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Regards sur les assises d’Ile de France du 28 mars 2015 à l’école Centrale-Supélec. « Diriger en confiance. Pari impossible ? Par Sébastien Lemeunier1 et Marie-Noëlle de Pembroke2. Le thème de la confiance a été particulièrement bien accueilli dans une période où le doute et la peur du risque prennent trop de place. Ces assises servaient notamment trois objectifs – se réunir – témoigner – s’interroger. Il s’agissait de réunir les membres d’Ile de France et témoigner de la vivacité du mouvement. Pari réussi avec 450 participants à l’Ecole Centrale Supélec et la présence du Président des EDC Laurent Bataille. A cette occasion, les participants ont pu bénéficier d’une vision intime du vécu de nos témoins et de leurs ancrages profonds. Ils ont pu trouver dans ces témoignages personnels, enthousiasme, espérance et source d’inspiration, afin de nourrir leur démarche spirituelle de chrétien dans leur propre mission. Enfin, les témoins eux-mêmes ont exprimé avoir revisité et unifié leurs convictions avec un regard en vérité. Fidèles aux valeurs œcuménistes et d’ouverture des EDC, ces assises ont compté des participants et des intervenants ne faisant pas partie du mouvement, certains n’étant pas chrétiens, afin d’ouvrir les EDC à un regard plus large et faire témoignage au-delà de notre cercle. Premier temps : Accueil des participants par Hervé Biausser, Directeur de l’Ecole Centrale Supélec. Après 20 ans chez Usinor, il a pris la direction de l’Ecole Centrale. Il nous a rappelé l’histoire de l’école créée par 4 jeunes Saint Simonien en 1829, dont les valeurs étaient fondées sur une croyance dans le progrès au service de la société. Cette école relève d’une initiative privée par Alphonse Lavallée qui était un homme d’affaire. Les valeurs de ces fondateurs se déclinent en 4 points : - La sélectivité. Cette école était ouverte aux plus méritants et faisant preuve de qualités scientifiques. - La formation devait présenter un caractère ouvert. - Affirmer une volonté permanente d’internationaliser l’école. Elle maintient depuis sa création une moyenne de 20 % d’élèves internationaux. 1 Sébastien Lemeunier est enseignant chercheur à EBS-Paris. Président de la section d’Auteuil Marie Noëlle de Pembroke, membre des EDC, co-organisatrice du contenu de la journée, a créé sa société de Family Office dédié aux grandes familles entrepreneuriales. 2 - Elle se veut ouverte et proche des entreprises. Elle avait pour but de former « des médecins des usines et des fabriques » à une époque où les institutions supérieures formaient plutôt des cadres de l’Etat. Hervé Biausser nous annonce que le nombre d’étudiants dans le monde a plus que doublé entre 2000 et 2015. Il faut s’attendre par ailleurs, à ce que ce chiffre s’accroisse de 5 millions par an dans les années à venir du fait du développement de l’Amérique du Sud, de l’Asie et de l’Afrique. Effectivement rien ne se fait sans la confiance et l’école rejoint le thème de notre mouvement dans la mesure notamment où il faut agir en acteurs responsables de la société. Deuxième temps : Don Pascal André Dumont nous parle de la confiance Dom Pascal-André Dumont est Prêtre et économe de la Communauté Saint Martin, séminaire de formation de prêtres. Il est notamment fondateur du fonds d’investissement de partage Proclero basé sur des règles éthiques et dont une partie des gains financent la Communauté de Saint Martin. Intervention de Don Pascal-André Dumont : 1. L’obstacle principal à la confiance « Diriger en Confiance », Pari impossible ? Non ! C’est un pari possible ! Comment diriger en confiance ? Il faut pour cela éclairer les fondements de la confiance et identifier les obstacles qui pourraient se dresser devant elle. Parmi ces obstacles, on cite la peur d’être trahi, la peur de perdre, la peur du risque. Le risque doit toutefois être démystifié puisque le risque lui-même n’est pas une mauvaise chose. 1ère raison : Le risque appartient à la vie même de Dieu. Dieu lui-même a pris un risque en créant l’homme. Effectivement, ce qu’il y a de commun entre tous les hommes est le besoin d’aimer et d’être aimé qui a animé toute l’histoire de l’humanité. Ce besoin est la signature de Dieu dans le cœur de l’homme. Dieu a pris le risque de la non réciprocité en créant l’homme et en le voyant se fermer à son Amour. 2ème raison : Dieu lui-même invite à prendre des risques, comme il l’a fait avec Abraham. Il lui a dit de tout quitter, de partir de son pays, d’abandonner ses richesses et jusqu’à lui demander de sacrifier son fils. C’est justement parce qu’il lui a fait confiance qu’il a été récompensé. Nous même sommes appelés à prendre des risques au sortir du foyer familial « quitte ton père et ta mère ». De même dans le mariage il y a une prise de risques. Prendre un risque consiste à abandonner une certaine sécurité matérielle. C’est donc notre appel de dirigeant chrétien de prendre des risques et c’est aussi le risque de la confiance. C’est une attitude fondamentalement bonne de notre vie. 2. Les fondements de la disposition intérieure de la confiance Le risque encore une fois, doit être démystifié et il est indispensable de se libérer de la peur de ce risque pour avoir confiance. a- l’appel vient de Dieu. Abraham était pourtant très riche en troupeaux et il a tout quitté pour un pays inconnu. Pour Abraham, Dieu est fiable et la fiabilité de Dieu est la confiance. C’est un acte de foi et Dieu est infaillible. Néanmoins en cette période où la raison et la modernité règnent, croire en l’infaillibilité de Dieu n’est pas chose simple. Comme dirait Nietzsche « croire c’est bon pour les faibles qui ont besoin de se rassurer ». Et que dire de notre période postmoderne où la foi ne peut plus s’exprimer que dans la sphère privée et ne peut être au plus qu’un sentiment, une sensation ou un frisson ? Dieu a pourtant simplement dit à Abraham « fais-moi confiance ». Il y a effectivement dans la confiance une certaine précarité qu’il faut savoir accepter. b- L’espérance en une promesse qui va se réaliser. Pourtant, il est absolument nécessaire d’espérer d’entreprendre. La confiance nait d’une fiabilité et passe à la fécondité par le passage à l’acte. 3. Comment un dirigeant chrétien peut-il diriger en confiance ? Pour répondre à cette question, on passe par une approche en 4 dimensions, la hauteur, la longueur, la largeur et la profondeur. La hauteur de la confiance pour le dirigeant: Quelle est son origine ? Tout d’abord la confiance en Dieu. Dieu est premier maître du temps et de l’histoire. Au nom de cela, le dirigeant chrétien a besoin de prendre de la distance et du recul et devenir le collaborateur de cette providence divine. Il pense comme Dieu pense, il voit comme Dieu voit. Le fruit de cette confiance est le discernement, c’est-à-dire voir ce qui est invisible, ce qui va au-delà des apparences, voir la promesse de fécondité. Ce regard de foi rend visionnaire et donne le discernement permanent. L’entreprise a effectivement une valeur de bien commun pour Dieu. Dieu est prêt à s’impliquer dans l’entreprise puisqu’elle est bonne pour la société. La longueur de la confiance: Voyons la confiance dans le salut et la finalité du salut. Le dirigeant chrétien doit avoir un regard abouti et ce faisant cultiver un regard eschatologique3. Pour cette raison, il ne portera pas un regard utilitariste sur ses collaborateurs. Ces derniers aussi sont comme lui appelés au salut qui leur est promis. Nous portons alors une responsabilité eschatologique au risque de devoir répondre à la question « qu’as-tu fait de ton collaborateur ? ». L’activité professionnelle est orientée vers le salut. 3 Eschathologie : ensemble de doctrines et de croyances portant sur le sort ultime de l’homme après sa mort (la vie après la mort) et sur celui de l’univers après sa disparition (la fin des temps). La profondeur de la confiance : en soi et dans les autres. La fausse confiance en soi consiste à surévaluer ses qualités ou à sous-évaluer ses défauts. Cette fausse confiance en soi est un miroir déformant consistant à étendre ses qualités et à rétrécir ses défauts. Pour pallier ce problème, il faut se résoudre à accepter que c’est Dieu qui m’a créé et de fait s’accueillir et s’accepter tel que l’on est. La démarche consiste alors à reconnaître ses défauts et accepter d’être soi-même. Dans ce cheminement d’introspection, être soi-même est aussi être prêt à reconnaître que je ne suis pas fait ou plus fait pour être dirigeant. Il est donc très important de travailler sur sa personnalité et de ne pas avoir peur d’être transparent en montrant ses faiblesses et ne pas se dissimuler. Les faiblesses cachées sont un danger potentiel. Il faut se faire confiance, me faire confiance, car Dieu me fait confiance. A cela s’ajoute la bienveillance envers ses collaborateurs et les regarder avec lucidité en étant attentif à leur potentiel pour les faire évoluer et aussi… les servir. Faire confiance implique effectivement de connaître ses collaborateurs. La largeur de la confiance du dirigeant ou l’autorité du dirigeant en 6 points. Elle passe par votre relation avec le collaborateur. 1) Le dirigeant doit être capable de donner sa confiance au collaborateur en lui confiant une mission, en le regardant dans les yeux et le responsabiliser explicitement pour le faire grandir. Cela revient à accepter de ne pas tout maîtriser. 2) Il doit croire que le collaborateur peut progresser et qu’il est sage de le former, afin d’accroître ses compétences. 3) Accompagner le collaborateur par un contrôle transparent de sa mission. 4) Il faut permettre la restitution de la mission du collaborateur une fois accomplie, puisque c’est ce moment qu’il attend en réponse à la confiance que vous lui avez donnée. 5) Vous devez évaluer sa mission effectuée, afin d’exprimer une gratitude. 6) Enfin préoccupez-vous de la place à donner au collaborateur. La confiance est donc le support d’un avenir plein de promesses. Elle relève d’un lien profond entre l’économie et la confiance en Dieu. Aussi soyons passeur de confiance afin qu’elle soit contagieuse. Pour qu’elle soit crédible, la confiance ne peut être aveugle et elle doit être expliquée. Aussi est-il nécessaire d’exprimer notre vision et dire où l’on va pour inspirer confiance. Enfin Dom Pascal-André Dumont prie pour nous pour que nous soyons des « dirigeants enthousiastes » ce qui revient à dire que nous soyons des dirigeants habités par Dieu. Projection de l’extrait d’une intervention de Christophe de Margerie et hommage à sa mémoire. « La confiance manque en Europe. La confiance passe par la confiance dans le génie de la Nation, dans les institutions, dans les uns et les autres et enfin par la confiance en soi. Quand on n’a pas confiance en soi, comment donner confiance aux autres et aux jeunes en particulier ? » Troisième temps : table ronde « Confiance et Management » Elle est animée par Marie-Noelle de Pembroke et Pierre-Philippe Lacroix. Invités Jean Duforest patron de ÏDgroup, scout dans l’âme et profondément habité par le Christ, pour qui la relecture quotidienne est une force Michel Hervé, fondateur du Groupe Hervé, pionnier du management participatif, ancien député européen Nicolas Jeanson auteur de « Replacer l'homme au cœur de l'attention - Chronique d'un sauvetage industriel ». Ancien DRH et directeur de sites industriels Thème 1 : Comment rebondir après une épreuve ? Nous avons trouvé dans chacune des vies de nos invités des moments clefs où tout se décide. Jean Duforest Q : Vous nous avez dit avoir dû repartir à zéro plusieurs fois dans votre vie. Qu’est-ce qui, à partir de vos propres forces et dans votre rapport aux autres, vous a aidé à rebondir et comment avez-vous expérimenté cette 2ème chance ? o Dans l’existence tout est un éternel recommencement. Mon burnout à 39 ans a finalement été un beau cadeau puisque j’imaginais le monde tel que je le voulais et pas tel qu’il était. Depuis, j’ai pris l’habitude de me ré-imprégner quotidiennement de la réalité en réécrivant au calme ma journée sur un carnet. Ainsi, je préfère me relire et agir plutôt que réfléchir, cumuler les peurs pour finalement avoir peur d’agir. o Il faut accepter ses fragilités ; la fragilité sublimée est une force. o A 49 ans je croulais sous le surendettement. Pourtant, à la sortie de la messe, un ami m’a dit « je sais que tu es en difficulté mais j’investis sur toi ». Et puis son geste a amené d’autres investisseurs qui lui faisaient confiance. J’ai alors restructuré une entreprise tout en pratiquant beaucoup la marche à pied pour être proche de la réalité. J’ai-de-la chance certes, mais j’aide-la-chance. o Je reçois la grâce de Dieu et le plus beau des regards, c’est celui de Dieu Nicolas Jeanson Q : Votre dernier livre raconte un sauvetage industriel. D’où avez-vous tiré votre confiance pour prendre un poste aussi difficile alors que vous ne maîtrisiez ni le secteur ni la dimension technique du métier ? o Je vais utiliser l’image du chef d’orchestre pour vous répondre. Quelle est la valeur ajoutée du chef d’orchestre ? Il crée de manière organique, cohérente, ce que les musiciens ne parviendraient pas à créer individuellement. Pour ce faire, il faut un langage commun qui est le solfège. Selon cette approche, il faut s’interroger dans l’entreprise sur les règles de vie communes afin d’assurer les conditions de la collaboration ou de la coopération. Ce qui compte est la performance collective. o Par ailleurs, il faut procéder de manière inductive. J’ai passé des mois à écouter tout le monde et avec la même attention. Tant que les gens râlent, se plaignent, il y a de l’espoir puisqu’ils désignent les problèmes. En revanche, ce sont les gens qui restent silencieux qui posent problème. A cela j’ajoute que la politique de la reconnaissance est importante. Q : Comment avez-vous fait pour rétablir la confiance de vos collaborateurs sachant que leur usine était condamnée ? o J’ai fait la guerre sociale pendant 3 ans mais j’ai beaucoup appris. Chez les gens en difficulté il y a toujours beaucoup de potentiel. Il suffit d’aller au contact, être en vérité avec eux et prendre le temps de l’écoute. Michel Hervé : Q : Vous étiez enfant de cœur jusqu’à l’âge de 13 ans. Vous nous avez confié vous être éloigné de l’Eglise et de la foi lorsque vous avez entendu les témoignages de survivants des camps de la mort. Nous retrouvons néanmoins dans votre regard d’amour sur les hommes des pans entiers de la doctrine sociale de l’Eglise et vous les mettez en œuvre concrètement avec beaucoup de conviction. D’où vous viennent cette ouverture aux autres et cette foi en l’Homme ? o A 12 ans, après ma communion, je n'ai pas perdu la foi, mais je l'ai mise de côté. Après avoir pris conscience effectivement qu'au nom de la religion certains hommes pouvaient dériver au point d’être capables du pire et si loin de ce qui fait le fondement de leur croyance. Aussi, j’ai décidé d’ignorer les questions existentielles. o A 16 ans, la lecture du compte-rendu du procès d'Eichmann par Hannah Arendt, où elle décrit un pauvre type qui se disait irresponsable des crimes du nazisme ne faisant qu'obéir aux ordres du Führer, m'a définitivement fait rompre avec l'obéissance et magnifier le mot liberté. Cette dernière était aussi inspirée par l’exemple de mon père entrepreneur. o Enfin à l’armée on m’a dit que j’étais inapte au commandement. Soit. Au nom de tout cela j’ai décidé que je serai entrepreneur mais pas chef. Q : Vous parlez d’avancer sur le chemin. Vous dites ne pas être obnubilé par l’issue d’un projet mais accueillir les rencontres qui vont mener à sa réussite au fil de son avancement. Nous sentons votre confiance en la vie sans vouloir tout maîtriser. Quelle belle expérience avez-vous faite d’une rencontre qui vous a porté bien audelà de vos espérances ? o J’ai eu la chance de rencontrer de grands hommes qui m’ont inspirés. Bill Gates quand j’ai voulu numériser la ville de Parthenay en 1995, le Dalaï Lama lorsque je me suis impliqué comme président de l’association France-Tibet contre le régime chinois, et le Père Joseph Wresinsky dans ma lutte contre l’exclusion et la pauvreté. Ces rencontres ont eu un impact majeur sur mes chemins de vie. Thème 2 : Comment permettre à vos collaborateurs d’avoir confiance en eux pour qu’ils donnent le meilleur ? Michel Hervé Q : Nous avons entendu votre volonté d’être entrepreneur sans être chef. Votre manière de manager repose sur une volonté forte de mettre en commun les talents : est-ce une condition pour vous de la confiance ? Je pense que quand l’homme est heureux et qu’on lui fait confiance il donne le meilleur de lui-même. Ma conviction est que le bonheur d’être est supérieur au bonheur d’avoir. Ce qui les distingue est la liberté que je mets au cœur de ma manière de guider mon entreprise. Il y a effectivement une joie d’entreprendre et une joie dans la réussite. Le bonheur d’être vient de la capacité d’entreprendre, d’apprendre continument et de comprendre. Toutefois, mieux que le bonheur d’être, il y a le bonheur d’aimer et d’être aimé qui amène à la fraternité. Nous insufflons donc le sens de l’économie du don et du service en interne sans contrepartie financière, dans un esprit de solidarité. Dans mon entreprise on « synthétise » les individus en groupes et on les encourage à être des entrepreneurs sous le principe de l’intrapreneuriat4. Pour bien se connaitre, 4 l’intrapreneur est le membre d’une grande entreprise qui, en accord avec elle, et tout en restant salarié de son entreprise, possède un projet viable intéressant l’entreprise et qu’il peut réaliser en son sein. Il est celui qui transforme une idée rentable au sein d’une organisation. Teneau G., « Le concept d’intrapreneuriat ». Portail des PME 15/05/2014 ces groupes ne doivent pas dépasser les 15-20 personnes. Les managers sont choisis sur leur capacité intuitive à faire grandir leurs équipes et à être des catalyseurs pour lutter contre l’individualisme et favoriser la coopération (œuvre en commun) plutôt que la collaboration. Nicolas Jeanson Q : A vous lire, le management repose sur des principes simples (« remettre les choses à l’endroit », « donner du sens », « privilégier l’écoute et la méthode aux résultats ») Comment avez-vous réussi à les mettre en pratique concrètement dans vos différentes expériences ? L’autorité va de pair avec l’écoute et l’exercice de cette autorité est finalement un service. On est alors bien loin de l’abus de pouvoir. En tant qu’entrepreneur il faut aussi pouvoir rompre avec cette logique qui consiste à faire des hommes des variables d’ajustement. Q : Comment appréhendez-vous la notion d’erreur dans vos entreprises ? Est-elle propre à entamer la relation de confiance ? L’entrepreneur doit être cohérent pour être crédible. A-t-il le droit à l’erreur ? Pas vraiment. Si on fait une erreur avec un client, il ne pardonne pas. Aussi faut-il mettre les erreurs sur la table mais surtout distinguer erreurs et fautes. Seule la faute se punit, l’erreur s’accompagne. Cela implique donc d’être attentif et exigeant. Jean Duforest Q : Comment s’incarne au quotidien votre rôle d’inspirateur modérateur ? o J’ai pris comme ligne de conduite, notamment, la prière du chef scout : « Si tu veux être chef un jour, Pense à ceux qui te seront confiés, Si tu ralentis, ils s’arrêtent. Si tu faiblis, ils flanchent. Si tu t’assieds, ils se couchent. Si tu critiques, ils démolissent. Mais… Si tu marches devant, ils te dépasseront. Si tu donnes la main, ils donneront leur peau. Et si tu pries, alors, ils seront des saints. »5 5 Michel Menu On est sur l’exemplarité pour un bon manager. Dans ce petit texte, se trouve tout le management que j’aime. o Je n’aime pas le « ou » mais j’aime le « et ». Si on me dit « ou » je me dis « chic » voilà l’occasion d’être créatif avec les paradoxes à résoudre, l’altérité à mettre en œuvre et l’entente entre les gens. o Aujourd’hui je me retrouve dans la peau d’un chien de berger puisque je vais de groupe en groupe avec enthousiasme, sans regarder les troupeaux d’un œil suspicieux, sans mordre les mollets mais en continuant à courir à côté d’eux. Thème 3 : Comment communiquer en confiance entre générations ? Quelle(s) transmission(s) possible(s) ? Michel Hervé Q : Vous nous avez confié avoir perdu votre première épouse dans un accident. Vous vous êtes remarié et avez eu à nouveau 3 enfants avec 30 ans d’écart avec vos trois premiers. Qu’est-ce que cette nouvelle vie familiale vous a révélé de ce dialogue entre générations? o L’essentiel porte sur la question du sens à donner à son action, pour les jeunes comme pour les anciens. On doit pouvoir être capable de répondre au « pourquoi ? » et au « pour quoi ». C’est une recherche très naturelle chez les jeunes. Ils interprètent les signes dans la spontanéité. Les jeunes ont une capacité d’être débrouillards dans le brouillard. o Aujourd’hui, il faut être capable d’apporter de la rareté au client et d’innover en permanence. C’est du ressort des jeunes. Ravir le client c’est être dans l’innovation et c’est aussi le surprendre et apporter quelque chose à la société. o En tant que fondateur, j’ai déterminé la nature originelle de l’entreprise, mon fils lui donne sa grandeur. Il est un catalyseur de croissance tourné vers l’avenir Jean Duforest Q : Vous avez déclaré à de nombreuses reprises que vous ne vous sentiez que « locataire » de votre entreprise et pourtant vous nous avez exprimé la difficulté que vous avez eu à transmettre votre entreprise. Pouvez-vous nous en dire plus ? o Transmettre est une chose délicate et c’est de la gouvernance. Dans mon cas, en tenant compte des ayant-droits de mon associé, nous sommes une quarantaine de personnes dans la famille des associés. o Il est important de ne pas s’approprier son présent comme un être tout puissant, mais de savoir d’où l’on vient, être à la hauteur de l’héritage reçu. La transmission se prépare et se travaille, à vrai dire dès que l’on met des enfants au monde. Quand on devient parent on est là pour ses enfants. On agit pour que le monde progresse et on est au service de l’enfant. Et puis tout ce qui n’est pas donné est perdu. Dans la même logique, la charte familiale doit être écrite par mes enfants pour et par rapport à leurs propres enfants. o Je leur transmets avant tout cette valeur « juste fais le » et je l’appelle le « act for kids ». o Savoir se désapproprier de l’inutile, du futile o Nous avons le droit de consommer les œufs mais pas la canne. Quatrième temps : la messe Le groupe a cheminé vers l’écrin d’un joyau du XIIème siècle, l’église St Germain l’Auxerrois de Chatenay-Malabry. La messe fut présidée par le nonce Apostolique, Luigi Ventura, qui nous a confirmé le soutien du Pape dans notre mission. Que d’émotion devant cette procession de dirigeants ! Cinquième temps : les ateliers L’après-midi a été dédié à des ateliers sous la forme interactive afin d’approfondir les sujets qui ont été abordés le matin, créer une ambiance participative et de convivialité. En voici les thèmes. Redonner confiance, comment ? Gouvernance d’entreprise : quel management responsable ? Défiance ou confiance : comment favoriser le dialogue entre générations ? Le partage des fruits de la croissance suffit-il à créer la confiance ? Témoigner sa confiance au quotidien à travers des témoignages spontanés L’esprit « start-up » ; booster de confiance dans nos entreprises ? Transmettre son entreprise : et la confiance ? Nouvelles technologies : accélérateur de confiance ? Ces assises furent donc des moments de joie, de prières, dans une atmosphère de ferveur, de bienveillance, d’écoute et d’exigence créatrice. La journée a été rythmée par la chaleur et l’enthousiasme des chants du groupe Nomade. Quelques verbatim : « Soyons passeurs de confiance afin qu’elle soit contagieuse » « Des « dirigeants enthousiastes » revient à dire que nous soyons des dirigeants habités par Dieu » Rebondir après une épreuve « La fragilité sublimée est une force » « Croire en les autres et s’appuyer sur la solidarité amicale» « Le plus beau des regards, c’est celui de Dieu» « Marcher, toujours marcher pour se rapprocher de la réalité» « Je préfère me relire et agir plutôt que réfléchir, cumuler les peurs pour finalement avoir peur d’agir » « Devant les dérives de l’enrôlement, je décidais d’être entrepreneur mais pas chef » « Ne pas se soucier de l’issue d’un chemin mais garder une pleine ouverture aux rencontres» Permettre à ses collaborateurs de donner le meilleur d’eux-mêmes « Il s’agit de mettre le sens du don et du service sans contrepartie financière au cœur de nos organisations » « On ne peut connaitre en profondeur plus de 15 collaborateurs d’où des managers catalyseurs de talents d’équipes de 15 personnes» « Rompre avec la logique de l’homme comme variable d’ajustement » « Avoir un regard d’égalité à toutes les strates de l’entreprise » « Penser à ceux qui nous sont confiés » « Rendre les gens intelligents et autonomes » « Exigence et bienveillance » « Les seniors sont dans le comment, les jeunes sont dans le pourquoi et la recherche de sens » Transmission et confiance « Avoir conscience de ce que l’on a reçu » « J’ai reçu comme héritage la volonté d’entreprendre » « Ma force : Le tandem père et fils, opérationnel et bienveillance » « Je ne me sens que locataire de mon entreprise » « Ce chemin de désappropriation est un chemin de libération » « Je ne suis qu’un passeur. Je travaille dans l’entreprise de mes enfants » « Nous n’avons le droit de consommer que les œufs, mais non la canne » « La transmission est un fil rouge qui permet l’émergence du sens » « Passer du berger au chien de berger mais : sans regarder le troupeau avec un œil suspicieux, sans mordre les mollets, en continuant à courir à côté d’eux »