Ostéite tuberculose du péroné. À propos d`un cas

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Ostéite tuberculose du péroné. À propos d`un cas
Journal de pédiatrie et de puériculture (2012) 25, 357—359
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
CAS CLINIQUE
Ostéite tuberculose du péroné. À propos d’un cas
Tuberculosis of fibula. About one case
E.M. Aghoutane ∗, R. El Fezzazi
Service de traumatologie-orthopédie pédiatriques, faculté de médecine et de pharmacie,
université Cadi-Ayyad, CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc
Reçu le 26 août 2012 ; accepté le 24 septembre 2012
MOTS CLÉS
Ostéite tuberculose ;
Péroné ;
Enfant
Introduction
L’ostéite tuberculose du péroné est extrêmement rare. Elle touche souvent l’adulte jeune
vivant dans les régions d’endémie tuberculeuse [1]. Son diagnostic est souvent difficile et
repose sur l’analyse anatomopathologique des tissus et/ou des prélèvements bactériologiques [2]. Nous rapportons un cas d’ostéite tuberculeuse du péroné chez un nourrisson de
15 mois, avec une revue de la littérature.
KEYWORDS
Tuberculosis
osteomyelitis;
Fibula;
Children
∗
Observation
Ilham, nourrisson de 15 mois, de sexe féminin, a consulté pour une tuméfaction de la jambe
droite, découverte par la maman, augmentant progressivement de volume et évoluant
depuis trois mois. Il n’existait pas de notion de traumatisme, ni d’infection préexistante.
À l’examen, la fille était apyrétique, son poids était de 11 kg (normal pour son âge). On
a noté la présence d’une tuméfaction de l’extrémité inférieure de la jambe droite, dure
(osseuse), externe, de 5/4 cm. Il n’existait pas de signes inflammatoires en regard et la
mobilité de la cheville était normale (pas de gêne à la marche).
Auteur correspondant. BP 3939, Amerchich, Marrakech, Maroc.
Adresse e-mail : [email protected] (E.M. Aghoutane).
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http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2012.09.007
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E.M. Aghoutane, R. El Fezzazi
Figure 2. TDM de la jambe droite montrant une ostéolyse géographique de la métaphyse inférieure de la fibula droite ; cette
ostéolyse est responsable d’une rupture centrale avec collection des
parties molles en regard ; présence d’un séquestre osseux central.
Figure 1. Radiographie simple de la jambe montrant une image
lytique de la métaphyse péronière inférieure, avec ostéocondensation périphérique, sans rupture corticale, avec présence d’un
séquestre osseux.
La radiographie simple de la jambe a montré une image
lytique de la métaphyse péronière inférieure, avec ostéocondensation périphérique, sans rupture corticale, avec la
présence d’un séquestre osseux (Fig. 1). La TDM de la
jambe droite a montré une ostéolyse géographique de la
métaphyse inférieure de la fibula droite, avec présence
d’un séquestre osseux. Cette ostéolyse était responsable
d’une rupture centrale avec collection des parties molles en
regard, spontanément hypodense, rehaussée en périphérie
par le contraste. Elle franchissait le cartilage de croissance par un pertuis et s’étendait vers la région épiphysaire
qui était le siège également d’une ostéolyse géographique
(Fig. 2). Sur le plan biologique, les globules blancs étaient à
9000 éléments par mm3 , l’hémoglobine à 12 g/100 mL, la VS
à 11 mm à la première heure et la CRP à 9 mg/L.
Un abcès de Brodie a été fortement évoqué dans notre
contexte. Un abord chirurgical a mis en évidence une
collection intraosseuse de liquide trouble, avec débris
blanchâtres. Un lavage, curetage et biopsie ont été effectués. L’examen direct et la culture du liquide prélevé
étaient négatifs et l’examen anatomopathologique a mis
en évidence des follicules épithélio-giganto-cellulaires avec
nécrose caséeuse en faveur d’une ostéite tuberculose. La
radiographie thoracique était normale et la recherche de
BK dans le liquide de tubage gastrique était négatif. La fille
a été mise sous traitement antibacillaire, avec bonne évolution ; diminution de la tuméfaction et début de comblement
de la lésion sur la dernière radiographie (Fig. 3).
Figure 3. Radiographie de la jambe après cinq mois de traitement
montrant un début de comblement de la lésion.
Ostéite tuberculose du péroné. À propos d’un cas
Discussion
La tuberculose est une maladie infectieuse qui constitue
un véritable problème de santé publique dans les pays en
voie de développement comme le nôtre, où elle sévit de
manière endémique [1,2]. En 2007, 25 562 nouveaux cas de
tuberculose (toutes localisations confondues) ont étés dépistés au Maroc, soit une incidence de 82 nouveaux cas pour
100 000 habitants [1]. La tuberculose ostéoarticulaire représente 1 à 5 % des cas de tuberculose toutes localisations
confondues, et il s’agit souvent d’un mal de Pott dans 50 %
des cas [2,3].
L’ostéite tuberculeuse est habituellement une ostéite
chronique avec un long délai diagnostique [4]. Elle se manifeste par des douleurs et/ou une tuméfaction évoluant
lentement vers l’aggravation [4].
Non diagnostiquée, elle se complique d’abcès des parties molles et de fistulisation, parfois se compliquant de
fracture pathologique [5]. La vitesse de sédimentation est
souvent augmentée. L’intradermoréaction à la tuberculine
n’est ni sensible, ni spécifique [6]. La radiographie standard
peut être normale dans les stades de début, ou montrer
des images non caractéristiques telles une ostéolyse, une
réaction périostée, une opacité des parties molles ou une
fracture pathologique [7].
La tomodensitométrie est un excellent examen pour délimiter l’atteinte osseuse et l’extension de l’abcès dans les
parties molles [7]. L’IRM a probablement une sensibilité
supérieure pour détecter un œdème précoce de la moelle
osseuse et l’atteinte de parties molles [6,7]. L’étude sérologique telle la protein chain reaction (PCR) a une spécificité
de 100 % par la mise en évidence de l’ADN mycobactérien,
tandis que l’examen direct est souvent négatif dû au caractère paucibacillaire des lésions [8]. Cet examen est non
disponible dans notre contexte.
Le diagnostic de l’ostéite tuberculeuse reste difficile
en l’absence d’autres lésions pulmonaires ou extrapulmonaire évocatrices de tuberculose, d’autant plus que d’autres
affections peuvent avoir le même aspect clinique et radiologique comme une tumeur maligne, un abcès de Brodie, une
localisation secondaire ou une hémopathie maligne [6,7,9].
De ce fait, la biopsie écho-guidée ou chirurgicale se
trouve indiquée dans la majorité des cas pour établir un
diagnostic histologique en mettant en évidence des follicules épithélio-giganto-cellulaires avec nécrose caséeuse
[2,3,9].
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Le traitement de l’ostéite tuberculeuse est médicochirurgical.
Le traitement médical est instauré dès l’établissement
du diagnostic. Il repose sur l’association rifampicine, isoniazide pyrazinamide et éthambutol pendant deux mois, relayé
par une bithérapie (rifampicine et isoniazide) pendant sept
mois [1,2].
La place du traitement chirurgical est très limitée. En
effet, en dehors de la biopsie, geste capital pour la certitude
diagnostique, les principaux actes chirurgicaux peuvent être
résumés en un drainage d’un abcès des parties molles, la
mise à plat d’éventuel trajet fistuleux et le curetage économe des lésions osseuses [6,7].
Le pronostic est généralement bon après traitement
[3—5].
Références
[1] Fnini S, Messoudi A, Hassoune J, Garche A, Largab A. Tuberculose osseuse digitale pseudotumorale : un cas et revue de la
littérature. Ann Chir Plast Esthet 2011, doi: 10. 1016/j. anaplas.
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de 106 cas. Rev Rhum 2003;70:595—9.
[3] Dlimi F, Bellarbi S, Mahfoud M, Berrada MS, El Bardouni A,
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différents aspects à propos de 30 cas. Chir Main 2011;30:
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[5] Hosalkar HS, Agrawal N, Reddy S, Sehgal K, Fox EJ, Hill RA.
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