Racialisation, religion et genre : quand l

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Racialisation, religion et genre : quand l
Racialisation, religion et genre : quand l’intersectionnalité prend corps, elle vit en
banlieue
Colloque international « Le religieux au prisme de l’éthnicité et de la racisation »
Nanterre, 17-18 spt 2014
Fatima KHEMILAT, Doctorante CHERPA
Aucun fait social n’est un isolat. Les controverses autour de la visibilité du fait religieux
musulman ne dérogent pas à cette règle de l’imbrication étroite des identités. Appréhender le
fait religieux musulman, dans sa dimension factuelle ou polémique ne saurait ainsi faire
l’économie de la pluridisciplinarité et ce afin d’adopter une vision la plus cynoptique possible
seule à même de mettre au jour des processus de racialisation du fait religieux (visibles dans les
insultes adressées aux convertis telle que « sale arabe ») et de confessionnalisation de l’ethnicité
(ce que Nicolas Sarkozy a qualifié de « musulman d’apparence »). La figure de la femme
musulmane voilée cristallise les crispations et l’interpénétration des processus de racialisation
et de confessionnalisation tout en y agrégeant une autre donnée, liée mais autonome, la question
du genre. Nonobstant, cette dernière ne serait épuisée à elle seule la matérialisation, ou
« substantification » de l’intrication des rapports de race, de genre et de religion.
Il semble indispensable de la sorte de ne pas déterritorialiser ces mécanismes qui loin
d’évoluer dans le ciel abstrait et immatériel des discours s’incarnent dans des territoires
stratégiquement circonscrits. Il existe en effet des espaces de matérialisation de cette
intersectionnalité, espaces que nous pourrions qualifier, un peu sur le modèle des espaces de
« tolérance » de prostitution, de « red light districts ». Ce qui est communément appelé
« banlieue » en est en quelque sorte l’idéaltype. Ces espaces concentrent les lieux de pratique
de l’islam (mosquées, hangars aménagés, écoles coraniques), les personnes racisées identifiées
comme musulmanes pour partie et la majorité des femmes voilées partiellement ou
intégralement. Cette « concentration » territorialisée de ce qui est présentée comme « l’altérité »
n’est pas anodine. Ces espaces à travers les agents sociaux racisés, confessionalisés qui s’y
meuvent, deviennent de véritables catalyseurs de ce que nous avons choisi d’appeler
« l’impureté du système ». En d’autres termes, l’ensemble des plaies sociales, ou problèmes
sociaux seraient du fait de ses populations qui concentrent des stigmates. Le machisme
découlant de la « culture » de ses habitants (voire « civilisation » comme le disait Claude Guéant
en février 2012) mais aussi de leur religion -dont le voile est devenu l’étendart- s’exprimerait
de façon paroxystique dans les banlieues. A cela s’agrège, l’antisémitisme présumé des
musulmans ou des « jeunes de banlieue » (comme le disait A. Finkelkraut), la violence,
« l’islamofascisme » dont le djihadisme serait une des branches etc.
Dans cette communication il s’agira donc d’analyser les processus de concaténation des
identités mais aussi leur territorialisation à des fins stratégiques, celle de dédouaner un système
socio-politique en créant un épouvantail, le jeune musulman arabe ou noir des banlieues ou son
pendant la jeune musulmane voilée opprimée ou provocatrice. L’émergence d’un racisme ou
d’une islamophobie respectable ne peut alors se comprendre qu’à l’aune de ces dynamiques
plurifactorielles.