le cas "Ronan" - Cursus
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le cas "Ronan" - Cursus
RONAN - 18 ans Epreuve de Rorschach PRESENTATION DU SUJET Ronan, 18 ans, est hospitalisé en C.H.S. (centre hospitalier spécialisé = hôpital psychiatrique) après une T.S. (tentative de suicide) médicamenteuse (absorption massive de Stilnox) à la fin de janvier 198... Il y aurait eu une autre T.S. par pendaison le mois précédent. Aîné de trois enfants, Ronan a deux soeurs. Il double sa terminale C et semble, depuis un an, avoir désinvesti l’école. A l’examen médical, il donne une impression de ralentissement idéomoteur. Les gestes sont lents et rares, la mimique stéréotypée. Les réponses à l’interrogatoire médical sont lentes, brèves. Il ne participe pas à l’entretien. Faciès peu expressif, mais quelques sourires adaptés. Le comportement de Ronan dans le service est marqué par son peu de contacts avec les autres patients. Il ne sollicite personne. Pour le psychiatre plusieurs diagnostics sont possibles : état dépressif de l’adolescent, mode d’entrée dans la psychose, état réactionnel... C’est dans le cadre d’un stage que la psychologue qui lui a proposé le Rorschach l’a rencontré. Ronan a déjà été examiné par la psychologue du service. Aussi, lors du premier entretien avec la psychologue stagiaire, celle-ci lui demande comment se passe son séjour à l’hôpital. (La psychologue stagiaire a précédemment assisté à l’entretien de Ronan avec le psychiatre.) Ronan énumère alors toutes les activités qu’il pratique dans le service : vélo d’appartement, écoute d’émissions de radio, lecture, billard, Scrabble... comme s’il devait veiller à ne rien oublier, et sans manifester aucune préférence. Il ne recherche pas les relations avec les autres patients, sans pour autant les éviter. Ses amis ne lui manquent pas. La psychologue stagiaire lui demande s’il a l’impression d’être en vacances. Ronan répond que c’est encore mieux qu’en vacances. Il raconte alors ses vacances d’été, en camping « à moitié sauvage » avec des copains. Il dit avoir appris des choses comme l’utilité de la vaisselle et « des trucs comme ça… C’était assez dur ». Trois semaines. Et liberté totale. Le soir, ils « picolaient » avant d’aller en boîte. L’effectif du groupe était variable, des fois deux, des fois quinze, rien que des garçons, « une bande de machos ». Ronan évoque ensuite une première «cuite» à 14 ans, puis pas une goutte jusqu’à 16 ans, et puis le jour de ses 18 ans (neuf mois auparavant). Il a eu du mal à trouver des copains pour fêter son anniversaire à cause de la proximité du bac (mai). Il aurait aimé faire partie d’un groupe de musiciens, mais il lui aurait fallu une guitare électrique et un ampli et il n’avait qu’une guitare folk. En musique, Ronan dit être passé de Brahms à Dorothée puis Goldorak et Skyrock. (Brahms : « Les petits trucs qu’on met au-dessus des berceaux ».) « Jusqu’à 14 ans, la musique c’était des morceaux qu’on entendait à la radio. Après, j’ai découvert qu’il y avait des groupes derrière, des cassettes, le monde de la musique en général. » Lorsque la stagiaire psychologue demande à Ronan ce qu’il aime écouter comme musique en ce moment, il répète : « en ce moment ?... en musique ?... » - Et après un très long silence : « Il y a plein de trucs... » Finalement, il évoque une chanson des Beatles, Nowhere man, qu’il traduit lui-même par : « L’homme de nulle part ». La stagiaire psychologue propose un rendez-vous pour le lendemain, en vue de proposer le Rorschach. Ronan accepte sans difficulté. Lors de l’entretien avec la stagiaire psychologue, Ronan s’est montré plus à l’aise qu’à la première consultation avec le psychiatre en présence, il est vrai, de plusieurs personnes (psychologue, stagiaire-psychologue, infirmier). Cependant, Ronan apparaît tendu, en proie à divers tics. Parfois il répète la question posée et observe un très long temps de latence avant de pouvoir répondre. On peut supposer qu’il s’agit alors d’une réaction de défense. L’épreuve de Rorschach est proposée à Ronan avec un double objectif : d’une part, affiner le diagnostic ; d’autre part, permettre à Ronan d’entrer plus facilement en relation (le test étant considéré comme un médiateur possible). Durant la séance de Rorschach, la stagiaire-psychologue constate une bonne qualité de participation, par contraste avec la position de repli que montre Ronan dans le service. La séance de Rorschach va durer deux heures, dont la moitié pour l’enquête ! Consigne : « Je vais te montrer des planches et tu me diras ce que cela pourrait être. » - Puis, en donnant la planche I : « Qu’est-ce que cela pourrait être ? » Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 1 Ronan - 18 ans test de Rorschach Relevé et cotation des réponses Pl. I Réponses (Prend la planche en mains.) Une tache d’encre. On plie le papier en deux, c’est symétrique. (La Psychologue confirme qu’il s’agit bien d’une tache d’encre. Elle rappelle que c’est une épreuve d’imagination et qu’il est demandé d’imaginer ce que cela pourrait être.) On est obligé de regarder dans ce sens-là ?... Une couronne, pff... Si, comme ça, un casque ou bien une couronne, je sais pas... [Psychologue : Tu vois autre chose ?... ] J’sais pas, avec euh... (un temps) Autre chose qu’un casque, une couronne ?... J’sais pas, avec des cornes. J’sais pas. Ah oui, une espèce de crâne, j’sais pas. Une espèce d’animal imaginaire avec quatre z-yeux, enfin, la partie supérieure du crâne seulement. (Un temps...) (La Psychologue dit qu’il peut rendre la planche quand il veut.) Ben, peut-être qu’il y a des trucs, si, un animal ici, avec des yeux, un bec, ça pourrait être un animal, une tête d’animal. Pff... (Rend la planche, apparemment peu satisfait.) II Ah, des couleurs ! (Prend la planche, puis la pose et l’observe très attentivement, le front entre les mains. Nombreux tics au niveau du visage.) (Très long temps de latence...) Une raie, le grand poisson avec des grandes ailes. (Montre Enquête Couronne = l’ensemble. « Seulement c’est en noir, quoi, après j’ai pensé à un casque. » [- Qu’est-ce qui t’a fait changer d’idée ?] « Ben, parce que les couronnes en général c’est doré. » Cornes = montre parties sup. à droite et à gauche et partie inf. médiane. « Ça fait partie du casque. » Animal imaginaire : yeux = espaces blancs int. Montre extrémité partie médiane inf. : « Ça, ça serait une dent. » Commente : « Un crâne, il n’y aurait pas d’oreilles. » Bec = partie médiane sup. Appr. Déterm. Cont. G F Frag G G F F Obj Obj Gbl F± (Ad) G F± Ad Remarques Remarque Symétrie C’F ? (enquête) Remarque Couleur Raie = blanc médian. Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 2 Dbl F A par un geste.) (Un long temps...) Un oiseau écrasé sur la route. Il y a, euh, j’sais pas, un oiseau qui se serait écrasé, j’sais pas, oui, splatch ! (Mime l’écrasement en frappant du poing sur la table.) Marrant !... Non ben, j’vois pas vraiment... Ouais, un avion aussi avec la tache blanche au milieu. (Un temps. Fronce les sourcils...) Oiseau écrasé = noir, avec rouge (« du sang »). Avion = blanc médian. « C’est la même chose que la raie, parce que c’est des formes géométriques. » G CF A Sang Dbl F Obj [- Tu vois autre chose ?... ] Il y a des trucs que je peux pas interpréter trop... Si, les deux [- Rouge sup. ?] – « Ben, un corps bizarre avec peut-être deux pattes et une tête mal taches rouges là. (Montre rouge sup.) formée. Un monstre, quoi, bizarre. » (R. remarque une différence à l’intérieur du [- Qu’est-ce que ça pourrait être ?] rouge et distingue parmi les détails internes au rouge : « des yeux et un nez ».) Ben, j’en sais rien. « Un visage de profil avec une tête déformée et un corps et des petites pattes. » III (Réponse immédiate :) Deux bonshommes qui font du tambour, euh, face l’un à l’autre. (Laisse la planche posée sur la table et la regarde de loin, en plissant les yeux...) Non, un insecte, j’sais pas, c’est une grosse araignée, le devant seulement, avec des pattes, j’sais pas, une araignée coupée en deux, quoi, dans ce cas-là. Bonshommes = noir lat. - Tambour = noir médian. « Maintenant je vois d’abord ce que j’ai dit après, le truc qui va te sauter dessus, l’araignée. » Araignée : noir. Pattes araignée = noir lat. inf. « Les bonshommes, ce serait encore des espèces d’extra-terrestres avec des becs d’oiseaux, parce que là (noir sup.), ça ressemble à des becs, c’est bizarre, quoi. » Rouge lat. : « Ce morceau-là, ça me fait penser au manche d’une guitare, tout de traviole, ou bien, avec la forme comme ça, ce serait plutôt une cornemuse. » Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 3 Cn G K H D F Ad IV (Mine perplexe, mimiques, pince les lèvres. Un temps de latence...) Ben, un espèce de gros bonhomme difforme qui est en train de vomir... Euh, pff... Ah oui, que, j’sais pas... (Un temps...) Avec un espèce de, comment dire, euh, j’sais pas comment ça s’appelle. Pareil comme dans les films avec les chevaliers là, Excalibur (montre parties lat. sup.). Enfin, un gros mec comme ça, quoi... (Tient la planche en mains. Souffle...) Ou plutôt un, comment, ça revient sur la même idée, mais comme ça part de là le truc, comme un dragon qui cracherait du feu plutôt... Ou un chevalier qui cracherait du feu, quoi... Ouais !... (Hausse les épaules, soupire...) Non, ben c’est tout... Ouais, c’est marrant... L’ensemble. G K H G G kan K (A) H G F A D F Obj D F A G F A [- Qu’est-ce que tu trouves marrant ?] Euh, je dirais que ça ressemble au genre d’individus pareils qu’on voit dans « La Guerre des Etoiles » ou... Ouais. V Un oiseau avec le bec ouvert, euh, ouais, j’sais pas Oiseau = noir sup. (tête) et noir inf. (queue) – quel genre d’oiseau ça pourrait être, j’sais pas, « comme les hirondelles ». bec de canard. (Un long temps...) J’sais pas, ici, mais ce serait plus oiseau dans ce cas, ici ce serait une paire de ciseaux ou quelque chose comme ça (montre partie médiane inf.). Et puis vu comme ça (cache une partie de la tache), on dirait peut-être un dauphin, avec le bec, et puis Tête de dauphin = noir lat. la même chose de l’autre côté, quoi. Autrement, ben, une chauve-souris vue de dos aussi, ouais... A moins que les ailes, j’me souviens plus comment... Oui, ça peut être une chauve-souris. Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 4 Ban (Ban) kan ? VI (Tient la plche en mains.) ..... ....... J’sais pas, un serpent qui se serait cassé la gueule d’un immeuble, comme l’oiseau tout à l’heure. Ou bien qui aurait été ouvert au couteau, comme ça, zoop ! (Mime le geste.) Ça rappelle aussi, j’sais pas, des formes que j’ai vues dans des dessins de Philippe Druillet, là en haut, ce genre de formes (montre petits détails médians inf.)... Autrement... Ah ouais, euh, un bateau de guerre sur l’eau et avec son reflet, avec la cheminée, un canon, un espèce de pont, j’sais pas quoi (souffle), ouais, j’crois que c’est tout. (A montré les différentes parties du bateau au fur et à mesure.) VII (Prend la planche en mains.) Aïe ! Euh, euh... (rit) Une danse, avec euh, ça ça serait une coiffe (montre partie lat. sup. droit), ouais, une danse bizarre, quoi... ..... Autrement, si, une espèce d’insecte avec des pattes là, là, là (montre), l’avant bizarre, enfin, un truc d’extra-terrestre à moitié, quoi... (Un long temps...) J’sais pas, une espèce d’éléphant style Babar ici (montre tiers médian droit), enfin, la tête seulement, quoi. Euh, aussi une explication d’un, dans le blanc là, on peut considérer le blanc aussi ? Ben, j’sais pas, on peut considérer une tête, avec un casque, comme s’il y avait des pointes... Ou bien une grotte, l’entrée ou euh la sortie, la sortie, ça c’est des souvenirs de français en première avec Baudelaire. Il y a un prof qui nous avait fait un truc làdessus, disons que ça ressemblait à ça, ça aurait pu être ça... Ah ouais ! Euh, ça pourrait être aussi, euh, la coiffure d’un excentrique avec euh, j’sais pas, les cheveux sur les côtés et ici, j’sais pas, euh, une tête, quoi, sans les yeux, rien... Ouais, ben je pense que, ben j’sais pas... Serpent = l’ensemble (). [- Qu’est-ce qui t’a fait penser à un serpent ?] « La tête et puis la longueur, avec deux yeux. » (Druillet : dessinateur de bandes dessinées fantastiques, illustrateur et peintre.) « Un casque » = l’ensemble (), avec le blanc de part et d’autre de partie médiane sup. (« place pour les yeux ») et partie médiane sup. « qui protège le nez ». L’ensemble : « Deux dames qui se regardent. Une espèce de danse égyptienne. La tête avec une coiffe (tiers sup.), le tronc (tiers médian), une jupe (tiers inf.). » Insecte = tiers inf. (abdomen) et 2/3 inf. (quatre pattes). « Des yeux » (insecte) : partie int. plus claire du tiers sup. « Un animal très curieux, la bouche au milieu avec les dents (partie axiale sup. du tiers inf.). Je crois pas que ça existe, donc ça doit être une belle invention, quoi ! » « Plutôt la sortie. » (Explique qu’il s’agissait d’un poème de Baudelaire sur les grottes marines.) Noir = cheveux, blanc = tête. « En bas, une espèce de barbe comme il y ème avait au 19 siècle. » () Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 5 DG F A Dd F± Frag DG F Obj Pays G K Abstr H G F A D F (Ad) Gbl F Gbl F Hd Obj Pays Gbl F Hd kan kob ? Ouais... VIII IX (Garde un moment la plche en mains, puis la pose devant lui.) Euh, une panthère rose, là... et puis son, j’sais pas... Une fusée au décollage, ben... Une fleur. Et euh, une sorte de poisson plat avec deux yeux et... enfin, un truc comme ça, quoi. (Sourit...) Ça pourrait être aussi un casque, avec la visière là, hop, hop, hop (montre), ou un masque de carnaval, un truc comme ça, quoi. (Eloigne la plche à bout de bras devant lui et la regarde ainsi de loin...) Pff... Ou bien un clown. Enfin, la tête d’un clown, quoi. (Retourne la plche et lit ce qui est écrit au verso.) C’est en quelle année ? 1948. Il y avait pas encore de fusées. Zut ! Une robe. Une fleur. Panthère = rose lat. – « à cause de la tête et de la souplesse des pattes ». Fusée = l’ensemble. Fleur = l’ensemble. Poisson plat = l’ensemble, avec espaces blancs int. = « les yeux ». Casque = l’ensemble, avec « visière » (bleu). « Genre casque d’aviateur. » Masque = l’ensemble. Tête de clown = l’ensemble, avec cheveux (rose lat.), nez et maquillage (gris et bleu). « C’est la couleur des cheveux qui m’a surtout fait penser au clown. » ème Robe = l’ensemble. « Ben oui ! 19 siècle, plusieurs jupons, un corsage (rose) avec les manches bouffies, comme ça. » Fleur = l’ensemble, avec pétales (rose-orangé), cœur (partie médiane), feuilles (vert). Un extra-terrestre. (Rit, moue dubitative. Main sur le front, Extra-terrestre = vu à partir du rose lat. (« deux fronce les sourcils et regarde attentivement la plche...) yeux sur le côté »). Ça pourrait aussi être un masque de carnaval, ouais, hum hum. (Baille...) Masque de carnaval = vu à partir du blanc médian et deux espaces blancs int. (« des trous Il y aussi des crocodiles, deux. Euh, j’sais pas si c’est des pour les yeux »). crocodiles ou caïmans, euh, un truc dans le genre, quoi... Crocodiles, caïmans = détails dans le vert, (Ferme un œil.) Ouais ! entre vert et orangé. (Rend la plche : ) Si, Louis XVI avec la poire là (montre blanc médian), les cheveux (orangé), et puis le chapeau avec les plumes (vert et rose). Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 6 D (A) Ban G G Gbl FC kan kob F F Obj Bot A CF ? G G F F Obj Obj G CF Hd G F Obj G CF Bot DG F± (H) DblG F Obj D F A Gbl F Hd CF ? CF ? X (Long temps de latence : près de 2 minutes !...) Euh, un bonhomme, euh, encore un visage, j’sais pas, ouais... avec des couleurs qui correspondent pas, quoi... [- Comment ça ?] Parce qu’il aurait les yeux jaunes, une moustache bleue, une barbichette grise, une bouche orange, des cheveux roses, un diadème sur le front (vert médian inf.), avec une tête de mort en pendentif... On voit pas le haut, quoi... A moins qu’il soit chauve ? Tiens, ouais, chauve avec des cheveux sur le côté... Euh, autrement, plein de petites bestioles, j’sais pas qu’est-ce que ça peut être... Deux qui regardent dans un périscope et deux qui arrivent vers elles. Les deux qui seraient ici (gris), je dirais qu’ils auraient l’impression d’être pas contents, en colère. Et les autres (bleu), ils arriveraient avec des airs belliqueux. Autrement, ah ouais, tiens, la tête d’un lapin ici, avec du vert qui, j’sais pas pas, coule, avec des yeux crevés, non c’est idiot, ouais avec du vert qui coule des yeux. Autrement, les deux taches jaunes ça pourrait faire penser à des soleils, parce qu’il y a un point orange là (montre jaune médian inf.). Le visage d’un empereur mongol, ou j’sais pas, avec la moustache là, une espèce de truc en pic ici... Ouais. Ben ouais, j’crois que c’est tout. DD FC Hd DD kan A Obj Scène D kan Ad Frag D CF Frag DD F Hd A propos du « diadème » : « Maintenant, là en vert, ça fait des licornes aussi. » Bestioles = gris sup. – « avec des antennes, des yeux et des petites pattes, trois pattes ». « Impression d’insatisfaction, de surprise. » [- «Belliqueux» ?] « Ils ont une arme (vert adjacent au bleu sup.). Ils ont pas l’air méchant ?... » Tête de lapin = vert médian inf. Visage d’empereur mongol = l’ensemble, avec moustache (vert inf.), yeux (bleu central), casque à pointe (gris sup.). Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 7 Ban kan de type kp Épreuve des Choix Planches préférées : Planche III Planche VIII Planche IX Planche IV « Parce que c’est marrant avec les deux trucs. » « Celui-là aussi, parce que je vois le masque, un pilote d’avion, et en même temps une fusée qui décolle, je trouve ça marrant. » « Parce qu’il y a plein de trucs dedans, des trucs marrants. » « Celui-là, je le trouve marrant. Je retiens l’image du grand bonhomme, l’extra-terrestre qui crache du feu. C’est un peu comme une armure, quoi. » Planches moins aimées : Planche I Planche V Planche X « Parce que, à part une tache d’encre, faut vraiment chercher. » « Celui-là, ça serait la même chose aussi. » « Celui-là, j’sais pas pourquoi. » Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 8 Ronan – 18 ans Récapitulatif des cotations Pl. I II III IV V VI Réponses cotées Appr. Déter. Cont. 1. Une tache d’encre 2. Une couronne 3. Un casque 4. Espèce de crâne... d’animal imaginaire 5. Une tête d’animal 6. Une raie 7. Un oiseau écrasé sur la route G G G Gbl G Dbl G F+ F+ F+ F F F+ CF Frag Obj Obj (Ad) Ad A A Sang Obj 8. Un avion 9. Deux bonshommes qui font du tambour Dbl G F+ K 10. Un insecte, une grosse araignée 11. Gros bonhomme... en train de vomir 12. Un dragon qui cracherait du feu 13. Un chevalier qui cracherait du feu 14. Un oiseau avec le bec ouvert 15. Une paire de ciseaux 16. Un dauphin avec le bec 17. Une chauve-souris vue de dos 18. Un serpent qui se serait cassé la gueule 19. Des formes... vues dans des dessins 20. Un bateau de guerre sur l’eau D G G G G D D G DG Dd G F K kan K F+ F+ F F+ F+ F F+ G K G D Gbl F F+ F+ Gbl Gbl D G G Gbl G G DG G G DG DblG D Gbl DD DD F+ F+ FC kan kob F+ F F F CF F+ CF F F F+ F FC kan D kan D DD CF F VII 21. Une danse bizarre (deux dames) 22. Une espèce d’insecte 23. Une espèce d’éléphant genre Babar 24. Une tête avec un casque 25. Une grotte, l’entrée ou la sortie 26. La coiffure d’un excentrique VIII 27. Une panthère rose IX X 28. Une fusée au décollage 29. Une fleur 30. Une sorte de poisson plat 31. Un casque avec la visière 32. Un masque de carnaval 33. La tête d’un clown 34. Une robe 35. Une fleur 36. Un extra-terrestre 37. Un masque de carnaval 38. Des crocodiles ou caïmans 39. Louis XVI 40. Un bonhomme, un visage 41. Plein de petites bestioles qui... périscope 42. La tête d’un lapin avec des yeux crevés 43. Des soleils 44. Le visage d’un empereur mongol Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 1 H Scène Ad H (A) (H) A Obj A A A Frag Obj Pays Abtsr H A (Ad) Hd Obj Pays Hd (A) Obj Bot A Obj Obj Hd Obj Bot (H) Obj A Hd Hd A/Obj Scène Ad Frag Frag Hd Remarq. Ban Ban Ban Ban Réponses nouvelles (réponses données à l’enquête) II. Un corps bizarre, deux pattes, une tête... un visage de profil, un corps... III. Manche d’une guitare Une cornemuse VI. Un casque VII. Une espèce de barbe X. Des licornes aussi D D D Gbl G D Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 2 F F F F F F A ou H Obj Obj Obj Hd (A) Université Rennes 2 ÉPREUVE DE RORSCHACH1 Cas « Ronan » Une analyse des réponses COTATION DES REPONSES Il s’agira d’abord d’expliciter et de justifier notre cotation des réponses de Ronan. Planche I Nous coterons «une tache d’encre» dans la mesure où, lors de la présentation du test, il n’a nullement été indiqué à Ronan qu’il s’agissait d’encre. C’est donc bien une interprétation de sa part. «Couronne» et «casque» sont cotés séparément, car, s’il s’agit bien de deux couvre-chefs, ils en représentent néanmoins deux types différents. Il est possible que la couleur (C’) de la tache ait influé sur la réponse «casque», mais l’enquête n’est pas suffisamment explicite à ce sujet. Les «cornes» ne sont pas cotables séparément du «casque» : elles participent d’un commentaire descriptif de celui-ci. «Espèce de crâne» et «espèce d’animal imaginaire» semblent n’être qu’une seule et même réponse, que nous ne coterons qu’une seule fois. Par contre, il est moins évident de décider si «un animal, une tête d’animal» de la fin est distinct ou pas de l’animal imaginaire. Compte tenu de la rotation de la planche et des commentaires à l’enquête sur «dent» et «bec» (détails différents, localisations différentes), il s’agit plus probablement de deux percepts différents. Nous coterons une F pour ces deux dernières réponses, puisque nous ne savons pas de quels types d’animaux il s’agit. Au total : 5 réponses cotables. Planche II La mention de la couleur d’emblée par Ronan est à relever, mais n’est pas cotable (c’est une remarquecouleur). De la même manière, on ne cotera pas non plus la nomination (Cn) des taches rouges en fin de réponse, puisqu’elles ne sont pas interprétées à ce moment-là (elles ne le seront qu’à l’enquête). Au total, on retient ici trois réponses cotables : «raie», «oiseau écrasé sur la route», «avion». La seconde réponse (oiseau) intègre le rouge (enquête : «du sang»). Dans la mesure où il s’agit d’une F et où c’est probablement «le grand poisson avec des grandes ailes» qui a suscité par association le percept «oiseau», on cotera un déterminant CF. D’autre part, il n’y a pas lieu de coter un déterminant de kinesthésie, puisqu’il n’y a perception ici ni d’un mouvement actuel, ni d’un mouvement intentionnel, ni d’une posture (voir définition de la réponse-mouvement). Le mouvement est passé («un oiseau qui se serait écrasé») et agi (non 1 intégré dans le percept), ce n’est donc pas de la kinesthésie. Nous avons une réponse nouvelle à l’enquête, cotable à part, localisée dans le rouge d’abord seulement nommé (intervention de la psychologue). Ce ne sont cependant pas une réponse-couleur. On remarque la finesse d’observation de Ronan qui distingue des petits détails internes au rouge, en les interprétant comme des yeux et un nez. Planche III Deux réponses cotables, dont la kinesthésie humaine banale. La seconde réponse est une F, la première d’un protocole où il y en aura d’ailleurs beaucoup (le F+ % sera de 63,3 seulement, en sachant que nous avons largement crédité Ronan de plusieurs F qui auraient pu être cotées F). «L’insecte» (réponse 10) est vu coupé en deux : contenu Ad. A l’enquête, les «bonshommes» sont décrits dans une association contaminée («avec des becs d’oiseau»), mais que nous cotons à part puisque donnée secondairement (élément nouveau à l’enquête). Nous avons une fois encore deux réponses nouvelles : «manche d’une guitare, tout de traviole» et «cornemuse», cotées à part. La première est une F. Pas de déterminant couleur. Planche IV Comme pour la pl. I, nous nous retrouvons avec une série de réponses qui s’enchaînent par association et qu’il est difficile de distinguer les unes des autres. Malgré les transformations d’images auxquelles on assiste ainsi, il semble qu’il n’y ait que trois percepts différents sur la même base («ça revient sur la même idée»). Nous les distinguerons en fait par leur contenu : humain/animal, vomir/cracher du feu. Au total donc, trois réponses cotables : «espèce de gros bonhomme», «dragon qui cracherait du feu», «chevalier qui cracherait du feu» (le commentaire final sur «La Guerre des étoiles» semble concerner le même personnage... ?). Il s’agit, bien entendu, de trois réponses kinesthésiques (K et kan), le mouvement vu étant le même : une expulsion orale violente. Planche V Deux des réponses banales sont ici données, bien qu’avec des particularités : «un oiseau» est vu en position latérale (et non à l’endroit ou à l’envers comme il est plus courant), et «une chauve-souris» est vue... de dos ! - Licence 3 de Psychologie : Psychologie clinique & projective – C. Bouchard, MCU Université Rennes 2. Cas « Ronan » - analyse des réponses Rorschach / 1 La mention «avec le bec ouvert» semble descriptive et aurait nécessité plus de précision à l’enquête. Faute d’éléments sûrs, nous ne coterons pas de kinesthésie. Les deux autres réponses («une paire de ciseaux» et «un dauphin») sont en rapport associatif évident avec l’oiseau premièrement vu, par le motif du «bec» (= pl. I). La réponse «dauphin» est une F. la dernière, en s’appuyant sur le commentaire donné à l’enquête. - La précision complémentaire : «visière... genre casque d’aviateur» pour la réponse 31 fait jouer un élément de couleur, mais à retardement, quasiment dans une réponse nouvelle, et ne peut donc être coté au niveau de la réponse 31 elle-même. Planche IX Planche VI Trois réponses cotables, la première («un serpent qui se serait cassé la gueule») étant très explicitement similaire à la réponse 7 (pl. II). Nous n’avons pas, là non plus, à coter de kinesthésie (voir commentaire de la cotation pl. II). Par contre, le «serpent» semble avoir été évoqué par une partie de la tache, selon un processus perceptif de type DG (confabulation). Le contenu de la réponse «des formes que j’ai vues dans les dessins de Philippe Druillet» ne peut être cotée Abstraction (il ne s’agit pas d’une idée ou d’une ambiance, mais bien de «formes»), ni Symbole (ces «formes» ne représentent aucune notion ou idée particulière). Nous coterons donc ce contenu : Fragment. A l’enquête une réponse nouvelle, dont le contenu reprend le thème «casque» (= pl. I), et qui a la particularité d’inclure le blanc de bordure externe (Dbl bord e). On cotera l’appréhension : Gbl(e). Planche VII C’est à la pl. VII que Ronan nous donne le plus grand nombre de réponses cotables, auxquelles s’ajoute encore une réponse nouvelle à l’enquête ! Pour «une danse» (réponse 21), on pourra coter un déterminant K en raison des éléments de l’enquête, qui confirment qu’il s’agit de «deux dames qui se regardent». Mais on remarquera que la première réponse est plus formelle, plus abstraite aussi. Remarquons également que les contenus A, Ad et Hd des réponses 22, 23, 26 sont à la limite du pseudo-animal ou du pseudo-humain ; que la réponse 21 est proche d’un contenu Abstraction et d’une réponse-forme ; et que la réponse 24 est une association Hd et Obj («une tête avec un casque»). Planche VIII De nouveau nous avons une série abondante de réponses cotables : huit au total. Parmi les particularités de la cotation : - On rend compte de «panthère rose» par un déterminant FC. Il s’agit en effet d’un animal coloré, selon une association, de plus, assez conventionnelle (référence probable au personnage de dessin animé «Pincky, la Panthère rose»). Il faut y ajouter (double cotation du déterminant) une kan, justifiable par la remarque donnée à l’enquête : «à cause... de la souplesse des pattes». - La réponse qui suit («une fusée au décollage») est plus nettement kinesthésique (kob). Faute de plus d’éléments recherchés en ce sens à l’enquête, on ne peut ici assurer qu’un facteur d’estompage et/ou de couleur a pu jouer (fumées ? flammes ?). - La réponse «fleur» n’est pas cotable comme réponsecouleur, puisque Ronan ne nous indique en rien qu’une impression de couleur y a contribué. - Les quatre dernières réponses sont des «mauvaises» formes (F), et l’on peut seule créditer d’un facteur couleur Le nombre des réponses à coter demeure important (on en compte six pour cette planche). La réponse «une fleur» est plus explicitement chromesthésique que la réponse similaire à la pl. VIII. Comme nous avons affaire à une F, nous coterons : CF. La réponse «un extra-terrestre» est une confabulation (DG), selon l’enquête. De même pour le «masque de carnaval» (DblG). La partie où sont vus «des crocodiles ou caïmans» est un grand détail (D) et non un petit détail (Dd). Malgré sa petite dimension, il se détache en effet assez clairement à l’intérieur du vert central - (voir manuel Beizmann). Enfin, remarquons que nous pouvons hésiter, pour «Louis XVI» (réponse 39), entre un contenu Hd et un contenu (Hd). Dans le cas d’un personnage historique, il est convenu de coter une réponse humaine simple, donc Hd. Planche X Il faut ici coter cinq fois. Nous relevons surtout : - des combinaisons de détails aux réponses 40, 41 et 44 (cotation DD pour la localisation) ; - deux kinesthésies animales (réponses 41 et 42) : si la première est très nette, donnant même lieu à une dramatisation particulière (Scène), la seconde est plus complexe. Le mouvement y est plus subi qu’agi ou intentionnel, et concerne en fait une partie du corps de l’animal (yeux au niveau de la «tête de lapin»). On ne peut coter ici une kp (il ne s’agit pas d’un contenu H ou Hd), mais on a bien l’équivalent animal d’une kp. - enfin, notons deux réponses-couleur, à coter FC (réponse 40) puisqu’il s’agit d’un objet coloré, et CF (réponse 43) en raison d’un facteur formel présent mais de médiocre qualité. (On ne peut compter comme réponsecouleur la nomination du vert dans la réponse 42.) A l’enquête, le détail du «diadème» (partie de la réponse 40) se transforme, modifiant partiellement celle-ci, pour donner une réponse nouvelle («des licornes»). Récapitulatif des cotations : voir supra page 1 suivant le relevé des réponses. Cotation des réponses nouvelles (enquête): voir supra page 2 suivant le relevé des réponses. Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 2 appréhension massivement globale (mode d’appréhension). C’est bien la structure des taches qui a joué ici, plus que la couleur (qui caractérise les trois dernières planches), comme le montre notamment la concentration des réponses globales à la pl. VIII, dont la structure générale est plus propice à une appréhension d’ensemble. ANALYSE FORMELLE L’analyse formelle consiste à reprendre systématiquement les données de la cotation à partir du psychogramme, et à les étudier dans la construction progressive d’une analyse psychodynamique ( portrait caractérologique ou personnologique). 2. Le mode d’appréhension est en effet de type G, la globalisation perceptive étant à plusieurs reprises obtenue par confabulation (DG ou DblG) ou par combinaison (DD). On remarque aussi plusieurs inclusions du blanc intermaculaire (Gbl). On ne relève qu’une seule localisation en Dd (réponse 19). 1. Nous remarquons d’abord le nombre important des réponses. Elles se sont multipliées dans la dernière partie du protocole, à partir de la pl. VII. (Seules les pl. II, III, IV et VI n’ont reçu que trois réponses ou moins.) Il semble que cette variation de production soit liée à la structure des taches : les planches VII à X concentrent plus de la moitié du nombre total de réponses et les trois-quarts des réponses de détail, dans un ensemble où domine une Synthèse des cotations R = 44 F % = 68,2 F+ % = 63,3 H % = 22,7 A % = 38,6 G D Dbl Dd K kan kob CF FC H Hd (H) A Ad A) (Ad) Objet Frag Scène Bot Pays Sang Abstr = 68,2 % = 25 % = 4,5 % = 2,3 % =4 =4 =1 =4 =2 T.A. : G+++ D- - - Dbl- Dd R.C. % = 40,9 Succession : variable plutôt G D G Ban = 4 (dont 3 inhabituelles) Interprétation : Ces premières observations montrent chez Ronan une approche situationnelle plutôt synthétique, mais sans superficialité. Ronan remarque au contraire très justement les principales caractéristiques de chaque nouvelle situation, et s’efforce de les intégrer dans une cohérence d’ensemble ou d’en inférer du sens, quitte à risquer un forçage interprétatif de la réalité. Sa pensée évolue volontiers par associations plus ou moins (auto)critiques. Nous retenons aussi du nombre des réponses que Ronan est capable d’une disponibilité psychique et d’une expression riche, au contraire de ce que peut laisser croire au premier abord son retrait apparent. Comme l’avait justement pressenti la psychologue, la situation Rorschach a pu trouver chez Ronan une réponse positive d’expression et d’échange. 3. Le déterminant formel est peu et mal utilisé (F % faible), à l’avantage de nombreuses kinesthésies et de réponses-couleur (compte tenu des quelques fois où nous avons hésité à coter une réponse-mouvement ou une = 3 = 6 = 1 = 10 = 3 = 2 = 2 = 12 = 3 = 2 = 2 = 2 = 1 = 1 réponse-couleur, leur nombre est même peut-être sousestimé par nous). Nous avons été souvent amenés à coter F en raison de contenus difficiles à apprécier : imprécisions, êtres imaginaires, fantastiques. On remarque que Ronan semble en général conscient du fait que ses interprétations F sont douteuses, comme en témoignent les précautions oratoires ou les commentaires (verbaux, mimiques) par lesquels il les accompagne. Interprétation : Le mode de signification précédemment analysé n’est pas toujours maîtrisé quant à sa pertinence et confirme son caractère parfois forcé. Ronan n’en est cependant pas complètement dupe. Il montre une conscience interprétative assez juste, bien que pas peu efficace. 4. Les réponses-mouvement, nous l’avons déjà remarqué, sont assez caractéristiques : - les trois kinesthésies de la pl. IV reprennent avec insistance un thème commun d’expulsion orale violente ; Cas « Ronan » - analyse des réponses Rorschach / 3 - les deux autres kinesthésies humaines (pl. III et VII) concernent des personnages doubles (et non uniques comme à la pl. IV). Dans les deux cas, il s’agit de personnages nettement sexués (bonshommes, dames), menant une action commune, liée à la musique (tambour, danse). Dans les deux cas aussi, ces interprétations de mouvement humain vont faire l’objet d’un traitement particulier : contamination secondaire pour les «bonshommes» dotés (à l’enquête) de becs d’oiseaux ; spécification humaine à retardement pour les «dames». - les kinesthésies animales : Hormis celle de la pl. VIII (réponse 27), quasi-banale, elles ne concernent que des actions violentes, voire franchement agressives (réponses 41, 42). Comme pour les kinesthésies humaines, elles se distinguent en : vision unique et de face d’un être animal qui expulse violemment quelque chose au niveau de la bouche (réponse 12) ou des yeux (réponse 42), ou bien vision double de confrontation agressive (réponse 41). - quant aux réponses 7 et 18, si l’on ne peut les coter comme des kinesthésies, elles constituent cependant deux réponses gestuelles bien particulières, à caractère là encore de violence agressive, destructrice, et même autodestructrice («qui se serait écrasé... qui se serait cassé la gueule»). On remarque, de plus, l’accompagnement des gestes de Ronan par des onomatopées très expressives, nous renvoyant à l’idée d’une agressivité orale. - enfin, la kinesthésie d’objet de la réponse 28 représente également un mouvement de projection (expulsion) violente. Interprétation : L’analyse des réponses-mouvement nous indique un nouvel élément de compréhension. Elle révèle une agressivité orale importante, en grande partie réprimée car elle rend dangereuse pour Ronan toute relation duelle de face à face. Seule la musique permet une rencontre plus sereine (harmonie ?), ou au moins une modération de l’agressivité toujours latente. (On peut ainsi supposer que le thème de la musique, très présent dans l’entretien avec la psychologue qui a proposé le test, a grandement contribué à susciter détente et confiance chez Ronan.) Par ailleurs, on remarque une tendance à agir la violence agressive non intégrée ou insuffisamment intégrée dans une symbolisation. En ce cas, la violence agie parce que non représentable ou peu représentable autrement, est impulsive et peut être auto-destructrice. 5. Les réponses-couleur sont moins importantes en nombre, dans l’ensemble d’un protocole d’ailleurs peu fourni en éléments pathiques (émotion, sensorialité) : - le rouge des pl. II et III a seul été vivement ressenti, en lien avec la problématique agressive que nous venons de découvrir. Divers procédés défensifs permettent à Ronan d’en limiter (médiocrement) l’impact : pseudo-kinesthésie dramatisante (pl. II), évitement du rouge (pl. III), qualité F de la CF (pl. II) et des réponses nouvelles données à l’enquête pour les deux planches II et III. - les autres réponses-couleurs sont toutes données dans les planches-pastel et semblent davantage participer des processus associatifs de type confabulant précédem-ment cités. 6. On ne relève, dans ce protocole, ni réponses d’estompage (déterminants E) ni réponses de clair-obscur (déterminants Clob). Interprétation : Au vu des réponses-couleur produites par Ronan, se confirme sa sensibilité agressive, dont nous percevons ici une dimension de violence impulsive et les aménagements défensifs - notamment : scotomisation et essais de maîtrise intellectuelle (Ronan insiste par exemple, à l’enquête de la pl. II, sur la géométrie des deux réponses formelles, toutes deux vues, de plus, dans le blanc central). Nous apprenons également que, sur le plan affectif, Ronan est plus réactif que réceptif, plus actif que passif, ce qui confirme notre analyse d’une répression défensive d’autant plus sévère et difficile à maintenir que sa disposition générale est plutôt tonique. 7. Le contenu des réponses nous apporte d’autres éléments d’analyse, riches d’information. Concernant le H % et le A %, nous relevons qu’ils sont l’un et l’autre peu élevés (le A % surtout est faible), à l’avantage de contenus autres, variés, et qui représentent une bonne moitié des réponses. Nous relevons encore l’ambiguïté fréquente des contenus humains et animaux, souvent de type «pseudo» ou à la limite du pseudo(-humain ou -animal). Les êtres humains ou animaux perçus par Ronan sont généralement imprécis ou bien relèvent d’un univers plus ou moins fantastique, manifestement influencé par le cinéma et la télévision. Enfin, nous constatons que toutes les réponses de détails Hd, Ad, (Ad) concernent la tête ou le visage, ou des attributs de la tête ou du visage, avec une récurrence de becs, de dents et d’yeux. Cette focalisation thématique se constate encore à l’examen des contenus Obj, qui figurent à plusieurs reprises des couvre-chefs (casque, couronne : quatre fois sur onze), un masque (une fois), ou un maquillage (enquête réponse 33). Dans le même ordre d’idées, nous relevons : - que la réponse 34 (pl. IX) figure un vêtement («une robe»), sans parler du chevalier de la pl. IV (un personnage en armure d’après le commentaire à l’épreuve des choix) ; - que d’autres contenus Obj portent sur des objets dotés d’un «appendice» propulseur (réponse 20 : «un bateau de guerre sur l’eau... avec la cheminée, un canon»), ou constituant eux-mêmes un tel genre d’instrument (réponse 41 : «périscope» dans une scène de guerre animalière) ; (Remarquons que le «bateau de guerre» est double, comme sont doubles les autres protagonistes antagonistes des paires animales ou humaines vues par Ronan dans les pl. III, VII et X.) - que le contenu Pays de la réponse 25 (pl. VII) est perçu dans le sens d’une ex-pression (sortie). (De façon générale, les espaces intermaculaires sont vus par Ronan comme des formes planes ou comme des creux qui ex-priment et non comme des trous ou des creux à remplir ou dans lesquels se loger.) - ajoutons à tout cela l’araignée de la réponse 10, que Ronan projette littéralement sur la psychologue dans une locution soudain familière : «le truc qui va te sauter dessus». Interprétation : L’analyse du contenu nous permet surtout de préciser notre étude des modes défensifs utilisés par Ronan à l’encontre de son agressivité (sadique-orale) et des risques allo-destructeurs encourus. On peut reconnaître des mécanismes de répression, de rétention, de contrôle intellectuel (qui ne va cependant pas jusqu’à l’intellectua- Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 4 lisation et/ou la rationalisation) - tous ces procédés étant, en fait, fragiles, précaires, en particulier du point de vue de la vigilance intellectuelle déployée (on a vu les faiblesses qualitatives du déterminant F chez Ronan). Il faut sans doute s’en féliciter, en ce sens que ces procédés ne sont pas très structurés ni trop rigides. Ils n’en constituent pas moins une inhibition importante et qui garantit pourtant mal Ronan contre un risque permanent de bouffées de violence impulsive. 8. Enfin, relevons les mouvements de planches, nombreux et réguliers tout au long de ce protocole - sauf pour la pl. III, qui a été posée sur la table et regardée de loin (recul). Nous pouvons reconnaître là une autre expression de la difficulté de relation et d’échange, puisque cette réponse posturale coïncide avec l’une des deux réponses de couple humain en face-à-face. Un malaise particulier a d’ailleurs marqué aussi l’autre réponse de ce type (réponse 21, pl. VII : interprétation humaine latente et différée à l’enquête, mention d’une danse bizarre). Il n’est pas aisé de repérer une logique particulière dans les rotations de planches pratiquées par Ronan, mais on peut retenir que, dans plusieurs cas, il renverse l’image dès la première interprétation : pl. V, VIII, IX, X. A la fin de sa réponse à la pl. VIII, il va même jusqu’à retourner la planche et faire ainsi un constat d’anachronisme (la date lue au verso) qui, cependant, ne va pas le conduire à rectifier sa réponse. Là encore, on peut reconnaître une capacité d’initiative active remarquable chez un jeune homme au premier abord si passif, en même temps que son peu de perméabilité aux démentis apportés par la réalité extérieure (ou à ce qu’il peut percevoir comme tel). ANALYSE SEQUENTIELLE L’analyse séquentielle complète l’analyse formelle en resituant les réponses dans leur enchaînement dynamique, et en veillant particulièrement à repérer les moments critiques du protocole, leur signification fonctionnelle pour le sujet, les aménagements défensifs et les tentatives d’issue qu’ils suscitent. Ronan commence le protocole (PLANCHE I) par une interprétation factuelle, de «bon sens», n’ayant apparemment pas compris qu’il doit interpréter la tache (la consigne donnée ne le précisait effectivement pas). Il montre en revanche, par cette première réponse, qu’il a immédiatement compris le mode de fabrication du stimulus (voir notre analyse de son mode d’appréhension). On peut toutefois y reconnaître aussi une attitude semblable à celle qu’il a pu avoir en entretien : d’abord laconique, descriptif, peut-être prudent, il se détend ensuite, dès qu’il a perçu la relation comme assurée et fiable. (Dans le Rorschach, la psychologue ne le contredit pas, mais confirme sa réponse tout en lui en demandant plus). La seconde attitude de Ronan n’est pas moins significative : il interroge la consigne par une question (comme il le fera encore une autre fois à la planche VII à propos du blanc central), mais sans attendre de réponse et d’autorisation pour faire comme il le souhaite. En l’occurrence, ces deux demandes portent sur la possibilité de regarder la planche à l’envers, puis de «considérer le blanc» (pl. VII) - c’est-à-dire, pour les deux fois, de traiter la tache différemment ou au contraire de ce qui semble attendu. Le mode d’entrée en relation que résument ces deux premières réponses (interprétation factuelle, puis question et retournement de la planche), rejoint ainsi ce que nous avons précédemment dit de l’esprit de synthèse de Ronan, et complète notre description de son attitude en situation d’entretien, faite d’abord d’inhibition prudente et de négation réactive («Nowhere man... L’homme de nulle part»). Ce n’est qu’après ce préambule qu’il commence véritablement à interpréter la tache, donnant tout de suite les deux premières des nombreuses réponses Barrière (Fischer & Cleveland) que nous donnera Ronan : c’est un objet qui couvre la tête (casque) et/ou qui la rend puissante (couronne, cornes). Ce n’est que secondairement (et après un retour à la position initiale de la planche) que Ronan peut nous donner une tête (et non plus un «couvre-chef») - mais animale et... «imaginaire», où subsiste d’ailleurs un autre appendice dur et pointu (après les cornes) : «un bec». Ainsi, la séquence des réponses de Ronan à la planche I «donne le ton», d’entrée de jeu. On y perçoit mieux sa «stratégie» d’inhibition première, sa capacité réelle d’initiative voire d’opposition, la composante agressive de sa problématique, la thématisation de celle-ci par une focalisation sur la tête, à la fois lieu de l’expression agressive («cornes», «bec») et de sa répression défensive («casque», défense par la fantaisie : «animal imaginaire», dévitalisation et restriction : «crâne... pas d’oreilles»). Le rouge de la PLANCHE II est tout de suite remarqué («ah, des couleurs !»)... mais pas directement interprété. La séquence des trois réponses données commence et finit par des localisations dans le blanc, qui à l’enquête seront soulignées comme «formes géométriques» (intellectualisation). Le rouge ne sera, de plus, clairement impliqué que de façon désignative d’abord (et en fin de réponse) : «les deux taches rouges» - et spécifiquement interprété seulement à l’enquête : «du sang». Bref, on peut ici parler d’un choc au rouge, dont nous avons déjà analysé la signification traumatique pour Ronan, brusquement confronté à une induction de violence. La maîtrise en est difficile, recourant à plusieurs procédés actifs et «pré»-symboliques (rotation de la planche, onomatopée, coup de poing sur la table), puis à une négation : «Marrant !... je vois pas vraiment». Invité à revenir sur le rouge latéral à l’enquête, Ronan s’attachera d’ailleurs à ne donner qu’une réponse-forme, laborieuse et peu convaincante, et qui trahit son malaise anxieux : «un corps bizarre... une tête mal formée... un monstre, quoi, bizarre... une tête déformée... « Comme nous l’avons remarqué, la PLANCHE III est la seule que Ronan ne manipule pas. Il ne la touche même pas et s’en tient à distance (recul). On peut penser que, cette fois encore, le rouge participe à cette réaction très défensive : le rouge ne sera interprété qu’à l’enquête, et au niveau des détails latéraux seulement, les plus extérieurs. Mais nous avons vu que l’implication humaine et relationnelle, bien perçue par Ronan, a certainement participé aussi à ce malaise. La seconde réponse (10) confirme la scotomisation du rouge et transforme la perception humaine (la première de tout le protocole) en une perception animale, plus limitée («coupée en deux»). C’est secondairement, à l’enquête, que se révélera toute l’agressivité latente dans ces deux réponses. Quant au rouge, il y sera abordé par la même entrée thématique que les «deux bonshommes», c’est-àdire la musique. Cas « Ronan » - analyse des réponses Rorschach / 5 Avec la PLANCHE IV, Ronan va nous donner d’autres réponses humaines et animales, pour la première fois vues de face. Il lui aura ainsi fallu quatre planches avant de pouvoir envisager la représentation d’une figure humaine ou animale entière et intégrant l’ensemble du stimulus ! Dans le même temps, on découvre pourquoi cela lui a été tellement difficile et pénible (tendance Clob de la réponse 11). La confrontation s’avère chargée d’une violence agressive extrême (par projection), à peine atténuée par le recours à la fantaisie (références cinématographiques, animal imaginaire) et par une prestance dénégative («ouais, c’est marrant»). Après un tel face-à-face, il n’est plus étonnant de trouver les deux réponses banales de la PLANCHE V curieusement contournées : l’oiseau est vu depuis un côté de la planche, la chauve-souris est retournée par une volte-face imaginaire («vue de dos»). Pas étonnant non plus de trouver «un dauphin... et puis la même chose de l’autre côté», et non deux dauphins. Pas étonnant, enfin, de constater le motif redondant du «bec» (oiseau, dauphin). La planche V, autrement dit, est abordée dans un effet continué de l’impact de la planche IV, celle-ci ayant très certainement touché au coeur même du problème de Ronan, ou au moins réveillé l’un de ses fantasmes fondamentaux. Nous remarquons aussi l’association bec/paire de ciseaux : s’agit-il d’une variante Objet du bec (un bec, ça pique et ça coupe) ? - ou bien d’une image de «castration» orale (opposition bec-oiseau / paire de ciseaux : «mais ce (ne) serait plus oiseau dans ce cas») ?... Avec la PLANCHE VI, on va retrouver des réactions et des procédés défensifs assez semblables à ce qui s’est produit à la planche II. Ronan le fait d’ailleurs lui-même observer : «comme l’oiseau tout à l’heure». Une fois de plus, il a très justement perçu la caractéristique principale de cette planche : la verticalité de la tache et le contraste axe/étendue. C’est, enfin, une nouvelle confrontation qui s’impose à lui (une figure animale entière, vue de face). La réaction à cette situation conflictuelle emprunte pratiquement les mêmes voies défensives qu’à la planche II : retournement de la planche, réponse différée, recours à l’évocation (onomatopée, geste) - mais sans parvenir à une intégration vraiment maîtrisée de l’impact anxiogène premier. Ce n’est que secondairement, après une fuite vers la périphérie de la tache (la réponse 19 est la seule localisation en Dd de tout le protocole) et par une nouvelle référence à la fantaisie voire à l’art (Druillet), que Ronan peut revenir au stimulus dans son ensemble - pour une image dédoublée (comme le «dauphin» de la pl. V), figurant un objet de guerre ! Ronan réintègre ainsi sa «cuirasse» de départ (voir aussi le casque explicitement protecteur donné à l’enquête), après une longue séquence de déstabilisation qui aura duré depuis la planche II. La PLANCHE VII va toutefois ramener Ronan à la même question que la planche III, à savoir : la relation duelle. Il va y répondre exactement de la même manière : contenu humain défini mais atténué, motif de la danse (musique), passage de l’humain à l’animal (réponse 22), réduction de la figure animale («un truc d’extra-terrestre à moitié»). La manière par laquelle Ronan traite dans un premier temps cette planche VII peut ainsi se lire en analogie étroite avec son traitement de la planche III - cette fois cependant dans un malaise anxieux plus net : «une danse bizarre... l’avant (de l’insecte) bizarre... un animal très curieux (enquête sur l’insecte)... » Mais, comme à la planche II, Ronan va bientôt pouvoir retrouver une autre de ses stratégies défensives, et affirmer le contrôle de son angoisse, repris à la fin de la planche VI et un instant menacé (début pl. VII) : il retourne la planche, interprète le blanc médian... et reprend le motif significatif de la tête casquée (protégée en même temps qu’agressive : «comme s’il y avait des pointes»). Remarquons que c’est après ce moment de «retour», de «remise en forme», que Ronan nous donne deux réponses d’un genre tout à fait inédit jusque là. La réponse 25 est énoncée sur le mode de l’anecdote-souvenir, tandis que la réponse qui suit nous présente pour la première fois un personnage de face qui ne soit pas agressif ou dangereux, mais «excentrique». Il est vrai qu’il ne s’agit pas d’un personnage entier, que sa coiffure constitue une forme de «couvre-chef» atténuée (cheveux et non plus casque), et qu’il n’a pas d’yeux ! Ronan retrouvera d’ailleurs les mêmes procédés défensifs et presque les mêmes interprétations, lorsque, au cours de ses réponses à la PLANCHE VIII, apparaîtra une nouvelle figure vue de face («une sorte de poisson plat») et un nouveau malaise anxieux (formulation hésitante de la réponse 30), après une autre réponse rappelant aussi la planche II (pl. II : «une raie», «un avion» - planche VIII : «une fusée au décollage», «un poisson plat»). Aussitôt réapparaît un casque, puis un masque, et la qualification peut-être dénégative du carnaval et du clown (= «excentrique» de la réponse 26). Il semble ainsi que, depuis la planche VI puis la planche VII, Ronan a retrouvé un fonctionnement plus assuré voire renforcé dans son équilibre défensif, et en particulier grâce à des procédés de dédramatisation que l’on peut interpréter comme une dénégation et un refoulement (on est passé de personnages inquiétants et casqués... à des personnages drôles et déguisés !). La réponse 25 marque ainsi un changement particulier dans l’attitude générale de Ronan au cours de ce protocole (son fonctionnement, toutefois, reste le même.) Ronan va maintenir la même attitude tout au long de ses réponses aux PLANCHES IX et X, non sans difficulté pourtant. Les divers êtres humains (surtout des visages) qu’il interprète à plusieurs reprises sont des personnages dont le caractère plus ou moins fantaisiste ne trompe pas Ronan lui-même, tendu, mal à l’aise, ou faussement distant (réponses 36, 37, 39, 40, 44). Même masqué ou déguisé, le face-à-face qui s’impose à lui à travers toutes ces réponses demeure anxiogène, le laissant assez démuni du point de vue de ses possibilités défensives et adaptatives (la qualité formelle de ces réponses est souvent médiocre). A l’évocation d’un face-à-face problématique s’ajoute, il est vrai, la difficulté pour lui de maintenir son appréhension globale habituelle (structure morcelée des taches VII à X). Ronan alterne avec les contenus Hd ou (H) quelques réponses d’un tout autre genre. La réponse 38, intercalée entre un «masque de carnaval» peu assuré et un «Louis XVI» distant, constitue le seul D interne (intra-maculaire) produit par Ronan, peut-être par l’effet de son attention alors focalisée sur le blanc central (comme en témoignent les réponses 37 et 39). Il nous donne là un type d’appréhension tout à fait exceptionnel chez lui, bien qu’il ait perçu à plusieurs reprises des parties internes des taches. D’un point de vue dynamique, c’est avec cette réponse 38 qu’il retrouve, un instant, une meilleure qualité de perception. Remarquons que Ronan ferme alors un oeil : Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 6 pour séparer les deux crocodiles qu’il aperçoit (= «dauphin» de la pl. V) ?... La kinesthésie animale de la PLANCHE X (réponse 41) revient d’ailleurs à de la dualité... et à la conflictualité agressive que cela entraîne pour Ronan. Notons que cette scène animale survient après une réponse qui a troublé Ronan par son incomplétude formelle supposée («on voit pas le haut»), et qu’elle s’organise autour d’un «périscope» (vu aussi dans le haut de la planche retournée), ce qui semble supposer un rapport bas/haut et peut-être dedans/dehors, médiatisé par cet instrument. On peut ici suggérer que l’échec partiel de Ronan à maintenir, pour la réponse 40 qui a précédé, une complétude formelle, a fragilisé ses défenses par fermeture ou couverture et, un instant, réactivé l’agressivité interne, violente, menaçante qu’il cherche constamment en endiguer. A l’occasion, on remarque aussi la mention «un air belliqueux», dont on peut se demander si elle ne refléterait pas une tendance paranoïde. La remarque de l’enquête («ils ont pas l’air méchant ?») est peut-être davantage une recherche de connivence avec la psychologue. Quoi qu’il en soit, avec la réponse 41 se repère un nouveau moment critique, de déstabilisation des processus de refoulement et de contention (mode d’appréhension, réponses Barrière) propres à Ronan à l’encontre de ses pulsions agressives. Il ne s’agit pas d’une rupture de la frontière dedans-dehors comme dans les réponses psychotiques ou borderline : la qualité formelle reste bonne, adaptée, et le reste du protocole ne manifeste, à aucun moment, d’incertitude ou de vulnérabilité des contours. Par contre, c’est la forme comme moyen de contention (et non de contenance) et de contrôle à distance (périscope) qui a connu ici une faille. En témoigne la réponse qui suit où, cette fois, ce sont des yeux qui sont crevés, d’où s’échappe une couleur. Les deux réponses 41 et 42 (auxquelles on peut ajouter la CF de la réponse 43) constituent ainsi une séquence forte, manifestement complexuelle, qu’on peut supposer en relation de conséquence avec l’échec relatif de la réponse 40. Tâchons de la restituer : Face à cette planche X difficile à interpréter selon le mode d’appréhension propre à Ronan, et qui vient après une planche IX déjà éprouvante pour lui, Ronan tente une nouvelle réponse de visage humain, mais sans tout de suite parvenir à l’aménager sur le mode de la fantaisie adopté depuis la planche VII. La forme de ce visage, de plus, est incomplète, dépourvue de haut. Même par la qualification «chauve», Ronan ne réduit pas cette absence de «couvrechef» (chauve = pas de cheveux !). Le changement de position de la planche (souvent significatif chez lui d’une réaction défensive) ne lui permet toujours pas de trouver la globalisation optimale recherchée («impression d’insatisfaction, de surprise»), ni surtout d’éviter le surgissement agressif, conflictuel, à peine atténué par le contenu animalier (il s’agit d’ailleurs d’animaux anthropomorphisés : ils regardent dans un périscope et ont des armes !). Le motif des yeux et du regard, dont nous avions pu jusqu’ici seulement soupçonner l’importance, se confirme comme particulièrement sensible, impliqué dans la problématique d’ensemble. Organe de contrôle et de mise à distance (périscope), ils sont ici connotés d’une valeur pathique forte, à la fois active, expressive («du vert» : quasiment C pure... «qui coule») et passive (dans un retournement agressif : «yeux crevés»). Ce n’est qu’après la séquence des réponses 41 à 43, que Ronan peut revenir au visage humain, cette fois bien repris dans la construction fantaisiste recherchée, et doté d’un «espèce de truc en pic» (en haut)... d’un «casque à pointe» (enquête). L’équilibre se trouve ainsi rétabli, entre expression et répression, entre pulsions agressives et contrôle défensif. Quelques commentaires, enfin, à propos de l’épreuve des choix. On n’est pas trop surpris de trouver, parmi les planches préférées, les planches III et VIII, qui sont sans doute celles où Ronan a su le mieux affronter l’épreuve de la figuration humaine : introduisant en III le motif de la musique, et développant à partir de la VIII celui des masques et des personnages grimés. Le commentaire de la planche VIII semble, d’autre part, suggérer une synthèse possible des diverses interprétations données à cette planche : satisfaction de Ronan à pouvoir accomplir une contamination aussi adroite, dans le sens de son mode d’appréhension ?... On peut être plus surpris par son choix positif des planches IX et IV, moins heureusement traitées par Ronan au moment d’y répondre. Elles ont en commun d’avoir suscité l’interprétation «extra-terrestre» (réponses 13 et 36). Est-ce un autre constat de satisfaction pour Ronan ? (Extraterrestre = une variante de Nowhere man ?...) Relevons que les quatre planches classées parmi les préférées sont toutes qualifiées par la formule «c’est marrant», dont nous avons vu qu’elle tient, dans le discours de Ronan, une fonction principalement dénégative. Cela signifierait-il que ces choix, bien qu’apparemment positifs, ne sont cependant pas dépourvus d’un certain malaise ? Quant aux planches non aimées, Ronan est moins explicite dans ses commentaires. On peut deviner que les planches I et X lui rappellent des moments particulièrement traumatiques du protocole. Pour la planche V, c’est plutôt sa position après la planche IV qui en a rendu le traitement difficile pour Ronan, comme on l’a vu. Le même effet de déplacement se répéterait-il ici dans ce choix négatif de la planche V, alors que la planche IV est retenue parmi les choix positifs ? DISCUSSION DIAGNOSTIQUE Diagnostic psychodynamique et structurel On a vu, dans la présentation du sujet, le diagnostic psychiatrique évoqué à propos de Ronan : « état dépressif de l’adolescent, mode d’entrée dans la psychose, état réactionnel ». Que nous apporte le test de Rorschach au regard de ces hypothèses ? Il faut ici être prudent, car nous avons affaire à un adolescent et qu’à cet âge il est souvent encore difficile de parler d’organisations structurelles bien définies. Ronan, de plus, est dans une situation existentielle et psychique critique (deux tentatives de suicide récentes) et peut-être soumis à un traitement psychopharmacologique qui modifie son fonctionnement psychique habituel. Il n’est cependant pas impossible de repérer des problématiques et des mécanismes identifiables selon le critère des grandes lignées structurelles connues. Il nous paraît peu probable, au vu du Rorschach de Ronan, qu’il s’agisse chez lui de psychose. Si la qualité formelle de ses réponses est faible, celles-ci n’impliquent jamais de faillites ou de fragilités de l’objet (au sens psychanalytique de « relation d’objet »). On ne retrouve jamais, dans les réponses de Ronan, la problématique de constitution d’une frontière (rapport dedans-dehors) et d’une cohérence unitaire (individuation), caractéristiques des réponses psychotiques – ni la fragilité narcissique, la Cas « Ronan » - analyse des réponses Rorschach / 7 relation d’objet anaclitique et la lutte contre une dépression abandonnique typiques des protocoles borderline (personnalités dites « limites » ou état limites, selon la nosologie de J. Bergeret). Le type et la qualité des modes défensifs confirment également cette exclusion différentielle : pas de déni, ni de projection massive, incontrôlée ; pas de réponses incohérentes (contaminations, illogismes), ni de clivage ; pas de dévitalisations proprement dites (= confusion animé / inanimé, desséchement, pétrification, pourrissement…). Même si l’on a, à plusieurs reprises, des interprétations confabulées et des contenus fantastiques, ces réponses ne sont jamais totalement inadaptées. Ronan conserve en général une conscience interprétative, qui peut même se faire finement critique et auto-correctrice. Ses réponses de fantaisie empruntent largement à tout un imaginaire socioculturel contemporain (et propre à son âge et à sa génération) issu de la bande dessinée, du cinéma et de la littérature de fantasy, de façon explicite (citations, références). Pour autant, comme on l’a constaté au cours de notre analyse de ces réponses, ces contenus ne sont pas aléatoires et ne semblent pas relever d’une « simple » défense par références culturelles (rationalisation, discours de séduction voire de connivence à l’adresse de la psychologue). Ce qui domine, en revanche, dans les réponses Rorschach de Ronan, est une agressivité constante et intense, et les très nombreuses tentatives de maîtriser celleci. On remarque d’ailleurs que cette agressivité s’exprime tout au long du protocole de Ronan de façon progressive mais très tôt : d’abord discrète (latente) dès la planche I (« cornes », « bec », images de couvre-chef), elle émerge brutalement à la pl. II (« oiseau écrasé »), et se trouve de nouveau atténuée à la pl. III (« araignée » qui se révèlera après coup sous-tendue par une attaque de la psychologue à l’enquête). Les réponses suivantes, aux planches IV à IX, alternent des expressions défensives de cette agressivité, retenue, contenue notamment par des masques et des couvre-chefs ; et d’autres plus franches, moins contrôlées mais toujours assez précises (F+ % moyen-fort). De cette agressivité, nous avons retenu : 1) qu’elle se déployait principalement dans un registre sadique-oral, et en partie sadique-anal (« canon » d’un bateau de guerre, rép. 20 ; « fusée au décollage », rép. 28) ; 2) qu’elle pouvait s’accompagner d’une réponse gestuelle directement agie (réponses 7 et 18) ou clairement suggérée dans la relation actuelle avec la psychologue (enquête réponse 10) ; 3) que cette agressivité pouvait être soit agie (altéro- ou extéro-centrée), soit (plus rarement) subie (= figures vues de face, qui vomissent ou crachent, des rép. 12 et 13 – ou de façon plus atténuée, références répétées aux yeux et au regard, devenu nettement hostile, « belliqueux », à l’enquête de la rép. 41). On n’observe cependant aucune réponse témoignant clairement d’un retournement de l’agressivité sur soi (nous pensons aux tentatives de suicide de Ronan) ; 4) que l’agressivité, bien que faisant l’objet de plusieurs atténuations défensives, n’est jamais accompagnée d’angoisse de culpabilité franche (pas d’annulation, de retournement dans le contraire, de dénégation, d’expression de malaise anxieux à l’égard de la psychologue…). Enfin, notons que Ronan est capable d’évoquer des relations humaines différenciées (sexuation des personnages, attribution d’une action précise), qui restent 1 cependant en-deçà de toute conflictualité. La conflictualité est plus franche – mais « armée » – lorsqu’il met en scène des figures animales (rép. 41, pl. X). Nous avons noté que le face-à-face direct est violent et dangereux. Tous ces éléments, sans totalement valider l’hypothèse d’une organisation de personnalité névrotique (pas d’indices d’érotisation des relations ou des objets, ni de rivalité oedipienne, ni d’angoisse de castration), se rapprochent toutefois davantage de ce type de personnalité et de problématique que d’une organisation psychotique ou « limite ». Toutefois, les aménagements défensifs utilisés par Ronan, qui relèvent d’une importante inhibition avec des aménagements défensifs coûteux (= travail psychique intense), rigides (= peu variés) et fragiles (= d’une efficacité inégale), pourraient se développer dans le sens d’angoisses paranoïdes et de défenses par clivage (du moi ou de l’objet) d’un tout autre ordre. Si l’on revient aux hypothèses diagnostiques émises par le psychiatre référent de la prise en charge médicale de Ronan, il est certain que celui-présente un état dépressif, que nous dirions plutôt critique que « réactionnel », sur le fond d’une problématique complexe, dans un registre plus probablement névrotique (conflictualisation oedipienne en latence, non résolue), mais sur le fond aussi d’un surinvestissement (« fixation » dans le vocabulaire freudien) de l’oralité sur un mode sadique-oral. Nous ne repérons pas de signes clairs et francs d’un risque de décompensation psychotique ou d’ « entrée dans la psychose ». Diagnostic de la situation-problème actuelle Comme à chaque fois que l’on choisit d’utiliser des tests lors d’une investigation psychologique, il convient de rechercher ce que les résultats de ceux-ci peuvent nous apporter comme éclairage pour comprendre le problème actuel du sujet, en l’occurrence ses deux tentatives de suicide récentes et connues, ayant conduit à son hospitalisation en établissement psychiatrique. Nous ne disposons malheureusement pas d’informations sur les circonstances de ces deux T.S. Non pas que ces circonstances suffiraient à elles seules à « expliquer » ces actes : à des circonstances ou épreuves de vie identiques, tous les individus ne réagissent pas de la même manière mais selon la résonance subjective qu’elles prennent pour chacun et en fonction de leur personnalité et de leurs vulnérabilités psychiques propres. Ce qui nous aurait intéressés de pouvoir éclaircir ici est non seulement à quoi Ronan a répondu par ses deux T.S. (et par d’autres symptômes éventuels que nous ne connaissons pas) – mais surtout ce qui a pu produire en lui, et tel qu’il est, une décompensation l’ayant conduit à de tels actes. Par ailleurs, de quel type d’acte s’agit-il ? En effet, un agir symptomatique peut avoir plusieurs « visées », ou plutôt plusieurs fonctions, le plus souvent inconscientes quant à ses motifs psychiques, au-delà des « mobiles » conscients éventuellement allégués, par le sujet et/ou par autrui (témoins, proches, soignants) à son propos. Autrement dit, quel type de solution à ces épisodes de décompensation, ces agirs traduisent-ils ? On ne peut ici qu’émettre quelques conjectures et les discuter de façon différentielle. (Voir document joint en 1 - Il ne s’agit pas ici d’un déni de toute conflictualité (ou a-conflictualité) comme dans les fonctions « limites », mais bien de conflictualité inhibée (refoulement), retenue, comme en témoignent les nombreux indices d’agression agie et/ou subie, et surtout les réponses aux pl. VI et X. Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 8 annexe sur les différents types d’agirs, selon la psychopathologie psychiatrique et psychanalytique.) Pourrait-il s’agir d’un acting out (« acte-symptôme » au sens de Braconnier) ? – Cette hypothèse n’est pas invraisemblable, compte tenu de l’agressivité importante ici en jeu et de la conflictualité latente refoulée. En ce cas, les T.S. de Ronan serait peut-être un « appel à l’aide » comme on le dit souvent de ce type de T.S., mais peut-être aussi une manière indirecte d’attaquer autrui par le détour d’une auto-agression (retournement sur le moi). Remarquons au passage l’ambiguïté de l’expression « tentative de suicide » qui peut renvoyer tantôt à un essai, plus ou moins risqué, de « jouer » de- et par- sa propre disparition, parfois par défi, d’autres fois pour s’accorder un répit plus ou moins dépressif (« je voulais dormir », « je voulais me reposer ») ; tantôt un suicide manqué, aux motifs très variés et dont « l’échec » est toujours à interroger. Notons également le caractère symbolique (au sens de « symbolisation ») du mode opératoire (modus operandi) choisi par Ronan, qui s’inscrit dans le registre érotique-oral (ingestion massive d’hypnotiques, familièrement appelés « somnifères ») et qui s’attaque à la tête (surinvestie par Ronan) et à la fonction respiratoire (pendaison). Il y aurait là un « choix du symptôme » (Freud) de type plutôt névrotique, en cohérence avec l’hypothèse d’une mise en acte (actesymptôme névrotique). Il n’est pas impossible cependant que les agirs suicidaires de Ronan puissent relever d’un passage à l’acte. Son impulsivité soudaine, qui contraste fortement avec sa retenue ordinaire, et le fait que le langage ne puisse pas tout à fait « résorber » une agressivité ou une violence agie (réf. aux réponses parlées-agies aux pl. II et VI au Rorschach) pourraient aller dans le sens de cette hypothèse. Toutefois, a contrario, Ronan montre au Rorschach des capacités de représentation et de symbolisation plutôt élaborées et assez bien contrôlées. On n’observe, à aucun moment de ses réponses, même dans les passages les plus critiques, de vacillements de sa perception et de son travail interprétatif, ou de sortie du « cadre » de la situation-test. Si impulsivité il y a bien chez Ronan, elle ne semble pas liée à une tendance à se couper de l’autre (l’éjection « hors scène » selon Lacan) ou à se décharger d’un « vide intérieur » angoissant (Balier). Si « passage à l’acte » il y a eu, ce pourrait être par impossibilité actuelle de Ronan à affronter directement l’autre, ou un certain autre (paternel ?) (refoulement intense de toute conflictualité par surcharge d’agressivité) et pour lui échapper dans une fuite radicale. Le mode opératoire des T.S. de Ronan correspond mal, toutefois, à une telle dynamique de raptus irréfléchi et immédiat. Cette seconde hypothèse reste cependant ouverte, faute d’informations suffisantes sur les circonstances des T.S. de Ronan. Dans le cas de Ronan, on peut dire qu’il présente actuellement une dangerosité (psychologique), d’abord pour lui-même mais éventuellement aussi pour autrui, en raison de la problématique d’agressivité que nous avons dégagée de ses réponses au Rorschach. Cette même problématique le limite, de plus, dans ses essais de socialisation, et plus largement dans ses relations aux autres. Ronan est cependant capable de rencontrer autrui, mais indirectement, notamment par une médiation à la fois culturelle, agie et sensorielle bien précise : la musique (la seule relation humaine positive, constructive, évoquée dans son Rorschach est le « tambour » entre les personnages de la pl. III, en écho peut-être de la relation clinique actuelle avec une jeune étudiante en psychologie, avec qui il trouve un sujet de conversation, fortement investi et riche de sens pour lui : la musique !). Nous relevons par ailleurs que Ronan dispose de bonnes capacités de symbolisation, de verbalisation et surtout de réflexion (il est capable d’examiner spontanément, de commenter ses réponses au Rorschach et d’essayer de les améliorer en retour). Ce sont là de bons indicateurs pour un possible accès à une relation psychothérapeutique. Il vaudra mieux cependant ne pas lui proposer, du moins d’emblée, une relation thérapeutique imposant le seul faceà-face, actuellement trop « frontal », dangereux pour lui (d’où sans doute son repli taciturne lors des entretiens précédemment proposés par l’équipe soignante), ni un dialogue peu « cadré », peu directif. Une modalité de relation comme celle qu’a mise en place, intuitivement, la jeune psychologue (thème de la musique, utilisation d’une activité « médiatrice » concrète et support et cadre de verbalisation) semble préférable, du moins dans un premier temps – y compris dans les activités éventuelles à proposer à Ronan lors de son hospitalisation (pas de groupe de parole par exemple, mais plutôt une activité en petit groupe autour d’un jeu individuel à plusieurs, aux règles précises, telle une activité… musicale !). Perspectives pronostiques Par « pronostic » nous n’entendons évidemment pas une prédiction du devenir de Ronan. Toute évaluation diagnostique doit apporter des éléments de compréhension de la personnalité et/ou du « fonctionnement psychique » d’un sujet, et nous permettre ainsi de repérer ses ressources comme ses vulnérabilités ainsi que les contextes et circonstances qui peuvent favoriser l’essor de ces ressources ou au contraire placer le sujet dans des « impasses » l’exposant à ses vulnérabilités (décompensation, essais symptomatiques plus ou moins « réussis » de recouvrer cet équilibre psychique perdu de façon épisodique, ponctuel, ou de façon chronique). Cas « Ronan » - analyse des réponses Rorschach / 9 C.B. – mars-avril 2016 Annexe Les différents types d’agirs Point de vocabulaire : a) En psychologie et en criminologie, on a pris l’habitude de parler de passage à l’acte pour désigner toute conduite agie d’agression ou de violence, que celle-ci soit altéro- ou extéro-orientée ou auto-orientée, et que ce soit envers une personne ou une chose. b) En psychanalyse, de nos jours, on emploie plutôt le terme générique agirs pour désigner globalement toute conduite agie, quels qu’en soient l’objectif et la dynamique. Typologie des agirs : 1. Chez Sigmund Freud, le terme « acte » apparaît dans la notion d’acte manqué, en allemand : Fehlleistung (Leistung : accomplissement, réalisation ; fehl : mal placé, déplacé, pas de mise, manqué, raté) pour désigner l’accomplissement « mal venu » d’un acte conscient perturbé ou remplacé par un autre acte, expressif d’une intention nonconsciente opposée et refoulée. L’acte manqué relève donc d’un « retour du refoulé ». En ce sens, l’acte manqué est à l’agir ce que le lapsus est à la parole. 2. Freud emploie aussi le terme allemand Agieren, qui signifie : mettre en acte, jouer (au sens dramatique, théâtral), pour désigner la mise en acte par laquelle le patient en cure remplace par un acte ou une conduite agie le travail de remémoration (Freud associe souvent, pour les opposer, Agieren ou « mise en acte » au verbe errinern : se souvenir). « [Le patient], pour ainsi dire, met en acte devant nous au lieu de nous informer. » (Freud, Abrégé de psychanalyse, 1938, trad. fr., PUF, 1975, p. 44). Pour Freud, la notion de « mise en acte » relève donc d’abord de la théorie de la cure psychanalytique (« technique psychanalytique »). La mise en acte correspondrait ainsi à une actualisation transférentielle, qui obéit à la répétition et qui recourt à l’action motrice au lieu de s’exposer à la remémoration. Plus tard, un autre auteur (Jacob Moreno, l’inventeur du psychodrame) proposera de parler d’acting out pour désigner cette forme de résistance au travail thérapeutique. Par extension, on parle parfois de « mise en acte » ou d’ « acting out », ou encore d’actes-symptômes (Alain Braconnier), pour désigner une conduite agie qui exprime symboliquement mais inconsciemment, et à l’adresse d’un autre, un désir ou un conflit refoulé. Le modèle d’une telle « mise en acte » est l’acte-symptôme névrotique. 3. Le terme passage à l’acte est plus ambigu. En psychiatrie, il désigne un acte le plus souvent agressif et violent à caractère fréquemment impulsif et parfois délictueux (Maurice Porot). En psychanalyse, Jacques Lacan reprend et interprète la définition psychiatrique, en distinguant le passage à l’acte et l’acting out. Selon lui, en effet, le passage à l’acte correspondrait à une faillite momentanée du sujet dans une situation où celui-ci s’identifie totalement au désir d’un Autre, au regard duquel il lui semble ne plus pouvoir exister. Entendu en ce sens, le passage à l’acte n’est pas forcément agressif ou transgressif. Il peut aussi prendre la forme de la fugue ou du suicide, par exemple. A la différence de l’acting out, nous dit Lacan, le passage à l’acte ne s’adresse pas à un autre, mais correspond au contraire à une sortie du sujet « hors de la scène du monde » (Lacan, 1963). Le prototype du passage à l’acte ainsi défini est celui du raptus psychotique, c’est-à-dire une manifestation paroxystique caractérisée par une Cas « Ronan » - réponses Rorschach / 10 irrépressible émergence émotionnelle (angoisse) et qui réalise sous une forme soudaine une conduite agie, souvent destructrice et parfois transgressive. 4. Plus récemment, le psychiatre et psychanalyste Claude Balier (1997) a également proposé la notion de recours à l’acte. Il s’agit alors d’une issue exclusivement économique en réponse à une excitation générée par une terreur sans nom (de l’ordre de l’irreprésentable). L’angoisse n’est pas perçue par le sujet, l’acte apparaît absurde et inattendu. C’est un agir de toute-puissance, automatique, permettant d’échapper à une menace d’effondrement réactivée par un stimulus. Balier distingue le recours à l’acte du passage à l’acte, qui selon lui est un agir défensif contre l’angoisse liée à des représentations psychiques qui ne peuvent être contenues et génèrent une décharge motrice immédiate ( « passage à l’acte » selon Lacan). En résumé : En psychiatrie, le passage à l’acte (ou raptus) est un comportement le plus souvent agressif et violent, à caractère fréquemment impulsif et délictueux (Porot). En criminologie, on utilise le terme de passage à l’acte dans une acception proche de celle de la psychiatrie, mais de manière élargie : tout comportement d’agression ou de violence, éventuellement judiciarisable comme infraction. En psychanalyse (et en psychologie clinique d’inspiration psychanalytique), le passage à l’acte est un type particulier de conduite agie. D’où l’utilisation du terme agir, plus général, lui-même distingué et décliné en : acte manqué (Freud) : acte conscient perturbé ou remplacé par un autre acte, non contrôlé, expressif d’une intention inconsciente opposée (refoulée) ; mise en acte (Freud) ou acting out, ou encore acte-symptôme (Braconnier) : conduite agie qui exprime symboliquement mais inconsciemment, et à l’adresse d’un autre, un désir ou un conflit refoulé ; passage à l’acte (Lacan) : correspond à une faillite momentanée du sujet dans une situation où celui-ci s’identifie totalement au désir d’un Autre, au regard duquel il lui semble ne plus pouvoir exister (le sujet se laisse choir « hors de la scène du monde » [Lacan] et de la relation), dans une sorte de « moment psychotique » ou d’ « épisode forclusif » (J.D. Nasio) ; recours à l’acte (Balier) : décharge d’énergie psychomotrice sans représentation, en lien avec une excitation psychique interne irreprésentable. Cas « Ronan » - analyse des réponses Rorschach / 11