dossier de presse 2007

Transcription

dossier de presse 2007
Black Movie,
festival de films des autres mondes
du 2 au 11 février 2007_ genève
17e édition
Des films qui osent parler d’amour au plus profond de la guerre, de manque
jusqu’à le rendre palpable, de fantasmes sans rougir. Des films dont un
geste, un regard, un plan expriment à eux seuls tout un univers.
dossier de presse
ce dossier et les visuels des films peuvent être téléchargés sur notre site:
www.blackmovie.ch
nom : dossier
mot de passe : presse
contact presse :
Eva Cousido – [email protected] - 022 320 83 87 – 076 542 83 87
Black Movie 007
Sommaire
Black Movie 2007, en un clin d’œil
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3
Liste des films projetés
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4
I. La disparition
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6
II. After Mao
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8
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8
10
12
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13
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13
14
14
IV. Fabrique thaï
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15
V. Digital Shorts
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16
VI. À suivre…
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17
VII. Petit Black Movie
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18
Les invités
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20
Conférence
Le cinéma mexicain, de la fiction à la réalité quotidienne
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21
Soirée de clôture et prix
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21
Avant / après, soirées DJ, troquet, lounge et petits plus
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22
Concerts
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23
Expositions
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24
Informations pratiques
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25
Les dessous de l’affaire
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26
Autres regards, articles critiques et entretiens
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27
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Évolution / Révolution
Rétrospective Jia Zhang Ke
Spécial 007
III. Mexique, la folie douce
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Hommage à Arturo Ripstein
Lo Último !
Centro de Capacitación Cinematográfica
Black Movie 007
Black Movie 007, en clin d’Mexique
Black Movie dévoile sa 17e édition, avec toujours la même exigence et la même
détermination à promouvoir un cinéma rebelle au formatage, sans complexes et
audacieux.
Dirigé par trois jeunes femmes– Virginie Bercher, Kate Reidy et Maria Watzlawick-, le
festival de films des autres mondes affirme fidèlement son enjeu premier : donner une
vie et une vitrine à des productions « différentes », aux formats particuliers et difficiles à
distribuer en salles.
Sa curiosité parcourt le monde, de l’Asie à l’Afrique via l’Amérique latine, pour découvrir
des auteurs rares, des talents confirmés ou émergents, des films de qualité, empreints
d’une identité, d’un regard fort sur le monde, sur sa réalité et sa plastique.
Battements et fractures de l’histoire, de l’actualité et de l’individu effleurent sous la caméra
de ces réalisateurs souvent courageux dans leur engagement et dans leur démarche
artistique.
Cette année, sept sections invitent à rencontrer ces terres cinématographiques peu
connues, une vingtaine de pays et plus de 70 films (documentaires, films de genre,
films d’auteur, animations… films tout court) :
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La disparition : La section thématique 2007 réunit des films des trois continents
liés à l’absence d’un être cher, à la perte de repères dans des sociétés en pleine
mutation, au deuil, à la guerre, à la mémoire. Une dimension souvent poétique et
politique.
After Mao : La Chine, au cœur de l’actualité socio-politique et économique du
siècle, est une des invitées de cette édition : empire de tous les paradoxes, à la
fois libérale par son économie et communiste par son histoire, elle fascine et
produit une nouvelle génération de cinéastes critiques et saisissants. Avec les
réalisateurs dits de « la sixième génération », une rétrospective Jia Zhang Ke
(lauréat du Lion d’Or de Venise 06) et un Spécial 007 avec Johnnie To.
Mexique, la folie douce : le Mexique conjugué au présent, au futur et au passé.
Également à fleur d’actualité, le Mexique affiche une réalité troublante, voire
glissante, où la dureté de la vie, des rapports humains et la pauvreté transpirent.
De jeunes réalisateurs côtoient l’hommage au grand maître mexicain, Arturo
Ripstein, et l’invitation au Centro de Capacitación Cinematográfica de Mexico.
Fabrique thaï : odyssée stylisée dans le dynamisme de la production thaï, avec
des thrillers et des films d’auteur.
Digital Shorts : des films tirés de la collection de l’innovant Jeonju Film Festival
(Corée du Sud) : moyens-métrages à petit budget et en format numérique.
À suivre… : des réalisateurs à ne pas perdre de vue, comme Lisandro Alonso,
Tsai Ming-Liang, Gyeong Tae Roh, …
Petit Black Movie : ça y est ! Le Petit Black Movie devient un incontournable
pour les enfants et leurs parents. Première rencontre avec l’image pour les 3-12
ans, avec des activités ludiques parallèles.
Les à-côtés de Black Movie : salons de discussion avec des réalisateurs invités,
conférence, expositions de photographies, lieux d’échange et de rencontre, concerts,
soirées DJ et VJ.
Un festival pour cinéphiles, pour cinéphages et pour tous les amoureux des voyages en
salles noires...
Black Movie 007
3
Liste des films projetés
I. Thématique : la disparition
A Perfect Day*
Before we Fall in Love Again*
Bled Number One*
Crónica de una fuga*
Hamaca Paraguaya*
La Nuit de la vérité
Na cidade vazia (Hollow City)
The Host (Gwoemul)*
Un matin bonne heure
Joana Hadjithomas & Khalil Joreige
James Lee
Rabah Ameur-Zaïmeche
Israel Adrián Caetano
Paz Encina
Fanta Régina Nacro
Maria João Ganga
Bong Joon-ho
Gahité Fofana
Liban, 2005
Malaisie, 2006
Algérie, 2005
Argentine, 2006
Paraguay, 2006
Burkina Faso, 2004
Angola, 2004
Corée du Sud, 2006
Guinée, 2005
Évolution / Révolution
Distance*
Dr Zhang*
People of Yangzi*
Refrain*
Shanghai Dreams (Qing Hong)
Summer Palace*
Walking on the Wild Side*
Wei Tie
Huang Ruxiang
Wei Tie
Cui Zi’en
Wang Xiaoshuai
Lou Ye
Han Jie
Chine, 2006
Chine, 2006
Chine, 2005
Chine, 2005
Chine, 2005
Chine, 2006
Chine, 2006
Rétrospective Jia Zhang Ke
Dong*
In Public
Plaisirs inconnus (Ren Xiao Yao)
Platform (Zhantai)
Still Life (Sanxia Haoren)*
The World*
Xiao Wu, artisan pickpocket
Jia Zhang
Jia Zhang
Jia Zhang
Jia Zhang
Jia Zhang
Jia Zhang
Jia Zhang
Chine, 2006
Chine, 2001
Chine, 2002
Chine, 2000
Chine, 2006
Chine, 2004
Chine, 1997
Spécial 007
Election 1*
Election 2*
The Mission*
Johnnie To
Johnnie To
Johnnie To
II. After Mao
Ke
Ke
Ke
Ke
Ke
Ke
Ke
Hong Kong, 2005
Hong Kong, 2006
Hong Kong, 1997
III. Mexique, la folie douce
Lo Último !
Batalla en el cielo
El Violín*
Familia tortuga*
Más que a nada en el mundo*
Noticias lejanas*
Trópico de Cáncer*
Hommage à Arturo Ripstein
Carmin profond
Ce lieu sans limites
Los héroes y el tiempo
Lecumberri, el Palacio Negro
L’empire de la fortune
La vierge de la luxure
Le château de la pureté
Black Movie 007
Carlos Reygadas
Francisco Vargas
Rubén Imaz Castro
Andrés León Becker et Javier
Solar
Ricardo Benet
Eugenio Polgovsky Ezcurra
Arturo Ripstein
Arturo Ripstein
Arturo Ripstein
Arturo Ripstein
Arturo Ripstein
Arturo Ripstein
Arturo Ripstein
Mexique, 2004
Mexique, 2006
Mexique, 2006
Mexique, 2006
Mexique, 2004
Mexique, 2004
Mexique, 1996
Mexique, 1997
Mexique, 2005
Mexique, 1976
Mexique, 1985
Mexique, 2003
Mexique, 1972
4
Centro de Capacitación Cinematográfica
Bestiario*
Daniel Castro Z.
Diabla Blanca*
Lauracarmen Magana
Dimelo que sientes*
Iria Gomez
El mundo al atardecer*
David Pablos
Historia de amor*
Leon Felipe Gonzales
Irma Gonzales Madre de todas las F. Urdapilleta
reinas*
Peces Platano*
Natalia Beristain
Ver llover*
Elisa Miller
Mexique, 2006
Mexique, 2006
Mexique, 2006
Mexique, 2006
Mexique, 2006
Mexique, 2006
Mexique, 2006
Mexique, 2006
IV. Fabrique Thaï
Bangkok Dangerous
Invisible Waves
Last Life in the Universe
One Night Husband*
Oxide & Danny Pang
Pen-ek Ratanaruang
Pen-ek Ratanaruang
Pimpaka Towira
Thaïlande, 2000
Thaïlande, 2006
Thaïlande, 2003
Thaïlande, 2003
Lisandro Alonso
Tsai Ming-Liang
Lisandro Alonso
Lisandro Alonso
Pablo Trapero
Gyeong Tae Roh
Argentine, 2006
Taïwan, 2006
Argentine, 2001
Argentine, 2004
Argentine, 2006
Corée du Sud, 2006
V. À suivre…
Fantasma*
I Don’t Want to Sleep Alone*
La Libertad
Los Muertos
Nacido y criado
The Last Dining Table
VI. Digital Shorts (Jeonju Film Festival)
About Love
Daf
Influenza
No Day Off
Twelve Twenty
Darezhan Omirbayev
Bahman Ghobadi
Bong Joon-ho
Eric Khoo
Pen-ek Ratanaruang
Kazhakstan, 2006
Iran, 2003
Corée du Sud, 2004
Singapour, 2006
Thaïlande, 2006
Mori Masaki
Te Wei, Hu Jinqing, Zhou Keqin
Japon, 1983
Chine, 1988
A. Alimorad, B. Farahat, A.
Asgharzadeh
Wu Tian-Ming
Yoichi Higashi
Yoshio Takeuchi
Dyana Gaye
Iran, 2001
VII. Petit Black Movie
Gen d’Hiroshima*
Impression de montagne
et d’eau
Le petit monde de Bahador
Le Roi des masques
Le village de mes rêves*
Léo, roi de la Jungle*
Deweneti*
ΙΙΙ.
Hong Kong, 1995
Japon, 1995
Japon, 1997
Sénégal, 2006
films inédits en Suisse
Black Movie 007
5
La disparition
Cette section réunit des films des trois continents : Asie, Amérique latine et Afrique.
Chacun des 9 films programmés se déploie autour d’une disparition.
Individus disparus ou sociétés en pleine mutation, des films où l’absence et le manque
tiennent étrangement le rôle principal. La disparition rime toujours avec mémoire ou deuil,
et finit par prendre une place phénoménale, à la mesure de l’inconnu ou du mystère qui
l’entoure.
Qu’il s’agisse de la disparition d’un être cher, de repères ou de traditions, le thème se
module ici sur des tons sérieux, engagé, tragique, sensuel, poétique.
Cette section présente des auteurs phares et leurs œuvres récentes. Chacune à sa
manière s’ancre dans la réalité socio-politique de son pays, souvent ébranlé par la guerre
ou par des transformations foudroyantes. Toutes démasquent le mécanisme que les états
ou les individus développent face à la crise : combler le vide, avant d’affronter leur
histoire.
Pour commencer, un film de monstre : The Host de Bong Joon-ho, film d’ouverture de
cette 17e édition de Black Movie. Fantastique, comique et politique, il se développe autour
de la disparition d’une petite fille, enlevée par une créature géante, que sa famille tentera
de retrouver. Si Bong Joon-ho dénonce subtilement la présence américaine en Corée, il
construit surtout un film métaphorique, invitation à l’image et aux interprétations multiples
(lire article, dès p. 27).
Son film expérimental, Influenza, est à découvrir dans la section Digital Shorts (p. 16).
Crónica de una fuga (Buenos Aires 1977) de Israel Adriàn Caetano est un film coupde-poing sur la séquestration arbitraire et la disparition massive de gens sous la dictature
militaire argentine, de 1976 à 1983. Entre 10'000 et 30'000 personnes sont encore
portées disparues à ce jour. Tiré d’une histoire vraie, le témoignage de Claudio
Tamburrini, le jeune réalisateur s’interroge avant tout sur la survivance après avoir subi
toutes sortes de tortures ; il interroge la résistance à la peur, à la douleur et au pouvoir.
Pudique, il évite le morbide et le voyeurisme.
Dans Bled number one, Rabah Ameur Zaïmeche dépeint une Algérie entre rites
archaïques et modernité. Il signe un film très personnel, où lui-même interprète le rôle
central de l’observateur de ce pays en perte de repères. Dans ce portrait introspectif, il
franchit librement les limites du documentaire et de la fiction : non seulement par sa
position devant et derrière la caméra, mais aussi par le traitement de l’image (lumières
naturelles, bande-son live) et l’intégration de moments imprévus, saisis à même le
présent du tournage. Une démarche risquée et décomplexée.
Retour à sa terre d’origine pour Paz Encina qui signe son premier long-métrage, Hamaca
Paraguaya, premier film à sortir des frontières du pays depuis 1970. Tourné en guarani,
cette œuvre contemplative et poétique, d’une austérité magnétique, s’enracine dans la
guerre du Chaco qui a opposé la Bolivie au Paraguay (1932 – 1935). Paz Encina conte
l’attente d’un vieux couple de paysans qui espère le retour de son fils parti au front. C’est
tout l’absurde de la guerre et la quête du sens de la vie qui affleurent alors.
(lire article dès p. 27)
La Nuit de la vérité de Fanta Régina Nacro s’ancre également dans la guerre, peu
importe laquelle, puisqu’elles sont toutes aussi insensées et criminelles les unes que les
autres : Je voudrais faire de ce film une action contre l’atrocité, les conflits ethniques, la
cruauté et la haine de l’homme (Fanta Régina Nacro).
Black Movie 007
6
Ce film sur la folie meurtrière qui peut dévaster un pays est un
acte de foi en l’homme. Et cela par la force d’abord de la mise en
scène qui, faisant monter la tension tout au long de cette nuit où
ceux qui se sont affrontés la veille doivent se serrer la main, sait
ménager des pauses, des ruptures de ton. (...) Ce qu’on aime
aussi dans ce film, c’est qu’il ne craint pas la démesure.
Émile Breton, L’Humanité
Le film a notamment reçu le prix du meilleur scénario au festival FESPACO de
Ouagadougou. (lire article, p. 27)
Note d’intention de Fanta Régina Nacro
La nuit de la vérité est un film écrit à la mémoire d’un homme.
Accusé d’avoir fomenté un coup d’état, il fut d’abord torturé et
emprisonné.
Une nuit, des hommes préparèrent un barbecue, l’attachèrent et le
firent cuire à petit feu jusqu’au matin. À sept heures du matin, il
mourait atrocement.
Cet homme était mon oncle.
Il y eût aussi ce vendredi noir où des musulmans de mon quartier,
à Ouagadougou, s’entretuèrent à coups de couteaux et de
machettes parce qu’ils ne s’entendaient pas sur le choix du nouvel
imam. Des sages ont pu calmer les esprits et éviter une guerre
civile.
Enfin, comment oublier la Yougoslavie, le Rwanda, le Burundi, le
Soudan, le Zaïre, le Congo… mais aussi tant d’autres pays du
monde confrontés à des guerres civiles ? Sur le thème des
rivalités ethniques, nous avons voulu écrire un drame
« shakespearien ». La violence et la cruauté n’y sont pas
exposées avec complaisance, mais intégrées à une progression
dramatique.
A Perfect Day, du couple de plasticiens et cinéastes Joana Hadjithomas et Khalil Joreige,
ausculte un fils et sa mère, 15 ans après la disparition de leur père et mari respectif. Si la
mère reste figée dans l’attente et l’espoir, le fils veut vivre et tourner la page. Mais atteint
de l’apnée du sommeil, ses actions sont constamment arrêtées par ses
endormissements. Les réalisateurs traitent le sommeil comme image d’un pays qui
cherche l’oubli, au lieu de panser ses plaies et de penser son histoire. En effet, nous
sommes au Liban où la guerre de 1975 à 1990 a provoqué la disparition par kidnapping
de 17’000 personnes. (lire article, p. 27)
Cet appel à mener l’autocritique de l’histoire du pays se retrouve dans le film angolais Na
cidade vazia : ici, c’est par le récit tragique d’un orphelin sacrifié à la violence urbaine,
dans une nation qui sort de 30 ans de guerre.
Un matin bonne heure du guinéen Gahité Fofana s’inspire d’un fait divers tragique : le
sacrifice de deux adolescents pour changer le monde et, surtout, pour améliorer le destin
de l’Afrique vouée à la pauvreté, incapable de donner un avenir à sa jeunesse.
Pour finir ce voyage dans les variations de la disparition, mentionnons le film malaisien
Before we Fall in Love Again, qui s’articule autour de la disparition d’une femme, partie
sans laisser de traces. Enigme pour son mari, mystère pour son compagnon précédent,
sa disparition interroge le sentiment amoureux et la complexité du désir.
Black Movie 007
7
After Mao
Une section consacrée à la Chine avec 17 films répartis en trois volets :
Évolution / Révolution ; Rétrospective Jia Zhang Ke ; Spécial 007 avec Johnnie To.
ΙΙΙ.
Évolution / Révolution
En 1966, Mao Zedong muni de son Petit Livre rouge et de son charisme fédérateur initie
la révolution culturelle. Le prolétariat clame sa dignité et la jeunesse descend dans la rue
pour abattre les reliques du passé. Le pays plonge bientôt dans un inextricable chaos,
marquant profondément la population. Le Grand Timonier meurt en 1976, l’Empire du
Milieu se relève. Les années 80 marquent l’ouverture de la Chine communiste au marché
capitaliste et voient la mise en place d’une série de réformes radicales. Résultat : la Chine
contemporaine perd ses repères et se fracture. Elle oscille entre marche de l’histoire et
repli sur soi : alors que le gouvernement affiche encore l’imagerie de Mao, elle doit
affronter le vent du libéralisme qui la force à une transformation ultra rapide et
déstabilisante.
Cinéastes chinois : l’urgence du réel
L’Occident semble rester incrédule face à une société chinoise en
plein bouleversement et en plein questionnement, où les
différentes générations s’entrechoquent à cause d’une histoire
encore difficile à revisiter et à analyser. Une histoire en marche qui
laisse aujourd’hui près de 80% des Chinois sur le bord de la route.
A la difficulté du quotidien de la très grande majorité des Chinois,
s’ajoute celle de la misère et de l’oppression, du silence, de
l’ignorance et du mépris. Dans cette Chine où le revers de la
médaille du développement économique est désormais synonyme
de quête d’identité, de solitude, de désolation, de l’argent roi, et de
corruption, seule « l’avant-garde culturelle » chinoise ose montrer
ce qui se cache derrière les murs de la grande muraille : les
cinéastes. […]
ΙΙΙ.
Lewkowicz, www.radiofrance.fr/chaines/Mexique-culture2
Ce volet s’intéresse aux jeunes réalisateurs chinois qui émergent de ce contexte
complexe, ambivalent et parfois brutal : leurs fictions et documentaires témoignent d’une
singulière nostalgie de l’élan révolutionnaire qui a donné des idéaux et une raison d’être
au peuple.
Ces cinéastes, réunis sous l’appellation de « sixième génération », se caractérisent par
des films tournés avec peu de moyens, généralement dans la clandestinité, et qui traitent
de sujets de société engagés. La plupart des Mexique sont interdites dans leur patrie,
mais réussissent à trouver une visibilité dans les festivals internationaux. Ce qui vaut
parfois à leurs réalisateurs de sérieuses représailles de la censure chinoise : Lou Ye,
réalisateur de Summer Palace, est interdit de filmer pendant cinq ans pour avoir présenté
son film au festival de Cannes 2006, sans autorisation préalable.
En effet, dans Summer Palace, Lou Ye parle non seulement de liberté sexuelle (et la
montre), mais il met aussi en parallèle deux événements forts de 1989 : le massacre de la
place Tien An Men face à l’énergie lumineuse et libre de la chute du mur de Berlin.
Les films programmés dans cette rubrique portent un regard sans complaisance sur la
réalité du pays, ses paradoxes, la dérive des jeunes, la perte d’idéaux, l’exploitation des
ouvriers, la quête du sens de la vie.
Black Movie 007
8
Dr Zhang, documentaire de la réalisatrice Huang Ruxiang, cristallise le paradoxe
contemporain d’une Chine qui vacille entre les idéaux d’autrefois, générés par la
Révolution culturelle, et la vacuité du sens de la vie actuelle, à travers le portrait émouvant
d’un homme qui rêve de partir vivre en Russie et de se donner entièrement au
communisme.
Distance de Wei Tie témoigne de l’esclavagisme du prolétariat, dans une Chine
matérialiste et inique. Dans son documentaire People of the Yangzi, sa caméra, franche
et fluide, saisit les contrastes d’une Chine en pleine évolution, comme une estampe ou
une musique.
Shanghai Dreams montre le pouvoir destructeur de l’Etat tyrannique, qui finit par étouffer
son peuple comme ce père qui tue l’élan de vie chez sa fille, personnage central du film, à
force de la surveiller et de l’empêcher de s’épanouir. En réalisant ce film puissant et
mélancolique, Wang Xioashuai s’inspire d’un pan peu glorieux de l’histoire chinoise :
l’Etat, pour se protéger de la Russie, construit une ligne de défense en déplaçant de force
des milliers de familles dans des régions de l’arrière-pays.
Refrain, œuvre tendre, subversive et formellement radicale, prône le droit de disposer de
son corps, le droit de choisir sa sexualité et de la vivre de manière épanouie. Son
réalisateur Cui Zi’en, homosexuel militant, a subi toutes sortes de maltraitances pour
avoir assumé publiquement sa sexualité : professeur de littérature à l’Institut du cinéma de
Pékin, il est privé de cours et de salaire, en 1991, et empêché d’enseigner pendant dix
ans (il a retrouvé ses classes en 2001). (lire article, p. 27)
Walking on the Wild Side, produit par Jia Zhang Ke, pointe la dérive de la jeunesse, la
dureté des conditions de vie dans une ville minière et la prolifération des affaires
crapuleuses dans le domaine des mines.
La Chine, c’est 35% du charbon mondial et 85% des morts
Avec près de 5000 mineurs tués par an – chiffre officiel qu’il faut
sans doute multiplier par 4 pour s’approcher de la réalité – la
Chine est en tête d’un commerce macabre de l’or noir dans lequel
la vie humaine n’a plus de valeur.
www.radiofrance.fr/chaines/Mexique-culture2
Black Movie 007
9
II. Rétrospective Jia Zhang Ke
Lauréat du Lion d’Or de Venise 2006 avec Still Life, Jia Zhang Ke est l’un de meneurs
de la « sixième génération », appellation qu’il préfère remplacer par « cinéastes
indépendants ». Malgré une reconnaissance internationale de son œuvre, ce n’est qu’en
2004 qu’un de ses films, The World, est diffusé officiellement en Chine.
L’intégrale de ses œuvres, fictions et documentaires, est programmée ici. Ce peintre du
temps s’attache à observer les gens ordinaires pris dans l’anodin du quotidien en
résonance avec les bouleversements de l’histoire. Il file une œuvre contemplative mêlée
de réalisme et d’allégorie.
À l’épreuve du temps
Maîtriser le temps est essentiel, il s’agit de le faire sentir au
spectateur. Quand on est seul, on se retrouve face au temps et à
sa propre tristesse. Ce n’est que seul que l’on voit passer le
temps. Jia Zhang Ke
Né en 1970, à Fenyang, petite ville du nord de la Chine qui inspirera certaines de ses
œuvres (Xiao Wu, artisan pickpocket, Platform, Plaisirs inconnus), Jia Zhang Ke se
forme d’abord comme peintre, puis fait des études de cinéma à l’Académie du film de
Beijing (Pékin). Dans son parcours, il dit avoir appris de Godard l’importance du silence
(Le cinéma a inventé le silence, une caméra qui tourne produit du silence) et de Bresson
et Hou Hsiao Sien l’observation de l’espace et du temps.
Son cinéma se caractérise par un réalisme qui flirte souvent avec le documentaire. Le
fait de tourner dans la clandestinité lui donne paradoxalement une extrême liberté : il
n’hésite pas à voler des instants de réalité (les annonces publiques de l’Etat, des
habitants qui, devant leur téléviseur, apprennent le choix de Pékin pour accueillir les Jeux
Olympiques, etc : scènes vues dans Platform et Plaisirs inconnus, notamment). De
longs plans séquences méditatifs construisent ses films et proposent une réelle
expérience du temps. Les lenteurs sont toutefois généralement contrebalancées par des
ellipses temporelles vertigineuses, qui disent le changement fulgurant de la société,
devenue technologique et libérale.
En 1997, il réalise son premier long-métrage, Xiao Wu, artisan pickpocket, avec lequel il
se fait immédiatement remarquer en Occident, notamment au festival de Berlin. Suivent
ensuite Platform (2000) et Plaisirs inconnus (2002), qui mettent au centre des jeunes
gens : confrontés à la métamorphose de leur pays et à la déliquescence des idéaux, ils
sont incapables de donner un sens à la vie. Jia Zhang Ke montre un intérêt tout
particulier pour l’adolescence, point culminant de la vie, où tout semble possible. Il livre
pourtant un constat assez sombre : l’adolescence ne dure qu’un instant et l’individu
revient à son passé. Ces deux productions effleurent un autre thème commun : la
politique de l’enfant unique.
Le temps, véritable protagoniste de ces réalisations, continue sa marche inéluctable,
emportant avec lui les rêves ou s’imposant comme un adversaire : les adolescents de
Plaisirs inconnus affirment ainsi ne vouloir vivre que jusqu’à 30 ans, jouir et mourir.
The World (2004), quant à lui se déroule dans un parc d’attraction de Pékin, utopie où
tous les plus célèbres monuments du monde sont reproduits. Là, un groupe de jeunes
gens travaillent, s’aiment et se déchirent, fantasment une vie meilleure et se heurtent à la
réalité : les ouvriers sont les laissés-pour-compte de la technologie qui envahit la Chine ;
sous les paillettes du World Park, les femmes se prostituent, les individus traînent leur
solitude et leurs désillusions. Pour les habitants des provinces, la ville brille comme un
Eldorado, mais révèle sa cruauté.
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In Public, moyen-métrage produit par le Jeonju Film Festival (cf. p. 16) en 2001, pourrait
être le manifeste de la démarche artistique du cinéaste : sa caméra capture les visages et
le quotidien si bien que leur mystère raconte une histoire et suggère un ailleurs.
Still Life et Dong (documentaire sur le célèbre peintre chinois Xia-Dong) se déroulent
dans la région des Trois-Gorges dévastée par la construction d’un des plus grands
barrages du monde. Cet ouvrage a provoqué l’exode massif de milliers d’habitants. Une
fois encore, Jia Zhang Ke marque son intérêt pour les petites gens et s’en fait le porteparole, tout en magnifiant son propos par un geste cinématographique d’une rare majesté.
(lire entretien, p. 27)
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas raconter des histoires, mais filmer
mon sentiment sur la vie et le temps.
Un film, c’est comme un visage. Il ne sert à rien de demander
pourquoi il est ainsi.
Bresson disait : « Quand on arrive dans un espace, il faut prendre
trois minutes pour parler avec ».
J’ai envie que mes films aient une vie, mais une vie qui ne
s’explique pas. […] La vie n’a pas besoin d’explication. Ce qui
importe, c’est ce qu’on voit. C’est cela qu’il faut filmer. Quand on a
cette distance-là, quand on ne souligne pas les détails, quand on
n’essaie pas d’expliquer les choses et qu’on reste au niveau de
l’apparence, alors le public comprend avec son expérience.
Au cours de la vie, on oublie beaucoup de choses. En tournant un
film, on se remémore soudain beaucoup de choses oubliées. Le
temps et la vie se réveillent tout à coup.
Extraits d’un entretien de Jia Zhang Ke réalisé par Frédéric Bonnaud,
Paris, 2003
Black Movie 007
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III. Spécial 007
Avec trois œuvres de Johnnie To, exploration des bas-fonds de Hong Kong, du singulier
monde des triades et des yakusas, de leurs règles impitoyables et de leur soif de pouvoir :
The Mission (1999), Election 1 (2005) et Election 2 (2006).
Johnnie To, de son vrai nom Kei-Fung To, doit sa reconnaissance en Occident à The
Mission. Cinéaste à l’Mexique multiforme et inclassable, il fonde sa propre société de
production en 1996 : la Milkyway. Cette « voie lactée » porte bien son nom :
extrêmement prolifique, elle a déjà produit près de 50 films, dont une large part est signée
Johnnie To. La maison fournit régulièrement des œuvres commerciales et de qualité au
marché cinématographique local et international, tout en continuant de produire des films
d’auteur, à budget réduit et sans garantie de succès. (lire articles, p. 27)
Election 1 et Election 2 m’ont pris beaucoup de temps et
d’énergie. Pendant deux ans, j’ai subi beaucoup de pression. Les
films de Hong-Kong parlent si rarement de politique que je ne
pouvais agir à la lègère. Dans Election 1, je voulais raconter
l’Histoire des Triades, du point de vue de leurs valeurs, de leurs
systèmes. Dans le second, je voulais montrer comment elles
avaient changé après la rétrocession de Hong-Kong à la Chine en
1997, quel était leur avenir sous le contrôle de l’autorité chinoise.
Ce sont deux périodes bien différentes. Il y eut dans les années 90
une déclaration marquante d’un des chefs de la sécurité chinois :
« Les membres des triades peuvent aimer leur pays ». En même
temps, les membres de l’autorité chinoise ont pris contact avec les
triades pour leur demander de rester calme après la rétrocession.
Avant ces discussions, le climat à Hong-Kong était très tendu : des
membres très puissants des triades s’affichaient dans les rues,
chaque quartier avait son Tigre, des chefs descendaient de Chine
Populaire pour faire la loi. Tout cela provoquait beaucoup
d’affrontements. Des commissariats furent encerclés. Des
hôpitaux assaillis par des petites mains qui voulaient achever un
blessé. Le patron d’un cinéma s’est fait tuer. C’était chaotique.
Après cette fameuse phrase, tout s’est calmé. Plus aucun
massacre, paix apparente. Le commerce des Triades a
dégringolé, les « Tigres » ont disparu. Hong-Kong traversait en
même temps une grande crise économique et des problèmes
politiques, dans l’éducation notamment, et sanitaire : SRAS, grippe
aviaire. Les Triades ont de plus eu peur du communisme chinois.
De mon point de vue, les Triades sont véritablement devenues
incapables de fonctionner comme avant. Entre l’épisode 1 et 2,
1997 fait donc rupture, entre passé et présent des Triades. […]
Johnnie To
Tiré de Hong-Kong, de bon matin par Antoine Thirion, Cahiers du
cinéma, janv 2007
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Mexique, la folie douce
Black Movie conjugue le Mexique au passé (hommage à Arturo Ripstein), au présent (la
nouvelle génération de cinéastes) et au futur (avec l’invitation à l’école de cinéma de
Mexico). 21 films.
I. Hommage à Arturo Ripstein
en collaboration avec le CAC Voltaire
À quinze ans, après avoir vu Nazarin j’ai eu un coup de foudre pour
Buñuel, qui m’a décidé à être réalisateur. (...) J’ai appris de Buñuel que
les meilleurs films possibles sont ceux dans lesquels on ne trahit pas
ses principes les plus intimes. (...) Je ne filme pas pour convaincre, je
filme pour émouvoir. Filmer est horrible, désespérant, infâmant, atroce,
frustrant, comme un vice mortel. C’est aussi merveilleux et j’en tire
beaucoup de plaisir et de jouissance. Arturo Ripstein, 1988
Le festival rend hommage à Arturo Ripstein pour sa carrière prolifique et inspirée. Ce
maître du baroque est un des plus célèbres cinéastes mexicains contemporains. Son
talent a d’abord été salué internationalement, avant d’être reconnu dans son pays où
certains de ses films ont été censurés, notamment sous l’ère du président Lopez Portillo.
Né en 1943, à Mexico, il grandit dans le cinéma. Son père, Alfredo Ripstein, est
producteur. Très jeune, il rencontre Luis Buñuel, dont il devient l’assistant sur plusieurs
productions, comme L’Ange exterminateur (1962). Après des études de cinéma à
l’Université nationale autonome de Mexico, il signe son premier long-métrage en 1965 :
Tiempo de morir (Le temps de mourir). Déçu par l’industrie mexicaine du cinéma, il fonde
le groupe Cine Independiente de México, avec Cazals et Castenedo, à la fin des
années 1960. Le but : réaliser des œuvres expérimentales.
Sa démarche est travaillée par un pessimisme baigné d’une certaine cruauté. Les thèmes
de l’isolement, de la famille et de la fatalité, des atmosphères oniriques et érotiques
doublées de critique sociale nourrissent l’œuvre d’un homme qui avoue être attiré par
l’obscurité, la vie secrète, par ce qui ne se dit qu’à demi-mot, par l’inavouable.
Ses films révèlent sans complaisance la dégradation physique et morale de la société, où
le sacré n’a plus droit de cité.
Le festival propose un parcours à travers son œuvre multiforme et le temps : des
productions des années 1970 jusqu’aux années 2000, avec entre autres, Ce lieu sans
limites (El lugar sin límites), un de ses opus les plus fameux : inspiré d’un fait divers, il
traite de l’enfermement et subvertit les codes traditionnels de la famille (tout comme dans
Le Château de la pureté, 1972).
Les deux seuls documentaires de sa vaste filmographie seront aussi à découvrir ici :
Lecumberri, el Palacio Negro (1976) et Heroes and Time (Los héroes y el tiempo)
(2005). Si le premier est une commande du gouvernement, le deuxième est le fruit du
hasard. En 1976, le lugubre pénitencier de Mexico, Lecumberri, est sur le point d’être
fermé. Arturo Ripstein est mandaté pour réaliser un documentaire-archive. Pendant le
tournage, il rencontre quatre jeunes guérilleros. 30 ans plus tard, il est abordé dans la rue
par l’un d’entre eux. Tous ont été libérés. Il décide de les retrouver pour témoigner de leur
itinéraire, depuis le temps de la prison et de la lutte pour les idéaux : on rencontre des
hommes revenus de tout et surtout de leurs rêves, parfaitement intégrés dans l’économie
dominante. C’est mon projet le plus triste, admet Ripstein. Heroes and Time ne juge
pas, mais le montage, très finement orchestré, livre un constat sombre.
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II. Lo Último !
Une nouvelle génération de cinéastes téméraires dans leur engagement critique et
esthétique sont présentés dans ce volet.
Parmi les œuvres programmées, à relever notamment :
El Violín de Francisco Vargas : film pour lequel le comédien Don Angel Tavira,
interprète de Don Plutarco, reçoit le prix d’interprétation masculine à Cannes 2006.
À travers l’épopée du vieux Don Plutarco, violoniste et guérillero, le film témoigne des
rébellions étouffées et d’un peuple opprimé par un pouvoir tortionnaire. Le suspense
intenable et la violence du propos socio-politique sont magnifiés par une image noir-blanc
saisissante et atemporelle : le film bascule et raconte finalement la fable de l’humanité.
Cet opus s’inscrit dans la veine de Los Olvidados de Buñuel, par la volonté de donner la
parole aux laissés-pour-compte.
Batalla en el cielo de Carlos Reygadas : le réalisateur nous avait déjà habitué à des
univers étranges et contemplatifs avec Japón. Il signe ici un polar existentiel, hypnotique
et sensuel, incarné par des acteurs non-professionnels et charismatiques. (lire article, p. 27)
Familia Tortuga, premier long-métrage de Rubén Imaz Castro, révèle le talent de ce
jeune réalisateur. Il imagine ici une famille en décomposition, formée de quatre membres
cloisonnés dans leur solitude.
Noticias lejanas de Ricardo Benet explore les limites géographiques et mentales de
l’individu dans un Mexique délaissé par les promesses de l’économie globale. Le
réalisateur affirme vouloir montrer un Mexique que le gouvernement ne veut pas voir.
Más que a nada en el mundo, réalisé par Javier Solana et Andrés León Becker, est la
chronique de trois êtres, pris dans la frénésie urbaine : une mère, sa fille et un homme
malade. Le film traque la difficulté à communiquer.
Trópico de Cáncer est l’unique documentaire de ce volet. Il dévoile l’extrême pauvreté
d’un peuple, dont le mode de vie se rapproche de manière inquiétante de la préhistoire de
l’humanité.
III. El Centro de Capacitación Cinematográfica (CCC)
Fondé en 1975 par Carlos Velo, il était présidé par Luis Buñuel dans ses premières
années. Doté d’une infrastructure de production, l’institut est devenu la matrice de la jeune
génération de réalisateurs. Il affiche la volonté de promouvoir le cinéma mexicain au-delà
des frontières nationales et encourage ses étudiants à explorer l’imaginaire et la richesse
formelle qu’offre cet art.
Par la programmation de 8 films d’étudiants, la section invite à une traversée d’univers
naissants.
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Fabrique thaï
Cette section esquisse un panorama de la fabrique du cinéma thaï dynamique, stylisé et
diversifié avec des films de genre et d’auteur. 4 films, 4 identités.
Depuis les années 90, le cinéma thaï connaît une effervescence savoureuse avec une
nouvelle vague de réalisateurs, menée notamment par Apichatpong Weerasethakul et
Pen-ek Ratanaruang.
Surprenante, cette nouvelle génération de cinéastes propose des films qui, tout en étant
teintés d’un grain de folie propre aux films de genre très prisés en Thaïlande, larguent les
amarres du commercial et voguent hors des sentiers battus.
Apichatpong Weerasethakul, génial réalisateur de films qui plongent les spectateurs dans
un espace-temps magique, voire mystique, est le premier à avoir ouvert une brèche et
entraîné dans son sillage des cinéastes qui mettent à mal les critères propres à identifier
un film.
Pen-ek Ratanaruang s’impose comme un de chefs de file magistralement inventif. Ses
films circulent dans les plus prestigieux festivals. Né en 1962, il étudie d’abord l’histoire de
l’art à New York, avant de débuter dans le cinéma en réalisant des spots publicitaires.
Son premier long-métrage date de 1997, Fun Bar Karaoke. Last Life in the Universe
(2003) et Invisible Waves (2006) sont ses quatrième et cinquième films, polars aussi
somptueux que délurés et mélancoliques.
Dans Last Life in the Universe, il cherche un souffle différent de ses réalisations
précédentes : J’ai voulu que ce soit davantage un film d’atmosphère que mes autres films.
J’ai cherché à accorder plus d’importance au rythme, au style, au visuel et au découpage
de l’espace. Je voulais que l’espace soit un personnage à part entière.
Il s’entoure d’une équipe de choc : le très convoité acteur japonais Tadanobu Asano (prix
d’interprétation au Festival du Film de Venise 2003 pour ce film) et le photographe
Christopher Doyle, fidèle et virtuose collaborateur de Wong Kar-wai. Il reconduit
l’expérience avec ces mêmes collaborateurs dans Invisible Waves. Ces deux opus
déploient un univers contemplatif, souvent burlesque, et dessinent un univers où les
personnages sont totalement dépassés par les événements, pantins qui vivent leurs
histoires comme un rêve éveillé. (lire article, p. 27)
Par ailleurs, Twelve Twenty, son essai contemplatif produit par le Jeonju Film Festival
2006, est montré dans la section Digital Shorts (cf. p. 16).
Ce survol de la fabrique du cinéma thaï est aussi l’occasion de découvrir Bangkok
Dangerous : un thriller romantique interprété par un héros atypique, sourd-muet, et signé
par les frères Pang, issus de la publicité. C’est sans doute ce qui donne à leur premier
long-métrage un traitement visuel fort, une chromatique marquée et un sens du rythme et
du kitsch.
Autre premier long-métrage, One Night Husband, réalisé par une femme, Pimpaka
Towira : avec une rare finesse, ce polar traite de l’illusion de la vie et des apparences.
Que sait-on vraiment les uns des autres ? Un détonnant mélange de naturalisme et de
fantastique compose ce film qui dérape au moment où l’on s’y attend le moins. Alors qu’il
commence comme un polar, il se poursuit comme un portrait de deux femmes, qui
témoignerait de l’émancipation féminine, pour s’achever par un revirement de situation
aussi efficace qu’inattendu.
Derrière ces multiples mises en scène déroutantes, des thèmes sérieux sont poursuivis :
misère affective, solitude, amour, culpabilité. Une manière très particulière de faire passer
le message made in Thailand.
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Digital Shorts
Dès sa création en 2000, le Jeonju International Film Festival (JIFF), basé en Corée du
Sud, lance un projet expérimental et novateur : le « Digital Short Films by Three
Filmmakers ». On y retrouve des réalisateurs que Black Movie suit depuis des années.
Il consiste à sélectionner chaque année trois cinéastes et leur imposer des contraintes
formelles et financières pour la réalisation d’un objet unique : format digital, petit budget et
durée d’environ 30 minutes. Explorer les possibilités du numérique et l’estampiller comme
moyen de qualité motivent cette proposition. Certains auteurs au talent confirmé réalisent
ainsi leur premier film numérique. Mais plus que cela, ces productions dévoilent des
réalisateurs au travail, saisis dans leur démarche artistique.
Pour cette section, Black Movie choisit quelques moyens-métrages issus de cette
collection. Tous sont marqués par une certaine épure provoquée par des contraintes
créatives qui poussent les cinéastes à aller droit au but. Proches de l’essai, ces films
affirment des univers personnels puissants. Du documentaire ethnographique (Daf) au
film socio-expérimental (Influenza), en passant par le docu-fiction engagé (No Day off),
la programmation fait escale chez quelques meneurs du nouveau cinéma asiatique :
Bong Joon-ho (Influenza), Eric Khoo (No Day off), Jia Zhang Ke (In Public)
(cf. p. 11), Pen-ek Ratanaruang (Twelwe Twenty) (cf. p. 15).
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À suivre…
Ce programme propose les films de cinéastes dont le festival souhaite suivre la trajectoire
au fil de leurs réalisations, marquées par une audace créative et un tempérament
singulier. 6 films.
Lisandro Alonso revient cette année avec Fantasma, cartographie silencieuse d’un
bâtiment – un grand centre culturel de Buenos Aires -. Il signe une œuvre lyrique et
troublante, minimaliste, où la narration est quasiment absente, à l’instar des dialogues. Il y
dirige à nouveau les acteurs qu’il avait mis en scène dans ses deux œuvres précédentes,
Los Muertos et La Libertad. On les voyait en prise avec la nature. Dans Fantasma, le
réalisateur les déplace dans le règne de la culture et pose indirectement la question du
rapport à celle-ci.
En collaboration avec le CAC-Voltaire, seront aussi projetés Los Muertos, programmé
lors de l’édition 2005 de Black Movie, qui conte le voyage solitaire d’un homme en pleine
nature, et La Libertad, qui a pour seule action les gestes quotidiens d’un bûcheron.
Pablo Trapero, qui avait ouvert l’édition 2003 du festival avec El Bonaerense, filme cette
fois les dérives d’un homme bousculé par la vie.
Quant à Tsai Ming-Liang, il rêve éveillé, pris dans l’air étouffant de Kuala Lumpur. Mais,
malgré son lyrisme, I Don’t Want to Sleep Alone plonge dans la brutale réalité sociale
des travailleurs immigrés. Le désir et le corps sont au centre, comme souvent dans le
travail de ce cinéaste.
Et enfin, Gyeong Tae Roh livre avec The Last Dining Table un sublime poème sombre
et corrosif, où l’imaginaire vogue au gré des associations d’images et de sens. Sous le
couvert poétique émerge la critique d’une société en déréliction, où la misère se heurte à
la technologie, véritable danger écologique.
Ce film est une histoire personnelle sur l’ironie et la disparition.
Symboliquement et poétiquement, cela inclut l’ironie et la
contradiction de la société moderne, l’effondrement de la famille,
et la pollution globale. Ces problèmes sociaux ne sont perçus ici
que par le prisme du trivial, du surréalisme et du minimalisme. La
manière étrange de jouer, la mise en scène surréaliste, les
couleurs désaturées symbolisent la contradiction et la maladresse
des relations humaines, ainsi que la décadence du monde.
Gyeong Tae Roh
Des cinéastes à suivre absolument…
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Petit Black Movie
Cette section est une dédicace aux enfants, une invitation aux voyages en salles noires
qui forment l’imaginaire et ouvrent le regard sur l’autre et sa pluralité. Depuis deux ans,
elle est une section à part entière du festival. 8 films et des activités parallèles pour entrer
dans l’univers de l’image.
Éveiller la curiosité pour d’autres réalités du monde et d’autres esthétiques loin des
formatages habituels, explorer la diversité des cultures, apprendre à appréhender une
image constituent le souci premier de cette section. Un enjeu pédagogique qui s’associe
résolument au plaisir et au partage.
La section s’articule en deux catégories : certains films sont montrés en projection simple,
d’autres s’accompagnent d’activités ludiques et créatives. Ciné-conte, ciné-brunch, cinégoûter-bricolage sont autant d’occasions de découvrir le cinéma.
Mais si le Petit Black Movie rend hommage aux enfants, il convie aussi les adultes par
les animations annexes à faire en famille et par un choix de films qui délivrent des
thématiques et une philosophie bien au-delà de la candeur formelle.
En projection simple
Gen d’Hiroshima, dès 10 ans, dessin animé de Mori Masaki, très fidèlement adapté du
célèbre manga autobiographique de Nakazawa. Dans la même veine que le fameux
Tombeau des lucioles, ce film retrace un des événements les plus sombres de l’histoire
du Japon : la destruction d’Hiroshima par la bombe atomique, en 1945. Son esthétique
suit l’articulation dramaturgique scindée en deux temps, avant et après le bombardement :
le dessin rond et naïf, dans la première partie, laisse place à un expressionnisme cru, dès
le bombardement, qui montre sans ménagement la mort et la catastrophe humaine que
représente la guerre. L’événement est vu par les yeux du jeune Gen. Son innocence
d’enfant, sa force de vie et sa détermination rendent l’insoutenable supportable. Le film
chante finalement un puissant hymne à l’espoir et au courage de se reconstruire. (lire
article, p. 27)
Léo, roi de la jungle, dès 6 ans, est la version cinéma du manga culte de Osamu
Tezuka. Ce long métrage d’anticipation suggère une réflexion écologique et pose des
questions essentielles sur le rapport de l’homme et de la nature, thématique récurrente du
réalisateur Yoshio Takeuchi. Philosophique et loin de tout manichéisme, le film est une
réponse au Roi lion de Disney : la rumeur dit que le studio américain avait puisé sans
vergogne et sans compensation financière dans l’œuvre de Tezuka… mal lui en a pris !
Le petit monde de Bahador, dès 3 ans, trois films d’animation sans paroles, signés par
les studios iraniens Kanoon, dynamiques et ingénieux. Chacune de ces trois fables
comportent une réflexion amenée avec poésie et légèreté : sur le pouvoir, l’entraide, la
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construction de la civilisation, etc.
Le Roi des masques, dès 8 ans, du hong kongais Wu Tianming se déroule au début du
20e siècle. Le film file une réflexion sur la place des femmes et des artistes dans la
société, à travers les péripéties du fabuleux montreur de masques Wang et de son jeune
disciple Gouwa.
Le village de mes rêves, dès 9 ans et pour toute la famille. Cette fiction suit l’éveil au
monde de deux garnements. Il célèbre l’enfance comme espace où se forge l’identité,
comme territoire merveilleux où rêve et réalité s’unissent librement pour appréhender la
vie. En 1996, le film a reçu l’Ours d’argent du Festival de Berlin et le Grand Prix du
Festival d’Amiens.
Stupéfiant. Comme du Truffaut filmé par Kitano. Les Cahiers du Cinéma
Projections et activités annexes
Ciné-brunch aux saveurs des autres mondes, dès 4 ans : Black Movie et la boutique
pour enfants Mimito proposent une projection de courts-métrages surprise venus d’Asie,
suivie d’un brunch concocté par Helen, dans un tout nouveau lieu des Pâquis : le Lola.
Ciné-conte africain, dès 6 ans : autour des rêves et des envies. Joseph Kumbela,
comédien et réalisateur congolais donne sa voix à un conte peul, qui narre les souhaits du
lièvre Petit Bodiel, un coquin pas toujours bien intentionné. Suivra la projection d’un courtmétrage pétillant et malicieux : Deweneti de la jeune réalisatrice sénégalaise Dyana
Gaye, salué par divers prix, notamment à Berlin, Amiens, Carthage et Prague. Deweneti
– « meilleurs vœux » en wolof – rappelle de prendre soin de nos rêves les plus secrets,
car ils pourraient bien se réaliser.
Après-midi chinoise : ciné-goûter-bricoler, dès 4 ans : la Chine est à l’honneur de
cette après-midi poétique qui se tisse autour de la projection de courts-métrages
d’animation : Impression de montagne et d’eau, quatre somptueux lavis animés et lavis
découpés produits par les Studios d’Art de Shangai : La mante religieuse,
L’épouvantail, Les singes qui veulent attraper la lune et Impression de montagne et
d’eau. Ces films d’une virtuosité magistrale s’inspirent de préceptes ou d’histoires de la
Chine ancienne.
En collaboration avec la Maison de quartier des Eaux-Vives, un bricolage et la confection
d’un goûter aux parfums chinois seront organisés.
Réservations :
Ciné-conte africain: 022 909 88 94 ou sur www.mqpaquis.ch
Ciné-goûter-bricoler: 022 736 72 71, lun - jeu 14h - 18h30 et ven 16h-18h30
Ciné-brunch: Mimito 022 731 00 54, ma - sa 10h - 18h30 ou 1 rue des Etuves
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Les invités
II. After Mao, rétrospective Jia Zhang Ke
JIA ZHANG KE
Pour une succincte biographie, cf. p. 10
Filmographie : 1997 Xiao Wu, artisan pickpocket – 2000 Platform (Zhantai) – 2001 In
Public – 2002 Plaisirs inconnus – 2004 The World – 2006 Stille Life ; Dong
III. Mexique, la folie douce
Lo Último !
RICARDO BENET
Réalisateur de Noticias lejanas.
Il naît à Veracruz en 1961. Après des études d’architecture à l’Université nationale de
Mexico, il part en Italie, à Florence, où il se spécialise en histoire de l’art. Il continue son
périple européen en suivant une formation de photographe au Centre Pompidou de Paris.
Il réalise ses études de cinéma à l’Institut national de cinéma de Mexico (Centro de
Capacitación Cinematográfica). Il a réalisé plusieurs courts-métrages.
Filmographie : 2004 Noticias lejanas
RUBÉN IMAZ CASTRO
Réalisateur de Familia Tortuga.
Né en 1979 à Mexico, il est fraîchement issu de l’institut national de cinéma de Mexico
(Centro de Capacitación Cinematográfica). Familia Tortuga est son premier longmétrage et film de fin d’études. Il a reçu une mention spéciale à Cinéma en Construction 9
Toulouse.
Filmographie : 2006 Familia Tortuga
Centro de Capacitación Cinematográfica
LEON FELIPE GONZALES
Réalisateur de Historia de amor.
FERNANDO URDAPILLETA JIMENEZ
Réalisateur de Irma Gonzales Madre de todas las reinas.
IV. Fabrique thaï
PIMPAKA TOWIRA
Réalisatrice de One Night Husband.
Née à Lampang, en Thaïlande, en 1967. Elle étudie le cinéma à l’Université de
Thammasat, dans la faculté de journalisme et de communication. Depuis la fin des
années 1980, elle réalise toute une série de courts-métrages. Elle est critique de cinéma
dans le quotidien thaïlandais The Nation et s’est chargée de la programmation du Festival
du film de Bangkok en 2001.
Filmographie : 2003 One Night Husband
V. À suivre…
GYEONG TAE ROH
Réalisateur de The Last Dining Table.
Après des études de design industriel en Corée, il part aux USA, où il suit une formation à
l’Institut d’art de San Francisco. Ses films expérimentaux, Réincarnation et Père et fils,
tournent dans différents festivals. The Last Dining Table est son premier opus depuis son
retour en Corée.
Filmographie : 2006 The Last Dining Table
D’autres réalisateurs seront présents. Plus d’informations à venir.
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Conférence
Le cinéma mexicain, de la fiction à la réalité quotidienne
Une conférence organisée par Tierra Incógnita (www.tierra-incognita.ch)
Avec : Julen Ajuriaguerra, ethnologue et chercheur à la Faculté de Psychologie et des
Sciences de l’Éducation de Genève (FAPSE) et en collaboration avec l’association des
Mexicains de Genève.
Le cinéma s’inspire de la réalité… dit-on. Cependant, le quotidien prend généralement
comme point de repère l’univers du cinéma. En Amérique latine, et au Mexique en
particulier, la frontière entre réalité et fiction est souvent floue et permet une marge parfois
humoristique, parfois tragique. El real maravilloso (le réel merveilleux), comme le
définissait Gabriel García Márquez, échappe aux classifications du monde occidental
rationnel. Découvrons comment le cinéma fait vivre la vie quotidienne au Mexique !
Mardi 6 février, 19h, Centre culturel latino-américain Tierra Incógnita
Entrée libre. Petite restauration latino-américaine.
Soirée de clôture
Le Prix Coup de Cœur du Public et le Prix des Jeunes
Pour plus d'efficacité, le Prix Coup de Coeur du Public devient un prix d'aide à la
distribution. Frs 5'000.- offerts par la Direction du développement et de la coopération
(DDC), ainsi qu'un bon de sous-titrage d'une valeur de Frs 1'500.- offert par Titra Film,
seront remis au distributeur suisse qui prendra le film lauréat en distribution. Seront mis
au concours tous les films de plus de 60 minutes produits en 2006 et non distribués en
Suisse. Le film primé par le Prix du public sera projeté le dimanche 11 à 17h30 (CACSimon).
Un Prix des Jeunes d’une valeur de Frs 1'000.-, offert par le Département des affaires
sociales de la Ville de Genève, sera décerné par un jury d’élèves du post-obligatoire. Il
récompensera un film issu d’une sélection « spécial jeunes », sous la responsabilité du
festival.
Après l’annonce des lauréats au BlackBox et un apéritif en musique offert par la DDC, la
soirée continuera au Zoo, avec des Dj haut en couleurs.
samedi 10, 19h30, BlackBox, Art en Ile ; dès 23h, Zoo
au BlackBox, entrée libre; au Zoo : entrée 8.-, de 23h à 00h, 10.- de 00h à 2h, 15.- de 2h
à 5h, Pass BM 7.-
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Avant / Après
BlackBox à Art en Ile
Le festival Black Movie s’enrichit cette année d’un nouveau lieu convivial et festif. C’est
dans les espaces d’exposition d’Art en Ile que le BlackBox, investi par Thank you for
coming, prendra ses quartiers du samedi 3 au dimanche 11 février, dès 18h. Pour boire
un verre, se sustenter, rencontrer les réalisateurs présents, voir un film ou vibrer au son
des DJs invités.
Ouverture du BlackBox le samedi 3 février à 18h, avec le vernissage de H.K.05 de
Vincent Calmel, première exposition de la nouvelle programmation de l’espace Art en Ile.
Ce sera également l’occasion de découvrir, en collaboration avec la librairie Papiers Gras
et les éditions Vertige Graphic, des tirages grand format du manga culte Gen
d’Hiroshima de Nakasawa Keiji dont l’adaptation cinématographique est présentée dans
cette édition du festival.
Pour découvrir ou revoir certains films montrés lors des précédentes éditions du festival,
et qui auraient échappé à la vigilance des cinéphiles, une séance de rattrapage.
Séances gratuites à la demande.
Du samedi 3 au dimanche 11 février, dès 18h, mer, sam, dim dès 16h,
Séances de rattrapage à 19h, mer, sam, dim aussi à 15h.
Programme détaillé des soirées au BlackBox sur le site
www.blackmovie.ch
Soirées au BlackBox : entrée libre
Art en Ile est administré par act-art, fédération des associations d'artistes visuels et plasticiens Genève.
La Barje au Spoutnik
Un peu plus bas au fil du Rhône et pour la seconde édition consécutive, la Barje ouvre
son troquet pour les petits creux et les grosses soifs, pour attendre dans un cadre
chaleureux avant la séance et refaire le film après, juste à côté de la salle de cinéma du
Spoutnik. Soirées DJ festives les week-ends, programme détaillé à consulter sur notre
site www.blackmovie.ch.
Du samedi 3 au dimanche 11 février dès 17h30
Le Mezcal (lounge)
Cette année encore, le café du Grütli s’installe tous les soirs dès 17h à l’entrée de la
Maison des Arts du Grütli dans un cadre tranquille et feutré. Cette année, le lounge prend
une tonalité mexicaine, squelettes et paillettes en abondance.
Du samedi 3 au dimanche 11 février, dès 17h, salle Fonction:cinéma
Le petit plus…
Les brunches de Black Movie
Les dimanches 4 et 11 février le Café du Grütli propose un brunch salé, sucré ou
salé-sucré dès 11h30.
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Concerts
à BlackBox, Art en l’Ile
Shangai Fei, jazz quartet
Composé de Helen Calle-Lin au chant, Léonard Plattner à la guitare, Christophe Ryser à
la contrebasse et Denis Schuler à la batterie et aux percussions. Shanghai Fei
("Shanghai qui s'envole") puise son inspiration dans le Shanghai des années 1930, où les
influences occidentales – notamment celle du jazz – se mêlent aux chansons populaires
de la métropole chinoise. Ce projet est un hommage de la chanteuse à sa grand-mère, un
clin d’œil au passé avec un regard d'aujourd'hui.
Jeudi 8 février dès 21h
Entrée libre
au Moulin à Danse (MAD)
Solo Dos, Barrio Rap
Soirée très caliente avec la venue du groupe dominicain Los Dos. Ce nouveau combo est
composé de plus de 20 musiciens et chanteurs de Cuba et d’Amérique du Sud qui jouent
un mix de barrio rap, une musique multiculturelle née dans les favelas latinos qui allie le
hip hop, la salsa, le reggaeton et des sons cubains. Un cocktail vitaminé !
Vendredi 9 février, 21h30
Entrée : 20.-, Pass BM entrée libre pour les 50 premiers arrivés
au Chat Noir
Koodetaa, World Music Rebellion
Mercredi 7 février, dès 23h
Entrée : 10.-, Pass BM entrée libre
Woz Kaly, World jazz
Chanteur, guitariste, acteur et interprète, il possède une voix exceptionnelle à la double
influence wolof du nord et mandingue du sud du Sénégal. Woz Kaly a momentanément
fait partie du groupe Touré Kounda. Il s’affirme sans complexe dans la famille des grands
chanteurs africains. Un plaisir poour les amateurs de belles voix et une rare découverte.
Vendredi 9 février, 22h
Entrée : 20.-, Pass BM 15.-
So Kalmery, Blues africain
So Kalmery, poète voyageur zaïrois, s’est entouré des meilleurs musiciens de la scène
world (Paco Sery, Loy Ehrlich, Linley Marthe,…) pour enregistrer BENDERA, un album
ciselé aux sonorités blues folk, dans lequel le guitariste-chanteur livre des compositions
en swahili et en anglais. C’est en solo qu’il viendra offrir son blues envoûtant sur la scène
du Chat Noir.
Samedi 20 février, 22h
Entrée 20.-, Pass BM 15.Black Movie 007
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Expositions
Bahia, photographies
Extrait de la série Bahia de Christian Lutz, travail que le photographe a mené au Brésil
entre 2000 et 2002. De voluptueux clichés noir-blanc, à fleur de peau, de regards, de
corps et d’instants pris à la vie.
Plus d’infos sur www.strates.ch
Sur les murs du Café du Grütli, dès le vendredi 2 février.
Gen d’Hiroshima, dessins
Exposition associant du texte et des images issues de la BD Gen d’Hiroshima de
Nakazawa Keiji pour plonger dans les coulisses de cette série autobiographique. Le film
qui en est tiré est présenté dans le programme du Petit Black Movie.
En collaboration avec les Editions Vertige Graphic - Paris et la Librairie Papiers Gras et
avec le soutien de la Haute école d'art et de design – Genève - Orientation Cinéma.
BlackBox, dès le 3 février.
H.K.05, photographies
Travail du photographe Vincent Calmel. Une déambulation impressionniste dans la ville
de Hong Kong qui ouvre la saison d’exposition de Art en Ile. A voir sur les murs du
BlackBox pendant toute la durée du festival.
Plus d’infos sur www.mitsu120.com
BlackBox, vernissage le 3 février à 18h.
Du samedi 3 au dimanche 11 février, dès 18h , sam et dim dès 16h.
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Informations pratiques
Informations pratiques générales
Tél +4122 320 85 27, 29 janvier-1 février 16h - 19h, pendant le festival 15h - 20h30
Lieu central
Black Movie, festival de films des autres mondes
Maison des Arts du Grütli
16, rue du Général-Dufour
CH-1204 Genève
[email protected] - www.blackmovie.ch
Horaire de l’accueil
au Grütli, du 29 janvier au 1 février: 16h-19h
Pendant le festival: ven 2, 18h–22h ; sam 3 - dim 4, 12h30 – 22h30 ; lun 5 - mer 7,
16h45 - 22h, jeu 8 - ven 9, 17h30 – 20h30 ; sam 10 – dim 11, 16h30 – 18h30
Autres lieux du festival
Auditorium Fondation Arditi – 1 avenue du Mail
BlackBox, Art en Ile – 1 Place de l'Ile
CAC Simon et CAC Langlois, CAC Voltaire, Le Grütli – 16 rue du Général-Dufour
Cinéma Spoutnik (Usine) – 11 rue de la Coulouvrenière
Cinémas Les Scala – 23 rue des Eaux-Vives
Cinéma Titanium – 2 rue de la Servette
Ciné-Versoix, Aula des Colombières – rte St-Loup, Versoix
Ciné-Saussure, Aula du Collège de Saussure – 9 Vieux-Chemin d’Onex, Petit-Lancy
Head-GE (Haute école d'art et de design – Genève) – 2 rue du Général-Dufour
La Barje - 11 rue de la Coulouvrenière
La Traverse, Maison de Quartier des Pâquis – 50 rue de Berne
Maison de Quartier des Eaux-Vives – 3 ch de la Clairière
Le Chat Noir – 13 rue Vautier, Carouge
Le Lola - 7 rue Richemont, Pâquis
Le Moulin à Danses – 20 bis rue du Stand
Le Zoo – Usine, 4 place des Volontaires
Salle Fonction:Cinéma, Maison des Arts du Grütli – 16 rue Général-Dufour
Tierra Incógnita – 6 rue Charles-Humbert
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Les dessous de l’affaire
Organisation Association Sirocco
Direction Virginie Bercher, Maria Watzlawick
Direction adjointe Kate Reidy
Programmation Virginie Bercher, Kate Reidy, Maria Watzlawick
Coordination Zoya Anastassova
Relations presse et rédaction catalogue Eva Cousido
Régie des films et invitation réalisateurs Emmanuelle Tréhard
Accueil public et encadrement bénévoles Aurélie de Lalande
Assistante coordination Anouchka Kuhni
Coordination scolaire Yaël Ruta
Relais programmation Bastian Meiresonne, Olivier Barlet
Encadrement Prix des Jeunes Pascal Magnin
Responsable technique Caroline Suard
Traductions Briana Berg, Rebecca Nakache
Mise en espace Lumens8
Décoration Mezcal Bar Raphaèle Gygi
Décoration et programmation BlackBox Thank you for coming
Montage image BlackBox Ulf Lindquist
Graphisme Cornelis de Buck (visuels) et Daria Mechkat (catalogue)
Bande annonce Marco Dellamula
Site web Jean-Philippe Mercier
Sous-titrage électronique Baptiste Lefebvre/C-Side Productions
Soutiens
Ville de Genève (Département des affaires culturelles, Département des affaires sociales,
des écoles et de l'environnement), République et Canton de Genève, Direction du
développement et de la coopération (DDC), Loterie Romande, Ernst Göhner Stiftung, le
Conseil administratif de la Ville de Genève, Ambassade du Mexique, Ambassade de la
République de Corée, Pour-cent culturel Migros, 20 ans/20 frs.
Le festival remercie les relais de diffusion Léman bleu, Radio Lac, WRG, cinémas NordSud ; ses sponsors Imprimerie Villière, Café Lyrique, Hôtel Cornavin, ainsi que Titra film
qui participe au Prix du Public, C-Side pour le sous-titrage, Gualtiéri vins pour la soirée de
clôture, Télésonique, opérateur téléphonique du festival, et le salon de coiffure Entre Ciel
et Terre qui fait bénéficier gratuitement de ses services les invités du festival ; ses
donateurs en services qui ont préféré rester anonymes.
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Autres regards, critiques, entretiens
Sommaire
LA DISPARITION
A Perfect Day : La promesse de l’aube, Dominique Widemann, Journal l’Humanité
La Nuit de la vérité : Critique d’Olivia Marsaud, www.afrik.com
Hamaca Paraguaya : Critique d’Amélie Dubois, Les Inrockuptibles
Hamaca Paraguay : L’antre deux, Nicolas Azalbert, Les Cahiers du Cinéma
The Host : L’usage du monstre, J.-Ph. Tessé, Les Cahiers du Cinéma
The Host : Entretien avec Bong Joon-ho, Julien Gester, Les Inrockuptibles
The Host : Esquisse d’un miracle menacé, sur le cinéma coréen, Les Inrockuptibles
AFTER MAO
Evolution / Révolution
Refrain : Chine : à l’écoute des sens, Stéphanie Ollivier, journaliste indépendante, Pékin
Rétrospective Jia Zhang Ke
Xiao Wu, artisan pickpocket : Critique d’Elysabeth François, www.chronicart.com
Plaisirs inconnus : Entretien avec Jia Zhang Ke, Michel Guilloux, www.humanitepresse.fr
Spécial 007 avec Johnnie To
Johnnie To, la guerre d’un seul homme, J.-M. Frodon, Les Cahiers du Cinéma
Hong Kong de bon matin, A. Thirion, Les Cahiers du Cinéma
MEXIQUE, LA FOLIE DOUCE
Batalla en el cielo : Reygadas, une beauté monstre, A. de Baecque, Libération
FABRIQUE THAÏ
Invisible Waves : Musiques pour Asies, A. Thirion, Les Cahiers du Cinéma
PETIT BLACK MOVIE
Gen d’Hiroshima : Le temps de la bombe, Stéphane Delorme, Les Cahiers du Cinéma
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A Perfect Day. La promesse de l’aube
Dominique Widemann, mars 2006
Journal l'Humanité, www.humanite.fr
Ici Beyrouth tient un rôle à part entière, vingt-quatre heures de la vie d’une femme et de
son fils entre troubles du passé et incertitudes de l’avenir.
Nous sommes à Beyrouth, l’un de ces jours d’aujourd’hui que la grande histoire délaisse.
Journée particulière pourtant pour Claudia (Julia Kassar) qui doit déclarer officiellement le
décès de son mari, disparu durant la guerre près de quinze ans auparavant. Comme dixsept mille au moins de ses contemporains, partis de chez eux un matin et abîmés depuis
dans l’incertitude. Le fils de Claudia, Malek (Ziad Saad), s’éveille lentement sous nos yeux
au cours d’une scène introductive qui nous montre, à fleur de peau et bout de doigt,
l’étroitesse du lien qui le relie à sa mère. Elle peine à s’extraire de l’immobilité qu’induit
l’absence d’un homme dont elle ne peut s’empêcher d’espérer le retour. Lui va parcourir
la ville en tentant de ressusciter son idylle avec Zeina (Alexandra Kahwagi) qui se refuse
avec obstination jusque sur l’écran de son téléphone portable. Nous allons passer vingtquatre heures avec les protagonistes d’un film qui traite la temporalité en cercles
concentriques dont nous suivrons les circonférences. Claudia, devant sa fenêtre, rêve
éveillée. Malek est frappé de narcolepsie, maladie qui le fait s’endormir à tout bout de
champ. Il est, à son corps défendant, plongé dans des états de latence d’où il tente de
s’extirper et qui ne cessent de rompre ses activités de chef de chantier, sa recherche
enfiévrée de Zeina et ses tentatives d’évasion des hantises maternelles.
Autour d’eux, la ville de Beyrouth, personnage essentiel du film. Aux chantiers de
reconstruction qui émergent au travers des fragments de la vie professionnelle de Malek,
se juxtaposent les strates enfouies de la cité antique et de la ville plus récemment détruite
que dénudent les excavatrices. On trouvera dans l’un de ces fossés un cadavre à la
datation incertaine, kidnappé dans les années quatre-vingt comme le père du jeune
homme ou victime de combats plus anciens ? Ce sera, à l’instar de la découverte par
Malek d’un revolver sous la poussière du bureau paternel, l’une des fausses pistes
semées par les auteurs. Plasticiens autant que cinéastes, Joana Hadjithomas et Khalil
Joreige réalisent là leur deuxième long métrage après Autour d’une maison rose (1999).
Ils ont travaillé à nombre d’installations aux titres parlants : le Cercle de confusion qui
proposait aux visiteurs de repartir de l’exposition photographique avec l’un des trois mille
fragments d’une vue aérienne de Beyrouth ; ou encore Images rémanentes. Cette
rémanence est tout au long à l’oeuvre dans de A Perfect Day, référence au final plus
poétique qu’ironique à la chanson homonyme de Lou Reed. Claudia peine physiquement
à parapher le formulaire qui devrait officialiser son entrée dans le deuil, sous la double
pression du pragmatisme d’un avocat et du désir profond de tourner la page qu’éprouve
son fils. Malek stagnera dans bien des embouteillages au coeur de l’effervescence de
Beyrouth, ses bars et ses boîtes. Ce jour parfait n’est ni pire ni meilleur qu’un autre pour
s’éveiller au monde malgré les troubles du passé et l’inconnu à venir. Témoins et acteurs
de la scène artistique contemporaine qui anime Beyrouth, Joana Hadjithomas et Khalil
Joreige en donnent une vision complexe que guident une grande rigueur plastique, des
dialogues minimalistes évitant toute simplification, et l’image élégante de Jeanne Lapoirie.
À mille lieues de la tourmente désespérée qu’avait par exemple filmée Waël Nouredinne
pour son documentaire Ce sera beau. Armé d’une caméra à l’épaule, il suivait les
déflagrations de l’héroïne dans les veines de ses amis trentenaires au sein d’une ville où
la mort s’achète un peu trop facilement pour cinq euros le gramme, entre mitrailleuses des
soldats et chants de guerres religieux. Avec A Perfect Day, l’art s’emploie à éveiller les
possibles.
Black Movie 007
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La Nuit de la vérité
Olivia Marsaud, juillet 2006
www.afrik.com
Pari gagné pour Fanta Régina Nacro. La talentueuse et productive réalisatrice burkinabé
livre un premier long-métrage de fiction très réussi, La Nuit de la vérité. Une réflexion
tragique sur les conflits ethniques, sorte de « Guerre et paix » africain intense et
dramatique. Le film, qui est un succès au Burkina depuis janvier dernier, vient de sortir en
France.
[…] Dans son film, la réalisatrice analyse les actes individuels et collectifs commis en
temps de guerre. Elle explore la violence humaine, le sentiment de haine mais aussi de
culpabilité et le désir de vengeance qui peut mener à la folie. La Nuit de la vérité est un
drame qui se passe quelque part en Afrique... Pour mettre fin à dix ans d’une guerre civile
sanglante entre les Nayaks, ethnie du Président, et les Bonandés, rebelles dirigés par le
Colonel Théo, une grande fête de la réconciliation est organisée pour sceller les accords
de paix. Mais les atrocités et les massacres commises par les uns et les autres hantent
ces retrouvailles tendues. « Tant que leur sang n’est pas vengé, les morts s’attardent sur
terre », révèle l’un des personnages...
De la Yougoslavie à la Côte d’Ivoire
On pense immédiatement à la crise ivoirienne mais la réalisatrice précise : « L’idée du
scénario est née pendant le conflit en ex-Yougoslavie. J’ai réfléchi aux atrocités
commises, au fait que des gens, hier voisins, s’entretuent aujourd’hui. L’histoire s’inspire
de cette guerre, de celle du Liberia et du génocide rwandais. Elle ressemble à ce qui se
passe en Côte d’Ivoire, pourtant j’ai commencé à l’écrire en 1999 ! ». Un scénario de
fiction prophétique donc, avec un réalisme exacerbé dû à la présence de militaires qui
jouent leurs propres rôles. « Nous avons eu huit semaines de tournage dont six dans un
vrai camp militaire. Le colonel Théo, par exemple, a vraiment ce grade dans la vie. Cela
nous a évité de former les acteurs à respirer, bouger, manger comme des soldats »,
explique Fanta Régina Nacro.
Ce premier long métrage est une réussite pour cette réalisatrice pleine de talent(s), qui a
déjà 12 ans de carrière derrière elle et quelque 15 courts et moyens-métrages, largement
primés à l’international. Mais ce film est aussi un tournant dans sa carrière, car elle
s’attaque au genre de la tragédie après s’être fait connaître avec des scénarios plein
d’humour. C’est aussi la première fois qu’elle s’attaque au thème de la guerre, elle qui a
longuement filmé le sujet du sida et de la condition féminine en Afrique. Pour autant, on
retrouve des traits communs à son travail : elle y prêche la tolérance avec un optimisme
sous-jacent et fait une large place aux rôles féminins.
Succès au pays des hommes intègres
Le film est déjà un succès en Afrique. Il est sorti sur les écrans burkinabés dès le mois de
janvier 2005. « Nous avons arrêté les projections pendant le Fespaco car il était en
compétition. Il a d’ailleurs obtenu le Prix du scénario. Mais nous avons repris après parce
qu’il y avait une forte demande ! » se réjouit la réalisatrice. « On avait peur car ce sont les
films comiques qui marchent le mieux, mais, dès le premier jour, on a enregistré 3 000
entrées, et plus 25 000 en 10 jours. Certaines personnes ont été le voir plusieurs fois et le
bouche à oreille a très bien fonctionné. Nous avons de grands réalisateurs au Burkina
mais les films qui ont aussi bien marché au pays se comptent sur les doigts d’une seule
main. Les partis politiques, celui du Président comme ceux de l’opposition, veulent même
le projeter pendant leurs week-ends de campagne ! Ils pensent que ce genre de films peut
éviter aux Burkinabés de vivre ce genre de crise et de guerre civile... »
Black Movie 007
Refrain. Chine : à l’écoute des sens
Stéphanie Ollivier, journaliste indépendante à Pékin
www.unesco.org
L’optimisme prématuré du Protégé de Madame Qing
Réalisé en 1999 par Liu Bingjian, Le Protégé de Madame Qing est le premier film chinois
qui postule la normalité des homosexuels dans leur société. Cui Zi’en en a écrit le
scénario : «Je voulais montrer notre quotidien et suggérer que tout être humain est peutêtre homosexuel» dit-il. Dans cette chronique d’une société urbaine en pleine mutation où
les modes de vie se diversifient, la frontière qui sépare les rôles sexuels des hommes et
des femmes s’estompe. «Inciter les gens à suivre ce cheminement de pensée pourrait
être plus efficace que de monter sur ses grands chevaux», affirme le scénariste. Les
personnages homosexuels de précédents films chinois apparaissaient comme des
victimes. Dans Adieu ma Concubine, de Chen Kaige, un jeune acteur de l’Opéra de Pékin
était condamné à être le jouet sexuel d’un mandarin libidineux. Ou bien l’on s’efforçait de
comprendre leur «problème», comme le reflète la confrontation entre un homosexuel
passionné et un policier dans East Palace, West Palace, de Zhang Yuan. L’optimisme de
Cui Zi’en est-il prématuré? A ce jour, son film n’a pas reçu d’autorisation de diffusion en
Chine.
Les difficultés des homosexuels chinois révèlent un conformisme moral d’une
société qui nie l’aspiration au plaisir et la libre disposition de son corps.
«Mon homosexualité? Je la considère comme une source de créativité», affirme Cui Zi’en,
une lueur de malice dans les yeux. Rares sont les homosexuels militants qui, comme ce
scénariste et professeur, assument ouvertement leurs choix. En Chine, l’homosexualité
n’est pas punie par la loi, même si le délit de «crime crapuleux», qui punit les rapports
sexuels dans les lieux publics, a longtemps servi à réprimer les homosexuels, qui se
rencontraient dans les parcs.
La loi a été abrogée depuis plusieurs années, mais l’attitude du corps médical chinois
reste ambiguë. Au nom de la stabilité sociale, la vie sexuelle n’est pas considérée comme
une affaire personnelle: l’homosexualité – susceptible de briser les familles et mode
privilégié de transmission du sida – est donc une maladie. Les efforts d’une poignée de
médecins, de sociologues et d’activistes contribuent toutefois à ramener le débat sur un
terrain plus scientifique.
En avril 2001, l’association des psychiatres chinois rayait l’homosexualité de la liste des
maladies mentales. «Mais elle est encore considérée comme un trouble psychologique.
Les psychiatres l’ont simplement changée de catégorie. Cela ne suffit pas», regrette Cui
Zi’en. Certains médecins, ajoute-t-il, voudront sans doute continuer à «guérir» les
homosexuels, perpétuant ainsi le malaise de ceux qui «s’estiment anormaux».
Liu Dalin, sexologue réputé, mesure les limites de l’évolution. L’homosexualité, explique-til, peut être perçue tour à tour comme criminelle, pathologique ou normale: «la Chine en
est encore au stade de la maladie. Pour la population, l’homosexualité reste un
problème».
L’opinion publique freine cette évolution. Son attitude a été modelée par des siècles de
morale confucéenne, puis par le puritanisme communiste. Pendant des décennies, le
plaisir individuel – forcément bourgeois – était banni. «Toute évocation de la sexualité
était alors impossible», rappelle la sociologue Li Yinhe, spécialiste des comportements
sexuels.
Cependant, depuis les années 1980, les droits de l’individu gagnent du terrain –
notamment dans les grandes villes – et les Chinois réapprennent à écouter leurs sens.
«Mais, la sexualité reste assimilée à la procréation. On accepte mal la notion de plaisir»,
Black Movie 007
explique Ye Guangwei, volontaire dans un centre de conseils aux homosexuels de Pékin.
Encore moins quand il s’agit de plaisir homosexuel: «un homme qui ne se comporte pas
de manière virile, poursuit-il, est déconsidéré par son entourage. Qu’il joue le rôle de la
femme pendant l’acte sexuel représente une déchéance inconcevable aux yeux de ses
pairs».
La tradition confucéenne
Dans la tradition confucéenne, chaque homme a vocation à fonder une famille, pour
s’assurer une descendance mâle qui perpétuera le culte des ancêtres. Si bien
qu’aujourd’hui encore, un grand nombre d’homosexuels chinois se marient pour sauver
les apparences et vivent une sexualité clandestine.
En ville, la tradition pèse moins, note la sociologue Li Yinhe, qui met cette évolution sur le
compte de la politique de l’enfant unique: quand un couple donne naissance à une fille, le
respect de la tradition devient impossible. De plus, la plus grande mobilité professionnelle,
dans les métropoles, permet aux jeunes de fuir la pression parentale.
Les «camarades» (comme les homosexuels s’appellent entre eux) estiment qu’un
changement d’attitude des médias pourrait influencer l’opinion. Après avoir participé à un
débat télévisé sur une chaîne provinciale, Cui Zi’en a reçu une série d’appels de mères de
famille. Toutes s’étonnaient qu’il ne semble ni pervers ni déséquilibré. Depuis quelques
années, les médias locaux effleurent le sujet, mais avec une timidité qui s’explique par la
peur des réactions de l’Etat. «Nous ne représentons pas un réel danger aux yeux du
gouvernement. Mais il préfère s’aligner sur les convictions morales du plus grand
nombre», analyse Ye Guangwei. Soutenir une minorité sexuelle risquerait aussi
d’entraîner les médias sur le terrain glissant des droits humains.
Ceux-ci préfèrent donc ignorer la question, afin de ne pas offenser les autorités, qui, à leur
tour, évitent de bousculer une opinion figée dans ses préjugés par manque d’information.
Pour briser ce cercle vicieux, «nous avons nous aussi notre rôle à jouer, estime Ye
Guangwei. Nous devons apprendre à aimer notre corps et à nous estimer, avant de
prétendre être aimés et respectés des autres».
Beaucoup espèrent seulement avoir la possibilité de vivre leur sexualité au grand jour.
«En Occident, on n’a pas le droit de critiquer les homosexuels et encore moins de leur
faire sentir qu’ils sont différents, constate Cui Zi’en. Moi, je comprends qu’un hétéro
réagisse avec surprise en voyant un homme très efféminé. La société chinoise bouge,
mais il y aura toujours des gens qui auront un réflexe de dégoût, de même que certains
sursautent devant un serpent. On ne va pas leur dire qu’ils doivent se mettre à aimer les
serpents, non?»
Black Movie 007
Xiao Wu de Jia Zhang Ke. Critique.
Elysabeth François, www.chronicart.com
Par une heureuse coïncidence c'est au moment où Les Cahiers du Cinéma s'intéressent à
nouveau à la Nouvelle Vague française, que sort sur les écrans un film qui renoue
esthétiquement et idéologiquement avec les conventions de la politique des auteurs.
Comme l'exprimait François Truffaut dans sa période critique, un film "pour être réussi,
doit exprimer simultanément une idée du monde et une idée du cinéma". Xiao Wu aurait
pu être tourné dans les années soixante en France, car hormis les portables et les yeux
bridés, le film s'inscrit dans l'univers du Godard d' A bout de Souffle ou du Cléo de cinq à
sept de Varda. En ancrant un destin individuel, celui de son héros, dans une certaine
réalité, Fenyang, une petite ville de la Chine actuelle, Jia Zhang Ke parvient à créer une
métaphore de la solitude et du désœuvrement à partir de la banalité du quotidien. Utilisant
des comédiens non professionnels, les habitants de Fenyang eux-mêmes, il fait entrer
dans cet univers de réel une semi fiction, par l'intermédiaire du personnage de Xiao Wu,
un pickpocket professionnel, qui revient dans sa ville natale après une longue absence
inexpliquée. A travers la vie du héros se dessine un portrait extrêmement réaliste de cette
ville. On s'approche parfois très près des frontières du documentaire, notamment grâce à
l'usage de la caméra portée et de longs plans séquence : le cinéaste dresse un constat
sans complaisance de Fenyang, avec sa misère, son trafic, son désœuvrement, le
contrôle de l'état par le biais de la police. Et grâce à l'obsédante musique des hauts
parleurs dans la rue, des radios, des télés et des karaokés. A ce propos jamais film n'aura
aussi bien mis en avant le désespoir contenu en filigrane dans l'usage du karaoké. Sa
présence obsédante l'inscrit dans l'usage quasi quotidien des Chinois mais nous révèle
aussi l'artificiel de ses chansons dégoulinantes de promesses et de larmes d'amour. Jia
Zhang Ke suit son héros combler sa solitude par l'hypocrisie et le sordide des karaokés
sans âme et des danses mécaniques. Car la solitude est le maître mot de l'histoire de
Xiao Wu, qui sous des dehors assurés (signalons la présence époustouflante de Wang
Hong Wei à l'allure à la fois nonchalante et nerveuse), laisse parfois percer une timidité
d'esseulé. La longueur des plans -Jia Zhang Ke semble systématiquement rajouter cinq
secondes à chaque plan- intensifie cette impression d'errance vécue par le héros,
s'attardant sur des bouts de murs lézardés, ou insistant longuement sur l'attente sans but
de Xiao Wu au bord d'un trottoir. Une impression terrible de vie vide naît du regard de Jia
Zhang Ke qui trouve ici le rythme adéquat pour filmer son héros dans sa ville.
Black Movie 007
Plaisirs inconnus. Entretien avec Jia Zhang Ke
Michel Guilloux, aidé de Pascale Wei-Guinot pour la traduction, 2003
Extrait, www.humanite.presse.fr
Michel Guilloux. Au fil de vos trois films, se révèle une prédilection pour le plan séquence
et l’emploi de la caméra fixe. Que signifie ce choix pour vous ?
Jia Zhang-Ke. J’aime observer les gens, suivre un individu dans la durée sans être
interrompu. Je pense que la forme cinématographique, en tant que moyen d’expression
spécifique, présente comme premier intérêt celui de capter le temps. Et c’est le lien le plus
direct avec la réalité de la vie.
Je n’aime pas la dichotomie entre espace et temps. Au contraire, et par le plan séquence,
je peux mieux ressentir l’existence des êtres et parvenir à une meilleure conscience de la
mienne. L’individu, face au temps qui s’écoule, se retrouve toujours dans la même
solitude. Ainsi par exemple, vers la fin du film, le personnage qui cale à moto sur une
pente. Il est dans une situation d’impuissance, d’extrême solitude. Il est seul face au
temps. Pour exprimer une telle chose, avoir le cinéma est une chance. Dans un tel
contexte, il existe une telle tristesse, un tel drame intérieur que l’on ne pourra jamais
comprendre de l’extérieur dans sa totalité. J’utilise donc le temps de cette manière pour
exprimer le plus possible, pas pour juger mes personnages.
Face à de tels phénomènes, je veux " visiter ". Il faut donc être très patient et imposer la
longueur qui se soucie de l’individu et de chacun d’entre-nous.
MG. Vos personnages sont souvent des adolescents ou des jeunes gens. Pourquoi ?
JZK. Peut-être parce que de mon point de vue, les adolescents constituent le groupe le
plus fragile de la population. C’est une période très difficile à gérer et encore plus pour ce
groupe de jeunes que je présente, qui vivent des histoires très complexes de mutation
d’une société.
Bien sûr, je vis dans la même société que ces jeunes. Mais j’ai un avantage sur eux : j’ai
la possibilité de m’exprimer, de prendre la parole. Eux ne l’ont pas, ni la capacité. Je dis
souvent à mes amis que si je n’avais pas trouvé le cinéma pour exprimer mes tourments
intérieurs, je serai devenu fou depuis longtemps.
MG. Un protagoniste de Plaisirs inconnus déclare, en une formule toute chinoise, que
« l’art prépare la scène, l’économie y monte ». Comment faire des films tels que les
vôtres, qui en sont l’antithèse ?
JZK. On parle d’ouverture, mais jamais la société n’a été aussi voilée, masquée. Alors, il
faut passer outre ce voile pour accéder à la réalité. De nombreux journalistes me disent
qu’en Chine on vit bien, et que l’on a accès à l’ordinateur et à tout l’électroménager... Ils
s’étonnent alors que mes films soient si noirs et le quotidien que je montre si cruel. Mais
quand on a tout cela, n’est-on pas en droit de réclamer autre chose et plus que ces objets.
En dehors de la télévision et du satellite, de quoi l’être humain a-t-il besoin (sourire) ?
Quand je film, je suis toujours dans un état de colère. Je pense que la réalité de notre vie
a été dissimulée. Il n’y a rien de plus terrible qu’une vie voilée, rien de pire que la cruauté
qu’elle dissimule. Dans mon pays, des critiques de cinéma pensent que je dis m’importe
quoi dans mes films. Pourquoi ? parce qu’il existe une grande différence selon les
régions. Quelqu’un vivant à Shanghai et ayant la possibilité de voyager à l’étranger ne
croira pas dans mes films. Par contre, quand on vit dans la ville de Datong, on n’aura
jamais la possibilité de faire part de la réalité de sa vie. En tant que réalisateur, c’est très
difficile à vivre car j’ai peu de gens à mes côtés, mais c’est là où je parviens à exprimer le
mieux ce que je ressens en tant qu’individu.
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