VIGILANCE ET MCG Deux cas genevois de xénophobie politisée
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VIGILANCE ET MCG Deux cas genevois de xénophobie politisée
VIGILANCE ET MCG Deux cas genevois de xénophobie politisée Fondé en 1964, le parti politique genevois Vigilance fait une entrée fracassante au Grand conseil genevois en raflant dix sièges, au détriment principalement des formations bourgeoises1. Fondé près de quarante ans plus tard, le Mouvement Citoyens Genevois (MCG) occupe quant à lui 9 sièges pour la législation qui débute en 20052. Les deux partis confirment leurs résultats en accroissant leur présence au Grand Conseil dans les législations qui suivront. Mais la ressemblance ne s’arrête pas là. Il y a en effet une analogie thématique évidente : des principes du MCG3, tels que « désamorcer l’immigration clandestine et le flux de requérants économiques », « lutter contre la criminalité banalisée », « favoriser la construction de logements » font écho de manière éclatante aux idéologies de Vigilance (voire ci-contre 4 ). La consubstantialité idéologique se confirme dans une certaine continuité politique : plusieurs anciens Vigilants s’engagent dans ce nouveau parti populaire5. Cependant, il est tout aussi évident que les deux partis se singularisent dans une large mesure. Vigilance se place clairement très à droite de l’échiquier politique6, alors que le MCG, au contraire, tente de se détacher du clivage idéologique pour présenter une dimension sociale plus importante7. Son principal cheval de bataille, l’invasion des Affiche de campagne de Vigilance frontaliers français, est une question qui ne se pose pas dans pour les élections cantonales de 1985 les années soixante ou septante. Il ressort en outre du discours de certains Vigilants, comme ceux de Pierre Jacquiard ou Eric Bertinat, un conservatisme et une virulence que l’on ne retrouvera pas au MCG8. C’est que l’on se situe à une époque où les sensibilités et le seuil du « politiquement correct » diffèrent de ce que l’on connaît aujourd’hui. Comparer les deux partis termes à termes serait donc parfaitement anachronique. Cependant, en les mettant en regard, on s’aperçoit qu’il existe une continuité historique entre les deux organes. Il n’y a qu’à écouter les explications des partisans de Vigilance pour s’apercevoir que leurs préoccupations sont en grande partie toujours actuelles : volonté de provoquer un électrochoc aux autres partis, crainte du réfugié économique ou du faux réfugié politique, 1 BÉGUIN, Jérôme, L’extrême droite genevoise. Des origines à nos jours, Divonne-les-Bains, Éditions Cabédita, 2007, p. 53. 2 RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE, Toutes les élections, [en ligne], URL : < http://www.ge.ch/elections >. 3 MOUVEMENT CITOYENS GENEVOIS, La charte du MCG, [en ligne], URL : < http://www.mcge.ch/mcge/?page_id=2 >. 4 Image in BÉGUIN, Jérôme, op. cit., p. 54. 5 C’est le cas de Jacques Andrié et de Roger Golay, respectivement Trésorier et Président du MCG actuel. FAVRE, Alexis, « Vigilance et MCG. Les faux jumeaux », in Le Temps, 19 octobre 2013. 6 De par la force de son anticommunisme et ses accointances avec le Front National notamment. ESTIER, Sabine, « Vigilance, deux ans après. La tentation extrémiste », in Genève – L’Année Economique et Sociale (Journal de Genève), 31 mai 1988. 7 FAVRE, Alexis, art. cit. 8 Bertinat écrira « L’homme et la femme égaux ? Tu parles ! » (BÉGUIN, Jérôme, op. cit., p. 57) et Jacquiard dira « Il y a de bons et de mauvais fascistes » (ESTIER, Sabine, art. cit., p. 62). leitmotiv d’une Genève arrivant à ses limites territoriales et démographiques9 ; autant de leviers qui ont fait la fortune électorale du MCG. L’analyse historique montre ainsi dans le cas de Vigilance une certaine xénophobie politisée qui remonte au milieu des années soixante en tout cas. Elle semble perdurer aujourd’hui, dans des termes et des problématiques qui divergent, puisque liés à la période dans laquelle ils se déploient. Les préoccupations de toute une frange de l’électorat et les programmes des deux partis qui y répondent sont néanmoins remarquablement proches. On remarque que le MCG tente d’éviter, consciemment 10 ou non, de commettre les erreurs qui finiront par causer la perte de Vigilance : son extrémisme trop affiché, divers scandales financiers, un amateurisme politique lié au succès inattendu du parti, des divisons internes dues au départ de plusieurs « piliers » et à la radicalisation d’une aile du mouvement ont rendu les Vigilants l’ombre d’eux-mêmes en 198811 ; ils finissent par disparaître totalement en 199112. Preuve qu’une partie de l’électorat suisse peut adhérer à une xénophobie politisée, mais que si la radicalisation et l’incompétence du mouvement sont trop importantes, elle peut cesser d’être suivie et finir par disparaître complétement. 9 En 1987, Genève était déjà pour toute une partie de la population sur le point d’éclater.13 « A Genève, le problème, c’est le trop plein » ; « Il y a trop de monde » ; « Vigilance va donner une prise de conscience aux autres partis » ; « Le faux réfugié est économique et pas politique ». Propos recueillis par ROSKOPF Liliane, réalisation par BOVON, Jean, « J’ai voté Vigilance », in Tell Quel (TSR), Archives de la radio télévision suisse, 29 novembre 1985, [en ligne], URL : < http://www.rts.ch/archives/tv/information/tellquel/5297746-j-ai-vote-vigilance.html >. 10 Roger Golay affirmera qu’il a le « syndrome Vigilance », au sens où il souhaite éviter les erreurs de son ancien parti (FAVRE, Alexis, art. cit.). 11 ESTIER, Sabine, art. cit. 12 FARRÉ, Sébastien, S. V. « Vigilance », in Dictionnaire historique de la Suisse, 2011, [en ligne], URL : < http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17412.php > 13 Image in ESTIER, Sabine, art. cit., p.58.