Mémoire de l`appelant - Cour suprême du Canada

Transcription

Mémoire de l`appelant - Cour suprême du Canada
Dossier no 36124
COUR SUPRÊME DU CANADA
(EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC)
ENTRE :
JOHNNY MENNILLO
APPELANT
(appelant)
- et INTRAMODAL INC.
INTIMÉE
(intimée)
MÉMOIRE DE L’APPELANT
(règle 42 des Règles de la Cour suprême du Canada)
Me Claude Marseille
Me Paul M. Martel, Ad. E.
Me Caroline Dion
Blake, Cassels & Graydon
S.E.N.C.R.L./s.r.l.
Bureau 2200
600, boul. De Maisonneuve Ouest
Montréal (Québec) H3A 3J2
Me Nancy Brooks
Blake, Cassels & Graydon
S.E.N.C.R.L./s.r.l.
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340, rue Albert, bureau 1750
Ottawa (Ontario)
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Tél. : 514 982-4000
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Procureurs de l’appelant
Correspondante de l’appelant
L-3814-14
Montréal 514 374-0400 ⏐ Québec 418 641-0101 ⏐ lafortune.ca
-2Me Hubert Camirand
Me Marie-Geneviève Masson
Langlois Kronström Desjardins, s.e.n.c.r.l.
Tour Scotia, 28e étage
1002, rue Sherbrooke Ouest
Montréal (Québec)
H3A 3L6
Me Frédérick Langlois
Deveau, Gagné, Lefebvre, Tremblay &
associés, S.E.N.C.R.L.
Bureau 8
867, boul. Saint-René Ouest
Gatineau (Québec)
J8T 7X6
Tél. : 514 282-7822 (Me Camirand)
Tél. : 514 282-7821 (Me Masson)
Téléc. : 514 845-6573
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[email protected]
Tél. : 819 243-2616, poste 7224
Téléc. : 819 243-2641
[email protected]
Procureurs de l’intimée
Correspondant de l’intimée
-iTABLE DES MATIÈRES
Page
MÉMOIRE DE L’APPELANT
PARTIE I
– EXPOSÉ DE LA POSITION DE
L’APPELANT ET EXPOSÉ DES FAITS
.........................................1
A.
Introduction
.........................................1
B.
Exposé des faits
.........................................1
1.
La formation d’Intramodal
.........................................2
2.
Les événements du 25 mai 2005
.........................................3
3.
Automne 2005 : Intramodal commence ses activités
et connaît un grand succès
.........................................4
4.
Les négociations de l’automne 2007
.........................................4
5.
Le jugement de première instance
.........................................6
6.
L’arrêt de la Cour d’appel du Québec
.........................................8
PARTIE II
– QUESTIONS EN LITIGE
PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS
A.
.......................................12
.......................................13
Une émission d’actions ne peut pas être annulée
rétroactivement par simple consentement verbal entre
actionnaires
.......................................13
1.
Le principe fondamental du maintien du capital
.......................................14
2.
La personnalité distincte de la société par actions
.......................................22
3.
La sécurité des transactions et la protection des droits
d’un actionnaire minoritaire
.......................................24
- ii TABLE DES MATIÈRES
Page
B.
C.
D.
E.
Il est impossible de conclure en droit que Mennillo a
transféré ses actions à Rosati le 25 mai 2005, comme le
premier juge l’a fait, puisque ce prétendu transfert est nul
de nullité absolue
.......................................25
Subsidiairement, le premier juge a commis des erreurs
manifestes et déterminantes pour conclure, comme question
de fait, que l’appelant a transféré ses actions à Rosati le 25
mai 2005
.......................................31
La prétention de l’intimée que le recours pour oppression
de l’appelant serait prescrit est mal fondée en faits et en
droit
.......................................32
Les mesures réparatrices requises
.......................................32
PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS
.......................................36
PARTIE V
.......................................37
– ORDONNANCES DEMANDÉES
PARTIE VI – TABLE DES SOURCES
_______________
.......................................40
-1Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
MÉMOIRE DE L’APPELANT
PARTIE I – EXPOSÉ DE LA POSITION DE L’APPELANT
ET EXPOSÉ DES FAITS
A.
Introduction
[1]
La qualité d’actionnaire peut-elle être retirée à une personne par le biais d’une (prétendue)
simple entente verbale et informelle entre deux actionnaires? C’est la question, formulée
par l’honorable Guy Gagnon, j.c.a., qui est au cœur de cet appel1.
[2]
Les juges majoritaires en appel, les honorables Paul Vézina et Marie St-Pierre, ont conclu
qu’il serait possible, en l’absence de tout formalisme, d’annuler de façon rétroactive une
souscription d’actions d’une société par actions par le biais d’une entente verbale
intervenue entre des actionnaires. L’appelant soumet respectueusement que la position
majoritaire de la Cour d’appel est erronée. La question est importante puisque, si cette
position est maintenue, elle implique que les formalités prescrites aux lois corporatives au
sujet de la préservation du capital-actions des sociétés par actions doivent être traitées
comme de simples technicités, elle fragilise le statut de la société par actions à titre de
personne morale distincte de ses membres, et elle introduit des incertitudes nuisibles à la
sécurité des transactions et à la protection des actionnaires minoritaires dans notre droit.
B.
Exposé des faits
[3]
Le débat s’inscrit dans le contexte d’un recours pour redressement institué par l’appelant,
M. Johnny Mennillo, contre l’intimée Intramodal inc. (« Intramodal ») en vertu de
l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (« L.c.s.a. »)2. Par ce recours,
1
2
Par. 32 de l’arrêt dont appel, Dossier de l’appelant, ci-après « D.A. », vol. I, p. 29.
Requête pour redressement réamendée, D.A., vol. I, p. 99 et s.
-2Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
l’appelant demande que son statut d’actionnaire d’Intramodal lui soit reconnu3, statut dont
il a été dépouillé indûment et sans droit par Intramodal et son actionnaire majoritaire,
M. Mario Rosati, dans les circonstances sommairement décrites ci-après.
1.
[4]
La formation d’Intramodal
MM. Mennillo et Rosati sont deux amis de longue date. Au cours des années 2002 et 2003,
Rosati propose à Mennillo de constituer une entreprise de transport pour servir des
fabricants et importateurs de bière, principalement La Brasserie Labatt ltée (« Labatt »).
Rosati apporte son expertise dans le domaine du transport. Mennillo, un homme d’affaires
d’expérience impliqué dans plusieurs entreprises, crée le concept initial permettant à la
société de se distinguer de ses concurrents (un aménagement permettant d’augmenter de
20 % par conteneur le volume de bouteilles transportées) et fournit le financement
nécessaire au lancement de ses activités, soit des avances de quelque 440 000 $ sur plus de
deux ans4.
[5]
Le 13 juillet 2004, Intramodal est formée en vertu de la L.c.s.a. Le certificat d’incorporation
et les registres de la société confirment que Rosati et Mennillo en sont nommés
administrateurs et dirigeants et qu’ils se voient émettre respectivement 51 et 49 actions des
100 actions ordinaires de catégorie « A » dans le capital-actions d’Intramodal, au prix de
3
4
Initialement, Mennillo demandait la remise du certificat d’actions constatant les actions catégorie
« A » d’Intramodal dont il a été dépossédé de même que la correction des livres et registres de la
société. En cours d’instance, Mennillo a été avisé qu’en 2008, les actions catégorie « A »
d’Intramodal avaient été converties, dans le cadre d’un gel successoral effectué par M. Mario Rosati
(dont le statut et le rôle est expliqué ci-après) et ne faisaient plus partie de son capital-actions.
Mennillo a ainsi modifié ses conclusions afin de demander l’émission d’actions équivalentes aux
actions refondues. Cette question est abordée par le juge minoritaire aux paragraphes 138 à 145 de
l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 49 et 50.
Par. 10 à 13 (opinion minoritaire), D.A., vol. I, p. 25 et 26, et 150 à 153 (opinion majoritaire) de
l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 52 et 53.
-3Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
un dollar par action5. Le premier juge confirme que Mennillo est alors devenu actionnaire
en bonne et due forme de la société6, ce que concluent aussi tous les juges de la Cour
d’appel7. Les actions émises à Mennillo sont constatées par le certificat d’actions n° 2
d’Intramodal8. Leur transfert est soumis à diverses formalités et restrictions impératives
prévues dans les statuts et les règlements de la société, plus amplement discutées ci-après.
2.
[6]
Les événements du 25 mai 2005
Au printemps 2005, Intramodal ouvre un compte de banque et acquiert camions et
équipements — avec l’argent fourni par Mennillo — pour entreprendre ses activités. Rosati
informe Mennillo que les représentants de Labatt veulent inspecter les livres et registres
d’Intramodal. Rosati est mal à l’aise que Mennillo apparaisse comme un de ses deux
administrateurs et dirigeants vu son implication dans d’autres sociétés qui gèrent des serres
hydroponiques et vendent des produits et accessoires liés au commerce du tabac. Bien que
parfaitement légales, ces activités, selon Rosati, ont mauvaise presse et le compte de Labatt
est la raison d’être de la nouvelle société. Rosati demande donc à Mennillo de démissionner
à titre d’administrateur et dirigeant d’Intramodal; ainsi, Labatt saura qu’Intramodal est
dirigée par un seul administrateur connu d’elle, et au surplus, que celui-ci est l’actionnaire
majoritaire de la société9. Mennillo accepte. L’avis de démission est rédigé par l’avocat
d’Intramodal, Me Daniel Ovadia (qui reçoit ses instructions de Rosati) et transmis à
Mennillo le 25 mai 2005; celui-ci le signe et le retourne par télécopieur le jour même10.
5
6
7
8
9
10
Par. 31 à 41 (opinion minoritaire), D.A., vol. I, p. 28 et s., et 153(9), 220 et 221 (opinion majoritaire)
de l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 53 et 70. Voir également le registre des procès-verbaux
d’Intramodal, pièce P-19, D.A., vol. VIII, p. 48, 50, 107-116, 151, 152, 160 et 169.
Par. 9, 16, 20, 27, 29, 68, 69 et 74 du jugement de première instance, D.A., vol. I, p. 2 et s.
Par. 41 (opinion minoritaire), D.A., vol. I, p. 31, et 153(9), 220, 221 et 224 (opinion majoritaire)
de l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 53, 70 et 71.
Certificat d’actions no 2 d’Intramodal, pièce P-19, D.A., vol. VIII, p. 169.
Ainsi que l’explique l’honorable juge Gagnon au par. 85 de l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 38.
Pièce P-8, D.A., vol. VII, p. 136.
-4Mémoire de l’appelant
[7]
Exposé de la position et des faits
Mennillo ne signe rien d’autre ce jour-là. Notamment, Mennillo a toujours affirmé
catégoriquement et confirme encore une fois par les présentes qu’il n’a jamais été question
qu’il vende ou transfère ses actions dans Intramodal à Rosati à cette occasion (ou depuis,
d’ailleurs). Si cette demande lui avait été faite, il l’aurait refusée net. Comme nous le
verrons plus loin, le premier juge conclura autrement et cette conclusion sera déterminante
pour le jugement de première instance.
3.
[8]
Automne 2005 : Intramodal commence ses activités et connaît un grand succès
Vers la fin de l’année 2005, Intramodal commence ses activités. Elle connaîtra beaucoup
de succès, en grande partie grâce au concept d’affaires développé par Mennillo et aux
sommes très importantes qu’il a investies dans l’entreprise. Au fil des ans, la relation entre
Mennillo et Rosati se détériore lorsque Mennillo constate que son ami génère beaucoup de
revenus des activités d’Intramodal alors qu’il ne lui rend aucun compte.
[9]
Au milieu de l’année 2006, de façon à ce qu’Intramodal commence à rembourser les
avances qu’elle avait reçues et qu’elle recevait toujours de Mennillo à ce stade, il fut
convenu qu’elle ferait des paiements hebdomadaires de 1 000 $ plus taxes (augmentés plus
tard à la somme de 3 336,84 $) à la société 147488 Canada Inc. (« 147488 »), contrôlée par
Mennillo, que cette dernière facturerait à Intramodal. Cet arrangement débute le 3 juillet
2006, date à laquelle 147488 transmet sa première facture hebdomadaire à Intramodal11.
4.
[10]
Les négociations de l’automne 2007
Un an et demi plus tard, à l’automne 2007, des négociations sont entreprises entre les
parties. Outre Mennillo et Rosati, les individus suivants sont impliqués : Antoine
Papadimitriou, comptable, qui rend des services pour plusieurs entreprises de Mennillo,
Me Paolo Carzoli, avocat fiscaliste consulté par Papadimitriou pour l’occasion et Me Israël
11
Pièce D-6 (extraits), D.A., vol. IX, p. 108 et s.
-5Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
Kaufman, avocat commercialiste consulté pour structurer la transaction envisagée.
Mennillo, Papadimitriou, Carzoli et Kaufman confirment tous que Rosati et Mennillo
comprenaient qu’ils étaient tous deux actionnaires d’Intramodal à cette époque, que le but
des négociations était de discuter de la vente des actions de Mennillo à Rosati, que, puisque
Rosati n’avait pas les fonds requis pour procéder à l’achat (un prix de 850 000 $ était
discuté), les parties négociaient les termes d’un prêt que Mennillo pourrait consentir à
Rosati à cette fin, garanti par hypothèque sur la maison de Rosati, et que les négociations
ont achoppé puisque Rosati refusait de fournir les documents requis pour permettre à
Papadimitriou d’établir la valeur desdites actions12.
[11]
Au cours des années 2007, 2008 et 2009, Intramodal continue d’effectuer des paiements à
147488 en vertu de l’entente de juillet 2006. Le 7 décembre 2009, Intramodal paie une
somme de 40 000 $. Rosati dit à Mennillo qu’Intramodal ne paiera rien de plus puisque,
selon lui, les avances faites à Intramodal avaient maintenant été entièrement remboursées.
Quelques jours plus tard, Mennillo consulte Me Israël Kaufman qui, avec Me Daniel Rafuse,
révise les rapports « CIDREQ » disponibles en ligne au sujet d’Intramodal et d’Intralease
et fait venir les déclarations déposées par ces sociétés auprès du Registraire des entreprises
du Québec. Ils constatent alors que Mennillo n’apparait plus comme actionnaire
d’Intramodal et informent leur client en conséquence13.
[12]
Au cours des mois suivants, les demandes pour obtenir les documents et registres
corporatifs pertinents d’Intramodal s’avèrent vaines, de sorte que les procédures en
l’instance sont intentées le 10 septembre 2010. Il faut savoir que, vu le refus obstiné
12
13
Rosati, notamment, refusait de fournir les documents comptables relatifs à une autre société qu’il
avait formée, nommée Intralease inc. (« Intralease »), la crainte étant que les revenus d’Intramodal
soient divertis dans cette autre société contrôlée par Rosati. Avisé de l’existence d’Intralease, et
face au refus de Rosati de fournir quelque information que ce soit à son sujet, Papadimitriou a eu
des soupçons, estimait que la valeur réelle des actions de Mennillo dans Intramodal devait être
largement supérieure à la somme alors discutée de 850 000 $ et avisa Mennillo de ne pas vendre
ses actions à Rosati pour ce montant.
Voir la facture de Me Kaufman en date du 18 décembre 2009, pièce P-17, D.A., vol. VII, p. 147
et s.
-6Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
d’Intramodal et de Rosati de les fournir, Mennillo et ses procureurs n’avaient aucun accès
aux livres et registres corporatifs d’Intramodal à cette époque, ceux-ci n’ayant finalement
été produits qu’en cours de procès (en dépit d’une objection d’Intramodal). Mennillo, ayant
été injustement et illégalement dépouillé de son statut d’actionnaire dans Intramodal,
intente un recours pour redressement dans lequel il demande que les ordonnances
appropriées soient rendues pour que son statut d’actionnaire lui soit reconnu.
5.
[13]
Le jugement de première instance
La question du statut de Mennillo comme actionnaire d’Intramodal est au cœur des
procédures. Le premier juge estime qu’il s’agit d’une question de crédibilité14, et sur la
base de la preuve testimoniale contradictoire administrée devant lui, fait une détermination
factuelle cruciale au sort du litige. Bien que, le 25 mai 2005, le seul document discuté avec
Me Ovadia et exécuté par Mennillo soit sa démission à titre d’administrateur et dirigeant
d’Intramodal, le premier juge conclut que Mennillo aurait aussi transféré ses actions à
Rosati à cette occasion, le tout, verbalement et sans contrepartie. Les conclusions du
jugement de première instance se fondent entièrement sur cette conclusion factuelle.
[14]
Tel que déjà indiqué, Mennillo nie catégoriquement avoir transféré ses actions à Rosati à
cette occasion (ou depuis, d’ailleurs) et le réitère formellement aux présentes. Le fait est
qu’aucun écrit de quelque nature que ce soit n’a été rédigé, discuté ou signé, même sous
forme de projet, pour constater un tel prétendu transfert à cette occasion et que Mennillo
n’a jamais endossé son certificat d’actions — comme il aurait dû le faire si cette prétention
était exacte — pour y procéder15. Au surplus, tant Me Ovadia que Mennillo ont confirmé
dans leur témoignage au procès qu’ils se sont parlé au téléphone ce jour-là au sujet de sa
14
15
Il écrit : « L’affaire repose essentiellement sur la crédibilité des témoignages entendus. » : par. 2 du
jugement de première instance, D.A., vol. I, p. 1. Il le réitère au par. 21 de son jugement, D.A.,
vol. I, p. 6 et 7.
Le certificat d’actions, qui n’a jamais été endossé à ce jour, est au dossier, pièce P-19, D.A.,
vol. VIII, p. 169 et 170.
-7Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
démission comme administrateur et dirigeant d’Intramodal et qu’il n’a jamais été question
qu’il se retire de l’actionnariat de la compagnie16.
[15]
On notera ici, paradoxalement, que même Intramodal ne prétend pas qu’un tel transfert
verbal soit intervenu le 25 mai 2005 dans ses procédures écrites. Intramodal a traité
spécifiquement des événements du 25 mai 2005 dans sa contestation, soutenue par
l’affidavit détaillé de Rosati. La version des faits qu’elle défend à ce sujet est la suivante :
[16]
31.
THAT on or about May 25, 2005, concurrently with Intramodal
Inc. opening a bank account, Plaintiff submitted his resignation in
writing as a director, said resignation not having been requested
by Mario Rosati and having nothing to do with the nature of the
operations of Intramodal Inc. nor any act of any client of
Intramodal Inc., the said resignation being unconditional with no
promise of reinstatement;
32.
THAT at this time Plaintiff was not a shareholder of the company,
never having fulfilled the conditions required to become a
shareholder, never having invested any money into Intramodal
Inc. nor having guaranteed any debt of Intramodal Inc. and never
having subscribed for nor having paid for, nor received any shares
and again having ex-pressed his desire not to be a shareholder of
the company.17
Non seulement les procédures écrites d’Intramodal sont-elles parfaitement silencieuses au
sujet d’un prétendu transfert des actions de Mennillo à Rosati à cette date cruciale — alors
qu’il s’agirait du fait capital à alléguer de la part d’Intramodal, s’il s’était produit, pour
appuyer sa prétention que Mennillo n’en est pas actionnaire évidemment — mais en fait,
elles contredisent cette prétention : si Mennillo n’était pas actionnaire d’Intramodal le
25 mai 2005, comme Intramodal et Rosati l’allèguent, il n’a certainement pas conclu une
16
17
Témoignage de Me Ovadia au procès le 5 mars 2012, D.A., vol. II, p. 73 à 102.
Par. 31 et 32 de la contestation d’Intramodal, D.A., vol. I, p. 83. Cette position est réitérée dans
24 paragraphes distincts de la contestation d’Intramodal (par. 21, 27, 30, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41
et 64), D.A., vol. I, p. 81 et s., et de l’affidavit détaillé de Rosati produit à son soutien (par. 9, 15,
18, 20, 23, 24, 25, 26, 28, 29, 37, 41 et 43), D.A., vol. I, p. 89 et s.
-8Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
entente avec Rosati à cette date pour lui transférer des actions dont il n’a jamais été
propriétaire. Face à des allégations aussi claires d’Intramodal, supportées par l’affidavit
détaillé de Rosati, Mennillo soumet respectueusement, avec égards pour le premier juge,
qu’il ne pouvait pas conclure que Mennillo a transféré ses actions à Rosati le 25 mai 2005.
6.
[17]
L’arrêt de la Cour d’appel du Québec
Mennillo porte le jugement en appel. Il nie catégoriquement avoir transféré ses actions à
Rosati le 25 mai 2005. Il plaide que l’affaire ne repose pas sur une question de crédibilité,
comme le prétend le premier juge18, puisque tout prétendu transfert verbal de ses actions à
Rosati à cette date serait, de toute façon, nul de nullité absolue19. En effet, selon la version
des faits retenue par le premier juge, aucune des formalités essentielles prescrites par la
L.c.s.a. et les statuts et règlements d’Intramodal pour qu’un transfert d’actions puisse
intervenir ou être valablement inscrit dans les livres d’Intramodal n’a été respectée. De
plus, puisque le prétendu transfert verbal a été réalisé sans contrepartie de la part de Rosati,
il constitue une donation en droit civil20 : or, cette donation n’est pas constatée par acte
notarié et ne se qualifie pas non plus à titre de don manuel21. Ainsi, quoi qu’il en soit de la
crédibilité des témoins, le transfert d’actions verbal évoqué par le premier juge est nul de
nullité absolue. Subsidiairement, Mennillo ajoute que le premier juge a commis des erreurs
18
19
20
21
Voir ci-haut, note 14.
L’honorable juge Gagnon de la Cour d’appel du Québec est du même avis : « [27] La lecture de la
transcription des témoignages entendus en première instance fait voir que le juge s’est vu présenter
une preuve particulièrement enchevêtrée et nébuleuse. En dépit de ces particularités, il a choisi de
centrer son analyse sur la crédibilité des témoins en isolant leur version de la preuve documentaire
déposée devant lui et en n’accordant aucun poids à certaines présomptions découlant de la loi. [28]
Avec respect pour l’opinion du juge, l’issue du litige ne reposait pas seulement sur un concours de
crédibilité comme il l’énonce en début d’analyse. Je suis plutôt d’avis que ce contentieux trouve sa
solution principalement dans la loi et les règlements d’Intramodal. », D.A., vol. I, p. 28.
Art. 1806 C.c.Q., Recueil de sources de l’appelant, ci-après « R.S.A. », vol. I, onglet 1.
Qui aurait requis, au minimum, que Mennillo endosse son certificat d’actions et le remette
physiquement à Rosati, ce qui n’a jamais été fait : article 1824 C.c.Q. Voir les par. [49] et s. ciaprès pour de plus amples détails à cet égard, R.S.A., vol. I, onglet 1.
-9Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
manifestes et déterminantes dans son analyse de la preuve pour conclure que Mennillo
aurait, le 25 mai 2005, verbalement transféré ses actions dans Intramodal à Rosati.
[18]
Devant la Cour d’appel, Intramodal ne s’appuie toujours pas, pour prétendre que Mennillo
n’était pas son actionnaire, sur un prétendu transfert verbal des actions de Mennillo à Rosati
le 25 mai 2005 tel que l’a soutenu le premier juge. Comme en première instance, elle
soutient que Mennillo n’aurait jamais été son actionnaire. Tous les juges de la Cour d’appel
(comme le premier juge avant eux) ont rejeté cette intenable prétention d’Intramodal et
reconnu que Mennillo est effectivement devenu actionnaire de la société au moment de sa
constitution, le 13 juillet 2004, tel que constaté par ses livres et registres corporatifs, les
documents publiés auprès du Registraire des entreprises du Québec et les investissements
majeurs que Mennillo a effectués pour en assurer le démarrage et les activités22.
[19]
Cette prétention d’Intramodal mise de côté restait la question du prétendu transfert verbal
des actions de Mennillo à Rosati le 25 mai 2005, selon le raisonnement du premier juge.
[20]
À cet égard, suite à une minutieuse analyse de la loi, de la doctrine et de la jurisprudence
applicables23, l’honorable Guy Gagnon, dissident en appel, conclut que, peu importe les
conclusions auxquelles un tribunal peut en venir au sujet de la crédibilité des témoins en
l’espèce (pour sa part, il retient la version de Mennillo et conclut que le premier juge a
commis des erreurs manifestes et déterminantes pour conclure à un transfert d’actions le
25 mai 200524), le statut de Mennillo comme actionnaire d’Intramodal doit lui être reconnu
puisqu’Intramodal a agi contrairement à la loi et à sa propre règlementation en matière de
transfert d’actions pour retirer à Mennillo son statut d’actionnaire de la société :
[76] En somme, même si aux fins de la discussion seulement, je me
disais en accord avec les conclusions de mon collègue le juge Vézina
concernant la crédibilité accordée à Rosati et à Mennillo par le juge du
22
23
24
Par. 37 à 41 et 220 à 222 de l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 30, 31 et 70.
Par. 42 à 76 de l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 31 et s.
Par. 77 à 111 de l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 37 et s.
- 10 Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
procès, l’appel devrait tout de même être accueilli en raison du défaut
par l’intimée de se conformer à la loi et à sa propre réglementation en
matière de transfert d’actions.25
[21]
Pour leur part, les juges majoritaires semblent, à première vue, partager l’analyse du
premier juge quant à la crédibilité des témoins. Toutefois, au terme de leur analyse, ils
rejettent eux aussi sa conclusion de fait sur le point central du litige, c’est-à-dire qu’il y
aurait eu transfert des actions de Mennillo à Rosati le 25 mai 2005. C’est le « seul point »,
disent-ils, où ils ont un doute par rapport au jugement (un doute qui s’avère fondamental
puisque c’est sur ce point, précisément, que repose tout le dispositif du jugement de
première instance). Ils rejettent l’hypothèse adoptée par le premier juge et en adoptent une
nouvelle, c’est-à-dire que Mennillo et Rosati auraient verbalement convenu, le 25 mai
2005, « d’annuler rétroactivement » leur « entente d’association » de 2004 :
[225] À mon avis, et c’est le seul point où j’ai un doute par rapport au
jugement : peut-on conclure qu’il y a eu véritablement transfert des
actions du demandeur à Rosati? Il me semble plutôt que, tout
simplement, ils conviennent le 25 mai 2005 d’annuler rétroactivement
leur entente d’association convenue au départ en 2004. L’entente avait
été conclue sans aucun formalisme, de même son annulation.
[22]
On notera ici, avec égards pour les juges de la majorité, que cette nouvelle conclusion n’a
pas été plaidée par les parties ni soutenue par aucun témoin : elle est apparue pour la
première fois dans l’arrêt dont appel. Elle soulève un ensemble de nouvelles questions qui
demeurent sans réponse. Quand cette conversation aurait-elle eu lieu? Quels propos
auraient été échangés? Pourquoi aucune suite n’y aurait-elle été donnée? Me Ovadia en
aurait-il été avisé, et si oui, pourquoi n’a-t-il pas tout simplement préparé un document en
conséquence? Etc. De plus, cette nouvelle hypothèse contredit les propres inscriptions de
Rosati et de son procureur Me Ovadia dans les livres corporatifs d’Intramodal — plusieurs
mois après le 25 mai 2005, Rosati, à l’insu de Mennillo, a unilatéralement modifié et
25
Arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 37.
- 11 Mémoire de l’appelant
Exposé de la position et des faits
antidaté les registres corporatifs d’Intramodal pour y faire état d’un prétendu transfert des
actions de Mennillo à Rosati le 25 mai 200526 — et la position qu’Intramodal a défendue
en première instance et en appel — à l’effet que Mennillo ne serait jamais devenu
actionnaire de la société27.
[23]
En un mot et pour faire court, c’est cette conclusion des juges majoritaires de la Cour
d’appel du Québec, déterminante sur le sort du litige et lourde de conséquences en droit
des sociétés par actions, qui est au cœur du pourvoi devant cette honorable Cour.
----------
26
27
Voir la résolution unilatérale de transfert d’actions signée par Rosati et son inscription dans le
registre des valeurs mobilières et sur le certificat d’actions du demandeur, pièce P-19, D.A.,
vol. VIII, p. 118, 159 et 170. Il y a aussi inscrit, trois ans plus tard, la conversion de ces mêmes 49
actions catégorie « A » en actions catégorie « F », dans le cadre d’un gel successoral qu’il a mis en
place : registre des procès-verbaux d’Intramodal, pièce P-19, D.A., vol. VIII, p. 159. Le juge
minoritaire traite également de la question aux paragraphes 138 à 145 de l’arrêt dont appel, D.A.,
vol. I, p. 49 et 50.
Précité note 17.
- 12 Mémoire de l’appelant
Questions en litige
PARTIE II –QUESTIONS EN LITIGE
[24]
La question principale soulevée par l’arrêt majoritaire de la Cour d’appel du Québec en
l’instance est la suivante :
1.
Une souscription d’actions peut-elle être annulée rétroactivement par simple
consentement verbal entre les actionnaires et sans se conformer aux formalités
impératives prescrites par la loi? L’appelant soumet que la réponse est négative.
[25]
Accessoirement, l’appelant traitera aussi des trois questions suivantes puisqu’elles ont été
plaidées devant la Cour d’appel du Québec :
2.
Est-il possible de conclure, en droit, que Mennillo a transféré ses actions à Rosati le
25 mai 2005? L’appelant soumet que la réponse est négative, ce prétendu transfert
étant nul de nullité absolue.
3.
Subsidiairement, le premier juge a-t-il commis des erreurs manifestes et
déterminantes pour conclure, comme question de fait, que l’appelant aurait transféré
ses actions à Rosati le 25 mai 2005? Pour les raisons données par l’honorable juge
Gagnon dans l’arrêt dont appel, l’appelant soumet que la réponse est positive.
4.
Le recours pour oppression intenté par l’appelant en l’instance est-il prescrit? Pour
les raisons données par l’honorable juge Gagnon dans l’arrêt dont appel, l’appelant
soumet que la réponse est négative.
[26]
Enfin, l’appelant traitera des mesures de redressement appropriées dans les circonstances
en vertu des dispositions des articles 241 et s. L.c.s.a. :
5.
L’appelant ayant été illégalement dépouillé de ses actions dans la société intimée,
quelles mesures de redressement cette honorable Cour doit-elle rendre pour que son
statut d’actionnaire lui soit reconnu ainsi que tous les droits y afférents?
- 13 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS
A.
Une émission d’actions ne peut pas être annulée rétroactivement par simple
consentement verbal entre actionnaires
[27]
Les juges majoritaires écrivent ceci :
[225] À mon avis, est c’est le seul point où j’ai un doute par rapport
au jugement : peut-on conclure qu’il y a eu véritablement transfert des
actions du demandeur à Rosati? Il me semble plutôt que, tout
simplement, ils conviennent le 25 mai 2005 d’annuler rétroactivement
leur entente d’association convenue au départ de 2004. L’entente avait
été conclue sans aucun formalisme, de même son annulation.
[226] En ce sens, on peut affirmer que Mennillo a été actionnaire
d’Intramodal et qu’il ne l’a jamais été. C’est le cas dans tout contrat
annulé ab initio (depuis le début). Le propriétaire d’un immeuble qui en
demande l’annulation demeure propriétaire jusqu’au jugement, le
lendemain il est réputé ne jamais l’avoir été. Si un contrat de mariage
est annulé, ce n’en est pas mois un mariage putatif, et l’époux de bonne
foi n’a jamais été marié, mais c’est tout comme, il (ou elle) bénéficie
des effets du mariage.
[227] Enfin, peu importe comment s’est effectué le retrait du
demandeur de l’entreprise le 25 mai 2005 puisque les intéressés n’ont
pas jugé bon eux-mêmes de le préciser et d’y mettre les formes. Que ce
soit par annulation de leur entente initiale ou par rachat d’actions, les
fait est que seul Rosati est demeuré dans la société et, par la suite, il a
développé son entreprise pour lui et les siens.
[28]
D’entrée de jeu, l’affirmation des juges majoritaires que « l’entente d’association » initiale
entre Mennillo et Rosati aurait été conclue « sans aucun formalisme » est, avec égards,
difficile à comprendre puisque cette entente a résulté en la formation en bonne et due forme
d’une société par actions en vertu des dispositions de la L.c.s.a., incluant l’inscription de
cette société auprès du Registraire des entreprises du Québec, la souscription d’actions dans
son capital-actions par Mennillo et Rosati et l’émission d’actions à ceux-ci en conséquence,
- 14 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
tel que constaté dans les livres et registres de la société28. Les juges majoritaires eux-mêmes
ont reconnu, sur la foi de ces documents et malgré la plaidoirie à l’effet contraire
d’Intramodal, que Mennillo est devenu actionnaire en bonne et due forme de la société le
13 juillet 200429.
[29]
Puisque Mennillo a souscrit et s’est vu émettre des actions dans le capital-actions
d’Intramodal au moment de la constitution de cette dernière, l’annulation rétroactive de
« l’entente d’association » entre Mennillo et Rosati le 25 mai 2005, selon les conclusions
des juges majoritaires en appel, doit s’analyser comme une annulation rétroactive de
l’émission d’actions à Mennillo30. Dès lors, la leçon qui se dégage de la position exprimée
par les juges majoritaires en appel est que le consensualisme l’emporte sur le formalisme
en droit des sociétés par actions. Un actionnaire pourrait, selon ce point de vue, annuler
rétroactivement, verbalement et sans contrepartie la souscription et l’émission d’actions à
son endroit, du moment que l’autre actionnaire y consent. Avec égards, cette position est
erronée, pour les raisons suivantes.
1.
[30]
Le principe fondamental du maintien du capital
La position adoptée par les juges majoritaires en appel fait abstraction du principe
fondamental, en droit des sociétés par actions, du maintien du capital. Une fois émises, les
actions font partie du capital émis de la société, qui ne peut être réduit ou annulé sans
respecter le formalisme établi par la loi :
Une fois les actions émises, la société n’a pas le droit ou le pouvoir
d’annuler ces actions, en tout ou en partie, autrement que conformément
à la loi, c’est-à-dire par voie de modification des statuts (ce qui requiert
le vote des actionnaires aux deux tiers des voix et est sujet au veto des
actionnaires visés) ou encore, si les actions sont entièrement payées, par
28
29
30
Pièce P-19, D.A., vol. VIII, p. 49-50, 107-112, 152, 159-160, 167-170.
Par. 220 à 222 de l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 70.
D’ailleurs, ne devrait-elle pas aussi entraîner l’annulation rétroactive de la souscription d’actions
de Rosati dans Intramodal voire la dissolution de la société qu’ils ont créée ensemble?
- 15 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
voie d’achat (ce qui requiert l’assentiment de l’actionnaire) ou de rachat
d’actions (ce qui doit être permis par les statuts), le tout sous réserve du
respect de certains tests de solvabilité et (au fédéral) de liquidité.
En dehors de ces circonstances, la société ne peut annuler
unilatéralement les actions sous prétexte notamment de défaut de
paiement (chèque non honoré, versement non effectué à l’échéance
prévue); elle ne peut non plus les annuler à la demande ou avec
l’assentiment de leur détenteur. Même les actions émises comme non
payées par une société provinciale ne peuvent être annulées par celle-ci
pour cause de défaut de paiement : nous verrons au chapitre suivant que
la société ne peut, à la suite d’un appel de versement ou d’une demande
de paiement, que réclamer le paiement en justice ou confisquer les
actions, ce qui n’entraîne pas l’annulation des actions ou la libération
du souscripteur. La résolution de l’émission peut néanmoins être
obtenue judiciairement à la demande du souscripteur ou, selon le cas,
de la société pour l’une ou l’autre des causes de résolution des contrats,
notamment le vice de consentement provoqué par l’erreur, la crainte ou
le dol. À partir du moment où le droit à la résolution judiciaire
appartient à l’actionnaire, il est vraisemblablement permis à la société
de procéder volontairement à l’annulation des actions pour éviter des
procédures.31
[31]
Il est impossible d’annuler rétroactivement une émission d’actions du simple consentement
mutuel entre les actionnaires (il le serait tout autant d’ailleurs en vertu d’une simple entente
entre la société et le souscripteur). Une telle annulation peut survenir de consentement,
mais sans effet rétroactif et uniquement en respectant les formalités L.c.s.a., soit (a) par
modification des statuts de la société (ce qui requiert une résolution spéciale des
actionnaires32 et donne ouverture au vote par catégorie et à l’exercice du droit de
dissidence33) et remboursement du capital déclaré afférant aux actions annulées (ce qui
requiert aussi une résolution spéciale des actionnaires34 et nécessite le respect de tests de
31
32
33
34
Paul MARTEL, La société par actions au Québec – Les aspects juridiques, vol. 1, Montréal,
Éditions Wilson & Lafleur, Martel Ltée (mis à jour en mars 2015), par. 14-107 et 14-108, R.S.A.,
vol. II, onglet 30.
Art. 173(1)(d) et (h) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
Art. 176(1)(b) et 190(1)(a) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
Art. 38(1)(b) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
- 16 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
solvabilité et de liquidité35), soit (b) par achat de gré à gré des actions par la société, ce qui
requiert une résolution des administrateurs, le consentement exprès de l’actionnaire visé et
le respect de tests de solvabilité et de liquidité36.
[32]
L’encadrement strict de l’annulation ou du rachat d’actions vise à assurer l’intégrité du
capital-actions, qui préserve le gage commun des créanciers :
Même si la doctrine du Trust fund ne s’applique pas intégralement dans
notre droit des sociétés, elle n’en constitue pas moins un fondement
d’une règle qui, elle, se manifeste dans les lois actuelles : la règle du
maintien du capital.
Cette règle se déduit des dispositions statutaires interdisant ou
soumettant à des tests de solvabilité, au fédéral, ou comptables, diverses
opérations ayant pour conséquence directe ou indirecte d’affecter le
capital souscrit de la société, comme par exemple la réduction du capital
émis, la déclaration de dividendes, l’acquisition de ses propres actions
par la société, l’émission d’actions à escompte, le transfert d’actions
impayées, etc. Dans la Loi sur les sociétés par actions, il est significatif
que la plupart de ces dispositions soient regroupées dans une section,
intitulée « Maintien du capital ».
Le capital souscrit de la société doit être maintenu, sauvegardé, et ce
dans l’intérêt des créanciers : dans cette mesure, on peut parler d’une
manifestation de la doctrine du Trust fund surtout quand on constate
que toutes les opérations mentionnées plus haut engagent la
responsabilité personnelle des administrateurs.
À la base, le principe dégagé par la doctrine et la jurisprudence en
matière de capital souscrit est le suivant : la société n’a pas le droit de
« trafiquer » dans son capital. Les dispositions statutaires auxquelles
nous avons fait allusion ne viennent que préciser les limites de ce
principe, en créant certaines exceptions à cette défense pour la société
de toucher à son capital souscrit. Tout geste qui n’entre pas dans le cadre
35
36
Art. 38(3) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
Art. 34 L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
- 17 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
de ces exceptions contrevient à la règle du maintien du capital et est de
ce fait illégal.37
[33]
La règle du maintien du capital constitue un principe fondamental du droit canadien des
sociétés par actions depuis plus d’un siècle. Cette règle de common law était fondée sur le
raisonnement contenu dans une déclaration célèbre de Sir George Jessel, dans l’affaire
Flitcroft :
The creditor has no debtor but that impalpable thing the corporation,
which has no property except the assets of the business. The creditor
[...] gives credit to that capital, gives credit to the company on the faith
of the representation that the capital shall be applied only for the
purposes of the business, and he has therefore a right to say that the
corporation shall keep its capital and not return it to the shareholders
[...].38
[34]
Dans l’arrêt Smith c. Gow-Ganda Mines, Limited, on trouve les affirmations suivantes de
la Cour suprême du Canada au sujet de la prohibition pour la compagnie de « trafiquer »
son capital-actions, en annulant des actions émises ou en les réallouant à quelqu’un d’autre :
[The directors] acted upon the assumption, which, of course, nobody
disputes was a mistake on their part, that having allotted a part of their
share capital to a person who thereby became a shareholder they could
by the consent of that person cancel the allotment and by that process
acquire full power to deal with the shares as a part of the unissued
capital of the company. This, it is perfectly clear, they could not do
[…].39
37
38
39
Paul MARTEL, op. cit., note 31, par. 12-79 à 12-82, R.S.A., vol. II, onglet 30.
Re Exchange Banking Company or Flitcroft's case, (1882) LR 21 Ch. D. 519, 533, R.S.A., vol. II,
onglet 20. Cité avec approbation par le juge Finlayson, de la Cour d’appel d’Ontario, dans son
jugement dissident dans l’arrêt de 1996 Central Capital Corp. Re, [1996] O.J. No. 359, par. 41,
R.S.A., vol. I, onglet 10.
Smith v. Gow-Ganda Mines, Limited, [1911] 44 R.C.S. 621, p. 625 (juge Duff), R.S.A., vol. II,
onglet 21.
- 18 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
Unless forfeited for non-payment of calls the directors have no control
over shares that have been allotted. The title to those shares is fixed and
the company cannot substitute any one for the allottee […].40
The incapacity of the company to accept a surrender of issued shares
and to re-allot them is indisputable.41
[35]
Dans l’arrêt Alberta Rolling Mills Co. c. Christie42, la Cour suprême a encore une fois
confirmé l’impossibilité pour une compagnie d’annuler une émission d’actions. Citant le
passage suivant d’un arrêt anglais, Guiness c. Land Corporation of Ireland,
From that it follows that whatever has been paid by a member cannot
be returned to him. In my opinion it also follows that what is described
in the memorandum as the capital cannot be diverted from the objects
of the society. It is, of course, liable to be spent or lost in carrying on
the business of the company, but no part of it can be returned to a
member so as to take away from the fund to which the creditors have a
right to look as that out of which they are to be paid.43
le juge Anglin écrit :
The court was there dealing with shares partly unpaid. The surrender of
fully paid-up shares with a return of the money paid therefor is, of
course, equally obnoxious. Both alike involve reduction of capital.44
[36]
F.W. Wegenast, alors l’autorité en droit des compagnies canadien, déclarait en 1931 :
There can be no such thing as ‘cancelling’ shares without due authority
to reduce the company’s capital and a shareholder cannot be allowed to
40
41
42
43
44
Id., p. 623 (juge Fitzpatrick), R.S.A., vol. II, onglet 21.
Id., p. 627 (juge Anglin), R.S.A., vol. II, onglet 21.
Alberta Rolling Mills Co. v. Christie, [1919] 58 R.C.S. 208, R.S.A., vol. I, onglet 8.
Guinness v. Land Corporation of Ireland, 22 Ch. D. 349, 375, R.S.A., vol. I, onglet 13; cité à la
p. 219 de l’arrêt Alberta Rolling Mills Co. c. Christie, op. cit., note 42, R.S.A., vol. I, onglet 8.
Alberta Rolling Mills Co. c. Christie, op. cit., note 42, R.S.A., vol. I, onglet 8.
- 19 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
‘retire’ from the company without validly transferring his stock to
someone else.”45
[37]
Des décisions canadiennes plus récentes reconnaissent, elles aussi, le principe du maintien
du capital et son importance pour les créanciers. Dans Zwicker c. Stanbury, la Cour
suprême du Canada a déclaré, sous la plume du juge Rand :
Shares in a company exist by the fact of incorporation with a capital
structure; they are simply fractions of potential interest in the assets and
active life of the company, whatever it may be, into which the capital is
divided. Their issue gives rise to a title to property, which is of the
nature of a chose in action. Such a title is always susceptible of release.
But a company cannot purchase its own shares both because of the
underlying obligation to use the funds of the company for the objects
for which the company was created, of which the purchase of its own
shares is not one, and because it would mean an abstraction of assets of
the Company on the strength of which creditors deal with it.46
[38]
Les lois corporatives modernes ont graduellement assoupli la prohibition contre le « trafic
d’actions » par la société, mais elles ont assujetti toutes les exceptions à cette prohibition
(achat et rachat d’actions, réduction de capital) à des formalités particulières et à des tests
de solvabilité visant à garantir la priorité des créanciers sur le capital versé sur les actions.
Cette priorité est affirmée dans l’ensemble du corpus législatif, par exemple en matière de
liquidation47 ou de faillite48. Le législateur fédéral insiste tant sur le respect de cette priorité
que même lorsqu’il confère au tribunal le pouvoir quasi illimité de rendre, dans le cadre du
45
46
47
48
F.W. WEGENAST, The Law of Canadian Companies, Toronto, Carswell, 1979 (réédition de
l’édition de 1931), p. 313, R.S.A., vol. II, onglet 35. L’auteur déclare aussi qu’en common law, il
est « impossible, generally speaking, for a shareholder to surrender his shares, and ultra vires of the
company to accept such a surrender » (p. 312), mais l’article 37 L.c.s.a. autorise aujourd’hui la
donation ou le legs d’actions, des actes juridiques inapplicables en l’instance, R.S.A., vol. I,
onglet 2.
Zwicker v. Stanbury, [1953] 2 R.C.S. 438, 439, R.S.A., vol. I, onglet 22; Voir aussi : Central
Capital Corp. Re, op. cit, note 38, par. 143 à 147, R.S.A., vol. I, onglet 10.
Art. 24(3)(c), 210(3), 211(7)(d), 223(2), et 226(4) et (5) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
Art. 2 (« réclamation relative à des capitaux propres »), 60(1.7) et 140.1 de la Loi sur la faillite et
l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3, R.S.A., vol. I, onglet 4; art. 6(8) et 22.1 de la Loi sur les
arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. (1985), ch. C-36, R.S.A., vol. I, onglet 5.
- 20 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
recours pour redressement de l’article 241 L.c.s.a., « les ordonnances provisoires ou
définitives qu’il estime pertinentes », notamment en matière d’achat d’actions
(par. 241(3)(f)) et de remboursement de capital (par. 241(3)(g)), il interdit à la société
d’obtempérer à ces ordonnances si elles ont pour effet de contrevenir aux tests de
solvabilité et de liquidité applicables.
[39]
Sur le plan économique, certains auteurs soutiennent que c’est parce que le capital-actions
est ainsi maintenu (« locked-in ») que le véhicule de la société par actions est devenu un
outil si important pour le développement économique, et que le « capital lock-in » est peutêtre plus fondamental que la responsabilité limitée des actionnaires pour le droit des
sociétés. Margaret Blair, dans son article Locking in Capital : What Corporate Law
Achieved for Business Organizers in the Nineteenth Century49, écrit :
Investors in corporate shares could subscribe in small units, but once
the funds paid to purchase those shares had been committed, limits were
imposed — sometimes severe ones — on the ability of investors to
withdraw funds from the business. The commitment of capital by
shareholders, I argue, helped protect the at-risk investments made by
other corporate participants. To again use a phrase from Hansmann and
Kraakman, the capital contributed or pledged in the form of equity
shares helped secure a pool of « bonding assets » which made it easier
to draw in other risky contributions to the enterprise.
[40]
Elle soutient que c’était cette faculté de « geler » (« lock-in ») le capital, plutôt que la
responsabilité limitée, qui constituait l’attrait principal de la société par actions50. Lynn
Stout, dans son article, On the Nature of Corporations51, déclare :
49
50
51
Margaret M. BLAIR, « Locking in Capital: What Corporate Law Achieved for Business Organizers
in the Nineteenth Century », (2003-2004) 51 UCLA L. Rev. 387, 392, R.S.A., vol. II, onglet 24.
Id., p. 437 et s., La responsabilité limitée ne fut accessible pour les actionnaires que plusieurs années
après l’indépendance des États-Unis, parfois plus d’un siècle plus tard (p. ex. en 1931 en
Californie), R.S.A., vol. II, onglet 24.
Lynn A. STOUT, « On the Nature of Corporations », (2005) U. Ill. L. Rev. 253, R.S.A., vol. II,
onglet 34.
- 21 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
This quality of corporate entities — whether called affirmative asset
partitioning, capital lock-in, or the absence of a repurchase condition —
may come closer than any other to capturing the essential difference
between incorporated and unincorporated business forms. It may also
go a long way towards explaining why the corporation has evolved into
the dominant business form for pursuing certain kinds of large, longterm economic projects.52
[41]
Elle affirme même : « corporations exist primarily to lock in capital »53. Les professeurs
Reimer Kraakman (Harvard) et Henry Hansmann (Yale) font appel, dans leur texte « The
Essential Role of Organization Law »54, au concept similaire de « affirmative asset
partitioning », et dans leurs articles avec Richard Squire, à celui du « entity shielding », qui
dans sa forme contraignante, retire à l’investisseur tout droit de reprendre son
investissement dans la société :
Strong entity shielding and limited liability are highly complementary;
the presence of one generally calls for the other […]
[L]imited liability generally requires strong entity shielding, largely
because limited liability increases the incentive for owners to withdraw
from the firm when its prospects are doubtful. That incentive, in turn,
creates the threat of a run on the firm’s assets, which would destroy
going-concern value to the detriment of both the firm’s creditors and its
owners. By denying owners the power to withdraw unilaterally, strong
entity shielding prevents such runs.55
52
53
54
55
Id., p. 258, R.S.A., vol. II, onglet 34.
Id., p. 260, R.S.A., vol. II, onglet 34.
Reinier KRAAKMAN et Henry HANSMANN, « The Essential Role of Organization Law », (20002001) 110 Yale L.J., 387, R.S.A., vol. II, onglet 28. Les auteurs y plaident que le « asset
partitioning » est un élément important du droit des sociétés par actions, disant (p. 434 et s.) :
« Other standard-form legal entities, however, permit limits on the withdrawal rights of individual
owners. The business corporation is conspicuous among these; shareholders generally cannot
withdraw their individual share of the firm's assets short of dissolution, and dissolution generally
requires consent of the holders of at least fifty percent of the firm's shares. Could such limits on
withdrawal lights be established in the absence of organizational law? There is room to doubt that
they could be. »
Henry HANSMANN, Reinier KRAAKMAN et Richard SQUIRE, « The New Business Entities in
Evolutionary Perspective », (2005) U. Ill. L. Rev. 5, 12, R.S.A., vol. II, onglet 26.
- 22 Mémoire de l’appelant
[42]
Exposé des arguments
Avec égards, la proposition avancée par les juges majoritaires dans l’arrêt dont appel va à
l’encontre du principe fondamental du maintien du capital. Elle prétend attribuer aux
actionnaires, par simple entente verbale, un pouvoir que ni la société ni ses administrateurs
ne possèdent, celui d’annuler une émission d’actions sans respecter les formalités imposées
par la loi.
2.
[43]
La personnalité distincte de la société par actions
Supposant même qu’il soit possible « d’annuler » une émission d’actions (ce qui est nié),
une simple entente entre actionnaires, sans l’intervention de la société par actions ellemême, n’est pas suffisante pour y procéder. L’émission d’actions sous la L.c.s.a. requiert
l’intervention de la société par actions, agissant par l’intermédiaire de son conseil
d’administration. Les administrateurs ne peuvent déléguer leur pouvoir d’émettre des
actions à un comité ou un dirigeant qu’en conformité avec l’autorisation du conseil56. De
la même manière, l’achat ou le rachat d’actions pour annulation par la société requiert un
acte formel de son conseil d’administration, qui ne peut déléguer ce pouvoir57. Bref, un
acte formel de la société par actions elle-même est essentiel en ce sens58. La reconnaissance
dans la L.c.s.a. que seule la société par actions peut émettre des actions dans son capitalactions et acheter ou racheter ses propres actions pour annulation est l’une des
caractéristiques fondamentales définissant la société par actions comme une personne
morale distincte de ses membres.
[44]
Une société par actions, contrairement à une société en nom collectif, n’est pas que le
produit d’une entente entre les associés. Seule cette dernière peut prendre fin du
consentement de tous les associés, et encore sans effet rétroactif59. Or, les actionnaires
56
57
58
59
Art. 25, 115(3)(c) et 121(a) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
Art. 115(3)(e) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
Par analogie, voir Nesis v. La Reine, 98 D.T.C. 1948, R.S.A., vol. II, onglet 18, où Bonner, JTCC,
réfère à la nécessité d’un « overt corporate act » pour concrétiser un engagement contractuel entre
une société par actions et un actionnaire.
Art. 2230 C.c.Q., R.S.A., vol. I, onglet 1.
- 23 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
d’une société par actions ne sont pas des associés liés par une entente d’association à
laquelle ils peuvent mettre fin informellement d’un commun accord :
La société est une « société par actions », constituée par l’intervention
de l’État et non pas par contrat et comme telle elle n’est pas assujettie
au régime général des sociétés du Code civil. La personnalité distincte
de la société empêche que ses actionnaires soient considérés comme des
associés, et notamment qu’ils soient solidairement responsables de ses
dettes, ou responsables les uns envers les autres de manquements à leurs
devoirs d’associés. Une convention entre actionnaires, du simple fait de
l’existence de la société qu’elle vise, ne constitue pas un contrat de
société : il y manque un des éléments essentiels pour créer une société,
soit l’intention de créer une société, l’affectio societatis.60
[45]
Bref, même si, aux fins de la discussion, nous devions accepter les conclusions de l’opinion
majoritaire en appel sur ce point (auxquelles cette Cour ne doit pas déférence61), Mennillo
et Rosati ne pouvaient pas, sur simple entente informelle, annuler rétroactivement la
décision du conseil d’administration d’Intramodal du 13 juillet 2004 acceptant la
souscription de Mennillo62 et décrétant l’émission de 49 actions de catégorie « A » en sa
faveur63. Conclure autrement reviendrait à accepter que les actionnaires ont un pouvoir
d’intervention directe sur le capital-actions et peuvent, d’un commun accord, reprendre les
fonds investis en contrepartie de l’émission de leurs actions sans toutefois encourir de
responsabilité vis-à-vis des tiers ou de la société, notamment quant au respect des tests de
solvabilité et de liquidité en matière d’achat et de rachat d’actions par la société64. Cette
position va à l’encontre du modèle décisionnel de la société par actions comme personne
morale distincte de ses membres et de son autonomie patrimoniale. Intramodal n’a apporté
60
61
62
63
64
Paul MARTEL, op. cit., note 31, par. 27-122, R.S.A., vol. II, onglet 30.
Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, R.S.A., vol. I, onglet 14.
Registre des procès-verbaux d’Intramodal, pièce P-19, D.A., vol. VIII, p. 107 à 111.
Id., D.A., vol. VIII, p. 112.
Art. 34 L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
- 24 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
aucune preuve d’un quelconque consentement de sa part à une annulation de la souscription
d’actions de Mennillo dans son capital-actions65.
[46]
Dans la pire des hypothèses, et sous réserve de qui précède, pour que la société puisse
(pourvu que cela soit possible) être engagée par une telle décision des actionnaires, il aurait
fallu qu’elle soit prise sous l’autorité d’une convention unanime des actionnaires en vertu
de l’article 146 L.c.s.a., qui retirerait aux administrateurs et conférerait aux actionnaires le
prétendu pouvoir de « renoncer », au nom de la société, à une souscription d’actions. Or,
aucune telle convention n’existe en l’instance.
3.
[47]
La sécurité des transactions et la protection des droits d’un actionnaire minoritaire
Le formalisme rattaché à l’annulation des actions protège aussi les actionnaires contre
l’expropriation, ce qui est exactement le problème soulevé en l’espèce, l’actionnaire
minoritaire se voyant dépouillé de ses actions sans contrepartie, sans jamais avoir endossé
son certificat d’actions et sans jamais avoir signé aucune entente à cet effet. Les
actionnaires, à plus forte raison les actionnaires minoritaires, ne peuvent être privés de leurs
droits sans que les formalités strictes prévues par le législateur soient respectées, sous peine
de nullité de la transaction66. Dit autrement, la seule rencontre de volontés (pour autant
qu’elle se soit réalisée, ce qui est vigoureusement nié), relativement à la prétention qu’un
actionnaire aurait cessé de l’être, ne suffit pas pour qu’il perde son statut. Il faut que celui
que l’on prétend dépouiller de son statut d’actionnaire ait posé l’un des gestes requis par la
loi pour concrétiser cette intention et transférer la propriété de ses actions. En ces matières,
forma dat esse rei, autant pour protéger le capital-actions de la société, ses créanciers et ses
actionnaires, qu’à des fins probatoires. Mennillo n’a posé aucun de ces gestes : aucun
65
66
Au contraire, la preuve a démontré que, plusieurs mois après le 25 mai 2005, Rosati et son avocat
Me Ovadia ont unilatéralement modifié les livres et registres d’Intramodal, à l’insu de Mennillo,
pour y inscrire un prétendu transfert des actions de Mennillo à Rosati à cette date — des inscriptions
fausses, bien sûr, mais à tout événement incompatibles avec une prétendue « annulation
rétroactive » de la souscription d’actions de Mennillo dans la société.
Art. 1414 et 1419 C.c.Q., R.S.A., vol. I, onglet 1.
- 25 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
endossement ni délivrance du certificat d’actions, aucune signature de contrat de transfert
d’actions à Rosati ou d’achat par la société ni aucune signature de résolution spéciale
d’actionnaires en ce sens.
[48]
Pour toutes ces raisons, l’appelant soumet respectueusement que la conclusion des juges
majoritaire en appel — à l’effet que Mennillo aurait été valablement dépouillé de ses
actions dans le capital-actions d’Intramodal en date du 25 mai 2005, en vertu d’une entente
informelle qu’il aurait conclue avec Rosati à l’effet d’annuler rétroactivement sa
souscription d’actions du 13 juillet 2004 dans la société — est mal fondée en faits et en
droit et doit être rejetée.
B.
Il est impossible de conclure en droit que Mennillo a transféré ses actions à Rosati le
25 mai 2005, comme le premier juge l’a fait, puisque ce prétendu transfert est nul de
nullité absolue
[49]
Mennillo revient sur ce point uniquement dans la mesure où cette honorable Cour
entendrait considérer la conclusion de fait du premier juge à l’effet que, le 25 mai 2005,
Mennillo aurait transféré à Rosati ses actions dans le capital-actions d’Intramodal, et ce,
bien que cette conclusion ait été écartée par tous les juges de la Cour d’appel.
[50]
À cet égard, Mennillo souscrit à l’analyse juridique de l’honorable juge Gagnon dans l’arrêt
dont appel, à laquelle il renvoie cette Cour67, pour conclure que, peu importe la conclusion
à laquelle on peut en venir eu égard à la crédibilité des témoins, ce transfert est de toute
façon invalide en droit. Ceci dit, vu l’importance de la question dans l’instance, Mennillo
reprend sommairement ci-après l’argumentation qu’il a présentée à la Cour d’appel à cet
égard.
67
Par. 76 de l’arrêt dont appel, D.A., vol. I, p. 37.
- 26 Mémoire de l’appelant
[51]
Exposé des arguments
Mennillo soumet respectueusement que le premier juge a commis une erreur de droit
lorsqu’il a conclu, pour déterminer si Mennillo était actionnaire d’Intramodal, que la
réponse dépendait de la crédibilité des témoins entendus au procès68. En réalité, la réponse
à cette question ne dépend pas de la crédibilité des témoins, précisément, puisque le
prétendu transfert d’actions par Mennillo à Rosati le 25 mai 2005 était assujetti à des
conditions préalables essentielles qui ne sont pas remplies en l’espèce. Selon la version des
faits acceptée par le premier juge, ce transfert des actions de Mennillo à Rosati était un acte
à titre gratuit puisqu’aucun prix n’a été convenu entre les parties ni payé par Rosati à cette
occasion. Interrogé au procès sur la contrepartie que Mennillo a reçue pour ce prétendu
transfert, Rosati a répondu : « Zero »69. Le transfert évoqué par le premier juge constitue
donc un contrat de donation en vertu de l’article 1806 C.c.Q.70
[52]
À peine de nullité absolue, la donation d’un bien meuble ou immeuble s’effectue par acte
notarié en minute et doit être publiée71. En l’absence d’un acte notarié, la donation d’un
bien meuble peut toutefois être valablement effectuée si le consentement des parties
s’accompagne de la délivrance et de la possession immédiate du bien, bref s’il s’agit d’un
don manuel72. Le donateur délivre le bien en mettant le donataire en possession de celui-ci
ou en lui permettant qu’il en prenne possession, tout obstacle étant écarté73. Dans le cas
d’actions d’une société par actions, un don manuel ne peut être valablement exécuté que si
le donateur endosse son certificat d’actions et le livre au donataire. En fait, cela
68
69
70
71
72
73
Par. 21 du jugement de première instance, D.A., vol. I, p. 6 et 7.
Témoignage de Rosati au procès, 21 mars 2012, D.A., vol. V, p. 70.
Sur la notion de contrat à titre gratuit, voir l’article 1381 C.c.Q., R.S.A., vol. I, onglet 1; Voir aussi :
Didier LLUELLES, Droit des obligations, 2e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 2012, par. 223 et
229, R.S.A., vol. II, onglet 29; Vincent KARIM, Les obligations, 4e éd., vol. 1, Montréal, Wilson
& Lafleur, 2015, par. 598 et 603 à 605, R.S.A., vol. II, onglet 27; Jean-Louis BAUDOUIN et
Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, par. 68,
R.S.A., vol. II, onglet 23; Compagnie d'assurance Élite c. 125173 Canada inc., REJB 2004-81802
(C.Q.), R.S.A., vol. I, onglet 11.
Article 1824, al. 1 C.c.Q., R.S.A., vol. I, onglet 1.
Article 1824, al. 2 C.c.Q., R.S.A., vol. I, onglet 1.
Article 1825 C.c.Q., R.S.A., vol. I, onglet 1.
- 27 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
constituerait un minimum, l’exécution d’un acte sous seing privé étant probablement
requise elle aussi :
Lorsqu’un transfert d’actions s’effectue à titre gratuit, il doit, pour être
valide entre les parties, faire l’objet d’une donation par contrat notarié,
ou encore constituer un « don manuel » au sens du Code civil du
Québec, c’est-à-dire être accompagné de délivrance et de possession
immédiate. Pour plus de certitude, il est recommandé de confirmer un
don manuel d’actions par un contrat sous seing privé et d’y faire
intervenir la société, pour reconnaître que le transfert a été inscrit dans
ses registres. Il semble en effet que la remise du certificat d’actions
endossé ne soit pas suffisante, surtout si le transfert des actions est
restreint par les statuts.74
[53]
De plus, le défaut de respecter les règlements de la compagnie relatifs à un transfert
d’actions est fatal à la prétention qu’elles auraient fait l’objet d’un don manuel :
Les actions de compagnies peuvent faire l’objet d’un don manuel. Dans
ce cas toutefois, il faut distinguer si le mode de transfert est soumis ou
non à des règlements de ces compagnies. Il n’y aurait pas don manuel
si des règlements existent et n’ont pas été suivis.75
[54]
C’est à cette conclusion qu’en est venue la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Grusk c.
Sparling, dans une situation qui impliquait là aussi un transfert d’actions à titre gratuit.
Malgré la présence d’un acte de transfert écrit dans cette cause (ce qui n’est pas le cas ici
bien sûr), la Cour d’appel n’a pas hésité, en l’absence de véritable contrepartie, à qualifier
la transaction intervenue de donation et à prononcer sa nullité puisqu’elle n’avait pas été
constatée par acte notarié ni accompagnée de l’endossement du certificat d’actions, de sa
délivrance au donataire et de son inscription dans les livres de la société :
[14] The transfer was, of course, not in notarial form. Nor were the
shares transferable by mere delivery. To be valid, the transfer had to be
entered in the register of transfers of the Corporation. And the
74
75
Paul MARTEL, op. cit., note 31, par. 16-112, R.S.A., vol. II, onglet 30.
Hervé ROCH, Donations, testaments, exécuteurs testamentaires, coll. « Traité de droit civil du
Québec », Tome cinquième, Wilson & Lafleur, Montréal, 1953, p. 100, R.S.A., vol. II, onglet 32.
- 28 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
certificates themselves were in the possession of the transfer agent,
under seizure for income taxes owing by Doyle. The delivery of the
shares, therefore, did not accompany the transfer and the shares were
not, in any event, transferable by delivery.
[15] While the transfer document acknowledges that the transfer was
made “for value received”, we know, of course, that Doyle did not
receive any “value”, as such, but that the transfer was made in discharge
of a previous promise and, at least a moral obligation, to transfer some
Javelin shares to appellant. This did constitute adequate cause for the
transfer, but there is not much room in the evidence for doubt that the
transfer was a gift within the meaning of Article 776 C.C.L.C.
[16] Under our law, as it now stands, gifts inter vivos must, on pain
of nullity, be in notarial form, with the exception of gifts of movable
property accompanied by delivery (Art. 776 C.C.L.C.). It may be of
some interest to note, as well, that the new Civil Code of Quebec, very
recently adopted by the Legislature, contains a similar rule for formal
validity of gifts (Art. 1814 C.C.Q.).
[17] In this case, the shares were not capable of being transferred by
delivery and the transfer agreement was not, in fact, accompanied by
delivery. Since the transfer was not in notarial form, it was an absolute
nullity insofar as conveying ownership to the 55,250 shares is
concerned. On that basis, appellant would have had no right, as against
Javelin, Robert or Canada Permanent Trust Company, to demand the
transfer of the shares into her name, whatever rights she may have had
against Doyle.76
[55]
En vertu de la L.c.s.a., pour que l’endossement d’un certificat d’actions soit valable, il doit
être signé par l’actionnaire et délivré au cessionnaire :
65(3) L’endossement d’une valeur mobilière nominative aux fins de
cession ou de transfert se fait par l’apposition, soit à l’endos de cette
valeur sans autre formalité, soit sur un document distinct ou sur une
procuration à cet effet, de la signature d’une personne compétente.
76
Grusk c. Sparling, [1993] RL 22, par. 14 à 17 (notes de bas de page omises), R.S.A., vol. I,
onglet 12.
- 29 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
66.
L’endossement d’une valeur mobilière n’emporte son transfert
que lors de la livraison de cette valeur et, le cas échéant, du document
distinct le constatant.
[56]
De plus, le certificat d’actions de Mennillo stipule que : « [O]nly the person whose name
appears on the front of this certificate or his duly authorized agent or representative may
validly transfer the shares represented by this certificate »77. En l’espèce, jamais Mennillo
n’a-t-il endossé son certificat d’actions, comme on peut le voir à la face même de celui-ci,
et jamais ne l’a-t-il délivré à Rosati78.
[57]
Au surplus, un transfert d’actions est incomplet tant et aussi longtemps qu’il n’a pas été
valablement enregistré dans le registre des actions de la société : le cessionnaire n’obtient pas
la propriété légale des actions tant et aussi longtemps que son nom n’est pas inscrit dans le
registre des actionnaires79. L’article 133 des règlements d’Intramodal prévoit à cet effet que
« [N]o transfer of securities shall be registered in the securities register of the Corporation
unless the security certificate has been duly endorsed by the proper person […]. »80
[58]
La conclusion s’impose : les conditions essentielles à la validité d’une donation des actions
de Mennillo à Rosati le 25 mai 2005 sont inexistantes et le juge de première instance ne
pouvait pas, en droit, conclure que Mennillo avait valablement transféré ses actions à
Rosati, verbalement et sans contrepartie, à cette occasion. De plus, aucun transfert des
actions de Mennillo ne pouvait être valablement inscrit dans le registre des valeurs
mobilières d’Intramodal.
[59]
Cette conclusion s’impose d’autant plus qu’Intramodal traite spécifiquement des
événements du 25 mai 2005 dans ses procédures écrites (appuyées de l’affidavit détaillé de
77
78
79
80
Pièce P-19, D.A., vol. VIII, p. 170.
Id.
Kevin P. McGUINNESS, Canadian Business Corporations Law, 2e éd., Markham, LexisNexis
Canada Inc., 2007, p. 464 à 468, R.S.A., vol. II, onglet 31.
Pièce P-19, D.A., vol. VIII, p. 95.
- 30 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
Rosati), où elle évacue l’existence de toute transaction relative aux actions de Mennillo à
cette occasion. Reproduisons à nouveau, pour référence, ce qu’Intramodal soutient à
l’égard de ces événements aux paragraphes 31 et 32 de sa contestation :
[60]
31.
THAT on or about May 25, 2005, concurrently with Intramodal
Inc. opening a bank account, Plaintiff submitted his resignation in
writing as a director, said resignation not having been requested
by Mario Rosati and having nothing to do with the nature of the
operations of Intramodal Inc. nor any act of any client of
Intramodal Inc., the said resignation being unconditional with no
promise of reinstatement;
32.
THAT at this time Plaintiff was not a shareholder of the company,
never having fulfilled the conditions required to become a
shareholder, never having invested any money into Intramodal
Inc. nor having guaranteed any debt of Intramodal Inc. and never
having subscribed for nor having paid for, nor received any shares
and again having ex-pressed his desire not to be a shareholder of
the company.81
Comme on peut le voir, la prémisse fondamentale de toute la cause de l’intimée (contrôlée
par Rosati) en l’instance est que Mennillo n’a jamais été un actionnaire de celle-ci et ne
l’était toujours pas le 25 mai 2005. Cela constitue un aveu judiciaire que Mennillo n’a
certainement pas procédé à un transfert de ses actions à Rosati le 25 mai 2005. Selon cet
aveu judiciaire, aucune transaction n’est survenue à cette date — même la démission de
Mennillo comme administrateur d’Intramodal aurait été, selon l’intimée et Rosati, un geste
unilatéral de sa part qui n’avait pas été requis par Rosati et qui n’avait rien à voir avec les
activités d’Intramodal.
[61]
Un aveu peut être exprès ou implicite82, fait pleine foi contre la partie dont il émane et ne
peut être révoqué sauf sur preuve qu’il résulte d’une erreur de fait83. En l’espèce, ces aveux
judiciaires, supportés par l’affidavit détaillé de Rosati, n’ont jamais été révoqués et font
81
82
83
Précité note 17.
Article 2851 C.c.Q., R.S.A., vol. I, onglet 1.
Article 2852 C.c.Q., R.S.A., vol. I, onglet 1.
- 31 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
pleine foi contre l’intimée et Rosati de l’absence de tout transfert des actions de Mennillo
à Rosati le 25 mai 2005. Ces aveux judiciaires s’imposaient au juge de première
d’instance84. Il s’agit d’une règle d’ordre public85.
C.
Subsidiairement, le premier juge a commis des erreurs manifestes et déterminantes
pour conclure, comme question de fait, que l’appelant a transféré ses actions à Rosati
le 25 mai 2005
[62]
Les motifs exposés ci-haut suffisent à disposer de cet appel, puisqu’ils sont indifférents aux
questions relatives à la crédibilité des témoins invoquées par le premier juge et discutées
dans l’arrêt dont appel. En fait, le formalisme imposé par la loi en ces matières a
précisément pour but, notamment, d’éviter que les tribunaux s’engagent dans une analyse
de la crédibilité des uns et des autres eu égard à la conclusion de tels prétendus actes
juridiques affectant le capital d’une société par actions et les droits d’un actionnaire
minoritaire. Ce formalisme a été mis en place aussi à des fins probatoires.
[63]
Ceci étant dit, Mennillo réitère catégoriquement par les présentes qu’il n’a jamais transféré
ses actions à Rosati le 25 mai 2005 (ou depuis) et soumet respectueusement que, pour en
venir à la conclusion inverse, le premier juge a commis des erreurs manifestes et
déterminantes au niveau des faits. Il est important de souligner ici que tous les juges de la
Cour d’appel, les majoritaires comme le minoritaire, ont rejeté cette conclusion de fait du
premier juge, qui ne mérite dès lors pas une déférence accrue de cette Cour.
[64]
À cet égard, et faute d’espace pour refaire l’exercice, Mennillo souscrit à la soigneuse
analyse de la preuve effectuée par l’honorable juge Gagnon, dissident en appel, aux
84
85
Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, par. 895,
R.S.A., vol. II, onglet 33.
Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2005, par. 738, R.S.A.,
vol. II, onglet 25.
- 32 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
paragraphes 77 à 111 de sa décision86, à laquelle Mennillo renvoie cette Cour, dont le juge
Gagnon tire la conclusion suivante :
[78] En dépit de l'attitude de respect et de réserve qui s'impose à
l'égard des déterminations de fait retenues par le juge, j'en viens tout de
même à la conclusion que des inférences erronées ont été tirées de la
preuve. En raison de la place qu’elles occupent dans la motivation du
jugement, ces déterminations ont eu un impact décisif dans la décision
entreprise et justifient à mon avis l’intervention de la Cour.
D.
La prétention de l’intimée que le recours pour oppression de l’appelant serait prescrit
est mal fondée en faits et en droit
[65]
Encore une fois, l’appelant présente cette question uniquement parce que l’intimée l’a
plaidée en première instance et en appel. Et encore une fois, Mennillo souscrit à la
soigneuse analyse effectuée par l’honorable juge Gagnon sur ce point, aux paragraphes 112
à 137 de sa décision87, à laquelle Mennillo renvoie cette Court, au terme de laquelle le juge
Gagnon conclut que cet argument doit être rejeté. Pour leur part, les juges majoritaires en
appel ne traitent pas de cette question dans leurs motifs.
E.
Les mesures réparatrices requises
[66]
Le retrait du statut d’actionnaire de Mennillo ne pouvant se justifier ni en droit ni en fait
— tant selon l’hypothèse d’une « annulation rétroactive » de son statut d’actionnaire que de
celle d’un transfert de ses actions à Rosati le 25 mai 2005 — il faut conclure que Mennillo a
été illégalement et abusivement dépouillé de ses actions dans le capital-actions de la société
intimée et qu’il a établi des motifs d’abus au sens de l’article 241 L.c.s.a. justifiant
86
87
D.A., vol. I, p. 37 et s.
D.A., vol. I, p. 43 et s.
- 33 Mémoire de l’appelant
Exposé des arguments
l’intervention des tribunaux. À cet égard, cette Cour peut se substituer à la juridiction
inférieure88 et prononcer toute ordonnance qu’elle juge pertinente dans les circonstances89.
[67]
L’appelant prie cette honorable Cour de réformer l’arrêt majoritaire de la Cour d’appel au
motif qu’il n’est pas permis, en droit des sociétés par actions, de procéder à l’annulation
d’actions émises, rétroactivement ou non ni au remboursement de leur capital déclaré sans
passer par l’une ou l’autre des formalités énoncées dans la L.c.s.a.; de déclarer que ses
actions n’ont pas été transférées à Rosati le 25 mai 2005; et en conséquence, de déclarer et
de confirmer qu’il a toujours maintenu son statut d’actionnaire de l’intimée depuis sa
souscription d’actions en date du 13 juillet 2004.
[68]
Dès lors, en inscrivant faussement — unilatéralement, à l’insu de Mennillo et plusieurs
mois après le 25 mai 2005 — un prétendu transfert des actions de Mennillo à Rosati dans
les registres de la société, Intramodal et son administrateur Rosati ont dépouillé
l’actionnaire minoritaire de ses actions, ont abusé de ses droits et lui ont porté préjudice.
La réponse aux deux questions que cette honorable Cour a prescrites en matière de recours
pour redressement — l’existence d’une attente raisonnable et la frustration de cette attente
par un comportement correspondant à un abus, un préjudice injuste ou une omission injuste
de tenir compte d’un intérêt pertinent90 — mène à la conclusion que le recours pour
redressement de l’appelant doit être accueilli. Mennillo, à titre d’actionnaire minoritaire,
s’attendait raisonnablement à ce que la société le traite équitablement, qu’elle ne le
dépouille pas de la propriété de ses actions en inscrivant illégalement leur transfert dans
ses registres et que l’intimée ainsi que Rosati se conforment à leurs devoirs de respecter la
loi et les règlements de la société en matière de transferts. Cette attente a été frustrée par
un comportement abusif des droits de l’appelant et lui cause un préjudice évident.
88
89
90
Art. 45 de la Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26, R.S.A., vol. I, onglet 3.
Art. 241(3) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
BCE Inc. c. Détenteurs de débentures 1976, [2008] 3 R.C.S. 560, 2008 CSC 69, par. 68, R.S.A.,
vol. I, onglet 9.
- 34 Mémoire de l’appelant
[69]
Exposé des arguments
En conséquence, l’appelant demande à cette honorable Cour de rendre les ordonnances
pertinentes sous l’autorité de l’article 241 L.c.s.a. pour redresser la situation provoquée par
la société et son administrateur en procédant sans droit au transfert des actions de Mennillo
à Rosati, ou qu’elle ordonne que le dossier soit renvoyé à la Cour supérieure pour que celleci procède aux évaluations requises et rende ces ordonnances.
[70]
Il faut noter à cet égard que, trois ans après le prétendu transfert des 49 actions catégorie
« A » de Mennillo à Rosati, celui-ci a procédé, en décembre 2008, à des opérations dans le
capital-actions d’Intramodal dans le cadre de sa planification successorale, soit le « gel »
des 100 actions catégorie « A » (inscrites alors faussement au nom de Rosati) par leur
conversion et leur subdivision en 800 000 actions catégorie « F » ainsi que par l’émission
de 100 actions catégorie « C » multivotantes à Rosati et de 100 actions catégorie « A »
participantes à sa fiducie familiale. Ces opérations ont été faites en violation manifeste des
droits de Mennillo et constituent une omission abusive et injuste de tenir compte de ses
intérêts. En effet, si le droit de Mennillo à ses 49 actions catégorie « A » avait été respecté,
la conversion et la subdivision de ces actions et la création de nouvelles actions catégories
« F » et « C » n’aurait pas pu s’effectuer sans son consentement91, et Mennillo n’aurait
manifestement jamais consenti à une telle résolution s’il n’avait pas obtenu 49 % de toutes
les actions en circulation, soit les actions catégories « A », « C » et « F ».
[71]
L’appelant demande dès lors à cette honorable Cour de déclarer qu’en effectuant ces
opérations, l’intimée et son administrateur Rosati ont abusé de ses droits et ont omis
injustement de tenir compte de ses intérêts. Sans requérir l’annulation de ces opérations92,
il demande à cette honorable Cour de le rétablir dans sa détention de 49 % des actions en
circulation dans le capital-actions de la société intimée et d’ordonner à cette fin,
conformément aux paragraphes 241(3)(d), (h), (j) et (k) L.c.s.a. :
91
92
Une résolution spéciale, aux deux tiers des voix, était requise en vertu des paragraphes 173(1)(e) et
(h) L.c.s.a., R.S.A., vol. I, onglet 2.
Ce que l’appelant aurait pu demander, même à l’encontre de la fiducie familiale de Rosati, en vertu
des articles 1714 ou 1816 C.c.Q. Ces opérations en effet constituent la vente, ou la donation le cas
échéant, du bien d’autrui, R.S.A., vol. I, onglet 1.
- 35 Mémoire de l’appelant
a)
Exposé des arguments
la modification de l’opération du 24 décembre 2008 en vertu de laquelle les
800 000 actions de catégorie « F » (émises à la suite de la conversion et de la
subdivision des 100 actions catégorie « A » alors en circulation) n’ont été émises
qu’à Mario Rosati, de manière à ce que 49 % ou 392 000 de ces actions catégorie
« F » soient émises à Mennillo;
b)
l’émission à Mennillo, avec effet à la date du jugement, de 96 actions catégorie « A »
et 96 actions catégorie « C », pour un prix d’émission de 1 $ par action payable à la
date de cette émission;
c)
la rectification des registres de la société pour refléter les ordonnances
susmentionnées;
[72]
Mennillo est aussi en droit de demander d’être placé dans la même situation que s’il était en
tout temps demeuré détenteur de ses actions, conformément aux dispositions des
paragraphes. 241(3)(f), (i), (j) et (m) L.c.s.a., et qu’en conséquence, il soit ordonné à l’intimée
de verser à Mennillo un montant correspondant à 49 % de tout dividende qu’elle a pu déclarer
et verser depuis le 25 mai 2005 et de l’indemniser de tout préjudice qu’il a subi en
conséquence des agissements oppressifs à son endroit de l’intimée et de son administrateur
Rosati93.
----------
93
Voir : Picavet v. Salem Developments Ltd., (2000) 9 B.L.R. (3d) 276 (Ont. S.C.), R.S.A., vol. II,
onglet 19 (40 % du profit réalisé sur la vente d’un terrain remis à l’actionnaire à 40 %); 400280
Alberta Ltd. v. Franko’s Heating & Air Conditioning (1992) Ltd., [1995] 4 W.W.R. 558 (Alta. Q.
B.), R.S.A., vol. I, onglet 7 (30 % des profits remis à l’actionnaire à 30 %); König c. Hobza,
2013 ONSC 1060, 2014 ONCA 691, R.S.A., vol. I, onglet 15 (10 % du manque à gagner remis à
l’actionnaire à 10 %); 1658586 Ontario Inc. v. Can-Am Lubricants Inc., 2014 ONSC 2673, R.S.A.,
vol. I, onglet 6 (10 % du manque à gagner remis à l’actionnaire à 10 %); McAteer v. Devoncroft
Developments Limited, 2001 ABQB 917, R.S.A., vol. II, onglet 17 (indemnisation pour perte de
valeur des actions); Manjit Randhawa v. Gateway Building Management Ltd., 2013 BCSC 1662,
R.S.A., vol. I, onglet 16 (reddition de compte au plaignant à qui il est ordonné que 50 % des actions
soient émises).
- 36 Mémoire de l’appelant
Arguments au sujet des dépens
PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS
[73]
Considérant ce qui précède, considérant l’abus et l’oppression dont l’appelant a été victime
et l’ampleur des procédures qu’il a dû entreprendre pour faire valoir ses droits, considérant
les positions contradictoires adoptées par l’intimée à l’encontre de ces procédures et les
fausses inscriptions qu’elle a insérées et antidatées dans ses livres et registres, l’appelant
demande que l’entièreté des dépens devant cette honorable Cour et devant les tribunaux
inférieurs lui soient accordés.
----------
- 37 Mémoire de l’appelant
Ordonnances demandées
PARTIE V – ORDONNANCES DEMANDÉES
Pour l’ensemble des motifs exposés à ce mémoire, plaise à cette honorable Cour de :
ACCUEILLIR le présent appel;
DÉCLARER que l’appelant a toujours maintenu son statut d’actionnaire de l’intimée
depuis sa souscription de 49 actions catégorie « A » sur un total de 100 actions catégorie
« A » dans le capital-actions de l’intimée ainsi que l’émission desdites actions par l’intimée
à l’appelant en date du 13 juillet 2004;
DÉCLARER que l’appelant a été illégalement dépouillé par l’intimée et son
administrateur, Mario Rosati, de ses actions dans le capital-actions de l’intimée;
ANNULER la résolution antidatée de l’intimée qui porte à sa face même la date du 25 mai
2005 et qui déclare :
5.
The Corporation also hereby approves and accepts the transfer
by Johnny MENNILLO of the Forty-Nine (49) Class “A” Shares
registered in his name, represented by Certificate number 2
unto Mario ROSATI.
6.
In view of said transfer of Shares, it is hereby confirmed that
effective this day Mario ROSATI is the Sole Shareholder of the
Corporation, having One Hundred (100) Class “A” Shares registered in
his name.
ORDONNER à l’intimée, dans les 30 jours de l’arrêt à être rendu en l’instance, de rectifier
ses registres en conséquence, incluant sans s’y restreindre le registre des valeurs mobilières,
ainsi que les déclarations communiquées sous l’autorité de la loi au Registraire des
entreprises du Québec, pour donner effet aux présentes ordonnances et confirmer le statut
de l’appelant comme actionnaire de l’intimée;
- 38 Mémoire de l’appelant
Ordonnances demandées
ORDONNER que l’intimée, dans les 30 jours de l’arrêt à être rendu en l’instance :
i)
MODIFIE l’opération du 24 décembre 2008 en vertu de laquelle les 800 000 actions
de catégorie « F » dans son capital-actions (émises à la suite de la conversion et de la
subdivision des 100 actions catégorie « A » alors en circulation) ont été émises à M.
Mario Rosati, de manière à ce que 49 % ou 392 000 de ces actions catégorie « F »
soient émises à l’appelant avec effet à la date de cette opération;
ii)
ÉMETTE à l’appelant, avec effet à la date de l’arrêt de cette honorable Cour, 96
actions catégorie « A » et 96 actions catégorie « C » dans son capital-actions, pour
un prix d’émission de un dollar par action payable à la date de cette émission;
iii)
RECTIFIE ses registres pour refléter les ordonnances susmentionnées;
iv)
RENDE COMPTE à l’appelant et lui verse un montant correspondant à 49 % de
tout dividende qu’elle a déclaré et versé depuis le 25 mai 2005, et lui
COMMUNIQUE à cette fin tous les documents contractuels, financiers, comptables
et autres afférents à ces déclarations et versements de dividendes;
v)
INDEMNISE l’appelant pour tout préjudice qu’il a subi en l’instance, incluant eu
égard à toute transaction intervenue depuis le 25 mai 2005 entre l’intimée et ses
administrateurs, dirigeants, actionnaires, et toute personne physique ou morale de son
groupe qui n’a pas été effectuée à sa juste valeur marchande, à hauteur de 49 % de
l’écart entre la considération versée ou reçue pour cette transaction et la juste valeur
marchande de la considération qu’elle aurait dû verser ou recevoir, et à cette fin
ordonner toute reddition de compte ou toute enquête que la Cour jugera appropriée,
ainsi que le renvoi du dossier à la Cour supérieure du Québec, le cas échéant, pour y
procéder et pour déterminer le montant de l’indemnité payable à l’appelant;
- 39 Mémoire de l’appelant
Ordonnances demandées
RENDRE toute autre ordonnance qu’elle jugera appropriée dans les circonstances.
LE TOUT, avec les entiers dépens devant cette Cour, la Cour d’appel du Québec et la Cour
supérieure du Québec.
Montréal, le 20 août 2015
________________________________________
Me Claude Marseille
Me Paul M. Martel, Ad. E.
Me Caroline Dion
Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.
Procureurs de l’appelant
- 40 Mémoire de l’appelant
Table des sources
PARTIE VI – TABLE DES SOURCES
Législation
Paragraphe(s)
Code civil du Québec, R.L.R.Q. c. C-1991
........................................ 17 et s.
Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985),
ch. C-44
..................................................3
Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26
................................................66
Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3
................................................38
Loi sur les arrangements avec les créanciers des
compagnies, L.R.C. (1985), ch. C-36
................................................38
Jurisprudence
1658586 Ontario Inc. v. Can-Am Lubricants Inc.,
2014 ONSC 2673
................................................72
400280 Alberta Ltd. v. Franko’s Heating & Air
Conditioning (1992) Ltd., [1995] 4 W.W.R. 558 (Alta. Q.
B.)
................................................72
Alberta Rolling Mills Co. v. Christie, [1919] 58 R.C.S. 208
................................................35
BCE Inc. c. Détenteurs de débentures 1976, [2008] 3 R.C.S.
560
................................................68
Central Capital Corp. Re, [1996] O.J. No. 359
...........................................33,37
Compagnie d'assurance Élite c. 125173 Canada inc.,
REJB 2004-81802 (C.Q.)
................................................51
Grusk c. Sparling, [1993] RL 22
................................................54
Guinness c. Land Corporation of Ireland, 22 Ch. D. 349
................................................35
Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33
................................................45
König c. Hobza, 2013 ONSC 1060, 2014 ONCA 691
................................................72
- 41 Mémoire de l’appelant
Table des sources
Jurisprudence (suite)
Paragraphe(s)
Manjit Randhawa v. Gateway Building Management Ltd.,
2013 BCSC 1662
................................................72
McAteer v. Devoncroft Developments Limited, 2001 ABQB
917
................................................72
Nesis v. La Reine, 98 D.T.C. 1948
................................................43
Picavet v. Salem Developments Ltd., (2000) 9 B.L.R. (3d)
276 (Ont. S.C.)
................................................72
Re Exchange Banking Company or Flitcroft's case, (1882)
LR 21 Ch. D. 519
................................................33
Smith v. Gow-Ganda Mines, Limited, [1911] 44 R.C.S. 621
................................................34
Zwicker v. Stanbury, [1953] 2 R.C.S. 438
................................................37
Doctrine
BAUDOUIN, Jean-Louis et Pierre-Gabriel JOBIN, Les
obligations, 7e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013
................................................. 51
BLAIR, Margaret M., « Locking in Capital: What Corporate
Law Achieved for Business Organizers in the Nineteenth
Century », (2003-2004) 51 UCLA L. Rev. 387
................................................39
DUCHARME, Léo, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal,
Wilson & Lafleur, 2005
................................................61
HANSMANN, Henry, Reinier KRAAKMAN et Richard
SQUIRE, « The New Business Entities in Evolutionary
Perspective », (2005) U. Ill. L. Rev. 5
................................................41
KARIM, Vincent, Les obligations, 4e éd., vol. 1, Montréal,
Wilson & Lafleur, 2015
................................................51
KRAAKMAN Reinier et Henry HANSMANN, « The
Essential Role of Organizational Law », (2000-2001) 110
Yale L.J., 387
................................................41
- 42 Mémoire de l’appelant
Table des sources
Doctrine (suite)
Paragraphe(s)
LLUELLES, Didier, Droit des obligations, 2e éd., Montréal,
Les Éditions THÉMIS, 2012
................................................51
MARTEL, Paul, La société par actions au Québec – Les
aspects juridiques, vol. 1, Montréal, Éditions Wilson &
Lafleur, Martel Ltée (mis à jour en mars 2015)
.................................30,32,44,52
McGUINNESS,
Kevin
P.,
Canadian
Business
Corporations Law, 2e éd., Markham, LexisNexis Canada
Inc., 2007
................................................57
ROCH, Hervé, Donations, testaments, exécuteurs
testamentaires, coll. « Traité de droit civil du Québec »,
Tome cinquième, Wilson & Lafleur, Montréal, 1953
................................................53
ROYER, Jean-Claude, La preuve civile,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008
4e
éd.,
................................................61
STOUT, Lynn A., « On the Nature of Corporations »,
(2005) U. Ill. L. Rev. 253
................................................40
WEGENAST, F.W., The Law of Canadian Companies,
Toronto, Carswell, 1979 (réédition de l’édition de 1931)
................................................36
_______________