Pas de couac pour Bâbak - Strasbourg Eaux

Transcription

Pas de couac pour Bâbak - Strasbourg Eaux
SYDNEY 2000
VENDREDI 8 SEPTEMBRE 2000
LES ALSACIENS EN JEUX
DEF
Pas de couac pour Bâbak
J BÂBAK AMIR-TAHMASSEB
Nadine AUZEIL
Mehdi BAALA
Laetitia CHOUX
Roxana MARACINEANU
Julien PILLET
Aziz RAGUIG
Yvon RIEMER
Nicolas ROSTOUCHER
Marc WILTBERGER
HervéKielwasser
Pas plus sportif que ça, Bâbak Amir-Tahmasseb a débuté le canoë-kayak pour musarder
et voir les canards. Treize ans plus tard, le Strasbourgeois déteste toujours autant la natation.
Mais aux Jeux, il prendra place dans son kayak biplace pour arriver en finale et, pourquoi pas,
voir des médailles.
Savante alchimie
K1 1000, K2 500, K4 1000, kézako ? Très
simple : la lettre K signifie « kayak », qui est à
distinguer du « canoë » tout court, désigné lui
par la lettre C. Le chiffre qui suit le K indique
la taille de l’équipage, qui comprend une,
deux ou quatre unités. Enfin, le dernier
nombre détermine la distance à parcourir en
mètres.
C’est facile à retenir, mais difficile à faire :
pour composer un équipage de valeur, il ne
suffit pas de mettre de bons solistes dans le
même bateau. « Avec Pierre Lubac, qui sera à
Sydney en K1 et K4 et qui est très rapide, on a
déjà essayé de faire un biplace ensemble : c’est
la catastrophe, explique Bâbak Amir-Tahmasseb. Ça ne donne rien du tout : une queue de
finale en championnat de France. Notre approche, nos appuis dans l’eau, les forces
appliquées sont complètement différents, ce
qui fait que le bateau bouge dans tous les sens.
C’est l’enfer, on s’use plus à trouver une
harmonie qu’à aller vite. Par contre, avec
Philippe Aubertin qui est mon équipier à Sydney, on a essayé, avec beaucoup d’angoisse, de
voir ce que ça donnait : il a suffi de 100 mètres
pour savoir qu’on pouvait faire un bon équipage. Deux personnes incompatibles, avec
beaucoup de travail, tu en feras un bon bateau.
Deux personnes compatibles, avec beaucoup
de travail, tu en feras un très bon bateau ».
La paire française, composée à cinq jours des
championnats d’Europe de Poznan, début
juillet, y a été éliminée en demi-finale pour...
0,1 seconde. « On espère qu’avec un peu de
travail, on gagnera cette 0,1 seconde ! plaisante l’Alsacien. Aux Jeux, on vise deux finales,
sur 500 et 1000 m. Et une fois en finale, on se
lâche ! Il y a neuf places, aucune n’est exclue.
Surtout en biplace, où le niveau est plus
homogène ».
Le duo tricolore est complémentaire à plus
d’un titre : Bâbak Amir-Tahmasseb est plutôt
spécialiste du 1000 m, tandis que Philippe
Aubertin a une prédilection pour le 500. La
place dans l’embarcation a aussi son importance. « Aux championnats d’Europe, j’étais à
l’arrière. Mais là, je vais passer à l’avant,
indique le Strasbourgeois. A l’avant, on a la
responsabilité du rythme, des relances, de la
stratégie. A l’arrière, il faut être très pointilleux
pour avoir la même gestuelle que son équipier,
et également veiller à la relance. Philippe et
moi, on est deux avants. Mais c’est Philippe, le
moins pire à l’arrière ». m
J.D.
17
Autant il aime flotter,
autant Bâbak
Amir-Tahmasseb
a horreur de nager.
« Même quand je fais
la planche, je marche
au fond », concède
le Strasbourgeois.
BIO
% Bâbak AMIR-TAHMASSEB
% Né le 19 mai 1976 à Téhéran
(Iran).
m82, 73 kg. « Brun aux yeux
bruns ».
% Professeur de sport.
% Père bourguignon et
architecte, mère iranienne et
kiné. Un grand frère, Marc,
également kayakiste.
% 1983 : arrivée en France, à
Strasbourg.
% 1987 : débute le canoë-kayak
au Strasbourg Eaux Vives.
% 1994 : champion du monde
junior en descente.
% 1995 : opte pour la course en
ligne.
% Juin 1998 : remporte une
épreuve de Coupe du monde
(K1 1000) à Duisburg (All).
% 1999 : vice-champion d’Europe
K1 1000 à Zagreb.
% Championnats du monde : 8e
en K4 (97), 7e K1 500, 4e
K1 1000 (98), disqualifié du
K1 1000 et demi-finaliste du
K2 500 (99).
% 5 titres de champion de
France seniors en K1 depuis
1997.
%1
Son
programme
aux Jeux
ET SI VOUS ÉTIEZ...
Bâbak Amir-Tahmasseb
... un plat ? ,,
Je serais un tournedos sauce moutarde.
,,
... un pays ? ,,
Je serais le Pérou, parce que j’aime bien
la montagne. Mais je n’y étais jamais.
Des pays que j’ai visités, j’ai adoré
l’Ecosse. J’y ai étudié pendant six mois,
à Edimbourg. La route du whisky, tout
ça...
,,
,,
,,
... un personnage célèbre en-dehors du sport ? ,,
Un acteur de cinéma. Jean Lefebvre !
Non, pitié. Je serais... John Malkovitch.
Dans la peau de John Malkovitch.
... une invention ? ,,
Je serais la téléportation. Sans hésiter.
Sur 500 mètres ? Même sur ce que vous
voulez : vu que je suis toujours en
retard !
,,
... un talent caché ? ,,
Un truc que je ne sais pas faire : nager !
Non, je serais plutôt bricoleur.
,,
... un chiffre ? ,,
Le 7. Sans raison. Je trouve ça joli. 7
c’est bien !
Le jeu
entre gamins,
c’était d’aller
à la baille
,,
Ses premières courses, il ne les
fera qu’un an plus tard. « J’étais
nul ! Je finissais toujours dans les
derniers. J’avais dix, onze ans, je
n’avais jamais fait trop de sport
avant et on me disait : tu pars d’ici
et t’arrives là à fond. Entre-temps,
j’avais tout le temps de regarder les
canards. Le jeu entre gamins,
c’était d’aller à la baille. Après tout,
on n’y allait pas en costard ! Et si
jamais tu ne finissais pas à l’eau, on
t’aidait largement à y aller. Ce n’est
qu’à partir de treize ans que je suis
passé du côté ludique, ballade, à la
compétition. A cet âge-là, tu essayes de te valoriser par tes perfs ».
Il s’entraîne avec des adultes, qu’il
rattrape, puis dépasse petit à petit.
Et lorsqu’il ne trouve pas de partenaire d’entraînement de sa taille, il
se mesure avec les biplaces. Il est
de plus en plus rapide, et c’est
désormais au tour des canards de
le regarder filer. C’est en cadets
qu’il perce véritablement à haut
niveau. « Je faisais de la descente
de rivière, qui n’était pas une discipline olympique. A l’époque, je
pensais à faire mon chemin, j’avais
des objectifs à court terme : intégrer l’équipe de France, réussir des
compétitions internationales ».
Chez les juniors, il devient champion du monde d’une discipline
qu’il abandonne l’année suivante.
Ce qui l’intéresse désormais, lui le
gamin qui ne faisait pas de sport,
c’est de participer aux Jeux Olympiques. Il se lance dans la course
en ligne et ne tarde pas à truster
les titres nationaux et les finales
internationales.
,,
,,
... un sportif célèbre autre que
vous-même ? ,,
Oh, je ne voudrais pas être un sportif. Je
serais un gars célèbre qui fait du sport
extrême. Genre ski extrême, quelque
chose comme ça. Un de ceux qui sont
encore vivants, tant qu’à faire.
B
ça me gonflait ! Mais au fur et à
mesure, j’ai commencé à me faire
plaisir ».
,,
... un animal ? ,,
Un chat. Je trouve ça génial. J’en ai un.
Enfin, c’est le chat de ma copine, qui l’a
appelé Chipie. Mais moi je l’appelle
Chips.
ÂBAK RIME avec kayak. Et
pourtant, à entendre le
jeune Strasbourgeois narrer ses jeunes années, la
première rencontre entre le quintuple champion de France et cette
discipline olympique aurait fort
bien pu se solder par un non-lieu
sur les berges de l’Ill.
Car le cadet des Amir-Tahmasseb
n’est pas sportif pour un sou
lorsqu’il débarque en Alsace, petit
Franco-Iranien de sept ans.
Jusqu’alors, il a partagé sa vie
entre Téhéran, où travaillaient ses
parents architecte et kinésithérapeute, et la maison des grandsparents, au bord de la Mer Caspienne. « Mon père faisait un peu
de sport. Moi pas du tout. J’étais
assez pantouflard, je jouais comme
un gamin de sept ans, c’est tout. En
Iran, les sports phares, c’est le foot
et la lutte. Je n’ai jamais joué au
foot, et je n’ai jamais fait de lutte.
Même en France, j’ai mis du temps
avant de faire du sport ».
Ce n’est qu’à l’âge de dix ans qu’il
commence à s’intéresser un tant
soi peu à une activité physique.
Pourquoi le canoë-kayak ? « Mon
grand frère, Marc, avait des problèmes de dos. Et ma mère, kiné,
estimait que c’était bon pour lui de
faire un sport qui lui renforce le
dos. Et du coup, le petit frère a
suivi. C’est tout bête, c’était vraiment du hasard ! Je me rappelle :
les deux premières semaines, le
kayak, ça ne me plaisait pas du
tout. Il ne voulait pas aller droit, et
Je voulais
faire le beau
tous les jours
,,
Auréolé de ces succès, Bâbak intègre en 1998 le Pôle France de
Vaires-sur-Marne, où il tombe de
haut : « Au début, à l’entraînement,
je n’acceptais pas d’être parfois
derrière des gars qu’il m’était arrivé
de battre en compétition. Je voulais
faire le beau tous les jours, mais au
bout d’un moment, je me suis fait
une raison, et je me suis dit : bon, je
me concentre sur mes objectifs. A
une plus grande échelle, les Jeux,
c’est ça aussi : certains veulent être
très forts toute l’année, au risque
de passer au travers à Sydney. Moi,
je préfère être moyen toute l’année
et être très fort aux Jeux ».
L’Alsacien est d’autant plus motivé
pour le rendez-vous olympique
qu’il a été privé, il y a un an en
Italie, de ses chances aux championnats du monde, après une
disqualification pour un prétendu
faux départ en série du K1 500.
« J’ai gagné cette série avec deux
secondes d’avance pour apprendre,
une demi-heure plus tard, que je
suis disqualifié pour faux départ. En
demi ou en finale, je ne dis pas,
mais là, en série, c’était absurde.
On ne peut même pas dire qu’il y a
eu des magouilles. Mais il y a eu
d’énormes erreurs lors de ces
championnats. Pour moi, c’est une
grosse frustration, parce que j’étais
serein pour cette compétition. C’est
une médaille qui m’a échappé. Et
c’est une place de plus pour les JO
que la France aurait pu gagner si
j’étais monté sur le podium...»
Pour mettre cette fois toutes les
chances de leur côté en Australie,
Bâbak et le collectif France sont
partis en stage en février, à Penrith, sur le site de la compétition
olympique. Ils ont trouvé là-bas un
bassin empli d’algues et très exposé aux vents. « Normalement, les
organisateurs ont traité le site
contre les algues. Et les compétitions auront lieu tôt le matin. C’est
là que les conditions paraissent les
plus favorables. Cela dit, les Australiens disent que septembre est le
mois des cerfs-volants. Et le vent,
c’est l’ennemi N°1 du kayakiste ».
Le Strasbourgeois a raison de se
méfier : lundi encore, la tempête
faisait rage sur Sydney. Bâbak, qui
rime avec kayak, sera-t-il cette
fois épargné par les couacs ? m
25 septembre :
séries K2 1000 m.
26 septembre :
séries K2 500 m.
27 septembre :
demi-finales
K2 1000 m.
28 septembre :
demi-finales
K2 500 m.
29 septembre : finale
K2 1000 m.
30 septembre : finale
K2 500 m.
Jean Deutsch
3377227 -
IS4
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