Découvrez l`interview - Golfe de Saint
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ENQUÊTE NOUVEAUX ENJEUX DE LA PHOTOGRAPHIE TOURISTIQUE Point de “vues” du golfe de Saint-Tropez Golfe de Saint-Tropez Tourisme(1) a mis les réseaux sociaux au cœur de sa stratégie. Chaque jour, il y publie une photo ou une vidéo (accompagnée d’un commentaire). Une telle stratégie, très gourmande en iconographie, l’a obligé à modifier sa politique de constitution d’une banque d’images : ces dernières sont “autoproduites” par les membres de l’équipe ! Ce qui a pour triple avantage de valoriser la sensibilité et la connaissance du terrain de ces derniers, de réduire les coûts d’acquisition et de simplifier la gestion des droits. Interview de EMMANUEL BERTRAND Directeur de Golfe de Saint-Tropez Tourisme [[email protected]] 46 E S PA C E S 3 2 2 • J A N V I E R - F É V R I E R 2 0 1 5 EMMANUEL BERTRAND Quels sont vos choix de présence sur les réseaux sociaux ? On ne peut pas être partout. Nous privilégions huit réseaux que nous considérons comme incontournables : Facebook, Youtube, Google+, Twitter, Instagram, Pinterest, Viadeo, Linkedin… Sur ces réseaux, nous produisons au minimum un reportage par jour, sept jours sur sept. Cela fait donc neuf reportages par jour, neuf sujets différents et, si possible, sur neuf communes différentes de notre territoire. Chaque sujet est défini en fonction d’un objectif, d’une cible, de l’actualité... et contient évidemment un visuel (photo ou vidéo). Cela exige donc d’avoir en permanence un stock suffisant d’images couvrant toutes les communes et tous les thèmes pour pouvoir construire le sujet en amont. La présence sur les réseaux sociaux est un de nos axes stratégiques forts, qui occupe trois à quatre personnes sur les neuf qui composent l’équipe : un webmaster à temps plein sur les sites internet, une personne sur l’iconographie (photo et vidéo : pour les prises de vue, mais aussi pour le travail minimal de retouche et l’indexation) et deux personnes pour l’écriture des messages. Sur les réseaux sociaux, nous visons surtout un bon taux d’engagement (nombre de “like”, de partages ou de commentaires). Et souvent, ce sont les images qui poussent à réagir. Dans l’iconographie, le maître mot est la qualité des images (fixes ou animées) : pour sortir du lot, il faut de très belles images, “différenciantes”, engageantes. Quels sont vos résultats sur Facebook ? Notre page Facebook principale (“Golfe de Saint-Tropez Tourisme”), vitrine de la destination, compte plus de 40 000 fans après trois ans de présence sur ce réseau incontournable. Un bon sujet y obtient 15 000 “vus” dans la journée et a entre 800 et 1 300 “j’aime” ; un très bon sujet a 25 000 “vus” et 1 600 “j’aime” ; nos meilleurs sujets atteignent plus de 50 000 “vus” et 2 500 “j’aime” – ce qui arrive plu- sieurs fois par an. En 2013, la page a compté au total 5 300 000 “vus” et 600 000 interactions (“j’aime”, partage ou commentaires). Le taux d’engagement de la page se situe entre 9 % et 20 %, celui de chaque message est en moyenne de 12 % à 14 %, ce qui est un très bon score. Notre deuxième page sur Facebook, “My Golfe de Saint-Tropez”, est plus récente. Rédigée en français et en anglais, elle vise une cible plus jeune et branchée et ne compte encore que 7 000 fans. Elle fera l’objet d’un développement en 2015. Comment s’est construit votre stock d’images ? Compte tenu de notre stratégie de publication sur les réseaux sociaux, nous avons besoin d’environ 40 000 images disponibles, un nombre considérable, surtout si on le compare à la situation dans un passé récent. Il y a vingt ans, on commandait trois cents photos à un photographe professionnel pour illustrer nos cinq brochures annuelles ; dix ans plus tard, avec l’arrivée d’internet, il nous fallait mille photos pour alimenter notre site. Pour faire face à ce besoin d’images en nombre, nous avons donc été contraints de les produire en interne pour la majeure partie. Je me suis donc moi-même mis à la photo il y a quinze ans, par obligation – c’est devenu une vraie passion et je prends cinq cents photos par semaine ! Du coup, quand il a fallu être présent sur les réseaux sociaux, nous avons eu la chance d’avoir ce stock déjà construit, ce qui nous a permis d’aller vite, sans payer le prix fort. Notre cas de figure est plutôt atypique, mais je pense que cela devient une obligation pour les structures de promotion touristique de produire ellesmêmes des images. Et cela parce que le recours à des photos de professionnels est coûteux, mais aussi parce que leurs droits d’exploitation sont toujours restreints (durée, utilisation, support). Or, sur les réseaux sociaux, comme les photos sont partagées et que Facebook ne prévoit rien en matière de (1) Golfe de Saint-Tropez Tourisme est l’agence de promotion du golfe de SaintTropez : Saint-Tropez, Sainte-Maxime, Ramatuelle, Grimaud, Cogolin, La CroixValmer, La Garde-Freinet, La Mole, Gassin, Le Plan-dela-Tour, Rayol-Canadel, Cavalaire-sur-Mer. Cette structure est présidée par Alain Benedetto, maire de Grimaud et vice-président de la communauté de communes Golfe de SaintTropez. J A N V I E R - F É V R I E R 2 0 1 5 • E S PA C E S 3 2 2 47 ENQUÊTE NOUVEAUX ENJEUX DE LA PHOTOGRAPHIE TOURISTIQUE copyright, l’usage de photos achetées à un professionnel est rendu compliqué. L’image, on la retrouve encore dans votre magazine “papier”, Mythique. Y a-t-il une spécificité de la vidéo ? La création de notre chaîne Youtube est plus récente (moins d’un an) mais nous comptons déjà 110 vidéos et 122 000 “vus”. Nous adoptons à peu près la même stratégie que pour les photos. 60 % de nos vidéos sont réalisées en interne et répondent à des critères exigeants : courtes (moins de 2 min 30), en format clip, de grande qualité. Nous en filmons nous-mêmes et avons pour cela acquis du matériel professionnel. Par ailleurs, nous avons un partenariat avec Guillaume Voiturier, photographe professionnel qui nous propose tous les quinze jours une vidéo prise avec un drone. En outre, toutes les trois semaines, nous filmons la préparation d’une recette de cuisine avec une “blogueuse”. Les quelque 40 % restants sont le fruit du partage de vidéos – à cet effet, nous animons un réseau d’ambassadeurs de la destination (professionnels locaux, simples vacanciers…). Au total, nous n’avons pas dépensé plus de 8 000 euros pour avoir toutes ces vidéos. Nous sommes convaincus que les éditions papier ont toujours un rôle important dans la promotion d’une destination comme la nôtre, non plus en séduction mais en fidélisation et enrichissement du contenu, une fois le vacancier sur place. De ce fait, nous publions moins de brochures que dans le passé, mais des brochures plus élaborées, avec plus de contenu et de très belles images. Depuis deux ans, nous éditons Mythique, un magazine de 132 pages en quadri sur papier glacé, en français et en anglais (tirage : 35 000 exemplaires par an). Notre objectif est de montrer la diversité et la quantité des activités à faire sur place pour faire rester les vacanciers plus longtemps. Nous savons aussi que la brochure sera rapportée à la maison après le séjour, et qu’elle sera lue dans l’année par cinq à sept personnes. Dans ce magazine, tout est réalisé en interne (textes et photos) ; chaque exemplaire nous revient à 1,30 euro, ce qui est très faible. Qu’est-ce pour vous qu’une bonne image ? Une belle image postée chaque jour sur les réseaux sociaux suffirait donc à faire venir des visiteurs ? Non, bien sûr, l’image ne suffit pas. Elle doit être associée à un texte. Nous produisons un texte court, en langage parlé mais soigné, qui raconte une histoire. Celui-ci est agrémenté de “smileys” et de “hashtags”. Nous avons également une stratégie de liens, attachés à chaque image ou texte. Pour bien faire, il faut plusieurs liens : un lien pratique (une carte...), un lien pour découvrir et aller plus loin dans la connaissance de l’offre (portfolio...) et parfois un lien commercial (produit vendu en ligne). Ces liens sont en format raccourci et aboutissent vers notre site web. C’est cette triple stratégie – d’image, de storytelling et de liens pertinents – qui donne une véritable efficacité à notre action sur les réseaux sociaux. 48 E S PA C E S 3 2 2 • J A N V I E R - F É V R I E R 2 0 1 5 Pour nous, une bonne image réunit trois critères principaux : elle est de bonne qualité ; elle est “faite maison” et elle traduit notre passion de la destination. L’usage que nous avons des réseaux sociaux, c’est un peu la revanche (amicale) des littéraires, des amoureux du lieu (photographes, vidéastes…) sur les codeurs et informaticiens de tout poil ; ces derniers ont gagné la bataille du tiroir-caisse de la réservation en ligne (Booking, Expedia…), il nous reste celle du choix de la destination de séjour par les vacanciers, bien en amont de l’acte de réservation final. Et là, c’est le coup de cœur de nos visiteurs virtuels qui fait la différence. À nous de leur faire partager notre passion réelle du site, l’image étant le meilleur véhicule de ce message. PROPOS RECUEILLIS PAR HERMINE DE SAINT ALBIN