dossier de presse 2007
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dossier de presse 2007
Black Movie, festival de films des autres mondes du 2 au 11 février 2007_ genève 17e édition Des films qui osent parler d’amour au plus profond de la guerre, de manque jusqu’à le rendre palpable, de fantasmes sans rougir. Des films dont un geste, un regard, un plan expriment à eux seuls tout un univers. dossier de presse ce dossier et les visuels des films peuvent être téléchargés sur notre site: www.blackmovie.ch nom : dossier mot de passe : presse contact presse : Eva Cousido – [email protected] - 022 320 83 87 – 076 542 83 87 Black Movie 007 Sommaire Black Movie 2007, en un clin d’œil 3 Liste des films projetés 4 I. La disparition 6 II. After Mao 8 8 10 12 13 13 14 14 IV. Fabrique thaï 15 V. Digital Shorts 16 VI. À suivre… 17 VII. Petit Black Movie 18 Les invités 20 Conférence Le cinéma mexicain, de la fiction à la réalité quotidienne 21 Soirée de clôture et prix 21 Avant / après, soirées DJ, troquet, lounge et petits plus 22 Concerts 23 Expositions 24 Informations pratiques 25 Les dessous de l’affaire 26 Autres regards, articles critiques et entretiens 27 Évolution / Révolution Rétrospective Jia Zhang Ke Spécial 007 III. Mexique, la folie douce Hommage à Arturo Ripstein Lo Último ! Centro de Capacitación Cinematográfica Black Movie 007 Black Movie 007, en clin d’Mexique Black Movie dévoile sa 17e édition, avec toujours la même exigence et la même détermination à promouvoir un cinéma rebelle au formatage, sans complexes et audacieux. Dirigé par trois jeunes femmes– Virginie Bercher, Kate Reidy et Maria Watzlawick-, le festival de films des autres mondes affirme fidèlement son enjeu premier : donner une vie et une vitrine à des productions « différentes », aux formats particuliers et difficiles à distribuer en salles. Sa curiosité parcourt le monde, de l’Asie à l’Afrique via l’Amérique latine, pour découvrir des auteurs rares, des talents confirmés ou émergents, des films de qualité, empreints d’une identité, d’un regard fort sur le monde, sur sa réalité et sa plastique. Battements et fractures de l’histoire, de l’actualité et de l’individu effleurent sous la caméra de ces réalisateurs souvent courageux dans leur engagement et dans leur démarche artistique. Cette année, sept sections invitent à rencontrer ces terres cinématographiques peu connues, une vingtaine de pays et plus de 70 films (documentaires, films de genre, films d’auteur, animations… films tout court) : La disparition : La section thématique 2007 réunit des films des trois continents liés à l’absence d’un être cher, à la perte de repères dans des sociétés en pleine mutation, au deuil, à la guerre, à la mémoire. Une dimension souvent poétique et politique. After Mao : La Chine, au cœur de l’actualité socio-politique et économique du siècle, est une des invitées de cette édition : empire de tous les paradoxes, à la fois libérale par son économie et communiste par son histoire, elle fascine et produit une nouvelle génération de cinéastes critiques et saisissants. Avec les réalisateurs dits de « la sixième génération », une rétrospective Jia Zhang Ke (lauréat du Lion d’Or de Venise 06) et un Spécial 007 avec Johnnie To. Mexique, la folie douce : le Mexique conjugué au présent, au futur et au passé. Également à fleur d’actualité, le Mexique affiche une réalité troublante, voire glissante, où la dureté de la vie, des rapports humains et la pauvreté transpirent. De jeunes réalisateurs côtoient l’hommage au grand maître mexicain, Arturo Ripstein, et l’invitation au Centro de Capacitación Cinematográfica de Mexico. Fabrique thaï : odyssée stylisée dans le dynamisme de la production thaï, avec des thrillers et des films d’auteur. Digital Shorts : des films tirés de la collection de l’innovant Jeonju Film Festival (Corée du Sud) : moyens-métrages à petit budget et en format numérique. À suivre… : des réalisateurs à ne pas perdre de vue, comme Lisandro Alonso, Tsai Ming-Liang, Gyeong Tae Roh, … Petit Black Movie : ça y est ! Le Petit Black Movie devient un incontournable pour les enfants et leurs parents. Première rencontre avec l’image pour les 3-12 ans, avec des activités ludiques parallèles. Les à-côtés de Black Movie : salons de discussion avec des réalisateurs invités, conférence, expositions de photographies, lieux d’échange et de rencontre, concerts, soirées DJ et VJ. Un festival pour cinéphiles, pour cinéphages et pour tous les amoureux des voyages en salles noires... Black Movie 007 3 Liste des films projetés I. Thématique : la disparition A Perfect Day* Before we Fall in Love Again* Bled Number One* Crónica de una fuga* Hamaca Paraguaya* La Nuit de la vérité Na cidade vazia (Hollow City) The Host (Gwoemul)* Un matin bonne heure Joana Hadjithomas & Khalil Joreige James Lee Rabah Ameur-Zaïmeche Israel Adrián Caetano Paz Encina Fanta Régina Nacro Maria João Ganga Bong Joon-ho Gahité Fofana Liban, 2005 Malaisie, 2006 Algérie, 2005 Argentine, 2006 Paraguay, 2006 Burkina Faso, 2004 Angola, 2004 Corée du Sud, 2006 Guinée, 2005 Évolution / Révolution Distance* Dr Zhang* People of Yangzi* Refrain* Shanghai Dreams (Qing Hong) Summer Palace* Walking on the Wild Side* Wei Tie Huang Ruxiang Wei Tie Cui Zi’en Wang Xiaoshuai Lou Ye Han Jie Chine, 2006 Chine, 2006 Chine, 2005 Chine, 2005 Chine, 2005 Chine, 2006 Chine, 2006 Rétrospective Jia Zhang Ke Dong* In Public Plaisirs inconnus (Ren Xiao Yao) Platform (Zhantai) Still Life (Sanxia Haoren)* The World* Xiao Wu, artisan pickpocket Jia Zhang Jia Zhang Jia Zhang Jia Zhang Jia Zhang Jia Zhang Jia Zhang Chine, 2006 Chine, 2001 Chine, 2002 Chine, 2000 Chine, 2006 Chine, 2004 Chine, 1997 Spécial 007 Election 1* Election 2* The Mission* Johnnie To Johnnie To Johnnie To II. After Mao Ke Ke Ke Ke Ke Ke Ke Hong Kong, 2005 Hong Kong, 2006 Hong Kong, 1997 III. Mexique, la folie douce Lo Último ! Batalla en el cielo El Violín* Familia tortuga* Más que a nada en el mundo* Noticias lejanas* Trópico de Cáncer* Hommage à Arturo Ripstein Carmin profond Ce lieu sans limites Los héroes y el tiempo Lecumberri, el Palacio Negro L’empire de la fortune La vierge de la luxure Le château de la pureté Black Movie 007 Carlos Reygadas Francisco Vargas Rubén Imaz Castro Andrés León Becker et Javier Solar Ricardo Benet Eugenio Polgovsky Ezcurra Arturo Ripstein Arturo Ripstein Arturo Ripstein Arturo Ripstein Arturo Ripstein Arturo Ripstein Arturo Ripstein Mexique, 2004 Mexique, 2006 Mexique, 2006 Mexique, 2006 Mexique, 2004 Mexique, 2004 Mexique, 1996 Mexique, 1997 Mexique, 2005 Mexique, 1976 Mexique, 1985 Mexique, 2003 Mexique, 1972 4 Centro de Capacitación Cinematográfica Bestiario* Daniel Castro Z. Diabla Blanca* Lauracarmen Magana Dimelo que sientes* Iria Gomez El mundo al atardecer* David Pablos Historia de amor* Leon Felipe Gonzales Irma Gonzales Madre de todas las F. Urdapilleta reinas* Peces Platano* Natalia Beristain Ver llover* Elisa Miller Mexique, 2006 Mexique, 2006 Mexique, 2006 Mexique, 2006 Mexique, 2006 Mexique, 2006 Mexique, 2006 Mexique, 2006 IV. Fabrique Thaï Bangkok Dangerous Invisible Waves Last Life in the Universe One Night Husband* Oxide & Danny Pang Pen-ek Ratanaruang Pen-ek Ratanaruang Pimpaka Towira Thaïlande, 2000 Thaïlande, 2006 Thaïlande, 2003 Thaïlande, 2003 Lisandro Alonso Tsai Ming-Liang Lisandro Alonso Lisandro Alonso Pablo Trapero Gyeong Tae Roh Argentine, 2006 Taïwan, 2006 Argentine, 2001 Argentine, 2004 Argentine, 2006 Corée du Sud, 2006 V. À suivre… Fantasma* I Don’t Want to Sleep Alone* La Libertad Los Muertos Nacido y criado The Last Dining Table VI. Digital Shorts (Jeonju Film Festival) About Love Daf Influenza No Day Off Twelve Twenty Darezhan Omirbayev Bahman Ghobadi Bong Joon-ho Eric Khoo Pen-ek Ratanaruang Kazhakstan, 2006 Iran, 2003 Corée du Sud, 2004 Singapour, 2006 Thaïlande, 2006 Mori Masaki Te Wei, Hu Jinqing, Zhou Keqin Japon, 1983 Chine, 1988 A. Alimorad, B. Farahat, A. Asgharzadeh Wu Tian-Ming Yoichi Higashi Yoshio Takeuchi Dyana Gaye Iran, 2001 VII. Petit Black Movie Gen d’Hiroshima* Impression de montagne et d’eau Le petit monde de Bahador Le Roi des masques Le village de mes rêves* Léo, roi de la Jungle* Deweneti* ΙΙΙ. Hong Kong, 1995 Japon, 1995 Japon, 1997 Sénégal, 2006 films inédits en Suisse Black Movie 007 5 La disparition Cette section réunit des films des trois continents : Asie, Amérique latine et Afrique. Chacun des 9 films programmés se déploie autour d’une disparition. Individus disparus ou sociétés en pleine mutation, des films où l’absence et le manque tiennent étrangement le rôle principal. La disparition rime toujours avec mémoire ou deuil, et finit par prendre une place phénoménale, à la mesure de l’inconnu ou du mystère qui l’entoure. Qu’il s’agisse de la disparition d’un être cher, de repères ou de traditions, le thème se module ici sur des tons sérieux, engagé, tragique, sensuel, poétique. Cette section présente des auteurs phares et leurs œuvres récentes. Chacune à sa manière s’ancre dans la réalité socio-politique de son pays, souvent ébranlé par la guerre ou par des transformations foudroyantes. Toutes démasquent le mécanisme que les états ou les individus développent face à la crise : combler le vide, avant d’affronter leur histoire. Pour commencer, un film de monstre : The Host de Bong Joon-ho, film d’ouverture de cette 17e édition de Black Movie. Fantastique, comique et politique, il se développe autour de la disparition d’une petite fille, enlevée par une créature géante, que sa famille tentera de retrouver. Si Bong Joon-ho dénonce subtilement la présence américaine en Corée, il construit surtout un film métaphorique, invitation à l’image et aux interprétations multiples (lire article, dès p. 27). Son film expérimental, Influenza, est à découvrir dans la section Digital Shorts (p. 16). Crónica de una fuga (Buenos Aires 1977) de Israel Adriàn Caetano est un film coupde-poing sur la séquestration arbitraire et la disparition massive de gens sous la dictature militaire argentine, de 1976 à 1983. Entre 10'000 et 30'000 personnes sont encore portées disparues à ce jour. Tiré d’une histoire vraie, le témoignage de Claudio Tamburrini, le jeune réalisateur s’interroge avant tout sur la survivance après avoir subi toutes sortes de tortures ; il interroge la résistance à la peur, à la douleur et au pouvoir. Pudique, il évite le morbide et le voyeurisme. Dans Bled number one, Rabah Ameur Zaïmeche dépeint une Algérie entre rites archaïques et modernité. Il signe un film très personnel, où lui-même interprète le rôle central de l’observateur de ce pays en perte de repères. Dans ce portrait introspectif, il franchit librement les limites du documentaire et de la fiction : non seulement par sa position devant et derrière la caméra, mais aussi par le traitement de l’image (lumières naturelles, bande-son live) et l’intégration de moments imprévus, saisis à même le présent du tournage. Une démarche risquée et décomplexée. Retour à sa terre d’origine pour Paz Encina qui signe son premier long-métrage, Hamaca Paraguaya, premier film à sortir des frontières du pays depuis 1970. Tourné en guarani, cette œuvre contemplative et poétique, d’une austérité magnétique, s’enracine dans la guerre du Chaco qui a opposé la Bolivie au Paraguay (1932 – 1935). Paz Encina conte l’attente d’un vieux couple de paysans qui espère le retour de son fils parti au front. C’est tout l’absurde de la guerre et la quête du sens de la vie qui affleurent alors. (lire article dès p. 27) La Nuit de la vérité de Fanta Régina Nacro s’ancre également dans la guerre, peu importe laquelle, puisqu’elles sont toutes aussi insensées et criminelles les unes que les autres : Je voudrais faire de ce film une action contre l’atrocité, les conflits ethniques, la cruauté et la haine de l’homme (Fanta Régina Nacro). Black Movie 007 6 Ce film sur la folie meurtrière qui peut dévaster un pays est un acte de foi en l’homme. Et cela par la force d’abord de la mise en scène qui, faisant monter la tension tout au long de cette nuit où ceux qui se sont affrontés la veille doivent se serrer la main, sait ménager des pauses, des ruptures de ton. (...) Ce qu’on aime aussi dans ce film, c’est qu’il ne craint pas la démesure. Émile Breton, L’Humanité Le film a notamment reçu le prix du meilleur scénario au festival FESPACO de Ouagadougou. (lire article, p. 27) Note d’intention de Fanta Régina Nacro La nuit de la vérité est un film écrit à la mémoire d’un homme. Accusé d’avoir fomenté un coup d’état, il fut d’abord torturé et emprisonné. Une nuit, des hommes préparèrent un barbecue, l’attachèrent et le firent cuire à petit feu jusqu’au matin. À sept heures du matin, il mourait atrocement. Cet homme était mon oncle. Il y eût aussi ce vendredi noir où des musulmans de mon quartier, à Ouagadougou, s’entretuèrent à coups de couteaux et de machettes parce qu’ils ne s’entendaient pas sur le choix du nouvel imam. Des sages ont pu calmer les esprits et éviter une guerre civile. Enfin, comment oublier la Yougoslavie, le Rwanda, le Burundi, le Soudan, le Zaïre, le Congo… mais aussi tant d’autres pays du monde confrontés à des guerres civiles ? Sur le thème des rivalités ethniques, nous avons voulu écrire un drame « shakespearien ». La violence et la cruauté n’y sont pas exposées avec complaisance, mais intégrées à une progression dramatique. A Perfect Day, du couple de plasticiens et cinéastes Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, ausculte un fils et sa mère, 15 ans après la disparition de leur père et mari respectif. Si la mère reste figée dans l’attente et l’espoir, le fils veut vivre et tourner la page. Mais atteint de l’apnée du sommeil, ses actions sont constamment arrêtées par ses endormissements. Les réalisateurs traitent le sommeil comme image d’un pays qui cherche l’oubli, au lieu de panser ses plaies et de penser son histoire. En effet, nous sommes au Liban où la guerre de 1975 à 1990 a provoqué la disparition par kidnapping de 17’000 personnes. (lire article, p. 27) Cet appel à mener l’autocritique de l’histoire du pays se retrouve dans le film angolais Na cidade vazia : ici, c’est par le récit tragique d’un orphelin sacrifié à la violence urbaine, dans une nation qui sort de 30 ans de guerre. Un matin bonne heure du guinéen Gahité Fofana s’inspire d’un fait divers tragique : le sacrifice de deux adolescents pour changer le monde et, surtout, pour améliorer le destin de l’Afrique vouée à la pauvreté, incapable de donner un avenir à sa jeunesse. Pour finir ce voyage dans les variations de la disparition, mentionnons le film malaisien Before we Fall in Love Again, qui s’articule autour de la disparition d’une femme, partie sans laisser de traces. Enigme pour son mari, mystère pour son compagnon précédent, sa disparition interroge le sentiment amoureux et la complexité du désir. Black Movie 007 7 After Mao Une section consacrée à la Chine avec 17 films répartis en trois volets : Évolution / Révolution ; Rétrospective Jia Zhang Ke ; Spécial 007 avec Johnnie To. ΙΙΙ. Évolution / Révolution En 1966, Mao Zedong muni de son Petit Livre rouge et de son charisme fédérateur initie la révolution culturelle. Le prolétariat clame sa dignité et la jeunesse descend dans la rue pour abattre les reliques du passé. Le pays plonge bientôt dans un inextricable chaos, marquant profondément la population. Le Grand Timonier meurt en 1976, l’Empire du Milieu se relève. Les années 80 marquent l’ouverture de la Chine communiste au marché capitaliste et voient la mise en place d’une série de réformes radicales. Résultat : la Chine contemporaine perd ses repères et se fracture. Elle oscille entre marche de l’histoire et repli sur soi : alors que le gouvernement affiche encore l’imagerie de Mao, elle doit affronter le vent du libéralisme qui la force à une transformation ultra rapide et déstabilisante. Cinéastes chinois : l’urgence du réel L’Occident semble rester incrédule face à une société chinoise en plein bouleversement et en plein questionnement, où les différentes générations s’entrechoquent à cause d’une histoire encore difficile à revisiter et à analyser. Une histoire en marche qui laisse aujourd’hui près de 80% des Chinois sur le bord de la route. A la difficulté du quotidien de la très grande majorité des Chinois, s’ajoute celle de la misère et de l’oppression, du silence, de l’ignorance et du mépris. Dans cette Chine où le revers de la médaille du développement économique est désormais synonyme de quête d’identité, de solitude, de désolation, de l’argent roi, et de corruption, seule « l’avant-garde culturelle » chinoise ose montrer ce qui se cache derrière les murs de la grande muraille : les cinéastes. […] ΙΙΙ. Lewkowicz, www.radiofrance.fr/chaines/Mexique-culture2 Ce volet s’intéresse aux jeunes réalisateurs chinois qui émergent de ce contexte complexe, ambivalent et parfois brutal : leurs fictions et documentaires témoignent d’une singulière nostalgie de l’élan révolutionnaire qui a donné des idéaux et une raison d’être au peuple. Ces cinéastes, réunis sous l’appellation de « sixième génération », se caractérisent par des films tournés avec peu de moyens, généralement dans la clandestinité, et qui traitent de sujets de société engagés. La plupart des Mexique sont interdites dans leur patrie, mais réussissent à trouver une visibilité dans les festivals internationaux. Ce qui vaut parfois à leurs réalisateurs de sérieuses représailles de la censure chinoise : Lou Ye, réalisateur de Summer Palace, est interdit de filmer pendant cinq ans pour avoir présenté son film au festival de Cannes 2006, sans autorisation préalable. En effet, dans Summer Palace, Lou Ye parle non seulement de liberté sexuelle (et la montre), mais il met aussi en parallèle deux événements forts de 1989 : le massacre de la place Tien An Men face à l’énergie lumineuse et libre de la chute du mur de Berlin. Les films programmés dans cette rubrique portent un regard sans complaisance sur la réalité du pays, ses paradoxes, la dérive des jeunes, la perte d’idéaux, l’exploitation des ouvriers, la quête du sens de la vie. Black Movie 007 8 Dr Zhang, documentaire de la réalisatrice Huang Ruxiang, cristallise le paradoxe contemporain d’une Chine qui vacille entre les idéaux d’autrefois, générés par la Révolution culturelle, et la vacuité du sens de la vie actuelle, à travers le portrait émouvant d’un homme qui rêve de partir vivre en Russie et de se donner entièrement au communisme. Distance de Wei Tie témoigne de l’esclavagisme du prolétariat, dans une Chine matérialiste et inique. Dans son documentaire People of the Yangzi, sa caméra, franche et fluide, saisit les contrastes d’une Chine en pleine évolution, comme une estampe ou une musique. Shanghai Dreams montre le pouvoir destructeur de l’Etat tyrannique, qui finit par étouffer son peuple comme ce père qui tue l’élan de vie chez sa fille, personnage central du film, à force de la surveiller et de l’empêcher de s’épanouir. En réalisant ce film puissant et mélancolique, Wang Xioashuai s’inspire d’un pan peu glorieux de l’histoire chinoise : l’Etat, pour se protéger de la Russie, construit une ligne de défense en déplaçant de force des milliers de familles dans des régions de l’arrière-pays. Refrain, œuvre tendre, subversive et formellement radicale, prône le droit de disposer de son corps, le droit de choisir sa sexualité et de la vivre de manière épanouie. Son réalisateur Cui Zi’en, homosexuel militant, a subi toutes sortes de maltraitances pour avoir assumé publiquement sa sexualité : professeur de littérature à l’Institut du cinéma de Pékin, il est privé de cours et de salaire, en 1991, et empêché d’enseigner pendant dix ans (il a retrouvé ses classes en 2001). (lire article, p. 27) Walking on the Wild Side, produit par Jia Zhang Ke, pointe la dérive de la jeunesse, la dureté des conditions de vie dans une ville minière et la prolifération des affaires crapuleuses dans le domaine des mines. La Chine, c’est 35% du charbon mondial et 85% des morts Avec près de 5000 mineurs tués par an – chiffre officiel qu’il faut sans doute multiplier par 4 pour s’approcher de la réalité – la Chine est en tête d’un commerce macabre de l’or noir dans lequel la vie humaine n’a plus de valeur. www.radiofrance.fr/chaines/Mexique-culture2 Black Movie 007 9 II. Rétrospective Jia Zhang Ke Lauréat du Lion d’Or de Venise 2006 avec Still Life, Jia Zhang Ke est l’un de meneurs de la « sixième génération », appellation qu’il préfère remplacer par « cinéastes indépendants ». Malgré une reconnaissance internationale de son œuvre, ce n’est qu’en 2004 qu’un de ses films, The World, est diffusé officiellement en Chine. L’intégrale de ses œuvres, fictions et documentaires, est programmée ici. Ce peintre du temps s’attache à observer les gens ordinaires pris dans l’anodin du quotidien en résonance avec les bouleversements de l’histoire. Il file une œuvre contemplative mêlée de réalisme et d’allégorie. À l’épreuve du temps Maîtriser le temps est essentiel, il s’agit de le faire sentir au spectateur. Quand on est seul, on se retrouve face au temps et à sa propre tristesse. Ce n’est que seul que l’on voit passer le temps. Jia Zhang Ke Né en 1970, à Fenyang, petite ville du nord de la Chine qui inspirera certaines de ses œuvres (Xiao Wu, artisan pickpocket, Platform, Plaisirs inconnus), Jia Zhang Ke se forme d’abord comme peintre, puis fait des études de cinéma à l’Académie du film de Beijing (Pékin). Dans son parcours, il dit avoir appris de Godard l’importance du silence (Le cinéma a inventé le silence, une caméra qui tourne produit du silence) et de Bresson et Hou Hsiao Sien l’observation de l’espace et du temps. Son cinéma se caractérise par un réalisme qui flirte souvent avec le documentaire. Le fait de tourner dans la clandestinité lui donne paradoxalement une extrême liberté : il n’hésite pas à voler des instants de réalité (les annonces publiques de l’Etat, des habitants qui, devant leur téléviseur, apprennent le choix de Pékin pour accueillir les Jeux Olympiques, etc : scènes vues dans Platform et Plaisirs inconnus, notamment). De longs plans séquences méditatifs construisent ses films et proposent une réelle expérience du temps. Les lenteurs sont toutefois généralement contrebalancées par des ellipses temporelles vertigineuses, qui disent le changement fulgurant de la société, devenue technologique et libérale. En 1997, il réalise son premier long-métrage, Xiao Wu, artisan pickpocket, avec lequel il se fait immédiatement remarquer en Occident, notamment au festival de Berlin. Suivent ensuite Platform (2000) et Plaisirs inconnus (2002), qui mettent au centre des jeunes gens : confrontés à la métamorphose de leur pays et à la déliquescence des idéaux, ils sont incapables de donner un sens à la vie. Jia Zhang Ke montre un intérêt tout particulier pour l’adolescence, point culminant de la vie, où tout semble possible. Il livre pourtant un constat assez sombre : l’adolescence ne dure qu’un instant et l’individu revient à son passé. Ces deux productions effleurent un autre thème commun : la politique de l’enfant unique. Le temps, véritable protagoniste de ces réalisations, continue sa marche inéluctable, emportant avec lui les rêves ou s’imposant comme un adversaire : les adolescents de Plaisirs inconnus affirment ainsi ne vouloir vivre que jusqu’à 30 ans, jouir et mourir. The World (2004), quant à lui se déroule dans un parc d’attraction de Pékin, utopie où tous les plus célèbres monuments du monde sont reproduits. Là, un groupe de jeunes gens travaillent, s’aiment et se déchirent, fantasment une vie meilleure et se heurtent à la réalité : les ouvriers sont les laissés-pour-compte de la technologie qui envahit la Chine ; sous les paillettes du World Park, les femmes se prostituent, les individus traînent leur solitude et leurs désillusions. Pour les habitants des provinces, la ville brille comme un Eldorado, mais révèle sa cruauté. Black Movie 007 10 In Public, moyen-métrage produit par le Jeonju Film Festival (cf. p. 16) en 2001, pourrait être le manifeste de la démarche artistique du cinéaste : sa caméra capture les visages et le quotidien si bien que leur mystère raconte une histoire et suggère un ailleurs. Still Life et Dong (documentaire sur le célèbre peintre chinois Xia-Dong) se déroulent dans la région des Trois-Gorges dévastée par la construction d’un des plus grands barrages du monde. Cet ouvrage a provoqué l’exode massif de milliers d’habitants. Une fois encore, Jia Zhang Ke marque son intérêt pour les petites gens et s’en fait le porteparole, tout en magnifiant son propos par un geste cinématographique d’une rare majesté. (lire entretien, p. 27) Ce qui m’intéresse, ce n’est pas raconter des histoires, mais filmer mon sentiment sur la vie et le temps. Un film, c’est comme un visage. Il ne sert à rien de demander pourquoi il est ainsi. Bresson disait : « Quand on arrive dans un espace, il faut prendre trois minutes pour parler avec ». J’ai envie que mes films aient une vie, mais une vie qui ne s’explique pas. […] La vie n’a pas besoin d’explication. Ce qui importe, c’est ce qu’on voit. C’est cela qu’il faut filmer. Quand on a cette distance-là, quand on ne souligne pas les détails, quand on n’essaie pas d’expliquer les choses et qu’on reste au niveau de l’apparence, alors le public comprend avec son expérience. Au cours de la vie, on oublie beaucoup de choses. En tournant un film, on se remémore soudain beaucoup de choses oubliées. Le temps et la vie se réveillent tout à coup. Extraits d’un entretien de Jia Zhang Ke réalisé par Frédéric Bonnaud, Paris, 2003 Black Movie 007 11 III. Spécial 007 Avec trois œuvres de Johnnie To, exploration des bas-fonds de Hong Kong, du singulier monde des triades et des yakusas, de leurs règles impitoyables et de leur soif de pouvoir : The Mission (1999), Election 1 (2005) et Election 2 (2006). Johnnie To, de son vrai nom Kei-Fung To, doit sa reconnaissance en Occident à The Mission. Cinéaste à l’Mexique multiforme et inclassable, il fonde sa propre société de production en 1996 : la Milkyway. Cette « voie lactée » porte bien son nom : extrêmement prolifique, elle a déjà produit près de 50 films, dont une large part est signée Johnnie To. La maison fournit régulièrement des œuvres commerciales et de qualité au marché cinématographique local et international, tout en continuant de produire des films d’auteur, à budget réduit et sans garantie de succès. (lire articles, p. 27) Election 1 et Election 2 m’ont pris beaucoup de temps et d’énergie. Pendant deux ans, j’ai subi beaucoup de pression. Les films de Hong-Kong parlent si rarement de politique que je ne pouvais agir à la lègère. Dans Election 1, je voulais raconter l’Histoire des Triades, du point de vue de leurs valeurs, de leurs systèmes. Dans le second, je voulais montrer comment elles avaient changé après la rétrocession de Hong-Kong à la Chine en 1997, quel était leur avenir sous le contrôle de l’autorité chinoise. Ce sont deux périodes bien différentes. Il y eut dans les années 90 une déclaration marquante d’un des chefs de la sécurité chinois : « Les membres des triades peuvent aimer leur pays ». En même temps, les membres de l’autorité chinoise ont pris contact avec les triades pour leur demander de rester calme après la rétrocession. Avant ces discussions, le climat à Hong-Kong était très tendu : des membres très puissants des triades s’affichaient dans les rues, chaque quartier avait son Tigre, des chefs descendaient de Chine Populaire pour faire la loi. Tout cela provoquait beaucoup d’affrontements. Des commissariats furent encerclés. Des hôpitaux assaillis par des petites mains qui voulaient achever un blessé. Le patron d’un cinéma s’est fait tuer. C’était chaotique. Après cette fameuse phrase, tout s’est calmé. Plus aucun massacre, paix apparente. Le commerce des Triades a dégringolé, les « Tigres » ont disparu. Hong-Kong traversait en même temps une grande crise économique et des problèmes politiques, dans l’éducation notamment, et sanitaire : SRAS, grippe aviaire. Les Triades ont de plus eu peur du communisme chinois. De mon point de vue, les Triades sont véritablement devenues incapables de fonctionner comme avant. Entre l’épisode 1 et 2, 1997 fait donc rupture, entre passé et présent des Triades. […] Johnnie To Tiré de Hong-Kong, de bon matin par Antoine Thirion, Cahiers du cinéma, janv 2007 Black Movie 007 12 Mexique, la folie douce Black Movie conjugue le Mexique au passé (hommage à Arturo Ripstein), au présent (la nouvelle génération de cinéastes) et au futur (avec l’invitation à l’école de cinéma de Mexico). 21 films. I. Hommage à Arturo Ripstein en collaboration avec le CAC Voltaire À quinze ans, après avoir vu Nazarin j’ai eu un coup de foudre pour Buñuel, qui m’a décidé à être réalisateur. (...) J’ai appris de Buñuel que les meilleurs films possibles sont ceux dans lesquels on ne trahit pas ses principes les plus intimes. (...) Je ne filme pas pour convaincre, je filme pour émouvoir. Filmer est horrible, désespérant, infâmant, atroce, frustrant, comme un vice mortel. C’est aussi merveilleux et j’en tire beaucoup de plaisir et de jouissance. Arturo Ripstein, 1988 Le festival rend hommage à Arturo Ripstein pour sa carrière prolifique et inspirée. Ce maître du baroque est un des plus célèbres cinéastes mexicains contemporains. Son talent a d’abord été salué internationalement, avant d’être reconnu dans son pays où certains de ses films ont été censurés, notamment sous l’ère du président Lopez Portillo. Né en 1943, à Mexico, il grandit dans le cinéma. Son père, Alfredo Ripstein, est producteur. Très jeune, il rencontre Luis Buñuel, dont il devient l’assistant sur plusieurs productions, comme L’Ange exterminateur (1962). Après des études de cinéma à l’Université nationale autonome de Mexico, il signe son premier long-métrage en 1965 : Tiempo de morir (Le temps de mourir). Déçu par l’industrie mexicaine du cinéma, il fonde le groupe Cine Independiente de México, avec Cazals et Castenedo, à la fin des années 1960. Le but : réaliser des œuvres expérimentales. Sa démarche est travaillée par un pessimisme baigné d’une certaine cruauté. Les thèmes de l’isolement, de la famille et de la fatalité, des atmosphères oniriques et érotiques doublées de critique sociale nourrissent l’œuvre d’un homme qui avoue être attiré par l’obscurité, la vie secrète, par ce qui ne se dit qu’à demi-mot, par l’inavouable. Ses films révèlent sans complaisance la dégradation physique et morale de la société, où le sacré n’a plus droit de cité. Le festival propose un parcours à travers son œuvre multiforme et le temps : des productions des années 1970 jusqu’aux années 2000, avec entre autres, Ce lieu sans limites (El lugar sin límites), un de ses opus les plus fameux : inspiré d’un fait divers, il traite de l’enfermement et subvertit les codes traditionnels de la famille (tout comme dans Le Château de la pureté, 1972). Les deux seuls documentaires de sa vaste filmographie seront aussi à découvrir ici : Lecumberri, el Palacio Negro (1976) et Heroes and Time (Los héroes y el tiempo) (2005). Si le premier est une commande du gouvernement, le deuxième est le fruit du hasard. En 1976, le lugubre pénitencier de Mexico, Lecumberri, est sur le point d’être fermé. Arturo Ripstein est mandaté pour réaliser un documentaire-archive. Pendant le tournage, il rencontre quatre jeunes guérilleros. 30 ans plus tard, il est abordé dans la rue par l’un d’entre eux. Tous ont été libérés. Il décide de les retrouver pour témoigner de leur itinéraire, depuis le temps de la prison et de la lutte pour les idéaux : on rencontre des hommes revenus de tout et surtout de leurs rêves, parfaitement intégrés dans l’économie dominante. C’est mon projet le plus triste, admet Ripstein. Heroes and Time ne juge pas, mais le montage, très finement orchestré, livre un constat sombre. Black Movie 007 13 II. Lo Último ! Une nouvelle génération de cinéastes téméraires dans leur engagement critique et esthétique sont présentés dans ce volet. Parmi les œuvres programmées, à relever notamment : El Violín de Francisco Vargas : film pour lequel le comédien Don Angel Tavira, interprète de Don Plutarco, reçoit le prix d’interprétation masculine à Cannes 2006. À travers l’épopée du vieux Don Plutarco, violoniste et guérillero, le film témoigne des rébellions étouffées et d’un peuple opprimé par un pouvoir tortionnaire. Le suspense intenable et la violence du propos socio-politique sont magnifiés par une image noir-blanc saisissante et atemporelle : le film bascule et raconte finalement la fable de l’humanité. Cet opus s’inscrit dans la veine de Los Olvidados de Buñuel, par la volonté de donner la parole aux laissés-pour-compte. Batalla en el cielo de Carlos Reygadas : le réalisateur nous avait déjà habitué à des univers étranges et contemplatifs avec Japón. Il signe ici un polar existentiel, hypnotique et sensuel, incarné par des acteurs non-professionnels et charismatiques. (lire article, p. 27) Familia Tortuga, premier long-métrage de Rubén Imaz Castro, révèle le talent de ce jeune réalisateur. Il imagine ici une famille en décomposition, formée de quatre membres cloisonnés dans leur solitude. Noticias lejanas de Ricardo Benet explore les limites géographiques et mentales de l’individu dans un Mexique délaissé par les promesses de l’économie globale. Le réalisateur affirme vouloir montrer un Mexique que le gouvernement ne veut pas voir. Más que a nada en el mundo, réalisé par Javier Solana et Andrés León Becker, est la chronique de trois êtres, pris dans la frénésie urbaine : une mère, sa fille et un homme malade. Le film traque la difficulté à communiquer. Trópico de Cáncer est l’unique documentaire de ce volet. Il dévoile l’extrême pauvreté d’un peuple, dont le mode de vie se rapproche de manière inquiétante de la préhistoire de l’humanité. III. El Centro de Capacitación Cinematográfica (CCC) Fondé en 1975 par Carlos Velo, il était présidé par Luis Buñuel dans ses premières années. Doté d’une infrastructure de production, l’institut est devenu la matrice de la jeune génération de réalisateurs. Il affiche la volonté de promouvoir le cinéma mexicain au-delà des frontières nationales et encourage ses étudiants à explorer l’imaginaire et la richesse formelle qu’offre cet art. Par la programmation de 8 films d’étudiants, la section invite à une traversée d’univers naissants. Black Movie 007 14 Fabrique thaï Cette section esquisse un panorama de la fabrique du cinéma thaï dynamique, stylisé et diversifié avec des films de genre et d’auteur. 4 films, 4 identités. Depuis les années 90, le cinéma thaï connaît une effervescence savoureuse avec une nouvelle vague de réalisateurs, menée notamment par Apichatpong Weerasethakul et Pen-ek Ratanaruang. Surprenante, cette nouvelle génération de cinéastes propose des films qui, tout en étant teintés d’un grain de folie propre aux films de genre très prisés en Thaïlande, larguent les amarres du commercial et voguent hors des sentiers battus. Apichatpong Weerasethakul, génial réalisateur de films qui plongent les spectateurs dans un espace-temps magique, voire mystique, est le premier à avoir ouvert une brèche et entraîné dans son sillage des cinéastes qui mettent à mal les critères propres à identifier un film. Pen-ek Ratanaruang s’impose comme un de chefs de file magistralement inventif. Ses films circulent dans les plus prestigieux festivals. Né en 1962, il étudie d’abord l’histoire de l’art à New York, avant de débuter dans le cinéma en réalisant des spots publicitaires. Son premier long-métrage date de 1997, Fun Bar Karaoke. Last Life in the Universe (2003) et Invisible Waves (2006) sont ses quatrième et cinquième films, polars aussi somptueux que délurés et mélancoliques. Dans Last Life in the Universe, il cherche un souffle différent de ses réalisations précédentes : J’ai voulu que ce soit davantage un film d’atmosphère que mes autres films. J’ai cherché à accorder plus d’importance au rythme, au style, au visuel et au découpage de l’espace. Je voulais que l’espace soit un personnage à part entière. Il s’entoure d’une équipe de choc : le très convoité acteur japonais Tadanobu Asano (prix d’interprétation au Festival du Film de Venise 2003 pour ce film) et le photographe Christopher Doyle, fidèle et virtuose collaborateur de Wong Kar-wai. Il reconduit l’expérience avec ces mêmes collaborateurs dans Invisible Waves. Ces deux opus déploient un univers contemplatif, souvent burlesque, et dessinent un univers où les personnages sont totalement dépassés par les événements, pantins qui vivent leurs histoires comme un rêve éveillé. (lire article, p. 27) Par ailleurs, Twelve Twenty, son essai contemplatif produit par le Jeonju Film Festival 2006, est montré dans la section Digital Shorts (cf. p. 16). Ce survol de la fabrique du cinéma thaï est aussi l’occasion de découvrir Bangkok Dangerous : un thriller romantique interprété par un héros atypique, sourd-muet, et signé par les frères Pang, issus de la publicité. C’est sans doute ce qui donne à leur premier long-métrage un traitement visuel fort, une chromatique marquée et un sens du rythme et du kitsch. Autre premier long-métrage, One Night Husband, réalisé par une femme, Pimpaka Towira : avec une rare finesse, ce polar traite de l’illusion de la vie et des apparences. Que sait-on vraiment les uns des autres ? Un détonnant mélange de naturalisme et de fantastique compose ce film qui dérape au moment où l’on s’y attend le moins. Alors qu’il commence comme un polar, il se poursuit comme un portrait de deux femmes, qui témoignerait de l’émancipation féminine, pour s’achever par un revirement de situation aussi efficace qu’inattendu. Derrière ces multiples mises en scène déroutantes, des thèmes sérieux sont poursuivis : misère affective, solitude, amour, culpabilité. Une manière très particulière de faire passer le message made in Thailand. Black Movie 007 15 Digital Shorts Dès sa création en 2000, le Jeonju International Film Festival (JIFF), basé en Corée du Sud, lance un projet expérimental et novateur : le « Digital Short Films by Three Filmmakers ». On y retrouve des réalisateurs que Black Movie suit depuis des années. Il consiste à sélectionner chaque année trois cinéastes et leur imposer des contraintes formelles et financières pour la réalisation d’un objet unique : format digital, petit budget et durée d’environ 30 minutes. Explorer les possibilités du numérique et l’estampiller comme moyen de qualité motivent cette proposition. Certains auteurs au talent confirmé réalisent ainsi leur premier film numérique. Mais plus que cela, ces productions dévoilent des réalisateurs au travail, saisis dans leur démarche artistique. Pour cette section, Black Movie choisit quelques moyens-métrages issus de cette collection. Tous sont marqués par une certaine épure provoquée par des contraintes créatives qui poussent les cinéastes à aller droit au but. Proches de l’essai, ces films affirment des univers personnels puissants. Du documentaire ethnographique (Daf) au film socio-expérimental (Influenza), en passant par le docu-fiction engagé (No Day off), la programmation fait escale chez quelques meneurs du nouveau cinéma asiatique : Bong Joon-ho (Influenza), Eric Khoo (No Day off), Jia Zhang Ke (In Public) (cf. p. 11), Pen-ek Ratanaruang (Twelwe Twenty) (cf. p. 15). Black Movie 007 16 À suivre… Ce programme propose les films de cinéastes dont le festival souhaite suivre la trajectoire au fil de leurs réalisations, marquées par une audace créative et un tempérament singulier. 6 films. Lisandro Alonso revient cette année avec Fantasma, cartographie silencieuse d’un bâtiment – un grand centre culturel de Buenos Aires -. Il signe une œuvre lyrique et troublante, minimaliste, où la narration est quasiment absente, à l’instar des dialogues. Il y dirige à nouveau les acteurs qu’il avait mis en scène dans ses deux œuvres précédentes, Los Muertos et La Libertad. On les voyait en prise avec la nature. Dans Fantasma, le réalisateur les déplace dans le règne de la culture et pose indirectement la question du rapport à celle-ci. En collaboration avec le CAC-Voltaire, seront aussi projetés Los Muertos, programmé lors de l’édition 2005 de Black Movie, qui conte le voyage solitaire d’un homme en pleine nature, et La Libertad, qui a pour seule action les gestes quotidiens d’un bûcheron. Pablo Trapero, qui avait ouvert l’édition 2003 du festival avec El Bonaerense, filme cette fois les dérives d’un homme bousculé par la vie. Quant à Tsai Ming-Liang, il rêve éveillé, pris dans l’air étouffant de Kuala Lumpur. Mais, malgré son lyrisme, I Don’t Want to Sleep Alone plonge dans la brutale réalité sociale des travailleurs immigrés. Le désir et le corps sont au centre, comme souvent dans le travail de ce cinéaste. Et enfin, Gyeong Tae Roh livre avec The Last Dining Table un sublime poème sombre et corrosif, où l’imaginaire vogue au gré des associations d’images et de sens. Sous le couvert poétique émerge la critique d’une société en déréliction, où la misère se heurte à la technologie, véritable danger écologique. Ce film est une histoire personnelle sur l’ironie et la disparition. Symboliquement et poétiquement, cela inclut l’ironie et la contradiction de la société moderne, l’effondrement de la famille, et la pollution globale. Ces problèmes sociaux ne sont perçus ici que par le prisme du trivial, du surréalisme et du minimalisme. La manière étrange de jouer, la mise en scène surréaliste, les couleurs désaturées symbolisent la contradiction et la maladresse des relations humaines, ainsi que la décadence du monde. Gyeong Tae Roh Des cinéastes à suivre absolument… Black Movie 007 17 Petit Black Movie Cette section est une dédicace aux enfants, une invitation aux voyages en salles noires qui forment l’imaginaire et ouvrent le regard sur l’autre et sa pluralité. Depuis deux ans, elle est une section à part entière du festival. 8 films et des activités parallèles pour entrer dans l’univers de l’image. Éveiller la curiosité pour d’autres réalités du monde et d’autres esthétiques loin des formatages habituels, explorer la diversité des cultures, apprendre à appréhender une image constituent le souci premier de cette section. Un enjeu pédagogique qui s’associe résolument au plaisir et au partage. La section s’articule en deux catégories : certains films sont montrés en projection simple, d’autres s’accompagnent d’activités ludiques et créatives. Ciné-conte, ciné-brunch, cinégoûter-bricolage sont autant d’occasions de découvrir le cinéma. Mais si le Petit Black Movie rend hommage aux enfants, il convie aussi les adultes par les animations annexes à faire en famille et par un choix de films qui délivrent des thématiques et une philosophie bien au-delà de la candeur formelle. En projection simple Gen d’Hiroshima, dès 10 ans, dessin animé de Mori Masaki, très fidèlement adapté du célèbre manga autobiographique de Nakazawa. Dans la même veine que le fameux Tombeau des lucioles, ce film retrace un des événements les plus sombres de l’histoire du Japon : la destruction d’Hiroshima par la bombe atomique, en 1945. Son esthétique suit l’articulation dramaturgique scindée en deux temps, avant et après le bombardement : le dessin rond et naïf, dans la première partie, laisse place à un expressionnisme cru, dès le bombardement, qui montre sans ménagement la mort et la catastrophe humaine que représente la guerre. L’événement est vu par les yeux du jeune Gen. Son innocence d’enfant, sa force de vie et sa détermination rendent l’insoutenable supportable. Le film chante finalement un puissant hymne à l’espoir et au courage de se reconstruire. (lire article, p. 27) Léo, roi de la jungle, dès 6 ans, est la version cinéma du manga culte de Osamu Tezuka. Ce long métrage d’anticipation suggère une réflexion écologique et pose des questions essentielles sur le rapport de l’homme et de la nature, thématique récurrente du réalisateur Yoshio Takeuchi. Philosophique et loin de tout manichéisme, le film est une réponse au Roi lion de Disney : la rumeur dit que le studio américain avait puisé sans vergogne et sans compensation financière dans l’œuvre de Tezuka… mal lui en a pris ! Le petit monde de Bahador, dès 3 ans, trois films d’animation sans paroles, signés par les studios iraniens Kanoon, dynamiques et ingénieux. Chacune de ces trois fables comportent une réflexion amenée avec poésie et légèreté : sur le pouvoir, l’entraide, la Black Movie 007 18 construction de la civilisation, etc. Le Roi des masques, dès 8 ans, du hong kongais Wu Tianming se déroule au début du 20e siècle. Le film file une réflexion sur la place des femmes et des artistes dans la société, à travers les péripéties du fabuleux montreur de masques Wang et de son jeune disciple Gouwa. Le village de mes rêves, dès 9 ans et pour toute la famille. Cette fiction suit l’éveil au monde de deux garnements. Il célèbre l’enfance comme espace où se forge l’identité, comme territoire merveilleux où rêve et réalité s’unissent librement pour appréhender la vie. En 1996, le film a reçu l’Ours d’argent du Festival de Berlin et le Grand Prix du Festival d’Amiens. Stupéfiant. Comme du Truffaut filmé par Kitano. Les Cahiers du Cinéma Projections et activités annexes Ciné-brunch aux saveurs des autres mondes, dès 4 ans : Black Movie et la boutique pour enfants Mimito proposent une projection de courts-métrages surprise venus d’Asie, suivie d’un brunch concocté par Helen, dans un tout nouveau lieu des Pâquis : le Lola. Ciné-conte africain, dès 6 ans : autour des rêves et des envies. Joseph Kumbela, comédien et réalisateur congolais donne sa voix à un conte peul, qui narre les souhaits du lièvre Petit Bodiel, un coquin pas toujours bien intentionné. Suivra la projection d’un courtmétrage pétillant et malicieux : Deweneti de la jeune réalisatrice sénégalaise Dyana Gaye, salué par divers prix, notamment à Berlin, Amiens, Carthage et Prague. Deweneti – « meilleurs vœux » en wolof – rappelle de prendre soin de nos rêves les plus secrets, car ils pourraient bien se réaliser. Après-midi chinoise : ciné-goûter-bricoler, dès 4 ans : la Chine est à l’honneur de cette après-midi poétique qui se tisse autour de la projection de courts-métrages d’animation : Impression de montagne et d’eau, quatre somptueux lavis animés et lavis découpés produits par les Studios d’Art de Shangai : La mante religieuse, L’épouvantail, Les singes qui veulent attraper la lune et Impression de montagne et d’eau. Ces films d’une virtuosité magistrale s’inspirent de préceptes ou d’histoires de la Chine ancienne. En collaboration avec la Maison de quartier des Eaux-Vives, un bricolage et la confection d’un goûter aux parfums chinois seront organisés. Réservations : Ciné-conte africain: 022 909 88 94 ou sur www.mqpaquis.ch Ciné-goûter-bricoler: 022 736 72 71, lun - jeu 14h - 18h30 et ven 16h-18h30 Ciné-brunch: Mimito 022 731 00 54, ma - sa 10h - 18h30 ou 1 rue des Etuves Black Movie 007 19 Les invités II. After Mao, rétrospective Jia Zhang Ke JIA ZHANG KE Pour une succincte biographie, cf. p. 10 Filmographie : 1997 Xiao Wu, artisan pickpocket – 2000 Platform (Zhantai) – 2001 In Public – 2002 Plaisirs inconnus – 2004 The World – 2006 Stille Life ; Dong III. Mexique, la folie douce Lo Último ! RICARDO BENET Réalisateur de Noticias lejanas. Il naît à Veracruz en 1961. Après des études d’architecture à l’Université nationale de Mexico, il part en Italie, à Florence, où il se spécialise en histoire de l’art. Il continue son périple européen en suivant une formation de photographe au Centre Pompidou de Paris. Il réalise ses études de cinéma à l’Institut national de cinéma de Mexico (Centro de Capacitación Cinematográfica). Il a réalisé plusieurs courts-métrages. Filmographie : 2004 Noticias lejanas RUBÉN IMAZ CASTRO Réalisateur de Familia Tortuga. Né en 1979 à Mexico, il est fraîchement issu de l’institut national de cinéma de Mexico (Centro de Capacitación Cinematográfica). Familia Tortuga est son premier longmétrage et film de fin d’études. Il a reçu une mention spéciale à Cinéma en Construction 9 Toulouse. Filmographie : 2006 Familia Tortuga Centro de Capacitación Cinematográfica LEON FELIPE GONZALES Réalisateur de Historia de amor. FERNANDO URDAPILLETA JIMENEZ Réalisateur de Irma Gonzales Madre de todas las reinas. IV. Fabrique thaï PIMPAKA TOWIRA Réalisatrice de One Night Husband. Née à Lampang, en Thaïlande, en 1967. Elle étudie le cinéma à l’Université de Thammasat, dans la faculté de journalisme et de communication. Depuis la fin des années 1980, elle réalise toute une série de courts-métrages. Elle est critique de cinéma dans le quotidien thaïlandais The Nation et s’est chargée de la programmation du Festival du film de Bangkok en 2001. Filmographie : 2003 One Night Husband V. À suivre… GYEONG TAE ROH Réalisateur de The Last Dining Table. Après des études de design industriel en Corée, il part aux USA, où il suit une formation à l’Institut d’art de San Francisco. Ses films expérimentaux, Réincarnation et Père et fils, tournent dans différents festivals. The Last Dining Table est son premier opus depuis son retour en Corée. Filmographie : 2006 The Last Dining Table D’autres réalisateurs seront présents. Plus d’informations à venir. Black Movie 007 20 Conférence Le cinéma mexicain, de la fiction à la réalité quotidienne Une conférence organisée par Tierra Incógnita (www.tierra-incognita.ch) Avec : Julen Ajuriaguerra, ethnologue et chercheur à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de Genève (FAPSE) et en collaboration avec l’association des Mexicains de Genève. Le cinéma s’inspire de la réalité… dit-on. Cependant, le quotidien prend généralement comme point de repère l’univers du cinéma. En Amérique latine, et au Mexique en particulier, la frontière entre réalité et fiction est souvent floue et permet une marge parfois humoristique, parfois tragique. El real maravilloso (le réel merveilleux), comme le définissait Gabriel García Márquez, échappe aux classifications du monde occidental rationnel. Découvrons comment le cinéma fait vivre la vie quotidienne au Mexique ! Mardi 6 février, 19h, Centre culturel latino-américain Tierra Incógnita Entrée libre. Petite restauration latino-américaine. Soirée de clôture Le Prix Coup de Cœur du Public et le Prix des Jeunes Pour plus d'efficacité, le Prix Coup de Coeur du Public devient un prix d'aide à la distribution. Frs 5'000.- offerts par la Direction du développement et de la coopération (DDC), ainsi qu'un bon de sous-titrage d'une valeur de Frs 1'500.- offert par Titra Film, seront remis au distributeur suisse qui prendra le film lauréat en distribution. Seront mis au concours tous les films de plus de 60 minutes produits en 2006 et non distribués en Suisse. Le film primé par le Prix du public sera projeté le dimanche 11 à 17h30 (CACSimon). Un Prix des Jeunes d’une valeur de Frs 1'000.-, offert par le Département des affaires sociales de la Ville de Genève, sera décerné par un jury d’élèves du post-obligatoire. Il récompensera un film issu d’une sélection « spécial jeunes », sous la responsabilité du festival. Après l’annonce des lauréats au BlackBox et un apéritif en musique offert par la DDC, la soirée continuera au Zoo, avec des Dj haut en couleurs. samedi 10, 19h30, BlackBox, Art en Ile ; dès 23h, Zoo au BlackBox, entrée libre; au Zoo : entrée 8.-, de 23h à 00h, 10.- de 00h à 2h, 15.- de 2h à 5h, Pass BM 7.- Black Movie 007 21 Avant / Après BlackBox à Art en Ile Le festival Black Movie s’enrichit cette année d’un nouveau lieu convivial et festif. C’est dans les espaces d’exposition d’Art en Ile que le BlackBox, investi par Thank you for coming, prendra ses quartiers du samedi 3 au dimanche 11 février, dès 18h. Pour boire un verre, se sustenter, rencontrer les réalisateurs présents, voir un film ou vibrer au son des DJs invités. Ouverture du BlackBox le samedi 3 février à 18h, avec le vernissage de H.K.05 de Vincent Calmel, première exposition de la nouvelle programmation de l’espace Art en Ile. Ce sera également l’occasion de découvrir, en collaboration avec la librairie Papiers Gras et les éditions Vertige Graphic, des tirages grand format du manga culte Gen d’Hiroshima de Nakasawa Keiji dont l’adaptation cinématographique est présentée dans cette édition du festival. Pour découvrir ou revoir certains films montrés lors des précédentes éditions du festival, et qui auraient échappé à la vigilance des cinéphiles, une séance de rattrapage. Séances gratuites à la demande. Du samedi 3 au dimanche 11 février, dès 18h, mer, sam, dim dès 16h, Séances de rattrapage à 19h, mer, sam, dim aussi à 15h. Programme détaillé des soirées au BlackBox sur le site www.blackmovie.ch Soirées au BlackBox : entrée libre Art en Ile est administré par act-art, fédération des associations d'artistes visuels et plasticiens Genève. La Barje au Spoutnik Un peu plus bas au fil du Rhône et pour la seconde édition consécutive, la Barje ouvre son troquet pour les petits creux et les grosses soifs, pour attendre dans un cadre chaleureux avant la séance et refaire le film après, juste à côté de la salle de cinéma du Spoutnik. Soirées DJ festives les week-ends, programme détaillé à consulter sur notre site www.blackmovie.ch. Du samedi 3 au dimanche 11 février dès 17h30 Le Mezcal (lounge) Cette année encore, le café du Grütli s’installe tous les soirs dès 17h à l’entrée de la Maison des Arts du Grütli dans un cadre tranquille et feutré. Cette année, le lounge prend une tonalité mexicaine, squelettes et paillettes en abondance. Du samedi 3 au dimanche 11 février, dès 17h, salle Fonction:cinéma Le petit plus… Les brunches de Black Movie Les dimanches 4 et 11 février le Café du Grütli propose un brunch salé, sucré ou salé-sucré dès 11h30. Black Movie 007 22 Concerts à BlackBox, Art en l’Ile Shangai Fei, jazz quartet Composé de Helen Calle-Lin au chant, Léonard Plattner à la guitare, Christophe Ryser à la contrebasse et Denis Schuler à la batterie et aux percussions. Shanghai Fei ("Shanghai qui s'envole") puise son inspiration dans le Shanghai des années 1930, où les influences occidentales – notamment celle du jazz – se mêlent aux chansons populaires de la métropole chinoise. Ce projet est un hommage de la chanteuse à sa grand-mère, un clin d’œil au passé avec un regard d'aujourd'hui. Jeudi 8 février dès 21h Entrée libre au Moulin à Danse (MAD) Solo Dos, Barrio Rap Soirée très caliente avec la venue du groupe dominicain Los Dos. Ce nouveau combo est composé de plus de 20 musiciens et chanteurs de Cuba et d’Amérique du Sud qui jouent un mix de barrio rap, une musique multiculturelle née dans les favelas latinos qui allie le hip hop, la salsa, le reggaeton et des sons cubains. Un cocktail vitaminé ! Vendredi 9 février, 21h30 Entrée : 20.-, Pass BM entrée libre pour les 50 premiers arrivés au Chat Noir Koodetaa, World Music Rebellion Mercredi 7 février, dès 23h Entrée : 10.-, Pass BM entrée libre Woz Kaly, World jazz Chanteur, guitariste, acteur et interprète, il possède une voix exceptionnelle à la double influence wolof du nord et mandingue du sud du Sénégal. Woz Kaly a momentanément fait partie du groupe Touré Kounda. Il s’affirme sans complexe dans la famille des grands chanteurs africains. Un plaisir poour les amateurs de belles voix et une rare découverte. Vendredi 9 février, 22h Entrée : 20.-, Pass BM 15.- So Kalmery, Blues africain So Kalmery, poète voyageur zaïrois, s’est entouré des meilleurs musiciens de la scène world (Paco Sery, Loy Ehrlich, Linley Marthe,…) pour enregistrer BENDERA, un album ciselé aux sonorités blues folk, dans lequel le guitariste-chanteur livre des compositions en swahili et en anglais. C’est en solo qu’il viendra offrir son blues envoûtant sur la scène du Chat Noir. Samedi 20 février, 22h Entrée 20.-, Pass BM 15.Black Movie 007 23 Expositions Bahia, photographies Extrait de la série Bahia de Christian Lutz, travail que le photographe a mené au Brésil entre 2000 et 2002. De voluptueux clichés noir-blanc, à fleur de peau, de regards, de corps et d’instants pris à la vie. Plus d’infos sur www.strates.ch Sur les murs du Café du Grütli, dès le vendredi 2 février. Gen d’Hiroshima, dessins Exposition associant du texte et des images issues de la BD Gen d’Hiroshima de Nakazawa Keiji pour plonger dans les coulisses de cette série autobiographique. Le film qui en est tiré est présenté dans le programme du Petit Black Movie. En collaboration avec les Editions Vertige Graphic - Paris et la Librairie Papiers Gras et avec le soutien de la Haute école d'art et de design – Genève - Orientation Cinéma. BlackBox, dès le 3 février. H.K.05, photographies Travail du photographe Vincent Calmel. Une déambulation impressionniste dans la ville de Hong Kong qui ouvre la saison d’exposition de Art en Ile. A voir sur les murs du BlackBox pendant toute la durée du festival. Plus d’infos sur www.mitsu120.com BlackBox, vernissage le 3 février à 18h. Du samedi 3 au dimanche 11 février, dès 18h , sam et dim dès 16h. Black Movie 007 24 Informations pratiques Informations pratiques générales Tél +4122 320 85 27, 29 janvier-1 février 16h - 19h, pendant le festival 15h - 20h30 Lieu central Black Movie, festival de films des autres mondes Maison des Arts du Grütli 16, rue du Général-Dufour CH-1204 Genève [email protected] - www.blackmovie.ch Horaire de l’accueil au Grütli, du 29 janvier au 1 février: 16h-19h Pendant le festival: ven 2, 18h–22h ; sam 3 - dim 4, 12h30 – 22h30 ; lun 5 - mer 7, 16h45 - 22h, jeu 8 - ven 9, 17h30 – 20h30 ; sam 10 – dim 11, 16h30 – 18h30 Autres lieux du festival Auditorium Fondation Arditi – 1 avenue du Mail BlackBox, Art en Ile – 1 Place de l'Ile CAC Simon et CAC Langlois, CAC Voltaire, Le Grütli – 16 rue du Général-Dufour Cinéma Spoutnik (Usine) – 11 rue de la Coulouvrenière Cinémas Les Scala – 23 rue des Eaux-Vives Cinéma Titanium – 2 rue de la Servette Ciné-Versoix, Aula des Colombières – rte St-Loup, Versoix Ciné-Saussure, Aula du Collège de Saussure – 9 Vieux-Chemin d’Onex, Petit-Lancy Head-GE (Haute école d'art et de design – Genève) – 2 rue du Général-Dufour La Barje - 11 rue de la Coulouvrenière La Traverse, Maison de Quartier des Pâquis – 50 rue de Berne Maison de Quartier des Eaux-Vives – 3 ch de la Clairière Le Chat Noir – 13 rue Vautier, Carouge Le Lola - 7 rue Richemont, Pâquis Le Moulin à Danses – 20 bis rue du Stand Le Zoo – Usine, 4 place des Volontaires Salle Fonction:Cinéma, Maison des Arts du Grütli – 16 rue Général-Dufour Tierra Incógnita – 6 rue Charles-Humbert Black Movie 007 25 Les dessous de l’affaire Organisation Association Sirocco Direction Virginie Bercher, Maria Watzlawick Direction adjointe Kate Reidy Programmation Virginie Bercher, Kate Reidy, Maria Watzlawick Coordination Zoya Anastassova Relations presse et rédaction catalogue Eva Cousido Régie des films et invitation réalisateurs Emmanuelle Tréhard Accueil public et encadrement bénévoles Aurélie de Lalande Assistante coordination Anouchka Kuhni Coordination scolaire Yaël Ruta Relais programmation Bastian Meiresonne, Olivier Barlet Encadrement Prix des Jeunes Pascal Magnin Responsable technique Caroline Suard Traductions Briana Berg, Rebecca Nakache Mise en espace Lumens8 Décoration Mezcal Bar Raphaèle Gygi Décoration et programmation BlackBox Thank you for coming Montage image BlackBox Ulf Lindquist Graphisme Cornelis de Buck (visuels) et Daria Mechkat (catalogue) Bande annonce Marco Dellamula Site web Jean-Philippe Mercier Sous-titrage électronique Baptiste Lefebvre/C-Side Productions Soutiens Ville de Genève (Département des affaires culturelles, Département des affaires sociales, des écoles et de l'environnement), République et Canton de Genève, Direction du développement et de la coopération (DDC), Loterie Romande, Ernst Göhner Stiftung, le Conseil administratif de la Ville de Genève, Ambassade du Mexique, Ambassade de la République de Corée, Pour-cent culturel Migros, 20 ans/20 frs. Le festival remercie les relais de diffusion Léman bleu, Radio Lac, WRG, cinémas NordSud ; ses sponsors Imprimerie Villière, Café Lyrique, Hôtel Cornavin, ainsi que Titra film qui participe au Prix du Public, C-Side pour le sous-titrage, Gualtiéri vins pour la soirée de clôture, Télésonique, opérateur téléphonique du festival, et le salon de coiffure Entre Ciel et Terre qui fait bénéficier gratuitement de ses services les invités du festival ; ses donateurs en services qui ont préféré rester anonymes. Black Movie 007 26 Autres regards, critiques, entretiens Sommaire LA DISPARITION A Perfect Day : La promesse de l’aube, Dominique Widemann, Journal l’Humanité La Nuit de la vérité : Critique d’Olivia Marsaud, www.afrik.com Hamaca Paraguaya : Critique d’Amélie Dubois, Les Inrockuptibles Hamaca Paraguay : L’antre deux, Nicolas Azalbert, Les Cahiers du Cinéma The Host : L’usage du monstre, J.-Ph. Tessé, Les Cahiers du Cinéma The Host : Entretien avec Bong Joon-ho, Julien Gester, Les Inrockuptibles The Host : Esquisse d’un miracle menacé, sur le cinéma coréen, Les Inrockuptibles AFTER MAO Evolution / Révolution Refrain : Chine : à l’écoute des sens, Stéphanie Ollivier, journaliste indépendante, Pékin Rétrospective Jia Zhang Ke Xiao Wu, artisan pickpocket : Critique d’Elysabeth François, www.chronicart.com Plaisirs inconnus : Entretien avec Jia Zhang Ke, Michel Guilloux, www.humanitepresse.fr Spécial 007 avec Johnnie To Johnnie To, la guerre d’un seul homme, J.-M. Frodon, Les Cahiers du Cinéma Hong Kong de bon matin, A. Thirion, Les Cahiers du Cinéma MEXIQUE, LA FOLIE DOUCE Batalla en el cielo : Reygadas, une beauté monstre, A. de Baecque, Libération FABRIQUE THAÏ Invisible Waves : Musiques pour Asies, A. Thirion, Les Cahiers du Cinéma PETIT BLACK MOVIE Gen d’Hiroshima : Le temps de la bombe, Stéphane Delorme, Les Cahiers du Cinéma Black Movie 007 27 A Perfect Day. La promesse de l’aube Dominique Widemann, mars 2006 Journal l'Humanité, www.humanite.fr Ici Beyrouth tient un rôle à part entière, vingt-quatre heures de la vie d’une femme et de son fils entre troubles du passé et incertitudes de l’avenir. Nous sommes à Beyrouth, l’un de ces jours d’aujourd’hui que la grande histoire délaisse. Journée particulière pourtant pour Claudia (Julia Kassar) qui doit déclarer officiellement le décès de son mari, disparu durant la guerre près de quinze ans auparavant. Comme dixsept mille au moins de ses contemporains, partis de chez eux un matin et abîmés depuis dans l’incertitude. Le fils de Claudia, Malek (Ziad Saad), s’éveille lentement sous nos yeux au cours d’une scène introductive qui nous montre, à fleur de peau et bout de doigt, l’étroitesse du lien qui le relie à sa mère. Elle peine à s’extraire de l’immobilité qu’induit l’absence d’un homme dont elle ne peut s’empêcher d’espérer le retour. Lui va parcourir la ville en tentant de ressusciter son idylle avec Zeina (Alexandra Kahwagi) qui se refuse avec obstination jusque sur l’écran de son téléphone portable. Nous allons passer vingtquatre heures avec les protagonistes d’un film qui traite la temporalité en cercles concentriques dont nous suivrons les circonférences. Claudia, devant sa fenêtre, rêve éveillée. Malek est frappé de narcolepsie, maladie qui le fait s’endormir à tout bout de champ. Il est, à son corps défendant, plongé dans des états de latence d’où il tente de s’extirper et qui ne cessent de rompre ses activités de chef de chantier, sa recherche enfiévrée de Zeina et ses tentatives d’évasion des hantises maternelles. Autour d’eux, la ville de Beyrouth, personnage essentiel du film. Aux chantiers de reconstruction qui émergent au travers des fragments de la vie professionnelle de Malek, se juxtaposent les strates enfouies de la cité antique et de la ville plus récemment détruite que dénudent les excavatrices. On trouvera dans l’un de ces fossés un cadavre à la datation incertaine, kidnappé dans les années quatre-vingt comme le père du jeune homme ou victime de combats plus anciens ? Ce sera, à l’instar de la découverte par Malek d’un revolver sous la poussière du bureau paternel, l’une des fausses pistes semées par les auteurs. Plasticiens autant que cinéastes, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige réalisent là leur deuxième long métrage après Autour d’une maison rose (1999). Ils ont travaillé à nombre d’installations aux titres parlants : le Cercle de confusion qui proposait aux visiteurs de repartir de l’exposition photographique avec l’un des trois mille fragments d’une vue aérienne de Beyrouth ; ou encore Images rémanentes. Cette rémanence est tout au long à l’oeuvre dans de A Perfect Day, référence au final plus poétique qu’ironique à la chanson homonyme de Lou Reed. Claudia peine physiquement à parapher le formulaire qui devrait officialiser son entrée dans le deuil, sous la double pression du pragmatisme d’un avocat et du désir profond de tourner la page qu’éprouve son fils. Malek stagnera dans bien des embouteillages au coeur de l’effervescence de Beyrouth, ses bars et ses boîtes. Ce jour parfait n’est ni pire ni meilleur qu’un autre pour s’éveiller au monde malgré les troubles du passé et l’inconnu à venir. Témoins et acteurs de la scène artistique contemporaine qui anime Beyrouth, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige en donnent une vision complexe que guident une grande rigueur plastique, des dialogues minimalistes évitant toute simplification, et l’image élégante de Jeanne Lapoirie. À mille lieues de la tourmente désespérée qu’avait par exemple filmée Waël Nouredinne pour son documentaire Ce sera beau. Armé d’une caméra à l’épaule, il suivait les déflagrations de l’héroïne dans les veines de ses amis trentenaires au sein d’une ville où la mort s’achète un peu trop facilement pour cinq euros le gramme, entre mitrailleuses des soldats et chants de guerres religieux. Avec A Perfect Day, l’art s’emploie à éveiller les possibles. Black Movie 007 28 La Nuit de la vérité Olivia Marsaud, juillet 2006 www.afrik.com Pari gagné pour Fanta Régina Nacro. La talentueuse et productive réalisatrice burkinabé livre un premier long-métrage de fiction très réussi, La Nuit de la vérité. Une réflexion tragique sur les conflits ethniques, sorte de « Guerre et paix » africain intense et dramatique. Le film, qui est un succès au Burkina depuis janvier dernier, vient de sortir en France. […] Dans son film, la réalisatrice analyse les actes individuels et collectifs commis en temps de guerre. Elle explore la violence humaine, le sentiment de haine mais aussi de culpabilité et le désir de vengeance qui peut mener à la folie. La Nuit de la vérité est un drame qui se passe quelque part en Afrique... Pour mettre fin à dix ans d’une guerre civile sanglante entre les Nayaks, ethnie du Président, et les Bonandés, rebelles dirigés par le Colonel Théo, une grande fête de la réconciliation est organisée pour sceller les accords de paix. Mais les atrocités et les massacres commises par les uns et les autres hantent ces retrouvailles tendues. « Tant que leur sang n’est pas vengé, les morts s’attardent sur terre », révèle l’un des personnages... De la Yougoslavie à la Côte d’Ivoire On pense immédiatement à la crise ivoirienne mais la réalisatrice précise : « L’idée du scénario est née pendant le conflit en ex-Yougoslavie. J’ai réfléchi aux atrocités commises, au fait que des gens, hier voisins, s’entretuent aujourd’hui. L’histoire s’inspire de cette guerre, de celle du Liberia et du génocide rwandais. Elle ressemble à ce qui se passe en Côte d’Ivoire, pourtant j’ai commencé à l’écrire en 1999 ! ». Un scénario de fiction prophétique donc, avec un réalisme exacerbé dû à la présence de militaires qui jouent leurs propres rôles. « Nous avons eu huit semaines de tournage dont six dans un vrai camp militaire. Le colonel Théo, par exemple, a vraiment ce grade dans la vie. Cela nous a évité de former les acteurs à respirer, bouger, manger comme des soldats », explique Fanta Régina Nacro. Ce premier long métrage est une réussite pour cette réalisatrice pleine de talent(s), qui a déjà 12 ans de carrière derrière elle et quelque 15 courts et moyens-métrages, largement primés à l’international. Mais ce film est aussi un tournant dans sa carrière, car elle s’attaque au genre de la tragédie après s’être fait connaître avec des scénarios plein d’humour. C’est aussi la première fois qu’elle s’attaque au thème de la guerre, elle qui a longuement filmé le sujet du sida et de la condition féminine en Afrique. Pour autant, on retrouve des traits communs à son travail : elle y prêche la tolérance avec un optimisme sous-jacent et fait une large place aux rôles féminins. Succès au pays des hommes intègres Le film est déjà un succès en Afrique. Il est sorti sur les écrans burkinabés dès le mois de janvier 2005. « Nous avons arrêté les projections pendant le Fespaco car il était en compétition. Il a d’ailleurs obtenu le Prix du scénario. Mais nous avons repris après parce qu’il y avait une forte demande ! » se réjouit la réalisatrice. « On avait peur car ce sont les films comiques qui marchent le mieux, mais, dès le premier jour, on a enregistré 3 000 entrées, et plus 25 000 en 10 jours. Certaines personnes ont été le voir plusieurs fois et le bouche à oreille a très bien fonctionné. Nous avons de grands réalisateurs au Burkina mais les films qui ont aussi bien marché au pays se comptent sur les doigts d’une seule main. Les partis politiques, celui du Président comme ceux de l’opposition, veulent même le projeter pendant leurs week-ends de campagne ! Ils pensent que ce genre de films peut éviter aux Burkinabés de vivre ce genre de crise et de guerre civile... » Black Movie 007 Refrain. Chine : à l’écoute des sens Stéphanie Ollivier, journaliste indépendante à Pékin www.unesco.org L’optimisme prématuré du Protégé de Madame Qing Réalisé en 1999 par Liu Bingjian, Le Protégé de Madame Qing est le premier film chinois qui postule la normalité des homosexuels dans leur société. Cui Zi’en en a écrit le scénario : «Je voulais montrer notre quotidien et suggérer que tout être humain est peutêtre homosexuel» dit-il. Dans cette chronique d’une société urbaine en pleine mutation où les modes de vie se diversifient, la frontière qui sépare les rôles sexuels des hommes et des femmes s’estompe. «Inciter les gens à suivre ce cheminement de pensée pourrait être plus efficace que de monter sur ses grands chevaux», affirme le scénariste. Les personnages homosexuels de précédents films chinois apparaissaient comme des victimes. Dans Adieu ma Concubine, de Chen Kaige, un jeune acteur de l’Opéra de Pékin était condamné à être le jouet sexuel d’un mandarin libidineux. Ou bien l’on s’efforçait de comprendre leur «problème», comme le reflète la confrontation entre un homosexuel passionné et un policier dans East Palace, West Palace, de Zhang Yuan. L’optimisme de Cui Zi’en est-il prématuré? A ce jour, son film n’a pas reçu d’autorisation de diffusion en Chine. Les difficultés des homosexuels chinois révèlent un conformisme moral d’une société qui nie l’aspiration au plaisir et la libre disposition de son corps. «Mon homosexualité? Je la considère comme une source de créativité», affirme Cui Zi’en, une lueur de malice dans les yeux. Rares sont les homosexuels militants qui, comme ce scénariste et professeur, assument ouvertement leurs choix. En Chine, l’homosexualité n’est pas punie par la loi, même si le délit de «crime crapuleux», qui punit les rapports sexuels dans les lieux publics, a longtemps servi à réprimer les homosexuels, qui se rencontraient dans les parcs. La loi a été abrogée depuis plusieurs années, mais l’attitude du corps médical chinois reste ambiguë. Au nom de la stabilité sociale, la vie sexuelle n’est pas considérée comme une affaire personnelle: l’homosexualité – susceptible de briser les familles et mode privilégié de transmission du sida – est donc une maladie. Les efforts d’une poignée de médecins, de sociologues et d’activistes contribuent toutefois à ramener le débat sur un terrain plus scientifique. En avril 2001, l’association des psychiatres chinois rayait l’homosexualité de la liste des maladies mentales. «Mais elle est encore considérée comme un trouble psychologique. Les psychiatres l’ont simplement changée de catégorie. Cela ne suffit pas», regrette Cui Zi’en. Certains médecins, ajoute-t-il, voudront sans doute continuer à «guérir» les homosexuels, perpétuant ainsi le malaise de ceux qui «s’estiment anormaux». Liu Dalin, sexologue réputé, mesure les limites de l’évolution. L’homosexualité, explique-til, peut être perçue tour à tour comme criminelle, pathologique ou normale: «la Chine en est encore au stade de la maladie. Pour la population, l’homosexualité reste un problème». L’opinion publique freine cette évolution. Son attitude a été modelée par des siècles de morale confucéenne, puis par le puritanisme communiste. Pendant des décennies, le plaisir individuel – forcément bourgeois – était banni. «Toute évocation de la sexualité était alors impossible», rappelle la sociologue Li Yinhe, spécialiste des comportements sexuels. Cependant, depuis les années 1980, les droits de l’individu gagnent du terrain – notamment dans les grandes villes – et les Chinois réapprennent à écouter leurs sens. «Mais, la sexualité reste assimilée à la procréation. On accepte mal la notion de plaisir», Black Movie 007 explique Ye Guangwei, volontaire dans un centre de conseils aux homosexuels de Pékin. Encore moins quand il s’agit de plaisir homosexuel: «un homme qui ne se comporte pas de manière virile, poursuit-il, est déconsidéré par son entourage. Qu’il joue le rôle de la femme pendant l’acte sexuel représente une déchéance inconcevable aux yeux de ses pairs». La tradition confucéenne Dans la tradition confucéenne, chaque homme a vocation à fonder une famille, pour s’assurer une descendance mâle qui perpétuera le culte des ancêtres. Si bien qu’aujourd’hui encore, un grand nombre d’homosexuels chinois se marient pour sauver les apparences et vivent une sexualité clandestine. En ville, la tradition pèse moins, note la sociologue Li Yinhe, qui met cette évolution sur le compte de la politique de l’enfant unique: quand un couple donne naissance à une fille, le respect de la tradition devient impossible. De plus, la plus grande mobilité professionnelle, dans les métropoles, permet aux jeunes de fuir la pression parentale. Les «camarades» (comme les homosexuels s’appellent entre eux) estiment qu’un changement d’attitude des médias pourrait influencer l’opinion. Après avoir participé à un débat télévisé sur une chaîne provinciale, Cui Zi’en a reçu une série d’appels de mères de famille. Toutes s’étonnaient qu’il ne semble ni pervers ni déséquilibré. Depuis quelques années, les médias locaux effleurent le sujet, mais avec une timidité qui s’explique par la peur des réactions de l’Etat. «Nous ne représentons pas un réel danger aux yeux du gouvernement. Mais il préfère s’aligner sur les convictions morales du plus grand nombre», analyse Ye Guangwei. Soutenir une minorité sexuelle risquerait aussi d’entraîner les médias sur le terrain glissant des droits humains. Ceux-ci préfèrent donc ignorer la question, afin de ne pas offenser les autorités, qui, à leur tour, évitent de bousculer une opinion figée dans ses préjugés par manque d’information. Pour briser ce cercle vicieux, «nous avons nous aussi notre rôle à jouer, estime Ye Guangwei. Nous devons apprendre à aimer notre corps et à nous estimer, avant de prétendre être aimés et respectés des autres». Beaucoup espèrent seulement avoir la possibilité de vivre leur sexualité au grand jour. «En Occident, on n’a pas le droit de critiquer les homosexuels et encore moins de leur faire sentir qu’ils sont différents, constate Cui Zi’en. Moi, je comprends qu’un hétéro réagisse avec surprise en voyant un homme très efféminé. La société chinoise bouge, mais il y aura toujours des gens qui auront un réflexe de dégoût, de même que certains sursautent devant un serpent. On ne va pas leur dire qu’ils doivent se mettre à aimer les serpents, non?» Black Movie 007 Xiao Wu de Jia Zhang Ke. Critique. Elysabeth François, www.chronicart.com Par une heureuse coïncidence c'est au moment où Les Cahiers du Cinéma s'intéressent à nouveau à la Nouvelle Vague française, que sort sur les écrans un film qui renoue esthétiquement et idéologiquement avec les conventions de la politique des auteurs. Comme l'exprimait François Truffaut dans sa période critique, un film "pour être réussi, doit exprimer simultanément une idée du monde et une idée du cinéma". Xiao Wu aurait pu être tourné dans les années soixante en France, car hormis les portables et les yeux bridés, le film s'inscrit dans l'univers du Godard d' A bout de Souffle ou du Cléo de cinq à sept de Varda. En ancrant un destin individuel, celui de son héros, dans une certaine réalité, Fenyang, une petite ville de la Chine actuelle, Jia Zhang Ke parvient à créer une métaphore de la solitude et du désœuvrement à partir de la banalité du quotidien. Utilisant des comédiens non professionnels, les habitants de Fenyang eux-mêmes, il fait entrer dans cet univers de réel une semi fiction, par l'intermédiaire du personnage de Xiao Wu, un pickpocket professionnel, qui revient dans sa ville natale après une longue absence inexpliquée. A travers la vie du héros se dessine un portrait extrêmement réaliste de cette ville. On s'approche parfois très près des frontières du documentaire, notamment grâce à l'usage de la caméra portée et de longs plans séquence : le cinéaste dresse un constat sans complaisance de Fenyang, avec sa misère, son trafic, son désœuvrement, le contrôle de l'état par le biais de la police. Et grâce à l'obsédante musique des hauts parleurs dans la rue, des radios, des télés et des karaokés. A ce propos jamais film n'aura aussi bien mis en avant le désespoir contenu en filigrane dans l'usage du karaoké. Sa présence obsédante l'inscrit dans l'usage quasi quotidien des Chinois mais nous révèle aussi l'artificiel de ses chansons dégoulinantes de promesses et de larmes d'amour. Jia Zhang Ke suit son héros combler sa solitude par l'hypocrisie et le sordide des karaokés sans âme et des danses mécaniques. Car la solitude est le maître mot de l'histoire de Xiao Wu, qui sous des dehors assurés (signalons la présence époustouflante de Wang Hong Wei à l'allure à la fois nonchalante et nerveuse), laisse parfois percer une timidité d'esseulé. La longueur des plans -Jia Zhang Ke semble systématiquement rajouter cinq secondes à chaque plan- intensifie cette impression d'errance vécue par le héros, s'attardant sur des bouts de murs lézardés, ou insistant longuement sur l'attente sans but de Xiao Wu au bord d'un trottoir. Une impression terrible de vie vide naît du regard de Jia Zhang Ke qui trouve ici le rythme adéquat pour filmer son héros dans sa ville. Black Movie 007 Plaisirs inconnus. Entretien avec Jia Zhang Ke Michel Guilloux, aidé de Pascale Wei-Guinot pour la traduction, 2003 Extrait, www.humanite.presse.fr Michel Guilloux. Au fil de vos trois films, se révèle une prédilection pour le plan séquence et l’emploi de la caméra fixe. Que signifie ce choix pour vous ? Jia Zhang-Ke. J’aime observer les gens, suivre un individu dans la durée sans être interrompu. Je pense que la forme cinématographique, en tant que moyen d’expression spécifique, présente comme premier intérêt celui de capter le temps. Et c’est le lien le plus direct avec la réalité de la vie. Je n’aime pas la dichotomie entre espace et temps. Au contraire, et par le plan séquence, je peux mieux ressentir l’existence des êtres et parvenir à une meilleure conscience de la mienne. L’individu, face au temps qui s’écoule, se retrouve toujours dans la même solitude. Ainsi par exemple, vers la fin du film, le personnage qui cale à moto sur une pente. Il est dans une situation d’impuissance, d’extrême solitude. Il est seul face au temps. Pour exprimer une telle chose, avoir le cinéma est une chance. Dans un tel contexte, il existe une telle tristesse, un tel drame intérieur que l’on ne pourra jamais comprendre de l’extérieur dans sa totalité. J’utilise donc le temps de cette manière pour exprimer le plus possible, pas pour juger mes personnages. Face à de tels phénomènes, je veux " visiter ". Il faut donc être très patient et imposer la longueur qui se soucie de l’individu et de chacun d’entre-nous. MG. Vos personnages sont souvent des adolescents ou des jeunes gens. Pourquoi ? JZK. Peut-être parce que de mon point de vue, les adolescents constituent le groupe le plus fragile de la population. C’est une période très difficile à gérer et encore plus pour ce groupe de jeunes que je présente, qui vivent des histoires très complexes de mutation d’une société. Bien sûr, je vis dans la même société que ces jeunes. Mais j’ai un avantage sur eux : j’ai la possibilité de m’exprimer, de prendre la parole. Eux ne l’ont pas, ni la capacité. Je dis souvent à mes amis que si je n’avais pas trouvé le cinéma pour exprimer mes tourments intérieurs, je serai devenu fou depuis longtemps. MG. Un protagoniste de Plaisirs inconnus déclare, en une formule toute chinoise, que « l’art prépare la scène, l’économie y monte ». Comment faire des films tels que les vôtres, qui en sont l’antithèse ? JZK. On parle d’ouverture, mais jamais la société n’a été aussi voilée, masquée. Alors, il faut passer outre ce voile pour accéder à la réalité. De nombreux journalistes me disent qu’en Chine on vit bien, et que l’on a accès à l’ordinateur et à tout l’électroménager... Ils s’étonnent alors que mes films soient si noirs et le quotidien que je montre si cruel. Mais quand on a tout cela, n’est-on pas en droit de réclamer autre chose et plus que ces objets. En dehors de la télévision et du satellite, de quoi l’être humain a-t-il besoin (sourire) ? Quand je film, je suis toujours dans un état de colère. Je pense que la réalité de notre vie a été dissimulée. Il n’y a rien de plus terrible qu’une vie voilée, rien de pire que la cruauté qu’elle dissimule. Dans mon pays, des critiques de cinéma pensent que je dis m’importe quoi dans mes films. Pourquoi ? parce qu’il existe une grande différence selon les régions. Quelqu’un vivant à Shanghai et ayant la possibilité de voyager à l’étranger ne croira pas dans mes films. Par contre, quand on vit dans la ville de Datong, on n’aura jamais la possibilité de faire part de la réalité de sa vie. En tant que réalisateur, c’est très difficile à vivre car j’ai peu de gens à mes côtés, mais c’est là où je parviens à exprimer le mieux ce que je ressens en tant qu’individu. Black Movie 007