Halles:Griffe noire:L_EXPRESS

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Halles:Griffe noire:L_EXPRESS
21/27 SEPT 11
Hebdomadaire Paris
OJD : 436702
29 RUE DE CHATEAUDUN
75308 PARIS CEDEX 9 - 01 75 55 10 00
Surface approx. (cm²) : 1226
N° de page : 118-120
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LIVRES
Gérard Collard,
le franc - lecteur
Familier des plateaux télé et tranche dans ses avis, le libraire du Val-de-Marne
est porté aux nues ou abhorré. Portrait d'un trublion.
DELPHINE PERAS
our ce bouquin, il me
faut du Collard ! »
tonne le responsable
commercial d'une
grande maison lors
d'une réunion interne. « C'est quoi
"du Collard" ? » s'enquiert à voix
basse une attachée de presse débutante. Ses collègues la charrient :
il s'agit évidemment d'obtenir
le soutien de Gérard Collard, l'un
des patrons de la Griffe noire, à
Saint-Maur-des-Fossés (Val-deMarne), une librairie parmi les
plus florissantes de France.
Look punk-rock, le verbe haut et
la dent dure, prompt à encenser
comme à assassiner, ce trublion est
devenu le chouchou de nombreux
éditeurs tant ses interventions passionnées à la télévision (Les coups
de cœur des libraires, sur LCI, Le Magasine de la santé, sur France 5) et
à la radio (A livre ouvert, sur France
Info) l'ont rendu prescripteur.
« Gérard Collard a vraiment lancé
nos polars », témoigne François
Verdoux, cofondateur des jeunes
éditions Sonatine, qui sait gré
au libraire de s'être emballé pour
Au-delà du mal, de Shane Stevens
-150 ooo exemplaires vendus
depuis 2009. Aux Presses de la
Cité, on le remercie encore d'avoir
défendu Le Vieux qui ne voulait
pas fêter son anniversaire, premier
roman drolatique de Jonas Jonasson, un Suédois inconnu, désormais best-seller. Deux exemples
parmi beaucoup d'autres...
>
P
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« Je parle comme M. Tout-lemonde, les gens me comprennent »,
estime Gérard Collard, chaleureux,
drôle, que l'on sent flatté, mine de
rien, d'attirer enfin l'attention
de la presse. C'est toute l'ambivalence de cet énergumène qui
s'enorgueillit de sa totale liberté
et se fait fort de « ne pas appartenir à ce monde très bourge de
l'édition », tout en déplorant, à
demi-mot, un certain ostracisme
à son encontre. La preuve : le Salon
international du livre au format de
poche qu'il a lancé à Saint-Maur,
sa grande fierté, abeau avoir attiré
25 DOO visiteurs pour sa 3e édition
en juin, les retombées médiatiques
ont été chiches. « Je ne fais pas partie du milieu », assure cette grande
gueule qui passe tout de même ses
vacances à Majorque avec son amie
Marina Carrère d'Encausse, l'animatrice du Magazine de la santé,
et sa mère Hélène, secrétaire perpétuel de l'Académie française.
Laquelle beurre volontiers les tartines du libraire au petit déjeuner,
PRESCRIPTEUR
«Je parle comme
M. Tout-le-monde »,
se flatte le maître
de La Griffe noire,
qui guide ses clients
en affichant
conseils et critiques
- parfois très dures... partout dans
sa librairie.
et l'enjoint de ne rien changer à
son débit hasardeux à l'antenne :
« C'est tout votre charme », lui
a confié l'historienne BCBG du
Quai Conti.
Ce bosseur acharné, qui dit dormir quatre heures par nuit, célibataire et sans enfant, est né au
Perreux en 1952. Fils unique, issu
« d'un milieu modeste » (on n'en
saura guère plus), il a voulu créer
une librairie « qui ne ressemblait
pas aux autres ». Pas question d'imiter ces libraires « qui parlaient
comme des profs de français ». Son
pari : « Convaincre ceux qui lisent
peu, ou ne lisaient plus. Le libraireécrivain-frustré-journaliste-raté,
ce n'est pas mon truc. Je préfère
dire une connerie que je pense plutôt qu'une chose intelligente que
je ne pense pas. » Volubile et entier,
notre homme ne s'embarrasse pas
de circonlocutions devant un
micro : « génial », « énorme », « fantastique », « à lire d'urgence »,
« mythique », etc. Autant de superlatifs surlignés, voire en capitales,
qui prolifèrent également sur la
multitude de pancartes colorées
ornant sur les murs de la Griffe
noire - qu'il a créée en 1987 avec
son ami Jean Casel et baptisée ainsi
en clin d'œil à l'un des albums d'Alix,
la BD culte de Jacques Martin.
« J'assume. Mon seul but, c'est
que les gens lisent le bouquin que
j'aime et me disent qu'il a changé
leur vie. Tous les moyens sont
bons. » Et tous les coups sont permis pour tirer à vue sur ses têtes
de Turc : « Houellebecq, c'est
Eléments de recherche : TOUT AUTOUR DES HALLES QUAND FINISSAIT LA NUIT : livre de Gérard Landrot aux éditions L'Éditeur, toutes
citations
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OJD : 436702
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Eléments de recherche : TOUT AUTOUR DES HALLES QUAND FINISSAIT LA NUIT : livre de Gérard Landrot aux éditions L'Éditeur, toutes
citations
21/27 SEPT 11
Hebdomadaire Paris
OJD : 436702
29 RUE DE CHATEAUDUN
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COUPS DE CŒUR
•fr Je ne suis pas
celle que je suis,
par Chahdortt Djavann
(Flammarion).
•fr Wen n'est trop
beau, par Rona Jaffe
(Presses de la Cité)
•fr En mémoire de
la forêt, par Charles
T. Powers (Sonatine)
•fr loyer, par Gardner
McKay (Cherche Midi).
•fr Tout autour des
Ha//es quand finissait
la nuit, par Gérard
Landrot (L'Editeur)
COUPS DE GRIFFE
•fr L'Equation
africaine,
par Yasmina Khadra
(Julhard) : «gonflant».
•frC/èves,
par Marie Darrieussecq
(P.O.L):«chiant».
•frFreedom,
par Jonathan Franzen
(L'Olivier):
«surestimé».
•fr L'Art français
de la guerre,
par Alexis Jenni
(Gallimard) :
«fabriqué».
•fr Pour mémoire
par Mazarine Pingeot
(Julliard). « indécent»
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comme l'équipe de foot en
Afrique du Sud on a paye pour
pas grand-chose », indique-t-il a
propos de La Carte et le territoire.
Sur Colombe Schneck. « Je me
demande comment une fille avec
un prénom aussi leger a pu écrire
un livre aussi lourd.. », balancet-il, goguenard, sur LCL Tres
remonte contre le microcosme
litteraire, Gérard Collard ne boude
pas son plaisir aujourd'hui pour
avoir attribue, au pnntemps, son
« prix Jerôme Garon 2011 » a Ticket
d'entrée, de Joseph Mace-Scaron.
Les criteres : « Ecrire un livre nul
et ennuyeux qu'on a l'impression
d'avoir lu des milliers de fois, et
avoir un grand réseau d'amis qui
vont en dire du bien. Voici un
roman à offrir à son pire ennemi ' »
« ll n'est absolument pas
influençable »
D'aucuns s'offusquent-ils devoir
un ouvrage de Jean d'Ormesson,
de Franz-Olivier Giesbert, ou
en ce moment le dernier roman
de Mazarine Pingeot, disposes
dans la cuvette de WC qui trône
dans la vitrine de sa librairie ?
« Mon outrance correspond a l'outrance des louanges dont bénéficient certains livres On est dans
une societe de l'image. » D'où l'activisme de Gerard Collard sur
le site et le blog de sa librairie,
dont la page Facebook compte
près de 3 ooo amis lin art du marketing que cet ex-étudiant en sociologie a Vincennes a acquis auprès
du puissant André Berthet, libraire
a Nogent-sur-Marne, dans les
annees 1980. « Un ancien charcutier, gestionnaire avant tout,
qui en a bluffe plus d'un ' » Ainsi
d'Antoine Gallimard, qui lui a
demande un jour : « Monsieur Berthet, comment faites-vous pour
être le plus gros vendeur de Pléiade
de France ? » Réponse : « Quand
on sait vendre du boudin, on sait
vendre des Pléiade ' » Sourire pince
de l'éditeur, jubilation de Collard
au souvenir de cette anecdote.
« Berthet nous a inculqué cette
règle : tout client qui entre dans
la librairie doit ressortir avec un
livre ; tout client qui entre dans la
MÉDIATIQUE Gérard Collard, a LCI Une outrance assumée.
librairie en sachant ce qu'il veut
doit ressortir avec deux livres ' »
Message reçu : en vingt-cinq ans,
la Griffe noire est passée de 50 à
400 metres carres, emploie 12 personnes et engrange 3,5 millions
de chiffre d'affaires. Maîs la
« méthode » Collard fait grincer
des dents « II est imbu de luimême et joue finalement le systeme médiatique », dénonce un
éditeur « Sa vulgarité m'a insupporté », soupire un autre. « Maîs
il n'est absolument pas influençable », souligne une attachée de
presse. A ses risques et périls..
C'est ainsi que Gerard Collard a
vu disparaître sa chronique dans
Elle après qu'il y eut conseille a
Christine Angot d'aller chez le psy
plutôt que d'ecnre des livres. Même
culot dans l'émission de Bernard
Rapp, Caractères, ou il fit son baptême cathodique en 1992, s'attaquant d'emblée a Marguerite
Duras d'une formule assassine :
« L'écrivain buvait, les lecteurs
trinquaient. » De l'art de se faire
remarquer... Patrick Poivre d'Arvor l'enrôle sur Vol de nuit - « Vol
d'ennui, comme on disait dans le
milieu », ironise aujourd'hui le
libraire, un peu gêne. Lorsqu'il
quitte l'émission, au bout de deux
ans, la productrice Anne Barrere le prévient : « Quand on quitte
PPDA, on ne fait plus de télevision. » Raté. Marina Carrère d'Encausse lui propose une chronique
hebdomadaire. Gerard Collard
est également recrute par Valéne
Expert. « Ses choix sont inattendus », note la journaliste, qui
anime désormais Les coups de cœur
des libraires et A livre ouvert. Tel
cet essai costaud, Churchill a Yalta,
de Michael Dobbs, que Collard
a promu avec véhémence.
« Gérard fait des envieux car il
a les moyens de sa liberte, précise
Valéne Expert. Il aimerait cependant plus dè reconnaissance pour
notre travail. Ça l'horripile de lire
un article sur les emissions de télévision qui font \endre des livres
sans que rn la nôtre ni Le Magazine de la sante soient cités. »
A croire que, dans notre pays,
populaire ne nme pas facilement
avec littéraire. • o. p
Eléments de recherche : TOUT AUTOUR DES HALLES QUAND FINISSAIT LA NUIT : livre de Gérard Landrot aux éditions L'Éditeur, toutes
citations