxonnes, notamment son
pragmatisme et, ce qui se révélera
un atout plus tard, une parfaite
maîtrise de la langue de Shake-
speare. Son goût de la compétition,
qu’elle a déjà manifesté en devenant championne de France de
natation synchronisée, trouvera
outre-Atlantique un terrain bien
plus favorable qu’en France. C’est
ce goût du défi qui lui fera accepter
de renoncer à ses confortables
revenus de présidente de Baker &
McKenzie pour se lancer en 2005
dans l’aventure à haut risque de la
politique française.
Deuxième élément de son succès,
les circonstances, dont elle a toujours su tirer le melleur parti. Ainsi,
l’opportunité d’intégrer un gouvernement, grâce à l’appui de l’ancien
ministre Thierry Breton, et de devenir ministre délégué au Commerce
international de 2005 à 2007, lui
permet d’apprendre la grammaire
de la communication gouvernementale. Deux jours à peine après
sa nomination, les Français découvrent cette femme élégante et
affable, qui tranche sur le personnel
politique habituel, par son style et
son franc-parler. Elle proclame
alors sans ambages qu’il est nécessaire de procéder à une réforme du
Code du travail, qu’elle juge « compliqué, lourd » et « constituant un
frein à l’embauche ».
L’échec d’Alain Juppé
la propulse à Bercy
Une prise de position qui lui
attire ipso facto les foudres des
syndicats et de la gauche ainsi
qu’un rappel à l’ordre du Premier
ministre d’alors, Dominique de
Villepin. Mais elle ne commettra
plus que rarement de tels impairs.
Après l’arrivée de Nicolas
Sarkozy à l’Élysée, en 2007, Christine Lagarde sera la seule rescapée
de la précédente équipe. Elle
rejoint alors le ministère de l’Agriculture et de la pêche. Mais aux
législatives, le numéro deux du
gouvernement, Alain Juppé, est
battu et démissionne de son poste
à Bercy, comme il s’y était engagé.
Christine Lagarde devient alors la
première femme ministre de l’Économie en France, et investit la citadelle des bords de Seine.
À ce poste exposé, elle va s’appliquer à mener à la lettre les
réformes voulues par Nicolas
Sarkozy en tenant le cap sans état
d’âme, mais avec un bilan mitigé.
Dès 2007, elle porte la loi en
faveur du travail, de l’emploi et du
pouvoir d’achat (« loi Tepa ») qui
introduit notamment l’abaissement de 60 à 50 % du bouclier
fiscal, la déduction des intérêts
d’emprunts et la défiscalisation
focus
L’encombrante affaire Tapie
à la mi-septembre, le procureur de la
République de Paris a ouvert une information judiciaire contre X portant sur un des
volets de l’affaire Tapie/Crédit lyonnais,
pour « usage abusif des pouvoirs sociaux et
recel de ce délit au préjudice du Consortium
de réalisation [le CDR qui gère le passif de
la banque) ». Il s’agit du volet non ministériel
de l’affaire, et ne concerne donc pas directement Christine Lagarde, qui fait l’objet d’une
procédure ouverte en 2011 devant la Cour
de justice de la République (CJR) pour s’être
impliquée « personnellement » dans un processus qui comporte « de nombreuses anomalies et irrégularités ».
Bernard Tapie est en conflit depuis plus de
quinze ans avec le Crédit lyonnais, son exbanque, qu’il accuse de l’avoir floué dans la
cession d’Adidas en 1993. Pour trancher le
litige, une commission d’arbitrage avait été
constituée à l’initiative de Christine Lagarde,
à l’époque ministre de l’Économie, qui avait
conclu en accordant à l’homme d’affaires
240 millions d’euros de réparation, auxquels
s’ajoutaient une centaine de millions d’euros
d’intérêts et 45 millions d’euros pour préjudice moral.
Une décision qui a été contestée mais n’avait
pas empêché Christine Lagarde de présenter
sa candidature au FMI. q R. J.
© georges gobet/afp
les faits Alors que l’assemblée annuelle du Fonds monétaire
international commence ce vendredi à Tokyo, sa directrice
générale, Christine Lagarde, revient sur le devant de la scène.
Un rendez-vous important pour l’économie mondiale… et pour
cette femme qui conserve une forte popularité en France.
la Perspective En 2016, elle quittera le FMI, et certains lui
voient déjà un destin présidentiel. Pas sûr que les circonstances
favorables qu’elle a toujours su exploiter soient alors réunies.
l’événement
5
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
longévité Christine Lagarde aura battu
le record de longévité au poste de ministre
de l’Économie durant la Ve République,
en l’occupant un peu plus de quatre ans.
Suffrages Christine Lagarde était en
deuxième position sur une liste UMP aux élections
municipales de 2008, dans le XIIe arrondissement
de Paris. La liste du Parti socialiste ayant gagné,
elle est conseillère municipale d’opposition.
ÇA ROULE !
Face à la hausse du prix de l’essence à la pompe,
Christine Lagarde conseille aux Français, début
novembre 2010, de changer leur comportement
« pour préserver leur pouvoir d’achat et préparer
l’avenir » : « J’en appelle à l’intelligence des Français
[…]. Il s’agit par exemple de conduire moins vite,
plus souvent en sous-régime qu’en surrégime : sur
autoroute, lever le pied, c’est rouler intelligent »,
dit-elle, avant de lancer : « Utilisons les bicyclettes ! »
On ne l’oublie pas
En dépit de son éloignement à Washington, les Français
n’oublient pas la directrice du FMI : elle figure à la cinquième place de nos leaders politiques les plus appréciés, derrière Valls, Fillon, Delanoë et Juppé, mais
devant Sarkozy. Baromètre Ipsos-Le Point (sondage
effectué au téléphone les 5 et 6 octobre auprès de
966 personnes).
sion de christine L.
des heures supplémentaires. Le
gouvernement Fillon est revenu
sur les deux premières mesures,
la troisième a été supprimée cet
été par le gouvernement Ayrault.
En 2008, c’est la loi de modernisation de l’économie que Christine Lagarde et ses secrétaires
d’État font voter par le Parlement.
Si la réduction des délais de paiement et le statut de l’auto-entrepreneur furent un succès, la mise
en place de règles visant à stimuler la concurrence et donc faire
baisser les prix dans la grande
distribution n’a pas eu les effets
escomptés. La réforme de la taxe
zone euro pour plancher sur les
solutions à trouver à la crise
grecque. Crise qui bientôt se
transforme en une crise de la
dette européenne.
Elle sait saisir sa chance
après la chute de DSK
Mais surtout, son rôle joué sur la
scène internationale va lui permettre de se constituer un des
meilleurs carnets d’adresses de la
planète, qui va s’avérer précieux
au printemps 2011. Le 14 mai, en
effet, Dominique Strauss-Kahn,
directeur du FMI, à l’époque
favori dans la course à l’Élysée, est
arrêté à l’aéroport
international JFK de
New York. Scandale
planétaire. Très rapidement, le président
Nicolas Sarkozy
avance le nom de
Christine Lagarde…
À nouveau, elle va saisir sa chance. Un temps,
les pays émergents
revendiquent le poste. Mais ils
n’arrivent pas à s’entendre sur le
nom d’un candidat. Christine
Lagarde, elle, agit vite. Elle doit
avoir l’aval des Américains, qui ont
le vrai pouvoir au sein de l’institution, grâce à leur « veto de fait »
dans le conseil des gouverneurs.
Elle entretient d’excellentes
relations avec Timothy Geithner,
le secrétaire d’État au Trésor. Et
elle fait rapidement l’unanimité
du côté des Européens, qui
veulent que l’un des leurs dirige
une institution impliquée désormais dans la résolution des problèmes du Vieux Continent. Car
au FMI, les représentants des
pays émergents critiquent l’activisme et l’octroi de fonds à une
zone euro qui à leurs yeux paient
d’abord leurs dérives budgétaires.
Mais ces appuis ne suffisent pas.
Il faut convaincre les émergents,
qui montent en puissance au sein
du Fonds. Christine Lagarde
adopte un profil modeste, et
prend son bâton de pèlerin pour
aller défendre sa candidature en
Amérique du Sud, en Inde, en
Chine. Sans relâche, elle explique
qu’elle compte associer les émergents par une gouvernance qui
les impliquera davantage.
En France, la
réforme de la taxe
professionnelle est
à mettre à son crédit,
comme la loi sur
le surendettement.
professionnelle est également à
mettre à son crédit, tout comme
la loi sur le surendettement. Le
seul texte dont elle assume avec
fierté la maternité.
En 2008, elle devient
« la voix » de la France
En 2008, la crise financière se
propage à travers la planète. La
plus grave depuis 1929. Elle va
propulser la ministre française
sur la scène internationale. C’est
l’époque des sommets à répétition
du G8, puis du G20, où les grands
dirigeants du monde tentent
d’unir leurs efforts pour coordonner leurs mesures contracycliques et éviter la dépression.
Grâce à son anglais fluent, qui
tranche au sein d’une classe politique française toujours majoritairement fâchée avec les langues
étrangères, elle devient la voix et
le visage de la France sur les
grandes chaînes internationales
de télévision. Toujours disponible,
professionnelle, infatigable, elle
en arrive même à éclipser l’image
du pourtant hyperactif président
Sarkozy.
Ses homologues européens l’apprécient, pour l’avoir longuement
fréquentée lors de ces interminables « Ecofin », qui réunissent
les ministres des Finances de la
6
l’événement
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
L’irrésistible
ascension de
christine L.
Cette détermination est aussi la
preuve qu’au-delà de sa personnalité et des circonstances favorables,
Christine Lagarde est avant tout
une pragmatique, pas une idéologue. Elle a l’intelligence des situations qu’elle a apprise durant ses
longues années d’exercice de son
métier d’avocate d’affaires. Au FMI,
elle a ainsi su s’inscrire habilement
dans la continuité du travail de
réforme de l’institution qu’avait
entamé Dominique Strauss-Kahn.
Elle a conservé une large partie de
ses collaborateurs d’ailleurs, travaillant en équipe, afin d’assurer la
stabilité d’une institution que le
scandale DSK avait profondément
secouée. Elle a su s’appuyer sur le
travail de son prédécesseur, notamment le recul de l’approche technocratique qui favorisait les Programmes d’ajustement structurel
(PAS) que le Fonds imposait dans
les années 1980 à l’Afrique, l’Amérique latine ou l’Asie, avec leurs
cortèges de dégâts sociaux.
Pragmatique, elle sait
aussi faire profil bas
Signe également de son selfcontrol, la « reine Christine »,
comme la surnomment certains,
sait également adopter un profil bas
quand les circonstances l’exigent.
Lorsque, s’appuyant sur un rapport
du FMI, elle pointe la nécessité de
recapitaliser « en urgence » le système bancaire européen à l’été 2011,
elle s’attire les foudres du président
français, son ancien maître, qui prépare « son » sommet du G20 à
Cannes. Elle s’est finalement tue,
mais l’histoire a montré qu’elle
n’avait alors pas entièrement tort…
Mais on doit mettre à son compte
et celui de sa force de persuasion, sa
capacité à lever des fonds pour renforcer la capacité financière du FMI
à pouvoir mener ses missions dans
une économie mondiale qui
marque le pas. « Lorsqu’elle voit
qu’une négociation est dans l’impasse, elle propose de mettre par
écrit les désaccords, mais c’est elle
qui tient la plume déterminant le
cadre qui lui donne un avantage »,
témoigne un haut fonctionnaire.
Elle a aussi la sagesse de ne pas
s’aventurer sur des domaines qu’elle
maîtrise moins, n’hésitant pas à
laisser ses conseillers répondre sur
des points techniques, si nécessaire.
D’aucuns lui prêtent l’intention
de briguer la présidence de la
République française en 2017. Nul
ne pourra en tout cas contester une
riche expérience politique, économique et internationale à celle qui
fut la première femme à devenir
ministre de l’Économie et directrice du FMI. Si les circonstances
sont réunies… q
L’engagement contesté
du fmi en europe
Le Vieux Continent est devenu le principal terrain d’intervention du FMI. Cela lui donne le droit
de parler de l’avenir de la zone euro, mais l’expose aussi à de cinglantes critiques.
Romaric Godin
L
orsqu’en mars 2010, la
Grèce est, pour la première fois, au bord de la
faillite, la question de l’intervention du Fonds monétaire international (FMI) se pose avec
acuité. Pendant plusieurs
semaines, toute intervention du
Fonds est fortement rejetée par
la Commission européenne et la
Banque centrale européenne
(BCE). Pour ces institutions, la
zone euro doit prouver, comme
le souligne le 6 avril 2010 JeanClaude Trichet, alors président
de la BCE, qu’elle est « plus
qu’une union monétaire, c’est une
communauté de destin ». Pour
cela, un recours au FMI serait,
selon l’ancien gouverneur de la
Banque de France, une « très,
très mauvaise chose ».
À l’inverse, en Allemagne,
Angela Merkel est tentée de le
demander en s’abritant derrière
la clause du « no-bail-out », l’interdiction par les traités du renflouement d’un État membre de
la zone euro. Mais, en mai, les
dirigeants européens doivent
convenir d’une intervention
commune de l’UE et du FMI. Ce
La Grèce est en proie à de
fréquentes manifestations
populaires contre la dureté
de l’austérité imposée par
la « troïka » (FMI, BCE, UE).
[LOUISA GOULIAMAKI/ AFP]
sera désormais la règle. Ainsi, à
l’automne 2010, lorsque le Fonds
européen de stabilité financière
(FESF) sauve l’Irlande et le Portugal, ce sera encore avec l’appui
du FMI, qui interviendra également dans le second plan d’aide
à la Grèce et qui devrait être
acteur des sauvetages espagnol
et chypriote.
la politique européenne
du FMI irrite l’Allemagne
Aujourd’hui, les trois pays de la
zone euro sous perfusion, Irlande,
Grèce et Portugal représentent
41 % du total des décaissements
et engagements de précaution du
Fonds. Une situation qui a modifié la position du FMI qui se veut
désormais un acteur de la politique économique de la zone
euro. Les déclarations de Christine Lagarde en dessinent depuis
plusieurs mois les contours : une
plus forte intégration de la zone
euro comme solution durable à la
crise, une garantie paneuropéenne des dépôts afin de permettre la faillite de banques trop
exposées, et enfin une nouvelle
restructuration de la dette
grecque, impliquant la BCE.
Ces projets irritent beaucoup
en Europe, singulièrement
outre-Rhin où l’on voit d’un fort
mauvais œil le FMI vouloir initier une « union des transferts ».
Du coup, l’Allemagne se montre
de plus en plus critique à son
encontre. Dans son bulletin
mensuel paru fin septembre, la
Bundesbank reprenait les critiques de plusieurs pays émergents qui avaient notamment été
présentées en avril dernier,
lorsque les Brics avaient refusé
de participer à l’augmentation de
430 milliards d’euros de la force
de frappe du Fonds.
La Buba critique ainsi les
« risques croissants » pris par le
Fonds en Europe et met en doute
l’efficacité de ses actions qui
financent des États incapables de
se réformer. La banque centrale
allemande s’inquiète finalement
de la transformation du FMI en
« institut de crédit », ce qui, selon
elle, « n’est pas conforme aux
cadres juridique et institutionnel
du Fonds ainsi qu’à sa capacité de
couverture des risques ».
Ce qui est en cause, c’est l’indépendance du FMI. Car si, en théorie, le Fonds peut se retirer de
façon autonome d’un programme
d’aide, il les a toujours suivis,
même lorsque la capacité de remboursement de la Grèce, par
exemple, était douteuse. C’est là un
véritable tournant dans la politique du FMI qui, jadis, aurait claqué la porte. Et c’est ce qui inquiète
plusieurs de ses membres. q
Un rééquilibrage inachevé
Depis 2006, le Fonds a commencé un processus d’adaptation à un monde économique de plus
en plus multipolaire, où les « émergents » ont un poids croissant. Mais la route est longue…
L
e FMI est une institution
qui, lentement, poursuit sa
mue. Basé à Washington,
reliquat du système de Bretton
Woods, dépendant de l’importante participation américaine,
il a toujours été perçu comme le
bras armé des intérêts américains et, plus généralement, de
l’Occident.
C’est cette image que le Fonds
tente de changer depuis 2006 et
son assemblée générale de Singapour. Il s’agit pour lui de trouver sa place dans un monde
­économique de plus en plus multipolaire où les « émergents »
ont un poids croissant.
À Singapour fut donc décidée
une révision générale des parts et
des droits de vote en faveur des
émergents au sein du conseil des
gouverneurs du FMI, son instance
décisionnelle (la gestion quotidienne étant confiée au conseil
d’administration). En 2008,
44 d’entre eux ont ainsi vu leurs
droits de vote augmenter. Au total,
ces pays ont vu leurs poids progresser de 5 points de pourcentage. Parallèlement, la part des
pays très pauvres a été garantie
contre toute évolution future.
En 2010, Dominique StraussKahn a lancé une deuxième
sera, ce ne sont pas seulement la
Russie, la Chine et l’Arabie saoudite qui figureront dans les
10 premiers détenteurs de droits
de vote au sein du FMI, mais
aussi le Brésil et l’Inde.
Par ailleurs, plus aucun membre
du conseil d’administration de
24 membres ne sera nommé par
certains pays comme
c’est encore le cas,
mais tous seront élus
par le conseil des
gouverneurs. Les
pays occidentaux
perdront donc la
certitude de disposer
d’un siège.
Ces réformes n’ont
pourtant pas totalement exonéré le FMI des suspicions d’institution « occidentale ».
Les tensions demeurent. En avril
dernier, lorsque Christine Lagarde
a demandé le relèvement des
moyens du Fonds pour faire face
Les réformes une fois
actées, les États-Unis
disposeront encore
d’un droit de veto de
fait. L’Europe aussi…
si elle sait s’accorder.
vague de réformes prévoyant le
relèvement des droits de vote
pour 53 émergents pour un total
de 6 points de pourcentage.
Cette réforme n’a pas encore été
mise en œuvre. Lorsqu’elle le
à la crise européenne, elle s’est
heurtée à la forte résistance des
émergents déçus de la lenteur des
réformes engagées et de leur
caractère limité. Pas question
pour eux de payer plus sans avoir
le rang auquel leur donne droit
leur poids nouveau dans l’économie mondiale.
Il est vrai que les réformes engagées sauvent l’essentiel pour les
États-Unis : leur veto de fait. Les
décisions du conseil des gouverneurs se prennent en effet à la
majorité qualifiée de 85 % des
droits de vote. Or, à la fin de la
seconde vague de réformes, les
États-Unis détiendront encore
16,2 % de ces droits de vote.
L’Union européenne dans son
ensemble peut aussi encore –
théoriquement, du moins, et à
condition de trouver une unité –
compter sur ce veto de fait. Le
FMI n’est donc pas encore une
institution « équilibrée ». q R. G.
Le buzz
9
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
>>
« L’Allemagne n’a pas mérité ça : des protestations nauséabondes contre
Merkel à Athènes ! Et nous payons encore plus. » la une du quotidien populaire allemand Bild du
il a osé le dire
mercredi 10 octobre. à propos de l’accueil réservé à angela merkel lors de sa visite en grèce.
l’œil de philippe mabille
directeur adjoint de la rédaction
C
© DR
2017 : et si c’était elle…
hristine Lagarde, directrice générale du Fonds La BCE, le Vatican de Francfort
monétaire international, est le cinquième Avec la naissance du Mécanisme européen de solidarité
« homme » politique le plus populaire de (MES), baptisé cette semaine après de (trop) longues terFrance. L’ancienne ministre de l’Économie, des giversations, les gouvernements européens disposent, enfin,
Finances et de l’Emploi se paye même le luxe de l’arme anticrise qui leur a fait cruellement défaut depuis
d’être classée devant Nicolas Sarkozy (mais derrière Fillon) le début de la crise grecque. Certes encore faiblement doté,
dans le dernier sondage Ipsos-Le
ce fonds monétaire européen complète l’action
Point. De là à dire que Christine
du « pape » de la BCE, Mario Draghi, qui est en
Lagarde se rêve un destin présidentrain de fonder à Francfort un nouveau Vatican
tiel en 2017… Le rôle important que
de l’euro. En affichant son indépendance, y
joue sur la scène mondiale celle qui
compris à l’égard de la Bundesbank, la BCE est
a succédé à Dominique Straussdevenue le véritable 18e État souverain de
e
Kahn à la tête du FMI n’est pas pour
l’union monétaire.
rien dans la persistance de sa popuÀ force de répéter que l’euro est irréversible,
larité en France. Elle ne se fait pas
Draghi forge un nouveau credo qui pour l’instant
oublier. Au Japon, pour l’assemblée
rassure les marchés. Pour l’instant, car, comme
générale annuelle du FMI ce weekl’a noté le FMI, le pare-feu européen reste virtuel
end, elle tentera de peser pour une
et conditionné à la demande officielle d’aides. On
politique plus équilibrée entre rigueur et relance budgétaire. voit, avec le cas de l’Espagne, la réticence qu’ont un certain
Ce qu’elle avait théorisé en inventant le terme très néo-key- nombre de pays à passer sous les fourches de la troïka UEnésien de « rilance » (mélange de « rigueur » et de « relance »). FMI-BCE, qui a déjà fait de sérieux dégâts en Grèce.
Christine Lagarde, qui fera son grand retour sur la scène poli- Le vote par la France, malgré un « petit oui » socialiste, du
tique française mardi soir prochain sur LCI pour un entretien traité budgétaire européen renforce la solidité politique de la
exclusif, aura forcément un rôle à jouer le moment venu riposte européenne à la crise de la dette. Douze pays sur dixlorsque la droite se cherchera vraiment un leader. Une chose sept ont désormais ratifié le traité et Berlin a salué l’adoption
est sûre, la plus américaine des Françaises observe avec atten- par le pays de Descartes de la « règle d’or », votée à une très
tion l’action du président Hollande. Le FMI vient d’ailleurs large majorité de 477 voix, associant dans une belle unanimité
de publier des prévisions assez austères sur les perspectives la gauche et la droite pour une fois d’accord sur l’essentiel. Le
de croissance en 2013. Et ne croit pas du tout à la réduction calendrier de la réduction des déficits (3 % en 2013 pour la
du déficit public à 3 % l’an prochain.
France) est cependant de plus en plus contesté. Il faut dire
«
La BCE est
devenue
le véritable 18 état
souverain de
l’union monétaire. »
que la France n’y va pas de mainmorte sur les hausses d’impôts : 64 milliards d’euros cumulés sur trois ans de 2011 à
2013. Un record partagé, si l’on ose dire, entre les plans
Sarkozy-Fillon et le budget Hollande-Ayrault. Droite et
gauche assument ici une belle continuité politique, même si
le changement de majorité en mai dernier conduit à taper
plus sur les « riches » et les entreprises. Rien d’étonnant à ce
que tout cela ait cassé quelques œufs de pigeons (et de
faucons), obligeant Bercy à faire des « ajustements ».
Romney : et si c’était lui ?
Le prochain rendez-vous majeur sera l’élection présidentielle américaine du 6 novembre. À la surprise générale, le
dernier débat télévisé a relancé les chances de Mitt Romney
face à Barack Obama, qui est apparu arrogant et trop sûr de
lui. Le FMI ne se prive pas d’intervenir dans la campagne
pour souhaiter que, quel que soit le vainqueur, les ÉtatsUnis s’abstiennent d’appuyer à leur tour sur le frein budgétaire. Plus divisée que jamais, entre une droite aux accents
reaganiens et un Obama qui a déçu ses admirateurs, l’Amérique court le risque de la paralysie institutionnelle. En
l’absence d’accord entre républicains et démocrates, un tour
de vis fiscal sans précédent attend les États-Unis puisque
les mesures de relance votées sous Georges W. Bush seront
annulées automatiquement si une loi de prolongation n’est
pas votée avant la fin de l’année. Cette falaise fiscale (Fiscal
Cliff) qui se rapproche à vitesse grand V est la principale
menace pour l’économie mondiale, note le FMI dans son
rapport d’automne sur les perspectives 2013. Et nul ne sait
comment Romney la franchirait.q
le meilleur de la semaine sur latribune.fr
Sur le podium
repéré par la rédac’
Le plus lu Quand Steve Jobs imaginait
l’iPad, iTunes, l’essor d’Internet… en 1983
« La Grèce sera-t-elle la Norvège de demain ? » Une étude remise au
Premier ministre grec souligne qu’un vaste champ de gaz naturel pourrait se loger sous la Méditerranée, au sud de la Crète.
Les ordinateurs « ultra » portables, la communication en réseau, le téléchargement de musique, la cartographie électronique… En 1983, Steve Jobs avait déjà imaginé des technologies
aujourd’hui produites par Apple et ses concurrents.
publié le 3 octobre
Le plus Commenté Les médias anglo-saxons
à l’affût des « pigeons » français
Le Financial Times et Busines Insider ont commenté la grogne
des entrepreneurs français autoproclamés « pigeons », qui
s’offusquaient du projet de taxation accrue des plus-values de
cession. Le bruit n’a pas échappé aux médias britanniques et
américains, plutôt critiques envers le gouvernement.
publié le 2 octobre
Le plus partagé Quatre ans après, l’Islande
nargue l’Europe
Le 6 octobre 2008, les trois grandes banques islandaises faisaient faillite, provoquant une grave crise Mais, aujourd’hui,
l’économie va beaucoup mieux grâce à une méthode inverse
de celle suivie dans la zone euro. publié le 4 octobre
la vie de la communauté
Les meilleures contributions sur latribune.fr et les réseaux sociaux
Le tweet
« Le plus important, ce n’est
pas la chute, c’est
l’atterrissage et, là, il n’y a pas de
coussin de sécurité… »
>> @Geekenvrac à propos de l’article
« Draghi avertit la zone euro : pas question
de recourir à la planche à billets »
Le commentaire
« Je dirais juste que la
Génération Y est beaucoup
plus stressée, oppressée et contrainte.
On lui demande toujours plus en moins
de temps ! Il ne faut pas s’étonner, si
on exige plus d’eux, qu’ils exigent plus
des autres. »
LE Diaporama
Gadgets : de la fiction à la
réalité
1 / James Bond
et son jetpack
>> Par icietla à propos de l’article « La
Génération Y demande un droit de réponse »
L’opinion
>> « Les notes des agences
de notation sont-elles fiables ? »
par Philippe Raimbourg.
« Les agences de notation sont depuis
plusieurs années l’objet de critiques
virulentes. Ce n’est pas la première fois
qu’un tel vent souffle sur les agences,
mais cette fois-ci la volonté réformatrice
du superviseur semble très affirmée. »
2 / Le
visiophone
de Metropolis
3 / La tablette
tactile de Star
Trek
Retrouvez la totalité du
classement sur latribune.fr
10 Le buzz
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
Le gouvernement sort affaibli de la révolte des Pigeons, qui a révélé l’amateurisme fiscal de Bercy et l’inquiétant divorce entre la gauche
et le monde de l’entreprise. En cédant aussi vite, François Hollande court aussi le risque de réveiller tous les déçus de sa politique.
Qui sera le pigeon de la farce ?
Une révolte ? Non, sire, une
révolution (fiscale) ! Le succès de
la fronde des entrepreneurs sur les
réseaux sociaux (plus de 65 000
« Like » depuis vendredi 28 septembre sur la page Facebook « We
are Pigeons ») a fait reculer le gouvernement, qui multiplie les
déclarations d’apaisement avec le
monde de l’entreprise depuis qu’il
a reçu les représentants de ces
drôles d’« indignés ». Ces derniers
dénonçaient la décision de doubler, à 64,5 % dans certains cas, la
taxation des plus-values lors de la
cession des parts de leur société.
D’où leur révolte, au motif qu’une
telle taxation du capital les désinciterait à créer des entreprises en
France…
« La taxation des plus-values sera
revue pour les créateurs de sociétés », a promis le ministre de
l’Économie et des Finances Pierre
Moscovici. Ces ajustements se
feront dans le cadre d’amendements au projet de loi de finances
2013 dont la discussion promet
d’être animée au Parlement. En
effet, pour corriger sa faute, le
gouvernement va devoir plumer
d’autres « pigeons », ou « dindons » comme on préfère, pour
assurer la neutralité budgétaire de
cet incroyable cafouillage.
La déclaration du ministre du
Budget, Jérôme Cahuzac, dans Le
Monde en donne la mesure : « Je
ne pensais pas que ce que nous proposerions serait à ce point peu
compris et mal interprété. » La
situation est tellement bloquée
Le gouvernement est par ailleurs
très divisé sur la suite des
réformes. Faut-il engager un choc
>>
L’agenda automnal de François Hollande
se complique. [AFP/Sean Gallup/Getty Images]
que douze organisations patronales ont réclamé, au terme d’un
dîner secret organisé au Medef
mardi soir, l’abandon total de
cette mesure.
mécontentements
Au-delà des Pigeons, cette
affaire a affaibli considérablement
la capacité d’action de François
Hollande. Sa majorité, déjà réticente à accepter de voter le traité
budgétaire européen, a du mal à
comprendre comment le président a pu céder aussi facilement
devant une mobilisation de
patrons sur Internet. Le président
court désormais le risque de voir
enfler tous les mécontentements
que suscite sa politique fiscale.
Après les entrepreneurs du Net,
les petits patrons et les professions libérales fourbissent déjà
leurs armes…
vol plané
de compétitivité, comme le réclament les patrons de l’automobile ?
En se fermant la piste de la TVA
sociale, Hollande n’a plus d’autres
voies que la hausse de la CSG et/
ou de la fiscalité écologique. Or,
même en contrepartie d’une
baisse des charges patronales, la
perspective d’un fort relèvement
de la CSG n’enchante guère dans
les rangs de la majorité.
Enfin, le dernier dégât collatéral
de la révolte des Pigeons est social.
La CGT, qui avait appelé les salariés à manifester mardi « pour
l’emploi et l’industrie » afin de faire
pression sur le gouvernement, n’en
attendait sans doute pas tant. Son
leader, Bernard Thibault, s’est déjà
engouffré dans la brèche pour
dénoncer une politique qui cède
aux revendications des patrons,
mais pas à celles des salariés…
pas d’état de grâce
Jean-Claude Mailly, chez FO, a
lui aussi estimé que « le gouvernement recule bien facilement ».
« Une pétition sur Internet et il
recule. On va voir si socialement
c’est la même chose », a-t-il ajouté.
François Hollande est donc pris
entre deux feux. D’un côté, le
divorce se creuse avec le monde
de l’entreprise, obligeant le Medef
à hausser le ton. Laurence Parisot
parle de « racisme anti-entreprise » et évoque un risque d’exil
fiscal­des créateurs d’entreprise.
Elle s’oppose de plus en plus
ouvertement à Arnaud Montebourg, notamment au sujet de sa
future loi sur la cession de sites
rentables, qualifiée par le Medef
de casus belli.
De l’autre côté, les syndicats
montent en pression contre une
réforme du marché du travail qui
ferait la part trop belle à la flexibilité demandée par le patronat,
et se montrent à leur tour de plus
en plus revendicatifs dans un climat social tendu par la multiplication de plans sociaux très
emblématiques du déclin industriel de la France (PSA, Arcelor…).
Une croissance en panne, un
pays divisé, des réformes difficiles
à mettre en place avant la fin de
l’année, un gouvernement sans
état de grâce et qui donne des
signes d’amateurisme. L’agenda de
François Hollande se complique.
Un automne chaud se prépare en
France. q philippe mabille
Lu sur le site
« Incroyables, ces Pigeons ! Ils se
plaignent de la taxation sur la
plus-value alors que ces faiseurs
de start-up les ont lancées pour
la plupart avec des Crédit Impôt
Recherche, des ISF-PME, de l’OSEO,
du FSI et compagnie : bref, de l’argent
public… Donc, leur slogan c’est “je
veux défiscaliser à l’entrée ET à la
sortie” ». ( Babou45, le 7 octobre
Même si Oslo va puiser un peu plus dans la rente pétrolière pour équilibrer son budget, la forte croissance de ce pays scandinave
permet d’assurer à l’État un train de vie généreux, malgré la crise…
La Norvège fait un pied de nez à l’austérité
Certes, Le gouvernement
norvégien va puiser davan-
tage que l’an dernier dans la
manne pétrolière pour équilibrer
son budget. Oslo utilisera en 2013
125 milliards de couronnes norvégiennes (environ 17 milliards
d’euros) de ses revenus
pétroliers pour financer ses dépenses
publiques. C’est 9 milliards de couronnes
(1,2 milliard d’euros) de plus qu’en
2012. Cette somme représente
3,3 % des 660 milliards de couronnes (environ 90 milliards
d’euros) de recettes pétrolières
escomptées par ce pays nordique.
La loi norvégienne autorise l’État
à puiser jusqu’à 4 % des recettes
>>
pétrolières pour financer son budget. Le ministre des Finances du
gouvernement travailliste norvégien, Sigbjørn Johnsen, a qualifié
le budget 2013 de « serré ». Un
terme qui laissera plus d’un Européen songeur.
sion du gouvernement affichent
pour 2013 un excédent attendu de
380 milliards de couronnes.
Le gouvernement norvégien
peut également compter sur une
croissance économique qui reste
très solide et qui montre une
bonne résistance au
ralentissement
mondial. Au deuxième trimestre
2012, le PIB norvégien a cru de 1,2 %. Si l’on exclut
les activités pétrolières, la croissance a été de 1 %.
Sur l’année 2012, le PIB « terre
ferme », hors activités pétrolières
et gazières, est attendu en hausse
de 3,7 %. L’an prochain, la croissance « terre ferme » sera de
le contre-exemple
Si, au final, le budget norvégien
est en équilibre, c’est d’abord grâce
à ce transfert des revenus pétroliers. Sinon, Oslo creuse son « déficit structurel » de 5,2 % du PIB à
5,3 % du PIB. Mais l’État norvégien
est loin d’être dans une situation
critique puisque les fonds de pen-
2,9 % (2,5 % sur le PIB global).
Les investissements et la consommation soutiennent cette croissance, mais les dépenses de l’État
(+ 2,4 % l’an prochain) jouent un
rôle non négligeable également.
congé parental record
Oslo a concentré son effort sur
les dépenses de transport en 2013
pour lesquelles 100 milliards de
couronnes (13,6 milliards d’euros)
seront utilisées. Un nouveau tunnel routier sera ainsi percé dans
l’ouest du pays entre Bergen et
Arna. L’austérité n’est donc pas
vraiment d’actualité en Norvège.
La Norvège a refusé par deux
fois d’entrer dans l’Union européenne, à la différence de ses voi-
sins danois et suédois, bien moins
épargnés par la crise européenne.
Depuis 2005, son gouvernement
est dirigé par le travailliste Jens
Stoltenberg.
Actuellement, il lui faut trouver
un équilibre parfois difficile entre
ses deux partenaires de coalition,
la Gauche socialiste et le parti
centriste. La Gauche socialiste a
ainsi demandé et obtenu dans le
budget 2013 un allongement du
congé parental de deux semaines,
ce qui le porte à 49 semaines avec
une indemnité de 100 % du salaire
net. Elle a en revanche dû renoncer à ses demandes de fixer un
encadrement légal du nombre
d’élèves par enseignant. q latribune.fr
Le buzz
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
En signant avec l’une des compagnies du Golfe, le groupe français tente
de contrer l’offensive européenne de ces transporteurs en plein essor.
Avec Etihad, Air France-KLM fait-il
entrer le loup dans la bergerie ?
En annonçant lundi la
signature d’un accord commercial
avec la compagnie du Golfe Etihad Airways (Abu Dhabi), Air
France-KLM va-t-il réussir à
endiguer la déferlante des compagnies du Golfe, ou
continuer à se laisser manger de la
laine sur le dos,
certes un peu
moins vite ? Air France-KLM n’at-il pas été parmi les plus réactifs
à dénoncer les dangers de ces
compagnies qui viennent siphonner les marchés européens avec
des hausses de capacités impressionnantes ? Emirates, Qatar
Airways, Etihad Airways ne sontils pas qualifiés de « prédateurs »
en interne à Air France ?
« Fait-on entrer le loup dans la
bergerie ? La question se pose en
effet, explique un cadre de la compagnie française. Nous avons fait
plusieurs études qui appellent à la
prudence. » Le principal problème
réside dans le déséquilibre des
marchés : la population d’Abu
Dhabi dépasse à peine les 1,5 million de personnes, celle de l’Union
européenne se rapproche des
500 millions. « Contrairement à la
compagnie américaine Delta avec
qui nous avons noué une alliance
très forte, Etihad Airways n’a
aucun marché à proposer », admeton au sein d’Air France. D’où la
modestie de l’accord annoncé, qui
se résume à quelques partages de
codes vers des destinations non
desservies par Air France-KLM.
>>
Si cette alliance est appelée à
terme à être plus approfondie, la
compagnie hexagonale tient pour
le moment à procéder par étapes.
« Nous en avons franchi une »,
commente-t-on chez Air France.
« Si l’accord est
équilibré, nous
développerons le
nombre de destinations en partage de codes concernées à partir
de la prochaine saison d’été », précise-t-on.
En outre, en mettant dans la
boucle Air Berlin, aujourd’hui
contrôlée en partie par Etihad,
l’accord général s’équilibre un peu
plus. En effet, Air France et KLM
trouvent ainsi un allié de poids
pour défier son grand rival
Lufthansa sur son marché.
le pari
s’allier au prédateur
Pour aller plus loin, Air FranceKLM et Etihad devront donc
trouver de nouveaux équilibres. Il
faudra des contreparties à l’ouverture d’un plus grand nombre de
destinations européennes à la
compagnie du Golfe.
Cette deuxième étape passera
par des achats communs et des
accords sur la maintenance, selon
Etihad. S’il n’y a eu aucun détail
communiqué sur ce point, Air
France-KLM espérait, ces derniers mois, voir confier à Air
France Industrie la maintenance
d’avions d’Etihad.
Cette alliance traduit les difficultés des compagnies aériennes tra-
ditionnelles face au pilonnage des
transporteurs du Golfe, notamment sur les routes reliant l’Europe à l’Asie-Pacifique. Disposant
de puissants aéroports de correspondances sur axe – Dubai, Abu
Dhabi, Doha –, Emirates, Etihad
et Qatar Airways ne cessent de
prendre des parts de marché.
Après avoir tenté durant des
années de riposter, certaines compagnies classiques tentent de
résister en s’alliant avec l’un des
prédateurs.
L’australienne Qantas a ainsi
annoncé le mois dernier un partenariat commercial d’envergure
avec Emirates, tandis que, selon
la presse britannique, British
Airways discute d’une alliance
avec Qatar Airways. Si cette information se vérifiait, Lufthansa
apparaîtrait comme la seule des
trois majors européennes à ne pas
avoir conclu de partenariat avec
un transport du Golfe.
En apparence seulement,
puisque Lufthansa s’est alliée à
Turkish Airlines qui, à bien des
égards, présente nombre de points
communs avec les transporteurs
du Golfe (hub sur l’itinéraire
des routes Europe-Asie, qualité de
services, forte hausse de capa­
cités…). Et, récemment encore,
selon des sources au sein de
l’Association­of European Airlines
(AEA), Lufthansa semblait s’agacer quelque peu de la concurrence
de la compagnie turque. Un agacement à méditer… q
Fabrice Gliszczynski
Selon la revue Nature Climate Change, l’évolution des gaz à effet de serre
n’est pas directement proportionnelle à celle du PIB.
CO2 : l’étude qui sème le doute
Les experts climatiques
vont devoir réviser leurs modèles
de prévision de l’évolution des
émissions de CO2. En effet, alors
qu’on les croyait jusqu’à présent
directement proportionnelles à
l’évolution du PIB, une étude parue
dans la revue Nature Climate
Change révèle que cette hypothèse
n’est pas vérifiée. Le
chercheur Richard
York, de l’université
de l’Oregon, y soutient que les émissions augmentent plus vite, proportionnellement à la croissance,
qu’elles ne diminuent. Selon des
calculs portant sur la période
1960-2008, les émissions de gaz à
effet de serre par personne se sont
>>
accrues de 0,73 % par point de PIB
supplémentaire, tandis qu’elles
n’ont baissé que de 0,43 % lorsque
le PIB baissait d’un point.
des prévisions invalidées
Le chercheur y voit plusieurs
explications : les infrastructures
construites pendant les périodes
temps de l’énergie bon marché. Le
chercheur montre par ailleurs que
l’évolution des émissions dépend
aussi de la façon dont se produit la
croissance. Les émissions seront
plus modérées si elle résulte d’une
progression lente mais constante
que si elle est le fruit d’à-coups faisant alterner crises et embellies
économiques. Cette étude
est d’autant plus digne d’intérêt que les stratégies
d’adaptation au changement climatique élaborées
par les entreprises ou les États
sont toutes fondées sur les prévisions des émissions et de leurs
conséquences, qui méritent apparemment d’être recalculées. q
le coup de froid
fastes continuent de fonctionner,
même au ralenti, pendant les
périodes de recul économique. De
même, les consommateurs ne
renoncent pas facilement aux
« mauvaises » habitudes prises au
Dominique Pialot
11
12 L’enquête
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
Cinéma Pour financer le tournage de ses nouvelles aventures, le héros a tro
Astérix, un gaulois
Les faits C’est la plus grosse
délocalisation de l’histoire des
productions françaises : en
salles mercredi prochain, la
saison 4 d’Astérix, d’un budget
de 61 millions d’euros, a été
réalisée en Hongrie, en Irlande…
L’enjeu Le dumping fiscal fait
souffrir les industries techniques
françaises. La Commission
européenne, elle, réfléchit…
V
Jean-Pierre Gonguet
ingt-sept semiremorques bourrés
de matériel de tournage hautement
sophistiqué ont fait
le tour de l’Europe en 2011. On les
a vus à Malte en mars, retrouvés en
Hongrie en mai et revus durant l’été
en Irlande. Trois pays qui ­partagent
une gentillesse fiscale hors du commun et éprouvent la même tendresse immodérée pour les producteurs de cinéma. Les deux
producteurs, Marc Missonnier et
Olivier Delbosc, ne leur ont pas
résisté. Ils ont tourné Astérix et
Obélix au service de sa majesté chez
eux. Soixante-deux millions d’euros
et pas un seul tour de manivelle
dans l’Hexagone. Juste quelques
effets spéciaux à Paris (certains ont
­d’ailleurs été immédiatement soustraités au Canada dont la fiscalité
sur le cinéma est très accueillante).
Marc Missonnier et Olivier
­Delbosc ne sont pourtant pas forcément blâmables. Ils ont essayé de
tourner en France. Leur calcul était
simple : sur les 61,24 millions du
film, entre dix et douze venaient des
aides automatiques du Centre
national du cinéma (CNC). Cellesci sont fonction des droits accumulés des producteurs et des distributeurs : plus un film marche, plus il
ramène de taxes, plus sa cagnotte
pour le film suivant augmente. Et
lorsqu’ils lancent Astérix, les deux
hommes avaient justement un Petit
Nicolas qui avait rapporté beaucoup de nouveaux droits à produire.
Restaient 50 millions. Astérix avait
bien sûr droit au crédit d’impôt,
mais il est, pour les productions
françaises, plafonné à 1 million
d’euros. C’est peu. D’autant que le
crédit d’impôt international (pour
les films étrangers tournés en
France) se monte, lui, à 4 millions.
Conclusion de Missonnier et Delbosc : si les Français pouvaient
bénéficier des 4 millions accordés
aux étrangers, Astérix ne serait
alors plus très loin des 5 millions de
crédit qu’il pouvait obtenir en allant
tourner à l’étranger. Ils se disent
Repères
En France
1 million ( c’est en euros
le montant du crédit d’impôt
accordé aux productions françaises.
4 millions ( c’est le plafond du
crédit d’impôt accordé aux films
étrangers tournés dans l’Hexagone.
À l’étranger
belgique ( Le Tax Shelter.
Ce dispositif fiscal permet de
réaliser 35 % d’économies sur
la production, auxquelles peuvent
s’ajouter les aides publiques.
Montréal ( Les crédits
d’impôts s’élèvent à 25 % pour
l’animation et à 20 % pour les
effets spéciaux, auxquels s’ajoute
une aide fédérale de 15 %.
Irlande( D’après une étude du
CNC, chaque euro consenti par
l’administration fiscale irlandaise
permet de générer 1,27 euro
de recettes fiscales.
Astérix et Obélix au service de sa majesté a été
tourné à Malte, en Hongrie et en Irlande. [Fidélité Films]
même prêts à perdre ce million
d’écart si le gouvernement trouve
une astuce pour qu’ils bénéficient
du même montant de crédit d’impôt que les productions étrangères.
Un lobbying totalement
infructueux
Et le lobbying commence. Pas de
chance, fin 2010, Nicolas Sarkozy a
ouvert la chasse aux niches fiscales,
il ne se voit pas en créer une
­nouvelle. La rue de Valois, Bercy,
Matignon, l’Élysée… la réponse est
focus
Un dumping qui peut rapporter gros
Le crédit d’impôt existe depuis 2004 en
France mais il est limité pour les productions françaises à 1 million d’euros. Tout film
avec un budget de plus de 8 millions d’euros
a, a priori, un intérêt fiscal à se délocaliser
puisque ailleurs en Europe les systèmes sont
déplafonnés. À partir de 10 millions, la délocalisation ne se discute même pas. Et ces
productions sont extrêmement bénéfiques
pour l’économie locale.
Le dumping rapporte. Deux études belges
ont montré qu’en Belgique chaque euro
d’avantage fiscal a ramené, selon les années,
entre 1,02 euro et 1,15 euro. Les Irlandais
font mieux, puisque selon une étude du CNC,
chaque euro consenti par l’administration
fiscale irlandaise permet de générer
1,27 euro de recettes fiscales.
Autre exemple : Astérix aux Jeux olympiques
a été pratiquement entièrement tourné en
Espagne, à Alicante. Les Espagnols ont mis
5 millions en coproduction et la région d’Alicante aurait, selon elle, eu pour 28 millions
d’euros de retombées. q J.-P.G.
toujours « non ». Même Gilles Car- L’extravagant voyage du jeune et
rez (UMP), rapporteur de la com- prodigieux T.S. Spivet au Canada
mission des Finances à l’époque (et pour des raisons artistiques, même
élu de Brie-sur-Marne où des si les célèbres cadeaux fiscaux du
­studios ont besoin de
pays ont joué.
fonctionner) n’arrive pas
Mais du Marsupilami à
à convaincre Bercy et
L’écume des jours en pasl’Élysée. À la fin de 2010,
sant par le prochain film
des films
Missonnier et Delbosc français d’un
de Michel Gondry, aucune
constatent donc leur budget de
raison de tourner en Beléchec et affrètent les 10 millions
gique, si ce n’est pour le
camions pour aller tour- d’euros et plus tax shelter : 35 % d’écononer ailleurs : les milliers et ont été tournés mies sur la production
à l’étranger
avec ce dispositif fiscal.
milliers de nuits d’hôtel, cette année.
Un vrai gâchis pour l’inde figurants, de repas ont
dustrie française. Cent
profité aux Irlandais, Maltais et Hongrois. Et le déficit du cinquante millions, deux cents milrégime d’assurance-chômage des lions ­perdus chaque année à cause
intermittents du spectacle a encore des productions délocalisées ? Les
augmenté.
chiffres les plus énormes circulent.
Astérix, c’est la plus spectaculaire, Ce qui est sûr : un film français
la plus grosse délocalisation du moyen, c’est une PME de 20 à
cinéma français. C’est aussi le qua- 30 personnes pendant un an. Vu le
trième film de cette série dont tous nombre de délocalisés, ce sont donc
les épisodes ont été délocalisés pour au moins 60 PME de perdues par
tout ou partie. Mais le petit Gaulois an. De quoi énerver « tous les profesteigneux est loin d’être seul à s’exi- sionnels de la profession », comme
ler. 70 % des films français avec un dirait Jean-Luc Godard.
budget de 10 millions d’euros et
Le système français finance désorplus sont cette année tournés à mais la croissance des autres pays
l’étranger. Bien sûr il y a quelques européens. Les financements auto(très rares) films qui ont besoin matiques du CNC, issus des taxes
d’être tournés à l’étranger. Jean- sur les billets, représentent entre
Pierre Jeunet vient de tourner 30 % et 40 % des budgets de pro-
70 %
L’enquête
13
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
uvé la potion magique : les paradis fiscaux cinématographiques européens
pas très français
Film d’animation réalisé par le studio Mikros pour M6,
Le Domaine des dieux est 100 % français.
©2012 les Éditions Albert René / Goscinny-Uderzo ©2012 M6 Studio
«
duction des films français. Et cela,
comme pour Astérix, sans aucune
condition de localisation : le film
peut être tourné n’importe où dans
le monde et n’employer aucun
Français, à condition qu’il parle
français ! Le système assure désormais la croissance du cinéma belge
et hongrois.
l’Astérix de m6 : un projet
100 % français
L’industrie du cinéma est en croissance partout dans le monde, la
France est techniquement l’un des
pays les mieux placés pour en bénéficier et cela ne se passe pas bien.
Les exemples de l’animation, des
effets spéciaux et de la 3D sont
patents. Il existe ainsi un autre Astérix, actuellement en production, que
mijote le studio Mikros pour M6.
C’est l’Astérix « vertueux », français
à 100 %. Le budget du Domaine des
dieux, réalisé par Louis Clichy, est
moins de deux fois celui de l’autre
Astérix. Le producteur, M6 films,
avait donc certainement moins à
gagner que Missonnier et Delbosc à
une délocalisation. Surtout, il s’agit
d’un film d’animation en 3D,
domaine dans lequel les Français
sont réputés. Enfin, M6 affiche une
volonté politique claire de produire
français. Le Domaine des dieux, ce
sont 200 emplois, essentiellement
à Levallois-Perret. Mais ce type de
production est de plus en plus rare.
Gilles Gaillard, le directeur général
de Mikros Image, explique : « Je ne
reçois plus une commande de films
sans que l’on me demande de c­ alculer
dans le même temps les meilleures
hypothèses de financement et d’optimisation fiscale dans quatre ou cinq
pays différents, Inde comprise. Les
producteurs ont compris que depuis
qu’il y avait Internet et que l’on pouvait tout dématérialiser, la localisation d’un film d’animation n’avait
aucune importance. Seuls comptent
la qualité technique du studio retenu
et les gains fiscaux. Je fais donc
autant de 3D que de conseil en financement. » Quand Gérard Depardieu
jouait Obélix pendant la journée en
Irlande, les images étaient travaillées le soir en France et au Canada,
et le lendemain matin tout était fini.
Le souci est que Mikros Image,
pour ne pas perdre de commandes,
s’est aussi délocalisé : filiales à
Liège, Bruxelles, Luxembourg et
Montréal pour être présente dans
chaque eldorado fiscal. Ce serait
une faute industrielle de ne pas le
faire. à Montréal, les crédits d’impôts sont de 25 % pour l’animation
Le premier
financement d’un
film, c’est le CNC.
Le deuxième, ce sont
les télévisions.
Il ne serait pas illogique
de territorialiser cette
dépense publique. »
Gilles Gaillard, directeur général
de Mikros Image, qui prépare
un autre Astérix pour m6.
sion publique [France 2
et France 3 sur Astérix
et Obélix au service de
sa majesté, ndlr],
constate Gilles
Gaillard. Il ne serait pas
illogique d’associer un
critère de territorialisation à cette dépense
publique. » Car la Belgique se sert
de cette manne pour financer les
studios ou des écoles de formation
aux métiers du cinéma, alors qu’il
y a quelques années encore, elle
faisait venir bon nombre de techniciens français pour les tournages
attirés avec ses cadeaux fiscaux.
C’est un vrai gâchis
pour l’industrie
française. Combien
de millions sont
perdus chaque année ?
et de 20 % pour les effets spéciaux,
auxquels s’ajoute une aide fédérale
de 15 %. Et tout peut se cumuler. Au
final, le Canada est encore plus intéressant que la Belgique : le système
de tax shelter belge amène des
­rendements réels de 25 à 30 % auxquels peuvent s’ajouter les aides
publiques belges mais on finit rarement à plus de 50 % d’économies.
L’Irlande est du même ordre, et
depuis peu, l’État de New York s’est
aussi mis aux soldes fiscales. Big
Apple faisait 30 % de ristourne,
depuis juin c’est 40 % !
Non seulement les Français ne
peuvent pas lutter mais le système
permet aux Belges, Hongrois,
Tchèques et Irlandais de
construire les industries techniques qui leur manquent. « Le
premier financement d’un film, c’est
le CNC, donc une taxe parafiscale
publique. Le deuxième, ce sont les
télévisions, dont souvent la télévi-
Le savoir-faire
ne suffit plus
À cela s’ajoute le fait que les systèmes belge ou canadien évoluent
pratiquement en temps réel pour
casser les prix. « Notre avantage,
c’est le savoir-faire », explique Philippe Sonrier de Mac Guff, le gros
studio d’animation parisien qui, en
2012, emploie entre 400 et 500 personnes. « Mais notre savoir-faire, ça
tient de moins en moins face aux
cadeaux fiscaux de 40 %.
Aujourd’hui, notre qualité technique
nous permet de passer si l’on ne fait
que des petites réductions de 10 %
sur les budgets. Tous ceux qui ont
trop cassé les prix dans le secteur, se
sont scratchés. » Pour autant il y a la
réalité : Mac Guff vient de sortir
Kirikou, entièrement fait maison ;
mais sur ses cinq films en discussion avec des producteurs, un seul
serait, pour l’instant, fait en France.
Que fait la Commission européenne ? Pourquoi ne met-elle pas
le holà à ce dumping fiscal ? « C’est
horriblement compliqué », explique
Thierry de Segonzac, le patron de
la Fédération professionnelle des
industries techniques qui se
­prépare à de rudes négociations
dans les prochains jours à Bruxelles.
« D’abord parce ce que nous autres,
les Français, devons jouer “low
­profile”. Nos comptes de soutien, nos
obligations d’investissements, tout
cela est tangent avec la Commission
car elle cherche à remettre à plat le
système des aides d’État. Dans le
même temps, elle a l’intention de
supprimer le critère de territorialisation dans le système des crédits
d’impôt ou de tax shelter. » En clair,
une production française pourrait
aller chercher du « tax shelter » en
Belgique et revenir tourner en
France. Mais rien n’est fait et la
France n’est pas franchement majoritaire sur la question. q
14 entreprises & innovation
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
Ces patrons qui
osent « libérer »
leurs salariés
anti-management Persuadés que
le meilleur moyen pour rester compétitifs est
de responsabiliser leurs troupes, certains chefs
d’entreprise ont fait le pari de lâcher la bride
à leur personnel. Visite guidée dans ces
laboratoires de ressources humaines qui affichent
des performances très convaincantes.
V
Sophie Péters
u de loin, de très loin,
on pourrait croire au
monde des « bisounours ». Ou à une
énième élucubration
managériale dont les consultants
auraient le secret. Mais de management, point. Il est justement question de s’en libérer. Qu’elles s’appellent Chronoflex à Nantes, Flavi
à Hallencourt en Picardie, Poult à
Montauban, ou encore Lippi à
Mouthiers-sur-Boëme en PoitouCharentes ou Usocome à Haguenau, ces entreprises tendent à
considérer leurs salariés comme
des adultes responsables et non
comme de bons petits soldats…
Elles suivent en cela leurs modèles,
des géants mondiaux parfois, qui
ont pour nom Harley-Davidson,
Sun Hydraulics, ou encore
W.L.Gore et Southwest Airlines.
des leaders choisis par
les salariés eux-mêmes
La plupart de ces entreprises
n’ont pas de parking réservé à la
direction, ni de bureaux plus spacieux pour les cadres. Certaines ne
regroupent pas leurs collaborateurs par service… mais par client.
Beaucoup ne disposent plus,
depuis longtemps, d’une pointeuse.
La plupart autorisent les salariés à
fixer leurs propres emplois du
temps et certaines n’ont plus aucun
manager, ni titres, ni grades. Les
salariés choisissent leurs leaders,
définissent eux-mêmes la description de leurs postes. Ces entreprises ont plusieurs points
­communs : des retours sur investissement élevés, un taux de rotation de leurs salariés extrêmement
bas et surtout, surtout, la considération et le respect qu’elles
donnent à leurs salariés.
« Ici, on les écoute au lieu de leur
dire quoi faire. On leur transmet
toutes les informations sur la
marche de l’entreprise leur permettant de prendre collectivement les
meilleures décisions. On encourage
la prise de risque sans avoir recours
aux carottes et aux bâtons »,
résume Jean-François Zobrist,
l’ancien patron de Favi, devenu
leader mondial en fonderie souspression d’alliages cuivreux. Entré
chez Favi en 1971, Jean-François
Zobrist constate qu’il n’y a « pas de
performance sans bonheur », et
«
Il n’y a pas de
performance
sans bonheur,
et il n’y a pas
de bonheur sans
responsabilité. »
Jean-François Zobrist,
ancien patron de favi,
leader mondial en fonderie
d’alliages cuivreux
« pas de bonheur sans responsabilité ». Il décide de lâcher la bride à
ses ouvriers en supprimant les
échelons hiérarchiques.
Ces derniers s’organisent en
« mini-usines » dédiées à chaque
client. Le « leader » de chaque
mini-usine, ancien ouvrier expérimenté, n’impose aucune directive
à son équipe sans en expliquer
l’origine, le « pourquoi ». Il les
laisse en revanche libres du « comment », chacun trouvant alors des
améliorations. Libres aussi des
cadences, qui, du coup, s’envolent
du fait de leurs nouvelles responsabilités. Tous ceux qui rencontrent un problème et trouvent
une solution l’appliquent. Pas
besoin d’en parler avant pour
demander l’autorisation, ni après
pour obtenir des remerciements.
Le leader n’a, dans cette organisation, que des fonctions d’assistance. Et ça marche comme ça
depuis déjà plus de dix ans, Favi
ayant évité la crise des équipementiers automobiles avec un cash flow
positif à deux chiffres et des parts
de marché en Europe, passées de
50 à 70 % en 2009.
Quant à Jean-François Zobrist, il
est devenu une « figure » et raconte
sa démarche au sein des réseaux
APM et Germe, sortes de pépinières des patrons libérateurs, avec
des formules à la Audiard : « Il y a le
même taux d’imbéciles chez les
ouvriers que chez les ingénieurs,
mais les seconds coûtent plus cher » ;
et aussi : « Les chefs de service s’ennuient, alors ils passent leur temps à
emm… les ouvriers » ; ou encore :
« RH pour moi, c’est rendre heureux
et pour ça, pas besoin d’un DRH. »
Aujourd’hui, son expérience est
largement relayée par un autre
« évangéliste », Isaac Getz, professeur à ESCP Europe et auteur de
Liberté & Cie, quand la liberté des
salariés fait le bonheur des entreprises, (éd. Fayard, 2012, 22 euros)
avec le journaliste du Wall Street
Journal, Brian M. Carney.
« Les rh ne s’occupent que
de la surface des choses »
Pendant quatre ans, Isaac Getz se
passionne pour ces entreprises qui
ne connaissent pas la crise et où les
salariés coulent une vie professionnelle épanouie. Au terme de
son enquête, il cherche à démontrer que la liberté donne de meilleurs résultats que le caporalisme :
« L’exercice d’un contrôle autoritaire s’accompagne d’une multitude
de coûts cachés qui ne pèsent pas
seulement sur les bénéfices, mais
Repères
Une démarche pas si nouvelle
1957 ( Mac Gregor défendait
avec sa théorie « Y »,
l’autoréalisation et
l’autodirection en tant que
besoins fondamentaux.
années 1970 ( En France,
Jean-Christian Fauvet, le patron
de Bossard Consultant, expliquait
déjà comment les bureaucraties
hiérarchiques conduisaient
inévitablement à des conflits
et à la sous-performance.
Et R.Townsend publiait aux
États-Unis en 1970 (et en France en
1991) Au-delà du management :
comment empêcher les entreprises
d’étouffer les gens et de bloquer
les profits (éd. Arthaud).
2003 ( L’ouvrage de Shiba,
Graham et Walden, TQM :
les quatre révolutions du
management (éd. Dunod),
poursuivait le même chemin.
2012 ( Publication de l’ouvrage
d’Isaac Getz, Liberté & Cie, quand
la liberté des salariés fait le
bonheur des entreprises (Fayard).
Avec la crise, l’intérêt porté à cette
approche qui conjugue performance
de l’entreprise et bien-être des
salariés prend de la vigueur.
Le principe de Kawakita, une référence
« Si tu veux faire traverser une rivière aux gens, d’abord fais-les rêver
sur la beauté de l’autre rive, puis veille à ce que personne n’ait peur
de l’eau, et seulement quand plus personne n’a peur, apprends-leur à
nager et alors ils traverseront tout seuls. »
Une manière poétique de dire que les salariés ne s’opposent pas
forcément au changement, mais à ce qu’on les change.
sur la santé des employés […] La
grave erreur des bureaucrates est de
s’imaginer que, parce qu’une chose
s’appelle règle, elle est préférable à
un arrangement moins formel.
D’autant que la plupart de ces
règles ne se bornent pas à saper le
moral des salariés : elles empêchent
la grande majorité d’entre eux de
faire ce qui conviendrait. »
Carlos Verkaeren, PDG depuis
dix ans des biscuiteries Poult
(230 millions de CA, 1 700 personnes dont 800 en France), en est
persuadé : « Les RH ne s’occupent
que de la surface des choses. En
enquêtant auprès des multinationales plus résilientes que les autres,
je suis arrivé à la conclusion que le
seul avantage concurrentiel, c’est la
façon d’organiser le management. »
En 2006, il arrête pendant
deux jours l’usine de Montauban et
réunit les 800 salariés pour travailler sur leur vision de l’entreprise. Ils
déterminent alors eux-mêmes leur
organisation (planning, ligne de
production, congés, etc.) et suppriment deux échelons hiérarchiques.
« Depuis, l’usine fonctionne avec une
productivité accrue et le résultat
opérationnel a doublé en deux ans »,
constate Carlos Verkaeren. Pour lui,
le secret d’une bonne organisation
consiste à faire coïncider l’intérêt
des salariés et celui de l’entreprise.
Chez Poult, ni titres, ni organigramme mais juste des communautés d’expertise et un comité de pilotage pour étudier les rémunérations
et les recrutements. Au final, un
management à la scandinave, où
l’on privilégie les moyens sur les
objectifs, et où la liberté se paye par
entreprises & innovation
15
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
L’humour hisse pavillon haut dans les locaux
du centre d’appels IMA Technologies. [DR]
Entre deux prises de tête bien techno, le bon vieux baby-foot
de IMA Technologies remporte un succès incontesté. [DR]
focus
Donner de l’autonomie ?
Un vrai acte d’autorité !
Les quatre étapes pour libérer
son entreprise, selon Isaac Getz,
professeur à ESCP Europe :
1 / Arrêtez de parler, commencez par écouter et
mettez-vous au même niveau que vos employés.
2 / Partagez votre vision de l’entreprise
ouvertement afin que tous les employés aient
la responsabilité et un engagement
collectif. « L’entreprise n’est pas rose
tous les jours, mais les salariés sont
plus heureux car ils sont très investis », convient le président qui
avoue avoir lui-même dû « lâcher
prise » non sans difficulté et laisser
les salariés décider.
l’abandon des symboles
statutaires du pouvoir
« Lâcher prise » ? C’est la clé de
ces transformations menées par
ces patrons. En supprimant toute
surveillance au profit de l’autoorganisation du personnel, ils ont
décuplé la motivation au prix d’un
intense effort sur leur rapport au
pouvoir. à l’instar d’Alexandre
Gérard, le fondateur de Chronoflex. En 2009, très inquiet de la
baisse d’un tiers de l’activité, il
la capacité de se l’approprier.
3 / Arrêtez d’essayer de motiver les gens, mais
construisez un environnement qui leur permette
d’évoluer et de s’autodiriger.
4 / Pour maintenir la liberté de votre entreprise,
soyez-en le garant par une vigilance de tous
les instants.
croise le chemin de Jean-François
Zobrist et Isaac Getz. Il en ressort
convaincu que le salut de son
entreprise passe par son changement… à lui ! En quelques mois, il
« nettoie » tous les signes de pouvoir (plus de parking, ni de grand
bureau, ni de titre ronflant), histoire de commencer par créer un
langage commun. Puis, il réunit le
personnel et laisse émerger les
solutions. Des sortes d’universités
permanentes se mettent en place,
chacun formant son voisin sur ce
qu’il sait faire, afin de monter en
compétences tous les collaborateurs. Les primes sont décidées
collectivement et partagées par le
groupe. Le management intermédiaire n’existe plus. Il sert de « ressource » à la façon des porteurs
d’eau. « Il n’est pas question de dire
“faites ce que vous voulez”, ni même
“faites ce qui vous paraît le mieux”,
car sans orientation tout le monde
se mettra à faire ce qu’il estime le
plus utile pour l’entreprise, quitte à
être en contradiction avec la vision
globale. Pire encore, les gens
risquent de se mettre à agir dans
leur propre intérêt et non dans celui
de la société. La liberté au travail,
ce n’est ni la hiérarchie ni l’anarchie.
Juste un environnement au sein
duquel les salariés se motivent tout
seuls », explique Alexandre Gérard.
Aux « managers » de comprendre
ce qui entrave le fonctionnement
et d’y remédier pour que les salariés puissent s’autodiriger. Poussant la logique de libération de son
entreprise à l’extrême, il vient de
partir pendant un an faire le tour
du monde en famille. Et s’est pré-
Pour qui veut s’atteler à cette nouvelle forme d’organisation du travail, il ne s’agit pas de supprimer des échelons hiérarchiques et de troquer un 4x4 contre une 2 CV,
ni de lâcher la bride et de dire en substance aux équipes
« débrouillez-vous ».
Le chemin est long, exigeant et semé de chausse-trappes.
À commencer par la résistance et la méfiance de salariés
habitués à « obéir » et à appliquer des procédures.
Quand ce n’est pas le patron qui se voit soupçonné de
délit de démagogie. « Il est très délicat de s’interdire de
décider quand tout le personnel estime que l’on détient la
solution. Et dès que le patron relâche l’emprise d’autres
tentent de s’en emparer. Le plus difficile c’est la phase de
transition. Tout le monde continue à venir voir le patron.
Mon premier problème, c’est la tentation de résoudre »,
admet Frédéric Lippi.
Fabricant de grillages et de clôtures, la PME familiale
(260 personnes, 40 millions d’euros de CA) qu’il reprend
peu à peu avec son frère Julien est engagée dans la
démarche. « Nous créons les conditions pour que les choses
se fassent. En période de crise, l’auto-organisation coûte
moins cher et rapporte plus à tous points de vue », estime
Frédéric Lippi. « Ceux qui n’aiment pas manager pensent que
l’autonomie c’est plus facile. C’est l’inverse, renchérit Michel
Long, dirigeant de Mecabor. N’importe qui peut faire appliquer des ordres. Mais faire preuve de clairvoyance, d’attention de chaque instant et de souplesse n’est pas donné à tout
le monde. C’est un nouvel apprentissage quotidien. » q s. P.
paré avec son coach en revisitant
ses croyances. à commencer par
celle qui voudrait « qu’il se saigne
au boulot pour que tout marche
bien ». « Le premier frein, c’est moi,
reconnaît Alexandre Gérard. J’ai
compris la différence entre “avoir le
pouvoir de faire les choses” et le
“pouvoir sur” les gens. »
l’étonnante modernité
des fables de la fontaine
La nuance est bien là. Pour Isaac
Getz, « tant que le siège de la décision est occupé, les managers
obéissent sans trop réfléchir. Quand
il est vide, le terrain le remplit. Si on
laisse aux salariés le pouvoir de
résoudre un problème, ils trouvent la
solution eux-mêmes. Sinon ils
appliquent… mais sans conviction ».
Ce chantre de la libération compare
les entreprises au chêne et au
roseau de La Fontaine : les chênes,
adeptes du commandement et du
contrôle, souffrent aujourd’hui du
vent de la crise quand les roseaux,
acquis à l’initiative individuelle,
s’adaptent.
Au final, l’agilité d’une entreprise
est déterminée par son leadership :
« Pour atteindre la performance
forte et durable qu’ils visaient, ces
patrons ont renoncé à agir sur
l’homme (à le contrôler, le motiver,
le manager) et préféré agir sur son
environnement pour que ce dernier
le nourrisse », résume Isaac Getz.
Mais avec deux cartes maîtresses,
la transparence et la confiance,
dans un jeu qui implique les salariés. Cela leur inspire une automotivation qu’aucun chèque ne produira jamais. q
16 entreprises & innovation
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
Depuis quinze ans, en Bretagne, le chercheur Franck Zal, fondateur de la société Hemarina, s’intéresse à
l’entreprise l’hémoglobine du ver marin arénicole. Composé de molécules géantes extracellulaires, le sang de l’animal
de la semaine
favoriserait l’oxygénation des cellules, ainsi que la cicatrisation et la réparation des tissus…
L’hémoglobine des vers marins
transformée en or rouge
C
Frédéric Thual
ela pourrait ressembler à un remède
miracle. Pour les
grands brûlés, pour
des hémorragies
post-blast dues à l’effet de souffle
des explosions, pour des infarctus
du myocarde, pour des anémies
provoquées par des maladies
orphelines d’Amérique latine et
d’Afrique, pour la préservation, le
transport et la transplantation de
tissus, de greffons ou d’organes
(reins, foie, cœur, cornée…), etc.
Si les applications sont légion et
l’idée un peu
folle, elle n’a,
cependant, pas
échappé aux millions
f i n a n c e u r s d’euros,
(Inserm Trans- c’est la levée
fert Initiative, de fonds
F i n i s t è r e récemment
réussie par
Angels, Armor Hemarina, lors
Angels, XMP et d’un deuxième
Arkéa Capital tour de
I n v e s t i s s e - financement.
ment) de la
start-up bretonne Hemarina, qui
vient d’effectuer une levée de fonds
de 6,3 millions d’euros lors d’un
deuxième tour de financement, où
vient d’entrer Maurice Lesaffre
représentant d’un fonds privé
familial, doté d’une expérience
internationale et industrielle dans
le domaine de l’agroalimentaire.
Depuis sa création en 2007, l’entreprise multiplie les soutiens (le
bio-booster breton Capbiotek) et
les récompenses liés à l’innovation.
Repères
LES CHIFFRES
3 000 ( C’est le nombre d’emplois
générés en Bretagne par l’industrie
des biotechnologies. Elle aurait
généré un CA de 150 millions d’euros
en 2010.
114 ( C’est, en milliards de
dollars, l’estimation du marché
biopharmaceutique mondial,
en 2011.
LA TENDANCE
Les biomédicaments ( Ils
constituent le principal moteur
de la croissance du marché
pharmaceutique (+ 11 % par an).
70 % des produits thérapeutiques
développés dans le monde
proviennent des biotechnologies.
Les biotechs ( Elles ont généré
l’émergence de 155 molécules de
nouveaux médicaments au cours
des dix dernières années. Les
biomolécules représentent 18 %
des nouvelles mises sur le marché.
6,3
50 fois plus d’oxygène que
l’hémoglobine humaine
Un million d’euros en fonds
d’amorçage, une première levée de
fonds de trois millions d’euros et
une deuxième cette semaine.
­Chacun y va de son concours pour
soutenir les recherches de Franck
Zal, chercheur en océanographie
biologique à la station de Roscoff,
qui voulait comprendre comment
Il faudra encore 5 à 8 ans de recherches pour un développement
clinique des vertus de l’hémoglobine d’arénicole. [DR]
le ver arénicole enfoui sous les
sables des plages bretonnes peut-il
continuer à respirer quand la mer
monte ? L’observation du système
vasculaire et respiratoire du ver lui
a permis de mettre en évidence un
agent transporteur d’oxygène
extra-­cellulaire. Une molécule
géante de 3,6 millions de daltons
(unité de masse des atomes
­unifiée) comparés à la centaine de
milliers de daltons d’une molécule
humaine. Contrairement à l’hémoglobine humaine, celle-ci vit en
dehors des cellules et surtout
transporte 50 fois plus d’oxygène.
Ce sera la naissance d’Hemarina
Une molécule géante
Le ver marin arénicole (de aréno, « sable », et cole, « qui habite »)
se loge jusqu’à 40 cm de profondeur dans le sédiment sableux.
Grâce à une molécule « géante » de 3,6 millions de daltons (unité
de masse unifiée des atomes), son hémoglobine transporte 50 fois
plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine. C’est ainsi qu’il « respire » même enfoui dans le sable, à marée haute.
qui a, depuis, déposé dix brevets.
Deux autres sont en attente.
L’entreprise a obtenu une licence
exclusive pour l’exploitation de cet
agent transporteur d’oxygène –
dont le brevet est détenu par l’Inserm et le CNRS-UPMC –, utilisé
pour préserver les organes en
attente de greffe grâce à une meilleure oxygénation du greffon. Et
déploie également un activateur de
croissance cellulaire aux propriétés antioxydantes, évitant notamment la production d’éléments
toxiques pour les tissus vivants.
Si le chiffre d’affaires reste encore
embryonnaire, Hemarina réunit
déjà 21 personnes, à Morlaix
(Finistère). « Nous avons quatre
axes stratégiques », déclare
Mohammed Charki détaché par le
laboratoire pharmaceutique Sanofi
pour accompagner le développement du business de l’entreprise,
dans le cadre d’une opération de
mécénat de compétences. D’ici à la
fin de 2013, la start-up voudrait en
LES ACTEURS
250 ( La Bretagne compte
250 acteurs dans les
biotechnologies marines. Parmi
elles, 150 entreprises (Sanofi
Aventis, Yves Rocher, Lactalis, etc.)
et plates-formes techno adhèrent au
cluster breton Capbiotek.
10e rang ( La France se situe
au 10e rang mondial des
producteurs d’algues, avec
71 000 tonnes (moins de 1 %), dont
90 % sont récoltés en Bretagne.
Sources : étude Xerfi/Capbiotek/BDI/
Leem/biotechnologies en France.
effet aboutir à la mise au point et à
la mise sur le marché d’une solution capable d’accroître la durée de
conservation des greffons reins en
attente de transplantation. Des
travaux qui pourraient alors
s’étendre au foie, au rein, au cœur
toxicité au niveau rénal et qu’il n’y
a pas lieu d’anticiper de réactions
immunitaires chez l’homme »,
indique Mohammed Charki.
Riche en oxygène, cette solution
pourrait aussi bénéficier à des
maladies provoquant des pertes
aiguës ou chroniques de sang,
comme la drépanocytose et la
bêta-thalassémie, deux maladies
génétiques orphelines rencontrées
essentiellement en Afrique, en
Amérique du Nord et Latine.
un sang universel,
plus « durable »
Plus largement, les vertus de
l­ ’hémoglobine d’arénicole, compatible avec tous les groupes et rhésus,
pourraient aussi pallier les problèmes des urgences et des banques
de sang. Comme, par exemple, lors
d’infarctus du myocarde ischémique, pour lequel une injection
dans les premières heures pourrait
permettre d’attendre d’avantage et
de minimiser les risques de
séquelles irréversibles. Autres
applications : les varices, les AVC,
les traumatismes post-blast…
Confronté à de nombreuses pertes
et séquelles irréversibles en zones
de conflit, l’US Navy s’est, d’ailleurs,
rapprochée de Hemarina pour soutenir et accélérer ce programme.
En plus de l’accélération des cicatrisations, l’apport en oxygène promis par cette découverte devrait
permettre de combattre les infections comme les abcès dentaires, la
conservation des greffes, les affections diabétiques, les ulcères
­variqueux… Reste qu’il faudra
encore de 3 à 8 ans de recherches,
selon les objectifs visés et l’ambition
des partenaires industriels, pour aboutir au
développement clinique
et à une mise sur le
­marché généralisée.
Compte tenu des
finances nécessaires,
Hemarina devra changer de voilure. Jusqu’à
présent approvisionnée
par des fermes d’élevage britanniques et hollandaises
auxquelles elle a imposé de modifier les protocoles d’élevage, l’entreprise bretonne réfléchit à la
réalisation de sa propre ferme pour
assurer ses approvisionnements en
vers arénicole, dont quelques
dizaines de kilos libèrent quelques
grammes… d’or rouge. q
L’hémoglobine
d’arénicole
permettrait de
prolonger la vie des
greffons en attente
de transplantation.
ou à la cornée. La préservation de
lignées cellulaires et de tissus
pourrait répondre au besoin de
« bio-banking », ces plates-formes
nationales et internationales de
connaissances sur les tissus
humain et animal. « Les résultats
en phase préclinique démontrent
que le procédé révèle une absence de
entreprises & innovation
17
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
Quand la Scop affronte
la multinationale
Leader mondial des capteurs à infrarouges, SET risque de passer
dans le giron d’un groupe américano-singapourien. À moins que
le projet de Scop des salariés ne l’emporte à la barre du tribunal de commerce.
la techno
à suivre
Les transatlantiques,
comme autrefois…
Grâce à sa technologie de
réalité augmentée immersive,
Biplan fait revivre l’épopée transatlantique
dans la grande rade de Cherbourg.
nouveau et
intéressant
Paul Turenne, à Grenoble,
Acteurs de l’économie
D
epuis la rentrée, le temps
est suspendu pour les
42 salariés de SET (Smart
Equipment Technology). Cette
PME basée à Saint-Jeoire (HauteSavoie) attend le verdict du tribunal de commerce d’Annecy pour
être fixée sur son sort. Placée en
redressement judiciaire au mois
d’avril, la société, considérée par la
préfecture comme un dossier stratégique, voit s’affronter deux
­projets de reprise aux antipodes
l’un de l’autre. Le premier émane
d’un groupe américano-singapourien, KnS, qui emploie environ
3 000 salariés dans le monde. Le
second, baptisé SET Corporation,
est un projet de société coopérative
et participative (Scop) porté par
37 salariés de la société, afin de
conserver le savoir-faire en France.
Le dossier s’avère sensible. Car
SET conçoit et fabrique des
machines d’hybridation de puces,
qui permettent de souder avec une
précision inférieure au micron des
composants fragiles et de petites
tailles. Elle se hisse même au rang
de leader mondial pour les
­capteurs à infrarouges. Le tout
pour des laboratoires de recherche,
dont le CEA Leti à Grenoble, mais
­également pour des fournisseurs
du ministère de la Défense.
Michel Rohart, président de
l’Union régionale des sociétés coopératives (Urscop), qui a accompa-
Le promeneur visionne les animations sur un smartphone
grâce à des puces placées le long du front de mer. [DR]
à
SET fabrique des machines d’hybridation de puces permettant
de souder avec une précision inférieure au micron. [SET]
gné les salariés dans leur montage,
voit en KnS un groupe « essentiellement préoccupé par la rentabilité
financière ». Et de rappeler que ce
groupe n’a pris des engagements
sur l’emploi que pour une durée de
trois ans. « Au-delà, nous n’avons
aucune certitude sur le maintien du
savoir-faire en France. »
un tour de table
à 3 millions d’euros
Alexandre Moulin, commissaire
au redressement productif en
Rhône-Alpes, s’étonne de ces critiques : « Nous avons travaillé pour
l’amélioration des offres et n’avons
pas identifié d’éléments majeurs
posant un problème avec l’une
d’entre elles. De manière objective
et d’après les éléments en notre pos-
session, il n’est pas du tout incohérent pour KnS de maintenir, loin de
ses grands centres de décision, des
activités de développement de produits et de production de quelques
dizaines de machines par an. »
Pour autant, Alexandre Moulin
juge le projet de Scop « bien capitalisé et cohérent du point de vue de
la stratégie ». De fait, le projet peut
d’ores et déjà s’appuyer sur un tour
de table consolidé de 3 millions
d’euros, incluant un apport de
500 000 euros du grand emprunt.
KnS, qui a apporté des améliorations de son offre à la dernière
minute, provoquant pour la
­deuxième fois un report du jugement du tribunal, se refuse à communiquer. La décision du tribunal
est attendue pour le 23 octobre. q
Cherbourg (Manche),
dans ce « port des Amériques » où firent escale
les grands paquebots transatlantiques, le promeneur équipé d’un
smartphone ou d’une tablette
(mis à disposition par l’Office de
tourisme) accède à des animations à l’aide d’applications qu’il
télécharge ou qui se déclenchent
lorsqu’il passe devant des « QR
codes » ou des puces NFC (sans
contact) placées le long du front
de mer. Cette opération – baptisée « Le grand départ » – résulte
d’un partenariat entre la ville
d’Equeurdreville-Hainneville et
de plusieurs sociétés, dont
Biplan (1 million d’euros de CA ;
10 salariés).
Parallèlement à la production
de films d’entreprise et de documentaires, Biplan a renoué avec
une activité de 3D qu’elle avait
abandonnée, en y ajoutant la 3D
géolocalisée, qui permet d’obtenir une « réalité augmentée
immersive ». Pour Le grand
départ, labellisé par le pôle de
compétitivité TES, Biplan
estime avoir montré tout son
savoir-faire : films de qualité
documentaires, animations en
3D, réalité augmentée, audiodescriptions pour les non et malvoyants. Lionel Guil­laume, le
responsable de l’innovation,
l’assure : « Biplan va continuer à
se développer dans la R & D et la
réalité augmentée, notamment à
l’international. »
À Rouen, Biplan se prépare à
faire un saut qualitatif avec la
production en tournage 5D pour
donner « un rendu cinématographique à la vidéo », selon Éric
Terrier, directeur. Cofondateur
de Biplan, il est aussi l’actionnaire majoritaire de la télévision
locale Chaîne normande (CA :
1,5 million d’euros ; 15 salariés)
qui émet sur la TNT depuis un
an. Il planche sur le principe de
directs événementiels et sur des
synergies avec Biplan. q
Claire Garnier, à rouen
onvaparlerdelui
Dominique Massonneau, président de M-Énergies
Il met sa pêche au service de l’énergie
On ne se range plus quand on a 60 ans !
Dominique Massonneau a attendu l’âge de la retraite
pour créer, en 2009, M-Énergies, un groupe qui affiche
aujourd’hui une progression spectaculaire dans le grand
Est de la France.
Directeur de Vinci Est durant vingt ans, l’industriel a eu
tout loisir de préparer le terrain avant de se lancer dans
l’aventure de l’entrepreneuriat. En reprenant Solorec,
entreprise de chauffage de 140 salariés installée en
Meurthe-et-Moselle, alors en grande difficulté, l’ancien
cadre dirigeant a choisi en connaissance de cause le
marché de la maintenance des chaudières individuelles
et des chaufferies collectives.
« Du traitement de l’eau à la gestion des parkings, j’ai
eu l’occasion d’exercer de nombreux métiers au sein
du groupe Vinci. L’énergie m’est apparue comme un
métier d’avenir que j’avais les moyens d’appréhender »,
explique Dominique Massonneau.
Dûment réorganisée et chapeautée par la holding MÉnergies, l’entreprise a repris par la suite une dizaine
de sociétés de moins de 20 salariés en Lorraine, en
Alsace, en région parisienne et au Luxembourg.
Désormais doté d’un bureau d’études spécialisé dans les nouvelles technologies du chauffage,
M-Énergies, qui réalise 23 millions d’euros de chiffre
d’affaires pour 214 salariés, constitue aujourd’hui l’un
des seuls groupes indépendants capables de concurrencer des leaders nationaux, comme Dalkia et Cofely,
sur le marché de la maintenance des chaufferies collectives.
Humaniste revendiqué, Dominique Massonneau
a transformé ses convictions en atout. À l’heure de céder
leur entreprise, les dirigeants de PME accordent volontiers
leur confiance à ce sexagénaire affable qui prend le
temps de broder au petit point une
reprise sur mesure.
Affilié au réseau « Entrepreneurs d’avenir », il croit à
l’existence du bonheur au
travail, dans lequel il voit le
plus sûr moyen de fidéliser
ses salariés. q
Pascale Braun, à Nancy
À l’âge où d’autres se retirent,
Dominique Massonneau a
créé un groupe qui a réalisé
23 millions de CA en 2012. [DR]
18 entreprises & Financement
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
Qu’elles soient coopératives de production ou de distribution, mutuelles ou encore associations,
les entreprises de l’économie sociale et solidaire peinent à se financer. Elles représentent
de la semaine pourtant un poids économique considérable : 2,3 millions d’emplois en France.
le zoom
Entreprises sociales recherchent
fonds propres désespérément
C
Les banques coopératives : 60 % de l’activité banque de détail
et plus de 21 millions de sociétaires
Séverine Sollier
omment trouver des
capitaux pour renClassement par chiffre d’affaires en 2010 (produit net bancaire)
forcer la solidité
CA 2010 (filiales
Nombre de
financière ? Pour les
Nombre de
position
nom de la coopérative
comprises), en
membres
salariés 2010
entreprises de l’écomillion d’euros
adhérents 2010
nomie sociale et solidaire, cette
1
GROUPE CRÉDIT AGRICOLE
34 200
6 600 000
160 000
question tourne, plus qu’ailleurs,
GROUPE BPCE
23 359
8 100 000
au casse-tête. Et pour cause : ces
structures n’ont pas d’action– dont Caisse d’épargne
6 772
4 300 000
2
125 000
naires, mais des sociétaires ou des
– dont Banque populaire
6 236
3 800 000
adhérents qui n’ont pas forcément
- dont Crédit coopératif
386,3
54 233
envie – ou les moyens – de parti3
GROUPE
CRÉDIT
MUTUEL
14 700
7 200 000
75 800
ciper à des augmentations de
capital. Gênant pour des entreSource : Coop FR/Panorama sectoriel des entreprises coopératives (le Top 100 en 2012)
prises qui représentent, selon
Les banques coopératives sont structurées en trois groupes : Crédit agricole, BPCE, Crédit
l’Insee, près de 10 % de l’emploi
mutuel. Ils maillent l’ensemble du territoire avec les 39 caisses régionales de Crédit agricole
salarié en France, soit 2,3 millions
et leurs caisses locales affiliées, les 19 Banques populaires, les 17 Caisses d’épargne, et les
de personnes, et 8 % des salaires
18 fédérations de Crédit mutuel avec leurs caisses locales.
(lire encadré ci-dessous). Pour les
aider à croître et à
embaucher, l’idée de
créant des « certificats mutualiste. Pourquoi si vite ? Le vention des fonds de capital invesl’actuel gouvernement
mutualistes ». Ils sont sort de l’assureur Groupama, tissement est limitée », observe
serait d’aménager des
instruments financiers
directement inspirés des confronté depuis un an à la néces- Patrick Lenancker. Ils ne peuvent
des emplois
spécifiques. Les détails salariés, en
certificats coopératifs, qui sité de renforcer ses fonds propres, en effet pas miser sur la plus-value
devraient figurer dans le France, sont
permettent aux banques en aurait été certes grandement réalisée à la revente – comme
projet de loi relatif à occupés dans
coopératives de vendre à amélioré, explique ce même dans une transaction habituelle –
l’économie sociale et une structure
leurs clients des parts mutualiste. Mais ni les mutuelles pour se rémunérer, car les parts
solidaire prévu pour le de l’économie
sociales sur lesquelles ils ni même le Trésor ne semblaient sociales d’une Scop restent tousociale et
premier semestre 2013. solidaire, selon touchent un intérêt dont prêts à aller si rapidement.
jours à leur valeur nominale iniDe leur côté, les mutua- l’insee.
le montant est fixé
tiale. Pour palier l’absence d’interlistes ont bien failli bénéannuellement. « Mais le
un instrument financier
vention des fonds traditionnels,
les Scop ont donc mis en place
accessible à tous
ficier d’un traitement
gouvernement nous a
spécial. Au cœur de l’été, le gouver- demandé de nous prononcer sous
Car pour les assureurs mutua- leurs propres structures, en partinement a soumis aux fédérations 48 heures. Il voulait créer ces certi- listes, il ne s’agit pas simplement culier, la Socoden ou Société coode mutuelles un projet de texte ficats de toute urgence », raconte un d’ajouter une nouvelle possibilité pérative de développement et
à la liste prévue par le Code des d’entraide, alimentée depuis quaFOCUS
assurances, mais de créer un nou- rante ans par une cotisation
vel instrument financier, acces- annuelle de toutes les Scop. Ses
sible y compris aux petites entités, prêts participatifs peuvent être
qui pourrait être comptabilisé
comme des fonds propres « durs »
selon les nouvelles normes pruLes acteurs de l’économie sociale et solidaire regroupent
dentielles de Solvabilité 2. Il reste
des coopératives, des mutuelles, des institutions de préà déterminer si ces titres seraient
voyance, des associations et des fondations exerçant
réservés aux seuls sociétaires (les
dans des domaines très divers : agriculture, sanitaire et
clients) ou également à des invessocial, enseignement, hospitalisation, banque et assutisseurs institutionnels.
rance mais aussi agroalimentaire, commerce de gros ou
Une réflexion est menée en
bâtiment, etc. Les coopératives géantes comme les
parallèle du côté des Scop, ces
Hypermarchés Leclerc (37,8 milliards de chiffres d’afsociétés coopératives et particifaires en 2011 et 96 000 salariés) ou le Crédit agricole
patives dont les salariés sont les complétés par l’Institut de déve(35,1 milliards d’euros de produit net bancaire en 2011,
associés majoritaires. Certes, loppement de l’économie sociale
160 000 salariés) n’ont évidemment pas les mêmes pro« quand elles gagnent de l’argent, (Ides), créé en 1983 par des
blèmes d’accès aux ressources financières que les Scop
les Scop mettent en moyenne 40 % grandes banques coopératives et
industrielles de taille moyenne ou les petites associations
de leurs bénéfices en réserve dans mutuelles, mais aussi l’État et la
locales. Mais elles ont en commun quatre grands prinl’entreprise », explique Patrick Caisse des dépôts. Lorsque les
cipes : une gouvernance démocratique (une personne =
Lenancker, président de la confé- montants rassemblés restent trop
une voix, quel que soit l’apport en capital ou en temps de
dération générale des Scop (CG faibles, il faut chercher d’autres
travail) ; la solidarité (pas d’appropriation individuelle
Scop). Mais parfois, ce n’est pas soutiens. À défaut, les acteurs de
des profits) ; un projet collectif avec une gestion indésuffisant, notamment dans les cas l’économie sociale sont amenés à
pendante ; la libre adhésion. q
de rachat d’une entreprise de créer des filiales de statut privé
taille intermédiaire. Or « l’inter- « traditionnel ». Les groupes coo-
10 %
L’impératif démocratique
pératifs bancaires et agricoles
doublent ainsi leurs effectifs dans
des filiales extérieures à l’économie sociale.
Si la banque publique Oséo et le
FSI (Fonds stratégique d’investissement) ne sont en théorie pas
fermés aux Scop, leur accès reste
en pratique malaisé. Elles misent
donc aujourd’hui sur la perspective de fusion de ces deux structures au sein de la nouvelle
Banque publique d’investissement
(BPI) qui doit être officialisée le
17 octobre. Sur les 30 milliards de
capacité d’investissement dont
elle serait dotée, 500 millions
seraient dédiés à l’économie
sociale. Cette manne financière
pourrait notamment être utilisée
lorsque la valeur de l’entreprise est
si élevée que la reprise par les salariés ne peut s’opérer en une seule
fois. L’investisseur public serait
donc détenteur de parts sociales
pendant 5 ou 10 ans, le temps pour
les salariés de monter dans le
­capital grâce par exemple au réinvestissement de la totalité des
excédents.
La BPI soutiendrait
les associations
La BPI serait susceptible de soutenir aussi les associations dont la
situation vacillante avec l’assèchement progressif des financements
publics, en particulier dans le secteur sanitaire et social. « Le gouvernement a le projet de relancer
les titres associatifs », indique
Hugues Sibille, vice-président du
Crédit coopératif.
Cette banque historique de l’économie
sociale vient justement
de lever auprès d’investisseurs institutionnels
4 millions d’euros de
titres associatifs pour
l’association humanitaire Acted. Une opération qui reste très
exceptionnelle car, faute de présenter une liquidité suf­fi sante et
une rémunération attractive, ces
titres peinent à convaincre les
candidats à l’investissement. Or
toutes n’ont pas la possibilité,
comme les associations et fondations à forte notoriété (Médecins
sans frontières, la Croix-Rouge,
les Apprentis d’Auteuil, etc.), de
faire appel à la générosité des particuliers. q
Les Scop ont créé
une structure
d’entraide alimentée
par une cotisation
annuelle.
entreprises & Financement
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
L’emballage change de tête
Objectif d’Olivier Salaun, nouveau patron du spécialiste
de l’emballage haut de gamme PSB Industries : atteindre
une taille critique, malgré un contexte toujours plus difficile et exigeant.
elle cherche
de l’argent
Pascale Besses-Boumard
P
SB Industries, le spécialiste
de l’emballage sur mesure
pour la cosmétique et la
chimie de spécialité (245 millions
d’euros de chiffre d’affaires en
2011) est en passe de franchir un
cap. Figure tutélaire de l’entreprise, Jean-Baptiste Bosson, qui
l’avait accompagné depuis ses
débuts, a décidé de passer le flambeau. C’est Olivier Salaun, un L’arrivée d’Olivier Salaun
est l’occasion pour la direction
ingénieur de formation, ancien de redéfinir la stratégie
vice-président du groupe Ahls- de l’entreprise. [DR]
trom (leader mondial des matériaux haute performance à base de remettre à plat la stratégie en
fibres), qui lui succède. Un vigueur et déterminer les axes à
­tournant hautement symbolique, privilégier. Une chose est sûre : le
tant Jean-Baptiste Bosnouvel homme fort de la
son a imprimé sa marque
société envisage de
dans cette entreprise.
poursuivre le rythme de
PSB Industries repose
croissance enregistré
aujourd’hui sur trois millions
jusqu’à présent, tout en
piliers : l’emballage pour d’euros. C’est
ayant recours à des opéles produits cosmétiques le résultat net
rations de croissance
externes et internes.
(activité historique de la de l’entreprise
société), l’emballage sur en 2011.
Pour maintenir ses parts
mesure (notamment
de marché et répondre
pour le secteur agroalimentaire) aux attentes de ses clients
et la chimie de spécialité, dernière (notamment les leaders mondiaux
branche très pointue et réalisant de la cosmétique), l’entreprise se
les meilleures marges.
doit, de fait, d’être sur tous les
L’arrivée d’Olivier Salaun devrait fronts et offrir les systèmes les
être l’occasion pour la direction de plus innovants.
11,4
Le gearing actuel de PSB (l’endettement net mesuré par rapport
aux fonds propres) est aux alentours de 100 %, soit le maximum
autorisé par les analystes financiers. La dette ne représente toutefois que deux fois le résultat
opérationnel (l’Ebitda), quand la
communauté financière estime
qu’un multiple de trois fois est
tout à fait tolérable. Du coup, Olivier Salaun compte bien utiliser
ce levier pour négocier avec ses
banques de nouvelles options en
cas de besoin.
Un volume d’activité
en hausse de 8,1 % en 2011
Jusqu’à présent, PSB Industries a
toujours très bien géré les périodes
difficiles en anticipant au maximum les contractions d’activité. En
2011, le résultat net du groupe a
progressé de 7,8 % à 11,4 millions
d’euros pour un volume d’activité
en hausse de 8,1 % (+25 % en 2010).
Les investisseurs se montrent d’ailleurs assez confiants sur le potentiel de la société puisque l’action
s’adjuge plus de 32 %. Reste à savoir
si le nouveau patron va vouloir se
concentrer sur un ou deux métiers
pour éviter de s’éparpiller au
moment où la course à la taille critique n’a jamais été aussi dure. q
Quatre cents patrons
mutualisent leurs capitaux
le bon « Agregator Capi-
plan
tal. » Il ne s’agit
pas là du nouveau film de
science-fiction de James
Cameron, mais d’un fonds d’in-
vestissement très particulier, qui
vient d’apporter – aux côtés de
LBO France – quelque 10 millions
d’euros à Materne Mont-Blanc.
Cet investissement dans le célèbre
fabricant picard de crèmes dessert
illustre bien le fonctionnement
pour le moins original d’Agregator
Capital. En 2005, Michel Laroche,
président de Materne MontBlanc, avait rejoint Agregator
Capital qui, à l’époque, n’était pas
un fonds d’investissement, mais
un « club » d’entrepreneurs français créé trois ans plus tôt par les
fondateurs du réseau social
Viadeo. Pour la plupart installés
en région, les entrepreneurs
membres d’Agregator Capital sont
associés les uns aux autres via un
fonds mutualisé. Concrètement,
chacun d’entre eux apporte à ce
fonds une partie du capital de sa
propre société, et reçoit en
échange une part du fonds. L’idée
étant de permettre aux entrepreneurs de diversifier leur patrimoine.
Ce « club » d’entrepreneurs a
décidé d’aller plus loin en 2008,
en lançant un fonds d’investisse-
Un club
d’entrepreneurs
français devenu,
en 2008, fonds
d’investissement.
ment, baptisé lui aussi Agregator
Capital. Abondé par les 400 entre­
­preneurs, ce fonds investit dans
leurs sociétés, dont les valorisations sont comprises entre 5 et
100 millions d’euros. Agregator
Capital intervient en tant qu’actionnaire minoritaire, sur les différents segments du private
equity, du capital-risque au LBO
(leverage buy-out : acquisition par
endettement), en passant par le
capital-développement.
C’est précisément pour se développer à l’étranger et recruter
200 collaborateurs que Materne
Mont-Blanc avait besoin de
10 millions d’euros. Une somme
que le groupe a trouvée auprès de
son actionnaire principal, le fonds LBO
France, mais également auprès d’Agregator Capital, le patron
de Materne faisant
partie des entrepreneurs actionnaires du
fonds. Outre Materne
Mont-Blanc, Agregator C
­ apital
détient, par exemple, des participations dans AD4Screen (marketing), NovaWatt (énergie) ou bien
encore Star’s Service (logistique).
Le système fonctionne si bien
qu’Agregator Capital va lancer un
deuxième fonds, dans les prochaines semaines. Lequel sera, lui
aussi, souscrit par « le club des
400. » q
Christine Lejoux
19
20 territoires / france
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
La municipalité de Berck met en avant
l’attractivité que représente le casino pour la
ville. [pixpalace]
Les casinos du groupe
Partouche (ici, celui du
Touquet) ont enregistré
une baisse de 3,3 % de leur CA
en juillet 2012 par rapport à la
même période de 2011. [Pixpalace]
Casinos / Rien ne va plus
sur les bords de la Manche
tapis ou banqueroute ? Deux nouvelles
autorisations d’ouverture ayant été récemment
données dans la Somme, on comptera bientôt
sept établissements de jeux sur un axe long de
seulement 92 km…
L
Claire Garnier
«
es usines et les
commerces ferment, mais on
ouvre des casinos ! » Sandra
Blachère, cogérante du casino
municipal de Cayeux-sur-Mer
(Somme) et ancienne coproductrice de l’émission La Classe, de
Guy Lux, fait allusion aux deux
nouveaux casinos autorisés dans
la Somme en 2012 par Claude
Guéant, alors ministre de l’Intérieur, situés à Mers-Les-Bains et
à Fort-Mahon.
« On n’est pas à Las Vegas,
ici ! » soupire un élu
« Nous avons maintenant des casinos très rapprochés les uns des
autres. Où est-ce que l’on va trouver
les nouveaux joueurs ? » Des casinos très rapprochés, c’est le moins
que l’on puisse dire : un casino
au Tréport (Seine-Maritime), un à
Mers-Les-Bains (Somme) qui
vient donc d’ouvrir, un à Cayeuxsur-Mer (Somme), un à FortMahon (Somme) dont l’ouverture
est prévue pour juin 2013, un à
Berck ­(Pas-de-Calais) et deux au
Touquet (Pas-de-Calais). « C’est
aberrant d’avoir autant de casinos
dans un mouchoir de poche, avec la
baisse du pouvoir d’achat. On n’est
pas à Las Vegas ici ! » soupire le
premier adjoint à la mairie de
Cayeux, Bernard Blouin.
Au chapelet de casinos entre Le
Touquet et Le Tréport, il faut
encore ajouter les établissements
voisins de Dieppe et de ForgesLes-Eaux, en Seine-Maritime, et
un peu plus loin ceux de Lille et de
la côte normande… Sans oublier le
casino de l’unique station thermale
d’Île-de-France, Enghien-lesBains (Val d’Oise), premier casino
de France, pas si éloigné.
Sandra Blachère qui a bâti son
affaire en vingt ans avec sa famille
estime que ces nouvelles autorisations « risquent d’envoyer certains
casinos au tapis. Les petits finiront
par être mangés par les plus gros ».
Du fait de l’engouement des jeux
en ligne, les casinotiers français
sont aux abois, qu’ils soient de
grands groupes ou de petits indépendants. Le dernier exercice
montre une légère augmentation
de leur chiffre d’affaires, mais cette
dernière n’était due qu’à quelques
établissements, la moitié enregistrant une baisse d’activité.
Ainsi, le chiffre d’affaires des casinos du groupe Partouche affichait
en juillet 2012 une baisse de 3,3 %
par rapport à la même période de
2011. Dans un communiqué, le
groupe faisait état d’une « grande
morosité dans le secteur au cours des
deux derniers trimestres » et annonçait que les « prévisions de l’exercice
2012 ne pourraient être tenues ».
Le casino de Cayeux-sur-mer
(3,8 millions d’euros de chiffre
d’affaires, 25 salariés) a fait ses
calculs. Avant l’ouverture de son
concurrent de Mers-Les-Bains en
septembre 2012, il enregistrait
déjà une chute de son chiffre d’affaires de 10 %. Pour autant, il ne
fera pas de recours contre l’arrivée
de ce concurrent. « Mers est une
station touristique qui est fondée à
ce titre à avoir un casino »,
explique Sandra Blachère. Mers a
d’ailleurs vécu avec un casino pendant plus d’un siècle. D’autres ne
sont pas aussi beaux joueurs. Le
groupe JOA, qui exploite le casino
du Tréport, est entré en guerre
contre le casino de Cayeux (distance : 21 km) en allant coller à
Cayeux des affiches publicitaires
vantant le casino du Tréport !
Attaques et contreattaques entre groupes
Il vient de les retirer. Il faut dire
que le « danger » s’est rapproché,
avec l’ouverture en septembre 2012 du casino de Mers, à
2 km du Tréport. Il a déposé un
recours auprès du tribunal administratif d’Amiens contre l’arrêté
ministériel autorisant ce casino.
Au Tréport, ni le maire (PCF), ni
le directeur du casino, ne souhaitent évoquer l’actualité. « Je ne
ferai aucun commentaire sur le sujet
«
 C’est aberrant
d’avoir autant
de casinos, avec
la baisse du
pouvoir d’achat. »
Bernard Blouin, 1ER Adjoint
au maire de clayeux (somme)
et le groupe JOA vous fera la même
réponse », a répondu à La Tribune
Jean-Marie Grosse, le directeur du
casino. Sébastien Guivarch, le propriétaire du bowling qui accueille
le casino de Mers, éclate de rire :
« Le groupe JOA nous attaque, mais
il ne veut pas que cela se sache ! Il
nous a d’abord attaqués en référé et
a été retoqué. » Et ce qui ne manque
pas de piquant, pointe-t-il, c’est que
« le groupe JOA est lui-même attaqué par Partouche pour sa nouvelle
implantation de La Seyne-surMer ! » De son côté, le groupe
­Partouche (464 millions d’euros de
chiffre d’affaires consolidé, dont
417 dans les casinos) attaque tous
azimuts. Dans le Sud-Est, il a saisi
le tribunal administratif de Toulon
pour empêcher l’ouverture des
casinos de Sanary-sur-Mer et de la
Seyne-sur-Mer ; en Picardie, celui
d’Amiens pour barrer la route à
l’autorisation accordée au casino de
territoires / france
21
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
Le groupe JOA, qui exploite le casino du Tréport, a déposé
un recours contre l’arrêté ministériel autorisant le casino
de Mers-Les-Bains, à 2 km. [Pixpalace]
Repères
2,32 milliards d'euros (
C’est le chiffre d’affaires
des casinos français,
du 1er novembre 2010
au 31 octobre 2011.
200 ( C’est le nombre actuel
des casinos français, dont 197
en fonctionnement.
statut ( Les casinos sont
placés sous la double tutelle
du ministère de l’Intérieur
et du ministère des Finances.
le lieu Les villes du Tréport et de
Mers-les-Bains ne sont séparées
que par la rivière Bresle. Elles sont
si proches qu’avec l’autre voisine,
Eu (Seine-Maritime), elles sont
appelées « les trois villes sœurs ».
Fort-Mahon plage, à 17 km. Mais
Annie Partouche, PDG du casino de
Berck (65 machines à sous), refuse
d’expliquer sur quoi se fonde son
recours. Silence radio aussi au siège
du groupe. Marie-Claude Lagache,
première adjointe à la ville (PS) de
Berck (16 000 habitants) relativise
l’âpreté de la concurrence. « Il y a
déjà deux casinos au Touquet ; cela
n’empêche pas les uns et les autres de
fonctionner. » Elle met en avant
« l’attractivité » que représentent
pour Berck, son casino et son restaurant La ­Verrière.
Animation nocturne pour
les personnes âgées…
La commune de Fort-Mahon
Plage (1 300 habitants) est, elle,
impatiente de retrouver son casino
fermé en 1998, dans le sillage de
l’affaire Jean-Michel Delefortrie,
l’ancien directeur du casino
(aujourd’hui décédé) condamné et
incarcéré. La commune s’est démenée pour reprendre le dossier de
zéro et décrocher le statut de « station touristique et balnéaire ». Elle
a obtenu le précieux sésame en
novembre 2007, ayant répondu
favorablement aux différents critères, dont ceux sur l’offre hôtelière.
L’étape suivante était le lancement
de la procédure de délégation de
service public (DSP) et le choix d’un
délégataire, le groupe Viking. Ce
dernier va raser l’ancien casino et le
reconstruire. L’ouverture est prévue
en juin 2013 avec 50 machines à
sous, une table de black-jack et une
le contexte Le casino de
Mers-les-bains a été autorisé en
février par le ministre de l’Intérieur
de l’époque, Claude Guéant,
malgré l’avis « réservé » de la
Commission consultative des Jeux.
La procédure Le ministère
de l’Intérieur statue sur une
demande de casino après avoir
reçu de nombreux documents,
dont : la délibération du conseil
municipal, l’étude d’impact
du bowling », explique le proprié- autre emplacement. Nous en avons
taire, Sébastien Guivarch, qui a proposé un autre, mais aucun cangrandi dans les machines à sous, didat n’a répondu. Nous avons donc
puisque son père était, il
choisi la seule proposition
y a dix ans, le propriéqui nous était faite. »
taire du casino d’en
Que les communes
face… au Tréport ! Le
défendent leurs casinos,
complexe bowling- de leur CA,
cela se conçoit bien. La
loi prévoit en effet que
casino de Mers se trouve c’est
le minimum
en lisière du « Parc com- que les casinos
les casinos reversent un
mercial des grands doivent
minimum de leur chiffre
marais », où est installé reverser à
d’affaires (7,5 %) à la
la commune
commune qui les
Auchan.
accueille. Le pourcenUn casino en bordure qui les
accueille.
de zone commerciale,
tage (souvent autour de
aller au casino en sortant voilà qui n’est pas très
10 %) se négocie dans le
glamour, ricanent les concurrents : cadre du contrat de délégation de
du supermarché
Le casino de Mers a, en fait, pris « Les gens vont aller au casino service public ; il est notamment
ses quartiers, le 7 septembre 2012, après avoir rempli leur caddy chez fonction des animations proposées
à l’intérieur du bowling de Mers. Auchan ! » Le maire de Mers se par le casino dans la commune.
Provisoirement. « Nous avons défend : « Mes prédécesseurs ayant
Le principe d’un prélèvement par
obtenu le permis de construire pour vendu le site historique du casino en la commune se comprend, explique
un bâtiment dans le prolongement front de mer, il fallait proposer un Marie-Claude Lagache, première
adjointe au maire de Berck, « car la
commune doit faire face à des
focus
dépenses en tant que commune touristique ». En 2011, la commune de
Berck a perçu 760 000 euros de
recettes en provenance du casino,
pour un chiffre d’affaires de 7,6 millions d’euros. Fort-Mahon annonce
En tant que ministre de l’Intérieur (février sant le casino de Mers-Les-Bains, qui a
un chiffre d’affaires compris entre
2011-mai 2012), Claude Guéant a autorisé ouvert le 7 septembre, est contesté par le
4 et 5 millions d’euros, tout comme
l’ouverture de cinq casinos : trois sur la Côte groupe JOA, exploitant le casino du Tréport
son concurrent de Mers qui table
d’Azur et deux dans la Somme. Sur ces cinq (à 2 km). L’arrêté autorisant le casino de
sur 5 millions d’euros, dont 10 %
arrêtés ministériels autorisant ces ouver- Fort-Mahon (Somme), qui doit ouvrir en
versés à la commune. « Ces recettes
tures, quatre sont attaqués, dont les deux de juin 2013, est attaqué par le groupe
vont nous permettre d’augmenter
la côte picarde, devant les tribunaux admi- Partouche qui exploite le casino de Berck
notre budget culturel », explique le
nistratifs. Ainsi, l’arrêté ministériel autori- (Pas-de-Calais) à 17 km. q
maire. Il ne manque qu’un petit
détail : il va falloir faire revenir les
joueurs à Mers. q
vingtaine d’emplois. Le maire de
Fort-Mahon, Alain Baillet, est
convaincu que ce casino va « dynamiser la station », et mettre un peu
de vie le soir. « Cela va faire une animation nocturne ; notamment pour
des personnes âgées après un bon
petit repas ! » Il est convaincu du
fort potentiel touristique de FortMahon doté de « l’un des plus beaux
golfs de France », (Belle Dune), et
d’un village Pierre & Vacances.
« Les gens sortent de plus en plus ; ils
ont plus de vacances et de temps
libre ; ils partent plus souvent le
week-end qu’autrefois ; ils viennent
ici au moindre rayon de soleil. » Il dit
avoir vécu ces changements en tant
que restaurateur à Fort-Mahon :
« Quand j’ai démarré en 1974, nous
n’étions que deux ou trois restaurants ouverts toute l’année.
Aujourd’hui, il y a entre 12 et 15 éta-
blissements de métiers de bouche. ».
Emmanuel Maquet, le maire
UMP de Mers-les-Bains, a lui aussi
travaillé d’arrache-pied pour décrocher le label de « station touristique
et balnéaire ». « Le casinotier ne
peut pas s’installer n’importe où ; la
commune où il veut s’installer doit
être classée station touristique. »
Il estime avoir mis en œuvre une
stratégie touristique globale. « Le
casino est un élément de rayonnement très fort, associé au bowling,
au billard et au restaurant. »
économique, le programme
de prévention à l’abus de jeux,
le cahier des charges, le Kbis
et les statuts de la société, l’avis
de la commission consultative
des jeux de cercle et casinos, etc.
Quatre des cinq ouvertures des « casinos
Guéant » sont attaquées en justice
7,5 %
22 territoires / france
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
Se faire une place au soleil
entre deux métropoles
la bonne Avec Marseille d’un côté et Nice de l’autre, le département
stratégie du Var continue d’attirer les entreprises.
Aux Arcs-sur-Argens, le parc d’activité peut
accueillir 236 000 m2 dédiés à la logistique. [DR]
Laurence Bottero
à Nice, MéridienMag
C
ertains louent son cadre de
vie, relativement moins
bétonné que les deux
départements voisins. D’autres
son positionnement géographique
qui permet de verser soit vers les
Bouches-du-Rhône, soit vers les
Alpes-Maritimes. Quelle qu’en
soit la raison, le Var continue
d’être une terre de prédilection
pour les entreprises et le département met en œuvre les politiques
nécessaires à leur implantation.
Voici dix ans, une étude de l’Insee
avait alerté les élus locaux. L’institut de la statistique analysait avec
pessimisme l’évolution du territoire en raison d’un tissu économique trop concentré sur une seule
activité : le tourisme. Dès lors, les
responsables économiques ont mis
les bouchées doubles. À Fréjus, par
exemple, pas moins de cinq pôles
spécifiques – BTP, production,
innovation, artisanat et restauration – ont été définis, tous situés à
proximité de l’autoroute A8. L’idée
était d’y créer une saine émulation,
les entreprises étant regroupées
par secteur d’activité. Et ça a marché : une centaine de sociétés y sont
déjà installées et elles devraient
être 200 d’ici à trois ans.
Aux Arcs-sur-Argens, le parc des
Bréguières et ses 65 ha pouvant
accueillir 236 000 m2 de bâtiments
Les sociétés sont
regroupées par
pôles pour créer
une saine émulation.
dédiés à la logistique ont séduit Lidl,
La Poste, Iron Moutain et GLS.
Une offre importante
de logements
Au pied de la Sainte-Baume, le
parc d’activités de Signes veut être
l’exemple même du parc d’activité
du xxie siècle : écologiquement correct. Il est tout juste auréolé du
niveau 2 de la certification ISO
14001. Cent quatre-vingt-cinq de
ses 240 ha sont dédiés aux entreprises des filières des sports mécaniques, de la santé, de l’agroalimentaire et de l’aéronautique… Ce
qui a notamment attiré des
­sociétés des Bouches-du-Rhône,
confrontées à des
espaces saturés. Vingttrois ha supplémentaires sont donc en
cours d’aménagement.
Avec 6 000 emplois
prévus grâce à l’installation programmée de
DCNS, le technopôle de la Mer
s’étendra sur 21 ha et verra le jour
en 2015, à Ollioules et devrait attirer bon nombre d’entreprises.
En fait, le secret de l’attractivité
du Var tient surtout à ce que ses
responsables économiques ont
compris que sa stratégie de développement ne pouvait vraiment
fonctionner sans une offre forte
de logements. À Fréjus, par
exemple, un pôle Habitat dédié
aux actifs sera construit une fois
les pôles spécifiques définitivement livrés. À Draguignan, c’est ce
qui explique le succès de la ZAC
Chabran qui mêle hôtel d’entreprises, pôle culturel et services. q
Quelle jeune pousse mérite d’être
financée ? Les internautes ont voté
la tendance
qui monte
Les urnes
de l’Inter-
net ont tranché cet été à Mont-
pellier (Hérault). L’Agglomération
de Montpellier avait invité les
internautes et les business angels à
choisir les quatre start-up qui leur
semblaient les plus prometteuses
et méritaient de lever des fonds
parmi celles que leur présentait le
Business and Innovation Centre
(BIC) de la métropole.
2,1 millions d’euros de
promesses collectées
Cette opération, baptisée
Jump’Invest, proposait en effet
une liste fermée de dix jeunes
sociétés puisées dans le vivier des
107 start-up actuellement inscrites au BIC.
« Nous souhaitions anticiper les
effets négatifs attendus de la crise
qui pourraient freiner les investissements à destination des start-up.
Nous anticipions aussi l’éventuelle
refonte ou disparition de la loi
Tepa qui permet de substantielles
exonérations fiscales aux investisseurs », explique Catherine Pommier, du Business and Innovation
Centre.
Pas moins de 5 500 personnes
ont participé à cette « élection »
qui se doublait – cerise sur le
gâteau – de la manifestation
­d’intentions d’investissements
déclarés : 2,1 millions d’euros de
promesses collectées.
Les quatre start-up qui ont
recueilli les meilleurs suffrages
sont Cartser (solution d’e-évalua-
tion des compétences des informaticiens) ; Soledge (système
audio sans fil pour mélomanes) ;
NEIIO (logiciel d’aide aux
­professionnels pour garder à jour
leur carnet d’adresses) ; et
Authentification Industries (sécurisation et authentification de
documents de valeur).
Ces quatre jeunes pousses vont
bénéficier de la plate-forme
Wiseed de levée de fonds auprès
du grand public. Ce système
­p ermet d’accélérer singulièrement le processus en mutualisant
des petits investissements (à partir de 100 euros et 1 500 euros en
moyenne), ou bien plus importants. q
Christian Goutorbe
à Montpellier, Objectif L.-R.
onvaparlerd’elle
Lucette Collet
Vice-présidente du Cese de Lorraine
Elle met l’artisanat
à l’heure high-tech
C’est « une forte tête » connue pour savoir
mener ses combats à leur terme. Éprise de savoirs,
Lucette Collet, première vice-présidente du conseil
économique, social et environnemental (Cese) de
Lorraine, a milité durant plusieurs années pour la
création de l’Union régionale des métiers de l’artisanat, qui accueille cette année ses premiers artisansétudiants sous l’égide de la toute jeune université de
Lorraine.
Épouse d’un entrepreneur meusien pionnier des énergies renouvelables appliquées au chauffage des piscines, Lucette Collet connaît les forces et
la fragilité des petites entreprises du monde rural.
Présidente en alternance de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb)
de la Meuse, elle encourage ses pairs à s’approprier
les technologies les plus pointues, à nouer des alliances
entre professions et à mutualiser achats et compétences
comme a su le faire le monde paysan.
Aux premières loges de l’inexorable
progression du projet d’enfouissement
de déchets hautement radioactifs dans le sud de
la Meuse, elle observe avec circonspection les efforts
d’EDF, qui accompagne à sa manière les artisans de
la Meuse et de la Haute-Marne. Formations et financements doivent apporter aux deux départements
concernés par le laboratoire de l’Agence nationale
pour la gestion des déchets radioactifs à Bure (Meuse)
une longueur d’avance en matière de performance
thermique. « Les mesures d’accompagnement d’EDF
sont d’une grande utilité pour élever le niveau de
qualification des artisans, mais la formation n’est pas
un monopole et doit rester ouverte à toutes les
­i nitiatives  » , estime
Lucette Collet. Militante de la diversité, la jeune
grand-mère espère léguer à ses
petits-enfants un
territoire moderne et préservé qui aura
su combattre
les scléroses. q
Pa s c a l e B r a u n ,
à Metz
Lucette Collet
estime que la
formation des
artisans doit
« rester ouverte
à toutes les
initiatives ».
[Pascal Bodez –
Région Lorraine]
24 territoires / International
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
le grand
chantier
Les conservateurs britanniques se déchirent. Soutenus par les dirigeants nationaux, les professionnels du
secteur aérien réclament une extension d’Heathrow et de Stansted. Le maire de Londres, Boris Johnson,
milite, quant à lui, pour la construction d’un nouvel aéroport. Coût estimé : entre 62 et 98 milliards d’euros…
Saturés, les aéroports de Londres
provoquent un crash… politique
L
Tristan de Bourbon, à Londres
e débat autour du retard
pris par Londres dans
son développement
aéroportuaire prend
une ampleur phénoménale. Au centre de la tourmente, un
parti conservateur totalement
déchiré. D’un côté, des dirigeants
nationaux guidés par le lobby du
secteur aérien, partisans d’une deuxième piste à l’aéroport de Stansted
ainsi que d’une troisième piste et
d’un sixième terminal pour l’aéroport d’Heathrow ; de l’autre, leurs
opposants, représentant principalement les riverains, menés par
le maire de
Londres, Boris
Johnson. Très millions de
virulent, ce der- passagers
se pressent
nier a estimé en chaque année
fin de semaine à Heathrow,
dernière que la conçu pour
relance de ce accueillir
projet équivau- 55 millions
de voyageurs.
drait à « revenir
sur la pointe des
pieds vers une clôture électrique qui
électrocutera politiquement quiconque essaiera de la toucher ».
Si ce serpent de mer circule dans
les milieux politiques et économiques depuis vingt ans, un rapport
publié en décembre 2003 sur les
besoins aériens du Royaume-Uni
avait changé la donne : il prévoyait
que 465 millions de passagers utiliseraient les aéroports britanniques en 2030 (dont 180 millions
pour le seul Heathrow) contre
200 millions en 2003.
Repères
134 millions ( C’est le nombre
de passagers accueillis chaque
année dans les cinq aéroports
londoniens.
465 millions ( C’est le nombre
de passagers prévus en 2030.
62 à 98 milliards d’euros (
C’est l’estimation (très
aléatoire…) du coût du projet
de nouvel aéroport soutenu
par le maire de Londres, Boris
Johnson.
63
le maire de Londres
lâché par les siens…
Aujourd’hui, le péril devient
beaucoup plus réel puisque l’aéroport de Heathrow fonctionne déjà
en surcapacité : alors qu’il est
prévu pour accueillir 55 millions
de passagers, près de 63 millions
s’y pressent chaque année. Même
l’ouverture d’un cinquième terminal en 2008 n’a pas permis de
résoudre cette saturation car les
deux seules pistes utilisées par les
avions sont embouteillées. Le
manque à gagner enfle chaque jour
et il promet de s’accroître si Francfort ou Paris parviennent à profiter
du surplace anglais.
À la fin des années 2000, le projet
de nouvelles extensions de
Heathrow et Stansted commence à
avancer. Contre l’avis de Boris
Johnson, devenu au fil des ans son
principal adversaire, justifiant son
hostilité par une étude gouvernementale réalisée en 2005 : elle
montrait qu’une troisième piste ne
pousserait la capacité d’accueil de
Heathrow qu’à 128 millions de passagers, soit un chiffre bien inférieur
au trafic attendu pour 2030.
Lorsque le parti conservateur et le
parti libéral-démocrate rangent le
projet travailliste au placard le jour
même de la création de la coalition
gouvernementale, le 12 mai 2010,
Boris Johnson pense donc pouvoir
souffler. Néanmoins, conscient de
l’engorgement de Heathrow et des
quatre autres aéroports londoniens
(134 millions de passagers en tout),
le maire réclame la construction
d’un nouvel aéroport dans l’est de
Londres. Son choix s’est porté sur
l’estuaire de la Tamise, et précisément sur les sables de Shivering,
rebaptisés par la presse britannique
« l’île de Boris ». Avec quatre pistes,
cette nouvelle plate-forme aéroportuaire permettrait d’accueillir à elle
seule 150 millions de passagers.
«
Depuis de nombreuses années, les voyageurs sont régulièrement exposés
aux désagréments de la saturation des aéroports londoniens. [BEN STANSALL / AFP]
Si nous
voulons rester
une grande nation
commerciale,
nous avons besoin
d’aéroports. »
Grant Shapps, président
du parti conservateur
Seul petit souci : son coût, lignes de
train incluses, est estimé entre 50
et 80 milliards de livres (soit entre
62 et 98 milliards d’euros)…
La volte-face, il y a quelques
semaines, du parti conservateur
dont il est un membre éminent, a
mis fin à la sérénité du maire de
Londres. Car, dans le même temps,
toute une machinerie s’est mise en
route. Ainsi, la ministre des Transports, Justine Greening, une parlementaire d’une circonscription
de Londres engagée contre l’extension de Heathrow, a tout d’abord
été écartée à l’occasion d’un remaniement gouvernemental. Son
remplaçant, Patrick McLoughlin,
ministre de l’Aviation dans les gouvernements de Margaret Thatcher
entre 1989 et 1992, s’était certes
opposé à l’extension de Heathrow
et de Stansted… mais il pourrait
bien avoir changé d’avis depuis.
Dans la foulée, le Premier ministre
a nommé Howard Davies, qui dirigea notamment le principal lobby
des grosses entreprises du pays, à
la tête d’une commission d’enquête
sur les transports aériens nationaux, chargée de rendre un premier avis à la fin de 2013…
vingt ans d’attente
pour le nouvel aéroport
De son côté, le secteur aérien ne
ménage pas ses efforts pour faire
pencher la balance en faveur du
projet de la troisième piste de
Heathrow. Par exemple, le patron
de Virgin Atlantic, Richard Branson, a rappelé lors d’un entretien à
la BBC que le projet du « nouvel
aéroport nécessitera d’attendre
encore vingt ans » et que, d’ici là,
faute de pouvoir ajouter de nouvelles routes aériennes vers le
Royaume-Uni, « les passagers se
rendraient en France, en Allemagne,
en Italie et en Espagne (…) Une piste
sera donc construite à Heathrow. La
question est de savoir quand et quel
homme politique sera assez courageux pour prendre la décision ».
Même si David Cameron assure
« ne pas vouloir rompre sa promesse de campagne », il semble
bien que le vent soit en train de
tourner. Le nouveau président du
parti conservateur Grant Shapps
s’est d’ailleurs dit totalement favorable au projet de Heathrow,
­estimant « irresponsable » d’ignorer les besoins de l’aviation nationale. « Si nous voulons rester une
grande nation commerciale, nous
avons besoin d’aéroports. Il existe
un manque de créneaux dans le
sud-est et à Londres, et cela doit
être réglé, sans quoi nous nous
condamnons à un échec économique dans l’avenir. » De quoi
faire grandir l’inquiétude de Boris
Johnson. Et d’autant que dans le
contexte actuel d’austérité budgétaire, le gigantesque investissement pour un aéroport dans
­l’estuaire de la Tamise aura du mal
à trouver sa place.q
territoires / International
25
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
Hopper, le taxi-scooter écolo d’Amsterdam
nouveau et
intéressant
Un nouveau mode de transport public a été lancé le 1er octobre dans la cité néerlandaise : un scooter électrique
vert fluo, avec chauffeur, au prix de 2,50 euros la course. Révolutionnaire ?
Repères
Sabine Cessou, à amsterdam
A
msterdam vient de lancer
une petite révolution en
matière de transports
publics. La capitale économique
des Pays-Bas a mis en circulation
sur ses pistes cyclables le Hopper,
premier service européen de taximoto électrique qui ne fait pas de
bruit, ne pollue pas et va plus vite
que les bus ou les tramways !
Ce service propose des courses
à un prix fixe très raisonnable :
2,50 euros par trajet, quelles qu’en
soient la longueur et la durée. Une
économie de vingt centimes
d’euros, par rapport à un ticket de
tramway valable une heure.
Une centaine de Hopper de
couleur vert fluo circulent à partir de la gare centrale, dans le
centre-ville et les quartiers sud
d’Amsterdam, à une vitesse limitée à 25 km/h. La municipalité
d’Amsterdam, rétive aux voitures,
pratique des tarifs prohibitifs
pour se garer ( jusqu’à 4 euros de
l’heure dans les parcmètres du
centre-ville). Des permis de
à peine sont-ils mis en service que la possibilité d’équiper
les taxi-scooters de coques est évoquée, afin de protéger
les usagers de la pluie. [EVERT ELZINGA / ANP / AFP]
s­ tationner à l’année sont délivrés
aux riverains, à un prix qui varie
en fonction de la pollution générée par leur automobile, pour
plus de 600 euros.
L’expérience va être
élargie à 34 villes
Les Hopper n’ont pas suscité de
protestations du côté des
cyclistes. Amsterdam, il est vrai,
tolère déjà la présence sur ses
pistes cyclables de scooters parti-
culiers et plus polluants, très à la
mode depuis trois ans. Dans les
six prochains mois, l’expérience
des Hopper va être reprise
­ailleurs, à Utrecht, La Haye et
Rotterdam. Ces taxis-scooters
verts devraient essaimer dans
34 villes de taille moyenne à travers le pays, au cours des deux
prochaines années.
Ruben Beugels, l’homme d’affaires à l’initiative du service
Hopper, raconte qu’il s’est
100 ( Le nombre de Hopper
en circulation à Amsterdam.
1,3 million d’euros (
C’est l’investissement initial.
2,50 euros ( Le prix
de la course.
de 8 h à 20 h ( Les heures
d’ouverture du service.
350 tonnes ( Les économies
sur les émissions de carbone,
pour 300 passagers, par heure.
2 350 euros ( Le prix plancher
d’un scooter Novox.
4 heures ( L’autonomie
de la batterie.
RÉSERVER ( www.myhopper.nl
retrouvé en 2006 bloqué dans un
tramway en panne à Amsterdam,
dans un lieu mal desservi par les
transports publics. Il a alors
pensé qu’un scooter lui permettrait d’atteindre sans retard le lieu
de son rendez-vous. En bon pragmatique, il a su vendre son idée et
monter un consortium de partenaires publics et privés pour la
faire fructifier.
Le Hopper est financé par la
municipalité d’Amsterdam, la
société nationale de chemins de
fer Nederlandse Spoorwegen
(NS), le ministère de l’Infrastructure et de l’Environnement, mais
aussi par une banque privée.
Au volant, des étudiants
ou des chômeurs
À Amsterdam, les cent premiers
taxis-scooters, des modèles de la
marque chinoise Novox, ont
nécessité un investissement de
départ de 1,3 million d’euros,
financé pour moitié par la Triodos
Bank, spécialiste des projets écologiques et innovants.
Le service est accessible par
téléphone, sur Internet, et une
application de Tom-Tom téléchargeable sur smartphones permettra aux clients de savoir en temps
réel quels sont les Hopper disponibles et dans quel lieu.
Le projet présente aussi un côté
social sympathique : ses chauffeurs sont recrutés parmi des
­étudiants ou des chômeurs. Seul
défaut pour l’instant, les intempéries. Les scooters pourraient être
donc équipés de coques pour
­protéger leurs passagers.q
On en parle à Bruxelles
Le carnet de notre correspondante, Florence Autret
P
our ceux qui ne l’auraient pas noté, ce vendredi 12 octobre s’ouvre à Kinshasa le
XIVe sommet de la Francophonie. Quel est
le rapport avec l’Europe ?
Le français, voyons ! Pour participer à cet
événement planétaire qui occupe des divisions de
diplomates depuis des mois, tous les Français de la
Commission européenne ont été conviés à – je cite
dans le texte un e-mail (« courriel ») du ministère
des Affaires étrangères – « célébrer cette journée en
parlant français et en initiant, dans leur environnement professionnel, des activités relatives aux valeurs
de la francophonie ». Les quelques milliers de Français de la Commission étaient également invités à
porter « le ruban ou l’aiguille [de la francophonie]
qui ont clairement un important rôle d’expression
silencieuse et de reconnaissance ».
Inutile de dire que l’injonction a été
accueillie avec consternation dans les cou-
loirs de l’exécutif européen. Pourquoi pas nous demander d’arriver au bureau avec une cocarde et un bonnet
phrygien, se sont demandés certains qui se voyaient
mal adresser soudain la parole en français à leur
patron lituanien qui n’y eut rien compris. Tout cela,
a-t-on voulu les rassurer, devait rester très bon enfant.
« Cette initiative se veut aussi ludique », invitait un
© DR
Cocorico !
diplomate chargé de relayer l’opération. Un Scrabble
et un Trivial Poursuit (en français), rien de tel pour
animer de quelques bons mots (français) la pause
déjeuner ! On peut dire merci aux fonctionnaires
français de la Commission d’avoir sauvé du ridicule
leur pays et la francophonie en se soustrayant à ces
étranges suggestions qui montrent qu’hélas l’État
n’est pas le dernier à céder aux sirènes de cette « festivocratie » tant raillée par le regretté Philippe
Muray, l’essayiste et romancier aux célèbres petites
phrases assassines.
Heureusement, tous les Français venant à
Bruxelles ne débarquent pas avec un drapeau bleublanc-rouge peint sur la joue. Ce qui ne les empêche
pas de porter haut les couleurs de leur région et de leur
pays. Ainsi, la présidente d’Aerospace Valley (en français dans le texte) était récemment de passage à
Bruxelles pour parler de la filière aéronautique et spatiale à tout ce que la capitale compte de décideurs.
S’étant aperçue que les 300 PME du pôle de compétitivité avaient un taux de succès plutôt limité sur les
appels d’offres, Agnès Paillard était venue voir comment mieux brancher ses adhérents sur les circuits
européens. L’objectif est d’aider ces entreprises à sortir de la relation souvent consanguine qu’elles entretiennent avec les grands groupes et qui dissuade les
investisseurs de leur apporter les capitaux dont elles
manquent pour devenir l’égal du prospère Mittelstand
allemand. « Se positionner sur un projet européen
amène une visibilité dont nos PME peuvent profiter.
Cela a plein d’effets positifs », constate-t-elle.
Elle entend bien aussi faire « descendre » des Bruxellois du côté de Toulouse et de Bordeaux. Au commissaire européen Michel Barnier, attendu à Toulouse le
12 octobre, devraient donc succéder des responsables
de programmes spécifiques, histoire d’informer et de
motiver les troupes.
L’enjeu est d’autant plus important que
Paris a décidé de régionaliser la gestion des « fonds
structurels » à partir de 2014. Dans la seule région
Midi-Pyrénées, l’enveloppe pour 2007-2013 était de
430 millions d’euros. Sur cette période, les régions
françaises sont les premières bénéficiaires des financements pour la compétitivité régionale et l’emploi du
budget européen, à hauteur de 10 milliards d’euros.
Le pôle, qui réfléchit à établir une présence permanente à Bruxelles, planche sur une nouvelle « feuille
de route » pour 2013-2017 par laquelle montrer que,
derrière les grands groupes dont le lobbying est très
actif, existe un tissu industriel fertile. Pourra-t-on en
établir une version anglaise sans trahir la cause nationale ? C’est toute la question.q
26 Vos finances
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
à des dépenses de santé moins bien prises en charge par la Sécu, les ménages réfléchissent parfois
le bon Face
à deux fois avant de se soigner. Les mutuelles développent donc des offres moins chères, avec parfois
plan
des garanties assez proches des contrats standards. À regarder cependant de très près avant de s’engager.
Mutuelles santé low cost :
les plus, les moins, les pièges…
P
Rachel Montero
our plus de la moitié
des Français (54 %), les
dépenses de santé
occupent une place
importante voire très
importante dans leurs dépenses
quotidiennes. C’est ce qui ressort
du dernier baromètre sur les Français, la santé et l’argent, réalisé par
LH2 pour AG2R La Mondiale. Ces
dépenses, il est vrai, n’ont cessé
d’augmenter ces dernières années
en raison du vieillissement de la
population, des avancées technologiques, mais aussi des réductions
des remboursements et prestations prises en charge par la Sécu,
décidées par les gouvernements
successifs afin de tenter de diminuer les déficits. Toujours selon le
baromètre, 84 % des Français sondés1 considèrent en effet que les
remboursements des dépenses de
santé se détériorent.
la dentition, première sacrifiée par les plus pauvres
Une offre mini-budget à
partir de 5 euros par mois
Et si, voici quelques années
encore, les frais de santé pouvaient
être intégralement remboursés
grâce à une mutuelle, celles-ci sont
de plus en plus rares à prendre en
charge dans leur intégralité ces
dépenses : « Les particuliers sont
de plus en plus rares à opter pour
des produits haut de gamme »,
déplore Marie-Pierre Lapeyre,
directrice commerciale chez Smatis. Et pour cause : cela coûte très
cher. Ce renoncement peut même
aller au-delà puisqu’une partie de
la population se prive de soins
faute de pouvoir les financer.
Pour satisfaire des budgets de
plus en plus contraints, les
mutuelles ont donc développé des
offres dites « low cost » qui
peuvent démarrer à quelques
euros par mois (entre 5 euros et
11 euros) pour une personne
seule. Les tarifs les plus bas du
marché concernent des garanties
restreintes autour de la seule hospitalisation. « Pour les tout petits
budgets, nous avons monté une
offre centrée uniquement sur les
garanties hospitalisation, elle
inclut la prise en charge des frais
d’honoraires, des frais de séjour et
un capital “coup dur” pour environ
11 euros par mois », détaille Ayshé
Soylu, responsable marketing
chez SOS Mutuelle.
Ces produits ne s’adressent en
fait qu’à une partie limitée de la
population. « Les mutuelles proposant uniquement des garanties en
cas d’hospitalisation sont intéressantes pour les jeunes qui consultent
peu de médecins, ne portent pas de
lunettes et vont rarement chez un
dentiste, précise Emmanuel Bruneau, marketing manager associé
chez Hyperassur. Elles peuvent être
rentables pour ce type d’assurés qui
consomme peu de prestations de
santé et qui sera couvert contre un
accident nécessitant une hospitalisation ». Pour les autres cibles de
clientèle, les assureurs ont conçu
de nouveaux produits sans pour
autant insister sur leur caractère
low cost, qui en matière de santé
peut parfois rebuter.
choisir les garanties à
la carte, c’est moins cher
En effet, rares sont les mutuelles
qui avancent explicitement ce
terme. Elles préfèrent parler de
formule économique ou insister
sur l’adaptabilité de leurs tarifs. Si
ces mutuelles à bas prix vont audelà de la prise en charge de l’hospitalisation, elles impliquent tout
de même parfois de renoncer à une
partie plus ou moins importante
des garanties ou à certains services. standard, pour les frais dentaires ou
« Certaines mutuelles proposent des pour l’optique. Plus rares, certaines
tarifs attractifs avec des garanties mutuelles proposent de rembouréquivalentes aux contrats standards ser la part non consommée de leurs
à l’exception du tiers payant », pré- cotisations à leurs adhérents.
vient Emmanuel Bruneau.
« Nous avons mis au point depuis
Pour diminuer la fac2009 deux produits pour
ture, les particuliers
les adhérents individuels
peuvent aussi choisir
et un pour les familles qui
leurs garanties à la carte.
mettent en réserve la moi« De nombreux courtiers des Français
tié de la cotisation versée
en assurance proposent sondés1
tous les mois. Si celle-ci
n’est pas ou peu utilisée,
maintenant des garanties considèrent
sur mesure, les adhérents que les
Smatis la leur restitue à la
choisissent alors un niveau remboursedate d’anniversaire de leur
ments
de couverture adaptée à des dépenses
contrat », explique Marieleur situation, ce qui leur de santé
Pierre Lapeyre. À noter
revient moins cher qu’un se détériorent.
que ces produits affichent
contrat standard. L’éconosouvent des tarifs supémie réalisée ainsi peut être
rieurs de l’ordre de 15 % à
importante, de l’ordre de 20 ou un contrat standard. S’ils ren30 euros par mois pour un céliba- contrent un écho certain auprès des
taire ou de 30 à 40, voire plus, pour particuliers, ceux-ci affichent tout
une famille. Elles sont moindres par de même encore des réticences face
contre pour un senior dont les à ce type de contrat.
besoins vont être supérieurs »,
« Nous sentons bien que les clients
observe Emmanuel Bruneau.
sont à la recherche de produits
Cette tendance s’est imposée pour ­d’assurance qui leur permettent
les dépenses les plus lourdes et les d’économiser sur leur budget de
moins bien couvertes par la Sécu- santé. Cependant, ils craignent parrité sociale. Les mutuelles fois qu’en cas de besoin, ce type de
­proposent en effet de plus en plus produit ne les couvre pas parfaitesouvent des options supplémen- ment, ce qui n’est pas le cas puisque
taires, venant en plus du contrat les garanties sont les mêmes que sur
84 %
un produit standard. En revanche,
les cibles jeunes qui n’affichent pas
des besoins élevés en matière de
soins sont très réceptives », avance
Marie-Pierre Lapeyre.
Les particuliers peuvent également bénéficier d’un meilleur tarif
en rognant sur certaines garanties.
« Nous avons défini une liste de
garanties accessoires comme les
chambres particulières en cas d’hospitalisation, la médecine douce ou
encore la parodontologie, celles-ci ne
sont pas accessibles dans le cadre de
nos formules Éco, ce qui permet d’en
réduire sensiblement le prix »,
­précise Ayshé Soylu. Enfin, au-delà
de la formule, quelques règles
simples permettent de tenir son
budget sans pour autant limiter ses
garanties. « Il faut bien définir ses
besoins de façon à être certain d’être
parfaitement couvert et comparer les
prix, y compris avant chaque anniversaire du contrat de façon à changer éventuellement de prestataire »,
souligne Emmanuel Bruneau. Dans
cet univers foisonnant, les comparateurs de mutuelle sur internet
peuvent être d’un grand secours. q
(1) Étude réalisée par téléphone auprès
d’un échantillon représentatif de 973 personnes les 31 août et 1er septembre 2012.
27
Vos finances
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
Parier sur le « Made in France » :
pas si fou que ça !
investir La société de gestion Inocap propose un FCPI entièrement investi en sociétés françaises
employant 75 % de leurs effectifs dans l’Hexagone. Restent les inconnues du taux
d’exonération fiscale et du plafonnement.
autrement
Pascale Besses-Boumard
à
l’heure où les PME
peinent à trouver des
financements pour leur
développement, il existe certaines
initiatives originales susceptibles
de leur apporter une bouffée
d’oxygène. Et de procurer un rendement intéressant pour les particuliers décidés à participer à
cette aventure. C’est en tout cas ce
que proposent les fonds commun
de placement dans l’innovation
(FCPI) et les fonds d’investissement de proximité (FIP), produits
bénéficiant de deux avantages fiscaux : une réduction d’impôt de
18 % du montant des souscriptions effectuées (hors frais d’entrée) et une exonération des plusvalues réalisées à l’occasion de la
cession des parts après une détention minimale de cinq ans.
Entreprises cotées avec
50 % du CA à l’international
Il était d’ailleurs question que
ces avantages soient « rabotés »
dans le projet de loi de finances
2013. Mais une décision interve-
Le projet de loi
de Finances
2013 renouvelle
le principe des
FCPI et des FIP.
[Jean-Claude Coutausse
/ Fedephoto]
Des FCPI à majorité
européens
nue dans la nuit de mercredi 3 à
jeudi 4 octobre est venue redonner du baume au cœur des promoteurs de ces véhicules de placement : Pierre Moscovici a
renouvelé le principe tant des
Le Vieux Continent n’a
pas dit son dernier mot
le classement Pas fa-
de la semaine cile de
convaincre aujourd’hui les parti-
culiers d’investir sur les actions,
et encore moins sur les européennes. Le monde de la gestion
d’actifs recèle pourtant de bons
professionnels, aguerris aux techniques du stock picking (sélection
de valeurs) ou sectorielles avec un
biais particulier (valeurs de croissance, défensives, de rendement,
etc.). Il n’y a qu’à regarder les
­performances des meilleurs fonds
Ainsi ce FCPI devrait-il être
exclusivement investi en sociétés
françaises cotées employant au
moins 75 % de leurs effectifs en
France et réalisant 50 % de leur
chiffre d’affaires à l’international.
« 85 % des emplois en France proviennent des PME. Il est primordial de contribuer à leur croissance. C’est donc dans une
démarche franchement engagée
que nous lançons ce produit. Avec
une nette préférence pour les sociétés qui font de l’innovation de rupture le cœur de leur développement. Rappelons que l’innovation
est dite de rupture lorsqu’elle s’accompagne d’un bouleversement
technologique et modifie profondément les conditions d’utilisation »,
souligne Pierrick Bauchet, associé
gérant chez Inocap.
pour se rendre compte de cette
tendance : les hausses vont
jusqu’à plus 40 % sur un an glissant, et celles sur trois ans
­progressent jusqu’à près de 70 %.
C’est que, confrontées à la baisse
de la consommation des ménages,
certaines entreprises européennes ont su développer leur
présence là où les rythmes de
croissance sont plus dynamiques.
Du coup, leurs performances
financières sont loin d’être catastrophiques. q
P. B.-B.
Performance
sur 1 an
sur 3 ans
1/ Jupiter European growth (RBS)
41,4 %
59,9 %
FCPI que des FIP, sans toutefois
préciser si le taux de 18 % d’exonération serait maintenu et si le
plafonnement à 10 000 euros de
l’apport d’une niche fiscale par an
et par foyer les concernait.
Avant même d’en savoir plus,
certaines sociétés de gestion ont
choisi de se jeter à l’eau. C’est le
cas d’Inocap qui propose un FCPI
et un FIP avec pour mot d’ordre :
priorité au Made in France.
Démarche assez originale, la
majeure partie des FCPI étant
investis en sociétés européennes.
Reste à savoir si le plafonnement
à 10 000 euros concernera ces
deux enveloppes fiscales auquel
cas, les souscripteurs ne
devraient pas être légion. « Malheureusement pour les PME, les
Français veulent bien investir
dans des projets entrepreneuriaux, mais à la seule condition de
bénéficier d’une carotte fiscale,
contrairement aux Anglo-Saxons,
par exemple. À tort d’ailleurs, car
ces sociétés offrent bien souvent de
très beaux rendements », assure
Pierrick Bauchet. q
BULLETIN D’ABONNEMENT
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M.
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opportunities
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42,3 %
3/ Alken fund European opportunities
34,7 %
30 %
4/ Fidelity European special situations fund
34,05 %
38,5 %
5/ Delubac exceptions pricing power
32,9 %
47,6 %
6/ BGF European growth fund (Blackrock)
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Source : Europerformance, a Six Company
ois*
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*** Notez les 3 derniers chiffres du N° inscrit au dos de votre carte près de la signature.
28 Les idées
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
toutes les leçons de la
crise n’ont pas été tirées
L’économie mondiale continue d’être vulnérable et des défis importants nous
attendent encore. Pour les relever, les membres du G20 doivent démontrer
leur volonté politique afin de tenir les engagements pris à Los Cabos,
alors que la présidence mexicaine du G20 prend fin dans quelques mois.
© DR
L
Lourdes
Aranda
Vice-ministre
des Affaires
étrangères
du Mexique
Sherpa mexicaine
pour le G20
es accords auxquels les chefs d’État
et de gouvernement du G20
étaient parvenus en juin 2012 à
Los Cabos (Basse Californie)
recouvrent toutes les priorités
encouragées par le Mexique
durant sa présidence : rétablir la
stabilité économique et la croissance ; renforcer
le système financier international et accroître
l’inclusion financière ; favoriser la sécurité
­alimentaire, faire face à la volatilité des prix des
matières premières, et promouvoir le développement durable, la croissance verte ainsi que la lutte
contre le changement climatique.
Notre principale priorité a consisté à stabiliser
l’économie mondiale et à mettre en place des
réformes structurelles, ciment de la croissance et
de l’emploi.
l’accroissement de la population implique
de créer 400 millions d’emplois en dix ans
Dans ces domaines, le plan d’action de Los Cabos
nous engage à concentrer nos actions politiques
autour de la dette souveraine et de la crise bancaire
dans la zone euro, à assurer la stabilité financière, à
impulser la demande et la croissance économique,
à réduire le chômage, à maintenir les efforts de
consolidation fiscale, à soutenir la croissance des
marchés émergents et à résister au protectionnisme.
Un des pas décisifs que nous avons faits pour
atteindre ces objectifs s’est traduit par la décision
d’accroître les fonds du FMI de plus de 450 milliards de dollars. C’est un signal
clair envoyé aux marchés : la
communauté internationale est
prête à soutenir les économies les
plus affectées par la crise et nous
nous engageons à les aider pour
qu’elles retrouvent le chemin de
la croissance.
En matière d’emploi, 400 millions de postes de travail devront
être créés au cours des dix prochaines années pour faire face
au seul accroissement de la
population. Notre jeunesse a été particulièrement
affectée par cette crise et les mesures que nous
avons adoptées pour affronter le chômage des
jeunes nous permettront d’éviter de gâcher le
potentiel de toute une génération qui, sinon, serait
condamnée à une vie de désavantages économiques et sociaux.
Le commerce international fait également partie
des ingrédients pour rétablir la croissance économique et créer des emplois. Les négociateurs com-
«
merciaux ont reçu des instructions pour qu’ils
parviennent à des résultats afin de faciliter les
échanges. Ceux-ci sont essentiels pour un fonctionnement efficace des chaînes
mondiales de valeur, et de plus
en plus importants dans notre
façon de faire des affaires.
Pour rétablir la croissance économique, il est en outre crucial
de réfuter toutes les mesures
protectionnistes en réaction à la
crise, afin que nos entreprises
puissent faire jouer la concurrence de façon équitable. C’est
pour cette raison que nous nous
sommes engagés à résister à
toute mesure protectionniste
jusqu’à la fin de l’année 2014.
Nous avons avancé dans la mise
en place de l’agenda du G20 pour
actualiser le cadre global de régulation financière,
mais il reste encore un travail considérable à réaliser pour y incorporer les principales leçons de la
crise et pour répondre aux défis actuels.
«
Le G20
fonctionne
car il représente
aussi bien les pays
avancés que
les puissances
émergentes.
Tous sont disposés
à travailler
ensemble. »
2,7 milliards d’adultes dans le monde
exclus des produits financiers de base
Nous devons par ailleurs nous assurer que les
pays en développement ne soient pas touchés par
les régulations de stabilité financière, par exemple,
en limitant l’accès aux services financiers. L’inclusion financière est ainsi liée à cette thématique. Il
existe dans le monde 2,7 milliards d’adultes qui n’ont pas
encore accès aux produits financiers de base comme les comptes
d’épargne, les prêts, les assurances, les systèmes de paiement, les plans de retraite et les
services de transferts.
C’est pourquoi, nous avons
adopté à Los Cabos des initiatives
d’inclusion et d’éducation financières, et de protection du
consommateur. Car il s’agit d’un
domaine qui peut faire une grande différence dans
le bien-être de millions de personnes, pour les aider
à sortir de la pauvreté.
Nous continuons de vivre dans un monde où un
enfant meurt de faim toutes les six secondes. Le
manque de progrès réalisés pour réduire la
­m alnutrition chronique est une préoccupation
majeure. Les dirigeants du G20 soutiennent
actuellement les actions existantes pour améliorer
la nutrition. Vers 2050, la production agricole
Nous
continuons
de vivre dans
un monde où
un enfant meurt
de faim toutes
les six secondes. »
http://www.latribune.fr
La Tribune
18, rue Pasquier, 75008 Paris
Téléphone : 01 78 41 40 93.
Pour joindre directement votre correspondant,
composer le 01 78 41 suivi des 4 chiffres
mentionnés entre parenthèses.
Société éditrice
LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S.
au capital de 3 200 000 euros.
établissement principal :
18, rue Pasquier, 75008 Paris
Siège social : 10, rue des Arts,
31000 Toulouse. Siren : 749 814 604
Président-directeur général,
directeur de la publication
Jean-Christophe Tortora.
devra augmenter de près de 70 % pour subvenir
aux besoins alimentaires mondiaux de neuf milliards de personnes.
Pour y parvenir, il est indispensable que le
­secteur agricole reçoive plus d’investissements, à
la fois responsables et durables, et que des
mesures soient prises pour garantir que les marchés des matières premières opèrent de façon
transparente et efficace. Nous avons ainsi accompli des pas conséquents pour que
des progrès soient réalisés dans
ces domaines, y compris le renforcement de la coopération
internationale pour l’innovation,
le transfert de technologies ainsi
que la recherche et le développement.
Pour atteindre nos objectifs
économiques et de développement, et parallèlement protéger
l’environnement et améliorer le
bien-être social, nous devons
commencer à penser en termes
de « croissance verte ». Un grand
nombre des engagements pris à
Los Cabos ont été précisément
esquissés dans ce but, que ce soit au niveau des
réformes structurelles, du transport urbain, de
l’énergie, de l’agriculture, de l’élimination des subventions aux combustibles fossiles ou des options
de financement pour lutter contre le changement
climatique. Relever les défis des infrastructures
est également vital pour la croissance future et
nous continuerons à mettre en place des actions
dans ce domaine pour soutenir nos objectifs de
développement.
C’est un honneur pour le Mexique de faire partie
d’un groupe qui cherche à encourager la coopération
et la coordination internationale pour affronter les
défis que connaît actuellement le monde à partir du
dialogue, y compris avec la communauté entrepreneuriale, les organisations syndicales, les institutions
de recherche universitaire, les jeunes et les organisations non gouvernementales.
Il est clair que les marchés émergents constituent une part importante de la solution aux
­p roblèmes économiques que connaît le monde
aujourd’hui.
Le G20 fonctionne car il représente aussi bien
les pays avancés que les puissances émergentes et
tous sont disposés à travailler ensemble pour
avancer. Il cherche à apporter de la stabilité dans
cette période de changement dans le monde.
La déclaration et le plan d’action de Los Cabos ont
défini des engagements clairs pour chaque pays en
matière économique et financière, dans le but d’améliorer la situation mondiale présente mais aussi pour
les générations futures. En outre, ces engagements
montrent notre capacité à travailler ensemble pour
trouver des solutions aux défis planétaires, en faveur
d’une nouvelle gouvernance mondiale.q
Rédaction
Directeur de la rédaction Éric Walther.
Directeur adjoint de la rédaction
Philippe Mabille.
 économie Rédacteur en chef : Robert Jules.
Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin. Ivan
Best, Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu,
Sophie Péters.  Entreprise Rédacteur en chef :
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Delphine Cuny, Fabrice Gliszczynski. Sandrine
Cassini, Marie-Caroline Lopez, Dominique
Pialot, Alain-Gabriel Verdevoye.  Finance
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Laura Fort, Christine Lejoux, Sophie Rolland,
Mathias Thepot.  Édition Jean-Pierre Alesi.
 Correspondants Florence Autret (Bruxelles).
Rédacteur en chef Hebdo Jean-Louis Alcaïde,
Jean-Pierre Gonguet.
latribune.fr
 Rédactrice en chef Perrine Créquy.
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et des régions Jean-Claude Gallo.
Conseiller éditorial François Roche.
Directrice commerciale Aziliz de Veyrinas
(40 78). Directrice de clientèle Clarisse Nicot
(40 79). Directeur nouveaux médias Thomas
Loignon. Abonnements Dorothée Rourre (44 22).
Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux,
80800 Fouilloy.
No de commission paritaire : 0514 C 85607.
ISSN : 1277-2380.
Les chroniques
29
vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE
dette : les créanciers privés
doivent-ils être épargnés ?
au cœur de Aujourd’hui encore préservés, les créanciers privés pourront-ils
la crise
© DR
U
François
Leclerc
Ancien conseiller
au développement
de l’Agence
France-Presse
Il tient la chronique
de « L’actualité
de la crise » sur le
blog de Paul Jorion.
Il est l’auteur de
Fukushima,
la fatalité nucléaire
(éditions Osez la
République Sociale !,
octobre 2012,
11 euros).
au détriment de créanciers publics, les privés étant
sortis du jeu et progressivement exonérés, sans
raison, de tout risque. Or, c’est déjà en discussion
pour la Grèce. La question se pose donc de les y
réintégrer, mais en restructurant la dette publique
bénéficiaires sont certes censés revenir sur le mar- selon un périmètre englobant celle des États
ché pour à nouveau s’y financer ; mais ne parvenant créanciers par défaut. En se rappelant qu’un cadre
pas à respecter le calendrier initial, des prolonga- avait été proposé à cet effet, dès 2002, par une
tions doivent leur être accordées.
directrice générale adjointe du
Par voie de conséquence, la
FMI, Anne Krueger.
Dans une interview au Monde,
dette publique continue de changer de mains. Simultanément, la
elle déclarait à propos des marBCE a pris en pension (en devechés : « Ils doivent comprendre
que la communauté internationant propriétaire) les titres sounale n’est pas disposée à verser
verains de ces pays assistés, ou en
passe de l’être, quand elle ne les a
des sommes considérables à des
pas achetés sur le second marché.
pays dont la dette est insupporLes banques européennes s’en
table pour assurer que les créansont délestées en contrepartie des
ciers soient remboursés.  »
prêts massifs du LTRO (Long
(18 février 2002). Le contexte a
Term Refinancing Operation).
certes changé, mais la remarque
Si nécessaire, et comme prévia-t-elle perdu sa valeur ?
Préservés depuis le début de la
sible, ces derniers pourront être
crise, les créanciers privés pourroulés à leur échéance de
anne krueger
trois ans : le mécanisme est différont-ils éviter d’être finalement
DG adjointe du fmi (en 2002)
rent, le transfert de risque est le
mis à contribution, si la stratégie
même. Il a déjà conduit la BCE à
de désendettement privilégiée
refuser toute nouvelle restructucontinue à ne pas fonctionner ?
Les protéger aujourd’hui, n’est ce pas prendre le
ration d’une dette grecque dont elle est de loin
devenue la principale détentrice, et dont elle sérieux risque de tomber – à la suite du Japon qui
­supporterait cette fois-ci les effets, au détriment de ne parvient toujours pas à en sortir – dans la
ses actionnaires, les banques centrales nationales. « trappe à liquidité » de Keynes ? Nous ne sommes
Il en ressort que, plus le temps passe, plus toute pas dans un débat théorique, il va falloir en converestructuration de la dette des États assistés se fera nir et l’engager.q
éviter d’être finalement mis à contribution, si la stratégie
de désendettement actuelle continue à ne pas fonctionner ?
ne stratégie vacillante de désendettement est poursuivie en
Europe, en attendant qu’aux
États-Unis des choix toujours
repoussés ne puissent plus être
éludés. Cette stratégie repose
sur une évidence indiscutée
sinon indiscutable : la dette publique doit être
impérativement résorbée sans délais, en dépit du
coût social et sans autre considération sur les
causes de sa croissance brutale et de sa « soutenabilité ». Une seule exception limitée a été faite à ce
principe intangible, en faveur de la Grèce dont la
dette a été restructurée – mais insuffisamment,
comme on le voit – sous les auspices de l’Institut
international de la finance, les dirigeants de cet
organisme insistant sur le fait qu’une telle exception ne se reproduirait pas.
La BCE est devenue la principale
détentrice de la dette grecque
En application de cette stratégie, les créances
privées auxquelles sont substituées des créances
publiques sont progressivement remboursées, au
fur et à mesure que la dette est « roulée ». C’est
l’effet des plans de sauvetage des États soustraits
au m
­ arché, selon un dispositif provisoire, appelé à
durer, dont le financement repose sur des garanties
publiques. À l’échéance de ces plans, les États
«
La
communauté
internationale
n’est pas disposée à
verser des sommes
considérables […]
pour assurer
que les créanciers
soient
remboursés. »
Restructurations d’entreprises :
Et si on changeait d’approche…
Inefficace, injuste et peu tourné vers l’avenir, le cadre actuel de gestion
des restructurations doit être repensé de façon à mieux anticiper les mutations.
Pierre
BERETTI
Rachid
BRIHI
Frédéric
CLUZEL
Claude
Emmanuel
TRIOMPHE
Membres de
l’Association
Travail, Emploi,
Europe, Société
(ASTREES).
C
omme après chaque cycle électoral,
le dispositif français de gestion des
restructurations est sur la sellette.
Entre ceux qui lui reprochent de ne
pas empêcher les insaisissables
licenciements boursiers et ceux qui
fustigent sa complexité ou la place
envahissante donnée au juge, les tirs sont nourris. Il
nous apparaît que le cadre actuel doit être repensé car
il est défaillant du point de vue de l’efficacité, de la
justice et de sa capacité à préparer l’avenir.
Inefficace, car il n’envisage les réorganisations que
sous le prisme des « gros » licenciements collectifs,
alors que ceux-ci ne représentent que 6 % des destructions d’emploi, bien moins que les fins de
contrats de travail temporaires. Il ignore la plupart
des réorganisations dans le secteur public. Il favorise
des procédures de concertation où le formalisme
l’emporte sur le développement d’un dialogue porteur d’avenir. Enfin, il ne permet qu’à la marge de
sécuriser les parcours professionnels.
Injuste, car il génère un traitement inégal entre salariés et encourage la sélection par l’échec. Selon que
l’on appartient à une entreprise plus ou moins richement dotée, selon que l’on dispose d’un contrat de
travail permanent ou temporaire, que l’on est peu ou
très qualifié, l’accès au dialogue, à la communication
et aux mesures d’accompagnement est très mal réparti.
En pratique, les moins qualifiés et les plus vulnérables
bénéficient souvent moins des amortisseurs sociaux.
Peu tourné vers l’avenir, le dispositif actuel ne facilite l’anticipation des mutations ni dans l’entreprise,
ni au niveau des territoires concernés. Ce faisant il
néglige l’employabilité des salariés notamment les
moins qualifiés. Car malgré plusieurs réformes
­successives, les dispositifs de formation sont restés
trop touffus, trop rigides et mal orientés.
Il est donc urgent de changer d’approche en mobilisant au mieux accords collectifs, innovations territoriales et incitations légales autour de quatre axes
principaux :
1/ Substituer lorsque c’est possible l’accord à la
loi. Aujourd’hui les dispositions sur la représentativité syndicale devraient permettre, au moins dans les
entreprises d’une certaine taille, la conclusion d’accords quant à l’anticipation, la justification et l’accompagnent des restructurations. Ces accords devraient
rendre la loi subsidiaire et lorsqu’ils sont régulièrement conclus, ne plus être contestables ensuite.
2/ Simplifier et territorialiser les dispositifs. S’il
n’existe pas de solution miracle, une territorialisation
accrue des politiques d’emploi et de restructurations
ainsi qu’une organisation beaucoup moins cloisonnée
des opérateurs de l’emploi, de la formation et du développement économique s’impose et figurera – nous
l’espérons – dans l’acte III de la décentralisation.
3/ Promouvoir l’employabilité. Il faut en finir
avec l’inflation des indemnités extralégales qui favorisent la victimisation au détriment d’un investissement dans l’avenir professionnel. Ces sommes doivent
être réorientées vers des fonds pour l’employabilité,
« fléchés » en priorité vers les salariés les plus vulnérables du fait de leur qualification ou de leur statut
d’emploi. Taxation et modulation des cotisations
constituent un levier intéressant pour faciliter l’accès
de tous à la formation et à une employabilité durable.
4/ Développer les politiques de responsabilité
sociale. Les réorganisations se sont trop souvent
traduites depuis trente ans par des externalisations
massives mais aussi par un mal-être profond chez
les salariés. Les grands groupes seraient bien inspirés de mener plus systématiquement des études
d’impact de leurs réorganisations sur la santé
­économique de leurs sous-traitants et sur la santé
psychique de leurs salariés.
Contrairement à certaines idées reçues, les restructurations sont loin d’appartenir au passé. Parce que
nous sommes rentrés dans une ère de mutation
­permanente, il nous faut mieux anticiper ces transformations d’entreprise pour ne plus les subir comme
si on les découvrait : ce changement-là, c’est maintenant qu’il nous faut l’opérer ! q
30 L’interview
LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012
Gérald Karsenti
PDG de hewlett-Packard France
« Nous essayons de
délocaliser… en France »
Un an après les fortes turbulences qui l’ont secoué, le géant de l’informatique Hewlett-Packard
cherche à s’imposer sur les segments grand public et professionnel. Une stratégie qu’ont
abandonnée ses concurrents, mais que défend Gérald Karsenti. Le PDG d’HP France s’apprête à
finaliser un plan de 520 départs volontaires, assorti d’embauches destinées à rajeunir l’entreprise.
Propos recueillis par Emmanuelle Durand-Rodriguez,
à Toulouse, Objectif News
La Tribune – Quels sont les enjeux informatiques
pour les entreprises ?
Gérarld Karsenti– Aujourd’hui, tout est mobile, connecté,
interactif et immédiat. Les enjeux sont donc la mobilité,
l’accès au cloud (avec la virtualisation de l’infrastructure et
des applications), et l’accès au big data qui permet la gestion
des données. Celles-ci explosent. Au niveau mondial, les données sont multipliées par 1,6 tous les trois mois, nous devons
gérer des exaoctets [soit 1,53 million de milliards d’octets,
ndlr], c’est la nouvelle dimension ! Le big data est donc un axe
majeur de notre développement, comme la sécurité, qui va
devenir un domaine d’investissement massif des clients.
(
( Les entreprises résistent-elles au cloud ?
Dans leur ensemble, non. Elles ont
compris que c’est leur intérêt et
que ce n’est pas une question
de mode. Le cloud permet
de développer des applications plus vite à des
coûts beaucoup plus
intéressants. Cela a
permis aux directions
informatiques de
re n d re ré e l l e l a
connexion entre l’informatique et la stratégie de l’entreprise.
Pour la première fois,
les clients peuvent penser à leur métier. Dans
les années 1980, Michael
Porter parlait d’entreprise étendue. Voilà,
nous y sommes !
( Qui est HP aujourd’hui ?
C’est la seule entreprise du marché qui propose une offre
de « bout en bout », du poste de travail jusqu’au data center
et au cloud. Cela nous donne un avantage considérable car
nous sommes capables de prendre en charge le système
d’information du client dans sa globalité. Beaucoup de
sociétés ont arbitré la question différemment, notamment
IBM qui a vendu les PC, les imprimantes et les serveurs
d’entrée de gamme.
( Que représente HP en France ?
HP est un acteur majeur en France avec plusieurs milliers de
salariés. Sur les cinq dernières années, nous avons réalisé de
nombreuses opérations de croissance externe avec Mercury,
Opsware, Peregrine et Autonomy (pour les logiciels), 3PAR
(le stockage), 3COM (les télécoms) et surtout EDS (les
­services), qui a permis de doubler la taille de l’entreprise. En
France, nous avons multiplié par trois notre effectif en
cinq ans. Nous sommes plutôt dans une phase ascendante
et nous gagnons des parts de marché. Nous maintenons
nos résultats sur les logiciels, les serveurs haut de
gamme, le stockage, les réseaux et les services, mais
nous subissons une décroissance sur les PC et les
­serveurs d’entrée de gamme. Je pense que les temps
à venir vont être plus difficiles pour tous. Raison de
plus pour être inventifs !
( La crise va-t-elle vous obliger à alourdir le plan
social mondial en cours ?
Si la situation économique s’aggrave, les entreprises dans le monde entier devront ajuster leurs
plans. Mais aujourd’hui, ce n’est absolument pas
d’actualité. Le plan social annoncé par la PDG
d’HP, Meg Whitman, s’étend sur une période longue,
jusqu’à la fin de 2014. Il ne se fait pas en réaction au
court terme.
Il est comme ça !
iPhone ou Android ?
Android.
Tablette ou portable ? Portable.
Lève-tôt ou couche-tard ? Les deux.
La qualité que vous préférez chez
vos collaborateurs ?
Le courage.
Le défaut que vous ne pardonnez
pas chez un collaborateur ?
La lâcheté.
Ce que vous détestez par-dessus
tout au travail ?
La bureaucratie.
Gérald Karsenti est un ardent défenseur de
la parité homme-femme, « nécessaire pour
améliorer la performance de l’entreprise ». [HP]
Votre plus belle réussite
professionnelle ?
Diriger HP France, un privilège.
( Combien de postes vont être supprimés en France ?
HP France a subi plusieurs plans sociaux assez traumatisants au cours desquels l’entreprise a perdu beaucoup de
compétences, notamment en 2006. Pour cette raison, j’ai
décidé de faire uniquement un plan volontaire de préretraite qui concernera 520 collaborateurs. Et parallèlement,
en juin, j’ai annoncé un plan d’embauches qui concernera
210 jeunes. C’est assez unique en France. C’est moins
­douloureux humainement, cela permet de faire progresser
les plus jeunes vers des postes à responsabilité, et nous ne
ferons pas porter ce plan par les finances publiques.
( À quoi correspond ce plan d’embauche ?
Il devrait démarrer au printemps 2013. Il s’intègre dans une
démarche plus globale que je mène à l’égard des jeunes, depuis
ma nomination en juillet 2011. Un de mes autres chevaux de
bataille est la parité homme-femme. J’ai vraiment la conviction qu’elle est nécessaire pour atteindre le bon équilibre dans
l’entreprise et aussi
améliorer la performance. Mais j’ai du
mal à nommer des
femmes patronnes
d’entités car il y a plus
d’hommes que de
femmes diplômées des
écoles d’ingénieurs et
des universités. Je ne
suis pas fan des quotas,
mais il est possible que
ce soit malgré tout la
solution. Du moins à
court terme. Nous sommes aussi volontaristes pour accueillir
plus de collaborateurs handicapés, mais aussi pour créer un
environnement dit « friendly » pour toutes les communautés
liées à l’orientation sexuelle. Chacun doit trouver sa place
chez HP, y être bien.
«
On ne peut
pas relancer
l’économie par
des réductions
de coûts. Il faut
la relancer
par la croissance. »
( Y aura-t-il de nouvelles acquisitions ?
Notre priorité est de rentabiliser ce que nous avons acheté.
Meg Whitman n’a, a priori, pas de grosses acquisitions en
vue. Nous avons maintenant un portefeuille assez large et
elle souhaite privilégier l’intégration et la R&D interne.
Elle ne cherche pas non plus à tous crins à optimiser la
valeur de l’action et la capitalisation d’HP. Les journalistes
financiers se focalisent souvent sur la capitalisation sans
voir tout le reste et notamment l’activité et l’emploi. Meg
Whitman sait ce qu’il faut faire pour que l’action double
ou triple de valeur, mais elle ne le fait pas. Elle veut
construire le futur d’HP pour les 70 prochaines années.
( Quel est le rôle des agences régionales d’HP ?
HP compte sept sites en régions dont cinq agences commerciales et trois centres de compétences. J’essaie vraiment de
pousser le business en région où nous sommes très présents.
À Toulouse par exemple, nous sommes massivement implantés aux côtés d’EADS. Nous avons permis à Airbus de doubler
sa puissance de calcul en installant deux POD (performance
optimized data center, ndlr) qui renferment chacun plus de
1 000 serveurs. De manière générale, je suis effaré par le fait
qu’on désinvestisse autant dans les régions. Ce qui fait la dynamique d’un pays comme la France, ce sont les PME et PMI.
( Votre avis sur les délocalisations ?
Les sociétés de services délocalisent massivement en
Europe de l’Est, en Inde, en Chine, au Vietnam et nous
essayons autant que possible de délocaliser en France. C’est
plus compliqué car c’est plus cher qu’au Vietnam, mais
moins qu’à Paris ! Une partie d’un grand contrat que nous
avons signé avec France Télécom se fait ainsi depuis
deux mois à Toulouse. Je peux vous dire que si l’on ne se
battait pas pour que les emplois restent en France, ils partiraient par wagons. Moi, je suis persuadé qu’on ne peut pas
relancer l’économie u
­ niquement par des réductions de
coûts. Il faut la relancer par la croissance, rendre nos entreprises plus dynamiques, améliorer notre rapport compétitivité/coût, et surtout innover ! Aujourd’hui, les cycles
s’accélèrent, des empires peuvent s’écrouler très rapidement. À l’inverse, les entreprises qui savent saisir les opportunités d’innovation peuvent conquérir le monde. q

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