Inauguration officielle des nouveaux locaux du Centre européen

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Inauguration officielle des nouveaux locaux du Centre européen
EUROPEAN CENTRE
FOR
C ENTRE EUROPÉEN
MODERN LANGUAGES
POUR LES
LANGUES VIVANTES
Mozarthof, Nikolaiplatz 4, A-8020 Graz, Tel. +43-316-32 35 54, Fax: +43-316-32 35 54 4, e-mail: [email protected]
Inauguration officielle des nouveaux locaux
du Centre européen pour les langues vivantes
(CELV)
(Graz, Autriche, 17-18 novembre 2000)
Débat:
Dans quelles langues vivront nos enfants et petits-enfants?
Langues: leur usage et leur rôle dans la société
Modération: Rolf Schärer
© Juin 2001
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Table des matières
Allocutions d’ouverture
Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe...............7
Michel Lefranc, Directeur exécutif du CELV .........................................11
Table ronde .......................................................................................13
Communication liminaire
Rolf Schärer, modérateur ........................................................................15
Discussions .................................................................................... 25
Contributions .......................................................................................29
Quelles langues nos enfants et nos petits enfants parleront-ils?
Nicki Bos, Fondation culturelle européenne, Amsterdam,
Coordonnateur du projet «Quelles langues pour Europe?» ...................31
L’avenir de nos langues: le point de vue d’un linguiste
Ranko Bugarski, Université de Belgrade,
République fédérale de Yougoslavie........................................................35
Contribution de l’ESIB The National Unions of Students in Europe
Manja Klemencic, ESIB, Slovénie ...........................................................39
Une brève contribution à la réflexion
sur la connaissance des langues étrangères
Alain Mouchoux, ETUCE, France...........................................................45
3
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
In jeder Sprache sitzen andere Augen
[Chaque langue a d'autres yeux]
Herta Müller, Allemagne /Roumanie.......................................................47
La dimension internationale de la profession médicale:
les médecins se comprennent-ils?
Todor A. Popov, Université de médecine de Sofia, Bulgarie.............53
“Unius linguae uniusque moris regnum imbecile et fragile est”
Joseph Poth, Unesco, France ..................................................................57
Combien de langues...
Tove Skutnabb-Kangas, Université de Roskilde,
Département « Langues et Cultures », Danemark .............................. 61
Annexes ..............................................................................................67
Annexe 1: Liste des participants .................................................... 69
Annexe 2: Programme.................................................................... 89
Annexe 3: Biographies ................................................................... 93
4
Allocutions d’ouverture
(Graz, le 17 novembre 2000)
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Allocution d’ouverture
Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame Landeshauptmann Klasnic,
Monsieur le Maire Stingl,
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un grand plaisir d'ouvrir la cérémonie d’inauguration des
nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes (CELV) qui
célèbre aujourd’hui son cinquième anniversaire. Je suis convaincu que grâce à
ces excellentes installations, le Centre pourra à l’avenir et dans les nombreuses
années à venir répondre encore mieux aux besoins de ses partenaires.
Il est tout à fait approprié que cette inauguration se déroule au seuil de l’Année
européenne des langues dont la préparation est en cours de finalisation. Cette
initiative du Conseil de l’Europe soulève un intérêt et un soutien à grande
échelle. Nous sommes heureux que l’Union européenne nous rejoigne dans
cette campagne et nous nous réjouissons du soutien actif de l’Unesco.
L’Année marquera l’apogée de trois décennies de travaux fructueux dans le
domaine des langues. Le rôle pionnier joué par le Conseil de l’Europe en
matière d’innovation dans le domaine de l’enseignement des langues est
largement reconnu. Je suis sûr que le Centre contribuera à consolider cette
réputation.
Aujourd’hui comme à l’avenir, nos travaux s’appuient sur la politique du
Conseil de l’Europe dont les principes sont les suivants:
−
l’apprentissage des langues est aujourd’hui un DROIT et une
NÉCESSITÉ pour TOUS en Europe. Toute personne devrait avoir la
possibilité de saisir les opportunités de travail et de loisirs qu'une
connaissance des langues rend possibles;
7
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
−
les compétences en communication allant au-delà des frontières
linguistiques et culturelles sont essentielles en vue de maintenir la PAIX
et la STABILITÉ dans nos sociétés multiculturelles.
Pour cette raison, le message du Conseil de l’Europe est clair et simple:
−
l’Europe est et restera multilingue et multiculturelle.
En conséquence, le Conseil de l’Europe saisira l'occasion unique représentée
par l’Année européenne des langues pour faire circuler ce message auprès de
l’ensemble de nos citoyens.
Nous devons apprendre PLUS de langues; la Recommandation n° R (98) 6 du
Comité des Ministres préconise qu’outre la langue maternelle, un certain niveau
de connaissance est souhaitable dans au moins deux autres langues.
Nous devons DIVERSIFIER le choix des langues proposées aux étudiants; une
lingua franca est utile mais insuffisante sur notre continent multilingue; nous
devrions célébrer et promouvoir activement cette diversité linguistique, afin de
la faire apparaître comme une richesse plutôt que comme une barrière à la
communication.
Par ailleurs, nous devons améliorer la qualité de l’enseignement et de
l’apprentissage des langues si nous voulons utiliser au mieux notre temps et nos
ressources limités. Le Conseil de l’Europe doit intensifier son travail dans deux
domaines-clés:
−
d’une part, le développement et la mise en oeuvre d’instruments
permettant la conception de politiques et la mise en place de normes;
−
d’autre part, la mise en oeuvre efficace et concrète de politiques dans
l’enseignement des langues.
Le Conseil de l’Europe a la chance de bénéficier de deux organes
complémentaires susceptibles de soutenir les Etats membres dans ces deux
domaines: la Division des langues vivantes à Strasbourg et le Centre européen
pour les langues vivantes, ici à Graz.
La Division des langues vivantes à Strasbourg est responsable du
DÉVELOPPEMENT de politiques, ce qui inclut des normes communes et des
instruments connexes pour les Etats représentés au sein du CDCC. Au cours de
l’Année européenne des langues, la Division lancera un cadre commun pour la
mise en place de normes et l’évaluation des résultats atteints dans
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
l’enseignement des langues. Par ailleurs, elle lancera un Portfolio européen des
langues – un document conçu pour les citoyens avec un passeport linguistique
commun compréhensible au niveau international. Le Portfolio précisera les
différentes connaissances en langues, y compris celles acquises en dehors du
système éducatif formel. Il encouragera les citoyens à diversifier leurs
connaissances en langues dans le cadre de leur apprentissage tout au long de la
vie.
En étroite coopération avec Strasbourg, dont il est le complément, et dans le
cadre de sa mission, le CELV est chargé de la MISE EN PLACE des politiques.
Le rôle du CELV est crucial, car il ne peut y avoir d’innovation réussie sans
bonne pratique en salle de classe et sans formation appropriée des enseignants.
Les ateliers et les réseaux de démultiplicateurs nationaux du CELV abordent
une gamme de domaines-clés aussi vaste que diversifiée. Ceci inclut par
exemple l’utilisation des nouvelles technologies, les langues dans le cadre des
villes jumelées, l’apprentissage des langues de nos pays voisins,
l’alphabétisation multilingue, la sensibilisation aux langues et aux cultures.
Certes, le CELV est rapidement en train d’acquérir une importante réputation de
centre de formation des enseignants et de centre de ressources pour la diffusion
de bonnes pratiques. Un autre avantage est lié au fait d’être un Accord partiel; à
ce titre, le Centre bénéficie d’une certaine flexibilité pour répondre aux besoins
spécifiques et pour aider les pays voisins à développer une étroite coopération.
Cette institution est, tant sur le plan symbolique que stratégique, très proche du
centre de l’Europe.
Le Centre offre un cadre unique pour partager des expériences au-delà des
frontières linguistiques et culturelles. Il s’est élargi rapidement et en peu de
temps. Le Conseil de l’Europe exprime toute sa gratitude aux Autorités
autrichiennes dont le soutien et l’engagement ont permis d’établir la base
nécessaire à cette expansion. Nous tenons également à remercier les vingt-huit
Etats membres qui ont joué un rôle actif dans le développement de la mission
potentielle du Centre. Nous espérons que de nombreux autres Etats viendront
encore rejoindre le CELV et sommes confiants que l’Année européenne des
langues offrira l’occasion au Centre de s’élargir davantage.
Le débat qui aura lieu demain matin permettra de faire le point sur les
répercussions sur le plan des politiques linguistiques des changements de plus
en plus rapides ayant lieu dans les sociétés en Europe. Sous l’angle de la
globalisation et des forces du marché, on assiste à une transition vers une
nouvelle phase plus radicale; il faudra veiller à ce que ce mouvement ne menace
pas la diversité linguistique de notre continent. Face à la réaffirmation
9
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
croissante des identités locales, régionales et ethniques, il faudra veiller à ce que
celle-ci ne conduise pas à des ethnocentrismes et au rejet de la différence. Il faut
que le Conseil de l’Europe continue de promouvoir ses valeurs et de défendre le
plurilinguisme et le pluriculturalisme en tant que bases pour une vie commune
harmonieuse. Les connaissances linguistiques sont une compétence centrale
pour assurer la citoyenneté démocratique dans une Europe en paix. Dans ce
contexte, je me réjouis de voir de quelle manière la contribution essentielle du
Centre vise à dissiper les barrières linguistiques et culturelles.
Permettez-moi de réitérer toute ma gratitude envers les Autorités autrichiennes
et envers tous ceux dont le soutien permet cette contribution du Centre.
Félicitons ce dernier pour les résultats atteints à ce jour et formulons le voeu
qu’il saura répondre aux défis du plurilinguisme s’annoncant au seuil de ce
millénaire.
Merci.
10
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Allocution d’ouverture
Michel Lefranc, Directeur exécutif du Centre européen pour les langues
vivantes
Mesdames et Messieurs,
C'est un privilège de pouvoir agir en cette circonstance en maître de cérémonie
et d'introduire les hôtes éminents qui prendront bientôt la parole. C'est aussi un
honneur d'accueillir les Représentants Permanents auprès du Conseil de
l’Europe et les experts issus de plus de trente pays sous le toit de notre nouveau
Centre européen pour les langues vivantes.
Grâce au soutien de beaucoup d'entre vous et spécialement des autorités
autrichiennes, nous avons déménagé d'un beau batiment du XVIIIe siècle, tout
empreint d'harmonie de par sa désignation de Mozarthof situé dans la
Schubertstraße, pour un édifice du XXIe siècle imbibé lui aussi d'harmonie car
longé par la Mur, le fleuve de Graz.
Cette inauguration représente une valeur ajoutée non seulement pour les experts
et les enseignants qui vivent et travaillent quotidiennement dans un monde de
langues et qui tirent directement bénéfice des travaux du Centre, mais
également pour tout citoyen vivant en Europe qui tirera indirectement profit de
ses réalisations en apprenant davantage de langues et en bénéficiant d’un
meilleur apprentissage. En d’autres termes, l’inauguration des nouveaux locaux
contribuera à une meilleure compréhension entre les peuples en Europe en
encourageant le dialogue, la tolérance et la fraternité.
Le Centre est plus qu’un simple lieu voué à la mise en oeuvre de politiques
linguistiques et d’innovations pour le bien des langues; il est surtout un lieu où
les langues sont considérées comme des instruments de sensibilisation et de
médiation culturelles, pour la démocratie et le partage des valeurs humaines sur
lesquels reposent l’existence du Conseil de l’Europe. Le CELV est l’une des
instances décentralisées du Conseil de l’Europe, à près de 900 km de
Strasbourg; à ce titre, le Centre est au milieu des peuples d’Europe tout en étant
proche de l’institution-mère.
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
En tenant compte de la distance qui éloigne le CELV du siège à Strasbourg, j’ai
beaucoup apprécié l’étroite coopération entre le Centre et les instances du
Conseil de l’Europe, notamment la Division des langues vivantes. Le CELV et
la Division des langues vivantes constituent les deux organes du Conseil de
l’Europe oeuvrant dans le domaine des langues vivantes. En effet, il me semble
que le fonctionnement de ce tandem est l’un des plus harmonieux, dévoués,
constructifs et durables existant au sein du Conseil de l’Europe.
12
Table ronde du CELV
(Graz, le 18 novembre 2000)
Dans quelles langues
vivront nos enfants et petits-enfants?
Langues: leur usage et
leur rôle dans la société
Modération: Rolf Schärer
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Communication liminaire
Rolf Schärer
1. Dans quelles langues vivront nos enfants et petits-enfants?
Une question fascinante
car la réponse se situe hors de notre cadre temporel;
−
car elle nous interroge sur notre identité et nos valeurs;
−
−
car elle soulève le problème de la responsabilité.
Une question qui intrigue
car elle nous oblige à réfléchir sur la qualité de la vie humaine;
−
car elle implique de définir les conditions d’une société juste et prospère;
−
car elle soulève la question du progrès et du coût du progrès.
−
Une question sans réponse
car l’avenir nous est inconnu;
−
car nous sommes incapables de prédire ce qui se passera;
−
car nous risquons de ne pas être préparés à entendre la réponse.
−
Concentrons-nous sur trois questions connexes:
A.
Les langues sont-elles des richesses ou des outils?
B.
Dans quelles langues souhaiterions-nous que vivent nos enfants et petitsenfants?
C.
Les réponses sont-elles entre nos mains?
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
2. Les langues sont-elles des richesses ou des outils?
Je suis convaincue que la langue est le moyen d’harmoniser la pensée
avec les connaissances et la vision du monde d’une culture donnée, d’un
peuple, qui les a héritées de ses ancêtres, et que la langue permet de les
transmettre aux générations suivantes.
Rigoberta Menchù Tum, Prix Nobel de la paix 19921
Une langue est-elle une richesse ou un outil?
Peut-être ni l’une ni l’autre, du moins pas exclusivement.
Cependant, un gouffre semble séparer les positions des « humanistes », des
« responsables politiques » et des « praticiens ».
Cela a-t-il de l’importance?
Oui, car l’interdépendance se renforce rapidement et au niveau mondial.
Alors que la mondialisation des activités économiques et technologiques fait
l’objet d’un vaste débat, nous commençons seulement à nous rendre compte des
conséquences qu’a l’interconnexion des décisions et des actions à l’échelle de la
planète sur les autres domaines de l’activité humaine et de la vie publique et
privée.
La manière dont nous traitons les langues influence le développement humain et
la croissance économique et nos chances de construire une société juste dans un
monde en mutation rapide.
Compte tenu des conflits d’intérêts et de l’inégalité des chances, des efforts
soutenus sont nécessaires pour identifier clairement les défis mondiaux et
trouver des solutions communes, même si elles semblent parfois utopiques.
1
(Extrait d’une lettre envoyée à l’occasion de la proclamation de la Déclaration
universelle des droits linguistiques, le 6 juin 1996, à Barcelone.)
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3. Les langues sont-elles des richesses ou des outils?
Un point de vue politique
Learning: the treasure within
[L’éducation: un trésor est caché dedans]
Unesco, Education for the twenty-first century, 1996, page 51
Nous devons être guidés par l’objectif utopique de faire avancer le monde vers
une plus grande compréhension mutuelle, un plus grand sens des responsabilités
et plus de solidarité, en acceptant nos différences spirituelles et culturelles.
Les déclarations politiques concernant les langues sont très nombreuses. Toutes
semblent plus ou moins utopiques.
Exemples:
−
« Toutes les communautés linguistiques sont égales en droit. »
(article 10-1 de la Déclaration universelle des droits linguistiques, 1996,
Barcelone).
−
Article 7 de la Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1992, Série des Traités
européens n° 148:
1.a
« la reconnaissance des langues régionales ou minoritaires en tant
qu’expression de la richesse culturelle »;
1.d
« la facilitation et/ou l’encouragement de l’usage oral et écrit des
langues régionales ou minoritaires dans la vie publique et dans la
vie privée ».
Recommandation N° R (98) 6 du Comité des Ministres aux Etats membres
concernant les langues vivantes, Conseil de l'Europe, mars 1998
−
Article 2 de l’annexe: « Promouvoir un plurilinguisme à grande échelle ».
Que ces déclarations soient utopiques ou non, ce qui les rapproche, c’est que
nous semblons les approuver en principe, mais qu’elles sont difficiles à mettre
en pratique, et le degré de priorité qui leur est accordé diffère beaucoup.
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4. Les langues sont-elles des richesses ou des outils?
Un point de vue utilitaire
La croissance économique, la bonne gestion des ressources et le progrès
technologique sont les conditions du progrès (et du bonheur).
Une langue véhiculaire permet une communication efficace et rentable.
Il importe de s'adresser aux clients dans leur langue pour maximiser les ventes.
Et un contraste
Dans leur vie privée, les individus peuvent utiliser la langue de leur choix.
On dit que l'argent fait tourner le monde. Par conséquent, les intérêts
commerciaux semblent dominer le débat sur les langues.
La Tribune de Genève présente la question de la manière suivante
(3 novembre 2000):
−
Pour Ruth Dreifuss [ministre suisse], les Suisses n'ont pas besoin de
l'anglais précoce.
−
Des pédagogues veulent multiplier les langues pour les très jeunes
enfants.
−
La Suisse doit choisir entre utilité économique et cohésion nationale.
Ce sont des aspects d'un débat passionné qui a lieu en Suisse sur la place de
l'anglais par rapport aux langues nationales dans le système éducatif.
Comme souvent dans les débats passionnés, l'arbre risque de cacher la forêt.
Les langues sont des outils importants, utilisés dans des buts précis.
Nous, adultes, rappelons-nous que les enfants utilisent les langues pour jouer et
découvrir le monde, et que pour eux, c'est une occupation sérieuse.
Nous, adultes arrivistes, rappelons-nous que les enfants nous apprennent qu'on
obtient de meilleurs résultats lorsqu'on traite une affaire sérieuse en faisant
preuve de générosité et d'ouverture d'esprit et en étant détendu.
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
5. Dans quelles langues souhaiterions-nous qu’ils vivent?
Une langue du respect et de la tolérance?
Une langue des affaires et de la réussite?
Une langue de l'identité sociale?
Une langue de la domination?
Une langue de la pensée?
Une langue de l'agressivité?
Une langue de la solidarité?
On estime qu'environ 6 000 langues sont parlées dans le monde, et qu'environ la
moitié d'entre elles disparaîtront au cours de ce siècle.
Dix langues sont les langues maternelles de la moitié environ de la population
mondiale.
L'anglais, en tant que langue maternelle, deuxième langue ou langue étrangère,
est parlée par un habitant de la planète sur cinq, et cette proportion est en
augmentation.
Pourtant, la majorité des gens vivent toujours dans d'autres langues.
Devons-nous par conséquent adopter un modèle selon lequel les gens vivraient
dans leur langue d'origine et utiliseraient l'anglais comme langue véhiculaire?
Est-ce souhaitable et réalisable?
Il semble que les choses ne soient pas aussi simples. Les langues sont parlées
non seulement par des individus, mais aussi par des groupes sociaux plus ou
moins nombreux, qui vivent sur un territoire défini ou parmi d'autres groupes
linguistiques.
Nous nous retrouvons face aux questions des fonctions de la langue et des
valeurs et priorités des personnes et des groupes.
Il semble important, pour l'avenir de nos enfants et petits-enfants, de préciser les
qualités que les langues doivent posséder et transmettre.
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
6. Dans quelles langues souhaiterions-nous qu’ils vivent?
La langue de la Toile!??
I’m your life and I no longer care [Je suis ta vie et je ne m'en soucie plus]
I’m your dream, make you real [Je suis ton rêve, te donne une réalité]
I’m your eyes when you must steal [Je suis tes yeux quand tu dois voler]
I’m your pain when you can’t feel [Je suis ta douleur quand tu ne peux
rien éprouver]
Sad But True [Triste mais vrai]
Metallica
Dans quelles langues veulent-ils vivre?
Les jeunes sont attirés par tout ce que propose la Toile, qui facilite l'accès à leur
propre monde.
Souvent, parents et enseignants estiment que la langue employée est de
médiocre qualité et déplorent son influence sur les enfants.
Certes, des propos agressifs et vulgaires peuvent être – et sont souvent –
diffusés sur la Toile. Cependant, la majeure partie des contenus sont poétiques
et reflètent les vraies questions qui se posent aux jeunes générations.
Il convient peut-être de faire remarquer ici que la qualité de l'anglais comme
langue véhiculaire dépendra moins de son utilisation sur la Toile que de la
compétence des enseignants d'anglais et de l'aide qu'ils recevront pour
accomplir leur difficile mission.
Après tout, leur mission est d'amener des apprenants nombreux à se sentir bien,
et même chez eux, dans leur langue véhiculaire.
7. La réponse est-elle entre nos mains?
Le roi et le sage
Une vieille légende
−
Homme sage, est-il vrai que vous connaissez toutes les langues du
monde?
−
Oui, sire.
−
Est-il vrai que vous écoutez les oiseaux et que vous comprenez leur
chant?
Oui, sire.
−
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
−
−
−
−
−
−
Que vous savez interpréter la forme des nuages?
Oui, sire.
Que vous pouvez même lire les pensées des gens?
Oui, sire.
Dans mes mains, derrière mon dos, j’ai un oiseau. Est-il mort ou
vif?
La réponse, sire, est entre vos mains.
Cette légende est racontée dans la préface de la Déclaration universelle des
droits linguistiques (comité d’accompagnement, Barcelone, 1998). La préface
se termine par l’affirmation suivante: « La réponse est entre nos mains. »
Pouvons-nous en être sûrs?
−
Comment ferons-nous face à l’augmentation constante de la population
mondiale?
−
Comment répartirons-nous et utiliserons-nous des ressources limitées
(l’eau, par exemple)?
−
Comment réagirons-nous à l’augmentation de la pression migratoire?
−
Comment réagirons-nous au « progrès » (manipulation génétique,
clonage)?
−
Comment utiliserons-nous
centrales)?
−
Quels effets aura l’augmentation de la température à la surface du globe?
la
technologie
(ordinateurs,
médias,
Il semble que nous n’ayons guère d’influence sur ces facteurs essentiels.
Alors, que pouvons-nous faire?
8. La réponse est-elle entre nos mains?
Language Death, David Crystal, Cambridge University Press 2000
Devons-nous nous inquiéter de la mort des langues? Nous nous trouvons
dans une situation paradoxale: les langues disparaîtront si nous ne faisons
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
rien; mais en réalité, elles risquent de disparaître même si nous faisons
quelque chose.
Selon David Crystal, nous devrions nous inquiéter pour les raisons suivantes:
−
−
−
−
−
car nous avons besoin de la diversité;
car les langues expriment l’identité;
car les langues sont les dépositaires de l’histoire;
car les langues enrichissent les connaissances humaines;
car les langues sont intéressantes en elles-mêmes.
Et David Crystal indique ce qui peut être fait:
Une langue menacée progresse si ses locuteurs:
−
−
−
−
−
−
augmentent leur prestige au sein de la culture dominante;
augmentent leur richesse par rapport à la communauté dominante;
renforcent leur pouvoir légitime aux yeux de la communauté dominante;
sont très présents dans le système éducatif;
peuvent écrire leur langue;
savent se servir des outils informatiques.
Il est intéressant de noter que David Crystal nous propose une liste de choses à
faire nous-mêmes.
Mais l’« auto-assistance » risque de ne pas suffire.
9. La réponse est-elle entre nos mains?
Promotion du plurilinguisme et de la compréhension mutuelle:
−
−
−
−
la Division des langues vivantes;
un Cadre européen commun de référence;
un Portfolio européen des langues;
le CELV à Graz.
Le Conseil de l'Europe et ses Etats membres estiment:
−
que le riche patrimoine formé des diverses langues et cultures d’Europe
est un bien commun précieux, qu’il convient de protéger et de
promouvoir;
22
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
−
qu’il est nécessaire de prendre des mesures énergiques sur le plan éducatif
pour que cette diversité ne soit plus un obstacle à la communication, mais
une source d’enrichissement et de compréhension mutuels.
La Division des langues vivantes joue un rôle moteur dans le cadre de cette
mission importante et créative.
Un Cadre européen commun de référence pour l’apprentissage, l’enseignement
et l’évaluation des langues vivantes a été conçu et expérimenté. L’objectif est
d’améliorer la transparence et la cohérence en matière d’apprentissage et
d’homologation des compétences.
Les ministres de l’Education des Etats membres viennent de recommander de
diffuser et de mettre en œuvre le Portfolio européen des langues (PEL). Le PEL
appartient à l’apprenant, valorise toutes les compétences et se fonde sur le
Cadre européen commun de référence.
Enfin, le CELV contribue beaucoup à la mise en œuvre des politiques. C’est un
outil de formation et de développement et un poste avancé qui soutient les
professionnels des langues partout en Europe.
10. La réponse est-elle entre nos mains?
−
La réponse est-elle entre nos mains?
Pour terminer, permettez-moi de vous raconter l’histoire d’un autre roi et d’un
autre oiseau.
Le roi avait bien des raisons d’être triste et malheureux.
Un jour, il rencontra un oiseau appelé Bonheur.
Le roi lui proposa de venir habiter dans son château, mais l’oiseau répondit:
« Je ne me plais pas partout », et il s’envola.
A la consternation du roi, l’oiseau tomba gravement malade lorsqu’il l’obligea à
rester dans son château, et ni l’or ni la flatterie ne parvenaient à le guérir.
Lorsque le roi demanda à l’oiseau ce qui n’allait pas, l’oiseau lui répondit:
« Tu ne comprends pas et tu ne veux pas comprendre ».
23
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Les yeux remplis de larmes, le roi rendit sa liberté à l’oiseau. On raconte que
Bonheur, l’oiseau, vole toujours autour du monde …
et qu’il se pose parfois, ici ou là, …
mais qu’il ne se plaît toujours pas partout.
Peut-être que notre tâche n’est pas tant de prédire et d’influencer l’avenir.
Nous devrions nous sentir responsables d’une autre façon envers nos enfants et
petits-enfants. Le but est de créer et de maintenir des conditions dans lesquelles
ils puissent vivre dans les langues où ils se sentent estimés, chez eux, et parfois
heureux.
Je souhaite au CELV beaucoup de débats riches et constructifs dans cette
splendide nouvelle maison.
24
Discussions
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Questions pour la discussion
1ER TOUR
−
A quoi donner la priorité, compte tenu des projets politiques et des
ressources limitées?
−
Les participants sont-ils d’accord pour dire que la première langue
étrangère devrait être la langue ou les langues des voisins, étant donné
que l’apprentissage de l’anglais va de soi?
−
Combien de temps l'anglais restera-t-il la langue véhiculaire mondiale, et
quelle pourrait être la prochaine?
−
Ne doit-on pas reconnaître que ce sont toujours les critères utilitaires
(notion d’« outil ») qui sont appliqués – et la notion de « richesse »?
−
Serait-il possible de permettre aux enfants de choisir la langue dans
laquelle ils souhaitent être éduqués/instruits à l’âge de 14 ans (environ)?
2E TOUR
−
L’environnement linguistique des gens est plus diversifié que l’offre du
système éducatif. Comment l’école peut-elle prendre en compte cette
diversité?
−
Diversité linguistique – comment la relier aux questions d’identité
nationale, personnelle?
−
Chaque enfant devrait-il avoir l’occasion d’apprendre l’une des
principales langues?
−
Accepter la diversité des langues, c’est imposer de nouvelles exigences
aux enseignants. Comment les aider à relever ce défi?
−
Accepter la diversité, est-ce que c’est reconnaître que certaines langues
occupent un niveau hiérarchique moins élevé que nous ne souhaiterions?
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Est-il par conséquent souhaitable d’accepter d’acquérir des compétences
partielles?
3E TOUR
−
Comment donner aux enfants suffisamment d’occasions d’être exposés à
de nombreuses langues et de les apprendre?
−
La « langue des jeunes » est très différente de la langue de leurs parents.
Que pensent les participants de cette situation?
−
Comment promouvoir l’apprentissage et l’enseignement des langues et la
formation des enseignants?
−
Le Conseil de l'Europe pourrait-il aider les pays à élaborer leurs politiques
linguistiques nationales, et notamment à mieux coordonner les
programmes concernant les langues maternelle, minoritaire et étrangère?
−
Quelles politiques les gouvernements des pays européens ont-ils adoptées
en matière d’enseignement des langues des populations immigrées?
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Contributions
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Quelles langues nos enfants et nos petits enfants
parleront-ils?
Nicki Bos,
Fondation culturelle européenne, Amsterdam,
Coordonnateur du projet «Quelles langues pour l’Europe?»
Lorsque nous parlons de plurilinguisme, le débat commence souvent au pied de
la tour de Babel. Il est regrettable que l’histoire la plus célèbre sur l’origine des
langues assimile le plurilinguisme au diable, à un châtiment infligé pour punir
l’arrogance. Et il est encore plus regrettable que nombreux sont ceux qui
transposent aujourd’hui cette conception dans le contexte européen.
On ne sait pas ce qui s’est passé après la confusion des langues et la dispersion
des hommes à travers le monde. Mais nous savons, bien sûr, qu’au cours des
siècles, les peuples de différents pays ne se sont pas développés de façon isolée.
Ils ont toujours trouvé, d’une manière ou d’une autre, le moyen de
communiquer si le besoin s’en faisait sentir. Peu de choses ont changé sur ce
plan. Mais les conditions complexes dans lesquelles nous vivons aujourd’hui
vont au-delà du troc, aussi la question qui se pose n’est pas si et quand, mais
comment?
Comment? Tout d’abord en arrêtant de parler de l’Europe comme d’une
deuxième Babylone. C’est inutile, car à l’instar des Babyloniens, nous ne
pouvons pas faire marche arrière et revenir à une langue parfaite, ce qui nous
donnerait uniquement une perception négative de la diversité des langues. Dans
l’Europe où nous vivons, tout comme dans de nombreuses autres parties du
monde, le plurilinguisme est une donne. Le défi énorme qu’il nous faut relever
face à cette réalité est à la fois d’ordre démocratique et pratique. Deux points de
vue diamétralement opposés semblent s’affronter: en fait, une démocratie
absolue n’est absolument pas viable puisqu’elle permettrait à tout un chacun de
s’exprimer dans sa propre langue dans toutes les situations. De même, ce qui est
totalement viable est totalement antidémocratique: en effet, cela reviendrait à
supprimer toutes les langues et à introduire une langue « standard » au travail,
dans la vie publique, à l’école et à la maison. Nous devons, c’est sûr, être en
mesure de trouver un compromis!
31
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
De nombreux débats vont bon train sur l’anglais qui serait par excellence la
langue de l’Europe et du monde. Les hommes considèrent qu’il est efficace
d’avoir une langue « mondiale »; mais dans le même temps, ils ont peur de
perdre leur propre langue et partant leur identité. Une proposition visant à
dispenser un enseignement en anglais dans les universités hollandaises a failli
être acceptée, mais elle a été rejetée lorsque le débat qui s’en est suivi a fait
ressortir une certaine appréhension devant le risque que l’anglais ne devienne la
langue officielle des Pays-Bas. Cette appréhension est-elle bien fondée?
Probablement pas. L’anglais, même s’il devient la lingua franca de l’Europe, ce
qui est fort probable, ne deviendra jamais la seule et unique langue parlée sur
tout le continent. Se distinguer des autres est un besoin humain. L’expansion
géographique et l’intégration semblent, il est vrai, réduire les différences entre
Européens, mais elles ont aussi renforcé le sens de l’identité régionale et par là
même suscité un intérêt pour les langues régionales. Nos identités deviennent
multiples.
D’un point de vue démocratique, il n’est pas souhaitable que l’anglais
prédomine en Europe parce que cette langue favorise les Britanniques et les
Irlandais et désavantage les autres au niveau de la communication et du marché
de l’emploi. Cette évolution est toutefois irréversible. Selon des documents
récents, le nombre de personnes dans le monde qui parlent l’anglais en tant que
deuxième langue est plus élevé que le nombre de ceux dont l’anglais est la
langue maternelle et ces chiffres ne cessent d’augmenter à grande vitesse. Il
s’agit probablement là d’un effet secondaire inévitable de la mondialisation: les
hommes veulent saisir les occasions qui se présentent pour communiquer et il
s’avère que l’anglais est la langue qui se prête de nos jours le mieux à cette fin.
Dans d’autres circonstances, nous aurions peut-être tous étudié le chinois ou
l’espagnol.
Aussi, plutôt que d’épiloguer sur le caractère non démocratique de l’anglais en
tant que lingua franca – ce qui bien sûr est le cas – , ne devrions-nous pas plutôt
concentrer notre attention sur toutes les autres langues qui méritent grandement
notre attention? La prédominance de l’anglais confère une importance encore
plus grande à la diversité des langues qui reflète la richesse du continent, son
histoire et sa culture. Une langue qui se perd, c’est une culture et un mode de
pensée qui se perdent en même temps. Ne devrions-nous pas consacrer toute
notre énergie et nos ressources au développement des autres langues plutôt que
de lancer une croisade contre l’anglais? La domination de l’anglais est déjà un
fait établi en Europe, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de besoin en
d’autres langues. L’an dernier, le marché de l’emploi londonien a eu des
demandes pour 38 différentes langues. Néanmoins, il se peut que la répartition
de ces autres langues change. Le français, l’allemand, l’espagnol et l’italien
32
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
deviendront peut-être moins importants que d’autres langues, car l’importance
d’une langue ne dépend pas forcément de la taille du groupe des personnes qui
s’expriment dans cette langue. Une telle situation pourrait favoriser les langues
minoritaires régionales qui connaîtraient une concurrence moindre avec leur
langue nationale du fait que cette dernière a perdu son importance dans le
domaine de la communication internationale. La perte du statut de langues
« traditionnelles » permettrait également de renforcer le statut des langues des
minorités d’immigrants qui peuvent prendre leur place dans le vaste spectre des
langues européennes sur une base de plus grande égalité. Et enfin, on pourrait se
concentrer davantage sur la communication avec d’autres continents, ce qui
conférerait une importance encore plus grande à des langues telles que le
chinois et l’arabe. Nous sommes en effet encore très loin d’une «anglicisation»
du monde entier.
L’Europe est multiculturelle et multilingue, et elle le restera heureusement
encore longtemps. Bon nombre de personnes sont favorables à la préservation
de cette richesse et il est probable que peu de personnes abandonneraient – sans
même réfléchir – leur propre culture et leur propre langue. Dans un contexte
international, la langue aura peut-être pour fonction première de véhiculer la
culture plutôt que d’être un vecteur de communication. En tout état de cause, il
faut continuer à encourager l’acquisition de langues autres que l’anglais et ces
langues devraient être obligatoires à l’école. Pour vivre dans une société
pluriculturelle, il importe d’être en mesure de penser autrement et d’avoir des
points de vue différents sur la vie. C’est seulement alors que nous serons en
mesure d’appréhender et d’apprécier à sa juste valeur la diversité constitutive de
l’Europe.
33
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
L’avenir de nos langues:
le point de vue d’un linguiste
Ranko Bugarski,
Université de Belgrade, République fédérale de Yougoslavie
Aujourd’hui dans le monde, les langues s’éteignent rapidement, probablement à
la cadence moyenne d’une langue par semaine ou par quinzaine. Selon certaines
estimations fiables, près de la moitié des quelque 6 000 langues existantes sont
d’ores et déjà moribondes, car elles sont utilisées par un petit nombre de
locuteurs, mais ne sont plus transmises aux enfants. La plupart des autres
langues sont, quant à elles, menacées; en d’autres termes, elles sont encore
enseignées aux enfants, mais risquent de s’éteindre d’ici quelques décennies.
Cela signifie que bien plus de 80% des langues pourraient disparaître au cours
des cent prochaines années. On peut donc considérer que seules les 10 à 20% de
langues restantes, moins de 1 000 sans doute, ont un avenir plus ou moins
assuré à long terme, dans la mesure où elles sont parlées par un nombre
suffisant de locuteurs et/ou bénéficient d’un statut institutionnel approprié.
Tout au long de l’histoire de l’Homme, les langues parlées par un grand nombre
de personnes et dominantes sur le plan politique ont eu tendance à supplanter
celles des minorités ethnolinguistiques. Dans les temps modernes, les
principales responsables de ce « linguicide » à grande échelle ont été les
grandes langues impériales comme le mandarin, l’espagnol, le russe et surtout
l’anglais. Dans le monde entier, la situation critique des «petites» langues s’est
aggravée aujourd’hui à l’ère de la communication, de la technologie et de la
mondialisation. Cette situation est assez inquiétante, car la disparition de toute
langue, quelle qu’elle soit, équivaut à la perte d’un instrument unique en son
genre de l’intelligence humaine et de la culture d’une communauté. La mort
d’une langue s’inscrit dans le cadre du processus plus général en cours
d’amoindrissement de la diversité et d’appauvrissement de la richesse globale
de l’humanité. Elle est comparable aux pertes que subit la nature avec
l’extinction d’innombrables espèces animales et végétales.
Que faire pour remédier à cette situation? Le processus de déperdition
linguistique ne saurait être enrayé et encore moins inversé, mais il pourrait peutêtre être ralenti. Il convient ici de faire la distinction entre les aspects
strictement linguistiques du phénomène et ses aspects sociaux plus généraux.
35
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Les premiers sont relativement simples: science des langues et du langage, la
linguistique ne peut à l’évidence que s’inquiéter de la disparition progressive
d’une part aussi importante de son domaine d’étude potentiel. Dans ces
conditions, les linguistes devraient se rendre nombreux sur le terrain pour
enregistrer et garder des traces écrites des langues en voie d’extinction avant
qu’il ne soit trop tard, et élargir ainsi le fondement empirique de la théorie
linguistique.
L’aspect social du problème est beaucoup plus délicat, car ce sont les
communautés locutrices elles-mêmes qui définissent leurs priorités en la
matière, du moins en principe. Or, lesdites communautés n’opèrent pas toutes
les mêmes choix, si tant est qu’elles en ont un. Un grand nombre de langues et
de leurs locuteurs ne peuvent plus être aidés, mais lorsque cela est encore
possible, des problèmes complexes d’ordre psychosociologique et éthique se
posent, au-delà des aspects économiques et politiques les plus manifestes.
Certains, attachés à la tradition, souhaitent préserver leur langue maternelle, qui
est un élément irremplaçable de leur identité ethnique et culturelle. D’autres,
plus pragmatiques, incitent à l’abandon de la langue maternelle défavorisée,
marque de leur appartenance à une minorité et à un statut social peu élevé, et
adoptent la langue de la communauté majoritaire et plus puissante qu’ils
considèrent comme un moyen de promotion sociale. Mais il importe de
souligner ici que le choix n’existe pas nécessairement.
Dans certaines circonstances favorables, il peut être possible de concilier les
avantages des deux options, ce qui permet de neutraliser le conflit entre
tribalisme et construction de la nation; après tout, nous ne souhaitons pas plus
l’établissement de ghettos linguistiques et de « musées culturels » que
l’uniformité anonyme. Grâce à une politique et à des aménagements
linguistiques appropriés et pour autant que la communauté minoritaire s’y
intéresse suffisamment et coopère, on peut faire valoir l’utilité de sa propre
langue en tant que facteur de reconnaissance de son identité personnelle, en
éprouver même une certaine fierté et souhaiter la transmettre aux enfants. Une
telle attitude n’exclut en rien l’acceptation d’un cadre linguistique et social plus
vaste, mais permet de concilier la préservation de son identité culturelle
d’origine avec les avantages sociaux de l’assimilation. Telle est peut-être, en
théorie du moins, la solution idéale du profond dilemme auquel est confrontée
toute minorité.
Cette évolution suppose une attitude positive et active vis-à-vis du
multilinguisme. Si l’on en vient plus précisément à l’Europe, où les possibilités
de préserver les langues menacées sont généralement bien meilleures
qu’ailleurs, on constate que bien des langues « fortes », à l’intérieur comme à
36
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
l’extérieur de l’Union européenne, ont un avenir assuré. Pourtant, parmi la
centaine de langues indigènes actuellement parlées en Europe, quelques
dizaines sont probablement véritablement menacées à long terme, telles que le
gaélique irlandais ou écossais, le breton, le basque, le romanche, le ruthène ou
le sorbe, langues pourtant codifiées.
Les succès occasionnels des efforts déployés pour faire revivre certaines
langues (ainsi, récemment dans le cas du gallois) ne doivent pas faire oublier
que la meilleure politique d’ensemble reste le multilinguisme de la société
autant que de l’individu. La structure élémentaire de référence, adaptée aux
conditions locales, doit être une pyramide à plusieurs niveaux qui fasse une
place aux langues minoritaires, régionales ou nationales (surtout aux langues
officielles codifiées), ainsi qu’aux langues véhiculaires internationales, la
plupart ou l’ensemble de ces différentes catégories devant faire partie du
répertoire verbal des individus composant les sociétés modernes complexes. La
position actuellement très favorable de l’anglais en tant que première langue
internationale ne signifie pas qu’il finira par évincer toutes ses rivales, en
Europe ou ailleurs dans le monde. De grandes langues comme le français ou
l’allemand continueront certainement d’être utilisées au plan international et,
d’après les spécialistes, au niveau mondial, plusieurs langues dont le chinois, le
hindi-ourdou, l’espagnol et l’arabe pourraient bien, dans le courant du siècle
prochain, réduire la distance qui les sépare aujourd’hui de l’anglais. L’un des
facteurs principaux de cette redistribution de la puissance et de l’influence
linguistiques sera la diffusion du multilinguisme au sein des élites politiques,
culturelles et surtout économiques, phénomène dont on constate d’ores et déjà
certains signes caractéristiques.
En conclusion, si l’on veut véritablement préserver les langues (dans toute la
mesure du possible), il est indispensable de promouvoir le multilinguisme dans
un esprit d’interculturalisme, non seulement en théorie, mais aussi dans la
pratique quotidienne de réseaux toujours plus nombreux de locuteurs. Le
concept des droits linguistiques, avec la sauvegarde de la langue maternelle
ethnique, inclut également le droit d’apprendre et d’utiliser d’autres langues.
Ainsi, on peut penser que la plupart de nos langues européennes ont un avenir et
que nos enfants et petits-enfants habiteront un espace linguistique riche. Comme
nous en ont avisés des chercheurs spécialisés en linguistique de contact, le
monolinguisme est une maladie curable!
37
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Contribution de l’ESIB The National Unions of Students in Europe
Manja Klemencic,
ESIB, Slovénie
En tant que représentants des étudiants, nous estimons que:
L’éducation a pour but de promouvoir l’épanouissement personnel et un
plus grand respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Elle favorise aussi la culture et l’assimilation du concept d’une
participation active, critique et constructive. L’éducation doit encourager
la compréhension, la tolérance, le respect et l’amitié entre toutes les
nations, les groupes ethniques ou religieux et promouvoir les activités des
Nations Unies en faveur de la paix. L’éducation facilite une plus grande
participation dans la société et développe la capacité de l’individu à se
forger sa propre opinion. Elle aide également les individus à contribuer à
une société de qualité.1
En tant que représentants du monde étudiant, nous estimons par ailleurs que les
langues font partie intégrante de tout système éducatif et que, dans ces
conditions:
−
elles sont des instruments qui permettent d’élargir l’accès à
l’éducation pour tous et de vaincre la discrimination à l’égard des
minorités.
L’accès à l’éducation étant un droit, l’enseignement supérieur doit être un
service public, sans frais de scolarité et donc gratuit. Les frais de scolarité ne
constituent toutefois pas le seul obstacle à l’éducation. La langue
d’enseignement peut, elle aussi, contribuer à la discrimination.
Nous pensons, au sein de l’ESIB, que « tous les étudiants ont le droit d’étudier
dans l’une ou l’autre des langues couramment employées dans leur pays de
1
Student Rights – Human Rights Policy Paper, adopté par le Conseil de l’ESIB lors
de sa 39e réunion tenue en octobre 2000 à Genève.
39
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
résidence. Tout doit être également fait pour que tous les membres de la société
puissent bénéficier d’un éventail de possibilités d’accès à l’éducation et
d’expériences pédagogiques, quels que soient notamment leurs convictions
politiques, leur religion, leur appartenance ethnique, leurs origines culturelles,
leur orientation sexuelle, leur statut social ou leurs éventuels handicaps. Tout
doit être fait pour promouvoir l’accueil des étudiants étrangers dans
l’enseignement supérieur. A ce titre, il convient notamment de proposer des
cours dans des langues différentes; néanmoins il faut d’autres mesures. Il doit
par ailleurs incomber aux établissements d’enseignement supérieur de prendre
toutes les dispositions appropriées pour garantir l’accès de toutes les minorités à
tous les niveaux d’enseignement. »1
−
Elles contribuent à promouvoir l’internationalisation des
établissements d’enseignement supérieur et, en particulier,
encouragent la mobilité; elles favorisent ainsi la diversité et la
tolérance dans l’enseignement supérieur et la société en général.
L’internationalisation des établissements d’enseignement supérieur ne se réduit
pas à la mobilité des étudiants et des enseignants. Il faut que ces établissements
soient placés dans un contexte international, afin que les étudiants apprennent à
vivre et à travailler dans des environnements multiculturels et multilingues, et à
effectuer des recherches et à se fixer des objectifs en dehors de leurs frontières
nationales. Chaque gouvernement et établissement d’enseignement supérieur
doit encourager la diversité des cultures et des langues dans les établissements
d’enseignement supérieur. Un certain nombre de mesures concrètes et pratiques
peuvent être adoptées au niveau de l’institution pour faciliter
l’internationalisation et, en particulier, préparer à la mobilité; les possibilités
données d’apprendre les langues étrangères jouent un rôle important dans ce
processus. Tout établissement d’enseignement supérieur soucieux de
s’internationaliser doit se doter d’une politique linguistique intégrée à sa
politique internationale.
Voici quelques mesures pratiques que les établissements d’enseignement
supérieur devraient prendre dans le cadre de leur politique linguistique. Il
importe en particulier qu’ils recherchent des partenariats pour la mise au point
de programmes linguistiques conjoints à l’étranger et, partant, s’inspirent de la
Déclaration de Bologne sur l’Espace européen de l’enseignement supérieur.
1
Ibid.
40
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Voici donc quelques suggestions pratiques à l’intention des établissements
d’enseignement supérieur:1
−
donner à tous les étudiants quittant l’établissement ou y entrant des
informations sur les programmes d’apprentissage de langues;
−
proposer des cadres d’apprentissage souples et polyvalents, avec
notamment:
•
des cours de préparation et d’accompagnement linguistique et culturel
(à différents niveaux et spécialement adaptés aux besoins des
étudiants qui arrivent ou partent);
•
des cours préparatoires avant le début de l’année universitaire pour
les étudiants qui arrivent (au besoin, en coopération avec d’autres
organisations);
•
des moyens d’apprentissage autonome utilisant les technologies
modernes et encadrées par des conseillers);
−
rechercher une coopération avec d’autres établissements de la région afin
de proposer des cours préparatoires aux étudiants sortants s’ils n’ont pas
les moyens de les proposer seuls. En outre, les établissements devront
veiller à offrir des possibilités d’apprentissage indépendant;
−
encourager l’apprentissage des langues et récompenser les étudiants qui
réussissent dans ce domaine:
1
•
en intégrant des modules linguistiques aux cours non linguistiques
débouchant sur un diplôme et en accordant des crédits (ou unités de
valeur) aux étudiants qui terminent avec succès lesdits modules;
•
en donnant la possibilité aux étudiants de prouver leur maîtrise d’une
langue et en annexant leurs résultats aux tests ou examens de langue à
leur diplôme;
Favoriser la mobilité par une meilleure préparation. Commentaires sur
l’objectif 12; Assurer l’accompagnement linguistique de la mobilité, Plan d’action
pour la mobilité, avec une référence spéciale à la mobilité des étudiants,
Wolfgang Makiewics (Conseil européen pour les langues / European Language
Council).
41
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
•
−
en donnant aux étudiants qui partent la possibilité, le cas échéant,
d’obtenir un certain nombre de « points-crédits » (CP) dans le cadre
du système ECTS (Système européen de transferts d’unités de cours
capitalisables) grâce aux cours de langues suivis dans l’établissement
d’accueil;
inciter les individus à vivre et à travailler dans une Europe multiculturelle
et multilingue.
L’apprentissage des langues, en particulier celui des langues moins répandues et
moins enseignées et leur apprentissage de manière holistique (non pas en tant
que système, mais dans un contexte culturel), contribue à créer l’image d’une
Europe multiculturelle et multilingue en tant que lieu d’éducation, de travail et
de vie. Des institutions comme le Centre européen pour les langues vivantes
peuvent grandement favoriser le développement de l’apprentissage des langues
et leur utilisation dans un contexte pédagogique et social.
Il importe que l’apprentissage des langues ne reste pas confiné dans le cadre de
l’éducation formelle ni réservé aux étudiants traditionnels, mais fasse partie
intégrante du concept de l’éducation tout au long de la vie en tant que véritable
mode de vie et de la diversité des sources d’enseignement. En particulier, ce
concept doit donner la priorité aux langues moins répandues et moins
enseignées.
Ma contribution a été préparée dans le cadre de mon action de représentante des
étudiants et, de ce fait, dans le contexte des systèmes d’enseignement supérieur
et de la mise en place de l’Espace européen de l’enseignement supérieur prévu
dans le processus de Bologne.
Elle a été rédigée en fonction de mes convictions personnelles, à savoir:
−
les langues permettant la communication,
compréhension entre les individus;
−
les langues évoluent et se développent et elles méritent d’être comprises
et respectées dans la diversité de leurs usages – et de leur évolution – et
non jugées de manière conservatrice comme simplement « bonnes » ou
« mauvaises ». La question essentielle est donc de savoir si l’usage d’une
langue a facilité la compréhension;
−
les langues sont enseignées et apprises non pas en tant que systèmes, mais
de manière holistique en tenant compte du contexte culturel et personnel;
42
elles
facilitent
la
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
−
apprendre des langues « étrangères » ne signifie pas « trahir » sa langue
maternelle ou renoncer à sa propre culture, mais contribue à l’harmonie
personnelle et au cosmopolitisme.
La question importante pour moi demeure de savoir combien de langues la
prochaine génération sera capable d’apprendre et encouragée à le faire par
divers acteurs tout au long de son existence. Mon vœu et mon espoir seraient
que chacun (apprenant dans le contexte de l’éducation tout au long de la vie) ait
de multiples et de bonnes occasions d’apprendre les langues, que chacun passe
au moins quelques mois à l’étranger pendant ses études ou sa vie
professionnelle, que chacun suive au moins un cours dans une langue autre que
sa langue maternelle, qu’une partie des cours soit donnée dans une langue autre
que la langue maternelle de l’étudiant et que l’on puisse décider d’apprendre
une langue à tous les stades de sa vie, compte tenu des avantages immenses que
comporte une telle décision sur le plan du développement personnel et
professionnel.
J’espère aussi que les établissements d’enseignement supérieur réfléchiront
davantage au multilinguisme et à l’existence de sociétés multiculturelles,
favorisant ainsi la paix et la tolérance.
Dans la mesure où j’estime que l’éducation est un facteur essentiel de
développement social, les langues, en tant qu’outils favorisant la compréhension
et l’apprentissage, doivent être considérées comme en faisant partie intégrante.
Des organismes comme le CELV ont donc un rôle-clé à jouer dans le
développement social de l’Europe.
43
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Une brève contribution à la réflexion
sur la connaissance des langues étrangères
Alain Mouchoux,
ETUCE, France
De façon quasi permanente, l'actualité nourrit le débat sur la connaissance des
langues étrangères et sur leur avenir: la mondialisation, la croissance des
échanges, l'essor prodigieux des technologies, mais aussi les fusions mondiales
dans les médias, la construction de l'Europe et son élargissement, et encore le
retour des nationalismes et de la xénophobie.
Par ailleurs, une volonté s'installe, celle de retrouver ses origines et ses
références culturelles.
Ces deux tendances apparemment contradictoires, planétaire et locale, se
complètent de fait: elles sont l'image de la diversité, de l'évolution et de la
problématique des relations humaines.
Cependant, il n'y a pas égalité dans les possibilités de pratique culturelle, il n'y a
pas égalité dans l'utilisation des langues et pour leur accès; le patrimoine
linguistique mondial se dégrade en raison de la disparition irréversible déjà
engagée de plusieurs milliers de langues!
On prête à Charles Quint la déclaration suivante:
« J'ai appris l'italien pour parler au Pape,
l'espagnol pour parler à ma mère,
l'anglais pour parler à ma tante,
l'allemand pour parler à mes amis,
et le français pour me parler à moi-même. »
Ceci semble bien illustrer les motivations de toute nature nécessaires à la
connaissance des langues.
Mais quelle langue, quelles langues connaître et donc apprendre?
45
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Déjà 7 à 8 000 langues ont irrémédiablement disparu dans le monde! Agissons
donc à tout le moins pour éviter de telles pertes en Europe ou une quarantaine
de langues sont parlées, mais 11 reconnues dans les instances officielles de
l'Union européenne. Pour suivre la demande de certaines régions européennes et
en raison de l'élargissement de l'Union, devra-t-on instituer par exemple
l'interprétation en 25 langues, ce qui nécessiterait alors près de 105 interprètes
pour une réunion?
Gardons-nous d'institutionnaliser une hiérarchie dans l'utilisation des langues,
mais intégrons les langues régionales ou minoritaires, celles de l'immigration et
celles des cultures d'origine.
Il faut également évoquer les langues des banlieues des grandes villes
européennes où se développe l'usage d'un parler codé, avec ses règles
endogènes et évolutives, mais qui est, pour ses locuteurs, un réel moyen de
communication.
L'Europe est riche de sa diversité culturelle, de son histoire, de ses traditions
multiples, elle ne serait devenir un continent de la banalisation linguistique
autour de l'anglo-américain sous-tendant une culture apatride et standardisée.
La « langue accompagne la puissance » et l'utilisation de l'anglais s'impose en
raison du poids économique et technologique des Etats-Unis d’Amérique et
comme un des vecteurs communs d'échanges. Agissons pour que, en particulier
dans les systèmes d'éducation et dans la vie publique, l'éducation tout au long de
la vie, l'offre d'acquisition des autres langues soit suffisamment forte et
diversifiée et permanente.
La connaissance de langues étrangères soutient la cohésion sociale, elle permet
la libre circulation des idées et des personnes, elle est une composante de la
citoyenneté comme l'est le droit d'utiliser sa propre langue et de pratiquer sa
culture.
Une meilleure connaissance de la langue et de la culture des « autres » dans le
cadre de nos sociétés multiculturelles contribue à se débarrasser des stéréotypes
et à lutter contre toutes les exclusions.
46
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
In jeder Sprache sitzen andere Augen
[Chaque langue a d'autres yeux]
Herta Müller
Ecrivain, Allemagne/ Roumanie
Dans le dialecte allemand parlé dans le village du Banat où j’ai grandi, on
disait: « der Wind GEHT » (littéralement le vent VA) pour le vent souffle. A
l’école, où l’enseignement était dispensé en haut allemand, on disait « der Wind
WEHT ». Or « wehen » en allemand a la même racine que le mot douleur). Et
moi, enfant de sept ans, j’avais l’impression que le vent se faisait mal. Dans la
langue roumaine que je commençais alors à apprendre à l’école, on disait vintul
bate (littéralement: le vent FRAPPE), et j’avais alors l’impression que le vent
allait faire mal à quelqu’un. Il y avait aussi des expressions très différentes pour
dire que le vent s’arrête de souffler. En allemand, on disait « der Wind hat sich
GELEGT » (littéralement: le vent s’est posé, calmé), alors qu’en roumain on
disait vintul a stat (le vent s’est arrêté). Le vent illustre, comme de nombreux
autres exemples, la diversité des images utilisées dans deux langues différentes
pour décrire une même réalité. Des images existent dans toutes les langues.
Tout personne imprime, en parlant, à chaque phrase un regard sur les choses
qu’elle s’est forgé à sa manière. Chaque langue reflète sa vision du monde et
s'est constitué son vocabulaire en se fondant sur cette vision différente, en
l’incorporant même dans sa structure grammaticale. Dans chaque langue, les
mots voient le monde autrement.
En roumain, le genre du mot rose, trandafir, est masculin. En revanche, en
allemand, « die Rose », est un nom féminin et n’évoque certainement pas la
même chose pour les Allemands que « der Rose ». En allemand, une rose est
une dame, alors qu’en roumain, c’est un homme. Pour ceux qui saisissent ces
deux approches, elles se confondent dans leur tête. Le féminin et le masculin
s’effacent et la rose devient un objet où l’homme et la femme s’unissent, créant
une forme poétique double à la fois surprenante et déroutante. L’objet vit un
petit drame intérieur car il n’est pas totalement sûr de sa propre identité. Qu’estce qu’une rose dans deux langues dont l’expression est simultanée? Une bouche
de femme dans un visage d’homme. Le cœur d’un homme revêtu d’une robe de
soir tombant jusqu’aux chevilles. Le poing d’un homme dans le gant d’une
femme. Lorsque les deux mots signifiant la rose se rencontrent, l’image statique
47
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
de la rose dans chacune des langues devient une histoire énigmatique et sans
fin. Cette rose bilingue aura toujours plus à dire sur elle-même et le monde
qu’une rose unilingue.
Un objet qui passe d’une langue à une autre subit à chaque fois des
transformations, quelles que soient ces deux langues. La langue maternelle
s’ouvre tout naturellement à la vision différente que lui offre une langue
étrangère. Une langue maternelle s’acquiert presque sans effort. C’est comme
un cadeau que l’on reçoit sans même s’en apercevoir. Toute langue acquise par
la suite d’une autre manière « juge » la langue maternelle. Le rôle du hasard
dans la disposition des mots qu’on exprime saute alors aux yeux. Notre langue
maternelle n’est plus le seul point de vue sur les objets et son vocabulaire n’est
plus la seule mesure des choses. Il va sans dire que l’idée que chacun se fait de
sa langue maternelle est irréversible. D’une manière générale, on s’en tient à sa
vision du monde, même si la nouvelle langue la relativise. On sait
instinctivement que même si cette mesure est le fruit du hasard, c’est la plus
fiable et la plus essentielle dont on dispose. On l’utilise gratuitement, sans
l’avoir jamais apprise sciemment. Une langue maternelle est là, simplement et
indéniablement, comme la peau sur le corps. Et tout comme la peau, elle est
fragile si elle n’est pas appréciée à sa juste valeur, si elle est méprisée voire
interdite. En Roumanie, ceux qui comme moi ont quitté leur village et son
dialecte avec pour seul bagage quelques notions de haut allemand apprises à
l’école ont eu du mal en arrivant en ville quand il leur a fallu s’exprimer dans la
langue nationale. Pendant les deux premières années que j’ai passées à la ville,
j’avais moins de mal à me repérer dans un quartier que je ne connaissais pas
qu’à trouver le mot juste dans la langue du pays. Le roumain était comme de
l’argent de poche. Il suffisait que je sois attirée par un objet derrière une vitrine
pour réaliser que je n’avais pas l’argent de poche nécessaire pour le payer. Ce
que je voulais dire, je devais le payer avec les mots justes, mais j’en connaissais
fort peu et ceux que je connaissais ne me venaient pas à l’esprit quand j’en avais
besoin. Mais je sais maintenant que cette hésitation, cette approche pas à pas qui
faisait que mon expression n’était jamais à la hauteur de mes pensées me
donnait le temps de m’étonner sur la transformation que le roumain opérait sur
les objets. Je sais maintenant que j’ai eu beaucoup de chance. En roumain,
l’hirondelle rindunia, signifie littéralement « assis en rangs ». Cette expression
est tellement plus riche que le terme correspondant en allemand. Le nom même
de l’oiseau suggère que les hirondelles s’assemblent sur des fils, en rangs serrés.
Avant de connaître ce mot en roumain, j’avais pu contempler cette scène chaque
été dans mon village natal. Je fus abasourdie en apprenant que l’hirondelle
portait un aussi joli nom. Pour moi, les mots et les expressions en roumain
acquéraient de plus en plus souvent plus de sens que dans ma langue maternelle
et étaient davantage en harmonie avec ma sensibilité. J’étais aux aguets des
48
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transformations qui s’opéraient en moi et je les intégrais dans mes paroles et
dans mon écriture. Mes livres ne contiennent pas une seule phrase en roumain,
mais il est clair qu’ils sont toujours imprégnés de roumain, car cette langue est
enracinée dans ma vision des choses.
Une langue maternelle n’a jamais rien à perdre lorsque son particularisme est
mis à nu devant d’autres langues. En revanche, défendre sa propre langue
devant une autre langue nous conduit à établir une relation authentique avec elle
et à l’aimer intuitivement. J’ai toujours aimé ma langue maternelle, parce
qu’elle est pour moi la plus proche, et non pas parce que je crois qu’elle est la
meilleure.
Et pourtant cette confiance instinctive que l’on porte à sa langue maternelle peut
être ébranlée. Après l’extermination des Juifs sous le National-socialisme,
Paul Celan a dû continuer à vivre en sachant parfaitement que sa langue
maternelle, l’allemand, était la langue parlée par ceux qui avaient tué sa mère.
Même plongé dans cette terrible situation, Celan n’a pas pu se défaire de sa
langue maternelle. En effet, l’allemand était enraciné dans les tout premiers
mots qu’il avait prononcés en tant qu’enfant. C’était sa première langue, il avait
confiance en elle et cela devait rester ainsi. Elle était la plus intime et devait le
rester. Même dans les relents des chambres à gaz du camp de concentration,
Celan a dû accepter l’allemand comme sa forme d’expression la plus intime,
bien qu’il eût grandi avec le yiddish, le roumain et le russe et bien que le
français fût sa langue de tous les jours. Le cas de Georges-Artur Goldschmid est
tout à fait différent. Après l’Holocauste, il a écrit en français pendant des
décennies, refusant tout contact avec la langue allemande sans pour autant
l’avoir oubliée. Et ses derniers livres, rédigés en allemand, sont de tels chefsd’œuvre que la plupart des autres livres écrits en Allemagne semblent fades à
côté. On peut dire que Goldschmid a été pendant longtemps privé de l’usage de
sa langue maternelle.
Bon nombre d’écrivains de langue allemande se complaisent dans l’idée qu’une
langue maternelle peut, s’il le faut, compenser toute perte. Ils ne se sont jamais
trouvés dans l’obligation de vérifier leur théorie, mais affirment que « LA
LANGUE EST LA PATRIE ». Je suis irritée quand j’entends s’exprimer de la
sorte des écrivains qui n’ont rien à craindre dans leur patrie et dont les foyers
n’ont jamais été menacés. Tout Allemand qui affirme que « LA LANGUE EST
LA PATRIE » a un devoir de mémoire envers ceux qui ont inventé cette
expression, c’est-à-dire les émigrants qui ont échappé aux massacres hitlériens
en prenant la fuite. Dans leur bouche, l’affirmation « LA LANGUE EST LA
PATRIE » est une simple affirmation de soi, elle signifie « oui, je suis toujours
en vie ». Quant aux émigrants qui sont à l’étranger sans une lueur d’espoir,
49
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
lorsqu’ils disent « LA LANGUE EST LA PATRIE », ils cherchent à se
convaincre eux-mêmes de leur existence! Les personnes qui ont le droit de
circuler librement devraient s’abstenir d’utiliser cette expression. Elles ont un
sol ferme sous leurs pieds. Lorsqu’elles s’expriment de la sorte, elles effacent la
tragédie de ceux qui ont dû fuir. Elles laissent penser que les émigrants
pouvaient faire abstraction de leur vie anéantie, de leur solitude et de leur
identité à jamais brisée puisqu’il leur restait leur langue maternelle, qui leur
tenait lieu de patrie et compensait donc toutes les pertes. On ne peut pas décider
de prendre ou non sa langue avec soi, on est contraint de le faire. Seule la mort
peut nous séparer de notre langue, mais qu’a-t-elle à voir avec la patrie?
J’aimerais m’attarder sur une phrase de Jorge Semprun tirée de son livre
« Frederico Sanchez vous salue bien!» et qui résume son expérience dans les
camps de concentration et en tant qu’émigré vivant à l’étranger sous la dictature
de Franco. Pour Semprun, « Ce n’est pas la langue qui est patrie, mais le dit ». Il
sait à quel point il faut être en accord avec ce qu’on dit pour être en accord avec
soi-même. Comment l’espagnol pouvait-il bien être sa patrie sous la dictature
de Franco? Par sa teneur, sa langue maternelle était en opposition avec sa vie.
Le fait qu’il ait pu dire dans la période la plus noire de sa vie « LA PATRIE
EST CE QUI EST DIT » donne matière à réflexion plutôt que d’apporter la
consolation d’une identification à l’idée de patrie. Il suffit de penser au nombre
d’Iraniens qui sont toujours emprisonnés de nos jours pour avoir prononcé une
seule phrase en persan et aux nombreux Chinois, Cubains, Nord-Coréens et
Irakiens qui ne peuvent même pas se sentir un instant chez eux dans leur langue
maternelle. Quand Sakharov était en résidence surveillée, trouvait-il sa patrie
dans la langue russe?
Lorsque tout va mal, les mots eux aussi s’effondrent. De plus, les dictatures de
tous bords, de droite ou de gauche, athées ou religieuses, s’approprient le
langage. Dans mon premier livre sur l’enfance dans un village du Banat,
l’éditeur roumain a censuré, entre autres, le mot « KOFFER » (valise), dont la
connotation était émotionnelle car l’émigration de la minorité allemande était
censée être taboue. Confisquer des mots, c’est leur bander les yeux et essayer de
supprimer la compréhension des langues inhérente aux mots. Le diktat du
langage devient tout aussi hostile que l’humiliation elle-même.
La traduction littérale du mot roumain désignant le palais (cerul gurii) est le
« ciel de la bouche ». En roumain, les jurons ne sonnent pas de manière aussi
terrible, ils prennent la forme d’une longue série toujours réinventée
d’expressions surprenantes. L’allemand, lui, est très rigide. Je me suis souvent
dit que dans une langue où les toits des bouches sont aussi hauts que le ciel, il y
a beaucoup de place pour la création et les jurons peuvent devenir de
50
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
malicieuses diatribes poétiques pleines d’amertume. J’avais pour habitude de
dire à mes amis roumains qu’un vrai juron roumain réussi était comme une
rébellion contre le palais. Les Roumains ne sentaient pas le besoin de se révolter
contre la dictature, car ils se libéraient de leur colère en jurant.
Même lorsque je sus parler couramment le roumain, je continuai de m’étonner
de l’audace des analogies que j’entendais. Les mots exprimaient secrètement
des points de vue politiques fort bien dissimulés, mais parfaitement justes. Bon
nombre de ces mots contenaient des histoires racontées sans avoir à être dites.
Comme tout pays pauvre, la Roumanie était pleine de cafards, qui s’appelaient
des « Russes » comme de simples ampoules de lampes sans abat-jour, et les
graines de tournesol « chewing-gum russe ». Le petit peuple s’en prenait tous
les jours à son grand frère russe par des associations d’idées piquantes et
méprisantes. Et lorsque les magasins n’avaient rien d’autre à offrir que des
pieds de porc fumés dont on voyait les sabots à la place de la viande, on les
appelait « chaussures de gym ».
Un jour, un ami originaire du sud de l’Allemagne m’a raconté une histoire de
son enfance, au temps de l’après-guerre. Les longs pétards que même les petits
enfants lançaient le soir du nouvel an s’appelaient « Judenfürze » (littéralement:
pets de Juifs). Lorsque mon ami entendit ce mot, il crut que les personnes
disaient « Judofürze » (pets de judo) et que le nom des pétards avait quelque
chose à voir avec le judo. Il garda cette illusion jusqu’à l’âge de 17 ans et
pendant tout ce temps là, à la maison et dans les magasins, lorsqu’il venait
acheter des pétards, il demandait des «Judofürze ». Ni son père, ni sa mère, ni
un vendeur ne l’avaient jamais corrigé. Quand il découvrit le vrai nom des
pétards, me raconta-t-il, il eut honte pour chaque pétard qu’il avait fait claquer.
Son père était déjà mort lorsqu’il découvrit ce mot antisémite. Sa mère vit
toujours, mais il m’a dit qu’il ne pouvait toujours pas lui demander comment,
après Auschwitz, elle osait encore appeler ouvertement les pétards du nouvel an
« Judenfürze ».
Même dans les pays démocratiques, la langue ne peut être dissociée de la
politique. La langue fait partie inhérente de la vie. Nous devons être attentifs à
ce qu’elle fait des gens.
51
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
La dimension internationale de la profession médicale:
les médecins se comprennent-ils?
Todor A. Popov,
Université de médecine de Sofia, Bulgarie
Depuis environ une douzaine d’années, je participe activement à diverses
activités internationales liées à ma profession de médecin. J’ai ainsi eu
l’occasion d’être simple auditeur lors de réunions internationales, d’intervenir et
de participer à des tables rondes, de réviser des contributions à des revues
internationales. Je me suis toujours demandé quel était véritablement le degré
de compréhension entre des individus d’origines, de cultures et de psychologie
ethnique différentes. Certes, dans le cas des médecins, le dénominateur commun
est leur profession et les problèmes qu’ils partagent s’agissant de leurs patients
et de l’organisation des soins de santé.
Les médecins ont toujours constitué un milieu professionnel fermé, avec ses
propres règles, sa déontologie et son langage au-delà des frontières nationales.
La médecine européenne a hérité l’essentiel de son art des guérisseurs grecs et
latins de l’Antiquité, ce qui explique l’étymologie des termes et des concepts
fondamentaux repris au fil des âges et ancrés dans la médecine contemporaine.
Toutefois, les langues aujourd’hui disparues n’ont pas réussi à soutenir le
rythme des progrès dans ce domaine, et c’est peu à peu l’anglais qui s’est
imposé en tant que mode de communication, avec sa vivacité, sa rationalité et
ses liens avec d’autres domaines scientifiques. L’anglais a ensuite renforcé
davantage son rôle à l’échelle planétaire, servant d’intermédiaire entre les styles
et les pratiques médicales de l’Occident, d’une part, et les écoles traditionnelles
de médecine d’Extrême-Orient, d’autre part.
L’anglais répond-il aux besoins et aux attentes du monde médical? La
communication et l’échange à l’échelle internationale sont des processus très
dynamiques. Il n’y a pas si longtemps, les congrès médicaux régionaux
proposaient aux participants une traduction simultanée. Peu à peu, l’anglais est
devenu la seule langue officielle de toute manifestation dite «internationale ».
Une telle politique facilite l’existence des organisateurs, mais constitue une
discrimination à l’endroit des participants selon leur maîtrise de l’anglais.
Certes, les participants dont l’anglais est la langue maternelle sont avantagés, ce
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
qui ne veut pas dire qu’ils seront mieux compris par leur auditoire. Les
conférenciers britanniques et américains font généralement leurs exposés dans
un style très élégant et complexe, mais dont le contenu échappe totalement à
une partie de l’auditoire non anglo-saxon. Il est intéressant de constater que les
intervenants qui présentent leur exposé en anglais, pour eux langue étrangère,
sont souvent les plus appréciés d’auditoires dont la compréhension de cette
langue est très inégale.
Cet anglais un peu hybride – en référence à l’anglais « étranger » – ne concerne
évidemment que la langue orale. Sur le papier, on ne verra pratiquement pas de
différence entre les articles scientifiques d’origines diverses: tous auront été
soumis à l’examen d’experts linguistiques avant d’être présentés. Cependant, il
arrive parfois que l’on trouve dans les contributions soumises d’importantes
différences entre la manière courante de s’exprimer en anglais et les règles
linguistiques de la langue maternelle des auteurs (on peut presque voir un
hiéroglyphe ici et là dans les manuscrits venus d’un pays quelconque
d’Extrême-Orient). Il me semble que chaque langue possède sa propre
philosophie, fondée sur un mode de comportement propre à chaque ethnie.
Cette philosophie donne une teinte particulière à toute traduction en anglais
« étranger » et un nouvel éclairage au sujet examiné.
On a vu se répandre récemment la formule désormais courante du « remueméninges ». Les séances de réflexion les plus fructueuses auxquelles j’ai eu
l’occasion de prendre part réunissaient un ensemble des plus hétéroclites
d’individus originaires de pays éloignés les uns des autres. Il n’y a rien
d’étonnant, dans ces conditions, à ce que les médecins apprécient de plus en
plus la rédaction de «lignes directrices internationales» sur la prise en charge
des principales maladies chroniques. Nombre de ces documents ont récemment
évolué en «initiatives globales», qui indiquent à la communauté médicale
internationale un certain nombre de lignes de conduite. En règle générale, ces
textes sont ensuite revus par des comités nationaux, qui les adaptent pour les
rendre applicables dans leur pays. Notons qu’une fois qu’une ligne directrice
internationale a été définie, les organismes nationaux d’experts ne peuvent y
ajouter que très peu de choses (en général, de l’ordre du détail), ce qui tend à
prouver la force de la réflexion mondiale polyglotte.
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Le but ultime de la médecine est de veiller au bien-être physique et mental de
tous les êtres humains vivant sur la planète. Le potentiel de notre civilisation et
notre capacité à relever de nouveaux défis tiennent à notre diversité génétique.
Je ne crois pas que des milliards d’individus parleront un jour une seule et
même langue universelle (je serai personnellement très triste si une telle chose
devait se produire au cours des prochains siècles). Toutefois, la communauté
médicale va devoir utiliser son propre langage (certains parlent de « jargon »)
pour garantir une compréhension maximale: les progrès de la médecine
s’appuient sur l’expérience de l’humanité tout entière.
55
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« Unius linguae uniusque moris regnum imbecile et
fragile est »
Joseph Poth,
Unesco, France
« Unius linguae uniusque moris regnum imbecile et fragile est »
Nos descendants ne vivront certainement pas dans une langue unique. Les
tenants d’un monolinguisme obsessionnel – il y en a jusque dans les
organisations internationales – devraient se souvenir que, dans l’antiquité déjà,
« le règne d’une langue unique » était considéré comme « imbécile et fragile ».
Si l’on se réfère aux résolutions les plus récentes approuvées par les
représentants des Etats dans les forums intergouvernementaux compétents en la
matière, on peut discerner une tendance commune vers un trilinguisme
institutionnel qui pourrait bien devenir la norme dans le cours des
vingt prochaines années. Plusieurs Etats à travers le monde en donnent déjà un
exemple concret, à travers leurs programmes d’éducation et de formation.
Ce plurilinguisme de base s’articule le plus souvent autour des composantes
suivantes:
1.
une langue « maternelle », familière; généralement langue « nationale ».
Exemple: le luxembourgeois pour un Luxembourgeois;
2.
une langue limitrophe ou de proximité. Exemple: le français ou
l’allemand pour un Luxembourgeois;
3.
une langue de communication internationale. Exemple: l’anglais,
l’espagnol, le portugais, etc. pour un Luxembourgeois.
Ce schéma de base n’exclut pas un multilinguisme plus prononcé que
l’émergence des nouveaux moyens de communication ne peut que renforcer
dans l’avenir. Si l’on s’en tient au Luxembourg, par exemple, les quadrilingues
ne sont pas rares, même si le marché intérieur du travail se contente le plus
souvent de la pratique d’un trilinguisme qui fait rêver ailleurs, en Europe.
(54% des offres d’emploi demandent une compétence trilingue, contre 12%
57
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
seulement une compétence monolingue, selon un sondage établi à partir des
offres d’emploi d’un numéro du « Luxemburger Wort ».)
Hors d’Europe, le plurilinguisme fondé sur l’usage de quatre, voire de
cinq langues différentes, est une réalité courante et préfigure peut-être l’avenir
dans d’autres contextes régionaux.
En Afrique, par exemple, le « vécu linguistique » des adultes présente des
composantes complexes qui se caractérisent par la pratique de langues ayant des
fonctions spécifiques dans les stratégies individuelles de communication.
Voici le schéma significatif d’un plurilinguisme « à l’africaine » fondé sur les
termes suivants:
−
une langue maternelle: langue apprise par l’enfant en interaction sociale
avec les membres de la communauté à laquelle il est lié par parenté;
−
une langue communautaire: langue dominante utilisée dans des zones
plus larges que la zone ethnique, mais n’ayant pas de portée nationale;
−
une langue nationale: langue locale ayant un statut officiel ou, plus
généralement, toute langue locale;
−
une langue interafricaine: langue utilisée au-delà des frontières
nationales en Afrique (par exemple le kiswahili, le hausa, le fulfulde, le
dyula).
−
une langue internationale: langues telles que l’anglais, l’arabe, le
français, le portugais, qui sont utilisées pour la communication entre
différents pays en Afrique et en dehors de l’Afrique.
On ne sait pas assez en Europe que, dans le domaine de la diversité linguistique,
l’Afrique a une bonne longueur d’avance et qu’à ce niveau, des transferts
méthodologiques Sud-Nord ne devraient pas être systématiquement exclus.
***
58
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
En ce qui concerne le rôle des langues dans la société de demain, on ne prend
pas un grand risque en affirmant que la diversité linguistique restera une
référence forte. Face aux empiètements du mondialisme sauvage et au triste
nivellement des personnalités, les langues maternelles, minoritaires ou non,
restent le recours des individus et des communautés qui refusent l’uniformité.
Porteuse d’identité des peuples et constitutive de leur patrimoine, la diversité
linguistique participe des droits humains fondamentaux et, à ce titre, elle ne
saurait être soumise à la loi du marché. Les menaces que la mondialisation
croissante et incontrôlée fait peser sur les langues maternelles en situation
difficile sont clairement perçues, en particulier par les pays en voie de
développement, qui en raison de leur fragilité économique voient leurs cultures
directement visées. D’où la nécessité, fortement ressentie, de créer un
« espace » pour la diversité linguistique, permettant la production et la
diffusion de biens culturels endogènes, pour lesquels il existe, dans la plupart
des pays, un marché potentiel.
D’une manière générale, les grandes organisations régionales et interrégionales
apparaissent désormais comme le lieu de débat sur la diversité linguistique,
relais permanent pour approfondir cette réflexion sur le long terme, même s’il
semble que leur rôle exact doive encore être précisé. A cet égard, l’idée de
faire adopter par l’ONU une déclaration visant à donner un cadre de référence
officiel à cette réflexion mondiale sur la diversité linguistique devrait être
reprise et concrétisée malgré les échecs antérieurs dus aux craintes infondées de
certains Etats confrontés à une situation politique instable.
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Combien de langues...
Tove Skuttnab-Kangas,
Université de Roskilde, Département « Langues et Cultures », Danemark
Si l’élimination systématique des espèces naturelles et des langues se poursuit
au rythme actuel, les arrières-petits-enfants de nos arrières-petits-enfants
disposeront d’un nombre de langues extrêmement limité. Si la planète est
toujours là, il ne restera plus beaucoup de langues.
La plupart des langues du monde sont parlées par un nombre relativement
restreint de personnes; la moyenne s’établissant aux environs de 5 000 à
6 000 locuteurs. Plus de 95% des langues parlées dans le monde comptent
moins d’un million de locuteurs de langue maternelle; la moitié des langues du
monde en comptent moins de 10 000. Un quart des langues parlées et la plupart
des langues de signes comptent moins de 1 000 usagers. Plus de 80% des
langues du monde sont endémiques, c’est-à-dire qu’elles n’existent que dans un
seul pays.
L’Europe est pauvre du point de vue de la diversité linguistique. Si nous
excluons les immigrés récents, nous ne comptons que quelque 3% environ des
langues du monde. Deux pays, la Papouasie-Nouvelle-Guinée avec plus de
850 langues orales et l’Indonésie avec près de 670 langues, couvrent à eux deux
un quart des langues parlées du monde. Sept autres pays comptent chacun plus
de 200 langues et ces 9 pays comptent ensemble plus de la moitié des langues
parlées (et probablement aussi des langues des signes). Si l’on ajoute les
13 pays suivants qui comptent plus de 100 langues chacun, on constate que
22 pays marqués par une grande diversité concentrent près de 75% des langues
du monde – et qu’aucun de ces pays n’est situé en Europe (si l’on ne compte
pas la Russie parmi les pays européens). Pour plus d’informations sur les
langues du monde, voir The Ethnologue http://www.sil.org/ethnologue/.
Aujourd’hui, des langues sont délibérément éliminées et disparaissent plus vite
que jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité. Selon des pronostics
réalistes optimistes, la moitié seulement des langues parlées aujourd’hui
subsisteront en 2100; selon les plus pessimistes, 90% des langues parlées du
monde auront disparu ou seront sur le point de disparaître (n’étant plus apprises
61
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
par les enfants) dans cent ans. Les médias et les systèmes d’enseignement sont
les principaux instruments directs de la disparition des langues aujourd’hui.
Mais derrière eux se cachent les véritables coupables, la mondialisation de
l’économie, les régimes militaires et politiques. La société occidentale et les
élites du reste du monde ont une énorme responsabilité à cet égard.
Pourquoi doit-on conserver la diversité linguistique et culturelle? Il existe de
nombreux arguments épistémologiques, philosophiques, linguistiques, culturels,
psychologiques et sociologiques en faveur du maintien de la diversité
linguistique. J’aimerais en ajouter un autre, moins bien connu, qui est
l’argument de la diversité (qui a quelque chose à voir avec le lien entre la
diversité linguistique et la biodiversité).
La diversité linguistique disparaît bien plus rapidement que la biodiversité. La
diversité linguistique et culturelle d’une part et la biodiversité d’autre part sont
liées – au niveau élevé de l’une correspond un niveau élevé de l’autre, et vice
versa. Selon une recherche récente, il apparaît de plus en plus qu’il pourrait ne
pas s’agir seulement d’un lien de corrélation. Ce pourrait être aussi un lien
causal: les deux types de diversité semblent se renforcer et se soutenir
mutuellement. Si la longue évolution d’une population et de son environnement
depuis des temps immémoriaux est brusquement interrompue, sans que la
nature (et la population) ait eu suffisamment de temps pour s’adapter, on peut
s’attendre à une catastrophe. Si au cours des cent prochaines années, nous
éliminons 50 à 90% de la diversité linguistique (et par là même aussi une
grande partie de la diversité culturelle) qui constitue un réservoir de
connaissances accumulées au cours des siècles, y compris celles concernant
certains des milieux les plus vulnérables et biologiquement les plus divers au
monde, nous mettrons aussi gravement en danger nos chances de survie sur la
Terre. Pour les liens entre la biodiversité et la diversité linguistique et culturelle,
voir le site web de Terralingua http://www.terralingua.org.
J’ai moi-même examiné ainsi que d’autres chercheurs les dispositions actuelles
des instruments de défense des droits de l’Homme pour voir dans quelle mesure
elles prennent en compte les droits linguistiques, notamment dans le domaine de
l’éducation, droits qui sont nécessaires pour contrer les menaces pesant sur la
diversité linguistique. Les conclusions de ces études montrent que les droits
linguistiques les plus fondamentaux pour le maintien de la diversité
linguistique, et particulièrement le droit à un enseignement dans sa langue
maternelle, ne sont pas protégés. Les droits linguistiques, notamment ceux
concernant l’éducation, sont moins bien traités dans le droit international en
matière de droits de l’Homme que les autres aspects des droits de l’Homme. On
ne parle plus des langues après la préface, ou les articles concernant les langues
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
contiennent plus de modifications et de clauses d’exemption que les autres
articles (voir mon site web pour des références).
Les principes mis en œuvre aujourd’hui dans les systèmes d’enseignement des
« majorités » impuissantes et surtout des peuples indigènes et des minorités
(c’est-à-dire ceux qui sont les principaux gardiens de la diversité linguistique du
monde) constituent des violations des droits de l’Homme et contribuent au
génocide linguistique, notion qui a été définie dans des documents des Nations
Unies (voir ci-après). L’apprentissage de nouvelles langues doit se faire en plus
et non au détriment de la langue maternelle. Les nouvelles langues doivent
enrichir les répertoires linguistiques des populations. Les nouvelles langues, y
compris la lingua franca ne doivent pas s’apprendre au détriment des diverses
langues maternelles, mais doivent s’y ajouter. Dans ce sens, les «langues
tueuses», au premier rang desquelles figure l’anglais, constituent des menaces
graves pour la diversité linguistique du monde. Les droits linguistiques de
l’Homme sont plus nécessaires que jamais. Ces droits doivent garantir, entre
autres, qu’il n’y ait pas de changement forcé de langue. D’un point de vue
linguistique, l’enseignement officiel aujourd’hui constitue souvent un «transfert
forcé d’enfants du groupe à un autre groupe» (une des définitions du génocide
selon la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du
crime de génocide, article II (e)). On a constaté récemment quelques (rares)
développements positifs dans ce domaine. Les politiques de l’enseignement et
autres politiques linguistiques sont marquées par le «linguicisme» (voir ciaprès).
Si j’en ai le temps, j’aimerais également mentionner l’argument de la créativité
en faveur du maintien de la diversité linguistique. La créativité est un des
aspects de l’économie des pays caractérisés par des niveaux élevés de
multilinguisme, et elle est importante pour la planification de l’enseignement
des langues, notamment dans les régions du monde caractérisées par une faible
diversité linguistique. Un haut niveau des compétences langagières en anglais
sera bientôt aussi nécessaire que le fait de savoir lire, écrire et compter il y a
cent ans ou les compétences de base en informatique aujourd’hui en Occident,
un préalable évident et une condition nécessaire, mais pas toujours suffisante,
pour obtenir un emploi. Lorsqu’une proportion importante de la population d’un
pays, d’une région ou du monde a de bonnes connaissances en anglais, les
études concernant l’offre et la demande prévoient que les prix diminuent. Un
niveau élevé de multilinguisme est nécessaire. Les systèmes d’enseignement
occidentaux ne préparent pas suffisamment bien les jeunes de la société
majoritaire au multilinguisme et font tout pour empêcher les jeunes des
minorités de devenir multilingues. Il suffit de dire que dans cent ans les
multilingues que nous sommes risquent de placer les individus volontairement
63
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
monolingues anglais (c’est-à-dire les gens qui choisiront de rester monolingues)
dans des « musées des pathologies ». La créativité, la souplesse de
l’apprentissage et la capacité de penser différemment (favorisés par un haut
niveau de multilinguisme) sont des conditions préalables et nécessaires à
l’innovation, et les investissements suivent l’innovation. Dans la future société
de l’information, les pays qui s’en sortiront seront ceux dans lesquels le
multilinguisme, même chez les personnes peu ou pas éduquées, sera normal,
accepté et répandu, les pays caractérisés par une riche diversité linguistique et
culturelle, divers types de savoirs et d’idées. La transformation de ce capital
linguistique et culturel en capital économique suppose au préalable que les
multilingues ont la possibilité de développer et d’améliorer leurs langues et
leurs savoirs, ce qui peut être parfaitement réalisable dans la future société de
communication électronique et reliée par satellite. L’Occident perdra la bataille.
Les anciennes colonies l’emporteront.
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Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes, Graz
Définitions: génocide, génocide linguistique, «linguicisme».
GÉNOCIDE (LINGUISTIQUE):
Article II (e):
«Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe».
Article II (b):
«Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du
groupe» (Convention des Nations Unies pour la prévention et la
répression du crime de génocide (E794, 1948; soulignement ajouté par
l’auteur)).
Article III (1):
«L’interdiction de l’usage de la langue du groupe dans la vie quotidienne
ou à l’école, ou de l’impression ou de la diffusion de publications dans la
langue du groupe» (extrait du projet final de la convention, non adopté
par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948 (traduction libre)).
Alors que les Etats membres des Nations Unies en 1948 ont rejeté
l’article sur le génocide linguistique et culturel, ils étaient largement
d’accord sur la définition de ce génocide. Je prétends que l’interdiction
peut être directe ou indirecte. S’il n’y a pas d’enseignant appartenant à la
minorité dans l’école maternelle ou primaire et si la langue minoritaire
n’est pas employée comme principal véhicule de l’éducation, l’usage de
cette langue est indirectement interdit dans la vie quotidienne/à l’école, ce
qui relève du génocide linguistique.
«LINGUICISME»:
notion analogue à celles de racisme, sexisme, «classisme», etc. (et
interdépendante avec ces notions): «idéologies, structures et pratiques qui
servent à légitimer, effectuer et reproduire une division inégale des
pouvoirs et des ressources (tant matérielles qu’immatérielles) entre des
groupes définis en fonction de la langue» (Skutnabb-Kangas 1988, 13
(traduction libre)).
Pour des précisions supplémentaires, voir Skutnabb-Kingas, Tove (2000).
Linguistic genocide in education – or worldwide diversity and human rights?
Mahvah, NJ & London: Lawrence Erlbaum Associates; 818 pages. Mon site
web (<http://babel.ruc.dk/~tovesku/>) comporte un résumé et un sommaire de
cet ouvrage.
65
Annexes
Inauguration des nouveaux locaux du Centre européen pour les langues vivantes
Annexe 1:
List of participants / Liste des participants
Principality of Andorra / Principauté d’Andorre
Maria Teresa Cairat Vila, Directrice générale de l’Ecole d’Andorre, Ministère
de l’Education
Austria / Autriche
Gunther Abuja, Zentrum für Schulentwicklung, Bereich III: Fremdsprachen,
Bundesministerium für Bildung, Wissenschaft und Kultur
Christos Alexandris, ao. u. bev. Botschafter, Griechische Botschaft
Erika Amsz, Bundesministerium für Auswärtige Angelegenheiten
Peter Bierbaumer, Institut für Anglistik der Karl-Franzens-Universität
Gary Cash, Eurostar Automobilwerk GesmbH
Ginté Bernadeta Damusis, Ambassador, Botschaft der Republik Litauen
Anton Dobart, Sektionschef, Leiter der Sektion I, Bundesministerium für
Bildung, Wissenschaft und Kultur
Rudolf Ebner, Abteilungsvorstand, Magistrat Graz, Abt. Finanzwirtschaft
Marie-Claude Farizon, Institut français, Gemaltes Haus/Herzoghof
Ulla Hauke, Internationaler Dienst der Parlamentsdirektion der Republik
Österreich
Dagmar Heindler, Zentrum für Schulentwicklung/Abt.III: Fremdsprachen,
Bundesministerium für Bildung, Wissenschaft und Kultur
Monika Hoekerek-Fritz, Vorstudienlehrgang der Wiener Universitäten
Waltraud Klasnic, Landeshauptmann
69
Hans-J. Krumm, Institut für Germanistik der Universität Wien, Deutsch als
Fremdsprache
Ambros Lackner, Vizepräsident, Kurator, Wifi Steiermark
Francois Laquièze, Conseiller culturel, Ambassade de France en Autriche
Horst Lattinger, Präsident , Landesschulrat für Steiermark
Edith Matzer, Zentrum für Schulentwicklung des BMBWK, Abt. III:
Fremdsprachen
Emo Meister
Siegfried Nagl, Stadtrat der Landeshauptstadt Graz
David Newby, Institut für Anglistik, Karl-Franzens-Universität Graz
Herbert Paierl, Steiermärkische Landesregierung
Hermine Penz, Institut für Anglistik, Karl-Franzens-Universität Graz
Peter Piffl-Percevic, Amt der steiermärkischen Landesregierung
Johann Popelak, Bundesministerium für Bildung, Wissenschaft und Kultur
Martina Reisinger, Montanuniversität Leoben, Institut für Bildungsförderung
und Sport
Karl Rieder, Pädagogische Akademie des Bundes in Wien, FB
Humanwissenschaftens
Enrique Rodriguez-Moura
Johanna Schicker, Bundesrätin, Mitglied der Österreichischen Delegation zum
Europarat
Ilse Schmid, Stv. Vorsitzende des Österreichischen Verbandes der Elternvereine
Ursula Stachl-Peier, Institut für Dolmetscherausbildung, Karl-FranzensUniversität
70
Alfred Stingl, Bürgermeister der Landeshauptstadt Graz
Heinz Tichy, Ministerialrat, BMWVK
Barbara Wedrac, Montanuniversität Leoben, Institut für Bildungsförderung und
Sport
Anneliese Wolfartsberger, BM für Bildung, Wissenschaft und Kultur
Andrew Wood, Institut für Dolmetscherausbildung, Karl-Franzens-Universität
Belgium / Belgique
Mireille Cheval, Attachée linguistique, Centre Européen de Langue Française,
Alliance Française de Bruxelles
Manja Klemencic, Director, ESIB – The National Unions of Students in Europe
Alain Mouchoux, General Secretary, European Trade Union Committee for
Education (ETUCE)
Bosnia and Herzegovina / Bosnie et Herzégovine
Claude Kieffer, Office of the High Representative, HRCC
Bulgaria / Bulgarie
Todor Popov, Clinical Centre, Allergology
Canada
Réjean Auger, Directeur du Laboratoire d’analyse de données et de formation
en mesure et évaluation, Université de Québec
Denise Lussier, Directrice des programmes d’études de premier cycle,
Département d’éducation en langues secondes, Université McGill
Croatia / Croatie
Mladen Dolenc, Senior Advisor, Department for International Co-operation,
Ministry of Education and Sports
Cyprus / Chypre
71
George Papadopoulos, Assistant to the Director of State Institutes for Further
Education (Foreign Language Training), Ministry of Education and Culture
Czech Republic / République tchèque
Pavel Cink, Director, Department of International Relations and European
Integration, Ministry of Education, Youth and Sports of the Czech Republic
Denmark / Danemark
Tove Skutnabb-Kangas, University of Roskilde, Department of Languages and
Culture
Estonia / Estonie
Suliko Liiv, Head of the Department of Germanic-Romance Languages, Tallinn
University of Educational Sciences
France
Bernard Mis, Chargé de mission, Ministère des Affaires étrangères – DGCID,
Direction de la coopération culturelle et du français
Joseph Poth, Directeur de la Division Langues, Unesco
Geneviève Zarate
Germany / Allemagne
Klaus Eichner, Oberstudiendirektor, Ständige Konferenz der Kultusminister der
Länder
Nikky Keilholz-Rühle, Leiterin der Abteilung Spracharbeit Ausland, Goethe
Institut, Zentralverwaltung
Herta Müller
72
Greece / Grèce
Niovi Trifona-Antonopoulou, School for Modern Greek, Aristotle University of
Thessaloniki
Hungary / Hongrie
Gábor Boldizsár, Conseiller général d’administration, Département des affaires
européennes et des relations internationales, Ministère de l’Education
Iceland / Islande
María Gunnlaugsdóttir, Head of Section, Ministry of Education, Science and
Culture
Latvia / Lettonie
Baiba Sermulina, Project Co-ordinator, Academic Programme Agency
Liechtenstein
Guido Wolfinger, Amtsvorstand, Schulamt des Fürstentums Liechtenstein
Lithuania / Lituanie
Loreta Zadeikaité, Head of the Division of Lower and Upper Secondary
Education, Ministry of Education and Science of the Republic of Lithuania
Luxembourg
André Wengler, Chargé de mission auprès du SCRIPT (Service de coordination
de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques), Ministère
de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle et des Sports
Malta / Malte
Frank Gatt, Inspector for French, Director, French Resource Centre, c/o Gian
Frangisk Abela Junior College Complex, Msida
Netherlands / Pays-Bas
Nicki Bos, European Cultural Foundation
73
Frans Lander, Special Delegate for International Policy, Ministry of Education,
Culture and Science
Norway / Norvège
Heike Speitz, Telemark Educational Research
Aanund Tveita, Head of Section, The Network Norway Council
Poland / Pologne
Krystyna Kowalczyk, Inspecteur principal au ministère de l’Education,
Ministère de l’Education Nationale, Département de la formation continue des
enseignants
Romania / Roumanie
Dan Ion Nasta, Directeur de recherche en didactique des langues vivantes,
Institut des Sciences de l’Education
Slovak Republic / République slovaque
Danica Bakossová, Senior Advisor, Ministry of Education of the Slovak
Republic
Slovenia / Slovénie
Zdravka Godunc, Counsellor to the Government, Ministry of Education and
Sport
Spain / Espagne
Pedro Pérez Prieto, Subdirección General de Cooperación Internacional,
M° Educación y Cultura
Sweden / Suède
Ingela Nyman, Director of Education, National Agency for
Education/Skolverket
Christoph Röcklinsberg, Linköpings University, Department of Language and
Culture
74
Switzerland / Suisse
Abdeljalil Akkari, Maître-assistant, Département des sciences de l’éducation,
Section française, Université de Fribourg
Gabriela Fuchs, Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction
publique – EDK/CDIP – Section Affaires Internationales
Aline Gohard-Radenkovic, Professeur associé et directrice, Centre
d’enseignement et de recherche, Unité Français Langue Etrangère, Université
de Fribourg
Rolf Schärer
« The former Yugoslav Republic of Macedonia » /
« L’ex-République yougoslave de Macédoine »
Ekaterina Babamova, Head of Department of English, Faculty of Philology,
Ss Cyril and Methodius University
Emilija Stavridis, Senior Adviser, Department for International Co-operation,
Ministry of Education
United Kingdom / Royaume-Uni
Roy Cross, Deputy Director ELT Group, The British Council
Federal Republic of Yugoslavia / République fédérale de Yougoslavie
Ranko Bugarski, Professor of English and General Linguistics, Faculty of
Philology / University of Belgrade
Permanent Representations of member states
to the Council of Europe /
Représentations Permanentes des Etats membres auprès du Conseil de
l’Europe
Ulrich Hack, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary, Permanent
Representative of Austria to the Council of Europe
Jan Svoboda, Représentant Permanent Adjoint de la République tchèque
auprès du Conseil de l’Europe
75
Piia Pumm, Deputy Permanent Representative, Permanent Representation of
Estonia to the Council of Europe
Jacques Warin, Ambassadeur, Représentant Permanent de la France, auprès du
Conseil de l’Europe
Johann-Adolf Cohausz, Permanent Representation of Germany to the Council
of Europe
Pietro Ercole Ago, Ambassadeur, Représentant Permanent de l’Italie, auprès du
Conseil de l’Europe
Solveiga Silkalna, Deputy Permanent Representative, Permanent
Representation of Latvia to the Council of Europe
Victor Grech, Counsellor and Deputy Permanent Representative, Permanent
Representation of Malta to the Council of Europe
Iuliana Gorea-Gostin, Représentant Permanent de la Moldavie auprès du
Conseil de l´Europe
W.-Karel Hoogendoorn, Représentant Permanent Adjoint du Royaume des
Pays-Bas auprès du Conseil de l’Europe
Knut Paus, Chargé d’affaires a.i. , Permanent Representative of Norway to the
Council of Europe
Ilona Marczyk, Permanent Representation of Poland, to the Council of Europe
Paula Silva, Représentant Permanent Adjoint, Représentation Permanente du
Portugal auprès du Conseil de l’Europe
Andrei Magheru, Deputy Permanent Representative, Permanent Representation
of Romania to the Council of Europe
Andrey V. Vdovine, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire,
Représentant Permanent de la Fédération de Russie, auprès du Conseil de
l’Europe
Juraj Kubla, Deputy to the Permanent Representative, Permanent
Representation of the Slovak Republic to the Council of Europe
76
Håkan Wilkens, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary, Permanent
Representative of Sweden to the Council of Europe
Stephan Winkler, Adjoint au Répresentant Permanent de la Suisse auprès du
Conseil de l’Europe
John Auld Webster, Permanent Representation of the United Kingdom to the
Council of Europe
Council of Europe Secretariat
Private Office of the Secretary General / Cabinet du Secrétaire Général
Walter Schwimmer, Secretary General, Council of Europe
Verena Taylor, Council of Europe
Directorate General of Political Affairs /
Direction Générale des Affaires Politiques
Klaus Schumann, Directeur général, Direction Générale des Affaires Politiques,
Conseil de l’Europe
Directorate General IV – Education, Culture and Heritage, Youth and
Sport / Direction Générale IV – Education, Culture et Patrimoine, Jeunesse
et Sport
Gabriele Mazza, Directeur délégué à Education, Direction Générale IV:
Education, Culture et Patrimoine, Jeunesse et Sport, Conseil de l’Europe
European Centre for Modern Languages /
Centre européen pour les langues vivantes
Michel Lefranc,
Executive Director / Directeur exécutif
Josef Huber,
Deputy Executive Director / Head of Programmes /
Directeur exécutif adjoint / Responsable des programmes
Michael Armstrong,
Administrator / Administrateur
77
Annexe 2:
Programme de l’inauguration officielle
des nouveaux locaux du CELV
Vendredi, 17 novembre 2000
10.00–12.00
Tour guidé de Graz (Héritage culturel du monde, Unesco)
14.00-15.00
Conférence de presse avec les représentants du CELV, du Conseil de
l’Europe et des Autorités autrichiennes
Tour guidé des nouveaux locaux: exposition de photos
15.00-16.00
16.00-18.00
18.30
Cérémonie d’ouverture officielle:
Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
−
Waltraud Klasnic, Représentant de la Province de Styrie
−
Alfred Stingl, Maire de la ville de Graz
−
Herta Müller, Ecrivain, orateur principal
−
Dagmar Heindler, Présidente du Comité de direction du CELV
−
Programme musical: Université de musique de Graz
Réception de la Ville de Graz, Mairie
Samedi, 18 novembre 2000
9.00-9.35
DEBAT
Débat:
Dans quelles langues vivront nos enfants et petits-enfants? Langues: leur
usage et leur rôle dans la société
Modération: Rolf Schärer (Suisse)
9.35-9.45
Podium:
Ranko Bugarski (sociologue, République fédérale de Yougoslavie),
−
Gary Cash (chef d’entreprise, Eurostar Automobilwerk GesmbH,
−
Graz/USA),
Manja Klemencic (ESIB, Slovénie),
−
Alain Mouchoux (ETUCE, France),
−
Herta Müller (écrivain, Allemagne/Roumanie),
−
Todor Popov (chercheur en médecine, Bulgarie),
−
Josef Poth (ancien directeur de l’Unesco, France),
−
Tove Skuttnab-Kangas (linguiste, Danemark)
−
Pause
9.45-11.15
Discussion en groupes
11.15-11.45
11.45-13.15
Pauses
Débat plénier
13.45-15.15
15.30
Réception
Programme culturel: dégustation de vins et dîner au Château de Seggau
79
Samedi, le 18 novembre 2000
Le débat du samedi matin
Présentation du modérateur:
« Dans quelles langues vivront nos enfants et petits-enfants?
Langues: leur usage et leur rôle dans la société »
Modérateur et expert principal: Rolf Schärer
Arrivée des participants (8h00 - 8h45)
Introduction (9h00 - 9h10)
Accueil (Michel Lefranc)
Présentation du programme (Josef Huber)
Discours introductif (9h10 - 9h35)
Rolf Schärer traitera les aspects principaux du thème afin d'orienter les
groupes de discussion subséquents.
Pause (10 min)
Groupes de discussion (9h45 - 11h15)
Quatre ou cinq groupes de discussions seront formés en fonction de
paramètres linguistiques afin de promouvoir une discussion et un échange
d'idées animés. Les présidents seront invités à sélectionner les trois
idées/questions les plus marquantes qui seront ensuite présentées aux
invités de la table ronde.
Pause (30 min, Hotel/Hôtel Weitzer)
80
Table ronde (11h45 - 13h15)
Modération: Rolf Schärer, Josef Huber
Invités:
!
!
!
!
!
!
!
!
Ranko Bugarski (sociologiste, Université de Belgrade, République
Fédérale de Yougoslavie)
Gary Cash (chef d'entreprise, Graz/USA)
Manja Klemencic ( ESIB, Slovénie)
Alain Mouchoux (ETUCE, France)
Herta Müller (écrivain, Allemagne/Roumanie)
Todor Popov (chercheur en médecine, Bulgarie)
Joseph Poth (ancien Directeur, Unesco, France)
Tove Skuttnab-Kangas (linguiste, Danemark)
Les invités représentant différents secteurs de la société seront invités à
réagir aux (groupes de) conclusions exposé(e)s, dont certaines pourront
être adressées à certains invités en particulier et pas à d'autres; trois tours
de réaction seront prévus et l'audience aura l'occasion de commenter.
Chaque invité a fourni une contribution de 2-3 pages pour la
documentation préalable à la conférence qui servira d'information de
base.
Après samedi matin
Les résultats des groupes de discussion et de la table ronde seront mis sur
le site web du CELV afin d'animer un forum de discussion avec
modérateur qui sera maintenu tout au long de 2001, l'Année européenne
des langues.
81
Annexe 3:
Biographies
Ranko Bugarski, professeur d’anglais et de linguistique générale, à
l’Université de Belgrade (République fédérale de Yougoslavie). Enseignement,
recherche et publications en anglais, la linguistique générale et appliquée, la
sociolinguistique. Douze ouvrages et de nombreux articles dans des revues
internationales. Ancien président et vice-président en exercice de la Societas
Linguistica Europea; ancien vice-président de l’Association internationale de
linguistique appliquée.
Gary W. Cash est directeur général de la fabrication d’Eurostar, de la Jeep
Grand Cherokee et de la Mercedes Classe M. Il vit en Autriche depuis
octobre 1993. Il a fait des études de «Engineering Administration» à
l’Université du Delaware, Newark, Delaware (Etats-Unis) et a occupé depuis
différents postes dans plusieurs pays. Il est marié et père de deux enfants.
Manja Klemencic, 26 ans, diplômée en gestion internationale (Slovénie).
Travaille depuis janvier 1999 comme secrétaire générale du Bureau
d’information des étudiants de l’Europe (ESIB), basé à Bruxelles (Belgique).
L’ESIB représente par l’intermédiaire de ses 41 membres dans 32 pays les
intérêts de plus de 8 millions d’étudiants au niveau européen. En tant
qu’étudiante, Manja Klemencic a travaillé comme coordinatrice d’un réseau de
discussion et formatrice dans le domaine du débat formel dans les pays
d’Europe centrale et orientale, et notamment du Caucase.
Alain Mouchoux est né le 28 octobre 1938. Après une carrière de professeur, il
est devenu inspecteur de l'Education Nationale en France. Il a assumé des
responsabilités syndicales tant en France que sur le plan international. D'autre
part, il a été administrateur de l'OFAJ (Office franco-allemand pour la jeunesse)
et président du Comité syndical francophone de l'éducation et de la formation. Il
est président d'une organisation de solidarité française (Solidarité Laïque). De
1993 à 2000: il est secrétaire général du CSEE (Comité syndical européen de
l'éducation).
83
Herta Müller, écrivain, née en 1953 à Nitzkydorf, en Roumanie, dans une
région du Banat germanophone. Après avoir suivi des études d’allemand, elle a
occupé un poste de traductrice dans une entreprise de construction mécanique.
Ayant refusé de collaborer avec les services secrets, elle perdit son emploi et la
publication de ses livres fut interdite en Roumanie. En 1987, elle émigra en
Allemagne. Elle vit aujourd’hui à Berlin. Son œuvre a été couronnée par de
nombreux prix littéraires dont le prix Kleist (1994) et le prix Aristeion de
l’Union européenne (1999). Parmi ses publications les plus récentes, on peut
mentionner « Heute wär ich mir lieber nicht begegnet » (Rowohlt, 1996) et
l’ouvrage « Im Haarknoten wohnt eine Dame » (Rowohlt, 2000).
Todor A. Popov est médecin, professeur associé à la Faculté de médecine de
Sofia. Il est spécialiste de médecine interne, allergologie et immunologie
clinique. Il possède également une certaine expérience de l’administration en
tant que chef du Département des relations internationales du ministère bulgare
de l’Education et de la Science. Actuellement, il s’occupe surtout
d’enseignement et de recherche dans son université. Membre du comité exécutif
de l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique, il est
chargé de la mise en œuvre des politiques d’enseignement et de recherche de
cette organisation dons la région de l’Europe du Sud-Est.
Josef Poth, ancien directeur de la division des langues au secteur de
l’Education, Unesco, France.
Tove Skuttnab-Kangas, Linguiste, Université de Roskilde, Département
« Langues et Cultures ». Champs d’intérêt : les droits linguistiques de
l’Homme, l’éducation des minorités, le language et le pouvoir, les liens entre la
biodiversité et la diversité linguistique, le bilinguisme, la politique linguistique,
l’intégration, l’ethnicité, les différentes formes de racisme (incluant le
linguicisme), les questions relevant de l’égalité des sexes / la discrimination.
Son site Internet: <http://babel.ruc.dk/~tovesku/>.
84

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