est-elle si Puissante que ça
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est-elle si Puissante que ça
Enquête Cinéma : Astérix, un Gaulois champion de l’exil fiscal p. 12-13 www.latribune.fr VENDREDI 12 octobre 2012 – No 20 Nouvelle formule hebdomadaire France métropolitaine - 3 € Gérald Karsenti « Nous essayons de délocaliser… en France » PAGE 30 Le PDG de HP France estime que la réduction des coûts n’est pas le seul levier pour réussir. christine lagarde Ce week-end, à Tokyo, elle préside l’assemblée générale du FMI. Un rendez-vous important pour une économie mondiale en crise… et pour une femme prudente qui reste le cinquième « homme politique » le plus populaire de France. Pages 4 à 6 et 9 en partenariat avec entreprises financement territoires ces patrons qui osent « libérer » leurs salariés PAGE 14 L’économie sociale la guerre des cherche fonds casinos agite désespérément PAGE 18 la manche PAGES 20-21 EVARISTO SA/AFP L 15174 - 20 - F: 3,00 € « La Tribune s’engage avec ecofolio pour le recyclage des papiers. Avec votre geste de tri, votre journal a plusieurs vies. » est-elle si puissante que ça ? 3 Coulisses VENDREDI 12 octobre 2012 LA TRIBUNE Pierre Moscovici cherche les moyens de soutenir la place financière de Paris. Il est en quête de son Sartorius – l’ingénieur général des Mines qui a rédigé le rapport sur PSA –, un expert qui reprendrait à son compte et porterait les solutions imaginées par le Trésor. Les principaux banquiers sont déjà, bien sûr, associés à cette réflexion. hiérarchie de Thales a l’esprit taquin. Vu les très nombreux départs exigés dans le groupe d’électronique par Luc Vigneron, le PDG, les cadres sup ont créé le prix « Augustin Trébuchon ». Augustin Trébuchon ? C’est le dernier soldat français mort pendant la Grande Guerre, le 11 novembre 1918. Tué à 10 h 45, 15 minutes avant le cessez-le-feu. Le prix Augustin Trébuchon sera donc décerné au dernier haut cadre viré par Luc Vigneron. Pour l’instant, c’est l’ancien directeur des Ressources humaines et de la communication, Loïc Mahé, tombé au champ d’honneur cet été, qui tient la corde. Daniel Cohn-Bendit, sauveur d’EELV en 2014 ? L’Inquiétude grandit chez Groupama. D « aniel CohnBendit a trop envie de devenir président du Parlement européen et il sera de nouveau tête de liste écolo aux prochaines européennes », qui se dérouleront en 2014. C’est le calcul de Jean-Vincent Placé, le tacticien d’Europe Écologie Les Verts (EELV). Le sénateur vert de l’Essonne n’ignore pas que, pour les écolos, la seule élection vraiment importante du quinquennat, ce sont les européennes. Et il sait pertinemment que seul Daniel Cohn-Bendit peut leur permettre de sauver la face. Que Placé ait bataillé ces dernières semaines avec acharnement pour convertir EELV en un parti « anti-traité » ne lui posera aucun problème lorsqu’il s’agira de soutenir dans deux ans un Cohn-Bendit « pro-traité ». De toute façon, comme prévu, le traité a été voté mardi dernier à une large majorité à l’As- © BERTRAND GUAY/ AFP Thales : qui tombera le dernier ? La haute Pour les écolos, la seule élection importante, ce sont les européennes. J.-P. Huchon : 14 ans à la tête de l’Île-de-France. [citizenside.com] La génération 98 s’accroche. « Il faut Sommaire absolument que la génération de 1998 passe la main. » La réaction de la rue de Solférino a été immédiate lorsque Jean-Paul Huchon a laissé entendre qu’il briguerait bien un quatrième mandat. Le président de la Région est en poste depuis… 1998, ainsi que les quatre principaux vice-présidents socialistes. Il n’a pas encore de successeur désigné et tâte donc le terrain, mine de rien. Le CNC mène grand train. Le Centre national du cinéma, avec ses 800 millions d’euros de trésorerie, vient de s’attirer les foudres de la Cour des comptes, très sévère sur les « frais de réception » : en 2011, leur facture s’est élevée à 618 000 euros, un doublement en 10 ans. Les vœux 2009 à la Cité de l’architecture ont coûté 130 000 euros ! Autre dépense qui a du mal à passer : la délégation de 75 personnes au festival de Cannes. coulisses 3> Daniel Cohn-Bendit, sauveur d’EELV en 2014 ? > Moscovici cherche son Sartorius. L’événement 4L’irrésistible ascension de Christine L. 6>L’engagement contesté du FMI en Europe. >Un rééquilibrage inachevé. le buzz L’œil de Philippe Mabille 9 2017 : et si c’était elle ? 10>Qui sera le pigeon de la farce ? >La Norvège fait un pied de nez à l’austérité. 11> Avec Etihad, Air France-KLM fait-il entrer le loup dans la bergerie ? > CO2 : l’étude qui sème le doute. L’enquête 12Astérix, un Gaulois pas très français. semblée, non ? Ce n’est sans doute pas un calcul politique très glorieux, mais c’est cependant ainsi qu’il a convaincu Cécile Duflot de ménager la chèvre et le chou, et de ne pas prendre parti ni pour le oui, ni pour le non. Seul point faible dans ces petites et savantes combinaisons : que Dany ait encore assez de pêche dans deux ans pour se présenter… Et qu’il ne soit plus fâché, bien entendu. Les sénateurs UMP font la sourde oreille. L’autorité de Jean-Claude Gaudin sur les sénateurs UMP semble limitée. Jeudi, le président du groupe annonce que le parti boycottera le discours de François Hollande. Vendredi, ses élus s’alignent sur les bancs de la Sorbonne pour écouter le président de la République et Gérard Longuet, ex-président du groupe UMP au Sénat, est aux premières loges. entreprises & innovation 14Ces patrons qui osent « libérer » leurs salariés. 16L’hémoglobine des vers marins transformée en or rouge. 17 >Quand la Scop affronte la multinationale >Les transatlantiques, comme autrefois… > O n va parler de lui Dominique Massonneau, président de M-Énergies. entreprises & financement 18Recherche fonds propres désespérément. 19> L’emballage change de tête. > Quatre cents patrons mutualisent leurs capitaux. territoires / france 20Casinos : rien ne va plus sur les bords de la Manche. 22> Se faire une place au soleil entre deux métropoles. > Quelle jeune pousse mérite d’être financée ? Les internautes ont voté. > O n va parler d’elle Lucette Collet, vice-présidente du Cese de Lorraine. Emmanuel Sartorius. [AFP] Que se passe-t-il chez Groupama ? Après avoir tenté — sans succès — au cours de l’été d’accélérer la création des « certificats mutualistes », ces titres qui permettraient aux assureurs mutualistes de faire des appels de fonds pour alimenter leurs fonds propres, le groupe vient de décider de ne pas payer les 63 millions d’euros de coupons de l’un de ses emprunts de type obligataire. Alors même qu’il vient de conclure plusieurs ventes d’actifs. Une manière peut-être de préparer les esprits à d’autres mauvaises nouvelles, comme des mégadépréciations dans ses portefeuilles. Suspendre la régulation pour mieux financer l’économie ? « Nous connaissons une crise où il faut mobiliser les capitaux pour financer l’économie. Avec Bâle III et Solvabilité 2, c’est comme s’il fallait mettre un coup d’accélérateur en appuyant sur le frein. » C’est l’avis de Thierry Giami, directeur à la Caisse des dépôts et consignations et président de l’Observatoire du financement des entreprises. « D’ailleurs, suspendre les effets de ces directives sur les crédits et les investissements en capitaux dans les entreprises ne coûterait rien à la puissance publique », ajoute-t-il. Une invitation à lever le pied sur la régulation pour les banquiers et les assureurs ? territoires / international 24Saturés, les aéroports de Londres provoquent un crash… politique. 25> Hopper, le taxi-scooter écolo d’Amsterdam. > On en parle à Bruxelles Le carnet de Florence Autret : Cocorico ! vos finances 26Mutuelles santé low cost : les plus, les moins, les pièges… 27> Parier sur le « Made in France » : pas si fou que ça ! > Le classement Le Vieux Continent n’a pas dit son dernier mot. les idées / les chroniques 28Toutes les leçons de la crise n’ont pas été tirées. 29> Dette : les créanciers privés doivent-ils être épargnés ? > Restructurations d’entreprises : et si on changeait d’approche… l’interview 30Gérald Karsenti, PDG de Hewlett-Packard France. « Nous essayons de délocaliser… en France .» l’événement Vedette Times classe Christine Lagarde parmi les 100 personnes les plus influentes au monde. L’économiste Nouriel Roubini, qui en fait le portrait, lui voit le profil idéal pour devenir la première femme à présider la France. © ALAIN JOCARD/AFP 4 « LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 Ces propos sont dangereux. Il ne faut pas s’adresser aux peuples comme ça, et notamment en ce moment au peuple grec, qui est victime d’une situation effroyable ». Laurence Parisot, président du Medef, après que Christine Lagarde avait déclaré en mai dernier au quotidien britannique The Guardian que des enfants d’une école d’un village du Niger mériteraient davantage une aide que les Grecs, en évoquant « tous ces gens qui tentent en permanence d’échapper à l’impôt ». l’irrésistible ascen E Robert Jules n moins de huit ans, Christine Lagarde aura connu un destin exceptionnel, passant du monde discret et cossu des grands cabinets d’avocats d’affaires internationaux à la direction d’une des principales institutions financières du monde, le Fonds monétaire international (FMI). Entre-temps, elle a occupé des postes ministériels en France, dont la citadelle de l’Économie et des Finances. Elle est désormais une des femmes les plus puissantes du monde. En cette fin de semaine, du 12 au 14 octobre, à Tokyo, elle sera à nouveau sous les projecteurs, à l’occasion de l’assemblée annuelle du FMI, qui réunira tout le gotha de la finance internationale pour débattre de l’avenir des quelque 7 milliards d’êtres humains que compte la planète. La ténacité d’une « self-made-woman » Quel est le secret de ce parcours (presque) sans faute ? D’abord sa personnalité. Christine Lagarde est une « self-made-woman » qui a d’abord gravi l’échelle sociale palier par palier à force de ténacité et de volonté. Boursière, cette fille de professeurs qui a passé sa jeunesse au Havre, débarque dès 1974 aux États-Unis, à 18 ans. L’Amérique va lui permettre de comprendre tous les codes de la culture des affaires anglo-saxonnes, notamment son pragmatisme et, ce qui se révélera un atout plus tard, une parfaite maîtrise de la langue de Shake- speare. Son goût de la compétition, qu’elle a déjà manifesté en devenant championne de France de natation synchronisée, trouvera outre-Atlantique un terrain bien plus favorable qu’en France. C’est ce goût du défi qui lui fera accepter de renoncer à ses confortables revenus de présidente de Baker & McKenzie pour se lancer en 2005 dans l’aventure à haut risque de la politique française. Deuxième élément de son succès, les circonstances, dont elle a toujours su tirer le melleur parti. Ainsi, l’opportunité d’intégrer un gouvernement, grâce à l’appui de l’ancien ministre Thierry Breton, et de devenir ministre délégué au Commerce international de 2005 à 2007, lui permet d’apprendre la grammaire de la communication gouvernementale. Deux jours à peine après sa nomination, les Français découvrent cette femme élégante et affable, qui tranche sur le personnel politique habituel, par son style et son franc-parler. Elle proclame alors sans ambages qu’il est nécessaire de procéder à une réforme du Code du travail, qu’elle juge « compliqué, lourd » et « constituant un frein à l’embauche ». L’échec d’Alain Juppé la propulse à Bercy Une prise de position qui lui attire ipso facto les foudres des syndicats et de la gauche ainsi qu’un rappel à l’ordre du Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin. Mais elle ne commettra plus que rarement de tels impairs. Après l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, en 2007, Christine Lagarde sera la seule rescapée de la précédente équipe. Elle rejoint alors le ministère de l’Agriculture et de la pêche. Mais aux législatives, le numéro deux du gouvernement, Alain Juppé, est battu et démissionne de son poste à Bercy, comme il s’y était engagé. Christine Lagarde devient alors la première femme ministre de l’Économie en France, et investit la citadelle des bords de Seine. À ce poste exposé, elle va s’appliquer à mener à la lettre les réformes voulues par Nicolas Sarkozy en tenant le cap sans état d’âme, mais avec un bilan mitigé. Dès 2007, elle porte la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (« loi Tepa ») qui introduit notamment l’abaissement de 60 à 50 % du bouclier fiscal, la déduction des intérêts d’emprunts et la défiscalisation focus L’encombrante affaire Tapie à la mi-septembre, le procureur de la République de Paris a ouvert une information judiciaire contre X portant sur un des volets de l’affaire Tapie/Crédit lyonnais, pour « usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit au préjudice du Consortium de réalisation [le CDR qui gère le passif de la banque) ». Il s’agit du volet non ministériel de l’affaire, et ne concerne donc pas directement Christine Lagarde, qui fait l’objet d’une procédure ouverte en 2011 devant la Cour de justice de la République (CJR) pour s’être impliquée « personnellement » dans un processus qui comporte « de nombreuses anomalies et irrégularités ». Bernard Tapie est en conflit depuis plus de quinze ans avec le Crédit lyonnais, son exbanque, qu’il accuse de l’avoir floué dans la cession d’Adidas en 1993. Pour trancher le litige, une commission d’arbitrage avait été constituée à l’initiative de Christine Lagarde, à l’époque ministre de l’Économie, qui avait conclu en accordant à l’homme d’affaires 240 millions d’euros de réparation, auxquels s’ajoutaient une centaine de millions d’euros d’intérêts et 45 millions d’euros pour préjudice moral. Une décision qui a été contestée mais n’avait pas empêché Christine Lagarde de présenter sa candidature au FMI. q R. J. © georges gobet/afp les faits Alors que l’assemblée annuelle du Fonds monétaire international commence ce vendredi à Tokyo, sa directrice générale, Christine Lagarde, revient sur le devant de la scène. Un rendez-vous important pour l’économie mondiale… et pour cette femme qui conserve une forte popularité en France. la Perspective En 2016, elle quittera le FMI, et certains lui voient déjà un destin présidentiel. Pas sûr que les circonstances favorables qu’elle a toujours su exploiter soient alors réunies. l’événement 5 vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE longévité Christine Lagarde aura battu le record de longévité au poste de ministre de l’Économie durant la Ve République, en l’occupant un peu plus de quatre ans. Suffrages Christine Lagarde était en deuxième position sur une liste UMP aux élections municipales de 2008, dans le XIIe arrondissement de Paris. La liste du Parti socialiste ayant gagné, elle est conseillère municipale d’opposition. ÇA ROULE ! Face à la hausse du prix de l’essence à la pompe, Christine Lagarde conseille aux Français, début novembre 2010, de changer leur comportement « pour préserver leur pouvoir d’achat et préparer l’avenir » : « J’en appelle à l’intelligence des Français […]. Il s’agit par exemple de conduire moins vite, plus souvent en sous-régime qu’en surrégime : sur autoroute, lever le pied, c’est rouler intelligent », dit-elle, avant de lancer : « Utilisons les bicyclettes ! » On ne l’oublie pas En dépit de son éloignement à Washington, les Français n’oublient pas la directrice du FMI : elle figure à la cinquième place de nos leaders politiques les plus appréciés, derrière Valls, Fillon, Delanoë et Juppé, mais devant Sarkozy. Baromètre Ipsos-Le Point (sondage effectué au téléphone les 5 et 6 octobre auprès de 966 personnes). sion de christine L. des heures supplémentaires. Le gouvernement Fillon est revenu sur les deux premières mesures, la troisième a été supprimée cet été par le gouvernement Ayrault. En 2008, c’est la loi de modernisation de l’économie que Christine Lagarde et ses secrétaires d’État font voter par le Parlement. Si la réduction des délais de paiement et le statut de l’auto-entrepreneur furent un succès, la mise en place de règles visant à stimuler la concurrence et donc faire baisser les prix dans la grande distribution n’a pas eu les effets escomptés. La réforme de la taxe zone euro pour plancher sur les solutions à trouver à la crise grecque. Crise qui bientôt se transforme en une crise de la dette européenne. Elle sait saisir sa chance après la chute de DSK Mais surtout, son rôle joué sur la scène internationale va lui permettre de se constituer un des meilleurs carnets d’adresses de la planète, qui va s’avérer précieux au printemps 2011. Le 14 mai, en effet, Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI, à l’époque favori dans la course à l’Élysée, est arrêté à l’aéroport international JFK de New York. Scandale planétaire. Très rapidement, le président Nicolas Sarkozy avance le nom de Christine Lagarde… À nouveau, elle va saisir sa chance. Un temps, les pays émergents revendiquent le poste. Mais ils n’arrivent pas à s’entendre sur le nom d’un candidat. Christine Lagarde, elle, agit vite. Elle doit avoir l’aval des Américains, qui ont le vrai pouvoir au sein de l’institution, grâce à leur « veto de fait » dans le conseil des gouverneurs. Elle entretient d’excellentes relations avec Timothy Geithner, le secrétaire d’État au Trésor. Et elle fait rapidement l’unanimité du côté des Européens, qui veulent que l’un des leurs dirige une institution impliquée désormais dans la résolution des problèmes du Vieux Continent. Car au FMI, les représentants des pays émergents critiquent l’activisme et l’octroi de fonds à une zone euro qui à leurs yeux paient d’abord leurs dérives budgétaires. Mais ces appuis ne suffisent pas. Il faut convaincre les émergents, qui montent en puissance au sein du Fonds. Christine Lagarde adopte un profil modeste, et prend son bâton de pèlerin pour aller défendre sa candidature en Amérique du Sud, en Inde, en Chine. Sans relâche, elle explique qu’elle compte associer les émergents par une gouvernance qui les impliquera davantage. En France, la réforme de la taxe professionnelle est à mettre à son crédit, comme la loi sur le surendettement. professionnelle est également à mettre à son crédit, tout comme la loi sur le surendettement. Le seul texte dont elle assume avec fierté la maternité. En 2008, elle devient « la voix » de la France En 2008, la crise financière se propage à travers la planète. La plus grave depuis 1929. Elle va propulser la ministre française sur la scène internationale. C’est l’époque des sommets à répétition du G8, puis du G20, où les grands dirigeants du monde tentent d’unir leurs efforts pour coordonner leurs mesures contracycliques et éviter la dépression. Grâce à son anglais fluent, qui tranche au sein d’une classe politique française toujours majoritairement fâchée avec les langues étrangères, elle devient la voix et le visage de la France sur les grandes chaînes internationales de télévision. Toujours disponible, professionnelle, infatigable, elle en arrive même à éclipser l’image du pourtant hyperactif président Sarkozy. Ses homologues européens l’apprécient, pour l’avoir longuement fréquentée lors de ces interminables « Ecofin », qui réunissent les ministres des Finances de la 6 l’événement LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 L’irrésistible ascension de christine L. Cette détermination est aussi la preuve qu’au-delà de sa personnalité et des circonstances favorables, Christine Lagarde est avant tout une pragmatique, pas une idéologue. Elle a l’intelligence des situations qu’elle a apprise durant ses longues années d’exercice de son métier d’avocate d’affaires. Au FMI, elle a ainsi su s’inscrire habilement dans la continuité du travail de réforme de l’institution qu’avait entamé Dominique Strauss-Kahn. Elle a conservé une large partie de ses collaborateurs d’ailleurs, travaillant en équipe, afin d’assurer la stabilité d’une institution que le scandale DSK avait profondément secouée. Elle a su s’appuyer sur le travail de son prédécesseur, notamment le recul de l’approche technocratique qui favorisait les Programmes d’ajustement structurel (PAS) que le Fonds imposait dans les années 1980 à l’Afrique, l’Amérique latine ou l’Asie, avec leurs cortèges de dégâts sociaux. Pragmatique, elle sait aussi faire profil bas Signe également de son selfcontrol, la « reine Christine », comme la surnomment certains, sait également adopter un profil bas quand les circonstances l’exigent. Lorsque, s’appuyant sur un rapport du FMI, elle pointe la nécessité de recapitaliser « en urgence » le système bancaire européen à l’été 2011, elle s’attire les foudres du président français, son ancien maître, qui prépare « son » sommet du G20 à Cannes. Elle s’est finalement tue, mais l’histoire a montré qu’elle n’avait alors pas entièrement tort… Mais on doit mettre à son compte et celui de sa force de persuasion, sa capacité à lever des fonds pour renforcer la capacité financière du FMI à pouvoir mener ses missions dans une économie mondiale qui marque le pas. « Lorsqu’elle voit qu’une négociation est dans l’impasse, elle propose de mettre par écrit les désaccords, mais c’est elle qui tient la plume déterminant le cadre qui lui donne un avantage », témoigne un haut fonctionnaire. Elle a aussi la sagesse de ne pas s’aventurer sur des domaines qu’elle maîtrise moins, n’hésitant pas à laisser ses conseillers répondre sur des points techniques, si nécessaire. D’aucuns lui prêtent l’intention de briguer la présidence de la République française en 2017. Nul ne pourra en tout cas contester une riche expérience politique, économique et internationale à celle qui fut la première femme à devenir ministre de l’Économie et directrice du FMI. Si les circonstances sont réunies… q L’engagement contesté du fmi en europe Le Vieux Continent est devenu le principal terrain d’intervention du FMI. Cela lui donne le droit de parler de l’avenir de la zone euro, mais l’expose aussi à de cinglantes critiques. Romaric Godin L orsqu’en mars 2010, la Grèce est, pour la première fois, au bord de la faillite, la question de l’intervention du Fonds monétaire international (FMI) se pose avec acuité. Pendant plusieurs semaines, toute intervention du Fonds est fortement rejetée par la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE). Pour ces institutions, la zone euro doit prouver, comme le souligne le 6 avril 2010 JeanClaude Trichet, alors président de la BCE, qu’elle est « plus qu’une union monétaire, c’est une communauté de destin ». Pour cela, un recours au FMI serait, selon l’ancien gouverneur de la Banque de France, une « très, très mauvaise chose ». À l’inverse, en Allemagne, Angela Merkel est tentée de le demander en s’abritant derrière la clause du « no-bail-out », l’interdiction par les traités du renflouement d’un État membre de la zone euro. Mais, en mai, les dirigeants européens doivent convenir d’une intervention commune de l’UE et du FMI. Ce La Grèce est en proie à de fréquentes manifestations populaires contre la dureté de l’austérité imposée par la « troïka » (FMI, BCE, UE). [LOUISA GOULIAMAKI/ AFP] sera désormais la règle. Ainsi, à l’automne 2010, lorsque le Fonds européen de stabilité financière (FESF) sauve l’Irlande et le Portugal, ce sera encore avec l’appui du FMI, qui interviendra également dans le second plan d’aide à la Grèce et qui devrait être acteur des sauvetages espagnol et chypriote. la politique européenne du FMI irrite l’Allemagne Aujourd’hui, les trois pays de la zone euro sous perfusion, Irlande, Grèce et Portugal représentent 41 % du total des décaissements et engagements de précaution du Fonds. Une situation qui a modifié la position du FMI qui se veut désormais un acteur de la politique économique de la zone euro. Les déclarations de Christine Lagarde en dessinent depuis plusieurs mois les contours : une plus forte intégration de la zone euro comme solution durable à la crise, une garantie paneuropéenne des dépôts afin de permettre la faillite de banques trop exposées, et enfin une nouvelle restructuration de la dette grecque, impliquant la BCE. Ces projets irritent beaucoup en Europe, singulièrement outre-Rhin où l’on voit d’un fort mauvais œil le FMI vouloir initier une « union des transferts ». Du coup, l’Allemagne se montre de plus en plus critique à son encontre. Dans son bulletin mensuel paru fin septembre, la Bundesbank reprenait les critiques de plusieurs pays émergents qui avaient notamment été présentées en avril dernier, lorsque les Brics avaient refusé de participer à l’augmentation de 430 milliards d’euros de la force de frappe du Fonds. La Buba critique ainsi les « risques croissants » pris par le Fonds en Europe et met en doute l’efficacité de ses actions qui financent des États incapables de se réformer. La banque centrale allemande s’inquiète finalement de la transformation du FMI en « institut de crédit », ce qui, selon elle, « n’est pas conforme aux cadres juridique et institutionnel du Fonds ainsi qu’à sa capacité de couverture des risques ». Ce qui est en cause, c’est l’indépendance du FMI. Car si, en théorie, le Fonds peut se retirer de façon autonome d’un programme d’aide, il les a toujours suivis, même lorsque la capacité de remboursement de la Grèce, par exemple, était douteuse. C’est là un véritable tournant dans la politique du FMI qui, jadis, aurait claqué la porte. Et c’est ce qui inquiète plusieurs de ses membres. q Un rééquilibrage inachevé Depis 2006, le Fonds a commencé un processus d’adaptation à un monde économique de plus en plus multipolaire, où les « émergents » ont un poids croissant. Mais la route est longue… L e FMI est une institution qui, lentement, poursuit sa mue. Basé à Washington, reliquat du système de Bretton Woods, dépendant de l’importante participation américaine, il a toujours été perçu comme le bras armé des intérêts américains et, plus généralement, de l’Occident. C’est cette image que le Fonds tente de changer depuis 2006 et son assemblée générale de Singapour. Il s’agit pour lui de trouver sa place dans un monde économique de plus en plus multipolaire où les « émergents » ont un poids croissant. À Singapour fut donc décidée une révision générale des parts et des droits de vote en faveur des émergents au sein du conseil des gouverneurs du FMI, son instance décisionnelle (la gestion quotidienne étant confiée au conseil d’administration). En 2008, 44 d’entre eux ont ainsi vu leurs droits de vote augmenter. Au total, ces pays ont vu leurs poids progresser de 5 points de pourcentage. Parallèlement, la part des pays très pauvres a été garantie contre toute évolution future. En 2010, Dominique StraussKahn a lancé une deuxième sera, ce ne sont pas seulement la Russie, la Chine et l’Arabie saoudite qui figureront dans les 10 premiers détenteurs de droits de vote au sein du FMI, mais aussi le Brésil et l’Inde. Par ailleurs, plus aucun membre du conseil d’administration de 24 membres ne sera nommé par certains pays comme c’est encore le cas, mais tous seront élus par le conseil des gouverneurs. Les pays occidentaux perdront donc la certitude de disposer d’un siège. Ces réformes n’ont pourtant pas totalement exonéré le FMI des suspicions d’institution « occidentale ». Les tensions demeurent. En avril dernier, lorsque Christine Lagarde a demandé le relèvement des moyens du Fonds pour faire face Les réformes une fois actées, les États-Unis disposeront encore d’un droit de veto de fait. L’Europe aussi… si elle sait s’accorder. vague de réformes prévoyant le relèvement des droits de vote pour 53 émergents pour un total de 6 points de pourcentage. Cette réforme n’a pas encore été mise en œuvre. Lorsqu’elle le à la crise européenne, elle s’est heurtée à la forte résistance des émergents déçus de la lenteur des réformes engagées et de leur caractère limité. Pas question pour eux de payer plus sans avoir le rang auquel leur donne droit leur poids nouveau dans l’économie mondiale. Il est vrai que les réformes engagées sauvent l’essentiel pour les États-Unis : leur veto de fait. Les décisions du conseil des gouverneurs se prennent en effet à la majorité qualifiée de 85 % des droits de vote. Or, à la fin de la seconde vague de réformes, les États-Unis détiendront encore 16,2 % de ces droits de vote. L’Union européenne dans son ensemble peut aussi encore – théoriquement, du moins, et à condition de trouver une unité – compter sur ce veto de fait. Le FMI n’est donc pas encore une institution « équilibrée ». q R. G. Le buzz 9 vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE >> « L’Allemagne n’a pas mérité ça : des protestations nauséabondes contre Merkel à Athènes ! Et nous payons encore plus. » la une du quotidien populaire allemand Bild du il a osé le dire mercredi 10 octobre. à propos de l’accueil réservé à angela merkel lors de sa visite en grèce. l’œil de philippe mabille directeur adjoint de la rédaction C © DR 2017 : et si c’était elle… hristine Lagarde, directrice générale du Fonds La BCE, le Vatican de Francfort monétaire international, est le cinquième Avec la naissance du Mécanisme européen de solidarité « homme » politique le plus populaire de (MES), baptisé cette semaine après de (trop) longues terFrance. L’ancienne ministre de l’Économie, des giversations, les gouvernements européens disposent, enfin, Finances et de l’Emploi se paye même le luxe de l’arme anticrise qui leur a fait cruellement défaut depuis d’être classée devant Nicolas Sarkozy (mais derrière Fillon) le début de la crise grecque. Certes encore faiblement doté, dans le dernier sondage Ipsos-Le ce fonds monétaire européen complète l’action Point. De là à dire que Christine du « pape » de la BCE, Mario Draghi, qui est en Lagarde se rêve un destin présidentrain de fonder à Francfort un nouveau Vatican tiel en 2017… Le rôle important que de l’euro. En affichant son indépendance, y joue sur la scène mondiale celle qui compris à l’égard de la Bundesbank, la BCE est a succédé à Dominique Straussdevenue le véritable 18e État souverain de e Kahn à la tête du FMI n’est pas pour l’union monétaire. rien dans la persistance de sa popuÀ force de répéter que l’euro est irréversible, larité en France. Elle ne se fait pas Draghi forge un nouveau credo qui pour l’instant oublier. Au Japon, pour l’assemblée rassure les marchés. Pour l’instant, car, comme générale annuelle du FMI ce weekl’a noté le FMI, le pare-feu européen reste virtuel end, elle tentera de peser pour une et conditionné à la demande officielle d’aides. On politique plus équilibrée entre rigueur et relance budgétaire. voit, avec le cas de l’Espagne, la réticence qu’ont un certain Ce qu’elle avait théorisé en inventant le terme très néo-key- nombre de pays à passer sous les fourches de la troïka UEnésien de « rilance » (mélange de « rigueur » et de « relance »). FMI-BCE, qui a déjà fait de sérieux dégâts en Grèce. Christine Lagarde, qui fera son grand retour sur la scène poli- Le vote par la France, malgré un « petit oui » socialiste, du tique française mardi soir prochain sur LCI pour un entretien traité budgétaire européen renforce la solidité politique de la exclusif, aura forcément un rôle à jouer le moment venu riposte européenne à la crise de la dette. Douze pays sur dixlorsque la droite se cherchera vraiment un leader. Une chose sept ont désormais ratifié le traité et Berlin a salué l’adoption est sûre, la plus américaine des Françaises observe avec atten- par le pays de Descartes de la « règle d’or », votée à une très tion l’action du président Hollande. Le FMI vient d’ailleurs large majorité de 477 voix, associant dans une belle unanimité de publier des prévisions assez austères sur les perspectives la gauche et la droite pour une fois d’accord sur l’essentiel. Le de croissance en 2013. Et ne croit pas du tout à la réduction calendrier de la réduction des déficits (3 % en 2013 pour la du déficit public à 3 % l’an prochain. France) est cependant de plus en plus contesté. Il faut dire « La BCE est devenue le véritable 18 état souverain de l’union monétaire. » que la France n’y va pas de mainmorte sur les hausses d’impôts : 64 milliards d’euros cumulés sur trois ans de 2011 à 2013. Un record partagé, si l’on ose dire, entre les plans Sarkozy-Fillon et le budget Hollande-Ayrault. Droite et gauche assument ici une belle continuité politique, même si le changement de majorité en mai dernier conduit à taper plus sur les « riches » et les entreprises. Rien d’étonnant à ce que tout cela ait cassé quelques œufs de pigeons (et de faucons), obligeant Bercy à faire des « ajustements ». Romney : et si c’était lui ? Le prochain rendez-vous majeur sera l’élection présidentielle américaine du 6 novembre. À la surprise générale, le dernier débat télévisé a relancé les chances de Mitt Romney face à Barack Obama, qui est apparu arrogant et trop sûr de lui. Le FMI ne se prive pas d’intervenir dans la campagne pour souhaiter que, quel que soit le vainqueur, les ÉtatsUnis s’abstiennent d’appuyer à leur tour sur le frein budgétaire. Plus divisée que jamais, entre une droite aux accents reaganiens et un Obama qui a déçu ses admirateurs, l’Amérique court le risque de la paralysie institutionnelle. En l’absence d’accord entre républicains et démocrates, un tour de vis fiscal sans précédent attend les États-Unis puisque les mesures de relance votées sous Georges W. Bush seront annulées automatiquement si une loi de prolongation n’est pas votée avant la fin de l’année. Cette falaise fiscale (Fiscal Cliff) qui se rapproche à vitesse grand V est la principale menace pour l’économie mondiale, note le FMI dans son rapport d’automne sur les perspectives 2013. Et nul ne sait comment Romney la franchirait.q le meilleur de la semaine sur latribune.fr Sur le podium repéré par la rédac’ Le plus lu Quand Steve Jobs imaginait l’iPad, iTunes, l’essor d’Internet… en 1983 « La Grèce sera-t-elle la Norvège de demain ? » Une étude remise au Premier ministre grec souligne qu’un vaste champ de gaz naturel pourrait se loger sous la Méditerranée, au sud de la Crète. Les ordinateurs « ultra » portables, la communication en réseau, le téléchargement de musique, la cartographie électronique… En 1983, Steve Jobs avait déjà imaginé des technologies aujourd’hui produites par Apple et ses concurrents. publié le 3 octobre Le plus Commenté Les médias anglo-saxons à l’affût des « pigeons » français Le Financial Times et Busines Insider ont commenté la grogne des entrepreneurs français autoproclamés « pigeons », qui s’offusquaient du projet de taxation accrue des plus-values de cession. Le bruit n’a pas échappé aux médias britanniques et américains, plutôt critiques envers le gouvernement. publié le 2 octobre Le plus partagé Quatre ans après, l’Islande nargue l’Europe Le 6 octobre 2008, les trois grandes banques islandaises faisaient faillite, provoquant une grave crise Mais, aujourd’hui, l’économie va beaucoup mieux grâce à une méthode inverse de celle suivie dans la zone euro. publié le 4 octobre la vie de la communauté Les meilleures contributions sur latribune.fr et les réseaux sociaux Le tweet « Le plus important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage et, là, il n’y a pas de coussin de sécurité… » >> @Geekenvrac à propos de l’article « Draghi avertit la zone euro : pas question de recourir à la planche à billets » Le commentaire « Je dirais juste que la Génération Y est beaucoup plus stressée, oppressée et contrainte. On lui demande toujours plus en moins de temps ! Il ne faut pas s’étonner, si on exige plus d’eux, qu’ils exigent plus des autres. » LE Diaporama Gadgets : de la fiction à la réalité 1 / James Bond et son jetpack >> Par icietla à propos de l’article « La Génération Y demande un droit de réponse » L’opinion >> « Les notes des agences de notation sont-elles fiables ? » par Philippe Raimbourg. « Les agences de notation sont depuis plusieurs années l’objet de critiques virulentes. Ce n’est pas la première fois qu’un tel vent souffle sur les agences, mais cette fois-ci la volonté réformatrice du superviseur semble très affirmée. » 2 / Le visiophone de Metropolis 3 / La tablette tactile de Star Trek Retrouvez la totalité du classement sur latribune.fr 10 Le buzz LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 Le gouvernement sort affaibli de la révolte des Pigeons, qui a révélé l’amateurisme fiscal de Bercy et l’inquiétant divorce entre la gauche et le monde de l’entreprise. En cédant aussi vite, François Hollande court aussi le risque de réveiller tous les déçus de sa politique. Qui sera le pigeon de la farce ? Une révolte ? Non, sire, une révolution (fiscale) ! Le succès de la fronde des entrepreneurs sur les réseaux sociaux (plus de 65 000 « Like » depuis vendredi 28 septembre sur la page Facebook « We are Pigeons ») a fait reculer le gouvernement, qui multiplie les déclarations d’apaisement avec le monde de l’entreprise depuis qu’il a reçu les représentants de ces drôles d’« indignés ». Ces derniers dénonçaient la décision de doubler, à 64,5 % dans certains cas, la taxation des plus-values lors de la cession des parts de leur société. D’où leur révolte, au motif qu’une telle taxation du capital les désinciterait à créer des entreprises en France… « La taxation des plus-values sera revue pour les créateurs de sociétés », a promis le ministre de l’Économie et des Finances Pierre Moscovici. Ces ajustements se feront dans le cadre d’amendements au projet de loi de finances 2013 dont la discussion promet d’être animée au Parlement. En effet, pour corriger sa faute, le gouvernement va devoir plumer d’autres « pigeons », ou « dindons » comme on préfère, pour assurer la neutralité budgétaire de cet incroyable cafouillage. La déclaration du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, dans Le Monde en donne la mesure : « Je ne pensais pas que ce que nous proposerions serait à ce point peu compris et mal interprété. » La situation est tellement bloquée Le gouvernement est par ailleurs très divisé sur la suite des réformes. Faut-il engager un choc >> L’agenda automnal de François Hollande se complique. [AFP/Sean Gallup/Getty Images] que douze organisations patronales ont réclamé, au terme d’un dîner secret organisé au Medef mardi soir, l’abandon total de cette mesure. mécontentements Au-delà des Pigeons, cette affaire a affaibli considérablement la capacité d’action de François Hollande. Sa majorité, déjà réticente à accepter de voter le traité budgétaire européen, a du mal à comprendre comment le président a pu céder aussi facilement devant une mobilisation de patrons sur Internet. Le président court désormais le risque de voir enfler tous les mécontentements que suscite sa politique fiscale. Après les entrepreneurs du Net, les petits patrons et les professions libérales fourbissent déjà leurs armes… vol plané de compétitivité, comme le réclament les patrons de l’automobile ? En se fermant la piste de la TVA sociale, Hollande n’a plus d’autres voies que la hausse de la CSG et/ ou de la fiscalité écologique. Or, même en contrepartie d’une baisse des charges patronales, la perspective d’un fort relèvement de la CSG n’enchante guère dans les rangs de la majorité. Enfin, le dernier dégât collatéral de la révolte des Pigeons est social. La CGT, qui avait appelé les salariés à manifester mardi « pour l’emploi et l’industrie » afin de faire pression sur le gouvernement, n’en attendait sans doute pas tant. Son leader, Bernard Thibault, s’est déjà engouffré dans la brèche pour dénoncer une politique qui cède aux revendications des patrons, mais pas à celles des salariés… pas d’état de grâce Jean-Claude Mailly, chez FO, a lui aussi estimé que « le gouvernement recule bien facilement ». « Une pétition sur Internet et il recule. On va voir si socialement c’est la même chose », a-t-il ajouté. François Hollande est donc pris entre deux feux. D’un côté, le divorce se creuse avec le monde de l’entreprise, obligeant le Medef à hausser le ton. Laurence Parisot parle de « racisme anti-entreprise » et évoque un risque d’exil fiscaldes créateurs d’entreprise. Elle s’oppose de plus en plus ouvertement à Arnaud Montebourg, notamment au sujet de sa future loi sur la cession de sites rentables, qualifiée par le Medef de casus belli. De l’autre côté, les syndicats montent en pression contre une réforme du marché du travail qui ferait la part trop belle à la flexibilité demandée par le patronat, et se montrent à leur tour de plus en plus revendicatifs dans un climat social tendu par la multiplication de plans sociaux très emblématiques du déclin industriel de la France (PSA, Arcelor…). Une croissance en panne, un pays divisé, des réformes difficiles à mettre en place avant la fin de l’année, un gouvernement sans état de grâce et qui donne des signes d’amateurisme. L’agenda de François Hollande se complique. Un automne chaud se prépare en France. q philippe mabille Lu sur le site « Incroyables, ces Pigeons ! Ils se plaignent de la taxation sur la plus-value alors que ces faiseurs de start-up les ont lancées pour la plupart avec des Crédit Impôt Recherche, des ISF-PME, de l’OSEO, du FSI et compagnie : bref, de l’argent public… Donc, leur slogan c’est “je veux défiscaliser à l’entrée ET à la sortie” ». ( Babou45, le 7 octobre Même si Oslo va puiser un peu plus dans la rente pétrolière pour équilibrer son budget, la forte croissance de ce pays scandinave permet d’assurer à l’État un train de vie généreux, malgré la crise… La Norvège fait un pied de nez à l’austérité Certes, Le gouvernement norvégien va puiser davan- tage que l’an dernier dans la manne pétrolière pour équilibrer son budget. Oslo utilisera en 2013 125 milliards de couronnes norvégiennes (environ 17 milliards d’euros) de ses revenus pétroliers pour financer ses dépenses publiques. C’est 9 milliards de couronnes (1,2 milliard d’euros) de plus qu’en 2012. Cette somme représente 3,3 % des 660 milliards de couronnes (environ 90 milliards d’euros) de recettes pétrolières escomptées par ce pays nordique. La loi norvégienne autorise l’État à puiser jusqu’à 4 % des recettes >> pétrolières pour financer son budget. Le ministre des Finances du gouvernement travailliste norvégien, Sigbjørn Johnsen, a qualifié le budget 2013 de « serré ». Un terme qui laissera plus d’un Européen songeur. sion du gouvernement affichent pour 2013 un excédent attendu de 380 milliards de couronnes. Le gouvernement norvégien peut également compter sur une croissance économique qui reste très solide et qui montre une bonne résistance au ralentissement mondial. Au deuxième trimestre 2012, le PIB norvégien a cru de 1,2 %. Si l’on exclut les activités pétrolières, la croissance a été de 1 %. Sur l’année 2012, le PIB « terre ferme », hors activités pétrolières et gazières, est attendu en hausse de 3,7 %. L’an prochain, la croissance « terre ferme » sera de le contre-exemple Si, au final, le budget norvégien est en équilibre, c’est d’abord grâce à ce transfert des revenus pétroliers. Sinon, Oslo creuse son « déficit structurel » de 5,2 % du PIB à 5,3 % du PIB. Mais l’État norvégien est loin d’être dans une situation critique puisque les fonds de pen- 2,9 % (2,5 % sur le PIB global). Les investissements et la consommation soutiennent cette croissance, mais les dépenses de l’État (+ 2,4 % l’an prochain) jouent un rôle non négligeable également. congé parental record Oslo a concentré son effort sur les dépenses de transport en 2013 pour lesquelles 100 milliards de couronnes (13,6 milliards d’euros) seront utilisées. Un nouveau tunnel routier sera ainsi percé dans l’ouest du pays entre Bergen et Arna. L’austérité n’est donc pas vraiment d’actualité en Norvège. La Norvège a refusé par deux fois d’entrer dans l’Union européenne, à la différence de ses voi- sins danois et suédois, bien moins épargnés par la crise européenne. Depuis 2005, son gouvernement est dirigé par le travailliste Jens Stoltenberg. Actuellement, il lui faut trouver un équilibre parfois difficile entre ses deux partenaires de coalition, la Gauche socialiste et le parti centriste. La Gauche socialiste a ainsi demandé et obtenu dans le budget 2013 un allongement du congé parental de deux semaines, ce qui le porte à 49 semaines avec une indemnité de 100 % du salaire net. Elle a en revanche dû renoncer à ses demandes de fixer un encadrement légal du nombre d’élèves par enseignant. q latribune.fr Le buzz vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE En signant avec l’une des compagnies du Golfe, le groupe français tente de contrer l’offensive européenne de ces transporteurs en plein essor. Avec Etihad, Air France-KLM fait-il entrer le loup dans la bergerie ? En annonçant lundi la signature d’un accord commercial avec la compagnie du Golfe Etihad Airways (Abu Dhabi), Air France-KLM va-t-il réussir à endiguer la déferlante des compagnies du Golfe, ou continuer à se laisser manger de la laine sur le dos, certes un peu moins vite ? Air France-KLM n’at-il pas été parmi les plus réactifs à dénoncer les dangers de ces compagnies qui viennent siphonner les marchés européens avec des hausses de capacités impressionnantes ? Emirates, Qatar Airways, Etihad Airways ne sontils pas qualifiés de « prédateurs » en interne à Air France ? « Fait-on entrer le loup dans la bergerie ? La question se pose en effet, explique un cadre de la compagnie française. Nous avons fait plusieurs études qui appellent à la prudence. » Le principal problème réside dans le déséquilibre des marchés : la population d’Abu Dhabi dépasse à peine les 1,5 million de personnes, celle de l’Union européenne se rapproche des 500 millions. « Contrairement à la compagnie américaine Delta avec qui nous avons noué une alliance très forte, Etihad Airways n’a aucun marché à proposer », admeton au sein d’Air France. D’où la modestie de l’accord annoncé, qui se résume à quelques partages de codes vers des destinations non desservies par Air France-KLM. >> Si cette alliance est appelée à terme à être plus approfondie, la compagnie hexagonale tient pour le moment à procéder par étapes. « Nous en avons franchi une », commente-t-on chez Air France. « Si l’accord est équilibré, nous développerons le nombre de destinations en partage de codes concernées à partir de la prochaine saison d’été », précise-t-on. En outre, en mettant dans la boucle Air Berlin, aujourd’hui contrôlée en partie par Etihad, l’accord général s’équilibre un peu plus. En effet, Air France et KLM trouvent ainsi un allié de poids pour défier son grand rival Lufthansa sur son marché. le pari s’allier au prédateur Pour aller plus loin, Air FranceKLM et Etihad devront donc trouver de nouveaux équilibres. Il faudra des contreparties à l’ouverture d’un plus grand nombre de destinations européennes à la compagnie du Golfe. Cette deuxième étape passera par des achats communs et des accords sur la maintenance, selon Etihad. S’il n’y a eu aucun détail communiqué sur ce point, Air France-KLM espérait, ces derniers mois, voir confier à Air France Industrie la maintenance d’avions d’Etihad. Cette alliance traduit les difficultés des compagnies aériennes tra- ditionnelles face au pilonnage des transporteurs du Golfe, notamment sur les routes reliant l’Europe à l’Asie-Pacifique. Disposant de puissants aéroports de correspondances sur axe – Dubai, Abu Dhabi, Doha –, Emirates, Etihad et Qatar Airways ne cessent de prendre des parts de marché. Après avoir tenté durant des années de riposter, certaines compagnies classiques tentent de résister en s’alliant avec l’un des prédateurs. L’australienne Qantas a ainsi annoncé le mois dernier un partenariat commercial d’envergure avec Emirates, tandis que, selon la presse britannique, British Airways discute d’une alliance avec Qatar Airways. Si cette information se vérifiait, Lufthansa apparaîtrait comme la seule des trois majors européennes à ne pas avoir conclu de partenariat avec un transport du Golfe. En apparence seulement, puisque Lufthansa s’est alliée à Turkish Airlines qui, à bien des égards, présente nombre de points communs avec les transporteurs du Golfe (hub sur l’itinéraire des routes Europe-Asie, qualité de services, forte hausse de capa cités…). Et, récemment encore, selon des sources au sein de l’Associationof European Airlines (AEA), Lufthansa semblait s’agacer quelque peu de la concurrence de la compagnie turque. Un agacement à méditer… q Fabrice Gliszczynski Selon la revue Nature Climate Change, l’évolution des gaz à effet de serre n’est pas directement proportionnelle à celle du PIB. CO2 : l’étude qui sème le doute Les experts climatiques vont devoir réviser leurs modèles de prévision de l’évolution des émissions de CO2. En effet, alors qu’on les croyait jusqu’à présent directement proportionnelles à l’évolution du PIB, une étude parue dans la revue Nature Climate Change révèle que cette hypothèse n’est pas vérifiée. Le chercheur Richard York, de l’université de l’Oregon, y soutient que les émissions augmentent plus vite, proportionnellement à la croissance, qu’elles ne diminuent. Selon des calculs portant sur la période 1960-2008, les émissions de gaz à effet de serre par personne se sont >> accrues de 0,73 % par point de PIB supplémentaire, tandis qu’elles n’ont baissé que de 0,43 % lorsque le PIB baissait d’un point. des prévisions invalidées Le chercheur y voit plusieurs explications : les infrastructures construites pendant les périodes temps de l’énergie bon marché. Le chercheur montre par ailleurs que l’évolution des émissions dépend aussi de la façon dont se produit la croissance. Les émissions seront plus modérées si elle résulte d’une progression lente mais constante que si elle est le fruit d’à-coups faisant alterner crises et embellies économiques. Cette étude est d’autant plus digne d’intérêt que les stratégies d’adaptation au changement climatique élaborées par les entreprises ou les États sont toutes fondées sur les prévisions des émissions et de leurs conséquences, qui méritent apparemment d’être recalculées. q le coup de froid fastes continuent de fonctionner, même au ralenti, pendant les périodes de recul économique. De même, les consommateurs ne renoncent pas facilement aux « mauvaises » habitudes prises au Dominique Pialot 11 12 L’enquête LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 Cinéma Pour financer le tournage de ses nouvelles aventures, le héros a tro Astérix, un gaulois Les faits C’est la plus grosse délocalisation de l’histoire des productions françaises : en salles mercredi prochain, la saison 4 d’Astérix, d’un budget de 61 millions d’euros, a été réalisée en Hongrie, en Irlande… L’enjeu Le dumping fiscal fait souffrir les industries techniques françaises. La Commission européenne, elle, réfléchit… V Jean-Pierre Gonguet ingt-sept semiremorques bourrés de matériel de tournage hautement sophistiqué ont fait le tour de l’Europe en 2011. On les a vus à Malte en mars, retrouvés en Hongrie en mai et revus durant l’été en Irlande. Trois pays qui partagent une gentillesse fiscale hors du commun et éprouvent la même tendresse immodérée pour les producteurs de cinéma. Les deux producteurs, Marc Missonnier et Olivier Delbosc, ne leur ont pas résisté. Ils ont tourné Astérix et Obélix au service de sa majesté chez eux. Soixante-deux millions d’euros et pas un seul tour de manivelle dans l’Hexagone. Juste quelques effets spéciaux à Paris (certains ont d’ailleurs été immédiatement soustraités au Canada dont la fiscalité sur le cinéma est très accueillante). Marc Missonnier et Olivier Delbosc ne sont pourtant pas forcément blâmables. Ils ont essayé de tourner en France. Leur calcul était simple : sur les 61,24 millions du film, entre dix et douze venaient des aides automatiques du Centre national du cinéma (CNC). Cellesci sont fonction des droits accumulés des producteurs et des distributeurs : plus un film marche, plus il ramène de taxes, plus sa cagnotte pour le film suivant augmente. Et lorsqu’ils lancent Astérix, les deux hommes avaient justement un Petit Nicolas qui avait rapporté beaucoup de nouveaux droits à produire. Restaient 50 millions. Astérix avait bien sûr droit au crédit d’impôt, mais il est, pour les productions françaises, plafonné à 1 million d’euros. C’est peu. D’autant que le crédit d’impôt international (pour les films étrangers tournés en France) se monte, lui, à 4 millions. Conclusion de Missonnier et Delbosc : si les Français pouvaient bénéficier des 4 millions accordés aux étrangers, Astérix ne serait alors plus très loin des 5 millions de crédit qu’il pouvait obtenir en allant tourner à l’étranger. Ils se disent Repères En France 1 million ( c’est en euros le montant du crédit d’impôt accordé aux productions françaises. 4 millions ( c’est le plafond du crédit d’impôt accordé aux films étrangers tournés dans l’Hexagone. À l’étranger belgique ( Le Tax Shelter. Ce dispositif fiscal permet de réaliser 35 % d’économies sur la production, auxquelles peuvent s’ajouter les aides publiques. Montréal ( Les crédits d’impôts s’élèvent à 25 % pour l’animation et à 20 % pour les effets spéciaux, auxquels s’ajoute une aide fédérale de 15 %. Irlande( D’après une étude du CNC, chaque euro consenti par l’administration fiscale irlandaise permet de générer 1,27 euro de recettes fiscales. Astérix et Obélix au service de sa majesté a été tourné à Malte, en Hongrie et en Irlande. [Fidélité Films] même prêts à perdre ce million d’écart si le gouvernement trouve une astuce pour qu’ils bénéficient du même montant de crédit d’impôt que les productions étrangères. Un lobbying totalement infructueux Et le lobbying commence. Pas de chance, fin 2010, Nicolas Sarkozy a ouvert la chasse aux niches fiscales, il ne se voit pas en créer une nouvelle. La rue de Valois, Bercy, Matignon, l’Élysée… la réponse est focus Un dumping qui peut rapporter gros Le crédit d’impôt existe depuis 2004 en France mais il est limité pour les productions françaises à 1 million d’euros. Tout film avec un budget de plus de 8 millions d’euros a, a priori, un intérêt fiscal à se délocaliser puisque ailleurs en Europe les systèmes sont déplafonnés. À partir de 10 millions, la délocalisation ne se discute même pas. Et ces productions sont extrêmement bénéfiques pour l’économie locale. Le dumping rapporte. Deux études belges ont montré qu’en Belgique chaque euro d’avantage fiscal a ramené, selon les années, entre 1,02 euro et 1,15 euro. Les Irlandais font mieux, puisque selon une étude du CNC, chaque euro consenti par l’administration fiscale irlandaise permet de générer 1,27 euro de recettes fiscales. Autre exemple : Astérix aux Jeux olympiques a été pratiquement entièrement tourné en Espagne, à Alicante. Les Espagnols ont mis 5 millions en coproduction et la région d’Alicante aurait, selon elle, eu pour 28 millions d’euros de retombées. q J.-P.G. toujours « non ». Même Gilles Car- L’extravagant voyage du jeune et rez (UMP), rapporteur de la com- prodigieux T.S. Spivet au Canada mission des Finances à l’époque (et pour des raisons artistiques, même élu de Brie-sur-Marne où des si les célèbres cadeaux fiscaux du studios ont besoin de pays ont joué. fonctionner) n’arrive pas Mais du Marsupilami à à convaincre Bercy et L’écume des jours en pasl’Élysée. À la fin de 2010, sant par le prochain film des films Missonnier et Delbosc français d’un de Michel Gondry, aucune constatent donc leur budget de raison de tourner en Beléchec et affrètent les 10 millions gique, si ce n’est pour le camions pour aller tour- d’euros et plus tax shelter : 35 % d’écononer ailleurs : les milliers et ont été tournés mies sur la production à l’étranger avec ce dispositif fiscal. milliers de nuits d’hôtel, cette année. Un vrai gâchis pour l’inde figurants, de repas ont dustrie française. Cent profité aux Irlandais, Maltais et Hongrois. Et le déficit du cinquante millions, deux cents milrégime d’assurance-chômage des lions perdus chaque année à cause intermittents du spectacle a encore des productions délocalisées ? Les augmenté. chiffres les plus énormes circulent. Astérix, c’est la plus spectaculaire, Ce qui est sûr : un film français la plus grosse délocalisation du moyen, c’est une PME de 20 à cinéma français. C’est aussi le qua- 30 personnes pendant un an. Vu le trième film de cette série dont tous nombre de délocalisés, ce sont donc les épisodes ont été délocalisés pour au moins 60 PME de perdues par tout ou partie. Mais le petit Gaulois an. De quoi énerver « tous les profesteigneux est loin d’être seul à s’exi- sionnels de la profession », comme ler. 70 % des films français avec un dirait Jean-Luc Godard. budget de 10 millions d’euros et Le système français finance désorplus sont cette année tournés à mais la croissance des autres pays l’étranger. Bien sûr il y a quelques européens. Les financements auto(très rares) films qui ont besoin matiques du CNC, issus des taxes d’être tournés à l’étranger. Jean- sur les billets, représentent entre Pierre Jeunet vient de tourner 30 % et 40 % des budgets de pro- 70 % L’enquête 13 vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE uvé la potion magique : les paradis fiscaux cinématographiques européens pas très français Film d’animation réalisé par le studio Mikros pour M6, Le Domaine des dieux est 100 % français. ©2012 les Éditions Albert René / Goscinny-Uderzo ©2012 M6 Studio « duction des films français. Et cela, comme pour Astérix, sans aucune condition de localisation : le film peut être tourné n’importe où dans le monde et n’employer aucun Français, à condition qu’il parle français ! Le système assure désormais la croissance du cinéma belge et hongrois. l’Astérix de m6 : un projet 100 % français L’industrie du cinéma est en croissance partout dans le monde, la France est techniquement l’un des pays les mieux placés pour en bénéficier et cela ne se passe pas bien. Les exemples de l’animation, des effets spéciaux et de la 3D sont patents. Il existe ainsi un autre Astérix, actuellement en production, que mijote le studio Mikros pour M6. C’est l’Astérix « vertueux », français à 100 %. Le budget du Domaine des dieux, réalisé par Louis Clichy, est moins de deux fois celui de l’autre Astérix. Le producteur, M6 films, avait donc certainement moins à gagner que Missonnier et Delbosc à une délocalisation. Surtout, il s’agit d’un film d’animation en 3D, domaine dans lequel les Français sont réputés. Enfin, M6 affiche une volonté politique claire de produire français. Le Domaine des dieux, ce sont 200 emplois, essentiellement à Levallois-Perret. Mais ce type de production est de plus en plus rare. Gilles Gaillard, le directeur général de Mikros Image, explique : « Je ne reçois plus une commande de films sans que l’on me demande de c alculer dans le même temps les meilleures hypothèses de financement et d’optimisation fiscale dans quatre ou cinq pays différents, Inde comprise. Les producteurs ont compris que depuis qu’il y avait Internet et que l’on pouvait tout dématérialiser, la localisation d’un film d’animation n’avait aucune importance. Seuls comptent la qualité technique du studio retenu et les gains fiscaux. Je fais donc autant de 3D que de conseil en financement. » Quand Gérard Depardieu jouait Obélix pendant la journée en Irlande, les images étaient travaillées le soir en France et au Canada, et le lendemain matin tout était fini. Le souci est que Mikros Image, pour ne pas perdre de commandes, s’est aussi délocalisé : filiales à Liège, Bruxelles, Luxembourg et Montréal pour être présente dans chaque eldorado fiscal. Ce serait une faute industrielle de ne pas le faire. à Montréal, les crédits d’impôts sont de 25 % pour l’animation Le premier financement d’un film, c’est le CNC. Le deuxième, ce sont les télévisions. Il ne serait pas illogique de territorialiser cette dépense publique. » Gilles Gaillard, directeur général de Mikros Image, qui prépare un autre Astérix pour m6. sion publique [France 2 et France 3 sur Astérix et Obélix au service de sa majesté, ndlr], constate Gilles Gaillard. Il ne serait pas illogique d’associer un critère de territorialisation à cette dépense publique. » Car la Belgique se sert de cette manne pour financer les studios ou des écoles de formation aux métiers du cinéma, alors qu’il y a quelques années encore, elle faisait venir bon nombre de techniciens français pour les tournages attirés avec ses cadeaux fiscaux. C’est un vrai gâchis pour l’industrie française. Combien de millions sont perdus chaque année ? et de 20 % pour les effets spéciaux, auxquels s’ajoute une aide fédérale de 15 %. Et tout peut se cumuler. Au final, le Canada est encore plus intéressant que la Belgique : le système de tax shelter belge amène des rendements réels de 25 à 30 % auxquels peuvent s’ajouter les aides publiques belges mais on finit rarement à plus de 50 % d’économies. L’Irlande est du même ordre, et depuis peu, l’État de New York s’est aussi mis aux soldes fiscales. Big Apple faisait 30 % de ristourne, depuis juin c’est 40 % ! Non seulement les Français ne peuvent pas lutter mais le système permet aux Belges, Hongrois, Tchèques et Irlandais de construire les industries techniques qui leur manquent. « Le premier financement d’un film, c’est le CNC, donc une taxe parafiscale publique. Le deuxième, ce sont les télévisions, dont souvent la télévi- Le savoir-faire ne suffit plus À cela s’ajoute le fait que les systèmes belge ou canadien évoluent pratiquement en temps réel pour casser les prix. « Notre avantage, c’est le savoir-faire », explique Philippe Sonrier de Mac Guff, le gros studio d’animation parisien qui, en 2012, emploie entre 400 et 500 personnes. « Mais notre savoir-faire, ça tient de moins en moins face aux cadeaux fiscaux de 40 %. Aujourd’hui, notre qualité technique nous permet de passer si l’on ne fait que des petites réductions de 10 % sur les budgets. Tous ceux qui ont trop cassé les prix dans le secteur, se sont scratchés. » Pour autant il y a la réalité : Mac Guff vient de sortir Kirikou, entièrement fait maison ; mais sur ses cinq films en discussion avec des producteurs, un seul serait, pour l’instant, fait en France. Que fait la Commission européenne ? Pourquoi ne met-elle pas le holà à ce dumping fiscal ? « C’est horriblement compliqué », explique Thierry de Segonzac, le patron de la Fédération professionnelle des industries techniques qui se prépare à de rudes négociations dans les prochains jours à Bruxelles. « D’abord parce ce que nous autres, les Français, devons jouer “low profile”. Nos comptes de soutien, nos obligations d’investissements, tout cela est tangent avec la Commission car elle cherche à remettre à plat le système des aides d’État. Dans le même temps, elle a l’intention de supprimer le critère de territorialisation dans le système des crédits d’impôt ou de tax shelter. » En clair, une production française pourrait aller chercher du « tax shelter » en Belgique et revenir tourner en France. Mais rien n’est fait et la France n’est pas franchement majoritaire sur la question. q 14 entreprises & innovation LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 Ces patrons qui osent « libérer » leurs salariés anti-management Persuadés que le meilleur moyen pour rester compétitifs est de responsabiliser leurs troupes, certains chefs d’entreprise ont fait le pari de lâcher la bride à leur personnel. Visite guidée dans ces laboratoires de ressources humaines qui affichent des performances très convaincantes. V Sophie Péters u de loin, de très loin, on pourrait croire au monde des « bisounours ». Ou à une énième élucubration managériale dont les consultants auraient le secret. Mais de management, point. Il est justement question de s’en libérer. Qu’elles s’appellent Chronoflex à Nantes, Flavi à Hallencourt en Picardie, Poult à Montauban, ou encore Lippi à Mouthiers-sur-Boëme en PoitouCharentes ou Usocome à Haguenau, ces entreprises tendent à considérer leurs salariés comme des adultes responsables et non comme de bons petits soldats… Elles suivent en cela leurs modèles, des géants mondiaux parfois, qui ont pour nom Harley-Davidson, Sun Hydraulics, ou encore W.L.Gore et Southwest Airlines. des leaders choisis par les salariés eux-mêmes La plupart de ces entreprises n’ont pas de parking réservé à la direction, ni de bureaux plus spacieux pour les cadres. Certaines ne regroupent pas leurs collaborateurs par service… mais par client. Beaucoup ne disposent plus, depuis longtemps, d’une pointeuse. La plupart autorisent les salariés à fixer leurs propres emplois du temps et certaines n’ont plus aucun manager, ni titres, ni grades. Les salariés choisissent leurs leaders, définissent eux-mêmes la description de leurs postes. Ces entreprises ont plusieurs points communs : des retours sur investissement élevés, un taux de rotation de leurs salariés extrêmement bas et surtout, surtout, la considération et le respect qu’elles donnent à leurs salariés. « Ici, on les écoute au lieu de leur dire quoi faire. On leur transmet toutes les informations sur la marche de l’entreprise leur permettant de prendre collectivement les meilleures décisions. On encourage la prise de risque sans avoir recours aux carottes et aux bâtons », résume Jean-François Zobrist, l’ancien patron de Favi, devenu leader mondial en fonderie souspression d’alliages cuivreux. Entré chez Favi en 1971, Jean-François Zobrist constate qu’il n’y a « pas de performance sans bonheur », et « Il n’y a pas de performance sans bonheur, et il n’y a pas de bonheur sans responsabilité. » Jean-François Zobrist, ancien patron de favi, leader mondial en fonderie d’alliages cuivreux « pas de bonheur sans responsabilité ». Il décide de lâcher la bride à ses ouvriers en supprimant les échelons hiérarchiques. Ces derniers s’organisent en « mini-usines » dédiées à chaque client. Le « leader » de chaque mini-usine, ancien ouvrier expérimenté, n’impose aucune directive à son équipe sans en expliquer l’origine, le « pourquoi ». Il les laisse en revanche libres du « comment », chacun trouvant alors des améliorations. Libres aussi des cadences, qui, du coup, s’envolent du fait de leurs nouvelles responsabilités. Tous ceux qui rencontrent un problème et trouvent une solution l’appliquent. Pas besoin d’en parler avant pour demander l’autorisation, ni après pour obtenir des remerciements. Le leader n’a, dans cette organisation, que des fonctions d’assistance. Et ça marche comme ça depuis déjà plus de dix ans, Favi ayant évité la crise des équipementiers automobiles avec un cash flow positif à deux chiffres et des parts de marché en Europe, passées de 50 à 70 % en 2009. Quant à Jean-François Zobrist, il est devenu une « figure » et raconte sa démarche au sein des réseaux APM et Germe, sortes de pépinières des patrons libérateurs, avec des formules à la Audiard : « Il y a le même taux d’imbéciles chez les ouvriers que chez les ingénieurs, mais les seconds coûtent plus cher » ; et aussi : « Les chefs de service s’ennuient, alors ils passent leur temps à emm… les ouvriers » ; ou encore : « RH pour moi, c’est rendre heureux et pour ça, pas besoin d’un DRH. » Aujourd’hui, son expérience est largement relayée par un autre « évangéliste », Isaac Getz, professeur à ESCP Europe et auteur de Liberté & Cie, quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises, (éd. Fayard, 2012, 22 euros) avec le journaliste du Wall Street Journal, Brian M. Carney. « Les rh ne s’occupent que de la surface des choses » Pendant quatre ans, Isaac Getz se passionne pour ces entreprises qui ne connaissent pas la crise et où les salariés coulent une vie professionnelle épanouie. Au terme de son enquête, il cherche à démontrer que la liberté donne de meilleurs résultats que le caporalisme : « L’exercice d’un contrôle autoritaire s’accompagne d’une multitude de coûts cachés qui ne pèsent pas seulement sur les bénéfices, mais Repères Une démarche pas si nouvelle 1957 ( Mac Gregor défendait avec sa théorie « Y », l’autoréalisation et l’autodirection en tant que besoins fondamentaux. années 1970 ( En France, Jean-Christian Fauvet, le patron de Bossard Consultant, expliquait déjà comment les bureaucraties hiérarchiques conduisaient inévitablement à des conflits et à la sous-performance. Et R.Townsend publiait aux États-Unis en 1970 (et en France en 1991) Au-delà du management : comment empêcher les entreprises d’étouffer les gens et de bloquer les profits (éd. Arthaud). 2003 ( L’ouvrage de Shiba, Graham et Walden, TQM : les quatre révolutions du management (éd. Dunod), poursuivait le même chemin. 2012 ( Publication de l’ouvrage d’Isaac Getz, Liberté & Cie, quand la liberté des salariés fait le bonheur des entreprises (Fayard). Avec la crise, l’intérêt porté à cette approche qui conjugue performance de l’entreprise et bien-être des salariés prend de la vigueur. Le principe de Kawakita, une référence « Si tu veux faire traverser une rivière aux gens, d’abord fais-les rêver sur la beauté de l’autre rive, puis veille à ce que personne n’ait peur de l’eau, et seulement quand plus personne n’a peur, apprends-leur à nager et alors ils traverseront tout seuls. » Une manière poétique de dire que les salariés ne s’opposent pas forcément au changement, mais à ce qu’on les change. sur la santé des employés […] La grave erreur des bureaucrates est de s’imaginer que, parce qu’une chose s’appelle règle, elle est préférable à un arrangement moins formel. D’autant que la plupart de ces règles ne se bornent pas à saper le moral des salariés : elles empêchent la grande majorité d’entre eux de faire ce qui conviendrait. » Carlos Verkaeren, PDG depuis dix ans des biscuiteries Poult (230 millions de CA, 1 700 personnes dont 800 en France), en est persuadé : « Les RH ne s’occupent que de la surface des choses. En enquêtant auprès des multinationales plus résilientes que les autres, je suis arrivé à la conclusion que le seul avantage concurrentiel, c’est la façon d’organiser le management. » En 2006, il arrête pendant deux jours l’usine de Montauban et réunit les 800 salariés pour travailler sur leur vision de l’entreprise. Ils déterminent alors eux-mêmes leur organisation (planning, ligne de production, congés, etc.) et suppriment deux échelons hiérarchiques. « Depuis, l’usine fonctionne avec une productivité accrue et le résultat opérationnel a doublé en deux ans », constate Carlos Verkaeren. Pour lui, le secret d’une bonne organisation consiste à faire coïncider l’intérêt des salariés et celui de l’entreprise. Chez Poult, ni titres, ni organigramme mais juste des communautés d’expertise et un comité de pilotage pour étudier les rémunérations et les recrutements. Au final, un management à la scandinave, où l’on privilégie les moyens sur les objectifs, et où la liberté se paye par entreprises & innovation 15 vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE L’humour hisse pavillon haut dans les locaux du centre d’appels IMA Technologies. [DR] Entre deux prises de tête bien techno, le bon vieux baby-foot de IMA Technologies remporte un succès incontesté. [DR] focus Donner de l’autonomie ? Un vrai acte d’autorité ! Les quatre étapes pour libérer son entreprise, selon Isaac Getz, professeur à ESCP Europe : 1 / Arrêtez de parler, commencez par écouter et mettez-vous au même niveau que vos employés. 2 / Partagez votre vision de l’entreprise ouvertement afin que tous les employés aient la responsabilité et un engagement collectif. « L’entreprise n’est pas rose tous les jours, mais les salariés sont plus heureux car ils sont très investis », convient le président qui avoue avoir lui-même dû « lâcher prise » non sans difficulté et laisser les salariés décider. l’abandon des symboles statutaires du pouvoir « Lâcher prise » ? C’est la clé de ces transformations menées par ces patrons. En supprimant toute surveillance au profit de l’autoorganisation du personnel, ils ont décuplé la motivation au prix d’un intense effort sur leur rapport au pouvoir. à l’instar d’Alexandre Gérard, le fondateur de Chronoflex. En 2009, très inquiet de la baisse d’un tiers de l’activité, il la capacité de se l’approprier. 3 / Arrêtez d’essayer de motiver les gens, mais construisez un environnement qui leur permette d’évoluer et de s’autodiriger. 4 / Pour maintenir la liberté de votre entreprise, soyez-en le garant par une vigilance de tous les instants. croise le chemin de Jean-François Zobrist et Isaac Getz. Il en ressort convaincu que le salut de son entreprise passe par son changement… à lui ! En quelques mois, il « nettoie » tous les signes de pouvoir (plus de parking, ni de grand bureau, ni de titre ronflant), histoire de commencer par créer un langage commun. Puis, il réunit le personnel et laisse émerger les solutions. Des sortes d’universités permanentes se mettent en place, chacun formant son voisin sur ce qu’il sait faire, afin de monter en compétences tous les collaborateurs. Les primes sont décidées collectivement et partagées par le groupe. Le management intermédiaire n’existe plus. Il sert de « ressource » à la façon des porteurs d’eau. « Il n’est pas question de dire “faites ce que vous voulez”, ni même “faites ce qui vous paraît le mieux”, car sans orientation tout le monde se mettra à faire ce qu’il estime le plus utile pour l’entreprise, quitte à être en contradiction avec la vision globale. Pire encore, les gens risquent de se mettre à agir dans leur propre intérêt et non dans celui de la société. La liberté au travail, ce n’est ni la hiérarchie ni l’anarchie. Juste un environnement au sein duquel les salariés se motivent tout seuls », explique Alexandre Gérard. Aux « managers » de comprendre ce qui entrave le fonctionnement et d’y remédier pour que les salariés puissent s’autodiriger. Poussant la logique de libération de son entreprise à l’extrême, il vient de partir pendant un an faire le tour du monde en famille. Et s’est pré- Pour qui veut s’atteler à cette nouvelle forme d’organisation du travail, il ne s’agit pas de supprimer des échelons hiérarchiques et de troquer un 4x4 contre une 2 CV, ni de lâcher la bride et de dire en substance aux équipes « débrouillez-vous ». Le chemin est long, exigeant et semé de chausse-trappes. À commencer par la résistance et la méfiance de salariés habitués à « obéir » et à appliquer des procédures. Quand ce n’est pas le patron qui se voit soupçonné de délit de démagogie. « Il est très délicat de s’interdire de décider quand tout le personnel estime que l’on détient la solution. Et dès que le patron relâche l’emprise d’autres tentent de s’en emparer. Le plus difficile c’est la phase de transition. Tout le monde continue à venir voir le patron. Mon premier problème, c’est la tentation de résoudre », admet Frédéric Lippi. Fabricant de grillages et de clôtures, la PME familiale (260 personnes, 40 millions d’euros de CA) qu’il reprend peu à peu avec son frère Julien est engagée dans la démarche. « Nous créons les conditions pour que les choses se fassent. En période de crise, l’auto-organisation coûte moins cher et rapporte plus à tous points de vue », estime Frédéric Lippi. « Ceux qui n’aiment pas manager pensent que l’autonomie c’est plus facile. C’est l’inverse, renchérit Michel Long, dirigeant de Mecabor. N’importe qui peut faire appliquer des ordres. Mais faire preuve de clairvoyance, d’attention de chaque instant et de souplesse n’est pas donné à tout le monde. C’est un nouvel apprentissage quotidien. » q s. P. paré avec son coach en revisitant ses croyances. à commencer par celle qui voudrait « qu’il se saigne au boulot pour que tout marche bien ». « Le premier frein, c’est moi, reconnaît Alexandre Gérard. J’ai compris la différence entre “avoir le pouvoir de faire les choses” et le “pouvoir sur” les gens. » l’étonnante modernité des fables de la fontaine La nuance est bien là. Pour Isaac Getz, « tant que le siège de la décision est occupé, les managers obéissent sans trop réfléchir. Quand il est vide, le terrain le remplit. Si on laisse aux salariés le pouvoir de résoudre un problème, ils trouvent la solution eux-mêmes. Sinon ils appliquent… mais sans conviction ». Ce chantre de la libération compare les entreprises au chêne et au roseau de La Fontaine : les chênes, adeptes du commandement et du contrôle, souffrent aujourd’hui du vent de la crise quand les roseaux, acquis à l’initiative individuelle, s’adaptent. Au final, l’agilité d’une entreprise est déterminée par son leadership : « Pour atteindre la performance forte et durable qu’ils visaient, ces patrons ont renoncé à agir sur l’homme (à le contrôler, le motiver, le manager) et préféré agir sur son environnement pour que ce dernier le nourrisse », résume Isaac Getz. Mais avec deux cartes maîtresses, la transparence et la confiance, dans un jeu qui implique les salariés. Cela leur inspire une automotivation qu’aucun chèque ne produira jamais. q 16 entreprises & innovation LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 Depuis quinze ans, en Bretagne, le chercheur Franck Zal, fondateur de la société Hemarina, s’intéresse à l’entreprise l’hémoglobine du ver marin arénicole. Composé de molécules géantes extracellulaires, le sang de l’animal de la semaine favoriserait l’oxygénation des cellules, ainsi que la cicatrisation et la réparation des tissus… L’hémoglobine des vers marins transformée en or rouge C Frédéric Thual ela pourrait ressembler à un remède miracle. Pour les grands brûlés, pour des hémorragies post-blast dues à l’effet de souffle des explosions, pour des infarctus du myocarde, pour des anémies provoquées par des maladies orphelines d’Amérique latine et d’Afrique, pour la préservation, le transport et la transplantation de tissus, de greffons ou d’organes (reins, foie, cœur, cornée…), etc. Si les applications sont légion et l’idée un peu folle, elle n’a, cependant, pas échappé aux millions f i n a n c e u r s d’euros, (Inserm Trans- c’est la levée fert Initiative, de fonds F i n i s t è r e récemment réussie par Angels, Armor Hemarina, lors Angels, XMP et d’un deuxième Arkéa Capital tour de I n v e s t i s s e - financement. ment) de la start-up bretonne Hemarina, qui vient d’effectuer une levée de fonds de 6,3 millions d’euros lors d’un deuxième tour de financement, où vient d’entrer Maurice Lesaffre représentant d’un fonds privé familial, doté d’une expérience internationale et industrielle dans le domaine de l’agroalimentaire. Depuis sa création en 2007, l’entreprise multiplie les soutiens (le bio-booster breton Capbiotek) et les récompenses liés à l’innovation. Repères LES CHIFFRES 3 000 ( C’est le nombre d’emplois générés en Bretagne par l’industrie des biotechnologies. Elle aurait généré un CA de 150 millions d’euros en 2010. 114 ( C’est, en milliards de dollars, l’estimation du marché biopharmaceutique mondial, en 2011. LA TENDANCE Les biomédicaments ( Ils constituent le principal moteur de la croissance du marché pharmaceutique (+ 11 % par an). 70 % des produits thérapeutiques développés dans le monde proviennent des biotechnologies. Les biotechs ( Elles ont généré l’émergence de 155 molécules de nouveaux médicaments au cours des dix dernières années. Les biomolécules représentent 18 % des nouvelles mises sur le marché. 6,3 50 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine Un million d’euros en fonds d’amorçage, une première levée de fonds de trois millions d’euros et une deuxième cette semaine. Chacun y va de son concours pour soutenir les recherches de Franck Zal, chercheur en océanographie biologique à la station de Roscoff, qui voulait comprendre comment Il faudra encore 5 à 8 ans de recherches pour un développement clinique des vertus de l’hémoglobine d’arénicole. [DR] le ver arénicole enfoui sous les sables des plages bretonnes peut-il continuer à respirer quand la mer monte ? L’observation du système vasculaire et respiratoire du ver lui a permis de mettre en évidence un agent transporteur d’oxygène extra-cellulaire. Une molécule géante de 3,6 millions de daltons (unité de masse des atomes unifiée) comparés à la centaine de milliers de daltons d’une molécule humaine. Contrairement à l’hémoglobine humaine, celle-ci vit en dehors des cellules et surtout transporte 50 fois plus d’oxygène. Ce sera la naissance d’Hemarina Une molécule géante Le ver marin arénicole (de aréno, « sable », et cole, « qui habite ») se loge jusqu’à 40 cm de profondeur dans le sédiment sableux. Grâce à une molécule « géante » de 3,6 millions de daltons (unité de masse unifiée des atomes), son hémoglobine transporte 50 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine. C’est ainsi qu’il « respire » même enfoui dans le sable, à marée haute. qui a, depuis, déposé dix brevets. Deux autres sont en attente. L’entreprise a obtenu une licence exclusive pour l’exploitation de cet agent transporteur d’oxygène – dont le brevet est détenu par l’Inserm et le CNRS-UPMC –, utilisé pour préserver les organes en attente de greffe grâce à une meilleure oxygénation du greffon. Et déploie également un activateur de croissance cellulaire aux propriétés antioxydantes, évitant notamment la production d’éléments toxiques pour les tissus vivants. Si le chiffre d’affaires reste encore embryonnaire, Hemarina réunit déjà 21 personnes, à Morlaix (Finistère). « Nous avons quatre axes stratégiques », déclare Mohammed Charki détaché par le laboratoire pharmaceutique Sanofi pour accompagner le développement du business de l’entreprise, dans le cadre d’une opération de mécénat de compétences. D’ici à la fin de 2013, la start-up voudrait en LES ACTEURS 250 ( La Bretagne compte 250 acteurs dans les biotechnologies marines. Parmi elles, 150 entreprises (Sanofi Aventis, Yves Rocher, Lactalis, etc.) et plates-formes techno adhèrent au cluster breton Capbiotek. 10e rang ( La France se situe au 10e rang mondial des producteurs d’algues, avec 71 000 tonnes (moins de 1 %), dont 90 % sont récoltés en Bretagne. Sources : étude Xerfi/Capbiotek/BDI/ Leem/biotechnologies en France. effet aboutir à la mise au point et à la mise sur le marché d’une solution capable d’accroître la durée de conservation des greffons reins en attente de transplantation. Des travaux qui pourraient alors s’étendre au foie, au rein, au cœur toxicité au niveau rénal et qu’il n’y a pas lieu d’anticiper de réactions immunitaires chez l’homme », indique Mohammed Charki. Riche en oxygène, cette solution pourrait aussi bénéficier à des maladies provoquant des pertes aiguës ou chroniques de sang, comme la drépanocytose et la bêta-thalassémie, deux maladies génétiques orphelines rencontrées essentiellement en Afrique, en Amérique du Nord et Latine. un sang universel, plus « durable » Plus largement, les vertus de l ’hémoglobine d’arénicole, compatible avec tous les groupes et rhésus, pourraient aussi pallier les problèmes des urgences et des banques de sang. Comme, par exemple, lors d’infarctus du myocarde ischémique, pour lequel une injection dans les premières heures pourrait permettre d’attendre d’avantage et de minimiser les risques de séquelles irréversibles. Autres applications : les varices, les AVC, les traumatismes post-blast… Confronté à de nombreuses pertes et séquelles irréversibles en zones de conflit, l’US Navy s’est, d’ailleurs, rapprochée de Hemarina pour soutenir et accélérer ce programme. En plus de l’accélération des cicatrisations, l’apport en oxygène promis par cette découverte devrait permettre de combattre les infections comme les abcès dentaires, la conservation des greffes, les affections diabétiques, les ulcères variqueux… Reste qu’il faudra encore de 3 à 8 ans de recherches, selon les objectifs visés et l’ambition des partenaires industriels, pour aboutir au développement clinique et à une mise sur le marché généralisée. Compte tenu des finances nécessaires, Hemarina devra changer de voilure. Jusqu’à présent approvisionnée par des fermes d’élevage britanniques et hollandaises auxquelles elle a imposé de modifier les protocoles d’élevage, l’entreprise bretonne réfléchit à la réalisation de sa propre ferme pour assurer ses approvisionnements en vers arénicole, dont quelques dizaines de kilos libèrent quelques grammes… d’or rouge. q L’hémoglobine d’arénicole permettrait de prolonger la vie des greffons en attente de transplantation. ou à la cornée. La préservation de lignées cellulaires et de tissus pourrait répondre au besoin de « bio-banking », ces plates-formes nationales et internationales de connaissances sur les tissus humain et animal. « Les résultats en phase préclinique démontrent que le procédé révèle une absence de entreprises & innovation 17 vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE Quand la Scop affronte la multinationale Leader mondial des capteurs à infrarouges, SET risque de passer dans le giron d’un groupe américano-singapourien. À moins que le projet de Scop des salariés ne l’emporte à la barre du tribunal de commerce. la techno à suivre Les transatlantiques, comme autrefois… Grâce à sa technologie de réalité augmentée immersive, Biplan fait revivre l’épopée transatlantique dans la grande rade de Cherbourg. nouveau et intéressant Paul Turenne, à Grenoble, Acteurs de l’économie D epuis la rentrée, le temps est suspendu pour les 42 salariés de SET (Smart Equipment Technology). Cette PME basée à Saint-Jeoire (HauteSavoie) attend le verdict du tribunal de commerce d’Annecy pour être fixée sur son sort. Placée en redressement judiciaire au mois d’avril, la société, considérée par la préfecture comme un dossier stratégique, voit s’affronter deux projets de reprise aux antipodes l’un de l’autre. Le premier émane d’un groupe américano-singapourien, KnS, qui emploie environ 3 000 salariés dans le monde. Le second, baptisé SET Corporation, est un projet de société coopérative et participative (Scop) porté par 37 salariés de la société, afin de conserver le savoir-faire en France. Le dossier s’avère sensible. Car SET conçoit et fabrique des machines d’hybridation de puces, qui permettent de souder avec une précision inférieure au micron des composants fragiles et de petites tailles. Elle se hisse même au rang de leader mondial pour les capteurs à infrarouges. Le tout pour des laboratoires de recherche, dont le CEA Leti à Grenoble, mais également pour des fournisseurs du ministère de la Défense. Michel Rohart, président de l’Union régionale des sociétés coopératives (Urscop), qui a accompa- Le promeneur visionne les animations sur un smartphone grâce à des puces placées le long du front de mer. [DR] à SET fabrique des machines d’hybridation de puces permettant de souder avec une précision inférieure au micron. [SET] gné les salariés dans leur montage, voit en KnS un groupe « essentiellement préoccupé par la rentabilité financière ». Et de rappeler que ce groupe n’a pris des engagements sur l’emploi que pour une durée de trois ans. « Au-delà, nous n’avons aucune certitude sur le maintien du savoir-faire en France. » un tour de table à 3 millions d’euros Alexandre Moulin, commissaire au redressement productif en Rhône-Alpes, s’étonne de ces critiques : « Nous avons travaillé pour l’amélioration des offres et n’avons pas identifié d’éléments majeurs posant un problème avec l’une d’entre elles. De manière objective et d’après les éléments en notre pos- session, il n’est pas du tout incohérent pour KnS de maintenir, loin de ses grands centres de décision, des activités de développement de produits et de production de quelques dizaines de machines par an. » Pour autant, Alexandre Moulin juge le projet de Scop « bien capitalisé et cohérent du point de vue de la stratégie ». De fait, le projet peut d’ores et déjà s’appuyer sur un tour de table consolidé de 3 millions d’euros, incluant un apport de 500 000 euros du grand emprunt. KnS, qui a apporté des améliorations de son offre à la dernière minute, provoquant pour la deuxième fois un report du jugement du tribunal, se refuse à communiquer. La décision du tribunal est attendue pour le 23 octobre. q Cherbourg (Manche), dans ce « port des Amériques » où firent escale les grands paquebots transatlantiques, le promeneur équipé d’un smartphone ou d’une tablette (mis à disposition par l’Office de tourisme) accède à des animations à l’aide d’applications qu’il télécharge ou qui se déclenchent lorsqu’il passe devant des « QR codes » ou des puces NFC (sans contact) placées le long du front de mer. Cette opération – baptisée « Le grand départ » – résulte d’un partenariat entre la ville d’Equeurdreville-Hainneville et de plusieurs sociétés, dont Biplan (1 million d’euros de CA ; 10 salariés). Parallèlement à la production de films d’entreprise et de documentaires, Biplan a renoué avec une activité de 3D qu’elle avait abandonnée, en y ajoutant la 3D géolocalisée, qui permet d’obtenir une « réalité augmentée immersive ». Pour Le grand départ, labellisé par le pôle de compétitivité TES, Biplan estime avoir montré tout son savoir-faire : films de qualité documentaires, animations en 3D, réalité augmentée, audiodescriptions pour les non et malvoyants. Lionel Guillaume, le responsable de l’innovation, l’assure : « Biplan va continuer à se développer dans la R & D et la réalité augmentée, notamment à l’international. » À Rouen, Biplan se prépare à faire un saut qualitatif avec la production en tournage 5D pour donner « un rendu cinématographique à la vidéo », selon Éric Terrier, directeur. Cofondateur de Biplan, il est aussi l’actionnaire majoritaire de la télévision locale Chaîne normande (CA : 1,5 million d’euros ; 15 salariés) qui émet sur la TNT depuis un an. Il planche sur le principe de directs événementiels et sur des synergies avec Biplan. q Claire Garnier, à rouen onvaparlerdelui Dominique Massonneau, président de M-Énergies Il met sa pêche au service de l’énergie On ne se range plus quand on a 60 ans ! Dominique Massonneau a attendu l’âge de la retraite pour créer, en 2009, M-Énergies, un groupe qui affiche aujourd’hui une progression spectaculaire dans le grand Est de la France. Directeur de Vinci Est durant vingt ans, l’industriel a eu tout loisir de préparer le terrain avant de se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat. En reprenant Solorec, entreprise de chauffage de 140 salariés installée en Meurthe-et-Moselle, alors en grande difficulté, l’ancien cadre dirigeant a choisi en connaissance de cause le marché de la maintenance des chaudières individuelles et des chaufferies collectives. « Du traitement de l’eau à la gestion des parkings, j’ai eu l’occasion d’exercer de nombreux métiers au sein du groupe Vinci. L’énergie m’est apparue comme un métier d’avenir que j’avais les moyens d’appréhender », explique Dominique Massonneau. Dûment réorganisée et chapeautée par la holding MÉnergies, l’entreprise a repris par la suite une dizaine de sociétés de moins de 20 salariés en Lorraine, en Alsace, en région parisienne et au Luxembourg. Désormais doté d’un bureau d’études spécialisé dans les nouvelles technologies du chauffage, M-Énergies, qui réalise 23 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 214 salariés, constitue aujourd’hui l’un des seuls groupes indépendants capables de concurrencer des leaders nationaux, comme Dalkia et Cofely, sur le marché de la maintenance des chaufferies collectives. Humaniste revendiqué, Dominique Massonneau a transformé ses convictions en atout. À l’heure de céder leur entreprise, les dirigeants de PME accordent volontiers leur confiance à ce sexagénaire affable qui prend le temps de broder au petit point une reprise sur mesure. Affilié au réseau « Entrepreneurs d’avenir », il croit à l’existence du bonheur au travail, dans lequel il voit le plus sûr moyen de fidéliser ses salariés. q Pascale Braun, à Nancy À l’âge où d’autres se retirent, Dominique Massonneau a créé un groupe qui a réalisé 23 millions de CA en 2012. [DR] 18 entreprises & Financement LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 Qu’elles soient coopératives de production ou de distribution, mutuelles ou encore associations, les entreprises de l’économie sociale et solidaire peinent à se financer. Elles représentent de la semaine pourtant un poids économique considérable : 2,3 millions d’emplois en France. le zoom Entreprises sociales recherchent fonds propres désespérément C Les banques coopératives : 60 % de l’activité banque de détail et plus de 21 millions de sociétaires Séverine Sollier omment trouver des capitaux pour renClassement par chiffre d’affaires en 2010 (produit net bancaire) forcer la solidité CA 2010 (filiales Nombre de financière ? Pour les Nombre de position nom de la coopérative comprises), en membres salariés 2010 entreprises de l’écomillion d’euros adhérents 2010 nomie sociale et solidaire, cette 1 GROUPE CRÉDIT AGRICOLE 34 200 6 600 000 160 000 question tourne, plus qu’ailleurs, GROUPE BPCE 23 359 8 100 000 au casse-tête. Et pour cause : ces structures n’ont pas d’action– dont Caisse d’épargne 6 772 4 300 000 2 125 000 naires, mais des sociétaires ou des – dont Banque populaire 6 236 3 800 000 adhérents qui n’ont pas forcément - dont Crédit coopératif 386,3 54 233 envie – ou les moyens – de parti3 GROUPE CRÉDIT MUTUEL 14 700 7 200 000 75 800 ciper à des augmentations de capital. Gênant pour des entreSource : Coop FR/Panorama sectoriel des entreprises coopératives (le Top 100 en 2012) prises qui représentent, selon Les banques coopératives sont structurées en trois groupes : Crédit agricole, BPCE, Crédit l’Insee, près de 10 % de l’emploi mutuel. Ils maillent l’ensemble du territoire avec les 39 caisses régionales de Crédit agricole salarié en France, soit 2,3 millions et leurs caisses locales affiliées, les 19 Banques populaires, les 17 Caisses d’épargne, et les de personnes, et 8 % des salaires 18 fédérations de Crédit mutuel avec leurs caisses locales. (lire encadré ci-dessous). Pour les aider à croître et à embaucher, l’idée de créant des « certificats mutualiste. Pourquoi si vite ? Le vention des fonds de capital invesl’actuel gouvernement mutualistes ». Ils sont sort de l’assureur Groupama, tissement est limitée », observe serait d’aménager des instruments financiers directement inspirés des confronté depuis un an à la néces- Patrick Lenancker. Ils ne peuvent des emplois spécifiques. Les détails salariés, en certificats coopératifs, qui sité de renforcer ses fonds propres, en effet pas miser sur la plus-value devraient figurer dans le France, sont permettent aux banques en aurait été certes grandement réalisée à la revente – comme projet de loi relatif à occupés dans coopératives de vendre à amélioré, explique ce même dans une transaction habituelle – l’économie sociale et une structure leurs clients des parts mutualiste. Mais ni les mutuelles pour se rémunérer, car les parts solidaire prévu pour le de l’économie sociales sur lesquelles ils ni même le Trésor ne semblaient sociales d’une Scop restent tousociale et premier semestre 2013. solidaire, selon touchent un intérêt dont prêts à aller si rapidement. jours à leur valeur nominale iniDe leur côté, les mutua- l’insee. le montant est fixé tiale. Pour palier l’absence d’interlistes ont bien failli bénéannuellement. « Mais le un instrument financier vention des fonds traditionnels, les Scop ont donc mis en place accessible à tous ficier d’un traitement gouvernement nous a spécial. Au cœur de l’été, le gouver- demandé de nous prononcer sous Car pour les assureurs mutua- leurs propres structures, en partinement a soumis aux fédérations 48 heures. Il voulait créer ces certi- listes, il ne s’agit pas simplement culier, la Socoden ou Société coode mutuelles un projet de texte ficats de toute urgence », raconte un d’ajouter une nouvelle possibilité pérative de développement et à la liste prévue par le Code des d’entraide, alimentée depuis quaFOCUS assurances, mais de créer un nou- rante ans par une cotisation vel instrument financier, acces- annuelle de toutes les Scop. Ses sible y compris aux petites entités, prêts participatifs peuvent être qui pourrait être comptabilisé comme des fonds propres « durs » selon les nouvelles normes pruLes acteurs de l’économie sociale et solidaire regroupent dentielles de Solvabilité 2. Il reste des coopératives, des mutuelles, des institutions de préà déterminer si ces titres seraient voyance, des associations et des fondations exerçant réservés aux seuls sociétaires (les dans des domaines très divers : agriculture, sanitaire et clients) ou également à des invessocial, enseignement, hospitalisation, banque et assutisseurs institutionnels. rance mais aussi agroalimentaire, commerce de gros ou Une réflexion est menée en bâtiment, etc. Les coopératives géantes comme les parallèle du côté des Scop, ces Hypermarchés Leclerc (37,8 milliards de chiffres d’afsociétés coopératives et particifaires en 2011 et 96 000 salariés) ou le Crédit agricole patives dont les salariés sont les complétés par l’Institut de déve(35,1 milliards d’euros de produit net bancaire en 2011, associés majoritaires. Certes, loppement de l’économie sociale 160 000 salariés) n’ont évidemment pas les mêmes pro« quand elles gagnent de l’argent, (Ides), créé en 1983 par des blèmes d’accès aux ressources financières que les Scop les Scop mettent en moyenne 40 % grandes banques coopératives et industrielles de taille moyenne ou les petites associations de leurs bénéfices en réserve dans mutuelles, mais aussi l’État et la locales. Mais elles ont en commun quatre grands prinl’entreprise », explique Patrick Caisse des dépôts. Lorsque les cipes : une gouvernance démocratique (une personne = Lenancker, président de la confé- montants rassemblés restent trop une voix, quel que soit l’apport en capital ou en temps de dération générale des Scop (CG faibles, il faut chercher d’autres travail) ; la solidarité (pas d’appropriation individuelle Scop). Mais parfois, ce n’est pas soutiens. À défaut, les acteurs de des profits) ; un projet collectif avec une gestion indésuffisant, notamment dans les cas l’économie sociale sont amenés à pendante ; la libre adhésion. q de rachat d’une entreprise de créer des filiales de statut privé taille intermédiaire. Or « l’inter- « traditionnel ». Les groupes coo- 10 % L’impératif démocratique pératifs bancaires et agricoles doublent ainsi leurs effectifs dans des filiales extérieures à l’économie sociale. Si la banque publique Oséo et le FSI (Fonds stratégique d’investissement) ne sont en théorie pas fermés aux Scop, leur accès reste en pratique malaisé. Elles misent donc aujourd’hui sur la perspective de fusion de ces deux structures au sein de la nouvelle Banque publique d’investissement (BPI) qui doit être officialisée le 17 octobre. Sur les 30 milliards de capacité d’investissement dont elle serait dotée, 500 millions seraient dédiés à l’économie sociale. Cette manne financière pourrait notamment être utilisée lorsque la valeur de l’entreprise est si élevée que la reprise par les salariés ne peut s’opérer en une seule fois. L’investisseur public serait donc détenteur de parts sociales pendant 5 ou 10 ans, le temps pour les salariés de monter dans le capital grâce par exemple au réinvestissement de la totalité des excédents. La BPI soutiendrait les associations La BPI serait susceptible de soutenir aussi les associations dont la situation vacillante avec l’assèchement progressif des financements publics, en particulier dans le secteur sanitaire et social. « Le gouvernement a le projet de relancer les titres associatifs », indique Hugues Sibille, vice-président du Crédit coopératif. Cette banque historique de l’économie sociale vient justement de lever auprès d’investisseurs institutionnels 4 millions d’euros de titres associatifs pour l’association humanitaire Acted. Une opération qui reste très exceptionnelle car, faute de présenter une liquidité suffi sante et une rémunération attractive, ces titres peinent à convaincre les candidats à l’investissement. Or toutes n’ont pas la possibilité, comme les associations et fondations à forte notoriété (Médecins sans frontières, la Croix-Rouge, les Apprentis d’Auteuil, etc.), de faire appel à la générosité des particuliers. q Les Scop ont créé une structure d’entraide alimentée par une cotisation annuelle. entreprises & Financement vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE L’emballage change de tête Objectif d’Olivier Salaun, nouveau patron du spécialiste de l’emballage haut de gamme PSB Industries : atteindre une taille critique, malgré un contexte toujours plus difficile et exigeant. elle cherche de l’argent Pascale Besses-Boumard P SB Industries, le spécialiste de l’emballage sur mesure pour la cosmétique et la chimie de spécialité (245 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011) est en passe de franchir un cap. Figure tutélaire de l’entreprise, Jean-Baptiste Bosson, qui l’avait accompagné depuis ses débuts, a décidé de passer le flambeau. C’est Olivier Salaun, un L’arrivée d’Olivier Salaun est l’occasion pour la direction ingénieur de formation, ancien de redéfinir la stratégie vice-président du groupe Ahls- de l’entreprise. [DR] trom (leader mondial des matériaux haute performance à base de remettre à plat la stratégie en fibres), qui lui succède. Un vigueur et déterminer les axes à tournant hautement symbolique, privilégier. Une chose est sûre : le tant Jean-Baptiste Bosnouvel homme fort de la son a imprimé sa marque société envisage de dans cette entreprise. poursuivre le rythme de PSB Industries repose croissance enregistré aujourd’hui sur trois millions jusqu’à présent, tout en piliers : l’emballage pour d’euros. C’est ayant recours à des opéles produits cosmétiques le résultat net rations de croissance externes et internes. (activité historique de la de l’entreprise société), l’emballage sur en 2011. Pour maintenir ses parts mesure (notamment de marché et répondre pour le secteur agroalimentaire) aux attentes de ses clients et la chimie de spécialité, dernière (notamment les leaders mondiaux branche très pointue et réalisant de la cosmétique), l’entreprise se les meilleures marges. doit, de fait, d’être sur tous les L’arrivée d’Olivier Salaun devrait fronts et offrir les systèmes les être l’occasion pour la direction de plus innovants. 11,4 Le gearing actuel de PSB (l’endettement net mesuré par rapport aux fonds propres) est aux alentours de 100 %, soit le maximum autorisé par les analystes financiers. La dette ne représente toutefois que deux fois le résultat opérationnel (l’Ebitda), quand la communauté financière estime qu’un multiple de trois fois est tout à fait tolérable. Du coup, Olivier Salaun compte bien utiliser ce levier pour négocier avec ses banques de nouvelles options en cas de besoin. Un volume d’activité en hausse de 8,1 % en 2011 Jusqu’à présent, PSB Industries a toujours très bien géré les périodes difficiles en anticipant au maximum les contractions d’activité. En 2011, le résultat net du groupe a progressé de 7,8 % à 11,4 millions d’euros pour un volume d’activité en hausse de 8,1 % (+25 % en 2010). Les investisseurs se montrent d’ailleurs assez confiants sur le potentiel de la société puisque l’action s’adjuge plus de 32 %. Reste à savoir si le nouveau patron va vouloir se concentrer sur un ou deux métiers pour éviter de s’éparpiller au moment où la course à la taille critique n’a jamais été aussi dure. q Quatre cents patrons mutualisent leurs capitaux le bon « Agregator Capi- plan tal. » Il ne s’agit pas là du nouveau film de science-fiction de James Cameron, mais d’un fonds d’in- vestissement très particulier, qui vient d’apporter – aux côtés de LBO France – quelque 10 millions d’euros à Materne Mont-Blanc. Cet investissement dans le célèbre fabricant picard de crèmes dessert illustre bien le fonctionnement pour le moins original d’Agregator Capital. En 2005, Michel Laroche, président de Materne MontBlanc, avait rejoint Agregator Capital qui, à l’époque, n’était pas un fonds d’investissement, mais un « club » d’entrepreneurs français créé trois ans plus tôt par les fondateurs du réseau social Viadeo. Pour la plupart installés en région, les entrepreneurs membres d’Agregator Capital sont associés les uns aux autres via un fonds mutualisé. Concrètement, chacun d’entre eux apporte à ce fonds une partie du capital de sa propre société, et reçoit en échange une part du fonds. L’idée étant de permettre aux entrepreneurs de diversifier leur patrimoine. Ce « club » d’entrepreneurs a décidé d’aller plus loin en 2008, en lançant un fonds d’investisse- Un club d’entrepreneurs français devenu, en 2008, fonds d’investissement. ment, baptisé lui aussi Agregator Capital. Abondé par les 400 entre preneurs, ce fonds investit dans leurs sociétés, dont les valorisations sont comprises entre 5 et 100 millions d’euros. Agregator Capital intervient en tant qu’actionnaire minoritaire, sur les différents segments du private equity, du capital-risque au LBO (leverage buy-out : acquisition par endettement), en passant par le capital-développement. C’est précisément pour se développer à l’étranger et recruter 200 collaborateurs que Materne Mont-Blanc avait besoin de 10 millions d’euros. Une somme que le groupe a trouvée auprès de son actionnaire principal, le fonds LBO France, mais également auprès d’Agregator Capital, le patron de Materne faisant partie des entrepreneurs actionnaires du fonds. Outre Materne Mont-Blanc, Agregator C apital détient, par exemple, des participations dans AD4Screen (marketing), NovaWatt (énergie) ou bien encore Star’s Service (logistique). Le système fonctionne si bien qu’Agregator Capital va lancer un deuxième fonds, dans les prochaines semaines. Lequel sera, lui aussi, souscrit par « le club des 400. » q Christine Lejoux 19 20 territoires / france LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 La municipalité de Berck met en avant l’attractivité que représente le casino pour la ville. [pixpalace] Les casinos du groupe Partouche (ici, celui du Touquet) ont enregistré une baisse de 3,3 % de leur CA en juillet 2012 par rapport à la même période de 2011. [Pixpalace] Casinos / Rien ne va plus sur les bords de la Manche tapis ou banqueroute ? Deux nouvelles autorisations d’ouverture ayant été récemment données dans la Somme, on comptera bientôt sept établissements de jeux sur un axe long de seulement 92 km… L Claire Garnier « es usines et les commerces ferment, mais on ouvre des casinos ! » Sandra Blachère, cogérante du casino municipal de Cayeux-sur-Mer (Somme) et ancienne coproductrice de l’émission La Classe, de Guy Lux, fait allusion aux deux nouveaux casinos autorisés dans la Somme en 2012 par Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur, situés à Mers-Les-Bains et à Fort-Mahon. « On n’est pas à Las Vegas, ici ! » soupire un élu « Nous avons maintenant des casinos très rapprochés les uns des autres. Où est-ce que l’on va trouver les nouveaux joueurs ? » Des casinos très rapprochés, c’est le moins que l’on puisse dire : un casino au Tréport (Seine-Maritime), un à Mers-Les-Bains (Somme) qui vient donc d’ouvrir, un à Cayeuxsur-Mer (Somme), un à FortMahon (Somme) dont l’ouverture est prévue pour juin 2013, un à Berck (Pas-de-Calais) et deux au Touquet (Pas-de-Calais). « C’est aberrant d’avoir autant de casinos dans un mouchoir de poche, avec la baisse du pouvoir d’achat. On n’est pas à Las Vegas ici ! » soupire le premier adjoint à la mairie de Cayeux, Bernard Blouin. Au chapelet de casinos entre Le Touquet et Le Tréport, il faut encore ajouter les établissements voisins de Dieppe et de ForgesLes-Eaux, en Seine-Maritime, et un peu plus loin ceux de Lille et de la côte normande… Sans oublier le casino de l’unique station thermale d’Île-de-France, Enghien-lesBains (Val d’Oise), premier casino de France, pas si éloigné. Sandra Blachère qui a bâti son affaire en vingt ans avec sa famille estime que ces nouvelles autorisations « risquent d’envoyer certains casinos au tapis. Les petits finiront par être mangés par les plus gros ». Du fait de l’engouement des jeux en ligne, les casinotiers français sont aux abois, qu’ils soient de grands groupes ou de petits indépendants. Le dernier exercice montre une légère augmentation de leur chiffre d’affaires, mais cette dernière n’était due qu’à quelques établissements, la moitié enregistrant une baisse d’activité. Ainsi, le chiffre d’affaires des casinos du groupe Partouche affichait en juillet 2012 une baisse de 3,3 % par rapport à la même période de 2011. Dans un communiqué, le groupe faisait état d’une « grande morosité dans le secteur au cours des deux derniers trimestres » et annonçait que les « prévisions de l’exercice 2012 ne pourraient être tenues ». Le casino de Cayeux-sur-mer (3,8 millions d’euros de chiffre d’affaires, 25 salariés) a fait ses calculs. Avant l’ouverture de son concurrent de Mers-Les-Bains en septembre 2012, il enregistrait déjà une chute de son chiffre d’affaires de 10 %. Pour autant, il ne fera pas de recours contre l’arrivée de ce concurrent. « Mers est une station touristique qui est fondée à ce titre à avoir un casino », explique Sandra Blachère. Mers a d’ailleurs vécu avec un casino pendant plus d’un siècle. D’autres ne sont pas aussi beaux joueurs. Le groupe JOA, qui exploite le casino du Tréport, est entré en guerre contre le casino de Cayeux (distance : 21 km) en allant coller à Cayeux des affiches publicitaires vantant le casino du Tréport ! Attaques et contreattaques entre groupes Il vient de les retirer. Il faut dire que le « danger » s’est rapproché, avec l’ouverture en septembre 2012 du casino de Mers, à 2 km du Tréport. Il a déposé un recours auprès du tribunal administratif d’Amiens contre l’arrêté ministériel autorisant ce casino. Au Tréport, ni le maire (PCF), ni le directeur du casino, ne souhaitent évoquer l’actualité. « Je ne ferai aucun commentaire sur le sujet « C’est aberrant d’avoir autant de casinos, avec la baisse du pouvoir d’achat. » Bernard Blouin, 1ER Adjoint au maire de clayeux (somme) et le groupe JOA vous fera la même réponse », a répondu à La Tribune Jean-Marie Grosse, le directeur du casino. Sébastien Guivarch, le propriétaire du bowling qui accueille le casino de Mers, éclate de rire : « Le groupe JOA nous attaque, mais il ne veut pas que cela se sache ! Il nous a d’abord attaqués en référé et a été retoqué. » Et ce qui ne manque pas de piquant, pointe-t-il, c’est que « le groupe JOA est lui-même attaqué par Partouche pour sa nouvelle implantation de La Seyne-surMer ! » De son côté, le groupe Partouche (464 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé, dont 417 dans les casinos) attaque tous azimuts. Dans le Sud-Est, il a saisi le tribunal administratif de Toulon pour empêcher l’ouverture des casinos de Sanary-sur-Mer et de la Seyne-sur-Mer ; en Picardie, celui d’Amiens pour barrer la route à l’autorisation accordée au casino de territoires / france 21 vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE Le groupe JOA, qui exploite le casino du Tréport, a déposé un recours contre l’arrêté ministériel autorisant le casino de Mers-Les-Bains, à 2 km. [Pixpalace] Repères 2,32 milliards d'euros ( C’est le chiffre d’affaires des casinos français, du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011. 200 ( C’est le nombre actuel des casinos français, dont 197 en fonctionnement. statut ( Les casinos sont placés sous la double tutelle du ministère de l’Intérieur et du ministère des Finances. le lieu Les villes du Tréport et de Mers-les-Bains ne sont séparées que par la rivière Bresle. Elles sont si proches qu’avec l’autre voisine, Eu (Seine-Maritime), elles sont appelées « les trois villes sœurs ». Fort-Mahon plage, à 17 km. Mais Annie Partouche, PDG du casino de Berck (65 machines à sous), refuse d’expliquer sur quoi se fonde son recours. Silence radio aussi au siège du groupe. Marie-Claude Lagache, première adjointe à la ville (PS) de Berck (16 000 habitants) relativise l’âpreté de la concurrence. « Il y a déjà deux casinos au Touquet ; cela n’empêche pas les uns et les autres de fonctionner. » Elle met en avant « l’attractivité » que représentent pour Berck, son casino et son restaurant La Verrière. Animation nocturne pour les personnes âgées… La commune de Fort-Mahon Plage (1 300 habitants) est, elle, impatiente de retrouver son casino fermé en 1998, dans le sillage de l’affaire Jean-Michel Delefortrie, l’ancien directeur du casino (aujourd’hui décédé) condamné et incarcéré. La commune s’est démenée pour reprendre le dossier de zéro et décrocher le statut de « station touristique et balnéaire ». Elle a obtenu le précieux sésame en novembre 2007, ayant répondu favorablement aux différents critères, dont ceux sur l’offre hôtelière. L’étape suivante était le lancement de la procédure de délégation de service public (DSP) et le choix d’un délégataire, le groupe Viking. Ce dernier va raser l’ancien casino et le reconstruire. L’ouverture est prévue en juin 2013 avec 50 machines à sous, une table de black-jack et une le contexte Le casino de Mers-les-bains a été autorisé en février par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Claude Guéant, malgré l’avis « réservé » de la Commission consultative des Jeux. La procédure Le ministère de l’Intérieur statue sur une demande de casino après avoir reçu de nombreux documents, dont : la délibération du conseil municipal, l’étude d’impact du bowling », explique le proprié- autre emplacement. Nous en avons taire, Sébastien Guivarch, qui a proposé un autre, mais aucun cangrandi dans les machines à sous, didat n’a répondu. Nous avons donc puisque son père était, il choisi la seule proposition y a dix ans, le propriéqui nous était faite. » taire du casino d’en Que les communes face… au Tréport ! Le défendent leurs casinos, complexe bowling- de leur CA, cela se conçoit bien. La loi prévoit en effet que casino de Mers se trouve c’est le minimum en lisière du « Parc com- que les casinos les casinos reversent un mercial des grands doivent minimum de leur chiffre marais », où est installé reverser à d’affaires (7,5 %) à la la commune commune qui les Auchan. accueille. Le pourcenUn casino en bordure qui les accueille. de zone commerciale, tage (souvent autour de aller au casino en sortant voilà qui n’est pas très 10 %) se négocie dans le glamour, ricanent les concurrents : cadre du contrat de délégation de du supermarché Le casino de Mers a, en fait, pris « Les gens vont aller au casino service public ; il est notamment ses quartiers, le 7 septembre 2012, après avoir rempli leur caddy chez fonction des animations proposées à l’intérieur du bowling de Mers. Auchan ! » Le maire de Mers se par le casino dans la commune. Provisoirement. « Nous avons défend : « Mes prédécesseurs ayant Le principe d’un prélèvement par obtenu le permis de construire pour vendu le site historique du casino en la commune se comprend, explique un bâtiment dans le prolongement front de mer, il fallait proposer un Marie-Claude Lagache, première adjointe au maire de Berck, « car la commune doit faire face à des focus dépenses en tant que commune touristique ». En 2011, la commune de Berck a perçu 760 000 euros de recettes en provenance du casino, pour un chiffre d’affaires de 7,6 millions d’euros. Fort-Mahon annonce En tant que ministre de l’Intérieur (février sant le casino de Mers-Les-Bains, qui a un chiffre d’affaires compris entre 2011-mai 2012), Claude Guéant a autorisé ouvert le 7 septembre, est contesté par le 4 et 5 millions d’euros, tout comme l’ouverture de cinq casinos : trois sur la Côte groupe JOA, exploitant le casino du Tréport son concurrent de Mers qui table d’Azur et deux dans la Somme. Sur ces cinq (à 2 km). L’arrêté autorisant le casino de sur 5 millions d’euros, dont 10 % arrêtés ministériels autorisant ces ouver- Fort-Mahon (Somme), qui doit ouvrir en versés à la commune. « Ces recettes tures, quatre sont attaqués, dont les deux de juin 2013, est attaqué par le groupe vont nous permettre d’augmenter la côte picarde, devant les tribunaux admi- Partouche qui exploite le casino de Berck notre budget culturel », explique le nistratifs. Ainsi, l’arrêté ministériel autori- (Pas-de-Calais) à 17 km. q maire. Il ne manque qu’un petit détail : il va falloir faire revenir les joueurs à Mers. q vingtaine d’emplois. Le maire de Fort-Mahon, Alain Baillet, est convaincu que ce casino va « dynamiser la station », et mettre un peu de vie le soir. « Cela va faire une animation nocturne ; notamment pour des personnes âgées après un bon petit repas ! » Il est convaincu du fort potentiel touristique de FortMahon doté de « l’un des plus beaux golfs de France », (Belle Dune), et d’un village Pierre & Vacances. « Les gens sortent de plus en plus ; ils ont plus de vacances et de temps libre ; ils partent plus souvent le week-end qu’autrefois ; ils viennent ici au moindre rayon de soleil. » Il dit avoir vécu ces changements en tant que restaurateur à Fort-Mahon : « Quand j’ai démarré en 1974, nous n’étions que deux ou trois restaurants ouverts toute l’année. Aujourd’hui, il y a entre 12 et 15 éta- blissements de métiers de bouche. ». Emmanuel Maquet, le maire UMP de Mers-les-Bains, a lui aussi travaillé d’arrache-pied pour décrocher le label de « station touristique et balnéaire ». « Le casinotier ne peut pas s’installer n’importe où ; la commune où il veut s’installer doit être classée station touristique. » Il estime avoir mis en œuvre une stratégie touristique globale. « Le casino est un élément de rayonnement très fort, associé au bowling, au billard et au restaurant. » économique, le programme de prévention à l’abus de jeux, le cahier des charges, le Kbis et les statuts de la société, l’avis de la commission consultative des jeux de cercle et casinos, etc. Quatre des cinq ouvertures des « casinos Guéant » sont attaquées en justice 7,5 % 22 territoires / france LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 Se faire une place au soleil entre deux métropoles la bonne Avec Marseille d’un côté et Nice de l’autre, le département stratégie du Var continue d’attirer les entreprises. Aux Arcs-sur-Argens, le parc d’activité peut accueillir 236 000 m2 dédiés à la logistique. [DR] Laurence Bottero à Nice, MéridienMag C ertains louent son cadre de vie, relativement moins bétonné que les deux départements voisins. D’autres son positionnement géographique qui permet de verser soit vers les Bouches-du-Rhône, soit vers les Alpes-Maritimes. Quelle qu’en soit la raison, le Var continue d’être une terre de prédilection pour les entreprises et le département met en œuvre les politiques nécessaires à leur implantation. Voici dix ans, une étude de l’Insee avait alerté les élus locaux. L’institut de la statistique analysait avec pessimisme l’évolution du territoire en raison d’un tissu économique trop concentré sur une seule activité : le tourisme. Dès lors, les responsables économiques ont mis les bouchées doubles. À Fréjus, par exemple, pas moins de cinq pôles spécifiques – BTP, production, innovation, artisanat et restauration – ont été définis, tous situés à proximité de l’autoroute A8. L’idée était d’y créer une saine émulation, les entreprises étant regroupées par secteur d’activité. Et ça a marché : une centaine de sociétés y sont déjà installées et elles devraient être 200 d’ici à trois ans. Aux Arcs-sur-Argens, le parc des Bréguières et ses 65 ha pouvant accueillir 236 000 m2 de bâtiments Les sociétés sont regroupées par pôles pour créer une saine émulation. dédiés à la logistique ont séduit Lidl, La Poste, Iron Moutain et GLS. Une offre importante de logements Au pied de la Sainte-Baume, le parc d’activités de Signes veut être l’exemple même du parc d’activité du xxie siècle : écologiquement correct. Il est tout juste auréolé du niveau 2 de la certification ISO 14001. Cent quatre-vingt-cinq de ses 240 ha sont dédiés aux entreprises des filières des sports mécaniques, de la santé, de l’agroalimentaire et de l’aéronautique… Ce qui a notamment attiré des sociétés des Bouches-du-Rhône, confrontées à des espaces saturés. Vingttrois ha supplémentaires sont donc en cours d’aménagement. Avec 6 000 emplois prévus grâce à l’installation programmée de DCNS, le technopôle de la Mer s’étendra sur 21 ha et verra le jour en 2015, à Ollioules et devrait attirer bon nombre d’entreprises. En fait, le secret de l’attractivité du Var tient surtout à ce que ses responsables économiques ont compris que sa stratégie de développement ne pouvait vraiment fonctionner sans une offre forte de logements. À Fréjus, par exemple, un pôle Habitat dédié aux actifs sera construit une fois les pôles spécifiques définitivement livrés. À Draguignan, c’est ce qui explique le succès de la ZAC Chabran qui mêle hôtel d’entreprises, pôle culturel et services. q Quelle jeune pousse mérite d’être financée ? Les internautes ont voté la tendance qui monte Les urnes de l’Inter- net ont tranché cet été à Mont- pellier (Hérault). L’Agglomération de Montpellier avait invité les internautes et les business angels à choisir les quatre start-up qui leur semblaient les plus prometteuses et méritaient de lever des fonds parmi celles que leur présentait le Business and Innovation Centre (BIC) de la métropole. 2,1 millions d’euros de promesses collectées Cette opération, baptisée Jump’Invest, proposait en effet une liste fermée de dix jeunes sociétés puisées dans le vivier des 107 start-up actuellement inscrites au BIC. « Nous souhaitions anticiper les effets négatifs attendus de la crise qui pourraient freiner les investissements à destination des start-up. Nous anticipions aussi l’éventuelle refonte ou disparition de la loi Tepa qui permet de substantielles exonérations fiscales aux investisseurs », explique Catherine Pommier, du Business and Innovation Centre. Pas moins de 5 500 personnes ont participé à cette « élection » qui se doublait – cerise sur le gâteau – de la manifestation d’intentions d’investissements déclarés : 2,1 millions d’euros de promesses collectées. Les quatre start-up qui ont recueilli les meilleurs suffrages sont Cartser (solution d’e-évalua- tion des compétences des informaticiens) ; Soledge (système audio sans fil pour mélomanes) ; NEIIO (logiciel d’aide aux professionnels pour garder à jour leur carnet d’adresses) ; et Authentification Industries (sécurisation et authentification de documents de valeur). Ces quatre jeunes pousses vont bénéficier de la plate-forme Wiseed de levée de fonds auprès du grand public. Ce système p ermet d’accélérer singulièrement le processus en mutualisant des petits investissements (à partir de 100 euros et 1 500 euros en moyenne), ou bien plus importants. q Christian Goutorbe à Montpellier, Objectif L.-R. onvaparlerd’elle Lucette Collet Vice-présidente du Cese de Lorraine Elle met l’artisanat à l’heure high-tech C’est « une forte tête » connue pour savoir mener ses combats à leur terme. Éprise de savoirs, Lucette Collet, première vice-présidente du conseil économique, social et environnemental (Cese) de Lorraine, a milité durant plusieurs années pour la création de l’Union régionale des métiers de l’artisanat, qui accueille cette année ses premiers artisansétudiants sous l’égide de la toute jeune université de Lorraine. Épouse d’un entrepreneur meusien pionnier des énergies renouvelables appliquées au chauffage des piscines, Lucette Collet connaît les forces et la fragilité des petites entreprises du monde rural. Présidente en alternance de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) de la Meuse, elle encourage ses pairs à s’approprier les technologies les plus pointues, à nouer des alliances entre professions et à mutualiser achats et compétences comme a su le faire le monde paysan. Aux premières loges de l’inexorable progression du projet d’enfouissement de déchets hautement radioactifs dans le sud de la Meuse, elle observe avec circonspection les efforts d’EDF, qui accompagne à sa manière les artisans de la Meuse et de la Haute-Marne. Formations et financements doivent apporter aux deux départements concernés par le laboratoire de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs à Bure (Meuse) une longueur d’avance en matière de performance thermique. « Les mesures d’accompagnement d’EDF sont d’une grande utilité pour élever le niveau de qualification des artisans, mais la formation n’est pas un monopole et doit rester ouverte à toutes les i nitiatives » , estime Lucette Collet. Militante de la diversité, la jeune grand-mère espère léguer à ses petits-enfants un territoire moderne et préservé qui aura su combattre les scléroses. q Pa s c a l e B r a u n , à Metz Lucette Collet estime que la formation des artisans doit « rester ouverte à toutes les initiatives ». [Pascal Bodez – Région Lorraine] 24 territoires / International LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 le grand chantier Les conservateurs britanniques se déchirent. Soutenus par les dirigeants nationaux, les professionnels du secteur aérien réclament une extension d’Heathrow et de Stansted. Le maire de Londres, Boris Johnson, milite, quant à lui, pour la construction d’un nouvel aéroport. Coût estimé : entre 62 et 98 milliards d’euros… Saturés, les aéroports de Londres provoquent un crash… politique L Tristan de Bourbon, à Londres e débat autour du retard pris par Londres dans son développement aéroportuaire prend une ampleur phénoménale. Au centre de la tourmente, un parti conservateur totalement déchiré. D’un côté, des dirigeants nationaux guidés par le lobby du secteur aérien, partisans d’une deuxième piste à l’aéroport de Stansted ainsi que d’une troisième piste et d’un sixième terminal pour l’aéroport d’Heathrow ; de l’autre, leurs opposants, représentant principalement les riverains, menés par le maire de Londres, Boris Johnson. Très millions de virulent, ce der- passagers se pressent nier a estimé en chaque année fin de semaine à Heathrow, dernière que la conçu pour relance de ce accueillir projet équivau- 55 millions de voyageurs. drait à « revenir sur la pointe des pieds vers une clôture électrique qui électrocutera politiquement quiconque essaiera de la toucher ». Si ce serpent de mer circule dans les milieux politiques et économiques depuis vingt ans, un rapport publié en décembre 2003 sur les besoins aériens du Royaume-Uni avait changé la donne : il prévoyait que 465 millions de passagers utiliseraient les aéroports britanniques en 2030 (dont 180 millions pour le seul Heathrow) contre 200 millions en 2003. Repères 134 millions ( C’est le nombre de passagers accueillis chaque année dans les cinq aéroports londoniens. 465 millions ( C’est le nombre de passagers prévus en 2030. 62 à 98 milliards d’euros ( C’est l’estimation (très aléatoire…) du coût du projet de nouvel aéroport soutenu par le maire de Londres, Boris Johnson. 63 le maire de Londres lâché par les siens… Aujourd’hui, le péril devient beaucoup plus réel puisque l’aéroport de Heathrow fonctionne déjà en surcapacité : alors qu’il est prévu pour accueillir 55 millions de passagers, près de 63 millions s’y pressent chaque année. Même l’ouverture d’un cinquième terminal en 2008 n’a pas permis de résoudre cette saturation car les deux seules pistes utilisées par les avions sont embouteillées. Le manque à gagner enfle chaque jour et il promet de s’accroître si Francfort ou Paris parviennent à profiter du surplace anglais. À la fin des années 2000, le projet de nouvelles extensions de Heathrow et Stansted commence à avancer. Contre l’avis de Boris Johnson, devenu au fil des ans son principal adversaire, justifiant son hostilité par une étude gouvernementale réalisée en 2005 : elle montrait qu’une troisième piste ne pousserait la capacité d’accueil de Heathrow qu’à 128 millions de passagers, soit un chiffre bien inférieur au trafic attendu pour 2030. Lorsque le parti conservateur et le parti libéral-démocrate rangent le projet travailliste au placard le jour même de la création de la coalition gouvernementale, le 12 mai 2010, Boris Johnson pense donc pouvoir souffler. Néanmoins, conscient de l’engorgement de Heathrow et des quatre autres aéroports londoniens (134 millions de passagers en tout), le maire réclame la construction d’un nouvel aéroport dans l’est de Londres. Son choix s’est porté sur l’estuaire de la Tamise, et précisément sur les sables de Shivering, rebaptisés par la presse britannique « l’île de Boris ». Avec quatre pistes, cette nouvelle plate-forme aéroportuaire permettrait d’accueillir à elle seule 150 millions de passagers. « Depuis de nombreuses années, les voyageurs sont régulièrement exposés aux désagréments de la saturation des aéroports londoniens. [BEN STANSALL / AFP] Si nous voulons rester une grande nation commerciale, nous avons besoin d’aéroports. » Grant Shapps, président du parti conservateur Seul petit souci : son coût, lignes de train incluses, est estimé entre 50 et 80 milliards de livres (soit entre 62 et 98 milliards d’euros)… La volte-face, il y a quelques semaines, du parti conservateur dont il est un membre éminent, a mis fin à la sérénité du maire de Londres. Car, dans le même temps, toute une machinerie s’est mise en route. Ainsi, la ministre des Transports, Justine Greening, une parlementaire d’une circonscription de Londres engagée contre l’extension de Heathrow, a tout d’abord été écartée à l’occasion d’un remaniement gouvernemental. Son remplaçant, Patrick McLoughlin, ministre de l’Aviation dans les gouvernements de Margaret Thatcher entre 1989 et 1992, s’était certes opposé à l’extension de Heathrow et de Stansted… mais il pourrait bien avoir changé d’avis depuis. Dans la foulée, le Premier ministre a nommé Howard Davies, qui dirigea notamment le principal lobby des grosses entreprises du pays, à la tête d’une commission d’enquête sur les transports aériens nationaux, chargée de rendre un premier avis à la fin de 2013… vingt ans d’attente pour le nouvel aéroport De son côté, le secteur aérien ne ménage pas ses efforts pour faire pencher la balance en faveur du projet de la troisième piste de Heathrow. Par exemple, le patron de Virgin Atlantic, Richard Branson, a rappelé lors d’un entretien à la BBC que le projet du « nouvel aéroport nécessitera d’attendre encore vingt ans » et que, d’ici là, faute de pouvoir ajouter de nouvelles routes aériennes vers le Royaume-Uni, « les passagers se rendraient en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne (…) Une piste sera donc construite à Heathrow. La question est de savoir quand et quel homme politique sera assez courageux pour prendre la décision ». Même si David Cameron assure « ne pas vouloir rompre sa promesse de campagne », il semble bien que le vent soit en train de tourner. Le nouveau président du parti conservateur Grant Shapps s’est d’ailleurs dit totalement favorable au projet de Heathrow, estimant « irresponsable » d’ignorer les besoins de l’aviation nationale. « Si nous voulons rester une grande nation commerciale, nous avons besoin d’aéroports. Il existe un manque de créneaux dans le sud-est et à Londres, et cela doit être réglé, sans quoi nous nous condamnons à un échec économique dans l’avenir. » De quoi faire grandir l’inquiétude de Boris Johnson. Et d’autant que dans le contexte actuel d’austérité budgétaire, le gigantesque investissement pour un aéroport dans l’estuaire de la Tamise aura du mal à trouver sa place.q territoires / International 25 vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE Hopper, le taxi-scooter écolo d’Amsterdam nouveau et intéressant Un nouveau mode de transport public a été lancé le 1er octobre dans la cité néerlandaise : un scooter électrique vert fluo, avec chauffeur, au prix de 2,50 euros la course. Révolutionnaire ? Repères Sabine Cessou, à amsterdam A msterdam vient de lancer une petite révolution en matière de transports publics. La capitale économique des Pays-Bas a mis en circulation sur ses pistes cyclables le Hopper, premier service européen de taximoto électrique qui ne fait pas de bruit, ne pollue pas et va plus vite que les bus ou les tramways ! Ce service propose des courses à un prix fixe très raisonnable : 2,50 euros par trajet, quelles qu’en soient la longueur et la durée. Une économie de vingt centimes d’euros, par rapport à un ticket de tramway valable une heure. Une centaine de Hopper de couleur vert fluo circulent à partir de la gare centrale, dans le centre-ville et les quartiers sud d’Amsterdam, à une vitesse limitée à 25 km/h. La municipalité d’Amsterdam, rétive aux voitures, pratique des tarifs prohibitifs pour se garer ( jusqu’à 4 euros de l’heure dans les parcmètres du centre-ville). Des permis de à peine sont-ils mis en service que la possibilité d’équiper les taxi-scooters de coques est évoquée, afin de protéger les usagers de la pluie. [EVERT ELZINGA / ANP / AFP] s tationner à l’année sont délivrés aux riverains, à un prix qui varie en fonction de la pollution générée par leur automobile, pour plus de 600 euros. L’expérience va être élargie à 34 villes Les Hopper n’ont pas suscité de protestations du côté des cyclistes. Amsterdam, il est vrai, tolère déjà la présence sur ses pistes cyclables de scooters parti- culiers et plus polluants, très à la mode depuis trois ans. Dans les six prochains mois, l’expérience des Hopper va être reprise ailleurs, à Utrecht, La Haye et Rotterdam. Ces taxis-scooters verts devraient essaimer dans 34 villes de taille moyenne à travers le pays, au cours des deux prochaines années. Ruben Beugels, l’homme d’affaires à l’initiative du service Hopper, raconte qu’il s’est 100 ( Le nombre de Hopper en circulation à Amsterdam. 1,3 million d’euros ( C’est l’investissement initial. 2,50 euros ( Le prix de la course. de 8 h à 20 h ( Les heures d’ouverture du service. 350 tonnes ( Les économies sur les émissions de carbone, pour 300 passagers, par heure. 2 350 euros ( Le prix plancher d’un scooter Novox. 4 heures ( L’autonomie de la batterie. RÉSERVER ( www.myhopper.nl retrouvé en 2006 bloqué dans un tramway en panne à Amsterdam, dans un lieu mal desservi par les transports publics. Il a alors pensé qu’un scooter lui permettrait d’atteindre sans retard le lieu de son rendez-vous. En bon pragmatique, il a su vendre son idée et monter un consortium de partenaires publics et privés pour la faire fructifier. Le Hopper est financé par la municipalité d’Amsterdam, la société nationale de chemins de fer Nederlandse Spoorwegen (NS), le ministère de l’Infrastructure et de l’Environnement, mais aussi par une banque privée. Au volant, des étudiants ou des chômeurs À Amsterdam, les cent premiers taxis-scooters, des modèles de la marque chinoise Novox, ont nécessité un investissement de départ de 1,3 million d’euros, financé pour moitié par la Triodos Bank, spécialiste des projets écologiques et innovants. Le service est accessible par téléphone, sur Internet, et une application de Tom-Tom téléchargeable sur smartphones permettra aux clients de savoir en temps réel quels sont les Hopper disponibles et dans quel lieu. Le projet présente aussi un côté social sympathique : ses chauffeurs sont recrutés parmi des étudiants ou des chômeurs. Seul défaut pour l’instant, les intempéries. Les scooters pourraient être donc équipés de coques pour protéger leurs passagers.q On en parle à Bruxelles Le carnet de notre correspondante, Florence Autret P our ceux qui ne l’auraient pas noté, ce vendredi 12 octobre s’ouvre à Kinshasa le XIVe sommet de la Francophonie. Quel est le rapport avec l’Europe ? Le français, voyons ! Pour participer à cet événement planétaire qui occupe des divisions de diplomates depuis des mois, tous les Français de la Commission européenne ont été conviés à – je cite dans le texte un e-mail (« courriel ») du ministère des Affaires étrangères – « célébrer cette journée en parlant français et en initiant, dans leur environnement professionnel, des activités relatives aux valeurs de la francophonie ». Les quelques milliers de Français de la Commission étaient également invités à porter « le ruban ou l’aiguille [de la francophonie] qui ont clairement un important rôle d’expression silencieuse et de reconnaissance ». Inutile de dire que l’injonction a été accueillie avec consternation dans les cou- loirs de l’exécutif européen. Pourquoi pas nous demander d’arriver au bureau avec une cocarde et un bonnet phrygien, se sont demandés certains qui se voyaient mal adresser soudain la parole en français à leur patron lituanien qui n’y eut rien compris. Tout cela, a-t-on voulu les rassurer, devait rester très bon enfant. « Cette initiative se veut aussi ludique », invitait un © DR Cocorico ! diplomate chargé de relayer l’opération. Un Scrabble et un Trivial Poursuit (en français), rien de tel pour animer de quelques bons mots (français) la pause déjeuner ! On peut dire merci aux fonctionnaires français de la Commission d’avoir sauvé du ridicule leur pays et la francophonie en se soustrayant à ces étranges suggestions qui montrent qu’hélas l’État n’est pas le dernier à céder aux sirènes de cette « festivocratie » tant raillée par le regretté Philippe Muray, l’essayiste et romancier aux célèbres petites phrases assassines. Heureusement, tous les Français venant à Bruxelles ne débarquent pas avec un drapeau bleublanc-rouge peint sur la joue. Ce qui ne les empêche pas de porter haut les couleurs de leur région et de leur pays. Ainsi, la présidente d’Aerospace Valley (en français dans le texte) était récemment de passage à Bruxelles pour parler de la filière aéronautique et spatiale à tout ce que la capitale compte de décideurs. S’étant aperçue que les 300 PME du pôle de compétitivité avaient un taux de succès plutôt limité sur les appels d’offres, Agnès Paillard était venue voir comment mieux brancher ses adhérents sur les circuits européens. L’objectif est d’aider ces entreprises à sortir de la relation souvent consanguine qu’elles entretiennent avec les grands groupes et qui dissuade les investisseurs de leur apporter les capitaux dont elles manquent pour devenir l’égal du prospère Mittelstand allemand. « Se positionner sur un projet européen amène une visibilité dont nos PME peuvent profiter. Cela a plein d’effets positifs », constate-t-elle. Elle entend bien aussi faire « descendre » des Bruxellois du côté de Toulouse et de Bordeaux. Au commissaire européen Michel Barnier, attendu à Toulouse le 12 octobre, devraient donc succéder des responsables de programmes spécifiques, histoire d’informer et de motiver les troupes. L’enjeu est d’autant plus important que Paris a décidé de régionaliser la gestion des « fonds structurels » à partir de 2014. Dans la seule région Midi-Pyrénées, l’enveloppe pour 2007-2013 était de 430 millions d’euros. Sur cette période, les régions françaises sont les premières bénéficiaires des financements pour la compétitivité régionale et l’emploi du budget européen, à hauteur de 10 milliards d’euros. Le pôle, qui réfléchit à établir une présence permanente à Bruxelles, planche sur une nouvelle « feuille de route » pour 2013-2017 par laquelle montrer que, derrière les grands groupes dont le lobbying est très actif, existe un tissu industriel fertile. Pourra-t-on en établir une version anglaise sans trahir la cause nationale ? C’est toute la question.q 26 Vos finances LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 à des dépenses de santé moins bien prises en charge par la Sécu, les ménages réfléchissent parfois le bon Face à deux fois avant de se soigner. Les mutuelles développent donc des offres moins chères, avec parfois plan des garanties assez proches des contrats standards. À regarder cependant de très près avant de s’engager. Mutuelles santé low cost : les plus, les moins, les pièges… P Rachel Montero our plus de la moitié des Français (54 %), les dépenses de santé occupent une place importante voire très importante dans leurs dépenses quotidiennes. C’est ce qui ressort du dernier baromètre sur les Français, la santé et l’argent, réalisé par LH2 pour AG2R La Mondiale. Ces dépenses, il est vrai, n’ont cessé d’augmenter ces dernières années en raison du vieillissement de la population, des avancées technologiques, mais aussi des réductions des remboursements et prestations prises en charge par la Sécu, décidées par les gouvernements successifs afin de tenter de diminuer les déficits. Toujours selon le baromètre, 84 % des Français sondés1 considèrent en effet que les remboursements des dépenses de santé se détériorent. la dentition, première sacrifiée par les plus pauvres Une offre mini-budget à partir de 5 euros par mois Et si, voici quelques années encore, les frais de santé pouvaient être intégralement remboursés grâce à une mutuelle, celles-ci sont de plus en plus rares à prendre en charge dans leur intégralité ces dépenses : « Les particuliers sont de plus en plus rares à opter pour des produits haut de gamme », déplore Marie-Pierre Lapeyre, directrice commerciale chez Smatis. Et pour cause : cela coûte très cher. Ce renoncement peut même aller au-delà puisqu’une partie de la population se prive de soins faute de pouvoir les financer. Pour satisfaire des budgets de plus en plus contraints, les mutuelles ont donc développé des offres dites « low cost » qui peuvent démarrer à quelques euros par mois (entre 5 euros et 11 euros) pour une personne seule. Les tarifs les plus bas du marché concernent des garanties restreintes autour de la seule hospitalisation. « Pour les tout petits budgets, nous avons monté une offre centrée uniquement sur les garanties hospitalisation, elle inclut la prise en charge des frais d’honoraires, des frais de séjour et un capital “coup dur” pour environ 11 euros par mois », détaille Ayshé Soylu, responsable marketing chez SOS Mutuelle. Ces produits ne s’adressent en fait qu’à une partie limitée de la population. « Les mutuelles proposant uniquement des garanties en cas d’hospitalisation sont intéressantes pour les jeunes qui consultent peu de médecins, ne portent pas de lunettes et vont rarement chez un dentiste, précise Emmanuel Bruneau, marketing manager associé chez Hyperassur. Elles peuvent être rentables pour ce type d’assurés qui consomme peu de prestations de santé et qui sera couvert contre un accident nécessitant une hospitalisation ». Pour les autres cibles de clientèle, les assureurs ont conçu de nouveaux produits sans pour autant insister sur leur caractère low cost, qui en matière de santé peut parfois rebuter. choisir les garanties à la carte, c’est moins cher En effet, rares sont les mutuelles qui avancent explicitement ce terme. Elles préfèrent parler de formule économique ou insister sur l’adaptabilité de leurs tarifs. Si ces mutuelles à bas prix vont audelà de la prise en charge de l’hospitalisation, elles impliquent tout de même parfois de renoncer à une partie plus ou moins importante des garanties ou à certains services. standard, pour les frais dentaires ou « Certaines mutuelles proposent des pour l’optique. Plus rares, certaines tarifs attractifs avec des garanties mutuelles proposent de rembouréquivalentes aux contrats standards ser la part non consommée de leurs à l’exception du tiers payant », pré- cotisations à leurs adhérents. vient Emmanuel Bruneau. « Nous avons mis au point depuis Pour diminuer la fac2009 deux produits pour ture, les particuliers les adhérents individuels peuvent aussi choisir et un pour les familles qui leurs garanties à la carte. mettent en réserve la moi« De nombreux courtiers des Français tié de la cotisation versée en assurance proposent sondés1 tous les mois. Si celle-ci n’est pas ou peu utilisée, maintenant des garanties considèrent sur mesure, les adhérents que les Smatis la leur restitue à la choisissent alors un niveau remboursedate d’anniversaire de leur ments de couverture adaptée à des dépenses contrat », explique Marieleur situation, ce qui leur de santé Pierre Lapeyre. À noter revient moins cher qu’un se détériorent. que ces produits affichent contrat standard. L’éconosouvent des tarifs supémie réalisée ainsi peut être rieurs de l’ordre de 15 % à importante, de l’ordre de 20 ou un contrat standard. S’ils ren30 euros par mois pour un céliba- contrent un écho certain auprès des taire ou de 30 à 40, voire plus, pour particuliers, ceux-ci affichent tout une famille. Elles sont moindres par de même encore des réticences face contre pour un senior dont les à ce type de contrat. besoins vont être supérieurs », « Nous sentons bien que les clients observe Emmanuel Bruneau. sont à la recherche de produits Cette tendance s’est imposée pour d’assurance qui leur permettent les dépenses les plus lourdes et les d’économiser sur leur budget de moins bien couvertes par la Sécu- santé. Cependant, ils craignent parrité sociale. Les mutuelles fois qu’en cas de besoin, ce type de proposent en effet de plus en plus produit ne les couvre pas parfaitesouvent des options supplémen- ment, ce qui n’est pas le cas puisque taires, venant en plus du contrat les garanties sont les mêmes que sur 84 % un produit standard. En revanche, les cibles jeunes qui n’affichent pas des besoins élevés en matière de soins sont très réceptives », avance Marie-Pierre Lapeyre. Les particuliers peuvent également bénéficier d’un meilleur tarif en rognant sur certaines garanties. « Nous avons défini une liste de garanties accessoires comme les chambres particulières en cas d’hospitalisation, la médecine douce ou encore la parodontologie, celles-ci ne sont pas accessibles dans le cadre de nos formules Éco, ce qui permet d’en réduire sensiblement le prix », précise Ayshé Soylu. Enfin, au-delà de la formule, quelques règles simples permettent de tenir son budget sans pour autant limiter ses garanties. « Il faut bien définir ses besoins de façon à être certain d’être parfaitement couvert et comparer les prix, y compris avant chaque anniversaire du contrat de façon à changer éventuellement de prestataire », souligne Emmanuel Bruneau. Dans cet univers foisonnant, les comparateurs de mutuelle sur internet peuvent être d’un grand secours. q (1) Étude réalisée par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 973 personnes les 31 août et 1er septembre 2012. 27 Vos finances vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE Parier sur le « Made in France » : pas si fou que ça ! investir La société de gestion Inocap propose un FCPI entièrement investi en sociétés françaises employant 75 % de leurs effectifs dans l’Hexagone. Restent les inconnues du taux d’exonération fiscale et du plafonnement. autrement Pascale Besses-Boumard à l’heure où les PME peinent à trouver des financements pour leur développement, il existe certaines initiatives originales susceptibles de leur apporter une bouffée d’oxygène. Et de procurer un rendement intéressant pour les particuliers décidés à participer à cette aventure. C’est en tout cas ce que proposent les fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI) et les fonds d’investissement de proximité (FIP), produits bénéficiant de deux avantages fiscaux : une réduction d’impôt de 18 % du montant des souscriptions effectuées (hors frais d’entrée) et une exonération des plusvalues réalisées à l’occasion de la cession des parts après une détention minimale de cinq ans. Entreprises cotées avec 50 % du CA à l’international Il était d’ailleurs question que ces avantages soient « rabotés » dans le projet de loi de finances 2013. Mais une décision interve- Le projet de loi de Finances 2013 renouvelle le principe des FCPI et des FIP. [Jean-Claude Coutausse / Fedephoto] Des FCPI à majorité européens nue dans la nuit de mercredi 3 à jeudi 4 octobre est venue redonner du baume au cœur des promoteurs de ces véhicules de placement : Pierre Moscovici a renouvelé le principe tant des Le Vieux Continent n’a pas dit son dernier mot le classement Pas fa- de la semaine cile de convaincre aujourd’hui les parti- culiers d’investir sur les actions, et encore moins sur les européennes. Le monde de la gestion d’actifs recèle pourtant de bons professionnels, aguerris aux techniques du stock picking (sélection de valeurs) ou sectorielles avec un biais particulier (valeurs de croissance, défensives, de rendement, etc.). Il n’y a qu’à regarder les performances des meilleurs fonds Ainsi ce FCPI devrait-il être exclusivement investi en sociétés françaises cotées employant au moins 75 % de leurs effectifs en France et réalisant 50 % de leur chiffre d’affaires à l’international. « 85 % des emplois en France proviennent des PME. Il est primordial de contribuer à leur croissance. C’est donc dans une démarche franchement engagée que nous lançons ce produit. Avec une nette préférence pour les sociétés qui font de l’innovation de rupture le cœur de leur développement. Rappelons que l’innovation est dite de rupture lorsqu’elle s’accompagne d’un bouleversement technologique et modifie profondément les conditions d’utilisation », souligne Pierrick Bauchet, associé gérant chez Inocap. pour se rendre compte de cette tendance : les hausses vont jusqu’à plus 40 % sur un an glissant, et celles sur trois ans progressent jusqu’à près de 70 %. C’est que, confrontées à la baisse de la consommation des ménages, certaines entreprises européennes ont su développer leur présence là où les rythmes de croissance sont plus dynamiques. Du coup, leurs performances financières sont loin d’être catastrophiques. q P. B.-B. Performance sur 1 an sur 3 ans 1/ Jupiter European growth (RBS) 41,4 % 59,9 % FCPI que des FIP, sans toutefois préciser si le taux de 18 % d’exonération serait maintenu et si le plafonnement à 10 000 euros de l’apport d’une niche fiscale par an et par foyer les concernait. Avant même d’en savoir plus, certaines sociétés de gestion ont choisi de se jeter à l’eau. C’est le cas d’Inocap qui propose un FCPI et un FIP avec pour mot d’ordre : priorité au Made in France. Démarche assez originale, la majeure partie des FCPI étant investis en sociétés européennes. Reste à savoir si le plafonnement à 10 000 euros concernera ces deux enveloppes fiscales auquel cas, les souscripteurs ne devraient pas être légion. « Malheureusement pour les PME, les Français veulent bien investir dans des projets entrepreneuriaux, mais à la seule condition de bénéficier d’une carotte fiscale, contrairement aux Anglo-Saxons, par exemple. À tort d’ailleurs, car ces sociétés offrent bien souvent de très beaux rendements », assure Pierrick Bauchet. q BULLETIN D’ABONNEMENT OUI M. Je m’abonne à La Tribune (hebdomadaire + numérique) 390€ HT / an soit 440 € TTC / an (48 n° + édition numérique) 2€50 soit 3 Mme Nom___________________________________________ Prenom________________________________________________ Adresse_________________________________________________________________________________________________ ________________________________________________________________________________________________________ CP I–I–I–I–I–I Ville__________________________________________________________________________________ Tél I–I–I–I–I–I–I–I–I–I–I E-mail **____________________________________________________________________ REGLEMENT Par chèque bancaire à l’ordre de La Tribune Nouvelle Par carte bancaire n° I–I–I–I–I I–I–I–I–I I–I–I–I–I I–I–I–I–I Expire fin I–I–I / I–I–I Cryptogramme*** I–I–I–I À réception de facture (par chèque ou virement) Date et signature : 2/ Comgest growth greater Europe opportunities 35 % 42,3 % 3/ Alken fund European opportunities 34,7 % 30 % 4/ Fidelity European special situations fund 34,05 % 38,5 % 5/ Delubac exceptions pricing power 32,9 % 47,6 % 6/ BGF European growth fund (Blackrock) 32 % 53,5 % Pour les sociétés souhaitant plus d’un abonnement ou une offre sur-mesure, nous consulter : 01 78 41 44 22 ou [email protected] 7/ Mfs meridian funds European core equity 31,8 % 51,3 % Offre valable jusqu’au 31/12/2012, réservée à la France métropolitaine. 8/ CNP actions Europe Fidelity 31,3 % 28,8 % Source : Europerformance, a Six Company ois* HT / m Si adresse de facturation différente d’adresse de livraison : Raison sociale _______________________________________________________ Adresse de facturation ________________________________________________ CP I–I–I–I–I–I Ville______________________________________________________ Bulletin dûment complété à retourner à : La Tribune – Service abonnement – 18, rue Pasquier – 75008 Paris Conformément à la loi informatique et libertés n°78.17 du janvier 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant. * paiement de l’abonnement à l’année sans possibilité d’échelonnement mensuel ** indispensable pour recevoir vos codes d’accès à latribune.fr *** Notez les 3 derniers chiffres du N° inscrit au dos de votre carte près de la signature. 28 Les idées LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 toutes les leçons de la crise n’ont pas été tirées L’économie mondiale continue d’être vulnérable et des défis importants nous attendent encore. Pour les relever, les membres du G20 doivent démontrer leur volonté politique afin de tenir les engagements pris à Los Cabos, alors que la présidence mexicaine du G20 prend fin dans quelques mois. © DR L Lourdes Aranda Vice-ministre des Affaires étrangères du Mexique Sherpa mexicaine pour le G20 es accords auxquels les chefs d’État et de gouvernement du G20 étaient parvenus en juin 2012 à Los Cabos (Basse Californie) recouvrent toutes les priorités encouragées par le Mexique durant sa présidence : rétablir la stabilité économique et la croissance ; renforcer le système financier international et accroître l’inclusion financière ; favoriser la sécurité alimentaire, faire face à la volatilité des prix des matières premières, et promouvoir le développement durable, la croissance verte ainsi que la lutte contre le changement climatique. Notre principale priorité a consisté à stabiliser l’économie mondiale et à mettre en place des réformes structurelles, ciment de la croissance et de l’emploi. l’accroissement de la population implique de créer 400 millions d’emplois en dix ans Dans ces domaines, le plan d’action de Los Cabos nous engage à concentrer nos actions politiques autour de la dette souveraine et de la crise bancaire dans la zone euro, à assurer la stabilité financière, à impulser la demande et la croissance économique, à réduire le chômage, à maintenir les efforts de consolidation fiscale, à soutenir la croissance des marchés émergents et à résister au protectionnisme. Un des pas décisifs que nous avons faits pour atteindre ces objectifs s’est traduit par la décision d’accroître les fonds du FMI de plus de 450 milliards de dollars. C’est un signal clair envoyé aux marchés : la communauté internationale est prête à soutenir les économies les plus affectées par la crise et nous nous engageons à les aider pour qu’elles retrouvent le chemin de la croissance. En matière d’emploi, 400 millions de postes de travail devront être créés au cours des dix prochaines années pour faire face au seul accroissement de la population. Notre jeunesse a été particulièrement affectée par cette crise et les mesures que nous avons adoptées pour affronter le chômage des jeunes nous permettront d’éviter de gâcher le potentiel de toute une génération qui, sinon, serait condamnée à une vie de désavantages économiques et sociaux. Le commerce international fait également partie des ingrédients pour rétablir la croissance économique et créer des emplois. Les négociateurs com- « merciaux ont reçu des instructions pour qu’ils parviennent à des résultats afin de faciliter les échanges. Ceux-ci sont essentiels pour un fonctionnement efficace des chaînes mondiales de valeur, et de plus en plus importants dans notre façon de faire des affaires. Pour rétablir la croissance économique, il est en outre crucial de réfuter toutes les mesures protectionnistes en réaction à la crise, afin que nos entreprises puissent faire jouer la concurrence de façon équitable. C’est pour cette raison que nous nous sommes engagés à résister à toute mesure protectionniste jusqu’à la fin de l’année 2014. Nous avons avancé dans la mise en place de l’agenda du G20 pour actualiser le cadre global de régulation financière, mais il reste encore un travail considérable à réaliser pour y incorporer les principales leçons de la crise et pour répondre aux défis actuels. « Le G20 fonctionne car il représente aussi bien les pays avancés que les puissances émergentes. Tous sont disposés à travailler ensemble. » 2,7 milliards d’adultes dans le monde exclus des produits financiers de base Nous devons par ailleurs nous assurer que les pays en développement ne soient pas touchés par les régulations de stabilité financière, par exemple, en limitant l’accès aux services financiers. L’inclusion financière est ainsi liée à cette thématique. Il existe dans le monde 2,7 milliards d’adultes qui n’ont pas encore accès aux produits financiers de base comme les comptes d’épargne, les prêts, les assurances, les systèmes de paiement, les plans de retraite et les services de transferts. C’est pourquoi, nous avons adopté à Los Cabos des initiatives d’inclusion et d’éducation financières, et de protection du consommateur. Car il s’agit d’un domaine qui peut faire une grande différence dans le bien-être de millions de personnes, pour les aider à sortir de la pauvreté. Nous continuons de vivre dans un monde où un enfant meurt de faim toutes les six secondes. Le manque de progrès réalisés pour réduire la m alnutrition chronique est une préoccupation majeure. Les dirigeants du G20 soutiennent actuellement les actions existantes pour améliorer la nutrition. Vers 2050, la production agricole Nous continuons de vivre dans un monde où un enfant meurt de faim toutes les six secondes. » http://www.latribune.fr La Tribune 18, rue Pasquier, 75008 Paris Téléphone : 01 78 41 40 93. Pour joindre directement votre correspondant, composer le 01 78 41 suivi des 4 chiffres mentionnés entre parenthèses. Société éditrice LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S. au capital de 3 200 000 euros. établissement principal : 18, rue Pasquier, 75008 Paris Siège social : 10, rue des Arts, 31000 Toulouse. Siren : 749 814 604 Président-directeur général, directeur de la publication Jean-Christophe Tortora. devra augmenter de près de 70 % pour subvenir aux besoins alimentaires mondiaux de neuf milliards de personnes. Pour y parvenir, il est indispensable que le secteur agricole reçoive plus d’investissements, à la fois responsables et durables, et que des mesures soient prises pour garantir que les marchés des matières premières opèrent de façon transparente et efficace. Nous avons ainsi accompli des pas conséquents pour que des progrès soient réalisés dans ces domaines, y compris le renforcement de la coopération internationale pour l’innovation, le transfert de technologies ainsi que la recherche et le développement. Pour atteindre nos objectifs économiques et de développement, et parallèlement protéger l’environnement et améliorer le bien-être social, nous devons commencer à penser en termes de « croissance verte ». Un grand nombre des engagements pris à Los Cabos ont été précisément esquissés dans ce but, que ce soit au niveau des réformes structurelles, du transport urbain, de l’énergie, de l’agriculture, de l’élimination des subventions aux combustibles fossiles ou des options de financement pour lutter contre le changement climatique. Relever les défis des infrastructures est également vital pour la croissance future et nous continuerons à mettre en place des actions dans ce domaine pour soutenir nos objectifs de développement. C’est un honneur pour le Mexique de faire partie d’un groupe qui cherche à encourager la coopération et la coordination internationale pour affronter les défis que connaît actuellement le monde à partir du dialogue, y compris avec la communauté entrepreneuriale, les organisations syndicales, les institutions de recherche universitaire, les jeunes et les organisations non gouvernementales. Il est clair que les marchés émergents constituent une part importante de la solution aux p roblèmes économiques que connaît le monde aujourd’hui. Le G20 fonctionne car il représente aussi bien les pays avancés que les puissances émergentes et tous sont disposés à travailler ensemble pour avancer. Il cherche à apporter de la stabilité dans cette période de changement dans le monde. La déclaration et le plan d’action de Los Cabos ont défini des engagements clairs pour chaque pays en matière économique et financière, dans le but d’améliorer la situation mondiale présente mais aussi pour les générations futures. En outre, ces engagements montrent notre capacité à travailler ensemble pour trouver des solutions aux défis planétaires, en faveur d’une nouvelle gouvernance mondiale.q Rédaction Directeur de la rédaction Éric Walther. Directeur adjoint de la rédaction Philippe Mabille. économie Rédacteur en chef : Robert Jules. Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin. Ivan Best, Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu, Sophie Péters. Entreprise Rédacteur en chef : Michel Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints : Delphine Cuny, Fabrice Gliszczynski. Sandrine Cassini, Marie-Caroline Lopez, Dominique Pialot, Alain-Gabriel Verdevoye. Finance Rédacteur en chef : Pascale Besses-Boumard. Rédacteur en chef adjoint : Séverine Sollier. Laura Fort, Christine Lejoux, Sophie Rolland, Mathias Thepot. Édition Jean-Pierre Alesi. Correspondants Florence Autret (Bruxelles). Rédacteur en chef Hebdo Jean-Louis Alcaïde, Jean-Pierre Gonguet. latribune.fr Rédactrice en chef Perrine Créquy. réalisation R&A Direction artistique Anne Terrin. Rédacteur en chef édition Alfred Mignot. Secrétaire de rédaction Sarah Zegel. Révision Cécile Le Liboux, Francys Gramet. Infographies ASKmedia. Actionnaires Groupe Hima, Hi-media/Cyril Zimmerman, JCG Medias, SARL Communication Alain Ribet/SARL, RH Éditions/Denis Lafay. Management Vice-président en charge des métropoles et des régions Jean-Claude Gallo. Conseiller éditorial François Roche. Directrice commerciale Aziliz de Veyrinas (40 78). Directrice de clientèle Clarisse Nicot (40 79). Directeur nouveaux médias Thomas Loignon. Abonnements Dorothée Rourre (44 22). Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux, 80800 Fouilloy. No de commission paritaire : 0514 C 85607. ISSN : 1277-2380. Les chroniques 29 vendredi 12 octobre 2012 LA TRIBUNE dette : les créanciers privés doivent-ils être épargnés ? au cœur de Aujourd’hui encore préservés, les créanciers privés pourront-ils la crise © DR U François Leclerc Ancien conseiller au développement de l’Agence France-Presse Il tient la chronique de « L’actualité de la crise » sur le blog de Paul Jorion. Il est l’auteur de Fukushima, la fatalité nucléaire (éditions Osez la République Sociale !, octobre 2012, 11 euros). au détriment de créanciers publics, les privés étant sortis du jeu et progressivement exonérés, sans raison, de tout risque. Or, c’est déjà en discussion pour la Grèce. La question se pose donc de les y réintégrer, mais en restructurant la dette publique bénéficiaires sont certes censés revenir sur le mar- selon un périmètre englobant celle des États ché pour à nouveau s’y financer ; mais ne parvenant créanciers par défaut. En se rappelant qu’un cadre pas à respecter le calendrier initial, des prolonga- avait été proposé à cet effet, dès 2002, par une tions doivent leur être accordées. directrice générale adjointe du Par voie de conséquence, la FMI, Anne Krueger. Dans une interview au Monde, dette publique continue de changer de mains. Simultanément, la elle déclarait à propos des marBCE a pris en pension (en devechés : « Ils doivent comprendre que la communauté internationant propriétaire) les titres sounale n’est pas disposée à verser verains de ces pays assistés, ou en passe de l’être, quand elle ne les a des sommes considérables à des pas achetés sur le second marché. pays dont la dette est insupporLes banques européennes s’en table pour assurer que les créansont délestées en contrepartie des ciers soient remboursés. » prêts massifs du LTRO (Long (18 février 2002). Le contexte a Term Refinancing Operation). certes changé, mais la remarque Si nécessaire, et comme prévia-t-elle perdu sa valeur ? Préservés depuis le début de la sible, ces derniers pourront être crise, les créanciers privés pourroulés à leur échéance de anne krueger trois ans : le mécanisme est différont-ils éviter d’être finalement DG adjointe du fmi (en 2002) rent, le transfert de risque est le mis à contribution, si la stratégie même. Il a déjà conduit la BCE à de désendettement privilégiée refuser toute nouvelle restructucontinue à ne pas fonctionner ? Les protéger aujourd’hui, n’est ce pas prendre le ration d’une dette grecque dont elle est de loin devenue la principale détentrice, et dont elle sérieux risque de tomber – à la suite du Japon qui supporterait cette fois-ci les effets, au détriment de ne parvient toujours pas à en sortir – dans la ses actionnaires, les banques centrales nationales. « trappe à liquidité » de Keynes ? Nous ne sommes Il en ressort que, plus le temps passe, plus toute pas dans un débat théorique, il va falloir en converestructuration de la dette des États assistés se fera nir et l’engager.q éviter d’être finalement mis à contribution, si la stratégie de désendettement actuelle continue à ne pas fonctionner ? ne stratégie vacillante de désendettement est poursuivie en Europe, en attendant qu’aux États-Unis des choix toujours repoussés ne puissent plus être éludés. Cette stratégie repose sur une évidence indiscutée sinon indiscutable : la dette publique doit être impérativement résorbée sans délais, en dépit du coût social et sans autre considération sur les causes de sa croissance brutale et de sa « soutenabilité ». Une seule exception limitée a été faite à ce principe intangible, en faveur de la Grèce dont la dette a été restructurée – mais insuffisamment, comme on le voit – sous les auspices de l’Institut international de la finance, les dirigeants de cet organisme insistant sur le fait qu’une telle exception ne se reproduirait pas. La BCE est devenue la principale détentrice de la dette grecque En application de cette stratégie, les créances privées auxquelles sont substituées des créances publiques sont progressivement remboursées, au fur et à mesure que la dette est « roulée ». C’est l’effet des plans de sauvetage des États soustraits au m arché, selon un dispositif provisoire, appelé à durer, dont le financement repose sur des garanties publiques. À l’échéance de ces plans, les États « La communauté internationale n’est pas disposée à verser des sommes considérables […] pour assurer que les créanciers soient remboursés. » Restructurations d’entreprises : Et si on changeait d’approche… Inefficace, injuste et peu tourné vers l’avenir, le cadre actuel de gestion des restructurations doit être repensé de façon à mieux anticiper les mutations. Pierre BERETTI Rachid BRIHI Frédéric CLUZEL Claude Emmanuel TRIOMPHE Membres de l’Association Travail, Emploi, Europe, Société (ASTREES). C omme après chaque cycle électoral, le dispositif français de gestion des restructurations est sur la sellette. Entre ceux qui lui reprochent de ne pas empêcher les insaisissables licenciements boursiers et ceux qui fustigent sa complexité ou la place envahissante donnée au juge, les tirs sont nourris. Il nous apparaît que le cadre actuel doit être repensé car il est défaillant du point de vue de l’efficacité, de la justice et de sa capacité à préparer l’avenir. Inefficace, car il n’envisage les réorganisations que sous le prisme des « gros » licenciements collectifs, alors que ceux-ci ne représentent que 6 % des destructions d’emploi, bien moins que les fins de contrats de travail temporaires. Il ignore la plupart des réorganisations dans le secteur public. Il favorise des procédures de concertation où le formalisme l’emporte sur le développement d’un dialogue porteur d’avenir. Enfin, il ne permet qu’à la marge de sécuriser les parcours professionnels. Injuste, car il génère un traitement inégal entre salariés et encourage la sélection par l’échec. Selon que l’on appartient à une entreprise plus ou moins richement dotée, selon que l’on dispose d’un contrat de travail permanent ou temporaire, que l’on est peu ou très qualifié, l’accès au dialogue, à la communication et aux mesures d’accompagnement est très mal réparti. En pratique, les moins qualifiés et les plus vulnérables bénéficient souvent moins des amortisseurs sociaux. Peu tourné vers l’avenir, le dispositif actuel ne facilite l’anticipation des mutations ni dans l’entreprise, ni au niveau des territoires concernés. Ce faisant il néglige l’employabilité des salariés notamment les moins qualifiés. Car malgré plusieurs réformes successives, les dispositifs de formation sont restés trop touffus, trop rigides et mal orientés. Il est donc urgent de changer d’approche en mobilisant au mieux accords collectifs, innovations territoriales et incitations légales autour de quatre axes principaux : 1/ Substituer lorsque c’est possible l’accord à la loi. Aujourd’hui les dispositions sur la représentativité syndicale devraient permettre, au moins dans les entreprises d’une certaine taille, la conclusion d’accords quant à l’anticipation, la justification et l’accompagnent des restructurations. Ces accords devraient rendre la loi subsidiaire et lorsqu’ils sont régulièrement conclus, ne plus être contestables ensuite. 2/ Simplifier et territorialiser les dispositifs. S’il n’existe pas de solution miracle, une territorialisation accrue des politiques d’emploi et de restructurations ainsi qu’une organisation beaucoup moins cloisonnée des opérateurs de l’emploi, de la formation et du développement économique s’impose et figurera – nous l’espérons – dans l’acte III de la décentralisation. 3/ Promouvoir l’employabilité. Il faut en finir avec l’inflation des indemnités extralégales qui favorisent la victimisation au détriment d’un investissement dans l’avenir professionnel. Ces sommes doivent être réorientées vers des fonds pour l’employabilité, « fléchés » en priorité vers les salariés les plus vulnérables du fait de leur qualification ou de leur statut d’emploi. Taxation et modulation des cotisations constituent un levier intéressant pour faciliter l’accès de tous à la formation et à une employabilité durable. 4/ Développer les politiques de responsabilité sociale. Les réorganisations se sont trop souvent traduites depuis trente ans par des externalisations massives mais aussi par un mal-être profond chez les salariés. Les grands groupes seraient bien inspirés de mener plus systématiquement des études d’impact de leurs réorganisations sur la santé économique de leurs sous-traitants et sur la santé psychique de leurs salariés. Contrairement à certaines idées reçues, les restructurations sont loin d’appartenir au passé. Parce que nous sommes rentrés dans une ère de mutation permanente, il nous faut mieux anticiper ces transformations d’entreprise pour ne plus les subir comme si on les découvrait : ce changement-là, c’est maintenant qu’il nous faut l’opérer ! q 30 L’interview LA TRIBUNE VENDREDI 12 octobre 2012 Gérald Karsenti PDG de hewlett-Packard France « Nous essayons de délocaliser… en France » Un an après les fortes turbulences qui l’ont secoué, le géant de l’informatique Hewlett-Packard cherche à s’imposer sur les segments grand public et professionnel. Une stratégie qu’ont abandonnée ses concurrents, mais que défend Gérald Karsenti. Le PDG d’HP France s’apprête à finaliser un plan de 520 départs volontaires, assorti d’embauches destinées à rajeunir l’entreprise. Propos recueillis par Emmanuelle Durand-Rodriguez, à Toulouse, Objectif News La Tribune – Quels sont les enjeux informatiques pour les entreprises ? Gérarld Karsenti– Aujourd’hui, tout est mobile, connecté, interactif et immédiat. Les enjeux sont donc la mobilité, l’accès au cloud (avec la virtualisation de l’infrastructure et des applications), et l’accès au big data qui permet la gestion des données. Celles-ci explosent. Au niveau mondial, les données sont multipliées par 1,6 tous les trois mois, nous devons gérer des exaoctets [soit 1,53 million de milliards d’octets, ndlr], c’est la nouvelle dimension ! Le big data est donc un axe majeur de notre développement, comme la sécurité, qui va devenir un domaine d’investissement massif des clients. ( ( Les entreprises résistent-elles au cloud ? Dans leur ensemble, non. Elles ont compris que c’est leur intérêt et que ce n’est pas une question de mode. Le cloud permet de développer des applications plus vite à des coûts beaucoup plus intéressants. Cela a permis aux directions informatiques de re n d re ré e l l e l a connexion entre l’informatique et la stratégie de l’entreprise. Pour la première fois, les clients peuvent penser à leur métier. Dans les années 1980, Michael Porter parlait d’entreprise étendue. Voilà, nous y sommes ! ( Qui est HP aujourd’hui ? C’est la seule entreprise du marché qui propose une offre de « bout en bout », du poste de travail jusqu’au data center et au cloud. Cela nous donne un avantage considérable car nous sommes capables de prendre en charge le système d’information du client dans sa globalité. Beaucoup de sociétés ont arbitré la question différemment, notamment IBM qui a vendu les PC, les imprimantes et les serveurs d’entrée de gamme. ( Que représente HP en France ? HP est un acteur majeur en France avec plusieurs milliers de salariés. Sur les cinq dernières années, nous avons réalisé de nombreuses opérations de croissance externe avec Mercury, Opsware, Peregrine et Autonomy (pour les logiciels), 3PAR (le stockage), 3COM (les télécoms) et surtout EDS (les services), qui a permis de doubler la taille de l’entreprise. En France, nous avons multiplié par trois notre effectif en cinq ans. Nous sommes plutôt dans une phase ascendante et nous gagnons des parts de marché. Nous maintenons nos résultats sur les logiciels, les serveurs haut de gamme, le stockage, les réseaux et les services, mais nous subissons une décroissance sur les PC et les serveurs d’entrée de gamme. Je pense que les temps à venir vont être plus difficiles pour tous. Raison de plus pour être inventifs ! ( La crise va-t-elle vous obliger à alourdir le plan social mondial en cours ? Si la situation économique s’aggrave, les entreprises dans le monde entier devront ajuster leurs plans. Mais aujourd’hui, ce n’est absolument pas d’actualité. Le plan social annoncé par la PDG d’HP, Meg Whitman, s’étend sur une période longue, jusqu’à la fin de 2014. Il ne se fait pas en réaction au court terme. Il est comme ça ! iPhone ou Android ? Android. Tablette ou portable ? Portable. Lève-tôt ou couche-tard ? Les deux. La qualité que vous préférez chez vos collaborateurs ? Le courage. Le défaut que vous ne pardonnez pas chez un collaborateur ? La lâcheté. Ce que vous détestez par-dessus tout au travail ? La bureaucratie. Gérald Karsenti est un ardent défenseur de la parité homme-femme, « nécessaire pour améliorer la performance de l’entreprise ». [HP] Votre plus belle réussite professionnelle ? Diriger HP France, un privilège. ( Combien de postes vont être supprimés en France ? HP France a subi plusieurs plans sociaux assez traumatisants au cours desquels l’entreprise a perdu beaucoup de compétences, notamment en 2006. Pour cette raison, j’ai décidé de faire uniquement un plan volontaire de préretraite qui concernera 520 collaborateurs. Et parallèlement, en juin, j’ai annoncé un plan d’embauches qui concernera 210 jeunes. C’est assez unique en France. C’est moins douloureux humainement, cela permet de faire progresser les plus jeunes vers des postes à responsabilité, et nous ne ferons pas porter ce plan par les finances publiques. ( À quoi correspond ce plan d’embauche ? Il devrait démarrer au printemps 2013. Il s’intègre dans une démarche plus globale que je mène à l’égard des jeunes, depuis ma nomination en juillet 2011. Un de mes autres chevaux de bataille est la parité homme-femme. J’ai vraiment la conviction qu’elle est nécessaire pour atteindre le bon équilibre dans l’entreprise et aussi améliorer la performance. Mais j’ai du mal à nommer des femmes patronnes d’entités car il y a plus d’hommes que de femmes diplômées des écoles d’ingénieurs et des universités. Je ne suis pas fan des quotas, mais il est possible que ce soit malgré tout la solution. Du moins à court terme. Nous sommes aussi volontaristes pour accueillir plus de collaborateurs handicapés, mais aussi pour créer un environnement dit « friendly » pour toutes les communautés liées à l’orientation sexuelle. Chacun doit trouver sa place chez HP, y être bien. « On ne peut pas relancer l’économie par des réductions de coûts. Il faut la relancer par la croissance. » ( Y aura-t-il de nouvelles acquisitions ? Notre priorité est de rentabiliser ce que nous avons acheté. Meg Whitman n’a, a priori, pas de grosses acquisitions en vue. Nous avons maintenant un portefeuille assez large et elle souhaite privilégier l’intégration et la R&D interne. Elle ne cherche pas non plus à tous crins à optimiser la valeur de l’action et la capitalisation d’HP. Les journalistes financiers se focalisent souvent sur la capitalisation sans voir tout le reste et notamment l’activité et l’emploi. Meg Whitman sait ce qu’il faut faire pour que l’action double ou triple de valeur, mais elle ne le fait pas. Elle veut construire le futur d’HP pour les 70 prochaines années. ( Quel est le rôle des agences régionales d’HP ? HP compte sept sites en régions dont cinq agences commerciales et trois centres de compétences. J’essaie vraiment de pousser le business en région où nous sommes très présents. À Toulouse par exemple, nous sommes massivement implantés aux côtés d’EADS. Nous avons permis à Airbus de doubler sa puissance de calcul en installant deux POD (performance optimized data center, ndlr) qui renferment chacun plus de 1 000 serveurs. De manière générale, je suis effaré par le fait qu’on désinvestisse autant dans les régions. Ce qui fait la dynamique d’un pays comme la France, ce sont les PME et PMI. ( Votre avis sur les délocalisations ? Les sociétés de services délocalisent massivement en Europe de l’Est, en Inde, en Chine, au Vietnam et nous essayons autant que possible de délocaliser en France. C’est plus compliqué car c’est plus cher qu’au Vietnam, mais moins qu’à Paris ! Une partie d’un grand contrat que nous avons signé avec France Télécom se fait ainsi depuis deux mois à Toulouse. Je peux vous dire que si l’on ne se battait pas pour que les emplois restent en France, ils partiraient par wagons. Moi, je suis persuadé qu’on ne peut pas relancer l’économie u niquement par des réductions de coûts. Il faut la relancer par la croissance, rendre nos entreprises plus dynamiques, améliorer notre rapport compétitivité/coût, et surtout innover ! Aujourd’hui, les cycles s’accélèrent, des empires peuvent s’écrouler très rapidement. À l’inverse, les entreprises qui savent saisir les opportunités d’innovation peuvent conquérir le monde. q