Questions sur les droits de préemption des personnes publiques

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Questions sur les droits de préemption des personnes publiques
Actualité sur le droit de préemption
I. -
INSTITUTION
A.
B.
C.
II. -
Décision d’institution
Hiérarchie des droits de préemption
Le droit de délaissement
CHAMP D’APPLICATION
A.
B.
III. -
Champ d’application géographique
Champ d’application matériel
DECLARATION D’INTENTION D’ALIENER ET DECLARATION PREALABLE
A.
B.
C.
IV. -
Forme de la déclaration d’intention d’aliéner
Contenu de la déclaration d’intention d’aliéner
Notification et retrait de la déclaration d’intention d’aliéner
DECISION DE PREEMPTION
A.
B.
C.
D.
V. -
Compétence et délégation
Forme de la décision
Contenu de la décision
Notification de la décision
CONSEQUENCES DE LA PREEMPTION
A.
B.
VI. -
Décision de préemption ne formant pas la vente
Décision de préemption formant la vente
UTILISATION DES BIENS PREEMPTES
A.
B.
Utilisation conforme des biens préemptés
Utilisation non-conforme des biens préemptés
07/03/2012
droits
> Les
préemption
de
des
personnes publiques
Damien Dutrieux
Cridon Nord-Est / Université de Lille 2
>
Les droits de préemption des personnes publiques
I. PARTIE :
Institution
droits
I. PARTIE :
des
différents
Institution des différents droits de préemption
A. Décision d’institution
1. Règles communes
2. Droit de préemption urbain
3. Droit de préemption en zone d’aménagement différé
4. Droit de préemption en espaces naturels sensibles
5. Droit de préemption « commercial »
1
07/03/2012
I. PARTIE :
B.
Institution des différents droits de préemption
Hiérarchie
des
préemption
droits
de
1. Droits de préemption des personnes publiques
2. Autres prérogatives des personnes publiques
3. Droits de préemption des personnes privées
I. PARTIE :
Institution des différents droits de préemption
C.
Droit de délaissement
1. Demande d’acquisition d’un bien
2. Décision d’acquérir
>
Les droits de préemption des personnes publiques
IIe. PARTIE :
Champ d’application des différents
droits de préemption
2
07/03/2012
IIe. PARTIE :
Champ d’application des différents droits de préemption
A. Champ
d’application
géographique
A. Les règles communes
B.
IIe. PARTIE :
Les différents
préemption
droits
de
Champ d’application des différents droits de préemption
B. Champ
d’application
matériel
1. Les biens concernés
2. Les aliénations concernées
>
Les droits de préemption des personnes publiques
IIIe. PARTIE :
La déclaration d’intention d’aliéner
et la déclaration préalable
3
07/03/2012
IIIe. PARTIE :
La déclaration d’intention d’aliéner et la déclaration préalable
A. Forme de la déclaration
1. Formulaire utilisé
2. Pièces jointes
IIIe. PARTIE :
La déclaration d’intention d’aliéner et la déclaration préalable
B. Contenu de la déclaration
1. Mentions obligatoires
2. Mentions facultatives
3. Erreurs et omissions
IIIe. PARTIE :
La déclaration d’intention d’aliéner et la déclaration préalable
C. Notification
et
retrait
de
la
déclaration
1. Modalités de la notification
2. Destinataires
3. Délais
4. Retrait
4
07/03/2012
>
Les droits de préemption des personnes publiques
IVe. PARTIE :
La décision de préemption
IVe. PARTIE :
La décision de préemption
A. Compétence et délégations
1. DPU, ZAD et droit de préemption
« commercial »
2. Droit de préemption en espaces
naturels sensibles
IVe. PARTIE :
La décision de préemption
B. Forme de la décision
1. Délibération ou arrêté
2. Délais
3. Avis de France Domaine
5
07/03/2012
IVe. PARTIE :
La décision de préemption
C. Contenu de la décision
1. Prix
2. Motivation
IVe. PARTIE :
La décision de préemption
D. Notification de la décision
1. Modalités
2. Délais
>
Les droits de préemption des personnes publiques
Ve. PARTIE :
Conséquences de la préemption
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07/03/2012
Ve. PARTIE :
Les conséquences de la préemption
A. Décision de préemption ne formant
pas la vente
1. Conséquences
2. Réponses possibles du propriétaire
3. Saisines du juge de l’expropriation
Ve. PARTIE :
Les conséquences de la préemption
B. Décision de préemption formant la
vente
1. Caractère parfait de l’aliénation
2. Retrait de la décision
3. Réalisation de la vente
4. Paiement du prix
>
Les droits de préemption des personnes publiques
VIe. PARTIE :
Utilisation des biens préemptés
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07/03/2012
VIe. PARTIE :
Utilisation des biens préemptés
A. Utilisation conforme des biens
préemptés
1. Revente du bien
2. Sort des occupants et locataires
VIe. PARTIE :
Utilisation des biens préemptés
B. Utilisation non conforme des biens
préemptés
1.
Rétrocession
propriétaire
à
l’ancien
2. Rétrocession à l’acquéreur évincé
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Questions sur les droits de préemption
des personnes publiques
par Damien Dutrieux
Consultant au CRIDON Nord-Est,
Maître de conférences associé à l’Université de Valenciennes
Questions sur les droits de préemption des personnes publiques
par Damien Dutrieux
Consultant au CRIDON Nord-Est, Maître de conférences associé à l’Université de Valenciennes
Récemment modifiées par la loi sur le Grand Paris (3 juin 2010) et la loi portant engagement
national pour l’environnement (12 juillet 2010), les règles relatives aux droits de préemption
des personnes publiques connaissent la singularité d’être à la fois basées sur des mécanismes
juridiques aujourd’hui éprouvés et en perpétuelle mutation.
Eprouvés en ce sens que les droits de préemption urbain et en zone d’aménagement différé
existent dans leurs formes modernes depuis plus de vingt-cinq ans, et, tant l’Administration
que les mandataires des particuliers - parmi lesquels figurent notamment les notaires maîtrisent les procédures applicables tant concernant la soumission des déclarations
d’intention d’aliéner que la réponse à cette offre ou cette information qu’elles constituent
selon les modalités de l’aliénation envisagée. Mais ces règles sont également en perpétuelle
mutation en ce sens qu’elles connaissent de nombreuses évolutions tant textuelles que
jurisprudentielles. En effet, les pouvoirs publics élargissent sans cesse le champ d’application
de cette prérogative socialement admise, et le juge n’hésite pas à limiter certaines exigences
qu’il avait lui-même imposées (comme en matière de motivation par exemple) ou à créer des
principes dérogatoires au droit commun de l’action administrative (l’interdiction de retrait
d’une renonciation à préempter).
Si la réforme d’envergure initiée par l’Assemblée nationale dans la proposition de loi de
simplification du droit semble, depuis le début du mois d’octobre 2010, pour le moment
suspendue par le Sénat, les règles applicables à cette prérogative publique qu’est la
préemption sont amenées à connaître encore des évolutions pour prendre en compte la
présence toujours plus importante des collectivités publiques dans le cadre des actions ou
opérations d’aménagement, pour lesquelles cette préemption constitue l’outil de principe en
matière de maîtrise foncière.
1. – Quelles sont les particularités des droits de préemptions des personnes publiques par
rapport à ceux des personnes privées ? - Le droit de préemption des personnes publiques
n‟emprunte qu‟une partie d‟un mécanisme à l‟origine de droit privé. Alors que pour ce dernier,
préempter signifie normalement se substituer, la particularité du droit de préemption des
personnes publiques réside dans le fait que la substitution n‟est qu‟une option au profit de
l‟Administration qui peut également contester l‟estimation faite par le propriétaire de la valeur de
son bien, sous réserve d‟un arbitrage du juge de l‟expropriation.
2. – Pourquoi les droits de préemption semblent avoir la faveur des personnes publiques ? Le droit de préemption est un mode d‟acquisition privilégié par les personnes publiques en raison
d‟une absence de « brutalité » souvent attachée à la procédure d‟expropriation pour cause d‟utilité
publique, puisque la personne à laquelle est appliquée la procédure est censée souhaiter aliéner
son bien et, selon la personne publique, la qualité de l‟acquéreur est secondaire pour le
propriétaire. On notera que cette interprétation est relativement fausse parce qu‟en droit privé
parmi les élément constitutifs de l‟abusus, l‟un des éléments constitutifs de la propriété, le choix
de la personne à qui est aliéné le bien est essentiel.
3. – Quels sont les droits de préemption concernés ? – Quatre droits de préemption doivent être
distingués :

Le plus ancien est celui s‟appliquant dans les zones d‟aménagement différé (ZAD), c‟est-àdire dans les zones délimités par le préfet destinées à une opération d‟aménagement où il
1
s‟agit de permettre, d‟une part, l‟acquisition du bien mais, d‟autre part et surtout, d‟empêcher
en pratique toute spéculation sur les terrains visés par l‟opération. La ZAD avait une durée vie
totale de quatorze ans, jusqu‟à la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010, et se trouve désormais
instituée pour une durée de six ans renouvelable, qu‟elle soit ou non accompagnée d‟une préZAD.

Le droit de préemption urbain (DPU) a succédé, en 1985, au droit de préemption à l‟intérieur
des zones d‟intervention foncière (ZIF). Le DPU est susceptible d‟être institué sur tout ou
partie des zones urbaines ou d‟urbanisation future des plans d‟occupations des sols (POS) ou
des zones urbaines et à urbaniser des plans locaux d‟urbanisme (PLU). La loi « urbanisme et
habitat » (n° 2003-590 du 2 juillet 2003), a permis l‟instauration d‟un droit de préemption pour
les communes couvertes par des cartes communales.

Le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles (ENS), appartient au conseil
général, qui ne peut néanmoins créer de telles zones qu‟avec l‟accord des communes
couvertes par un plan local d‟urbanisme

Le dernier né (article 58 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005) - que nous qualifierons de droit
de préemption « commercial » eu égard à son objet - est le droit de préemption sur les
cessions de fonds commerciaux ou artisanaux, de baux commerciaux, et, depuis
l‟intervention de la loi de modernisation de l‟économie n° 2008-772 du 4 août 2008, de
terrains portant ou susceptibles de porter entre 300 et 1.000 m² de surface commerciale.
4. – Le droit de priorité est-il un droit de préemption ? – La loi portant engagement national pour
le logement (ENL) n° 2006-872 du 13 juillet 2006 est venue modifier le droit de priorité des
communes en cas de vente des immeubles appartenant à l‟Etat, aux sociétés dont il détient la
majorité du capital ainsi qu‟à certains établissements publics de l‟Etat, mais ce droit ne peut être
considéré comme un droit de préemption puisqu‟il est censé s‟exercer avant la recherche d‟un
acquéreur.
I. -
Institution
A. -
Décision d’institution
1°
Règles communes
5. – Par quels actes sont institués les droits de préemption des personnes publiques ? - Le
droit de préemption est institué par un acte administratif prenant la forme d‟une délibération (DPU,
ENS, droit de préemption « commercial ») ou d‟un arrêté voire d‟un décret (ZAD). Quelle que soit
sa forme, cet acte n‟a la nature ni d‟une mesure individuelle ni d‟une mesure réglementaire et ne
peut voir sa légalité remise en cause à l‟occasion d‟un contentieux ayant pour objet une décision
de préemption. Par ailleurs, contrairement à la délibération instituant le droit de préemption dans
une comme dotée d‟une carte communale ou de celle décidant, en application de l‟article L. 211-4
du Code de l‟urbanisme d‟instituer un droit de préemption renforcé, l‟acte instituant le droit de
préemption urbain n‟a pas à être motivé. Il en va différemment de l‟arrêté créant la zone
d‟aménagement différé (C. urbanisme, art. L. 212-1).
2°
Droit de préemption urbain
6. – Comment est institué le droit de préemption urbain dans les communes disposant d’un
plan local d’urbanisme ? - Il peut être institué, en application de l‟article L. 211-1 du Code de
l‟urbanisme, dans les communes dotées d‟un plan local d‟urbanisme ou d‟un document en tenant
lieu comme le plan d‟occupation des sols maintenu. La décision instituant le DPU doit faire l‟objet
2
de modifications destinées à suivre l‟évolution du document d‟urbanisme (Cass. 3° civ. 8 nov.
2006, Chambre de commerce et d‟industrie de Paris c/ Direction des services fiscaux du Loiret,
pourvoi n° 05-17.462 : JCP N 2008, 1005, chr. D. Dutrieux).
7. – Comment est institué le droit de préemption urbain dans les communes disposant d’une
carte communale ? - Si le DPU peut être institué en même temps qu‟est adopté le plan local
d‟urbanisme, du fait de la lettre de l‟article L. 211-1 du Code de l‟urbanisme, dans une commune
dotée d‟une carte communale, la délibération instituant la carte communale doit être antérieure à
l‟instauration du droit de préemption (le texte visant en effet « les communes dotées d‟une carte
communale »).
3°
Zone d’aménagement différé
8. – Qui est compétent pour créer une zone d’aménagement différé ? - C‟est le préfet qui crée
la zone et qui détermine le bénéficiaire du droit de préemption à l‟intérieur de cette zone
(toutefois, selon l‟aliéna 2 de l‟article L. 212-1 du Code de l‟urbanisme, en cas d‟avis défavorable
de la commune ou de l‟établissement public compétent, la zone d‟aménagement différé ne peut
être créée que par décret en Conseil d‟Etat). Elle peut concerner toute commune et bénéficie à de
nombreuses personnes publiques voire privées avec des SEM. Le préfet délimite la ZAD mais
peut prendre un acte préparatoire que l‟on appelle un périmètre provisoire également dénommé
« pré ZAD » (C. urbanisme, art. L. 212-2-1). L‟arrêté du préfet est motivé par l‟opération
d‟aménagement et ne pouvait durer plus de quatorze ans, désormais deux fois six années depuis
l‟intervention de la loi du 3 juin 2010 (incluant la durée de l‟éventuelle pré ZAD).
4°
Espaces naturels sensibles
9. – Par qui est institué le droit de préemption en espaces naturels sensibles ? - C‟est le
conseil général qui détermine la zone selon une procédure qui va différer au regard des
documents d‟urbanisme dont disposent les communes concernées. Soit la commune dispose
d‟un document d‟urbanisme et le conseil général qui sollicite l‟avis de cette commune devra s‟y
conformer. Le document visé est un plan d‟occupation des sols (POS) ou PLU en application de
l‟alinéa 2 de l‟article L. 142-3. Si la commune n‟a pas de document d‟urbanisme ou de carte
communale, c‟est le préfet qui va arbitrer en cas de désaccord de la commune et permettre par
exemple à cette dernière d‟empêcher l‟institution de la préemption ou au contraire lui imposer.
5°
Cessions de fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux
10. – Par qui est institué le droit de préemption « commercial » ? - Droit de préemption
essentiellement communal, le droit de préemption sur les fonds de commerce et artisanaux, baux
commerciaux et terrains portant ou susceptibles de porter entre 300 et 1 000 m² de surface
commerciale ne peut s‟exercer qu‟au sein de périmètres que doit adopter le conseil municipal
selon une procédure précisément décrite dans les mesures réglementaires du dispositif. Alors
qu‟existe une référence précise à la procédure applicable en matière de droit de préemption
urbain - renvoi aux articles L. 213-4 à L. 213-7 du Code de l‟urbanisme opéré par le nouvel article
L. 214-1 du même code - l‟instauration de ce droit de préemption n‟est pas limité aux seules
communes disposant d‟un document d‟urbanisme. En effet, selon l‟article L. 214-1, le conseil
municipal, par une délibération motivée, peut « délimiter un périmètre de sauvegarde du
commerce et de l‟artisanat de proximité » à l‟intérieur duquel s‟exercera ce droit de préemption
sur « les cessions de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux » et les
terrains portant ou susceptibles de porter entre 300 et 1 000 m² de surface commerciale. Ainsi,
dans les communes ayant institué un tel droit mais dépourvues de document d‟urbanisme, une
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décision de préemption pourra intervenir dans le cadre d‟une vente simultanée du fonds et des
murs sans que la commune se trouve en mesure d‟acquérir par préemption les murs !
11. – Comment est institué le périmètre de sauvegarde du commerce de proximité ? - Pour
adopter valablement le périmètre de sauvegarde du commerce et de l‟artisanat de proximité, le
maire, en application de l‟article R. 214-1 du Code de l‟urbanisme, doit soumettre pour avis le
projet de délibération du conseil municipal à la chambre de commerce et d‟industrie et à la
chambre des métiers et de l‟artisanat dans le ressort desquelles se trouve la commune. Par
ailleurs, ce projet de délibération doit être accompagné du projet de plan délimitant le périmètre
de sauvegarde du commerce et de l‟artisanat de proximité et d‟un rapport analysant la situation
du commerce et de l‟artisanat de proximité à l‟intérieur de ce périmètre et les menaces pesant sur
la diversité commerciale et artisanale. En l‟absence d‟observations de la chambre de commerce
et d‟industrie et de la chambre des métiers et de l‟artisanat dans les deux mois de leur saisine,
l‟avis de l‟organisme consulaire est réputé favorable.
12. – Comment connaître l’existence d’un droit de préemption « commercial » ? - A l‟instar de
certains commentateurs des dispositions réglementaires (J.-P. Blatter, Le décret d‟application du
droit de préemption des communes sur les fonds et les baux : AJDI, février 2008, p. 88 ;
D. Moreno, Droit de préemption sur les fonds de commerce, artisanaux et les baux commerciaux :
BJDU 5/2007, p. 326), il importe de regretter, à la différence du droit de préemption urbain,
qu‟aucune information spécifique des notaires n‟ait été prévue par les textes (qui renvoient
seulement aux mesures de publicité de l‟article R. 211-2 du Code de l‟urbanisme et non à celles
de l‟article R. 211-3 du même code). Il demeure que, comme les autres droits de préemption, le
certificat d‟urbanisme doit en indiquer l‟existence en application de l‟article R. 410-15 du Code de
l‟urbanisme.
13. – Depuis quand s’applique ce nouveau droit de préemption ? - La question de l‟entrée en
vigueur du nouveau dispositif a fait l‟objet d‟un arrêt important (CE, 1re et 6e ss-sect., 21 mars
2008, n° 310173, Sté Mégaron). L‟arrêt Mégaron pourrait n‟avoir qu‟un intérêt historique puisque
la question de l‟applicabilité du dispositif relatif au droit de préemption sur les fonds et baux
commerciaux ne se pose plus depuis la parution du décret d‟application (D. n° 2007-1827, 26 déc.
2007 : Journal Officiel 28 Décembre 2007) et de l‟arrêté (A. 29 févr. 2008 : Journal Officiel 1er
Avril 2008) instituant le modèle de déclaration préalable. Pourtant cette décision est importante
concernant l‟interprétation qu‟en a faite la doctrine administrative. Le Conseil d‟État était saisi
d‟une décision de préemption exercée par le maire de la commune de Valbonne. Dans cet arrêt il
s‟agissait de savoir si le dispositif était applicable (V. JCP A 2008, 2086, concl. A. Courrèges ;
JCP A 2008, 2087, note Ph. Billet). Or, dans ses conclusions, Anne Courrèges a analysé
l‟ensemble du dispositif pour voir, parmi les dispositions issues de la loi n° 2005-882 du 2 août
2005, celles qui étaient susceptibles d‟entrer en vigueur sans décret et celles qui ne pouvaient
s‟appliquer sans l‟intervention d‟un tel texte. La démarche peut surprendre sauf à envisager que le
Conseil d‟État considère que, même avec une référence à un décret, certaines dispositions
peuvent isolément entrer en vigueur (V. sur ce point les développements du professeur Billet dans
sa note préc.). Une fois cette analyse séparée, dans laquelle il admet que la première partie du
dispositif pouvait entrer en vigueur concernant la définition des périmètres de sauvegarde du
commerce de proximité, le Conseil d‟État va néanmoins conclure à l‟interdépendance du
dispositif.
B. -
Hiérarchie des droits de préemption
1°
Droits de préemption des personnes publiques
14. – Quelle hiérarchie est aménagée par le Code de l’urbanisme ? - Le code de l‟urbanisme,
dans son article L. 212-1, aménage directement la hiérarchie du DPU et de la ZAD et
indirectement celle du DPU et de l‟ENS. Concernant la ZAD, cette dernière est prioritaire et
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l‟adoption du droit de préemption en ZAD fait automatiquement disparaître le DPU. Toutefois, à
l‟issue du délai pour lequel a été institué la ZAD, le DPU renaîtra. Par ailleurs, l‟impossibilité
d‟instituer un ENS sans l‟accord de la commune dotée d‟un POS ou d‟un PLU d‟une part et
d‟autre part, l‟arbitrage du préfet en cas de carte communale, permet d‟affirmer sans risque qu‟il
est impossible qu‟existe sur le même espace DPU et droit de préemption en ENS.
15. – Quelle hiérarchie s’applique dans le silence des textes ? - La seule question non réglée a
trait à la relation entre ENS et ZAD en raison tant du silence des textes que la non reprise d‟une
ancienne hiérarchie (voir sur cette question : R. Hostiou et J.-F. Struillou, Expropriation et
préemption : 3° éd. Litec 2007, p. 201) ; cependant si s‟appréhende difficilement l‟hypothèse
d‟une projet justifiant une telle zone en espaces naturels sensibles, la création d‟une zone
d‟aménagement différé dans un tel secteur a déjà fait l‟objet d‟un contentieux, sans pour autant
que la question soit considérée comme incongrue par le juge (CE, Sect., 3 juillet 1998, Préfet des
Yvelines : AFDUH 1999, n° 3, chr. J.-F. Struillou)
2°
Autres prérogatives des personnes publiques
16. – Comment s’articulent préemption et expropriation pour cause d’utilité publique ? - Le
code de l‟urbanisme règle la question des relations entre préemption et expropriation, l‟article
L. 213-5 indiquant que la vente au bénéficiaire de l‟expropriation échappait nécessairement au
droit de préemption.
17. – Comment s’articulent préemption et délaissement ? - Par ailleurs, L. 213-1 prévoit
expressément qu‟échappe au droit de préemption, la vente intervenant dans le cadre d‟une mise
en demeure d‟acquérir intervenant sur le fondement de l‟article L. 230-1 du code de l‟urbanisme
(essentiellement les emplacements réservés et les biens situés dans le périmètre d‟une zone
d‟aménagement concerté, mais les hypothèses pour lesquelles s‟appliquent les dispositions des
articles L. 230-1 à L. 230-6 sont plus nombreuses). En revanche, le code n‟a rien prévu dans
l‟hypothèse où le titulaire du droit de préemption et le bénéficiaire de l‟emplacement réservé se
trouvent être une même personne. Dès lors, les deux procédures sont concurrentes étant précisé
que la renonciation à préempter n‟a juridiquement aucun effet sur l‟emplacement réservé.
18. – Comment s’articulent droit de préemption et droit de priorité ? - La loi ENL du 13 juillet
2006 a supprimé la concurrence entre droit de préemption et droit de priorité, telle qu‟elle existait
depuis la loi d‟orientation sur la ville (LOV) du 13 juillet 1991. Lorsque le droit de priorité
s‟applique, le droit de préemption est écarté.
3°
Droits de préemption des personnes privées
19. – Comment s’articulent les droits de préemption des personnes publiques et le droit de
préemption de l’indivisaire ? - Une seule et unique hypothèse de prédominance d‟un droit de
préemption d‟une personne privé sur une personne publique existe. En effet, le droit de
préemption de l‟indivisaire, selon le Code de l‟urbanisme, va toujours prévaloir sur les droits de
préemption urbain et en ZAD (art. L. 213-1 al. 2), étant précisé que la cession de droits indivis,
lorsqu‟ils ne sont pas globalement cédés, échappait au droit de préemption en ENS (Rép. min.
n° 47004, JOAN Q 6 oct. 2009 p. 9472) jusqu‟à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite Grenelle
2. Désormais ces droits indivis sont soumis au droit de préemption en espaces naturels sensibles,
lorsqu‟il est exercé, par substitution, par le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres. Il
convient toutefois de limiter cette hypothèse à la cession de droits indivis à l‟indivisaire. Si par
exemple cet indivisaire acquiert les droits indivis avec son concubin, le bénéficie de l‟exemption
n‟existe pas pour la part acquise par le concubin ou pour la totalité si l‟indivisaire et le concubin
forme une nouvelle indivision pour acquérir.
20. – Le droit de préemption peut-il être écarté par la donation de droits indivis ? - Le droit de
préemption n‟existe que lorsque l‟opération est faite à titre onéreux. La donation, dans un premier
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temps, de droit indivis sur un immeuble peut constituer un excellent moyen d‟échapper au droit de
préemption, si la vente des autres droits intervient dans un second temps. Toutefois, dans cette
hypothèse, le notaire vérifiera la véritable intention de gratifier le donataire lors de la donation,
puisqu‟à défaut la fraude est constituée.
21. – Comme s’articulent les droits préemption des personnes publiques et les autres droits
de préemption privés ? - Concernant les autres droits de préemption, ils s‟écartent face aux
droits de préemption des personnes publiques. Le code rural affirme que le droit de préemption
de la SAFER ainsi que celui du preneur s‟effacent devant celui des personnes publiques. Une
vente amiable à un bénéficiaire du droit de préemption peut poser problème si la personne
publique ne prend pas une décision motivée comme en matière de préemption. Concernant les
autres droits de préemption des preneurs, la priorité des personnes publiques ne connaît aucun
fondement textuel, mais uniquement un fondement lié à la doctrine administrative elle-même.
Existe cependant une particularité dans l‟article L. 210-2 du Code de l‟urbanisme qui permet
l‟utilisation du droit de préemption urbain pour maintenir en place un locataire (V. D. Dutrieux, La
préemption publique motivée par le maintien des locataires, note sous CAA Paris 8 juill. 222010,
n° 09PA01762 : Petites affiches, n° 35, 18 févr. 2011, p. 11).
C. -
Le droit de délaissement
22. – Quelles sont les particularités du droit de délaissement applicable en matière de
préemption ? - Les procédures de droit de délaissement (V. notamment les articles L. 230-1 à
L. 230-6 précités pour un emplacement réservé au plan local d‟urbanisme qui organisent une
acquisition imposée) ont normalement pour effet d‟obliger l‟administration à acquérir et/ou la
disparition de la prérogative de l‟administration (ce qui est le cas toutefois pour le droit de
préemption en ZAD). De même, quand a été adoptée une déclaration d‟utilité publique, les
propriétaires des terrains concernés peuvent en application de l‟article L. 11-7 du code de
l‟expropriation, mettre le bénéficiaire de la déclaration en demeure d‟acquérir leurs propriétés et si
une telle acquisition n‟a pas eu lieu dans les deux ans (plus un an supplémentaire
éventuellement), à défaut, la déclaration tombe. Dans le cadre du droit de préemption urbain et le
droit de préemption « commercial », le délaissement a des effets nettement plus limités.
23. – Le droit de délaissement existe-t-il pour tous les droits de préemption des personnes
publiques ? – Le droit de délaissement est prévu par la loi pour le droit de préemption urbain et
en zone d‟aménagement différé (C. urbanisme, art. L. 211-5 et L. 212-3). Concernant le droit de
préemption sur les fonds, baux et terrains « commerciaux », ce droit de délaissement a été créé
par le décret d‟application du 26 décembre 2007. En revanche, aucun texte ne prévoit une telle
prérogative du propriétaire pour les ENS.
1°
Demande d’acquisition d’un bien
24. – Quelles sont les conséquences de la non-acquisition sur délaissement ? - Ici le droit de
délaissement consiste seulement à autoriser dès l‟instauration du DPU ou de la création de la
ZAD, de notifier une demande d‟acquisition d‟un bien qui permettra seulement en cas de
renonciation au propriétaire de vendre librement, mais en respectant les prix et conditions
strictement identiques à ceux de la demande (sauf pour la ZAD où le bien n‟est plus susceptible
de préemption). Toutefois, dans une zone d‟aménagement différé ou dans le cadre du droit de
préemption urbain institué dans une commune dotée d‟une carte communale, le délaissement a
plus de sens puisque les risques de préemption sont plus importants que dans une commune
dotée d‟un plan local d‟urbanisme où le droit de préemption urbain aura été institué sur toutes les
zones urbaines (U) ou à urbaniser (AU).
2°
Décision d’acquérir
6
25. – Quelles sont les conséquences de l’acquisition sur délaissement ? – Même saisi d‟une
demande d‟acquisition du bien, le titulaire du droit de préemption devra motiver sa décision
d‟acquérir puisqu‟il s‟agit encore d‟une prérogative de puissance publique écartant éventuellement
d‟autres droits privés comme ceux des preneurs. En revanche, si le bien est acquis, le propriétaire
perd son droit de rétrocession régi par l‟article L. 213-11 du Code de l‟urbanisme, si le bien est
utilisé pour un autre objet que celui pour lequel il a été préempté ou qui aurait pu motiver la
préemption.
II. -
Champ d’application
A. -
Champ d’application géographique
1°
Règles communes
26. – Qu’est-ce qu’une unité foncière ? - Importante en droit de l‟urbanisme, la notion d‟unité
foncière, élément clef du régime des lotissements et de la définition du domaine public (CE,
19 juill. 2010, n° 329199), connaît une place importante concernant les droits de préemption des
personnes publiques. Dès lors, les références cadastrales sont totalement étrangères aux
considérations à prendre en compte et la purge de ces droits de préemption se fera par unité
foncière. Cette unité foncière est entendue comme la double unité : une unité de propriété et une
unité de propriétaire. Le bien peut être constitué d‟une ou plusieurs références cadastrales, il
s‟agira de plusieurs parcelles contiguës non séparées (CE 27 juin 2005, n° 264667, Cne de
Chambéry : JCP N 2006, 1013, chr. D. Dutrieux). Cette notion d‟unité foncière se retrouve
concernant le droit de préemption urbain renforcé applicable sur la cession de la majorité des
parts d‟une société civile immobilière selon les disposition de l‟article L. 211-4-d du Code de
l‟urbanisme. En effet, la société visée par ce texte ne doit être propriétaire que d‟une unité
foncière, ce qui a pour effet d‟exclure le droit de préemption lorsque la société ne possède qu‟un
immeuble dans une copropriété, puisqu‟un lot de copropriété ne peut répondre à la définition de
l‟unité foncière.
27. – Comment purger quand sont aliénés plusieurs biens ne constituant pas une d’unité
foncière ? - Comment purger quand les parties ont valablement décidé entre elles le caractère
indissociable des biens vendus et ont conditionné à ce caractère la validité de cet engagement ?
La jurisprudence n‟a jamais tranché ce cas précis et s‟est contentée d‟indiquer qu‟il ne devait y
avoir qu‟une déclaration d‟intention d‟aliéner par bien vendu. Une jurisprudence considère que ce
caractère indissociable n‟est pas opposable à l‟administration. Cet arrêt toutefois s‟est
uniquement prononcé sur la cession simultanée entre un immeuble et les droits résultant du bail à
construction sur cet immeuble (Cass. 3ième Civ., 11 mai 2000 : Bull. civ. n° 109 p. 73 ;
B.J.D.U. 2/2000, note du rapporteur C. Masson-Daum, p. 115 ; P. Benoit-Cattin, Defrénois 2000,
art. 37252-18 p. 1243 ) ; mais la note du rapporteur est très claire : des conventions privées ne
peuvent avoir des conséquences sur le champ d‟application des prérogatives de puissance
publique. Il est donc admis que les parties ne peuvent rendre une indissociabilité conventionnelle
opposable au titulaire du droit de préemption (V. D. Dutrieux, Droit de préemption urbain et vente
de plusieurs immeubles soumis à ce droit : JCP N 2002, 1570). Toutefois, si elle n‟est pas
opposable, le notaire est tenu d‟en informer l‟administration dans la déclaration d‟intention
d‟aliéner (V. Cass. 1° civ. 12 juil. 2007, n° 06-15.633 : Juris-Data n° 2007-040104 ; JCP N 2007,
act. 540 ; V. également D. Dutrieux, Le droit de préemption urbain et la vente simultanée d'un
fonds de commerce et de l'immeuble qui l'abrite : JCP N 2008, 1056). Dès lors, si les deux biens
sont soumis tous les deux au droit de préemption, il conviendra de faire une double purge sur
deux formulaires séparés, une tolérance administrative admettant cependant le même formulaire
avec ventilation du prix entre les deux immeubles. L‟indivisibilité n‟étant donc pas opposable, le
7
titulaire du droit de préemption pourrait préempter un bien sans être tenu d‟acquérir l‟autre, la
vente pouvant être parfaite en cas d‟aliénation de gré à gré sans contrepartie en nature.
28. – Qu’en est-il lorsque l’unité foncière est partiellement soumise au droit de préemption ? Issus de la loi du 13 décembre 2000 dite SRU et de la loi du 27 février 2002 dite loi de démocratie
de proximité, deux articles du Code de l‟urbanisme envisagent l‟exercice du droit de préemption
quand l‟unité foncière est « à cheval » sur une zone de préemption (article L. 213-2-1 pour le DPU
et la ZAD, article L. 142-3 pour les ENS). L‟option retenue par le législateur a été de limiter la
prérogatives à la seule partie de l‟unité foncière située en zone de préemption, mais a laissé au
propriétaire la faculté alternative d‟exiger la préemption du tout ou d‟obtenir indemnité pour la
dépréciation du surplus. Bien que trop rapidement qualifié par la doctrine de droit de préemption
« partiel », il n‟a jamais été envisagé de permettre à l‟administration d‟exercer partiellement sa
prérogative, mais simplement de permettre l‟appréhension d‟unité foncière jusque là exclue. Pour
le droit de préemption, c‟est toujours la règle du tout ou rien, le titulaire n‟ayant pas le choix, il doit
préempter tout ce qui se trouve dans sa zone de préemption. Ce n‟est qu‟au propriétaire dont on
préempte une partie de son unité foncière située en zone de préemption, qu‟il appartient d‟exiger
la préemption du tout, la personne publique n‟ayant nullement cette faculté. Demeure cependant
une controverse doctrinale sur la possibilité ou non d‟utiliser ces articles L. 213-2-1 et L. 142-3
lorsque l‟unité foncière est « à cheval » sur les territoires de deux communes. La jurisprudence
semble indirectement admettre une possible préemption « partielle » dans cette hypothèse
(TA Amiens, 16 oct. 2007, n° 0502557, M. Eric L. : JCP N 2008, 1005, chr. D. Dutrieux).
29. – Le droit de préemption peut-il être exercé en cas d’adjudication rendue obligatoire et de
lots constitués ? – Lorsque, dans la cadre d‟une adjudication rendue obligatoire par la loi ou le
règlement, sont constitués des lots comprenant à la fois des biens soumis au droit de préemption
et d‟autres qui y échappent, la jurisprudence a considéré, eu égard au silence des textes, que le
droit de préemption (qui s‟exerce dans cette hypothèse par substitution au dernier enchérisseur)
ne pouvait s‟exercer (CE 21 mai 2008, n° 310951 Société Executive Project et Management
(EPM) : BJDU 2/2008 p. 108, concl. A. Courrèges ; AJDA 10 novembre 2008 p. 2131, note
S. Pérignon ; JCP N 2009, 1125, chr. D. Dutrieux). Il est possible de s‟interroger, concernant le
droit de préemption sur les fonds de commerce, si une solution identique ne devrait pas
s‟appliquer en cas de cession d‟un fonds de commerce unique disposant de plusieurs magasins
dont certains situés à l‟extérieur du secteur de sauvegarde du commerce de proximité, voire sur le
territoire d‟une autre commune.
30. – Quel est le champ d’application géographique du droit de préemption urbain ? – Pour les
communes dotées d‟une plan local d‟urbanisme (ou d‟un plan d‟occupation des sols maintenu), il
s‟agit de tout ou partie (mais le plus fréquemment l‟ensemble des zones est concerné) des
zones U et AU du plan local d‟urbanisme. S‟ajoute la possibilité d‟instituer (C. environnement,
article L. 515-16-I) un tel droit de préemption lors de l‟adoption d‟un plan de prévention des
risques technologiques, créés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 (V. D. Dutrieux, L‟extension
du champ d‟application du droit de préemption urbain : Construction - Urbanisme 2005, étude
n° 1). De même, le droit de préemption peut être institué par les communes ou établissements
publics de coopération intercommunale compétents dans les zones de servitudes de l‟article
L. 211-12 du Code de l‟environnement. Concernant les communes dotées d‟une carte
communale, malgré le silence des textes, le juge administratif semble considérer que le droit de
préemption, dont l‟institution doit être motivée, ne peut être institué que dans les zones où les
constructions sont autorisées (TA Amiens, 4 nov. 2008, n° 062719 et s., Roland Rimbaud et a. :
Construction – Urbanisme 2009, comm. 39, note P. Cornille).
31. – Qu’est-ce que le droit de préemption urbain renforcé ? – Au sein des zones de préemption
en droit de préemption urbain, une délibération spécialement motivée peut créer une zone de
préemption urbain dit renforcé en application du dernier alinéa de l‟article L. 211-4 du Code de
l‟urbanisme. L‟institution de ce droit de préemption urbain renforcé modifie le champ d‟application
matériel de cette prérogative puisque les exceptions au champ d‟application du droit de
préemption ordinaire visées aux « a », « b » et « c » de l‟article L. 211-4 sont alors soumis à cette
8
prérogative. Par ailleurs, le droit de préemption devient applicable concernant la cession de la
majorité des parts de sociétés civiles immobilières en application du « d » de l‟article précité (V.
D. Dutrieux, Parts de SCI et droit de préemption urbain - Une exception strictement définie :
JCP N 2006, 1351 ; D. Dutrieux, Mobilisation pour le logement et droit de préemption urbain :
JCP N 2009, act. 288). La délibération qui institue le droit de préemption renforcé doit être
motivée (CE 4 févr. 2002, n° 217258, SARL Transactions Mauro : Rec. CE p. 24).
32. – Quel est le champ d’application géographique du droit de préemption en zone
d’aménagement différé ? – Le premier alinéa de l'article L. 212-1 du Code de l'urbanisme, tel
qu'il a été modifié par le paragraphe X de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la
solidarité et au renouvellement urbains ouvre, et sans aucune restriction, la possibilité de créer
des ZAD sur l'ensemble du territoire national. Ainsi cette création peut-elle donc intervenir dans
toutes les communes dotées ou non d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan
local d'urbanisme approuvé et sur tout ou partie de leur territoire ou zones et secteurs délimités le
cas échéant par un POS ou un PLU dont le zonage n'a plus à être pris en compte à cet égard. Il
en est évidemment de même des cartes communales régies par les articles L. 124-1 et suivants
du Code de l'urbanisme.
33. – Quel est le champ d’application géographique du droit de préemption en espaces
naturels sensibles ? – Outre l‟évident caractère des zones concernés (espaces naturels
sensibles), il est possible de rappeler que va différer au regard des documents d‟urbanisme dont
disposent les communes concernées la possibilité de créer de tels espaces (V. supra n° 9).
34. – Le Conservatoire du littoral peut-il créer un droit de préemption ? – Le neuvième alinéa de
l‟article L. 142-3 du Code de l‟urbanisme prévoit que lorsqu'il est territorialement compétent, le
Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres peut prendre l'initiative de l'institution de
zones de préemption à l'extérieur des zones délimitées par le département en application du
présent article, des zones urbaines ou à urbaniser délimitées par les plans d'urbanisme locaux et
des zones constructibles délimitées par les cartes communales. Depuis l‟adoption de la loi du 12
juillet 2010 portant engagement nationale pour l‟environnement, dans ces zones, le droit de
préemption du Conservatoire de l‟espace littoral et des rivages lacustres concerne également la
cession de la majorité des parts d‟une SCI détenant une seule unité foncière (y compris les SCI
familiales) et les droits indivis.
35. – Quel est le champ d’application géographique du droit de préemption sur les fonds, baux
et « terrains » commerciaux ? – C‟est une délibération du conseil municipal, après avis de la
chambre de commerce et d‟industrie et de la chambre des métiers, qui détermine le champ
géographique qui se trouve être le secteur de sauvegarde du commerce de proximité. A priori, ce
sont des secteurs dans lequel existent des commerces, mais aucun texte ne le précise et aucune
jurisprudence n‟est encore intervenue.
B. -
Champ d’application matériel
1°
Biens concernés
36. – Quels sont les biens concernés par les droits de préemption urbain et en zone
d’aménagement différé ? – Ces biens sont visés par l‟article L. 213-1 du Code de l‟urbanisme,
commun aux deux droits, le droit de préemption urbain connaissant cependant des exceptions
listées à l‟article L. 211-4 du Code de l‟urbanisme. Sont visés tout immeuble, bâti ou non bâti et
tout ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un
immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti et les droits indivis sur des immeubles
(sauf s‟ils sont aliénés à un indivisaire). Ainsi, sont concernés les terrains nus, même s'ils sont
compris dans un lotissement approuvé (sauf si le titulaire a délibéré pour ne pas soumettre ces
lots dans les cinq premières années du lotissement), les bâtiments individuels, maisons ou
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pavillons et leurs dépendances par exemple, même s'ils dépendent d'un ensemble bâti soumis au
statut du lotissement ou de la copropriété dite horizontale, les bâtiments collectifs, appartenant à
un seul propriétaire, généralement destinés à la location des divers locaux qu'ils comprennent,
immeubles dits "de rapport". Il convent d‟ajouter les fractions divises d'un bâtiment collectif dont la
propriété est répartie entre plusieurs personnes. Par ailleurs, les droits sociaux visés sont
uniquement ceux qui donnent vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble
ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti. Ils concernent en fait les droits de chacun des
associés d'une société d'attribution visée au titre II ou au titre III de la loi n° 71-579 du 16 juillet
1971 (CCH, art. L. 212-1 à L. 212-17, L. 213-1 à L. 213-15, L. 214-1 à L. 214-9, R. 212-1 à R.
212-18 et R. 213-1 à R. 213-17) dans le capital de celle-ci et qui leur donnent vocation à recevoir
des fractions divises d'un immeuble bâti que la société selon son objet, achète déjà construit
(société d'acquisition-attribution) ou édifie elle-même (société de construction-attribution).
Néanmoins, ces parts et actions n‟échappent au droit de préemption qu‟avant l‟achèvement de
l‟immeuble et que dans les dix ans de cet achèvement. Sont en revanche exclus, les biens ou
droits mobiliers (concernant le droit au bail ; V. infra n° 38), les droits réels immobiliers (droits
résultant d‟un bail à construction, d‟un bail emphytéotique), l‟usufruit, les biens meubles, tels que
les fonds de commerce (sauf droit de préemption les concernant ; V. infra n° 38). Concernant la
cession de volume, il semble de prudent de purger les volumes bâtis (V. S. Pérignon, La cession
des volumes est-elle soumise au droit de préemption urbain : Defrénois 1989, art. 34619). La loi
vient exclure les biens cédés par les organismes HLM (C. urbanisme, art. L. 213-1). Ne sont pas
non plus soumis aux droits de préemption, sur le fondement du même article L. 213-1, les
immeubles qui font l'objet d'un contrat de vente d'immeuble à construire dans les conditions
prévues par les articles 1601 et suivants du Code civil (sauf s‟ils s‟agit d‟opérations visant des
immeubles existants), cette exclusion visant aussi bien les ventes à terme (C. civ., art. 1601-2)
que les ventes en l'état futur d'achèvement (C. civ., art. 1601-3). Enfin, sur le même fondement
législatif sont visés les cessions résultant d'un contrat de crédit-bail immobilier.
37. – Quelles sont les exclusions propres au droit de préemption urbain ? – L‟article L. 211-4 du
Code de l‟urbanisme pose trois exclusions : les lots de copropriété verticale (dont le règlement est
publié depuis plus de dix ans) constitué par un local d‟habitation ou professionnel (les lots
commerciaux sont néanmoins concernés puisque le juge administratif les distingue des locaux
professionnels) et/ou leurs accessoires, les parts de sociétés d‟attribution concernant les
immeubles d‟habitation, et, les immeubles achevés depuis moins de dix ans. Toutefois, en
application du dernier aliéna de l‟article L. 211-4 précité, peut être institué le droit de préemption
renforcé qui soumet ces trois exceptions au droit de préemption, et rend ce droit applicable à la
cession de la majorité des parts d‟une société civile immobilière possédant une unité foncière
située en tout ou partie en zone de préemption (art. L. 211-4-d).
38. – Quels sont les biens soumis au droit de préemption en espaces naturels sensibles ? –
Selon l‟article L. 142-3 du Code de l‟urbanisme, est concerné tout terrain (et donc pas de droits
indivis ou de lots de copropriété ; V. D. Dutrieux, Le champ d‟application du droit de préemption
en espaces naturels sensibles, note sous Rép. min. n° 47004, JOAN Q 6 octobre 2009, p. 9472 :
Revue Lamy Collectivités Territoriales n 54, février 2010, p. 51) ou ensemble de droits sociaux
donnant vocation à l‟attribution en propriété ou en jouissance de terrains qui font l‟objet d‟une
aliénation, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit. De même, à titre exceptionnel,
l‟existence d‟une construction ne fait pas obstacle à l‟exercice du droit de préemption. Néanmoins,
depuis l‟adoption de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour le
logement, le Conservatoire de l‟espace littoral et des rivages lacustres, lorsqu‟il est
territorialement compétent, peut exercer (par substitution dans les espaces naturels sensibles ou
directement dans ses propres zones de préemption) son droit de préemption sur la cession de la
majorité des parts d‟une SCI détenant une unité foncière ou la cession des droits indivis (V.
D. Dutrieux, Droit de préemption du Conservatoire de l‟espace littoral sur les droits indivis et les
parts de SCI : Construction - Urbanisme, octobre 2010, étude 11).
39. – Quel est le champ d’application matériel du droit de préemption sur les fonds, baux et
terrains commerciaux ? – Sont concernés les fonds artisanaux ou commerciaux (et non la
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cession de simples éléments), les baux commerciaux (la résiliation suivie d‟un nouveau bail, sauf
fraude, échappe au droit de préemption) ainsi que les terrains portant ou susceptibles de porter
des commerces entre 300 et 1 000 m² (droits indivis et volumes sont donc exclus).
2°
Les aliénations concernées
40. – Quelles aliénations sont concernées par les droits de préemption des personnes
publiques ? – Avant l‟intervention de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 (dite loi SRU), les
droits de préemption concernaient toutes les aliénations, sous quelque forme que ce soit, dès lors
qu‟elles avaient un caractère volontaire d‟une part, et, d‟autre part, qu‟elles avaient un caractère
onéreux. Seul désormais le second critère demeure, les aliénations involontaires (saisie
immobilière, liquidation judiciaire…) donnant lieu également à purge préalable du droit de
préemption. Toutefois, afin que le droit de préemption ne viennent s‟opposer aux mesures prises
pour la continuation des entreprises (le droit de préemption ne pouvant constituer un obstacle à la
survie économique des entreprises), est prévue une exception pour les biens qui sont compris
dans un plan de cession arrêté en application de l'article L. 631-22 ou des articles L. 642-1 et
suivants du code de commerce. Sont donc visées notamment les ventes, échanges, apports à
société, les dations en paiement. Y échappent les actes à titre gratuit au rang desquels vont
figurer les donations, les apports à association, les partages (divorce, succession, entre associés)
ainsi que les transmissions universelles intervenant dans le cadre des fusions de sociétés. Deux
régimes particuliers sont prévus, tout d‟abord, concernant la location-accession pour laquelle il est
précisé que la purge doit s‟opérer dès la conclusion du contrat et non à la levée de l‟option, et,
ensuite, pour les adjudications où il convient de distinguer (sauf concernant le droit de préemption
sur les fonds, baux et « terrains » commerciaux pour lesquelles toutes les adjudications, quelle
que soit leur forme, n‟ouvrent qu‟un droit de substitution) entre les adjudications volontaires pour
lesquelles la purge s‟opère préalablement à l‟organisation de l‟aliénation et les adjudications
rendues obligatoire par la loi ou le règlement qui n‟ouvrent qu‟un droit de substitution au titulaire
du droit de préemption (V. sur ces questions : CE 21 mai 2008, n° 310951 Société Executive
Project et Management [EPM] : BJDU 2/2008 p. 108, concl. A. Courrèges ; AJDA 10 novembre
2008 p. 2131, note S. Pérignon ; JCP N 2009, 1125, chr. D. Dutrieux).
41. – Les licitations de droits indivis sont-elles concernées ? – Elles ne sont soumises au droit
de préemption que lorsqu‟elles sont réalisées au profit d‟une autre personne que l‟indivisaire (le
droit de préemption de l‟indivisaire prime tous les autres droits de préemption), que pour le droit
de préemption urbain et en zone d‟aménagement différé (et en espaces naturels sensibles au
profit du Conservatoire de l‟espace littoral et des rivages lacustres).
III. -
Déclaration d’intention d’aliéner et déclaration préalable
42. – La déclaration d’intention d’aliéner est-elle une offre de vente ou une simple
information ? – La déclaration d‟intention d‟aliéner (DIA) connaît une double nature selon le
caractère de l‟aliénation visée ; il va tout d‟abord s‟agir d‟une offre au sens de la pollicitation du
droit civil lorsque l‟aliénation envisagée est une vente de gré à gré sans contrepartie en nature et
ce même si le prix convenu a été stipulé sous forme d‟une rente viagère. Sont concernées
essentiellement des ventes, étant précisé que peu importe la qualité des parties (la vente entre
membres de la même famille ne connaît aucune particularité). Dans tous les autres cas, la DIA ne
vaut pas offre de vente, mais simplement information sur une aliénation susceptible de
déclencher une offre de contracter de la part du titulaire du droit de préemption.
43. – Les titulaires des droits de préemption disposent-ils des mêmes facultés selon la nature
de la déclaration ? – Cette double nature de la DIA apparaît à travers les réponses possibles du
titulaire du droit de préemption, le code distinguant l‟hypothèse d‟une vente de gré à gré sans
contrepartie en nature pour laquelle l‟administration dispose de trois options au titre des
11
dispositions de l‟article R. 213-8 du code de l‟urbanisme, et les autres hypothèses dans lesquelles
l‟administration, ne pouvant offrir au propriétaire les mêmes contrepartie que l‟acquéreur, le
titulaire du DPU voit ses options limitées à deux, l‟alternative étant de proposer d‟acquérir ou de
renoncer à l‟acquisition (R. 213-9). Dans le cadre de l‟article R. 213-8, l‟administration ayant outre
cette alternative, la possibilité de former la vente en acceptant les conditions de la déclaration
d‟intention d‟aliéner. C‟est l‟un des très rares domaines où s‟appliquent concrètement les
dispositions de l‟article 1583 du Code Civil. La vente est formée à réception de la décision de
préemption approuvant le prix et les conditions de la déclaration d‟intention d‟aliéner. Les
conséquences sont importantes puisqu‟il y aura transfert de propriété immédiat, seul étant retardé
au paiement ou la consignation de l‟intégralité du prix, le transfert de jouissance. Il convient donc
d‟obtenir l‟annulation de la décision de préemption ou une rétrocession amiable (article L. 21314), pour contrecarrer cet effet. Par ailleurs, la réalisation de la vente initiale, malgré la
préemption, ou la cession du bien au profit d‟une autre personne que le titulaire du droit de
préemption veut se substituer, est impossible puisque constitutive de la vente de la chose
d‟autrui.
44. – Quelles différences existent entre la déclaration d’intention d’aliéner et la déclaration
préalable ? – La DIA peut être utilisée pour les trois droits de préemption immobiliers (DPU, ZAD
et ENS). Pour la cession des fonds, baux et « terrains » commerciaux, une déclaration préalable
spéciale est prévue (V. D. Dutrieux, Droit de préemption communal sur les fonds de commerce,
fonds artisanaux et baux commerciaux - Publication du formulaire de déclaration préalable :
JCP N 2008, act. 370), étant toutefois précisé que lorsqu‟il s‟agit de terrains concernés à la fois
par le droit de préemption urbain et le droit de préemption « commercial », c‟est la DIA qui doit
être utilisée (V. D. Dutrieux, Mesures réglementaires concernant la préemption sur les terrains
portant ou destinés à porter des commerces : JCP N 2009, act. 490).
A. -
Forme de la déclaration d’intention d’aliéner
1°
Formulaire utilisé
45. – Peut-on se passer des formulaires cerfa ? – Les formulaires cerfa (pour le DPU, la ZAD et
les ENS, le formulaire est annexé à l‟article A. 211-1 du Code de l‟urbanisme) ne sont pas
obligatoires puisque les déclarations peuvent être faites sur papier libre (TGI Poitiers, 11 juill.
1985, District de Poitiers et Cts Verger, inédit). Toutefois en pratique, les purges sont toujours
faites au moyen des formulaires, les notaires notamment disposant de ces derniers dans leurs
logiciels professionnels.
2°
Pièces jointes
46. – La déclaration peut-elle comporter des annexes ? – Il est juridiquement possible d‟annexer
des documents à une déclaration d‟intention d‟aliéner. Il peut s‟agir d‟une note explicative, voire
d‟un extrait du compromis. Toutefois, le formulaire et ses annexes vont former un ensemble qui,
en cas de renonciation va s‟imposer, le propriétaire et l‟acquéreur étant tenu par les conditions
contenues dans la DIA ou la déclaration préalable et les annexes qui y ont été jointes.
47. – Doit-on fournir un mandat ? – Si le signataire de la déclaration n‟est pas le propriétaire du
bien, un mandat doit être joint, y compris si la déclaration a été remplie et signée par un notaire.
B. -
Contenu de la déclaration d’intention d’aliéner
12
48. – Est-il utile de consulter la notice explicative du formulaire ? – L'établissement de la
déclaration préalable d'aliéner est facilité par la notice explicative annexée au modèle de
déclaration d'intention d'aliéner ou de demande d'acquisition d'un bien soumis à l'un des droits de
préemption prévus par le Code de l'urbanisme.
1°
Mentions obligatoires
49. – La mention du prix ou de l’estimation est-elle impérative ? – La déclaration préalable
d'aliéner doit obligatoirement comporter l'indication du prix (il ne peut toutefois s‟agir d‟un prix
stipulé « acte en mains ») et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication,
l'estimation du bien ou sa mise à prix (C. urb., art. L. 213-2, al. 1er et R. 213-5, al. 1er), ou
mentionner, lorsque la contrepartie de l'aliénation fait l'objet d'un paiement en nature, le prix
d'estimation de l'immeuble ou du droit offert en contrepartie (C. urb., art. L. 213-2, al. 2 et R. 2135, al. 2).
50. – Quelles sont les autres informations devant figurer dans la déclaration ? – La déclaration
va en outre comporter l‟identification des propriétaires ou de leur mandataire, la désignation
précise des biens, c'est-à-dire leur description aussi bien physique, nécessaire à leur repérage et
à leur évaluation, que juridique (baux [la copie des baux ne doit cependant pas être fournie avec
la déclaration, ni d‟ailleurs le montant du loyer ; V. D. Dutrieux, DIA et locataire. A propos d‟une
doctrine administrative à la formulation dangereuse pour le Notariat, JCP N 2005, 1331],
servitudes, privilèges, hypothèques, etc.), ainsi que d‟autres renseignements complémentaires
permettant de déterminer la soumission ou non au droit de préemption (nature du bien, son âge,
son usage, etc.), et, les conditions particulières de l'aliénation (modalités de paiement du prix
[Cass. 3e civ., 4 nov. 1998 : Juris-Data n° 1998-004149 ; Constr.-urb. 1999, comm. 63, et note J.R. Etchegaray], etc.).
51. – Qu’en est-ils des honoraires de négociation ? - S‟ils sont à la charge de l‟acquéreur, les
honoraires de négociation doivent être clairement indiqués dans la déclaration afin d‟être
opposables au titulaire du droit de préemption, le titulaire ne pouvant s'engager au-delà des
conditions financières figurant dans la seule déclaration d'intention d'aliéner qui lui a été notifiée,
même si cette information a été communiquée au titulaire par lettre recommandée envoyée
postérieurement à la déclaration d‟intention d‟aliéner (Cass. 3e civ., 10 mars 1993 : D. 1993, inf.
rap. p. 92. - V. Damien Dutrieux, L'opposabilité des conditions contenues dans une déclaration
d'intention d'aliéner :JCP N 2001, 1283).
2°
Mentions facultatives
52. – Le nom de l’acquéreur et la mention de son projet sont-elles obligatoires dans la
déclaration ? - Dans une chronique publiée au Répertoire Defrénois (1988, p. 1202), M. Sylvain
Pérignon avait répondu par la négative aux questions de savoir si le nom de l'acquéreur est une
mention obligatoire et si le changement d'acquéreur oblige à une nouvelle notification. Cette
position a été confirmée par la doctrine administrative (Rép. min. n° 19955 : JOAN Q 7 déc. 1998,
p. 6732 ; JCP N 1998, p. 1802) et plus récemment par la Cour de cassation (V. D. Dutrieux,
Préemption et changement d‟acquéreur : confirmation et précision par la Cour de cassation (note
sous Cass. 3° civ. 8 octobre 2008) : JCP N 2008, 1355). Les mêmes solutions s‟appliquent au
descriptif du projet de l‟acquéreur. Etonnement - puisque le projet de cessionnaire pourrait
sembler essentiel dans le cadre de ce droit de préemption - les mêmes solutions s‟appliquent
pour la déclaration préalable applicable dans le cadre du droit de préemption « commercial »
(V. D. Dutrieux, Droit de préemption communal sur les fonds de commerce, fonds artisanaux et
baux commerciaux - Publication du formulaire de déclaration préalable : JCP N 2008, act. 370).
13
53. – Quelle est la conséquence de la mention de l’acquéreur ? – En principe, c‟est à l‟acquéreur
de décider si son nom et/ou son projet va figurer dans la déclaration. Toutefois, il importe de
rappeler que la mention du nom ouvre à son profit le droit de rétrocession régi par l‟article L. 21311 du Code de l‟urbanisme (V. D. Dutrieux, Le droit de rétrocession de l‟article L. 213-11 du Code
de l‟urbanisme : JCP N 2009, 1314).
3°
Erreurs et omissions
54. – Peut-on corriger une déclaration d’intention d’aliéner ? – La DIA est insusceptible d‟être
corrigée. Si une erreur figure dans la déclaration, il conviendra de notifier une nouvelle déclaration
qui annulera et remplacera la déclaration erronée (V. D. Dutrieux, La rectification d‟une erreur
contenue dans une déclaration d‟intention d‟aliéner : les pièges à éviter : JCP N 2004, 1016).
C. -
Notification et retrait de la déclaration d’intention d’aliéner
1°
Modalités de la notification
55. – Quelles sont les modalités de notification imposées pr le Code de l’urbanisme ? – Pour la
déclaration d‟intention d‟aliéner, c‟est l‟article R. 213-25 du Code de l‟urbanisme qui oblige à
adresser la DIA par lettre recommandée avec accusé de réception, exploit d‟huissier ou par
remise contre décharge. En revanche, le droit de préemption sur les fonds de commerce et
artisanaux, les baux commerciaux et les terrains portant ou susceptibles de porter entre 300 et
1 000 m² de commerce ne connaît que deux modes de notification, le courrier recommandé avec
demande d‟accusé de réception et la remise contre décharge (V. D. Dutrieux, Fonds de
commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux : les mesures réglementaires relatives au droit
de préemption des communes publiées : JCP N 2008, act. 129).
2°
Destinataire
56. – Où doit-on adresser la déclaration d’intention d’aliéner et la déclaration préalable ? –
Quel que soit le titulaire du droit de préemption, la déclaration d‟intention d‟aliéner ou la
déclaration préalable doit être notifiée à la mairie du lieu de situation de l‟immeuble (pour le droit
de préemption en espaces naturels sensibles, la notification doit être opérée auprès du président
du Conseil général). C‟est une question devenue complexe depuis un arrêt de la Cour de
cassation venant qualifier la déclaration d‟intention d‟aliéner de demande au sens de la loi du 12
avril 2000 (Cass. 3° civ., 10 mai 2007, M. et Mme Le Z…, pourvoi n° 05-21.485 : AJDA 30 juillet
2007 p. 1543, note C. Debouy ; JCP N 2008, 1005, chr. D. Dutrieux). En l‟espèce, un notaire
obtenait une note de renseignements d‟urbanisme indiquant l‟existence d‟un droit de préemption
urbain à purger auprès de la commune. Cette dernière reçoit la déclaration d‟intention d‟aliéner et
n‟y répond pas. La vente est passée et le Conseil Général intente une action en nullité de la vente
pour violation de son droit de préemption s‟appliquant en espaces naturels sensibles. En effet, la
commune s‟était trompée dans la note de renseignements d‟urbanisme, il n‟y avait pas de droit de
préemption urbain mais un droit de préemption en espaces naturels sensibles. Le notaire a tenté
de protéger la vente en arguant une obligation de transmission de la commune au Conseil
Général en appliquant le principe issu de la loi du 12 avril 2000 qui dans son article 20 précise
que lorsqu‟une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière
la transmet à l‟autorité administrative compétente et en avise l‟intéressé. Etonnement la Cour de
cassation a retenu l‟argumentation et a indiqué que la déclaration d‟intention d‟aliéner était bien
une demande, mais a refusé d‟appliquer le principe de transmission en l‟espèce puisque la
déclaration d‟intention d‟aliéner portait bien sur le droit de préemption urbain et non pas sur le
droit de préemption en espaces naturels sensibles).
14
3°
Délais
57. – Quand doit être envoyée la déclaration ? – Pour tous les droits de préemptions des
personnes publiques, l‟envoi de la déclaration d‟intention d„aliéner ou de la déclaration préalable
doit avoir lieu avant l‟aliénation. En pratique, sous réserve de ne pas donner de caractère
rétroactif à l‟intervention de la condition, l‟opération sera souvent précédée d‟un compromis sous
la condition suspensive de non exercice du droit de préemption (la condition résolutoire ne
pouvant être logiquement utilisée). L‟arrivée en mairie (ou au conseil général pour le droit de
préemption en espaces naturels sensibles) marque le point de départ du délai ouvert pour
préempter qui est de deux mois sauf pour le droit de préemption en espaces naturels sensibles
pour lequel le délai peut aller jusqu‟à trois mois en raison d‟un droit de substitution de la
commune.
4°
Retrait de la déclaration d’intention d’aliéner
58. – Peut-on retirer une déclaration ? –La déclaration d‟intention d‟aliéner, qu‟elle soit une offre de
contracter ou une simple information pouvant déclencher une offre d‟acquérir, peut être retirée à
tout moment, non pas tant que la décision de préemption n‟a pas été prise, mais tant que la
décision de préemption n‟a pas été notifiée à la personne mentionnée à cet effet dans la
déclaration ! La même solution s‟applique pour la déclaration préalable utilisée pour le droit de
préemption « commercial ». On appliquera donc les principes civilistes de la pollicitation et de
l‟acceptation pour considérer que tant que le propriétaire n‟a pas été destinataire de la décision de
préemption, il peut retirer sa déclaration d‟intention d‟aliéner ou sa déclaration préalable, retrait
pur et simple ou « retrait remplacement » (lorsque doivent être corrigées des erreurs dans la
déclaration).
IV. -
Décision de préemption
A. -
Compétence et délégation
1°
DPU, ZAD et cessions de fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux
59. – Qui est compétent en zone d’aménagement différé ? – C‟est l‟arrêté du préfet créant la ZAD
qui indique directement quel est le bénéficiaire du droit de préemption applicable dans la zone.
60. – Qui est compétent en droit de préemption urbain ? – Pour le droit de préemption urbain,
c‟est normalement la commune qui est compétente, dès lors qu‟elle est couverte par une carte
communale ou un plan local d‟urbanisme. Toutefois, la loi ou la volonté de la commune peuvent
déroger à ce principe : ainsi, en présence d‟une communauté urbaine, c‟est la loi qui donne
compétence au profit de cette communauté. De façon facultative, dans le cadre de
l‟intercommunalité, les communes peuvent charger un établissement public de coopération
intercommunale d‟être compétent en matière d‟adoption du document d‟urbanisme, ce qui aura
pour conséquence de permettre à celui-ci d‟instituer le droit de préemption urbain.
61. – Qui est compétent en droit de préemption « commercial » ? – La commune dispose d‟une
compétence exclusive pour instituer le périmètre de sauvegarde de proximité et ne peut déléguer
son droit de préemption sur les fonds de commerce, fonds artisanaux, baux commerciaux et
terrains supportant ou destinés à porter entre 300 et 1 000 m² de surface de commerce.
62. – Le maire peut-il se voir déléguer le droit de préemption ? – Au niveau communal, le conseil
municipal peut choisir de déléguer son droit de préemption au profit du maire (CGCT, art. L. 2122-
15
22), le maire pouvant subdéléguer ce droit. En pratique, les maires sont souvent amenés à
confondre le régime de la délégation de signature et de la délégation de compétence et il arrive
parfois que bien que délégataires, ils soumettent au conseil municipal, le vote d‟une préemption.
Dans cette hypothèse, la décision du conseil municipal sera illégale, le conseil ayant perdu toute
compétence et sauf à annuler la délégation, il ne peut reprendre sa prérogative, même avec
l‟accord du délégataire (Cass. 3° civ., 8 juin 2006, pourvoi n° 04-18.472 : JCP N 2007, 1012,
chr. D. Dutrieux).
63. – Peut-on déléguer à une autre personne ? – Le droit de préemption en vertu de l‟article L.
213-3 pourra être délégué à l‟Etat, une collectivité locale, un établissement public y ayant vocation
(V. notamment pour l‟illégalité d‟une délégation à un établissement public hospitalier, TA Amiens,
27 janv. 2008, n° 0700246, 0700586 et 0701106, Mme Béatrice Lenclos : JCP N 2009, 1125,
chr. D. Dutrieux) ou un concessionnaire d‟aménagement. Cette délégation peut revêtir deux
aspects totalement différent puisqu‟elle peut concerner un immeuble à l‟occasion d‟une aliénation
déterminée, mais il est également possible de déléguer un secteur complet et donc,
géographiquement, ce secteur sera détaché au profit du délégataire (le titulaire du droit de
préemption perdant sa compétence sauf à annuler préalablement la délégation). Il existe un
certain flottement jurisprudentiel pour la qualification de l‟acte qui décide la délégation entre acte
individuel et acte réglementaire, la dernière jurisprudence connue optant pour la seconde
qualification (CAA Versailles, 15 mai 2008, n° 06VE02588, SARL Veniel Investissements : JCP N
2009, 1125, chr. D. Dutrieux) et donc l‟absence d‟obligation de notifier la décision de délégation
en même temps que la décision de préemption.
2°
Espaces naturels sensibles
64. – Quelles sont les règles de compétence et substitution en matière de droit de préemption
en espaces naturels sensibles ? – C‟est le Conseil général qui est compétent. Il est possible de
rappeler que le droit de préemption en espaces naturels sensibles connaît la particularité d‟avoir à
la fois plusieurs titulaires successifs (avec une hiérarchie entre ces différents titulaires) et de
prévoir une possible délégation par le Conseil général (V. notamment, P. Benoit-Cattin,
« Espaces naturels sensibles » dans Y. Jégouzo [dir.], Droit de l‟aménagement : Le Moniteur
2005, volume 1, fascicule III.700-2 p. 3). Tout d‟abord, selon le huitième alinéa de l‟article L. 142-3
du Code de l‟urbanisme : « Au cas où le Conservatoire de l‟espace littoral et des rivages lacustres
est territorialement compétent, celui-ci ou, à défaut, la commune, peut se substituer au
département si celui-ci n‟exerce pas le droit de préemption. Sur le territoire d‟un parc national ou
d‟un parc naturel régional et dans les réserves naturelles dont la gestion leur est confiée,
l‟établissement public chargé du parc national ou du parc naturel régional ou, à défaut, la
commune peut se substituer au département et, le cas échéant, au Conservatoire de l‟espace
littoral et des rivages lacustres, si ceux-ci n‟exercent pas leur droit de préemption. Pour un parc
naturel régional, l‟exercice de ce droit de préemption est subordonné à l‟accord explicite du
département. Au cas où ni le conservatoire ni l‟établissement public chargé d‟un parc national ou
d‟un parc naturel régional n‟est compétent, la commune peut se substituer au département si
celui-ci n‟exerce pas son droit de préemption. ». Selon ce texte, est donc instituée une hiérarchie
entre différents titulaires du droit de préemption : le Conseil général, puis le Conservatoire de
l‟espace littoral (lorsqu‟il est territorialement compétent), puis l‟établissement public chargé du
parc (régional ou national lorsqu‟un tel parc existe et avec l‟accord du département) et enfin la
commune. La possibilité de préempter par « substitution » au Conseil général est enfermée dans
des délais différents selon le titulaire concerné. Ainsi en est-il de la commune qui dispose de trois
mois à compter de la réception de la déclaration d‟intention d‟aliéner par le président du Conseil
général, dès lors que le conseil général n‟a pas utilisé sa prérogative et a donc renoncé dans le
délai qui lui est imparti (soit deux mois : Code de l‟urbanisme, art. R. 142-11).
65. – Comment fonctionnent les délégations ? – Ensuite, sont prévues des délégations. En
premier lieu, à l‟instar de la délégation possible du droit de préemption urbain du conseil municipal
16
au profit du maire (CGCT, art. L. 2122-22), l‟article 73 de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003
(Urbanisme et habitat) a modifié le Code général des collectivités territoriales (nouvel article
L. 3221-12) pour permettre une délégation du Conseil général à son président pour l‟exercice de
ce droit et sa délégation à une autre personne (V. les précisions apportées dans la réponse
ministérielle n° 32753 JOAN Q 6 juill. 2004 p. 5140). En second lieu, existent des délégations à
d‟autres personnes. En effet, l‟article L. 142-3 précité prévoit la possible délégation du droit de
préemption, d‟une part, de la part du conseil général puisqu‟il est prévu que : « Le département
peut déléguer son droit de préemption à l‟occasion de l‟aliénation d‟un bien soumis à ce droit ou
sur un ou plusieurs secteurs de la zone de préemption au Conservatoire de l‟espace littoral et des
rivages lacustres, lorsque celui-ci est territorialement compétent, à l‟établissement public chargé
d‟un parc national ou à celui chargé d‟un parc naturel régional pour tout ou partie de la zone de
préemption qui se trouve sur le territoire du parc ou dans les réserves naturelles dont la gestion
leur est confiée, à l‟Etat, à une collectivité territoriale, à un établissement public foncier, au sens
de l‟article L. 324-1 ou à l‟Agence des espaces verts de la région d‟Ile-de-France. Les biens
acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. ». D‟autre part, la commune peut également
déléguer son droit de substitution puisqu‟il est indiqué dans cet article L. 142-3 que « lorsque la
commune fait partie d‟un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation,
elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer ce droit ».
B. -
Forme de la décision
1°
Délibération ou arrêté
66. – Quelle forme prend la décision de préemption ? – La décision de préemption prendra la
forme de l‟acte adopté par son titulaire ou son délégataire ; délibération d‟un conseil municipal,
arrêté du maire, décision d‟un conseil d‟administration d‟un établissement public, décision d‟un
président... Le juge ne s‟arrête pas à l‟aspect purement formel et, ainsi, le formulaire de
déclaration d‟intention d‟aliéner contient une « case » réservée à l‟administration, et la mention de
la préemption dans cette « case » par le maire constitue un arrêté de préemption si ce dernier est
bien délégataire du droit de préemption (DPU : compétence et motivation, note sous CAA
Bordeaux 22 mai 2003 : JCP N 2004, 1132, note D. Dutrieux).
2°
Délais
67. – Comment se calculent les délais d’exercice du droit de préemption ? – La décision doit
être notifiée à la personne visée dans la rubrique « I » du formulaire de déclaration d‟intention
d‟aliéner (CE, 30 juin 2006, n° 274062, Cne de Mane : Juris-Data n° 2006-070369 :JCP N 2007,
1012, chr. D. Dutrieux), au plus tard le dernier jour du délai qui doit avoir le même quantum que
celui de la réception ou la quantum qui s‟en approche (une déclaration reçue le 4 avril doit
recevoir une réponse effectivement notifiée le 4 juin ; une déclaration reçue le 31 juillet doit voir la
préemption reçue le 30 septembre). Il importe de noter que cette décision aura été parallèlement
notifiée au contrôle de légalité dans le même délai (mais la décision de préemption peut être
notifiée avant son arrivée en préfecture [JCP N 2009, 1125, chr. D. Dutrieux] dès lors que les
deux notifications interviennent bien dans le délai de préemption, deux mois pour tous les droits
de préemption sauf celui dans les espaces naturels sensibles [deux mois pour le Conseil général,
soixante quinze jours pour le Conservatoire du littoral, trois mois pour la commune en
substitution]). La question demeure entière de l‟application de l‟article 642 du nouveau code de
procédure civile, c‟est-à-dire l‟article qui prévoit que lorsqu‟un délai s‟achève un samedi,
dimanche ou jour férié, il est reporté au premier jour ouvrable suivant. Cet article qui s‟applique en
matière de SAFER pourrait être rendu applicable pour les préemptions des personnes
publiques (V. R. Hostiou et J.-F. Struillou, Expropriation et préemption : 3°éd. Litec 2007, p. 284).
En tout état de cause, en l‟absence de jurisprudence, le Notaire devra faire montre d‟une grande
17
prudence et ne pas systématiquement considérer comme non opposable une décision de
préemption, qui bien qu‟intervenue hors délai, s‟inscrit toujours dans le cadre de l‟article 642
précité (V. D. Dutrieux, Calcul des délais pour les préemptions publiques : de quantum à
quantum… : JCPN 2011, 1103).
3°
Avis des domaines
68. – Dans quelles hypothèses doit être consulté France Domaine ? – Il est possible de rappeler
que l‟alinéa premier de l‟article R. 213-6 du Code de l‟urbanisme dispose pourtant que « dès
réception de la déclaration d‟intention d‟aliéner, le maire en transmet copie au directeur des
services fiscaux en lui précisant si cette transmission vaut demande d‟avis » (aujourd‟hui au
Trésorier Payeur Général à la tête de France Domaine). Comme l‟alinéa 3 de l‟article R. 213-21
du même code prévoit que l‟avis doit être rendu dans le mois, il est théoriquement impossible que
le titulaire du droit de préemption urbain ne dispose pas du temps nécessaire pour obéir à
l‟obligation de saisir les domaines (pour les aliénations d‟immeubles dont le prix ou l‟estimation
dépasse 75.000 euros et dans tous les cas pour le droit de préemption renforcé) et d‟obtenir son
avis avant l‟écoulement du délai de deux mois prévu à l‟article L. 213-2 du Code de l‟urbanisme
(ou trois mois pour les communes exerçant leur droit de substitution en espaces naturels
sensibles) pour exercer son droit de préemption. Toutefois, les demandes d‟avis ne sont en
pratique pas exprimées au moment de l‟envoi de la déclaration d‟intention d‟aliéner ou de la
déclaration préalable mais postérieurement, ce qui explique un contentieux important où les
décisions de préemption sont annulées puisque la décision a été prise antérieurement à l‟avis ou
sans avis (V. CAA Douai 26 mai 2005, n° 03DA01145, Lille Métropole Communauté Urbaine
c/ consorts Dcbazyk : JCP N 2006, 1013, chr. D. Dutrieux).
C. -
Contenu de la décision
1°
Prix
69. – Peut-il y avoir préemption sans prix indiqué ? – Le titulaire du droit de préemption doit
expressément mentionner le prix de la préemption, sous peine d‟inopposabilité de la décision (CA
Paris 14 juin 1990, Ville de Cachan c/ Thenon, JCP N. 1990 n° 45 ; TA Nice 17 octobre 1996,
Mme Geneviève Crossa-Raynaud et autres c/ Commune de Beausoleil, B.J.D.U. 1997 n° 1 p. 50.,
concl. A. Poujade, note J.-C. Bonichot ; Conseil d‟Etat 16 mai 2001, Commune de Saint-Suliac :
B.J.D.U. 2001 n° 3 p. 196., concl. P. Fombeur, note J.-C. Bonichot). Ce prix s‟entend augmenté
des honoraires de négociation si ces derniers figuraient dans la déclaration comme à la charge de
l‟acquéreur (Cass. 1ière civ., 24 janvier 2006, pourvoi n° 02-18.746 : JCP N 2007, 1012,
chr. D. Dutrieux). Une décision indiquant seulement l‟intention de préempter ou la saisine du
service des domaines n‟est donc pas une décision de préemption.
2°
Motivation
70. – Quelle est l’obligation qui s’impose en matière de motivation ? – La jurisprudence
jusqu‟alors constante du Conseil d‟Etat avait été clairement rappelée dans son arrêt du 22 avril
2005 (CE, Sect., 22 avril 2005, n° 257877, Cne de Barcarès : JCP N 2006, 1013, chr. Dutrieux).
Tout d‟abord, la décision de préemption, pour être légale, doit non seulement comprendre une
motivation répondant aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du Code de l‟urbanisme,
mais encore reposer nécessairement sur un projet précis. La nécessaire motivation des décisions
de préemption constitue assurément la meilleure protection des intérêts privés auxquels s‟oppose
cette prérogative, puisque ces derniers ne pourront être écartés que face aux exigences
caractérisées de l‟intérêt général. L‟obligation de motiver les décisions de préemption résulte à la
18
fois des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et
de celles de l‟article L. 210-1 du Code de l‟urbanisme. Le juge administratif a considéré la
motivation comme une formalité substantielle dont la méconnaissance entache la décision
d‟illégalité (CE 2 décembre 1988, S.E.M.I.N.E.P. : JCP N 1989, II, p. 255 ; CAA Paris
7 février 2003, n° 00PA00643 & 00PA00948, SCI Desjardins : Journal des maires, oct. 2003, note
D. Dutrieux). Les motivations permettant l‟utilisation du droit de préemption sont mentionnées à
l‟article L. 300-1 du Code de l‟urbanisme (modifié par les articles 23 et 24 de la loi du
13 décembre 2000, JO 14 décembre 2000 p. 19777) auquel renvoie l‟article L. 210-1 précité. La
jurisprudence pose en outre d‟autres exigences qu‟une simple référence à une motivation prévue
dans le Code de l‟urbanisme (V. sur ce point : P. Hocreitère et J.-P. Meng, L‟urbanisme et les
collectivités locales : tome 3, Berger-Levrault, Fascicule 2-4, n° 32-45). Le juge administratif
considère en effet que la préemption doit reposer sur un projet tangible. En d‟autres termes, si la
commune ne peut avancer un projet précis justifiant l‟utilisation de son droit de préemption, la
décision est illégale en raison de l‟absence de véritable motivation. Le principe selon lequel la
motivation doit être étayée par un projet résulte de la jurisprudence (CE 25 juillet 1986, n° 62539,
M. Lebouc) et a été sans cesse confirmé. Ainsi, par exemple, une décision de préemption se
référant de façon générale à « l‟intérêt que représente ce secteur pour l‟accueil et l‟extension
d‟activités économiques » mais n‟indiquant pas d‟opération d‟aménagement précise, ne satisfait
pas à l‟obligation de motivation (CE 16 déc. 1994, n° 121599, SCI “ Le Grand Randelet ” : BJDU
6/94 p. 77). L‟article L. 210-1 du Code de l‟urbanisme permet néanmoins une motivation par
référence au programme local de l‟habitat ou une délibération en matière de logements (à noter
également la motivation spéciale de protection des locataires en assurant leur maintien dans les
lieux visés dans l‟article L. 210-2 du Code de l‟urbanisme)
71. – En quoi l’obligation de motivation a été assouplie par le juge administratif ? – Dans ses
arrêts récents (CE 7 mars 2008, n° 288371 Cne de Meung-sur-Loire, CE 21 nov. 2008,
n° 302144, M. Emmanuel A., et, CE 21 janv. 2009, n° 318972, Cne de Saint-Peray : JCP N 2009,
1125, chr. D. Dutrieux), le Conseil d‟Etat a poursuivi et amplifié un mouvement initié par l‟arrêt
« Commune de Lamotte-Beuvron » (CE 6 févr. 2006, n° 266821 : JCP N 2007, 1012, p. 15,
chr. D. Dutrieux) et qui peut se traduire comme un net assouplissement des obligations imposées
en termes de motivation. Dans ses arrêts les plus récents (V. CE 20 nov. 2009, n° 316732, Cne
d‟Ivry-sur-Seine, à paraître aux tables du Lebon), le Conseil d‟Etat en effet indique expressément
que « le titulaire du droit de préemption urbain peut légalement exercer ce droit, d'une part, s'il
justifie, à la date à laquelle il l'exerce, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération
d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme,
alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date
et, d'autre part, s'il fait apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ».
72. – Comment motiver la préemption en zone d’aménagement différé ? – Les obligations liées à
la motivation de l‟exercice du droit de préemption en zone d‟aménagement différé connaissent de
notables différences avec le droit de préemption urbain en ce sens qu‟une simple référence à
l‟acte créant la zone d‟aménagement suffit à répondre aux obligations imposées par les textes tels
qu‟interprétés par la jurisprudence. La doctrine évoque une exigence de motivation moins
contraignante (V. R. Hostiou et J.-F. Struillou, Expropriation et préemption : 3°éd. Litec 2007,
p. 314). Toutefois, le juge vérifie que la décision de préemption contenait bien la motivation de
l‟acte créant la zone et que cet acte était lui-même convenablement motivé (CAA Versailles,
22 juin 2006, n° 05VE00251, Cne de Dourdan).
73. – Comment motiver la préemption en espaces naturels sensibles ? – Concernant le droit de
préemption dans les espaces naturels sensibles, l‟article L. 142-10 du Code de l‟urbanisme
dispose que « Les terrains acquis en application des dispositions du présent chapitre doivent être
aménagés pour être ouverts au public, sauf exception justifiée par la fragilité du milieu naturel.
Cet aménagement doit être compatible avec la sauvegarde des sites, des paysages et des
milieux naturels ». Par ailleurs, l‟article L. 142-8 précise que « si un terrain acquis par l‟exercice
du droit de préemption n‟a pas été utilisé comme espace naturel, dans les conditions définies à
l‟article L. 142-10, dans le délai de dix ans à compter de son acquisition, l‟ancien propriétaire ou
19
ses ayants cause universels ou à titre universel peuvent demander qu‟il leur soit rétrocédé ».
Saisi d‟un pourvoi contre un arrêt de la Cour administrative d‟appel de Marseille du 25 novembre
2004 ayant refusé d‟infirmer un jugement du tribunal administratif de Marseille (16 mars 2000)
ayant annulé une décision de préemption en raison de l‟absence d‟ouverture au public de
l‟immeuble, situé en espaces naturels sensibles, préempté par le Conseil général du Var, le
Conseil d‟Etat devait, dans son arrêt du 7 juin 2006 régler l‟apparente contradiction des deux
dispositifs en considérant que la préemption pouvait être motivée par la fermeture au public liée à
des questions de sécurité (CE, 7 juin 2006, n° 277562, Département du Var : JCP N 2007, 1012,
chr. D. Dutrieux ; V. également D. Dutrieux, Motivation de la préemption en espaces naturels
sensibles, note sous TA Montpellier, 31 déc. 2009, n° 0802903 : JCP A 2010, 2159).
74. – Comment motiver la préemption dans les périmètres de sauvegarde du commerce de
proximité ? – Concernant le droit de préemption régi par les articles L. 214-1 et suivants du Code
de l‟urbanisme, c‟est la délibération instituant le périmètre de sauvegarde de proximité qui devrait
donner aux communes les moyens de motiver leurs décisions.
D. -
Notification de la décision
1°
Modalités de la notification
75. – Quelles sont les modalités imposées pour la notification des décisions de préemption ? –
A l‟instar de la déclaration d‟intention d‟aliéner, c‟est l‟article R. 213-25 du Code de l‟urbanisme
qui oblige à adresser la décision de préemption par lettre recommandée avec accusé de
réception, exploit d‟huissier ou par remise contre décharge (V. D. Dutrieux, L‟impossible
notification par télécopie de la préemption, note sous CE, 26 févr. 2010, n° 331749 : JCP A 2010,
2157). Concernant le droit de préemption sur les fonds de commerce et artisanaux, les baux
commerciaux et les terrains portant ou susceptibles de porter entre 300 et 1 000 m² de
commerce, il est possible de rappeler que seules deux modalités sont prévues : le courrier
recommandé avec demande d‟accusé de réception et la remise contre décharge.
2°
Délais
76. – Quels sont les délais imposés pour préempter ? – Le titulaire du droit de préemption doit
avoir effectivement notifié (c‟est la réception qui compte) dans les délais requis, la décision dans
le même délai ayant été également notifiée au contrôle de légalité. Le juge judiciaire considère en
effet que les décisions tardives ne sont pas opposables et ne peuvent empêcher la conclusion de
l‟opération initialement envisagée (Cass. 1ière civ., 8 mars 2005, pourvoi n° 02-21574 : JCP A
2005, p. 666, note O. Renard-Payen ; JCP N, n° 2, 13 janv. 2006, 1013, chr. D. Dutrieux ; Droit de
l‟Aménagement, de l‟Urbanisme et de l‟Habitat 2007, n° 11, p. 533, chr. J.-F. Struillou ; V.
également E. Fâtome, Le délai d‟exercice du droit de préemption : AJDI 1998, p. 12).
V. -
Conséquences de la préemption
A. -
Décision de préemption ne formant pas la vente
1°
Conséquences
77. – Une proposition d’acquisition peut-elle bloquer de l’opération initiale ? – Il peut s‟agir soit
d‟une vente de gré à gré sans contrepartie en nature mais pour laquelle la collectivité a souhaité
soit s‟écarter du prix soit écarter certaines conditions soit de l‟hypothèse où il ne s‟agit pas d‟une
vente de gré à gré sans contrepartie en nature et la préemption a lieu au même prix ou à un prix
20
différent (échange, apport, adjudication volontaire, dation en paiement, licitation au profit d‟un
étranger à l‟indivision…). Dans ces hypothèses, l‟opération initiale est bloquée par la décision de
préemption qui s‟analyse comme une offre d‟acquérir l‟immeuble. Néanmoins, dans le cas du droit
de préemption sur les fonds commerciaux, artisanaux, les baux commerciaux et les terrains
« commerciaux », l‟administration doit saisir directement le juge de l‟expropriation si elle souhaite
acquérir à des conditions différentes de la déclaration préalable.
2°
Réponses possibles du propriétaire
78. – Quelles sont les options ouvertes au propriétaire en réponse à une offre d’acquérir ? –
Dans ce cas, les réponses possibles du propriétaire sont strictement encadrées puisque l‟article
R. 213-10 n‟offre au propriétaire que trois options : soit il accepte la proposition de prix et dans ce
cas la vente est parfaite ; soit il renonce à l‟aliénation de façon expresse ou par son silence de
deux mois ; soit il refuse la proposition d‟acquisition et accepte que le prix soit fixé par le juge de
l‟expropriation. Dans cette dernière hypothèse, l‟administration peut toujours changer d‟avis et
éventuellement accepter le prix initial s‟il s‟agit d‟une vente de gré à gré. Cette option ne résulte
pas des textes mais d‟une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 3° civ., 2 juin 1999, M.
Cazaux et autre contre commune d‟Alfortville : AJDI 10 avril 2000, p. 335, note D. Dutrieux).
3°
Saisine du juge de l’expropriation
79. – Qui doit saisir le juge de l’expropriation ? – Pour les autres hypothèses, c‟est l‟article R. 21311 qui ouvre au titulaire du droit de préemption une alternative se décomposant entre la saisine
du juge ou la renonciation à la préemption, cette renonciation naissant de l‟absence de saisine
dans les quinze jours suivant réception du maintien de son prix par le propriétaire (le juge étant
sévère sur le respect de ce délai de quinze jours ; V. Cass. 3° civ., 22 juin 2005, pourvoi n° 0470.064 : JCP N 2006, 1013, chr. D. Dutrieux). Si le juge est saisi, l‟article L. 213-4-1 du Code de
l‟urbanisme impose la consignation de 15 % de l‟évaluation domaniale dans les trois mois de la
saisine du juge (à défaut, le titulaire du droit de préemption est censé avoir renoncé). Une fois que
le juge a fixé le montant, chacune des parties dispose d‟un délai de deux mois à compter de la
décision définitive, pour l‟accepter ou la refuser. Toutefois, il convient d‟insister sur le fait que
cette faculté de l‟article L. 213-7 du Code de l‟urbanisme constitue le seul cas en matière de
préemption où le silence vaut acceptation. Le refus du prix fixé par le juge nécessite donc une
décision expresse. La renonciation du propriétaire à son aliénation n‟impose aucun délai pour la
remise en vente du bien ou son utilisation. Reste toutefois qu‟une nouvelle purge du droit de
préemption s‟imposera nécessairement.
B. -
Décision de préemption formant la vente
1°
Caractère parfait de l’aliénation
80. – L’article 1583 du Code civil s’applique-t-il en matière de préemption ? – S‟il y a accord sur
la chose et sur le prix la vente est juridiquement parfaite et la transmission de la propriété va
s‟opérer dès cet accord, seule l‟entrée en possession étant retardée au paiement ou à la
consignation du prix.
81. – Dans quelles hypothèses ? – Il y a plusieurs hypothèses : soit la vente est sous forme de
vente de gré à gré sans contrepartie en nature et c‟est la décision de préemption qui fait la vente,
soit le propriétaire accepte la proposition du titulaire du droit de préemption, soit est accepté le
prix fixé par le juge (de façon expresse ou tacite). La vente sera donc formée soit à la date de
21
réception de préemption, soit à la date de réception de l‟acceptation de l‟offre d‟acquérir, soit à la
date de la seconde acceptation tacite ou expresse du prix fixé parle juge de l‟expropriation.
2°
Retrait de la décision
82. – Peut-on retirer une décision de préemption ? – Si le Conseil d‟Etat interdit le retrait de la
renonciation à préempter (D. Dutrieux, L‟impossible retrait d‟une renonciation à préempter, note
sous CE 12 nov. 2009 : JCP A 2010, 2008), la décision de préemption peut faire l‟objet d‟un retrait
dans les conditions de droit commun, c‟est-à-dire en application de l‟arrêt d‟Assemblée du Conseil
d‟Etat du 26 octobre 2001 « Ternon », si la décision de préemption est illégale et dans le délai de
quatre mois.
3°
Réalisation de la vente
83. – Comment intervient la régularisation de l’acte ? – Il conviendra de rédiger l‟acte de vente qui
intervient dans les trois mois de la préemption selon l‟article R. 213-12 du Code de l‟urbanisme.
Ce délai de trois mois n‟est toutefois pas impératif en ce sens que la vente peut être valablement
signée à tout moment, mais que c‟est à partir de ce délai que le titulaire du droit de préemption ou
le propriétaire est en droit de saisir le juge judicaire en vente forcée.
4°
Paiement du prix
84. – Comment s’applique l’obligation de payer dans les six mois ? – L‟obligation de payer ou
consigner le prix de la préemption dans le délai de six mois figure dans l‟article L. 213-14 du Code
de l‟urbanisme (un tel délai n‟est toutefois pas imposé pour le droit de préemption
« commercial »). En cas d‟acquisition d‟un bien par voie de préemption, le prix du bien devra être
réglé dans les six mois de l‟accord du propriétaire et du titulaire (l‟acceptation d‟autres modalités
de paiement dans l‟acte signé en application de l‟article R. 213-12 du Code de l‟urbanisme est
sans effet sur la nécessité de respecter le délai de six mois précité ; Cass. 3° civ., 11 octobre
2006, pourvoi n° 05-16624 : JCP N 2008, 1005, chr. D. Dutrieux). En cas d‟obstacle au paiement,
le prix doit être consigné. Le non-respect de ces obligations connaît des conséquences
importantes (V. D. Dutrieux, Le paiement du prix et la rétrocession du bien préempté, note sous
Cass. 3° civ. 8 déc. 1999 : JCP N 2000, p. 1031). En effet, la sanction prévue en cas de nonrespect de l‟obligation de paiement dans les six mois est particulièrement sévère puisqu‟en
l‟absence de paiement ou, s‟il y a obstacle au paiement, de consignation de la somme due à
l‟expiration du délai, le titulaire du droit de préemption est tenu, sur demande de l‟ancien
propriétaire, de lui rétrocéder le bien acquis par voie de préemption (cette rétrocession s‟opérera
par acte sous seing privé si aucun acte authentique n‟avait été dressé). Par ailleurs, le
propriétaire qui a repris son bien peut l‟aliéner librement, c‟est-à-dire sans être tenu des
conditions contenues dans la déclaration d‟intention d‟aliéner, et ce sans délai (Rép. min. JOANQ
21 nov. 1988, p. 3340). Le propriétaire peut aussi poursuivre l‟aliénation et demander des intérêts
pour le retard postérieur au sixième mois.
VI. -
Utilisation des biens préemptées
A. -
Utilisation conforme des biens préemptés
1°
Revente du bien
22
85. – Le titulaire du droit de préemption est-il libre d’utiliser ou d’aliéner le bien préempté ? –
Pour que s'imposent au titulaire du droit de préemption les obligations déterminées par l‟article
L. 213-11 du Code de l‟urbanisme (droit de rétrocession), le but de l'utilisation ou de l'aliénation
du bien acquis par l'exercice du droit de préemption ne doit pas correspondre à l'un des objets
pour lesquels cette prérogative peut être utilisée (objets définis à l‟article L. 210-1 du Code de
l‟urbanisme renvoyant à l‟article L. 300-1 du même code sauf si le bien a été acquis à la suite de
la procédure de délaissement de l‟article L. 211-5 du Code de l‟urbanisme ou si le bien est situé
dans une zone d'aménagement concerté (C. urbanisme, art. L. 311-3). En effet, si l'opération
envisagée correspond toujours à l'un des motifs (même si ce motif n'est pas celui qui avait
initialement motivé la décision de préemption ; V. CE, 14 janv. 1998, n° 160378-160549, M. et
Mme Vaniscotte. – P. Hocreitère et J.-Ph. Meng, L'urbanisme et les collectivités locales : BergerLevrault, T. 3, Fasc. 2-6, n° 15) pour lesquels le droit de préemption peut être utilisé, rien n'interdit
au titulaire du droit de préemption de concéder ou d'aliéner l'immeuble à une autre personne
publique voire à une personne privée. Il n'aura pas dans cette hypothèse à « purger » le droit de
rétrocession de l'ancien propriétaire.
86. – Comment doit intervenir la rétrocession en matière de droit de préemption
« commercial » ? – Le décret du 26 décembre 2007 vient poser les règles applicables à la
rétrocession et régler la question du droit d‟opposition du bailleur. Concernant la rétrocession du
fonds ou du bail préempté, elle doit être accompagnée d‟un cahier des charges, approuvé par le
conseil municipal (le conseil accepte également la rétrocession et indique les raisons du choix du
cessionnaire), comportant des clauses permettant d‟assurer le respect des objectifs de diversité
de l‟activité commerciale ou artisanale (article R. 214-11), la décision de rétrocession devant faire
m‟objet de mesures de publicité préalables fixées à l‟article R. 214-12 (il s‟agit d‟un appel à
candidature) et postérieures (article R. 214-15). Toutefois, la condition de l‟accord préalable du
bailleur, en cas de rétrocession d‟un bail commercial, est expressément indiquée (l‟opposition à la
rétrocession devant néanmoins être validée par le président du tribunal de grande instance du
lieu de situation de l‟immeuble dont dépendent les lieux loués, saisi par voie de référé par le
bailleur ; le silence du bailleur dans les deux mois valant acceptation). L‟article L. 214-2 du Code
de l‟urbanisme avait prévu en 2005 que « l‟acte de rétrocession d‟un fonds de commerce est
effectué dans le respect des conditions fixées par les dispositions du chapitre 1er du titre IV du
livre 1er du Code de commerce ». Il fallait comprendre que la rétrocession par la commune était
une cession de fonds de commerce comme une autre, avec la nécessité de publier, et avec la
possibilité donnée aux créanciers du cédant (c‟est-à-dire de la commune) de faire opposition, la
nécessité de séquestrer le prix dans les conditions habituelles. Ce même article L.214-2 avait
retenu une solution originale à propos de la rétrocession du bail commercial prévoyant qu‟elle
était « subordonnée à peine de nullité à l‟accord préalable du bailleur » et que cet accord devait
figurer dans l‟acte de rétrocession. L‟article R. 214-3 du Code de l‟urbanisme entend organiser les
modalités de recueil de cet accord en prévoyant qu‟en cas « de rétrocession d‟un bail commercial,
le maire recueille l‟accord préalable du bailleur sur le projet d‟acte accompagné du cahier des
charges qu‟il lui a transmis par lettre recommandée avec demande d‟avis de réception ». Le texte
ajoute que « si le bailleur entend s‟opposer au projet de rétrocession, il saisit, en la forme des
référés, le Président du tribunal de grande instance du lieu de situation de l‟immeuble dont
dépendent les lieux loués pour faire valider son opposition à la rétrocession. A défaut d‟avoir
notifié à la commune, dans le délai de deux mois suivant la réception du projet d‟acte, la saisine
motivée de la juridiction, le bailleur est réputé avoir donné son accord à la rétrocession ». Le
bailleur doit donner son accord et peut donc s‟opposer à la rétrocession, mais dans ce cas, il doit
faire valider son opposition, ce qui revient à dire que son refus ne saurait être discrétionnaire. Le
Code de l‟urbanisme rejoint ici la jurisprudence selon laquelle en cas de refus d‟agrément,
l‟amateur écarté peut saisir le juge en invoquant un abus de droit de la part du bailleur. Le refus
est précisément encadré sur le plan procédural ; en particulier si après avoir refusé de donner son
accord, le bailleur ne notifie pas à la commune la saisine motivée de la juridiction, il est réputé
avoir donné son accord… Reste à savoir si cette règle pourra être opposée au bailleur qui
invoquera un refus non pas en vertu de l‟article L. 214-2 mais en vertu d‟une clause d‟agrément,
laquelle ne fait l‟objet d‟aucun encadrement procédural.
23
2°
Sort des occupants et locataires
87. – Quelles sont les conséquences de la préemption pour les locataires et occupants ? –
L'article L. 213-9 du Code de l'urbanisme fait obligation au propriétaire d'informer les locataires,
les preneurs ou occupants de bonne foi du bien de l‟intervention d‟une décision de préemption, et,
de faire connaître ces derniers au titulaire du droit de préemption. Les droits et obligations des
locataires ou occupants de biens préemptés sont recensés, dans l‟article L. 213-10 du Code de
l‟urbanisme, de la façon suivante : le premier alinéa empêche les locataires ou occupants de
s'opposer à des travaux, à des transformations ou à la démolition décidée par le préempteur, le
second alinéa prévoit l'évacuation des mêmes personnes, lorsque l'exécution de ces travaux
l'exige, et, le troisième alinéa permet aux locataires ou occupants de quitter les lieux et de résilier
le bail et détermine les indemnités auxquelles ils peuvent prétendre.
B.
Utilisation non-conforme des biens préemptés
1°
Rétrocession à l’ancien propriétaire
88. – L’ancien propriétaire et l’acquéreur évincé disposent-ils d’un droit de suite en cas de
revente du bien ? – Suivant le deuxième alinéa de l'article L. 213-11 du Code de l'urbanisme, si
le titulaire du droit de préemption (ou son délégataire) décide d'utiliser ou d'aliéner à d'autres fins
que celles définies à l'article L. 210-1 dudit code un bien acquis depuis moins de cinq ans par
exercice de ce droit, il doit informer de sa décision les anciens propriétaires ou leurs ayants cause
universels ou à titre universel et leur proposer l'acquisition de ce bien en priorité. Le point de
départ du délai de cinq ans (dix ans auparavant) est la date du transfert de propriété et non de sa
constatation. La mise en oeuvre de l'offre de rétrocession à laquelle est tenu le titulaire du droit de
préemption (ou son délégataire) lorsqu'il décide d'utiliser ou d'aliéner le bien préempté à d'autres
fins que celles définies à l'article L. 210-1 du Code de l'urbanisme, diffère selon que l'identité et le
domicile de l'ancien propriétaire ou des ayants cause universels ou à titre universel sont connus
ou inconnus du titulaire du droit de préemption (ou de son délégataire). Suivant l'article R. 213-16
du Code de l'urbanisme, lorsque l'identité et le domicile de l'ancien propriétaire ou de ses ayants
cause universels ou à titre universel sont connus, l'offre de rétrocession formulée en application
du deuxième alinéa de l'article L. 213-11 ou de l'article L. 212-2-2 (en zone d‟aménagement
différé) leur est notifiée individuellement par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception. Elle doit contenir l'indication d'un prix. Les anciens propriétaires ou leurs ayants cause
universels ou à titre universel disposent alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'avis
de réception de la notification pour faire connaître : soit qu'ils acceptent de racheter le bien au prix
proposé par le titulaire du droit de préemption, soit qu'ils renoncent au rachat du bien, soit qu'ils
demandent de racheter le bien à un prix qu'ils proposent et que, à défaut d'accord du titulaire du
droit de préemption, le prix soit fixé par le juge compétent en matière d'expropriation. Lorsque
l'identité ou le domicile des anciens propriétaires ou de leurs ayants cause universels ou à titre
universel est inconnu du titulaire du droit de préemption (ou de son délégataire), des mesures de
publicité spéciales sont prévues (C. urb., art. R. 213-18, al. 1er et à 4). Toutefois, le non respect
de ces procédures n‟est sanctionné que par des dommages et intérêts.
2°
Rétrocession à l’acquéreur évincé
89. – Comment fonctionne la rétrocession à l’endroit de l’acquéreur ? – Les deux derniers
alinéas de l'article L. 213-11 du Code de l'urbanisme ont mis en place un droit subsidiaire
d'acquérir dont le bénéfice est réservé à la seule personne qui s'était portée candidate auprès du
propriétaire pour l'acquisition de ce bien et qui s'est trouvée évincée par l'exercice du droit de
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préemption, si son nom figurait dans la déclaration d‟intention d‟aliéner. La procédure est
identique à celle prévue pour l‟ancien propriétaire ou ses ayants droit.
90. – Que se passe-t-il en cas d’échec de la rétrocession pour le droit de préemption
« commercial » ? – En cas d‟échec de la rétrocession, un droit de priorité est prévu, puisque
l‟article R. 214-16 du Code de l‟urbanisme indique que si la rétrocession « n‟est pas intervenue à
l‟expiration du délai d‟un an à compter de la prise d‟effet de l‟acquisition par le titulaire du droit de
préemption, l‟acquéreur évincé », dans le cas où son identité a été mentionnée dans la
déclaration préalable « bénéficie d‟un droit de priorité d‟acquisition ». Cependant sans autre
précision, il y a lieu de considérer que la commune déterminera librement les conditions de
l‟exercice de ce droit de priorité étant précisé que l‟arbitrage du juge de l‟expropriation n‟est
nullement prévu.
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