OBLITÉRATION CANALAIRE

Transcription

OBLITÉRATION CANALAIRE
endodontie
Oblitération
canalaire
cas particuliers des dents traumatisées
Gregory Caron
Coordination Pierre Machtou et Dominique Martin
De nombreuses modifications
physio-pathologiques peuvent
entraîner la disparition partielle
ou totale de la lumière canalaire
augmentant considérablement
la difficulté de nos traitements.
1754
L
a manifestation clinique d’oblitération canalaire ne renseigne
pas sur le statut histologique pulpaire. Ainsi, le rétrécissement de
la lumière canalaire peut refléter
soit une évolution physiologique liée à l’âge ou sénescence soit une évolution
réactionnelle ou réparatrice face à une agression
extérieure ou dégénérescence calcique (calcific
metamorphosis). Une forme de dégénérescence
calcique concerne les dents traumatisées (principalement les incisives).
Cette disparition progressive de la lumière
canalaire ne doit pas être confondue avec la
présence de calcifications retrouvées au niveau
de la chambre pulpaire et des canaux connues
sont le nom de pulpolites. Un prochain article
permettra d’aborder les aspects histologiques et
cliniques des pulpolites.
L’INFORMATION DENTAIRE n° 32 - 23 septembre 2009
Oblitération canalaire
CPEA
1. L’absence de
symptomatologie
et la santé des
tissus périradiculaires
contre-indiquent
la réalisation
d’un traitement
endodontique de
21.
1
2. Une
symptomatologie
douloureuse
persistante et
la présence
d’une lésion
inflammatoire
péri-radiculaire
d’origine
endodontique
nécessitent un
retraitement
canalaire de 11.
2
Problématique clinique liée aux dents
traumatisées
Lors de la consultation d’un patient présentant un
antécédent ancien de traumatisme dentaire, deux
interrogations principales peuvent être soulevées :
« Docteur, je trouve que ma dent n’est pas de la
même couleur que la dent d’à côté, pourrait-on la
blanchir ? » (Cas clinique n° 1, fig. 1)
« Docteur, depuis quelques jours, j’ai très mal sur
cette dent lorsque je mange et la douleur persiste
après les repas. J’ai toujours senti quelque chose
mais je trouve que la douleur s’accentue » (Cas clinique n° 2, fig. 2)
Le premier patient est inquiet pour la dyschromie
liée à l’apposition de tissu minéralisé au niveau de
la chambre pulpaire. Le résultat est visible sous la
forme d’une teinte jaune diminuant la translucidité
de la dent.
Le deuxième patient fait part d’une douleur laissant présager qu’un processus infectieux ou inflamL’INFORMATION DENTAIRE n° 32 - 23 septembre 2009
matoire est en cours de progression. Le problème
esthétique lié à la dyschromie n’est pas mentionné
par le patient qui fait seulement part de la douleur
ressentie.
Ces deux discours très différents sont pourtant
dus à la même étiologie mais ne nécessitent pas la
même approche thérapeutique. Celle-ci repose sur
une question essentielle : doit-on entreprendre le
traitement canalaire de la dent ?
Aspect histologique
et répercussion clinique
La dégénérescence calcique résulte d’une modification du statut pulpaire après la luxation d’une
dent traumatisée. La fréquence d’apparition de ce
changement est variable et ne concerne pas toutes
les dents traumatisées par luxation. Andreasen et
coll. [2] indiquent que sur une population de 637
dents luxées seulement 15 % (96 dents) ont présenté une dégénérescence calcique. Son évolution
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endodontie
entraîne une disparition partielle ou complète de la
lumière canalaire en quelques mois, voire quelques
années. L’aspect du néotissu formé s’apparente à
un tissu d’ostéodentine où des cellules réparatrices
sont emprisonnées au sein de la matrice minéralisée. Les coupes histologiques transversales de dent
oblitérée présentent une lumière canalaire persistante même si celle-ci n’est pas détectable radiographiquement. Le mécanisme d’apposition reste un
sujet de controverse selon les auteurs pour qui les
cellules impliquées pourraient être soit des odontoblastes primaires stimulés par le traumatisme [4]
soit des cellules nouvellement différenciées dérivant
de la lignée odontoblastique [7] voire des cémentoblastes et des ostéoblastes [6].
Il a souvent été suggéré de réaliser rapidement le
traitement endodontique de ces dents traumatisées.
La raison invoquée étant que cette progression de
l’oblitération canalaire est le résultat d’une souffrance pulpaire aboutissant à la nécrose. Pourtant,
la littérature ne semble pas confirmer cette attitude
thérapeutique. Amir et coll. [1] indiquent que seules
3,8 à 24 % des dents traumatisées développent une
dégénérescence calcique et que, parmi celles-ci,
seules 1 à 16 % présentent une nécrose pulpaire. La
externe associé à une thérapeutique de micro-abrasion. Si la dent présente, outre la dyschromie, des
restaurations coronaires volumineuses, une thérapeutique moins conservatrice type facette peut être
indiquée.
Pour le deuxième patient, la dent est nécrosée et
présente les premiers signes d’une infection d’origine endodontique. La réalisation d’un traitement
endodontique par voie orthograde doit être entreprise. La difficulté majeure est alors de trouver le
canal au sein de tissu dur et d’éviter l’affaiblissement de la dent par des manœuvres invasives pouvant aboutir à une fausse route ou une perforation.
Aspects techniques
Le patient doit tout d’abord être informé de la difficulté du traitement entrepris et des possibles risques inhérents à la technique mise en œuvre. Avant
tout geste clinique, le praticien doit étudier précisément la radiographie préopératoire prise sans
présence d’une oblitération canalaire n’est donc
pas un critère suffisant pour réaliser le traitement endodontique.
Attitude thérapeutique
La prise de décision thérapeutique doit s’inscrire
dans une démarche diagnostique exhaustive [8].
Les tests de vitalité, les tests de percussion et l’analyse des clichés radiographiques sont des pré-requis
pour évaluer le réel statut de la vitalité pulpaire.
Pour tester la vitalité pulpaire, le test électrique
est préférable au test au froid. La rétraction de la
chambre pulpaire empêche une bonne conduction
thermique et peut conduire à un diagnostic erroné
de perte de vitalité. L’absence de réponse au test
électrique n’est cependant pas le seul critère décisionnel car, comme pour tout test diagnostic, de
faux négatifs sont possibles [5]. Le traitement endodontique n’est entrepris que si le résultat du test
électrique est corroboré par d’autres informations
(douleur à la percussion, lésion apicale visible radiologiquement…).
Pour le premier patient, une surveillance radiologique et clinique est instaurée (périodicité de trois
à six mois). La dyschromie de la dent traumatisée
peut être améliorée par un éclaircissement unitaire
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3
3. L’apport de lumière co-axiale permet de mettre en évidence les
différences de couleur entre la dentine primaire (claire) et la dentine
réactionnelle (sombre) et permet de guider le travail d’instruments
rotatifs adaptés.
L’INFORMATION DENTAIRE n° 32 - 23 septembre 2009
Oblitération canalaire
La surface de travail des
fraises doit favoriser une
forme de « cuvette »
et non d'un fond plat.
4
4. Éviction réalisée à l’aide d’instruments rotatifs adaptés
(fraises carbure de tungstène long col) sans spray.
5
5. Sonde DG16 utilisée en pression selon un mouvement de
piquage au niveau de la zone colorée.
déformation à l’aide d’un angulateur de Rinn
pour évaluer la distance entre le bord occlusal et
la lumière canalaire. Cette mesure sera une aide
pour guider la recherche canalaire en peropératoire. Le canal doit être recherché dans cette aire
déterminée, située au centre de la racine [3]. Les
aides optiques et principalement le microscope
opératoire sont des outils précieux pour mieux
visualiser les tissus dentinaires et favoriser l’économie tissulaire. L’apport de lumière co-axiale
permet de mettre en évidence les différences de
couleur entre la dentine primaire (claire) et la
dentine réactionnelle (sombre) (fig. 3). La progression instrumentale s’effectue alors selon le
respect de cette particularité colorimétrique de
la dentine réactionnelle. La surface de travail
des fraises (fig. 4) doit favoriser une forme de
« cuvette » et non d'un fond plat. Cette concavité permet de mieux guider le travail d’une
sonde DG16 parfaitement affûtée (fig. 5). Outre
l’instrumentation rotative, l’utilisation d’inserts
sonores et/ou ultrasonores facilite la précision
et la visibilité sous microscope opératoire. Les
inserts choisis présentent une surface de travail
arrondie (fig. 6). La découverte du canal se traduit par un enfoncement soudain de la sonde
DG16. Une lime acier fine type K08 ou K10
est alors insérée sur quelques millimètres et
une radiographie est réalisée (fig. 7). Une fois
le canal localisé, le traitement endodontique
devient plus conventionnel et consiste en une
préparation corono-apicale associée à une irrigation abondante à l’hypochlorite de sodium.
L’obtention de la perméabilité canalaire ne doit
pas être recherchée d’emblée car la lumière
canalaire est d’un calibre très faible et présente
de nombreux conglomérats collagéniques. À la
fin du traitement une barrière en ciment verre
ionomère au niveau de la jonction amélo-cémentaire est réalisée si un blanchiment interne est
prévu (fig. 8).
1757
endodontie
Conclusion
6
6. Insert boule sonore n° 69 Soniflex Kavo®, Inserts
ultrasonores : ETBD Satelec® ; ProUltra n° 1 Maillefer®.
7. Confirmation
de la découverte
canalaire à l’aide
d’une lime fine
K08.
Une oblitération canalaire d’origine traumatique n’est pas une indication de traitement
endododontique car le risque de survenue d’une
complication infectieuse est relativement faible et le traitement endodontique peut, dans
certains cas, présenter une difficulté majeure.
Lorsque des signes cliniques et/ou radiographiques sont présents, la recherche du canal doit
être réalisée selon un protocole adapté avec une
aide visuelle optique et radiologique. Cet acte
est d’autant plus frustrant qu’il est effectué sur
des dents habituellement simples à traiter : les
incisives. Le traitement est généralement entrepris par une voie orthograde mais dans certains
cas où le canal n’est pas retrouvé ou lorsque des
erreurs majeures de trajectoire sont commises,
une solution chirurgicale avec traitement rétrograde peut être indiquée.
bibliographie
1.Amir F.A, Gutmann J.L, Witherspoon D.E. Calcific metamorphosis :
A challenge in endodontic diagnosis and treatment. Quintessence
Int 2001 ; 32 : 447-455.
2.Andreasen F, Zhijie Y, Thomsen B, Andersen P. Occurrence of pulp
canal obliteration after luxation injuries in the permanent dentition. Endod Dent Traumatol. 1987 ; 3 : 103-115.
7
3.Bronnec F. Localisation des orifices canalaires. Real. Clin.2006 ;
17 : 357-370.
8. Radiographie
postopératoire
avec pose de
ciment verre
ionomère au niveau
de la jonction
amélo-cémentaire
afin de permettre
l’utilisation d’un
agent
de blanchiment
interne.
8
1758
4.Fischer C. Hard tissue formation of the pulp in relation to treatment of traumatic injuries. Int Dent J 1974 ; 24 : 387-396.
5.Lin J, Chandler NP. Electric pulp testing : a review. Int Endod J.
2008 ; 41(5):365-74.
6.Pashley D.H, Liewehr F.R. Structure and functions of the dentin-
pulp complex in Pathways of the pulp ninth edition. Ed. Mosby
Elsevier, St Louis, 2006.
7.Torneck C. The clinical significance and management of calcific
pulp obliteration. Alpha Omegan 1990 ; 83 : 50-54.
8.West J.D. The aesthetic and endodontic dilemmas of calcific metamorphosis. Pract Periodontics Aesthet Dent. 1997 ; 9(3):289-93.
Auteur :
Dr Grégory Caron Ancien Interne en odontologie Paris VII
Assistant Hospitalo-universitaire Paris VII
9 Rue Théodule Ribot 75017 Paris
L’INFORMATION DENTAIRE n° 32 - 23 septembre 2009
REVUE DE LITTÉRATURE
Oblitération canalaire
Dominique Martin et Sandrine Dahan
Ricucci D, Siqueira JF Jr, Bate AL, Pitt Ford TR, et al. Histologic Investigation
of Endodontic Failures. Journal Of Endodontics, 35 (4), 493-502, 2009.
L’
objet de cette étude est de réaliser une analyse histologique du tiers apical
radiculaire et des lésions endondontiques associées. Les auteurs ont choisi
vingt-quatre dents en échec endodontique qui ont été extraites ou ont subi une
chirurgie apicale. Les pièces anatomiques présentant la lésion attachée à la racine
ont été analysées histologiquement. Sur les vingt-quatre dents, douze n’ont pas
présenté de symptômes depuis le traitement au moins quatre ans plus tôt mais ont
présenté une persistance de lésion. Les douze autres ont présenté une persistance
de lésion accompagnée de symptômes, sur un recul clinique d’au moins un an.
Dans le groupe de dents asymptomatiques, onze dents sur douze sont infectées,
les bactéries se trouvent essentiellement situées dans la racine à distance du foramen, elles produisent un effet pathogène en relarguant des toxines. Dans un cas
les bactéries sont retrouvées en extraradiculaire, cette infection était sous forme
de biofilm en continuité avec l’infection intra-canalaire. La dent ne présentant pas
de bactéries était vivante lors du traitement et a subi une extrusion importante
de matériau au niveau périradiculaire, ce qui pourrait expliquer l'existence de la
lésion. Dans le groupe de dents symptomatiques toutes les dents présentent une
persistance de l’infection et l’infection extra-radiculaire est plus fréquente que
dans le groupe précédent (quatre dents) ; elle se trouve toujours en continuité avec
une infection intra-radiculaire sous forme de biofilm.
La persistance de l’infection est donc fortement associée à la lésion, en
revanche l’infection extra-radiculaire est une cause d’échec moins fréquente
que ce qui avait été considéré antérieurement, et lorsqu’elle existe cette
infection est toujours en rapport avec une infection intra-radiculaire.
Barodontalgia Zadik Y. Journal Of Endodontics, 35 (4), 481-485, 2009.
L
a barodontalgie est une douleur de la sphère orale (qu’elle soit dentaire ou
non) causée par un changement de la pression barométrique sur un organe
asymptomatique dans les conditions atmosphériques normales. Ces douleurs se
rencontrent donc essentiellement en avion ou en plongée. Elles peuvent avoir des
conséquences graves en rendant la personne touchée inapte, ce qui peut mettre en
danger sa sécurité et éventuellement celles des personnes qu’elle accompagne.
Lorsque la cause est d’origine dentaire les douleurs se manifestent différemment
selon les pathologies, elles sont ressenties lors de la montée ou de la descente (indifféremment en plongée ou en aviation) : la pulpite irréversible provoque une douleur
aiguë et momentanée au cours de la montée, la pulpite réversible provoque une
douleur sourde et lancinante au cours de la montée, la nécrose provoque une douleur sourde et lancinante lors de la descente et les pathologies péri-apicales provoquent des douleurs sévères et persistantes lors de la montée ou de la descente. La
douleur disparaît lorsque le patient revient à une pression atmosphérique normale,
sauf si l’origine de la barodontalgie est une pathologie péri-apicale ou un barotraumatisme facial. D’autres pathologies peuvent provoquer les mêmes douleurs
comme la sinusite par exemple. Par ailleurs, les changements de pression importants peuvent aussi à eux seuls provoquer des traumatismes au niveau des cavités
faciales, notamment l’oreille.
La barodontalgie n’est pas une pathologie, mais une situation qui révèle
une pathologie préexistante peu ou pas symptomatique dans des conditions
normales. La prévention de ces douleurs se fait en favorisant une bonne
santé buccodentaire. Nous remarquons pourtant que certains soins restaurateurs sont susceptibles de provoquer transitoirement une inflammation
pulpaire, il est donc recommandé aux patients de ne pas prendre l’avion ou
réaliser de plongée durant les 24 à 72 heures suivant un soin restaurateur
sur dent vivante.
L’INFORMATION DENTAIRE n° 32 - 23 septembre 2009
De Gregorio C, Estevez R, Cisneros R, Heilborn
C, & Cohenca N. Effect of EDTA, Sonic, and
US Activation on Penetration of NaOCl
into Simulated Lateral Canals. Journal Of
Endodontics, 35 (6), 891-895, 2009.
L’
objectif du traitement endodontique est
d’éliminer l’infection contenue dans l’endodonte. Une des difficultés de cet acte réside dans
l’importance des zones endodontiques inaccessibles. En effet, seuls les canaux principaux sont
concernés par la mise en forme or les canaux
latéraux sont nombreux et représentent une
vaste niche pour le développement bactérien.
Cette étude a pour objectif d’évaluer la pénétration des solutions d’irrigation antiseptiques
dans les canaux latéraux. Pour ce faire l’équipe a
sélectionné quatre-vingts dents monoradiculées
qu’ils ont rendues transparentes par des procédés chimiques et sur lesquelles ils ont créé des
canaux latéraux artificiels à l’aide de limes 6 à
une distance de l’apex de 2 mm 4,5 mm et 6 mm.
Les dents ont reçu une mise en forme par instruments rotatifs Protaper jusqu’au passage du
F2 à la longueur de travail. Les quatre-vingts
dents ont été réparties en quatre groupes recevant chacun un protocole d’irrigation différent :
1- Irrigation à l’hypochlorite à 5,25 % activé par
un instrument sonique
2- Irrigation à l’hypochlorite à 5,25 % activé par
un instrument ultrasonique
3- Irrigation à l’hypochlorite à 5,25 % et à
l’EDTA activé par un instrument sonique
4- Irrigation à l’hypochlorite à 5,25 % et à
l’EDTA activé par un instrument ultrasonique
L’irrigation sonique se fait à l’aide d’une pièce à
main spécifique (Endoactivator) et d’un embout
conique de nylon. L’irrigation ultrasonique se
fait de façon passive avec une lime ultrasonore
de diamètre 10. Les embouts soniques ou ultrasoniques ont été positionnés à 2 mm de la longueur de travail et activés pendant une minute.
Pour évaluer la pénétration des solutions d’irrigation un mélange de solution d’irrigation et de
solution radio opaque a été injecté dans le canal
avant activation. La pénétration de la solution a
été évaluée directement et radiographiquement
avant et après activation.
Ainsi l’activation permet une irrigation plus
efficace dans les canaux latéraux du tiers
apical, tiers qui contient le plus de canaux
latéraux. Par ailleurs, si l’EDTA n’a pas montré son efficacité dans l’optimisation de
l’irrigation des canaux latéraux, cette solution reste intéressante pour l’élimination de
la smear layer susceptible de contenir des
bactéries.
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