Transformation structurelle, croissance inclusive et développement
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Transformation structurelle, croissance inclusive et développement
Transformation structurelle, croissance inclusive et développement humain en Afrique Mohamed Ben Amar1 et Mohamed Tlili Hamdi2 Résumé : Ce travail explique dans quelle mesure les progrès économiques réalisés en Afrique ne sont pas transformés en un développement humain. Particulièrement, ce travail traite le lien entre la transformation structurelle et la croissance économique inclusive d’une part et le lien entre la croissance économique inclusive et le développement humain d’autre part. Les principaux résultats dégagés de ce travail sont au nombre de quatre. Premièrement, le niveau faible d’inclusion de la croissance économique des pays africains peut s’expliquer par l’absence d’une implication de ces pays dans un processus efficace de transformation structurelle. Deuxièmement, cette qualité insuffisante de la croissance économique a pesé lourd sur la réalisation du développement humain. Troisièmement, la réalisation du développement humain en Afrique exige le déclanchement d’un processus efficace de transformation structurelle pour améliorer le niveau d’inclusion de la croissance économique dans notre continent via la création de l’emploi de qualité. Enfin, ces premiers résultats sont confirmés par notre travail empirique pour un échantillon de pays africains au cours de la période (1986-2012). Autrement dit, la transformation structurelle et le développement humain ne se renforcent pas mutuellement en Afrique comme dans d’autres pays en développement dans le reste du monde. Mots-clés : transformation structurelle, croissance inclusive, emploi, développement humain, Afrique. Abstract: This work explains how economic progress in Africa is not transformed into a human development. Specifically, this work deals with the relationship between structural transformation and inclusive economic growth on one hand and the link between inclusive economic growth and human development on the other. The main results emerged from this work are four. First, the low inclusion of economic growth in African countries can be explained by the implication lack of these countries in an effective process of structural transformation. Second, the insufficient quality of economic growth weighted heavily on the achievement of human development. Third, the achievement of human development in Africa requires triggering of an effective process of structural transformation to improve the level of inclusion of economic growth in our continent through the creation of skilled employment. Finally, these preliminary results are confirmed by our empirical work for a sample of African countries during the period (1986-2012). In other words, structural transformation and human development do not reinforce mutually in Africa as in other developing countries in the world. Keywords: structural transformation, inclusive growth, employment, human development, Africa. JEL Classification: C23, O14, O15, O40 1 Maître Assistant en Sciences Economiques à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax, Tunisie ; e-mail: [email protected] 2 Maître de conférences en Sciences Economiques à l’Institut Supérieur d’Administration des Affaires de Sfax, Tunisie. e-mail: [email protected] 1 Introduction Au cours de la dernière décennie, les institutions internationales et les groupes internationaux de consultation économique et financière ont beaucoup parlé des pays africains. Particulièrement, ils ont cité les grandes performances économiques réalisées dans ce continent et de son potentiel immense en matière de ressources naturelles et en matière d’autres facteurs de croissance économique. “The potential of Africa is vast. While the African economies as a group are unlikely to challenge the BRICs3 (…), they could deliver significant growth and higher incomes over next several decades” (Goldman Sachs Asset Management, 2010, p7). De même, dans un travail empirique qui consiste en une estimation en panel pour un échantillon de pays africains, Ben Amar et Hamdi (2012) ont montré que la compétitivité globale des économies de ces pays a exercé des effets positifs sur leur croissance économique au cours de la dernière décennie. En termes de développement humain, l’Afrique enregistre un grand retard par rapport aux autres régions en développement. En effet, en matière d’égalité du revenu, de santé, d’éducation, d’égalité de genre, de lutte contre la pauvreté et de vulnérabilité de la croissance économique par rapport aux chocs extérieurs, il reste encore beaucoup du travail à effectuer. Dans ce cadre, Hamdi et Omri (2012) ont montré que dans l’ensemble, la croissance économique des pays africains est vulnérable aux chocs extérieurs. Particulièrement, ils ont montré que cette vulnérabilité concerne plus l’Afrique Subsaharienne que l’Afrique du Nord. « L’amélioration de la performance économique réalisée durant la dernière décennie ne s’est traduite ni par une réduction correspondante du chômage, ni par une réduction de la pauvreté ni par des progrès significatifs vers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) » (CEA et UA, 2011, p3) « Malgré les avancées observées entre 1996 et 2005, l’Afrique continue de progresser plus lentement sur le front de lutte contre la pauvreté que les autres régions en développement (…). Si la situation s’est améliorée dans nombre de pays depuis 1996, la croissance a souvent été le fait de secteurs n’entretenant que des liens distendus avec le reste de l’économie comme les mines et le pétrole - et n’ayant, de ce fait, que des retombées limitées sur la création d’emplois et la réduction de la pauvreté ; » (BAD, OCDE, PNUD et CEA, 2011). Les derniers rapports d’Africa Progress Panel4 (2010, 2011 et 2012) ont traité successivement les trois questions suivantes : i) la valorisation des ressources de l’Afrique par la réalisation d’une croissance économique durable et équitable et la diminution de la pauvreté, ii) le rôle d’un ensemble de partenariats à développer pour transformer l’Afrique. Autrement dit pour réaliser un développement humain, iii) et le rôle de l’emploi, la justice et l’équité dans la transformation des performances économiques en matière de croissance économique en un développement humain, par le moyen des effets qu’ils exercent sur toute la société. De même, la Commission Economique Africaine (CEA) et l’Union Africaine (UA) dans leurs rapports économiques sur l’Afrique de 2010 et 2011 ont traité successivement l’importance de l’aspect qualitatif de la croissance économique dans la réduction de la pauvreté et par conséquent la réalisation du développement humain, et l’importance de la transformation structurelle dans la création de l’emploi non vulnérable. Donc, la grande majorité des rapports déjà publiés insistent sur l’importance d’une croissance inclusive dans la réalisation du développement humain. 3 4 Brésil, Russie, Inde et Chine. Présidé par Kofi Annan. 2 Enfin, l’ONUDU et la CNUCED, dans un rapport spécial publié en 2011, supposent que dans les économies modernes, une croissance forte et durable, capable de réduire la pauvreté, implique généralement le déclenchement d’un processus d’industrialisation et particulièrement l’essor du secteur manufacturier. En se basant sur les principaux résultats de ces rapports publiés sur l’Afrique, on a voulu étudier le lien entre la transformation structurelle et la croissance inclusive d’une part, et le lien entre la croissance inclusive et le développement humain d’autre part. Pour atteindre tel objectif, on va traiter les deux questions suivantes : i) comment la transformation structurelle peut améliorer le niveau d’inclusion de la croissance économique? et ii) comment la croissance inclusive peut contribuer dans la réalisation du développement humain en Afrique ? Le choix de cette problématique est justifié essentiellement par au moins trois facteurs. Premièrement, le fort lien entre la transformation structurelle et le développement humain. L’expérience d’autres pays en développement (le Brésil et d’autres pays asiatiques) a montré que la transformation structurelle dans un contexte de croissance économique rapide peut amener au développement humain. Deuxièmement, le coût très élevé de la non-inclusion dans le continent dont les estimations effectuées montrent qu’une accentuation des inégalités de 1% aggrave la pauvreté de 2.16%. Troisièmement, l’obligation d’optimiser l’utilisation des ressources naturelles du continent qui sont épuisables et mêmes non renouvelables pour certaines. En réalité, la croissance inclusive est basée sur un ensemble de mécanismes dont particulièrement la diminution des inégalités5, la création de l’emploi décent, la diminution de la pauvreté et la protection des populations les plus vulnérables. Dans ce présent travail nous allons focaliser notre analyse sur le concept d’emploi pour au moins quatre grandes raisons qui sont présentées par la BAD (2013). Premièrement, parmi ces différents concepts adoptés, l’emploi reste l’élément essentiel et le majeur défi à relever pour aboutir à une croissance inclusive. Deuxièmement, la grande leçon économique de la décennie donnée par la région MENA et qui consiste à montrer que ce qui importe n’est pas la croissance en soi, mais par contre la qualité et le modèle de la croissance6. Troisièmement, dans son élaboration d’un score pour la croissance inclusive dans les pays de l’Afrique du Nord, la BAD a montré la forte sensibilité de ce score par rapport aux indicateurs de l’emploi. Enfin, contrairement aux pays d’Asie de l’Est et du Sud-est, l’Afrique n’a pas tiré parti de ses atouts démographiques. En effet, entre 1970 et 2000, dans les 4.3% de croissance réelle du PIB par consommateur effectif, le dividende démographique dans ces pays a contribué à raison de 1.9 point de pourcentage. Alors que pour l’Afrique, ces taux sont respectivement de 0.8 et 0.06%. Donc, pour ces différentes raisons, nous allons assimiler la croissance inclusive à la capacité de la croissance économique de créer de l’emploi de qualité. Autrement dit, l’emploi productif et bien rémunéré. Pour traiter cette problématique, nous organiserons notre travail en trois sections. La première section est consacrée à une présentation brève des performances économiques réalisées par les pays africains, leur potentiel immense en matière de ressources et leur retard en matière de croissance inclusive et par conséquent en matière de développement humain. La deuxième 5 Toutes catégories confondues. Au cours de la période (2000-2010), cette région a réalisée une croissance annuelle moyenne du PIB réel autour de 4 à 5%. Mais, les disparités régionales et le chômage des jeunes ont représentés les principales caractéristiques de ces économies. Boughzala et Hamdi (2014) ont attribué les revendications sociales dans quelques pays essentiellement à ces deux facteurs. De même, la Banque Mondiale dans un rapport publié en 2014 a souligné l’importance de la création de l’emploi de bonne qualité pour que la Tunisie dépasse cette situation très difficile. 6 3 section s’occupe de l’analyse théorique et empirique du rôle joué par la transformation structurelle dans la réalisation de la croissance économique inclusive en Afrique. La dernière section traite la contribution de la croissance économique inclusive dans la réalisation du développement humain en Afrique. 1. L’Afrique : des performances économiques, mais pas de croissance inclusive et de développement humain En réalité, les pays africains ont enregistré des grandes performances économiques et disposent d’un grand potentiel en ressources, mais ils ont rencontré des grandes difficultés pour les transformer en une croissance inclusive et en un développement humain. 1.1. L’Afrique : des performances économiques et un potentiel immense en ressources En matière de performances économiques et selon le rapport publié en 2010 par McKinsey Global Institute, les pays africains ont réalisé une grande amélioration au cours de la dernière décennie. Ainsi, le PIB africain a enregistré une croissance annuelle moyenne de 4.9% au cours de la période 2000-20087. Ce taux a plus que doublé par rapport à celui des années 80 et 90. Le PIB africain a atteint en 2008 les 1.600 milliards de dollars ; presque l’équivalent de celui du Brésil et de la Russie. De même, les dépenses de consommation en 2008 sont estimées à 860 billions de dollars. Enfin, après une baisse constante au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt dix, la productivité du travail en Afrique a retourné à augmenter avec une forte croissance annuelle moyenne de 3% au cours de la période 2000-2008. En plus des performances déjà réalisées en matière de croissance économique et toujours selon le rapport publié en 2010 par McKinsey Global Institute, l’Afrique possède un grand potentiel de croissance économique dû à sa disposition d’une grande richesse naturelle et des ressources humaines. « If recent trends continue, Africa will play an increasing important role in the global economy. By 2040, the continent will be home to one in five of the planet’s young people, and the size of its labor force will top China’s. Companies already operating in Africa should consider expanding». (McKinsey Global Institute, 2010, p8) Ainsi, le PIB africain en 2020 est estimé à 2.6 trillion de dollar. De même, les dépenses de consommation en Afrique sont aussi estimées à 1.4 trillion de dollars en 2020. Ces estimations sont appuyées sur un ensemble de facteurs. Premièrement, en matière de ressources, l’Afrique dispose des réserves mondiales importantes : 10% en pétrole, 40% en or, 80% en chrome et 90% du groupe des métaux de platine. Deuxièmement, en matière de changements sociaux et démographiques ; le taux d’urbanisation est estimé à 50% en 2030. Enfin, l’Afrique est le continent le plus jeune dans la planète et le nombre des travailleurs en Afrique est estimé à 1.1 milliard en 2040. Toutefois, cette croissance économique n’était pas inclusive et transformée en un développement humain. 7 L’Afrique est classée deuxième en matière de croissance la plus rapide au niveau mondial derrière l’Asie de l’Est (CEA, et UA, 2012).De même, entre 2000 et 2009, 11 pays africains ont enregistré un taux de croissance supérieur ou égal à 7% (CEA, 2013). Enfin, en matière de climat d’affaire, les rapports d’évaluation publiés par la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement depuis 2004 ont montré un grand avancement réalisé par les pays africains dans ce domaine. 4 1.2. L’Afrique : un retard en matière de croissance inclusive et de développement humain En dépit de ces grandes performances sur le plan économique, l’Afrique enregistre encore un grand retard sur le plan du développement humain par rapport aux autres régions en développement dans le monde. Ainsi, la croissance économique n’était pas inclusive, car, elle n’a pas touché la grande majorité des dimensions du développement humain. En effet, l’accès aux services sociaux de base est limité. Les inégalités sont flagrantes. La création d’emploi décent est très faible. Enfin, comme conséquence inévitable à ces différents défauts la pauvreté demeure très élevée dans le continent. Commençons par l’accès aux services sociaux de base, entre 2006 et 2009, 28% seulement de la population africaine avait accès à l’électricité contre 70% dans d’autres régions du monde en développement. De même, en matière de conditions d’accès à l’eau, ces taux sont respectivement 69% et 88%. (BAD, 2012). En matière de moyens de subsistance alimentaire, dans son rapport sur le développement humain en Afrique publié en 2012, le PNUD a évoqué la question d’insécurité alimentaire dans le continent et sa persistance malgré l’abondance des ressources. Ce rapport a souligné aussi comment la sécurité alimentaire peut représenter un facteur de développement humain et que seulement la croissance économique inclusive qui peut contribuer au développement humain. « Depuis 2000, l’Afrique a subi plusieurs épisodes graves d’insécurité alimentaire, qui se sont soldés par de lourdes pertes en vies humaines et en moyens d’existence. Au moment même où le présent rapport est publié, une nouvelle crise alimentaire frappe de plein fouet la région du sahel, en Afrique de l’Ouest. Au cours de la seule année 2011, des millions de personnes ont été affectées par la famine, de l’autre côté du continent, dans la Corne de l’Afrique, et plus précisément dans certaines régions de la Somalie ». (PNUD, 2012, p3). L’impact limité de la forte croissance économique sur l’accès aux services sociaux de base et les moyens de subsistance a contribué au creusement des inégalités dans le continent. En effet, l’Afrique est classée deuxième au niveau mondial en 2008 avec un coefficient de Gini de 44.2%, juste derrière l’Amérique latine et les Caraïbes. En 2010, six parmi les dix pays souffrant le plus d’inégalités dans le monde sont africains. (Cummins et Ortiz, 2012). Les inégalités entre les sexes et les zones géographiques sont aussi fortement présentes dans notre continent. Ainsi, les femmes du quintile le plus riche ont près de trois fois plus de chances que les femmes du quintile le plus pauvre d’accoucher en présence de personnel qualifié. De même, 90% des femmes qui vivent en zone urbaine ont bénéficié d’au moins d’une visite prénatale pendant leur grossesse, contre seulement 71% des femmes vivant en zones rurales. (CEA et UA, 2014). En matière d’emploi, pour la grande majorité des pays africains, les taux de chômage n’ont pas bougé au cours de la dernière décennie. En 2008, le taux de chômage est de 10% en Afrique du Nord et de 7.6% en Afrique Subsaharienne. Ce chômage touche essentiellement les jeunes qui représentent le grand morceau de la population africaine; plus de 60% des africains ont moins de 25 ans et ont le taux de chômage le plus élevé (OIT, 2009). En Afrique, l’emploi a un certain nombre de caractéristiques spécifiques. Premièrement, l’emploi est essentiellement crée dans le secteur agricole. En 2007, en Afrique Subsaharienne, la part du secteur agricole dans la création d’emploi est de 62.5%8. Deuxièmement, environ 8 Au niveau mondial, ce taux est de l’ordre de 34.4% seulement. 5 90% des emplois sont crées dans le secteur informel. Troisièmement, l’emploi est en grande partie vulnérable surtout dans l’Afrique Subsaharienne, avec un taux de 77.4% en 2007 (OIT, 2009). En réalité, cette insuffisance qualitative qui caractérise la croissance économique en Afrique explique en grande partie le taux de pauvreté qui demeure élevé dans ce continent. En effet, 50% de la population africaine vivant avec moins de 1.25 dollar par jour. Ce taux est aussi élevé aujourd’hui que les années 80 (CEA et UA, 2010). « Si les économies africaines ont en général, enregistré une croissance légèrement inférieure aux 7% nécessaires pour atteindre les OMD, leur incapacité de générer des emplois peut en grande partie être attribué à la composition de la croissance de la production. La principale source de croissance économique en Afrique est la croissance des secteurs d’extraction des ressources naturelles, qui par leur nature et leur forte intensité de capital ont, à quelques exceptions près, des liens limités avec les économies africaines intérieures » (CEA et UA, 2010, p44). La forte croissance économique en Afrique n’a pas eu d’impact significatif sur le développement humain des populations. Selon l’indicateur du développement humain (IDH) en 2013 et contrairement aux autres pays en développement (asiatiques et latino-américains), aucun pays africain n’a atteint un niveau de développement humain élevé9. Ce constat s’explique par le niveau faible d’inclusion de la croissance économique. De même, cette croissance économique n’était pas inclusive, car elle n’a pas crée suffisamment d’emploi décent (schéma 1). Ainsi, au cours de la période (2002-2012), les exportations de pétrole, de métaux, et d’autres minerais contribuent pour plus des deux tiers de l’augmentation des exportations. Le pétrole brut représentait à lui seul plus de 50% des exportations des marchandises en 2012 (CEA et CUA, 2014). Donc, la production de ces marchandises avec des technologies fortement intensives en capital est pauvre en valeur ajoutée et en emploi. Schéma 1 : De la croissance économique non inclusive au faible développement humain en Afrique Une croissance économique assez élevée et non inclusive Création peu d’emploi décent Emploi crée essentiellement dans le secteur informel (agricole et minier) et en grande partie vulnérable (surtout chez les jeunes et les femmes) Pauvreté encore très élevée et un retard en matière de développement humain Source : Conception des auteurs Donc, la question qui se pose comment faire pour bénéficier de ces performances économiques en termes de développement humain ? Les économistes proposent l’amélioration du niveau d’inclusion de la croissance économique des pays africains. Mais, 9 La grande majorité des pays africains ont un niveau de développement humain faible et un petit nombre ont un niveau de développement humain moyen. 6 comment on peut atteindre tel objectif ? La transformation structurelle peut-elle représenter un moyen efficace? 2. Transformation structurelle et croissance inclusive en Afrique Dans leurs analyses, les économistes supposent quelques fondamentaux et forment quelques consensus. Dans le contexte de notre travail, les économistes sont d’accord sur le fait que : i) l’emploi est le canal principal par lequel la croissance économique peut réduire la pauvreté, ii) l’emploi10 est dépendant de la qualité de la croissance économique et iii) la qualité de la croissance économique est dépendante de la composition sectorielle de la production. Donc, à priori d’après ces consensus, la réduction de la pauvreté et la réalisation du développement humain en Afrique, exigent l’adoption d’une politique de transformation structurelle pour modifier la composition sectorielle de leurs productions en faveur du secteur manufacturier. Ainsi, au cours des trois dernières décennies, les pays africains ont souffert de l’absence d’une politique industrielle efficace. Un manque qui a freiné la transformation économique et la croissance de l’emploi dans ce continent (CEA et UA, 2010). Dans cette section, nous présenterons d’abord un état de lieu de la composition de la production des pays africains. Ensuite, nous vérifions empiriquement l’impact du niveau d’industrie manufacturière sur l’activité économique dans son ensemble pour un échantillon de pays africains. Enfin, nous montrerons l’utilité et la nécessité de suivre un processus de transformation structurelle dans les pays africains pour améliorer la qualité de la croissance économique en matière de création d’emplois décents et de durabilité. Autrement dit pour améliorer le niveau d’inclusion de la croissance économique. 2.1. La composition de la production des pays africains : un état de lieu En réalité, le problème de la composition de la structure de la production des pays africains ne concerne pas la contribution de l’industrie dans l’activité économique, mais plutôt, la contribution de l’activité manufacturière. Ainsi, en 2008, la contribution du secteur industriel au PIB pour les pays africains en développement est de 40.68%. Cette contribution est plus élevée que la moyenne mondiale qui est de l’ordre de 30.08%. Alors que pour la contribution du secteur manufacturier, elle est de l’ordre de 10.49% en 2008. Ce taux est plus faible que la moyenne mondiale qui est de 18.13% (CNUCED et ONUDU, 2011). De même, le secteur manufacturier contribue à raison de 9% seulement dans l’ensemble de l’emploi en Afrique. Alors que, l’agriculture représente le tiers du PIB et 62% de l’emploi dans le continent en 2012. (CEA et UA, 2014). En plus de sa faible contribution dans l’économie, le secteur manufacturier a d’autres limites. Premièrement, sa part dans l’industrie manufacturière mondiale est très faible. Elle a diminué de 1.2% en 2000 à 1.1% en 2008. Alors que pour les pays en développement asiatiques, cette part a augmenté en passant de 13 à 25% au cours de la même période. Deuxièmement, en matière d’articles manufacturés à faible technologie et à forte intensité en main d’œuvre, l’Afrique a reculé. Ainsi, la part de ces articles dans la valeur ajoutée manufacturière a tombée de 23% en 2000 à 20% en 2008. De même, la part de ces articles dans le total des exportations manufacturières de l’Afrique a aussi baissé, en passant de 25% en 2000 à 18% en 2008. Troisièmement, l'industrie manufacturière est fortement dépendante des activités manufacturières basées sur les ressources naturelles. Ainsi, en 2008, la part de ces articles dans le total des exportations manufacturières de l’Afrique est de 49%. Alors que pour les pays de l’Amérique latine et de l’Asie de l’Est et au pacifique, ces parts sont respectivement de 34% et 13% en 2008. Enfin, le secteur manufacturier africain est dominé par les petites 10 Avec ses deux aspects, quantitatif et qualitatif. 7 entreprises africaines qui ne créent pas suffisamment de l’emploi décent (CNUCED et ONUDU, 2011). 2.2. Industrie manufacturière et croissance économique en Afrique : une vérification empirique Dans cette sous section, nous allons présenter le modèle, la méthodologie de l’estimation, les résultats et les interprétations de notre analyse économétrique de la relation entre l’industrie manufacturière et la croissance économique pour un échantillon de pays africains. 2.2.1. Présentation du modèle Dans notre travail empirique, en s’appuyant sur le modèle de Mankiew, Romer & Weil (1992) tel qu’il a été élargi par plusieurs auteurs au cours des années 1990. Le choix de ce modèle est justifié par le fait qu’il permet, d’une part, d’examiner les effets de la variable qui nous intéresse11 tout en tenant compte des effets des autres variables de contrôle déterminantes de la croissance du PIB par habitant. D’autre part, par le fait qu’il a été largement utilisé par les travaux empiriques récents portant sur les déterminants de la croissance économique. Les variables explicatives incluses dans les spécifications sont déduites de la littérature aussi bien théorique qu’empirique portant sur les déterminants de la croissance économique. Les estimations à suivre seront basées sur une fonction de la forme réduite suivante : = + + + + + + avec, i désigne les pays (i = 1, 2,..., N) et t représente le temps (t = 1,…, T), GDP : le logarithme du PIB par habitant calculé en dollars constants de 2005, MAN : le logarithme de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière par rapport au PIB, CAP: le logarithme de l’accumulation du capital par habitant, EDU : le logarithme du taux de scolarisation au secondaire, G : le logarithme du ratio de la consommation publique par rapport au PIB, OPN : le logarithme du ratio d’ouverture (exportations+importations/PIB), εit: est le terme d’erreur et ( , , , , ) le vecteur des coefficients à estimer. Dans ce qui suit, nous allons essayer de régresser cette relation de long terme en données de panel, en tenant compte de la non stationnarité des séries pour un échantillon de 34 pays africains12 couvrant la période (1986-2012). Les variables retenues dans notre travail sont le PIB par tête comme une variable déterminée pour notre échantillon. Les valeurs ajoutées de l’industrie manufacturière en pourcentage du PIB. Le stock du capital physique par tête est calculé par la méthode de l’inventaire permanent (Van Pottelsberghe, 1997): = + (1 − ) . Avec, est la formation brute du capital fixe (FBCF) et est le taux de dépréciation égal à 6%13. A . Le stock du capital physique initial est = ⁄( + ) ; avec, est l’investissement initial, et est le taux de croissance annuel moyen de l’investissement. Le stock de capital physique par tête est le rapport entre le stock de capital physique calculé et la population totale. Le capital humain désigne l’ensemble des capacités apprises par les individus et qui accroissent leur 11 L’industrie manufacturière. ALGERIA (DZA), BENIN (BEN), BOTSWANA (BWA), BURKINA FASO (BFA), BURUNDI (BDI), CAMEROON (CMR), CENTRAL AFRICAN REPUBLIC (CAF), CONGO DEMOCRATIC REPUBLIC (ZAR), CONGO, REP (COG), COTE D'IVOIRE (CIV), EGYPT (EGY), ETHIOPIA (ETH), GAMBIA, THE (GMB), GHANA (GHA), GUINEA (GIN), KENYA (KEN) , LESOTHO (LSO), MADAGASCAR (MDG), MALAWI (MWI), MALI(MLI), MAURITANIA (MRT), MAURITIUS (MUS), MOROCCO (MAR), NAMIBIA (NAM), NIGER (NER), NIGERIA (NGA), SIERRA LEONE (SLE), SOUTH AFRICA (ZAF), SUDAN (SDN), TOGO (TGO), TUNISIA (TUN), UGANDA (UGA), ZAMBIA (ZMB), ZIMBABWE (ZWE). 13 Selon Hall R. E. et Jones C. I (1999) 12 8 efficacité productive. Nous utilisons le taux de scolarisation secondaire comme proxy du capital humain14. Les dépenses publiques : correspondent aux infrastructures de communication et de transport. Elles sont au cœur du modèle élaboré par Barro (1990). L’ouverture rend compte de l’évolution de la politique commerciale. Le taux d’ouverture est calculé par la somme des importations et des exportations déflatée par le PIB15. 1.1.1. Méthodologie d’estimation Une analyse de cointégration sur données de panel fournit un cadre conceptuel naturel pour examiner la relation entre la croissance économique et ses déterminants. Les tests de racine unitaire L’étude de la stationnarité de toutes les variables est une étape nécessaire dans toute étude. Dans cette étude, nous avons utilisé la procédure des tests de stationnarité en panel qui sont fournies par Im & all (2003). Ce sont les plus utilisés, quand la dimension temporelle est limitée. Les auteurs proposent des tests qui permettent la détection de la présence d’une racine unitaire dans les modèles utilisant des statistiques ADF de Ficher. TABLEAU 1: Résultats des tests de racine unitaire Variables GDP MAN CAP EDU G OPN Niveau 0.78 -0.936 2.177 0.284 -0.227 -0.53 Première -11.698* -7.917 -19.41* -19.38* -2.06** -8.983* Différence * = signification à 1 pourcent, ** = signification à 5 pourcent et *** signification à 10 pourcent. Source: Calcul des auteurs en se basant aux résultats du test IPS. Les tests IPS conduisent à conclure que toutes les variables ne sont pas stationnaires en niveau. Les variables de l’équation deviennent stationnaires après une première différenciation, donc elles sont toutes intégrées d’ordre 1. Après avoir établi que toutes les séries sont intégrées du même ordre (1), nous testons l’existence d’une relation linéaire stable à long terme entre ces séries. Les tests de cointégration Une fois, l’intégration en premier ordre des séries est vérifiée, nous pouvons procéder aux tests de cointégration. L’application du test de Pedroni (2004) nous ramène aux résultats suivants : 14 15 Selon Mankiw G. N. et al. (1992) Toutes ces variables sont à prix courant. 9 TABLEAU 2: Résultats du test de cointégration Statistiques Sans tendance Avec tendance Panel v-Statistic -1.221 -0.631 Panel rho-Statistic 0.981 3.33 Panel PP-Statistic -3.177* -1.598*** Panel ADF-Statistic -3.948* -2.094** Group rho-Statistic 3.015 4.904 Group PP-Statistic -2.342* -1.791** Group ADF-Statistic -2.613* -3.73* * = signification à 1 pourcent, ** = signification à 5 pourcent et *** signification à 10 pourcent. Source: Calcul des auteurs en se basant aux résultats du test de Pedroni. Selon les simulations de Pedroni (1999), pour des échantillons de petites tailles, le test le plus puissant des sept est celui similaire au test ADF (Group ADF-Statistic). Les tests de cointégration de Pedroni (2004)16 présentés dans le tableau précédent montrent qu’il existe une relation de cointégration entre le PIB réel par habitant et ses déterminants décrits par notre modèle théorique. 1.1.2. Régression et interprétation des résultats La relation de long terme détecté précédemment peut être estimée à l’aide de différentes méthodes, mais il faux choisir celle la plus efficiente. Kao et Chiang (2000) ont conclu que l’estimateur DOLS est plus efficace que celui du FMOLS dans l’estimation des relations de cointégration sur données de panel. TABLEAU 3: Résultats de la régression par la méthode DOLS Variable endogène (GDP) Variables MAN 0.00378** CAP 0.126* EDU G 0.136* -0.225* OPN 0.0258* * = signification à 1 pourcent, ** = signification à 5 pourcent et *** signification à 10 pourcent. Source: Calcul des auteurs en se basant aux résultats de la régression par la méthode DOLS. Les résultats de notre estimation confirment que le niveau de développement de l’industrie manufacturière, mesuré par la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière en pourcentage du PIB, exerce un effet positif et statistiquement significatif sur le niveau du PIB par habitant dans notre échantillon constitué de 34 pays africains. Nous trouvons qu'une augmentation de 1% dans la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière n’augmente le PIB réel que par 0.00378%. Cet effet très faible peut être expliqué par le sous-développement du secteur 16 Faute de manque de tests puissants pour tester le nombre de relation de cointégration, on se suffit dans cette investigation de vérifier si au moins une relation de cointégration est existante. 10 manufacturier dans notre continent à cause de non adoption de politiques industrielles efficaces. Donc, ce résultat empirique vient pour justifier la faible contribution de l’industrie manufacturière dans la création de la richesse et par conséquent il confirme le niveau faible de transformation des économies africaines. L’accumulation du capital physique et du capital humain exerce un effet positif et statistiquement significatif sur le développement des nations. Cet effet positif peut être expliqué par les IDE venants des nouveaux partenaires (la Chine, le Brésil et l’Inde). L’effet positif et statistiquement significatif de l’ouverture à l’extérieur peut être expliqué par la politique de démantèlement des restrictions sur le commerce extérieur qui exerce un effet favorable sur la croissance économique. Le signe négatif et statistiquement significatif de la variable dépenses publiques en pourcentage du PIB est attendu, car dans la grande majorité des pays africains, l’état des infrastructures est très faible. Le test de causalité En 1969, Granger a mené un test de causalité pour les séries temporelles et après en 2003 pour les données du panel. Comme les variables sont I (1) et sont cointégrées, un modèle de correction de l'erreur peut être utilisé pour identifier la direction de causalité. TABLEAU 4: Résultats du test de causalité Direction of causality GDP MAN CAP EDU G OPN GDP MAN CAP EDU G OPN 2.853** 19.453* 5.886* 0.0183 6.087* 0.523 0.338 0.072 2.849** 2.386*** 12.812* 3.313** 10.036* 1.224 5.885* 0.973 3.962* 4.958* 3.913** 2.358*** 3.172** 3.8** 6.818* 0.522 4.009* 1.877 0.886 2.189 4.963* 0.122 - * = signification à 1 pourcent, ** = signification à 5 pourcent et *** signification à 10 pourcent. Source: Calcul des auteurs en se basant aux résultats du test de causalité au sens de Granger. Les résultats présentés dans le tableau 4 montrent qu'il y a une causalité unidirectionnelle de l’industrie manufacturière au PIB à un niveau de signification de1%. C'est à dire une augmentation de l’industrie manufacturière provoquera une augmentation du PIB par habitant. Alors que la croissance économique n’exerce pas un effet positif sur l’industrie manufacturière. Ce résultat peut être expliqué par le niveau faible d’inclusion de la croissance économique en Afrique. Autrement dit, contrairement à d’autres pays en développement, la transformation structurelle et le développement humain ne se renforcent pas mutuellement en Afrique. 1.2. Transformation structurelle et croissance économique inclusive « Ainsi on peut considérer la transformation structurelle comme étant le changement intervenant dans la composition sectorielle de la production (ou PIB) et celle du type sectoriel de l’emploi de la main d’œuvre, au fur et à mesure que l’économie se développe (c’est-à-dire en tant qu’accroissement du PIB réel par habitant) » (CEA et UA, 2011, p84). Les principaux faits stylisés dégagés des études empiriques qui ont porté sur la transformation structurelle17, sont au nombre de quatre. Ainsi, au cours d’une longue période, à mesure que le PIB réel par habitant augmente: i) la part de l’agriculture dans le PIB diminuera, ii) la part de 17 En termes des parts des trois secteurs traditionnels de la production et du sous-secteur manufacturier. 11 l’industrie dans le PIB augmentera, la part des services dans le PIB augmentera et, iv) la part de la manufacture dans le PIB augmentera aussi. Sachant que pour chaque baisse et chaque augmentation il y a une limite18, à l’exception de l’augmentation de la part de la manufacture dans le PIB qui ne correspond pas nécessairement à un point tournant (CEA et UA, 2010). En plus de ces évolutions, la transformation structurelle a généralement d’autres implications dont particulièrement : la réallocation des ressources des secteurs moins productifs vers d’autres secteurs plus productifs, une baisse de la part de l’emploi agricole dans l’emploi total, une transition démographique en faveur de l’urbanisation et le développement d’une nouvelle économie fondée sur l’industrie et les services. Autrement dit, une migration de la main d’œuvre du secteur agricole primaire rural vers le secteur industriel secondaire urbain et le secteur tertiaire des services. (CEA, 2013). En réalité, les économistes supposent que dans l’économie moderne, un processus d’industrialisation et en particulier le développement de la production manufacturière sont nécessaires pour la réalisation d’une croissance économique forte, rapide et durable, car la gamme des moteurs de la croissance s’élargi et la résilience aux chocs des prix des produits de base se développe. Alors que les exportations de produits de base peuvent procurer une croissance économique forte, mais pas durable. Sur toute la période (1970-2007), six pays africains (Botswana, Cap-Vert, l’Egypte, la Guinée équatoriale, le Lesotho et la Tunisie) seulement qui ont réalisé une croissance économique soutenue. Autrement dit, une croissance annuelle moyenne supérieure ou égale à 2% du PIB réel par habitant sur toute la période (1960-2007) et les trois sous périodes (1960-1972, 19732000 et 2000-2007), avec une volatilité faible qui correspond à un coefficient de variation des taux de croissance compris entre 1 et 3. Parmi ces six pays, seulement la Tunisie qui a réalisé une transformation structurelle classique au cours de la période (1960-2007). Mais aussi deux autres de ce groupe de six qui ont réalisé une transformation structurelle incomplète, dans la mesure où la part du sous-secteur manufacturier a baissé au cours de cette période (CEA et UA, 2011). Donc, un nombre très limité des pays africains ont assuré une croissance économique soutenue et une transformation structurelle. Donc, comment la transformation structurelle et particulièrement le développement du secteur manufacturier peut améliorer la qualité de la croissance économique par l’amélioration de son niveau d’inclusion? D’une manière générale, le secteur industriel regroupe les industries manufacturières, les industries extractives et la construction. Mais, plusieurs études empiriques ont confirmé les capacités du secteur manufacturier dans l’offre de plus grandes opportunités en termes de croissance durable, d’emplois et de réduction de la pauvreté en Afrique. Autrement dit, en termes de croissance inclusive. Les principaux mécanismes par lesquels la transformation structurelle, qui consiste en un développement du secteur manufacturier, améliore la qualité de la croissance économique sont essentiellement au nombre de sept. Premièrement, l’activité manufacturière en tant qu’une transformation physique ou chimique en nouveaux produits de matières, de subsistances ou de composants, elle augmente la valeur ajoutée de ces produits et crée la richesse19. Deuxièmement, l’industrie manufacturière engendre davantage d’emplois rémunérés20. Troisièmement, l’activité manufacturière représente un terrain favorable à l’innovation et par conséquent un moyen de développement de l’activité Recherche18 Qui correspond à un niveau du revenu par tête bien déterminé. Il s’agit d’une valorisation des produits de base du continent. 20 Qui permet d’améliorer le niveau de vie de la population. 19 12 Développement et de la diffusion des nouvelles technologies dans les autres secteurs de l’économie Quatrièmement, le secteur manufacturier exerce d’importants effets d’entrainement sur le reste de l’économie par la création d’un ensemble de liens en amont et en aval avec les entreprises nationales21. Par le moyen de ces effets d’entrainement et de liens, l’activité manufacturière contribue au développement de l’investissement intérieur et la réallocation des ressources. Cinquièmement, la transformation structurelle et le développement du secteur manufacturier améliorent la qualité du commerce international du pays par le renforcement de sa capacité en matière d’exportations de produits manufacturiers. Sixièmement, le déplacement du pouvoir économique mondial vers les pays du Sud (La Chine, l’Inde, le Brésil) offre aux pays africains la possibilité d’appuyer leur processus de transformation structurelle par l’investissement dans cette région. Enfin, contrairement au secteur agricole qui est limité par la décroissance des rendements d’échelle22 et d’autres secteurs traditionnels, le secteur manufacturier possède un grand potentiel en matière de création d’emploi. Donc, pour satisfaire les besoins d’emploi d’une population jeune, croissante et en plein de mouvement d’urbanisme, il faut développer le secteur manufacturier. Dans l’ensemble, la réalisation d’une croissance économique forte, soutenue et inclusive par les pays africains exige l’implication de ces pays dans un processus de transformation structurelle axée sur le développement du secteur manufacturier (schéma 2). Schéma 2 : Transformation structurelle et niveau d’inclusion de la croissance économique Une transformation structurelle (le développement du secteur manufacturier) Augmentation de la valeur ajoutée, innovation technologique et sa diffusion aux autres secteurs, effets d’entrainement sur les autres secteurs et amélioration de la qualité des exportations Une croissance économique plus inclusive (forte, soutenue et créatrice d’emplois productif et bien rémunéré) Source : Conception des auteurs La question qui se pose à ce niveau là, comment l’amélioration du niveau d’inclusion de la croissance économique peut contribuer à la réalisation du développement humain ? C’est l’objet de la section suivante. 2. De la croissance économique inclusive au développement humain en Afrique En réalité, les gouvernements africains sont amenés à chercher des solutions innovantes pour sortir des modèles de développement actuels et sortir de leur impasse, notamment en matière de réduction de la pauvreté et par conséquent de réalisation du développement humain. L’inspiration des expériences d’autres pays en développement est très utile en matière de compréhension des mécanismes de transformation de la forte croissance économique en 21 Particulièrement sur le secteur agricole, le secteur de transport, le secteur banquier et d’assurance, le secteur de communication et d’autres. 22 Une décroissance est expliquée par la constance de certains facteurs comme la terre. 13 développement humain et de conception de la politique industrielle la plus appropriée pour les pays du continent africain. 2.1. Les principaux enseignements tirés des expériences d’autres pays en développement Dans l’ensemble, les expériences d’autres pays en développement (asiatiques et latinoaméricains) ont montré : i) qu’il ya plusieurs chemins qui peuvent amener à la transformation structurelle23, ii) la transformation structurelle d’une part et la croissance inclusive et le développement humain d’autre part sont fortement liés et se renforcent mutuellement et iii) l’Etat a joué un grand rôle dans la conception de ses différentes stratégies. Dans ce travail nous allons parler brièvement des expériences de quatre pays : le Brésil, la Chine, la Corée du Sud et l’Inde. Sachant que chaque expérience a sa particularité. (CEA, 2013). Pour le Brésil, sa transformation économique est réalisée grâce à l’adoption d’un ensemble d’approches novatrices dont particulièrement : des politiques macroéconomiques prudentes visant à juguler l’hyperinflation, la diversification de l’économie par le développement d’un secteur manufacturier compétitif, l’investissement dans l’éducation, des subventions en faveur des pauvres et le renforcement du marché local et un grand soutient accordé à la classe moyenne. Sur le plan économique, le Brésil dispose le secteur industriel le plus étendu des Amériques. Ce secteur qui est caractérisé par sa grande diversification contribue à raison de 28.5% du PIB. De même, en termes de finances publiques, ce pays a passé d’une situation déficitaire à une situation excédentaire. Sur le plan de développement humain, la classe moyenne est devenue plus large (50% de la population), le taux de chômage a passé de 10.5% en 2002 à 5% en 2011, le taux de pauvreté a baissé de 10 points au cours de la période (20052009), et les inégalités ont aussi diminué grâce à des dépenses (financées par l’excédent) en faveur des pauvres. Pour la Chine, son expérience était progressive et cumulative. Chaque période est caractérisée par l’adoption d’une stratégie particulière qui complète sa précédente. Les deux grandes leçons tirées de l’expérience de la Chine sont : i) la complémentarité entre les mécanismes du marché et l’Etat dans leurs interventions, ii) malgré que le pays est devenu au bout de décennies, le plus grand exportateur mondial des produits manufacturiers, la croissance économique n’était pas fortement inclusive dans la mesure où les inégalités régionales et la pauvreté sont encore présentes avec des taux relativement élevés. L’expérience de l’Inde est caractérisée par l’adoption des nouvelles technologies dans le secteur agricole. Cette politique a amélioré le niveau de vie de la population, car le taux de croissance qui n’a jamais dépassé les 2% a atteint la barre de 10% au cours des dernières décennies. Ces performances économiques ont contribué à l’éradication de la famine et la bisse de la pauvreté dans le pays. De même, l’amélioration de l’accès de la population à l’éducation et les soins de santé a élargi la classe moyenne. Enfin, l’expérience de la Corée du Sud est aussi intéressante. Elle est axée sur la promotion du secteur privé par l’Etat en matière d’industrialisation par le choix d’une politique sélective des investissements directs étrangers et des importations, la formation de grands conglomérats et la création de zones franches économiques. La Corée du Sud a choisi aussi l’investissement dans l’éducation pour faciliter l’investissement dans les domaines de la science et la technologie, car la qualification des Sud-coréens est déterminante dans la compétitivité de leur économie dépourvue des ressources naturelles. En Corée du Sud, la famille dépense en moyenne 1000 dollars par mois sur des cours de soutien scolaire et 56% des jeunes Sud23 Chaque pays a ses propres spécificités. 14 coréens ont des diplômés de l’université et le taux d’alphabétisation totale est de 98.7 %. En termes de résultats, sur le plan économique, en 2012, la Corée du Sud est la treizième économie au niveau mondial avec un revenu par habitant de 16684 dollars. De même, en 2010, la Corée du Sud est devenue le premier ancien bénéficiaire d’aide à devenir membre du Comité d’Aide au Développement de l’OCDE. Sur le plan du développement humain, il y a un creusement des inégalités entre les ménages, une forte proportion de travailleurs temporaires24 et un secteur informel très large25. Sachant la diversité de ces différentes expériences en matière de transformation économique, les traits communs sont : i) la complémentarité des mécanismes du marché et de l’Etat, ii) l’importance de l’activité agricole comme une base pour l’industrie, iii) l’importance de la diversification de l’économie et iv) l’importance de l’investissement en capital humain, en sciences et en technologies aussi. 2.2. Les principaux mécanismes de transformation de la croissance inclusive en un développement humain Dans un contexte de prolifération du chômage, de la vulnérabilité, de la pauvreté, de l’exclusion, de la malnutrition et des inégalités, les pays africains doivent d’abord améliorer le niveau d’inclusion de leur croissance économique. Autrement dit, une croissance économique forte, soutenue et créatrice d’emploi bien rémunéré peut contribuer à la réalisation du développement humain. L’importance d’une croissance inclusive dans la réalisation du développement humain est évidente. Ainsi, par le moyen de la richesse crée grâce à une croissance forte, les gouvernements africains peuvent augmenter les dépenses publiques en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures et d’autres services publics de base. Le nombre des marginalisés et mal nourris peut diminuer par le moyen des subventions accordées par l’Etat. De même, une croissance soutenue diminue la vulnérabilité des économies africaines aux chocs extérieurs et les évitent du risque de baisse des dépenses publiques en matière des services de base. Ces éléments consolident le chemin amenant au développement humain. « La récente crise financière et économique mondiale a eu de graves répercussions sur l’activité économique en Afrique, faisant reculer les progrès accomplis pour réaliser les objectifs de développement du continent. La baisse de la croissance économique a entrainé l’augmentation du chômage et de la pauvreté, en particulier au sein des groupes vulnérables. Dans de nombreux pays, la crise a compromis les avancés vers les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ainsi que vers les objectifs de l’Union Africaine et du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) » (CEA et UA, 2010, p15). Dans ce contexte, Hamdi et Omri en 2012 ont traité l’impact de la crise financière et économique déclenchée depuis la fin du 2007 et ont montré que, dans l’ensemble l’Afrique est vulnérable aux chocs extérieurs et ont présenté l’essentiel des causes de cette vulnérabilité. En 2011, la Banque Africaine de Développement a présenté une stratégie en matière du développement du capital humain (2012-2016). Cette stratégie est intitulée « Un milliard de possibilités : développer le capital humain pour une croissance inclusive en Afrique». Dans sa définition opérationnelle du concept de la croissance inclusive, la banque a insisté sur : i) la création des opportunités d’emploi pour tous, ii) l’optimisation d’utilisation des ressources du continent et iii) l’amélioration du niveau d’inclusion et de la cohésion sociale. De même, la 24 25 La Corée du Sud est classée deuxième après l’Espagne au sein des pays de l’OCDE. Supposé le plus vaste dans les pays de l’OCDE. 15 Banque suppose que l’investissement dans le capital humain (éducation, nutrition, santé, sciences et technologie, protection sociale) favorise la croissance inclusive et amène au développement humain, car ce type d’investissement crée des opportunités d’emploi pour tous, il optimise l’utilisation des ressources du continent et améliore le niveau d’inclusion et de cohésion sociale. Plus précisément, la Banque suppose à titre d’exemple que l’éducation des jeunes filles est un moyen très efficace pour casser le cycle de pauvreté intergénérationnelle. Dans l’ensemble, la croissance économique créatrice d’emplois décents est cruciale dans la réalisation du développement humain, car elle améliore le niveau de vie de la population par un accès plus large aux services de base (Schéma 3). Schéma 3 : De la croissance économique inclusive au développement humain en Afrique Une croissance économique inclusive (forte, soutenue et créatrice d’emplois décents) Augmentation des dépenses publiques d’investissement en capital humain et de subventions et augmentation du niveau du revenu par tête Un accès plus large aux services de base (éducation, nutrition, santé, sécurité sociale) et aux moyens de production Réalisation du développement humain par l’amélioration du niveau de vie de la population (une population éduquée, en bonne santé, créative et productive) Source : Conception des auteurs « La création d’emplois décents est la voie royale pour réduire la pauvreté des travailleurs en Afrique. » (CEA et UA, 2010). Conclusion Les grandes performances économiques réalisées en Afrique ne sont pas transformées en un développement humain. La forte croissance économique réalisée au cours de la dernière décennie n’était pas inclusive, car elle est faiblement créatrice d’emplois décents. Donc, c’est la dimension qualitative de la croissance économique en Afrique qui a fait défaut et a par conséquent bloqué l’aboutissement au développement humain. Les expériences des autres pays en développement ont montré que la transformation structurelle et particulièrement le développement du secteur manufacturier peuvent représenter un moyen efficace de transformation des grandes performances économiques en un développement humain en Afrique. Ainsi, cette transformation structurelle améliore la qualité de la croissance économique en termes de niveau d’inclusion. De même, la croissance économique de bonne qualité, c’est-à-dire, forte, soutenue et créatrice d’emplois décents permet d’élargir l’accès de la population aux services publics de base, de diminuer le nombre des marginalisés et d’améliorer le niveau de vie de la population. Autrement dit l’amélioration du niveau du développement humain des africains. De son côté, le niveau élevé de développement humain favorise la transformation structurelle par le moyen d’une population bien éduquée, en bonne santé, productive et créative. Donc, la transformation structurelle et le développement humain se renforcent mutuellement à travers le processus d’une croissance 16 inclusive. Ce qui est n’est pas vérifié empiriquement pour les pays africains dans notre travail. Car, on a trouvé pour un échantillon de pays africains que l’industrie manufacturière contribue très faiblement dans la croissance économique. De même, on a trouvé que la croissance économique ne cause pas (au sens de Granger) l’industrie manufacturière. En réalité, l’amélioration de la qualité de la croissance économique n’est autre qu’une condition nécessaire, mais non suffisante pour la réalisation du développement humain. Le dernier rapport (2012) de Africa Progress Panel a signalé qu’en plus de l’emploi, les africains demandent aussi l’équité et la justice pour que l’effet de la croissance sur la population soit durable. « (…). Et le Printemps arabe n’est pas passé inaperçu auprès de la jeunesse africaine. Les circonstances ne sont pas peut-être les mêmes, mais les jeunes Africains s’occupent aussi des emplois, de la justice et de l’égalité et si les gouvernements font la sourde oreille, c’est là leurs risques et périls. » (APP, 2012). Donc, quels sont les différents acteurs institutionnels qui peuvent intervenir dans l’élaboration de la stratégie d’amélioration de la qualité de la croissance économique ? Autrement dit, quels sont les différents acteurs d’une stratégie de transformation structurelle des économies africaines et le développement de leur secteur manufacturier ? Les expériences des autres pays en développement (asiatiques et latino-américains) en matière de transformation économique insistent sur la complémentarité entre les mécanismes du marché et l’Etat dans leurs interventions dans plusieurs domaines dont particulièrement l’industrialisation de l’économie, l’investissement en capital humain, en sciences et en technologies. « Enfin, pour réduire les pertes potentielles et faire en sorte que l’industrialisation crée effectivement des emplois, tous les acteurs clefs - pouvoirs publics, entreprises, organisations de travailleurs et organisations de la société civile – doivent prendre une part active à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des stratégies industrielles, créatrices d’emplois et d’autres stratégies de développement » (CEA, 2010). Bibliographie Africa Progress Panel (APP) (2010) “Passer à l’action, valoriser les ressources de l’Afrique pour le bénéfice des Africains”, Rapport 2010 sur les progrès en Afrique, Genève, 1-68. 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