xavier bertrand dans la galaxie sarkozy

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xavier bertrand dans la galaxie sarkozy
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XAVIER BERTRAND
DANS LA GALAXIE
SARKOZY
Jusqu’à quand sera-t-il encore
ministre ? Itinéraire d’un
ministre, brillant représentant
de la génération montante.
Qui pourrait d’ailleurs hériter
d’un grand ministère
des Affaires sociales en cas
de victoire du candidat
UMP.
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HERVÉ KARLESKIND
etour en arrière : août 2004,
la réforme de l’assurance
maladie est mise en musique. A la baguette, Philippe Douste-Blazy, et, dans le second
rôle du ministre délégué, Xavier Bertrand. Présenté comme un « homme
de l’ombre », il assure alors, selon ses
propres mots, « le service après vote »
de la réforme. Quand Philippe Douste
Blazy quitte l’avenue de Ségur pour le
Quai d’Orsay, c’est lui qui hérite de la
charge d’un « ministère suicide ». Car
la santé, c’est souvent mortel. Morts
au champ d’honneur : Elisabeth Hubert, Alain Juppé, Jean-François Mattei. Blessés au front : Elisabeth Guigou, Martine Aubry, Jacques Barrot,
Hervé Gaymard. Croix de guerre avec
palmes : Bernard Kouchner, Philippe
Douste Blazy et … Xavier Bertrand,
qui signe un bilan plus qu’honorable,
pourtant peu servi par une conjoncture agitée et régulièrement traversée
par les lames de fond des déficits récurrents de l’assurance maladie. Ministre politique, technique, il se coule
R
PHARMACEUTIQUES _ FÉVRIER 2007
© S TOUBON
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sans peine dans le rôle d’un ministre
« sanitaire » sans être lui-même médecin. Une première en France.
Qu’on y songe : chikungunya, plan
Canicule, grippe aviaire, plan anti tabac : quatre écueils que le ministre
saura contourner et imposer avec habileté. Retoqué en avril dernier pour
cause de CPE, le plan anti tabac est
entré en vigueur le 1er février. A
moins de trois mois du premier tour
de l’élection présidentielle, il faut un
certain courage politique pour froisser des buralistes censés voter plutôt
à droite. Soutenu par l’opinion publique, le ministre n’a pas hésité. Il a
même failli y laisser sa promotion de
porte parole de Nicolas Sarkozy : l’entourage du champion faisait, en effet,
la fine bouche à l’idée que le promoteur d’une telle réforme accède à
cette fonction, craignant les effets
pervers de l’indisposition des cafetiers restaurateurs, clientèle certes
de droite, mais souvent tentée par
l’extrême. Rien n’y a fait. Bertrand n’a
pas cédé.
Tour de force. Côté technique, le déficit de l’assurance maladie, s’affiche
à moins de 4 milliards d’euros pour
2007. Certes, le trou n’est pas comblé : loin s’en faut. Mais sur le versant
politique, l’affaire est entendue : la
réforme de 2004, même si elle est vivement contestée sur ce point, aura
permis de contenir les déficits dans
des abysses acceptables.
Autre tour de force - à côté duquel
le chikungunya passe pour un goûter
d’enfants - le maintien de la paix
dans le monde médical. Et ça, c’est
fort ! Avec les médecins de ville
comme avec les hospitaliers, rien
n’est simple. Les premiers sont retors : Bertrand - élu local chevronné,
habitué des palabres - a compris qu’il
fallait les caresser dans le sens du
poil. Ces éternels rebelles n’ont-ils
pas ourdi la défaite de la droite en
1997, après avoir été, disaient-ils, matraqués par le plan Juppé ? Bertrand
a compris la leçon : ne rien faire qui
soit susceptible de les froisser. Honoraires augmentés larga manu, sanc-
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tions ajournées pour les récalcitrants
de la CMU, report du DMP (qui les
chagrine), publication d’un généraux
décret sur la permanence des soins :
du gâteau. Jamais les praticiens de
ville n’auront été aussi bichonnés.
Mais l’appétit vient en mangeant : la
revendication des généralistes,
consistant à porter le C (consultation
généraliste) au niveau Cs (consultation spécialiste), se fracasse sur les
mauvais résultats de la maîtrise en
2006, notamment au niveau des ALD.
Le patron de l’assurance-maladie,
Frédéric van Roekeghem tord le nez
et multiplie les obstacles pour refuser
d’ouvrir son porte monnaie. Mais les
spécialistes n’ont pas été oubliés,
même si certaines disciplines (rhumatologie, pédiatrie, dermatologie…) ont pâti de l’entrée en vigueur
du dispositif du médecin traitant. Là
aussi, les honoraires ont bénéficié
des impératifs politiques : « Il ne pas
froisser les médecins ».
responsabiliser les patients : il faut
gétaire élastique et… compréheninstaurer une franchise modeste par
sive : l’Ondam 2007 pour l’hospitalifamille sur les premiers euros de désation publique est plutôt généreux.
penses en consultations médicales ou
De fait, les ténors de la contestation
en examens biologiques ». En rehospitalière se sont faits très discrets.
vanche, côté médicament, Nicolas
Sarkozy, se montrait « réservé sur le
Au chat et à la souris. Avec l’indusforfait de un euro sur les
trie pharmaceutique, on
boîtes de médicaments
a un peu joué au chat et
qui pénalise, c’est un
à la souris. A l’automne
Retrouvailles
comble, ceux qui sont le
2005, les industriels ont
avec l’industrie du payer une « contriplus gravement malades ». Propos sagaces
pharmaceutique bution exceptionnelle »,
de toute évidence inspientendez une taxe sur le
rés par son porte parole
chiffre d’affaires d’un
ministre, lui-même
montant jugé exorbisensible à cette proposition déjà antant par les assujettis (le montant de
cienne du principal syndicat de méla taxe avait en effet bondi de 0,6 à
decins, la CSMF.
1,76%). C’en était trop pour les laboA l’hôpital, changement de décor.
ratoires qui avaient alors entamé une
Le ministre était attendu au canon
longue fâcherie avec les pouvoirs pulourd. Les PH (praticiens hospitablics. En plein carnaval du CPE, le
liers) ont très longtemps tiré leur léPremier ministre Dominique de Vilgitimité du ministre lui-même. C’est
lepin, avait tenté de recoller les morlui qui les nommait et les révoquait
ceaux avec certains industriels en or(très rare). Or, le plan Hôpital 2005,
ganisant, en avril 2006, un déjeuner
Au risque de froisser les Français
également porteur de la réforme de
« informel » que le Leem avait pour
eux-mêmes : dans une interview au
la T2A (tarification à l’activité), recesa part boudé, préférant, et de loin,
« Monde », Nicolas Sarkozy affirmait
lait également un profond bouleverque les retrouvailles fussent scellées
le 23 janvier dernier que « L’investissement hiérarchique au profit des
par une réunion du CSIS (Conseil
sement dans la santé restera forcédirecteurs d’hôpitaux. Là encore, si la
stratégique des industries de santé).
ment majeur ». « Je ne pense pas qu’il
réforme n’est pas complètement pasXavier Bertrand avait plaidé dans ce
y ait matière à beaucoup d’éconosée, disons pour faire court qu’elle n’a
sens, mais sans succès. La dite rémies dans la santé », disait le candipas provoqué de dégâts et que, tour
union aura finalement lieu le 5 février
dat UMP mais, car il y a toujours un
de force, l’hôpital ne s’est pas emde cette année, après avoir été
« mais », « nous n’éviterons pas de
brasé. Au prix d’une discipline budmaintes fois reportée. Le ciel s’est finalement éclairci entre le ministre et
les industriels : la ratification - très
probable - de l’avenant à l’accord
4BIO EXPRESS
cadre concernant notamment le déXavier Bertrand est né le 21 mars 1965
pôt de prix pour les médicaments à
l’UMP le charge d’animer le débat
à Chalons en Champagne (Marne). Il est national sur l’éducation à l’UMP. En
ASMR 4, a beaucoup contribué à détitulaire d’une maîtrise de droit public
tendre l’atmosphère, campagne prénovembre 2003, Xavier Bertrand se
et d’un DESS d’administration locale.
sidentielle oblige. Et la nomination
voit charger de piloter la création d’un
Entre 1987 et 1992, il exerce les
de Xavier Bertrand au poste de porte
groupement d'intérêt public, dont la
fonctions d’assistant parlementaire de
parole de Nicolas Sarkozy a été très
vocation est de rendre possible les
Jacques Braconnier, sénateur de
favorablement accueillie par le
échanges de données informatisées
l’Aisne. En juin 2002, il est élu député
monde de la santé. Restent quelques
sur les retraites et de proposer au
de la 2e circonscription de l’Aisne et
nuages : les syndicats de médecins
gouvernement le contenu et les
abandonne son mandat de conseiller
conventionnels poussent à la roue
modalités de l'information individuelle
général.
pour obtenir une énième augmentades Français.
tion des honoraires. Et les industriels
En janvier 2003, il est chargé par Alain
ne cachent pas leurs inquiétudes sur
Le 31 mars 2004, il est nommé
Juppé d’animer le débat national sur
l’évolution de la gouvernance, désecrétaire d'Etat à l'assurance maladie
les retraites à l’UMP. En juin de cette
nonçant, à mots à peine couverts, les
auprès de Philippe Douste-Blazy,
même année, il est nommé secrétaire
tentatives d’OPA de l’Uncam sur
ministre de la Santé et de la Protection
le CEPS, brouillant messages et
général adjoint de l’UMP en charge des
sociale dans le gouvernement de Jeandécisions.
débats de société.
Pierre Raffarin. Et occupe, depuis le 2
Reste, en guise de mot de la fin,
Il est rapporteur du projet de loi
juin 2005, le poste de ministre de la
l’hommage d’un parlementaire soportant réforme des retraites pour avis Santé et des Solidarités dans le
cialiste à Xavier Bertrand : « Le moins
de la Commission des finances.
gouvernement de Dominique de
pire des trois derniers ministres de
En juillet 2003, le bureau politique de
Villepin.
la Santé »… ■
FÉVRIER 2007 _ PHARMACEUTIQUES