Dossier spécial Lyon - Espace Francophone de Pneumologie
Transcription
Dossier spécial Lyon - Espace Francophone de Pneumologie
15/01/07 15:57 Page 23 11e Congrès de pneumologie de langue française Lyon : une ville inscrite au patrimoine mondial de l’humanité Vue aérienne de Lyon D o s s i e r s p é c i a l Ly o n IR77-P23-39 © Laurent Berthier – Photographie Caméleon /Office du Tourisme de Lyon Depuis la fondation de Lugdunum (colline de la lumière, ou colline des corbeaux) sous les Romains, au Ier siècle av. J.-C., Lyon est riche de deux mille ans d’histoire. Visite guidée… S on statut de « Capitale des trois-Gaules » lui valut, pendant trois siècles, une certaine suprématie, jusqu’à la décadence romaine. Au XIe siècle, Lyon reprend son souffle lorsque l’Église la proclame siège du Primat des Gaules. Sa prospérité ne cesse alors d’augmenter pour atteindre, à la Renaissance, son apogée. Dès la fin du XVe siècle, l’apparition de grandes foires, le développement de la banque attirent les commerçants de toute l’Europe, et l’élite s’y installe. L’expansion perdure. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la soierie lyonnaise s’exporte dans le monde entier (voir article pages 31-32). La ville se développe et s’équipe d’hôpitaux (voir articles pages 34-35), de places et d’édifices de qualité (voir article page 29). Après l’arrêt de la Révolution française, Lyon s’industrialise sous l’Empire, et son urbanisation, cette fois « haussman- nienne », se poursuit. Lyon connaît une période sombre lors des révoltes des canuts (ouvriers de la soie); cependant, la puissance de la ville demeure. Lors de la Seconde Guerre mondiale, la « Capitale des trois-Gaules » devient la « capitale de la Résistance ». Puis c’est un nouveau défi: l’Europe. La ville s’investit alors dans le développement des transports, d’infrastructures d’accueil et d’équipements culturels et dans la création, en 1960, du quartier d’affaires de la Part-Dieu. Dans les années 1980, un nouvel élan est donné afin d’améliorer les équipements structurants de la métropole, où vont se côtoyer en toute harmonie vestiges du passé et définition de l’avenir. Ces marques de l’histoire sont inscrites dans le patrimoine et l’urbanisme de la ville que nous vous invitons, lors du 11e CPLF, à découvrir. INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 23 IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 24 À travers la ville… FOURVIERE (CITÉ GALLO-ROMAINE) Les vestiges romains, la « colline de Fourvière » et son théâtre, le temple de Cybèle et l’Odéon témoignent, à eux seuls, de la puissance de la cité (Lyon est la seule ville en France à posséder un chantier de fouilles permanent). La basilique de Fourvière marque la « colline qui prie », symbole de la dévotion lyonnaise au XIXe siècle. La Basilique de Fourvière Le petit théatre de l’Odéon Le théatre Gallo-Romain © Edmund Hazlewood/Office du Tourisme de Lyon © Patrice Pierart © Patrice Pierart LA CROIX-ROUSSE Surnommée par Michelet la « colline qui travaille », c’est le milieu de la soie, l’histoire ouvrière de la ville au XIXe. Vous remarquerez de très hauts immeubles avec de nombreuses fenêtres. Ils abritaient les métiers à tisser des canuts, dimensionnés pour contenir les imposants métiers à bras et les nouvelles mécaniques inventées par Jacquard (voir article pages 31-32). Des passages nord-sud dans le sens de la pente, les fameuses traboules, furent créés pour faciliter la circulation des piétons. À la même époque, les Lyonnais passent le Rhône, urbanisent la rive gauche avec de belles bâtisses « haussmanniennes » et industrialisent à l’Est dans les 7e et 8e arrondissements. Persistent d’intéressants bassins de culture ouvrière (quartiers Mermoz et États-Unis de Tony Garnier, la CitéJardin de Gerland). La grande Côte © Marie Perrin/Office du Tourisme de Lyon À découvrir ● L’immeuble des Voraces (pour son escalier de conception très moderne). ● L’amphithéâtre des Trois-Gaules (vers 19 apr. J.-C., le plus ancien des amphithéâtres gallo-romains.) ● Le Grenier d’abondance (1720, réserve de blé pour la consommation des Lyonnais). La cour des Voraces © Dancette/Office du Tourisme de Lyon ● Les Subsistances, ancien couvent de Sainte-Marie aux chaînes du XVIIe siècle. ● La résidence Villemanzy, ancien monastère des dames de Sainte-Élisabeth (magnifique point de vue sur le Rhône). ● L’église XVIIIe Saint-Bruno des Chartreux (style baroque, dôme du siècle par Soufflot. Exemple de couvents d’avant la Révolution). L’amphithéâtre des Trois-Gaules © Dancette/Office du Tourisme de Lyon 24 INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 26 En traversant la Saône, vous pénétrez dans le Vieux-Lyon À visiter ● L’hôtel de Gadagne ● La Loge du Change ● Le palais Saint-Jean ● La Maison des avocats ▲ La cour Saint-jean © Dancette/Office du Tourisme de Lyon La cathédrale Saint-Jean © Dancette/Office du Tourisme de Lyon ▲ LE VIEUX-LYON (PÉRIODE RENAISSANCE) La loge du Change © Patrice Pierart Vous pourrez visiter : La cathédrale Saint-Jean. Elle conserve une abside romane mais elle est gothique par ailleurs et possède une horloge astronomique avec une rosace centrale. Sa chapelle des Bourbons fut construite à une époque plus tardive (XVe siècle). ● ▼ La maison des avocats © Patrice Pierart L’église Saint-Paul, de style roman, avec son clocher octogonal, et ses fresques datées de 1480. ● L’église Saint-Georges, construite au XIXe par Bossan, architecte de la basilique de Fourvière. Les maisons médiévales ont été agrandies et embellies aux XVIe et XVIIe siècles. ● Entre les deux rives : La presqu’île LA PRESQU’ILE La rue Mercière en son centre était, au Moyen Âge et sous la Renaissance, le secteur de l’activité marchande et de l’imprimerie. De petites rues et traboules médiévales contrastent avec les grandes percées de l’époque Napoléon III. Elle s’enrichit de prestigieux bâtiments à partir du XVIe siècle : l’Hôtel de Ville (1646, S. Maupin, restauré par J. Hardouin-Mansart suite à l’incendie de 1674, décor intérieur Second Empire), La rue Mercière © Edmund Hazlewood /Office du Tourisme de Lyon 26 INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 l’abbaye Saint-Pierre (VIIe siècle, ancien couvent des Dames de Saint-Pierre, entièrement reconstruit au XVIIe siècle, réhabilité en 1803 en musée et son cloître, un jardin public) et l’HôtelDieu (XIIe siècle, réaménagé en 1779 par J.-G. Soufflot). De grands aménagements urbains imposent, au XIXe siècle, le percement de grandes artères reliant les Terreaux à la place Bellecour (voir page 29). C’est 15/01/07 15:57 Page 27 D oss i e r sp é c i al Lyon IR77-P23-39 aujourd’hui un quartier très commerçant où sont concentrés banques, boutiques, grands magasins et cinémas. L’animation, est renforcée par la présence de nombreux cafés et restaurants ainsi que par des équipements culturels majeurs. Vous trouverez place des Célestins : le théâtre des Célestins (1877, G. André), l’Opéra (1829, Chenavard et Pollet, rénové et surmonté d’une voûte en verre par J. Nouvel, en 1990), le musée SaintPierre, et enfin, le palais de la Bourse (Dardel, 1862). L’Opéra © Patrice Pierart La place des Terreaux, la fontaine Bartholdi La place Bellecour, statue de Louis XIV © Laurent Berthier – Caméléon Photographie/Office du Tourisme de Lyon © Laurent Berthier Photographie-Caméleon /Office du Tourisme de Lyon Une traboule © Dancette/Office du Tourisme de Lyon La place de la Bourse © Laurent Berthier – Caméléon Photographie /Office du Tourisme de Lyon À voir Saint-Bonaventure (XIVe et siècles, nombreuses modifications). ● Église XVe Saint-Nizier (XVe siècle, intérieur gothique flamboyant). ● Église ● Basilique Saint-Martin-d’Ainay (XIIe siècle, romane). Église Saint-Nizier – © Patrice Pierart INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 27 IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 28 LA PART-DIEU : FUTUR QUARTIER D’AFFAIRES EUROPÉEN Signifiait au Moyen Âge « la propriété de Dieu ». C’est le second centre de Lyon, la tour du Crédit Lyonnais, dite « le Crayon », constitue, comme la basilique de Fourvière à laquelle il fait face, un repère visuel pour les promeneurs. Il s’urbanisa au milieu du XIXe, lorsque la partie Est du Rhône fut reliée à la presqu’île par la construction de ponts, et la commune de la Guillotière rattachée à Lyon. Ce quartier est devenu un centre régional de décision avec la bibliothèque municipale, l’auditorium, la tour du Crédit Lyonnais et la gare TGV. La Tour du Crédit Lyonnais © Patrice Pierart La Cité internationale de Lyon vous attend ! Promenade en vélo, deux possibilités s’offrent à vous : ● La Cité des Congrès © UMR CNRS MAP ENSA Située entre le Rhône et le parc de la Tête d’Or, ce site, qui accueillit jusqu’en 1984 la Foire internationale de Lyon, vous accueillera en février pour le 11 e CPLF. La conception architecturale est signée de l’Italien Renzo Piano et la conception paysagée de Michel Corajoud. Un environnement protégé grâce à l’extension du parc de la Tête d’Or de 10 hectares d’espaces plantés et au réaménagement des berges du Rhône conduisant à la création d’une promenade piétonne et cycliste de 30 km (et, si vous le souhaitez, vous pourrez vous promener en vélo-taxi, voir encadré). La gare TGV de la Part-Dieu se trouve à 5 minutes, l’aéroport de Bron à 10 minutes et celui de Lyon Saint-Exupéry à 20 minutes. Il est situé à proximité du périphérique nord permettant de rega- 28 gner le réseau autoroutier français et européen. Son implantation au cœur de la ville le relie directement aux autres quartiers de Lyon Et pour la petite histoire : INTERPOL, l’organisation internationale de police criminelle, y a installé son siège mondial. On notera également que le sommet des 7 pays les plus industrialisés du monde a eu lieu à la Cité internationale en juin 1996. Citons enfin un casino, un pôle culturel avec Ciné Cité, un multiplex cinématographique UGC, un musée d’art contemporain et un pôle résidentiel. Il y en a pour tous les goûts! INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 Version sportive : les stations Vélo’v mettent à votre disposition des vélos à la sortie du congrès, c’est simple: vous vous identifiez, vous prenez votre vélo, vous circulez, vous le raccrochez à une autre station du réseau. Vous avez juste besoin de votre carte de crédit, choisissez la carte courte durée, le prix: de 30 minutes à 1h30: 0,50 € ; par heure suivante: 2 €, frais de carte: 1 € ; les 30 premières minutes sont gratuites. ● Version taxi: Cyclopolitain vous conduit tel un taxi au moyen de cyclo électrique dans Lyon. Seule chose à faire, leur téléphoner au 0478303590; un quart d’heure plus tard ils viennent vous prendre à la sortie du congrès pour une visite culturelle (course individuelle ou en groupe). Le prix: 1 € par personne et par km plus 1 € forfaitaire lors de la prise en charge. Une façon très sympathique de découvrir Lyon. © Cyclo 3 15/01/07 15:57 Page 29 D oss i e r sp é c i al Lyon IR77-P23-39 La place Bellecour Par Daniel Piperno L a place Bellecour n’était, il y a encore deux cents ans, qu’un vaste marécage que les eaux de la Saône venaient remplir à chaque crue… Elle est, aujourd’hui, la plus grande place de Lyon et la quatrième plus grande place de France (après la place de la Concorde, à Paris, la place du Pâtis, à Montargis, et la place des Quinconces, à Bordeaux) avec une superficie de 310 mètres par 200. C’est également la plus grande place piétonne d’Europe. Elle se trouve dans le deuxième arrondissement, entre la Saône et le Rhône. Le quartier du Vieux Lyon et de la cathédrale SaintJean se situe en face, par rapport à la Saône. Elle est desservie par deux lignes de métro: les lignes A et D. La station Bellecour est, de ce fait, la plus fréquentée du métro lyonnais. De la place Bellecour partent deux artères piétonnes majeures de la presqu’île de Lyon: la rue de la République, menant à l’Hôtel de Ville, et la rue VictorHugo, qui aboutit à Perrache. Tous les vendredis soirs, elle est le point de départ d’une randonnée à rollers. Enfin, la place Bellecour constitue le point kilométrique 0 de Lyon: toutes les distances sont comptées à partir de ce point. Au centre de la place se trouve la statue équestre de Louis XIV, surnommée le « cheval de bronze », une œuvre du sculpteur François-Frédéric Lemot de 1825. Cette statue fut coulée à Paris et transportée à Lyon, en douze jours, par un attelage de vingt-quatre chevaux. L’entrée de la statue dans la ville fut l’occasion de festivités qui attirèrent un très grand nombre de spectateurs. On discuta, on écrivit beaucoup au sujet de l’épigraphe. L’Académie de Lyon s’en mêla et l’inauguration eut lieu le 3 novembre 1826, veille de la fête de Charles X . Une tribune en forme de cirque, très élégamment La place Bellecour © Dancette/Office du Tourisme de Lyon décorée, avait été construite pour recevoir les autorités et les notables de la ville. Une particularité de cette statue est le chevauchement à la romaine (sans étriers) du cavalier. Au XIXe siècle, c’était la place du monde médical ; on en trouve une description lourde et pesante, quasi fantomatique, dans Place des angoisses, de l’écrivain et médecin lyonnais Jean Reverzy. « […] toujours incertaine dans les petits matins clignotant au pépiement de ses moineaux pleins de tics. Trop large, vide, ouverte aux attributs dérisoires. Militaire, impériale : spacieuse aux manœuvres des bataillons, cour des casernes somptueuses où la Médecine a pour toujours pris ses quartiers. Royale : par-dessus les fers de lance d’une grille rouillée, les sabots du Grand Siècle piétinant un socle de pierre nue. Sylvestre : sous le demi-deuil des malingres marronniers noirs. Agreste : ces kiosques de fleuristes enfouis dans les bouquets mouillés. Saharienne : ces jours où le vent souverain, remontant le cours de fleuves, soulève une poussière brûlée plus agressive que les sables du désert. Hyperboréenne : des âmes lourdes trébuchant dans les brumes aux blancheurs de banquise. Et religieuse – ah! combien! –, ces abbés savants courant à l’étude, et ces femmes attendries aux oratoires marmonneurs de mots latins. Et riche, et revêche, et sotte […] » Jean Reverzy décrit avec cynisme les immeubles de la place Bellecour, peuplés de médecins: « Depuis la mort lointaine de mon père, nous habitions, ma mère et moi, un appartement “à façade” dont les fenêtres s’ouvraient sur ce désert investi par la Médecine. L’immeuble sentait la vieillerie ; sous le porche passait un courant d’air d’avarice : des docteurs étaient installés à chaque étage. Au premier, un pédiatre et un phtisiologue ; au second, un cardiologue connu, disait-on, du monde entier ; au-dessus de nos têtes, un spécialiste des maladies mentales. Dans l’escalier, du matin au soir, c’était un va-et-vient patibulaire de tousseurs, de radoteurs, d’enfants rabougris et de cardiaques essoufflés. Nous vivions un peu en intrus à côté des savants et de leurs familles. Selon une tradition séculaire, tous les grands médecins de la ville logeaient aux alentours : et près d’eux leurs fils, leurs gendres, leurs neveux, praticiens de moindre renom, mais qui hériteraient un jour de leur titre, de leur tristesse et de leur gloire. » Prenez le temps de flâner sur cette grande place sans âge, et, en traversant la Saône, vous découvrirez l’un des plus beaux quartiers Renaissance d’Europe, sauvé de la destruction et réhabilité grâce à André Malraux ! ■ INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 29 IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 30 Dossier culturel Quand je devinais un cancer, un peu attristé, je disais : « Vous entrerez à l’hôpital » «D Le Passage du médecin et romancier Jean Réverzy (1914-1959), valut le prix Renaudot à son auteur en 1954. Au-delà de ses qualités littéraires propres, ce livre, vendu à des centaines de milliers d’exemplaires, est un témoignage sur le monde médical lyonnais du milieu du xxe siècle. Pour vous donner envie de le découvrir, en voici un extrait… Jean Réverzy Extrait des Œuvres Complètes Flammarion (éd.) 2002, 916 pages, 26 €. NB : « Le Passage », édité en un volume au Seuil, est épuisé. 30 evant moi, se tenait un homme nu, un corps gras, lactescent sous un pelage grisonnant. À regret, il s’était séparé de vêtements ternes, usagés, empreints de sa substance, scellés à sa peau comme le pansement à la plaie vive. Le malade souvent redoute ce dépouillement et, devant la nudité, recule comme devant une eau glacée. En se débarrassant de sa chrysalide, l’insecte doit ressentir de ces douleurs et comme lui, l’homme souffre en se libérant d’une enveloppe empesée par sa sueur. Et moi, je pensais aux mers du Sud, je ne le regardais pas ; je l’écoutais à peine. Il s’était étendu sur le divan; je dus faire un effort pour l’examiner, réfléchir sur sa maladie. Un corps s’abandonnait à mes mains actives qui le palpaient et le pétrissaient comme une pâte grasse et ferme. L’esprit ailleurs, je regardais mes doigts longs et minces, dont la peau plissée aux jointures dessinait de minuscules maelströms, s’étendant et se fermant tour à tour. Le temps passait. Aux questions l’homme répondait lentement, d’une voix gluante. Mais j’avais fini par trouver ce que je cherchais et, satisfait de ma découverte, je m’étais relevé. Tout cela, cependant, avait été long. Je suis médecin, et les médecins sont des gens pressés qui comptent leur temps et leur argent. Ils glissent dans un monde auquel ils ne participent qu’à demi; un mur les sépare de la vie qu’ils surveillent. Pour eux, tous les êtres s’agitent en un coma permanent et, parce qu’ils la connaissent, ils se tiennent à l’écart de l’universelle agonie. Leur expérience est le résidu de souffrances aiguës ou monotones. Dès l’aube, ils lèvent le drap du dernier mort de la nuit, puis errent parmi des formes qui se plaignent, qui pleurent, qui simulent. Après des années, ces témoins permanents du passage et de la fluidité de la vie INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 devraient aboutir au plus rigoureux désespoir. Mais le vieil inconscient humain les avilit ou les protège de trop de lucidité et ces spectateurs de toutes les angoisses ne sont pour la plupart que de petits épargnants. Ce jour-là, pressé comme les autres, je me hâtai d'en finir avec mon patient maintenant debout, qui de ses gros doigts trapus et bruns comme des pénis enfouissait les pans de sa chemise à l'intérieur de son pantalon. L’index levé, je déclarai: “Il faut entrer à l’hôpital.” Il m’écouta sans rien dire. Alors, je le vis mieux: c’était un paysan de la ville, un terrassier remueur de remblais, leveur de pavés. Sous un casque de cheveux gris, son visage d’un demi-siècle, simplifié, sans angles, ressemblait à celui de ces statues usées par le vent du désert. J’aurais voulu en finir vite; mais au fond, en homme assez bon que la misère et la douleur gênent et parfois tourmentent, je me reprochai d’avoir été bref, je parlai d’abus anciens, de la nécessité de beaucoup de soins, de repos: “Vous guérirez; vous reprendrez votre travail”, répétai-je deux ou trois fois. Et comme le malade ne semblait pas me croire, je me tus, de nouveau impatient, fronçant les sourcils et essayant de penser à autre chose. Cela, d’ailleurs, se fit sans effort : dans mon esprit, l’obsession de ce jour reparut, le visage d’un homme oublié qui, incroyablement, revenait… J’étais un petit docteur attaché à une banlieue triste. Je savais un peu de médecine: la digitale ranime les cours, la morphine endort les douleurs vives, la pénicilline modère les fièvres. Quand je devinais un cancer, un peu attristé, je disais: “Vous entrerez à l’hôpital.” Contre la toux et les rhumes je formulais des potions délicieuses. Mais au-delà d’une vie calme subsistait un regret qui, certains jours, ressemblait à un remords. » ■ IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 31 Dossier culturel De la soie au textile lyonnais L’histoire de Lyon est liée à celle de la soie et du textile. Rois, empereurs, marchands, ouvriers, industriels en ont écrit l’histoire. Sans oublier le génie de Pasteur, pour qui la maladie du ver à soie fut l’épilogue de sa théorie microbienne. notamment des étoffes de soie en provenance d’Italie. En 1466, Louis XI propose aux Lyonnais de créer une manufacture. Ces derniers déclinent l’offre, ayant peur de froisser leurs partenaires italiens, et les conditions imposées par le roi sont financièrement trop lourdes. Ce refus conduit Louis XI à fonder la Manufacture Royale de Tours. En 1536, François Ier, devant la fuite de devises liée à l’importation des étoffes de soie, donne à la ville de Lyon des lettres patentes autorisant le tissage de la soie. C’est le début de l’histoire des Tisseurs de Fils d’Or, d’Argent et de Soye. D’ABORD LA CHINE : UN « KILO » DE SOIE CONTRE UN « KILO » D’OR © Maison des Canuts L’origine de la découverte de la soie reste contestée. Pour certains remontant aux années 3870 av. J.-C. en Inde, pour d’autres, on trouverait sa première trace écrite chez Confucius, en 2640 av. J.-C. La légende veut qu’une princesse du nom de Tsi Ling Shi, prenant son thé sous un mûrier, aurait trouvé une boule blanche dans sa tasse. Ayant vu un fil, elle l’aurait tiré et aurait ainsi dévidé le premier cocon. Quelles qu’en soient ses origines, la soie est le symbole de la richesse et du pouvoir. Elle est réservée à l’empereur, puis à sa cour, quiconque en dévoile le secret est exécuté. Vers le IIe siècle av. J.-C., elle devient monnaie d’échange. Des caravanes ouvrent les routes de la soie jusqu’à Rome, où l’on échange un « kilo » de soie contre un « kilo » d’or. LYON TISSE LA SOYE POUR LES ROIS Dès lors, l’activité de la « soierie lyonnaise » n’aura de cesse de se développer tant en termes d’innovations techniques et de créations artistiques que de poids économique et de progrès social. Lyon devient le siège des principales améliorations et inventions liées au métier à tisser. En 1605, Dangon développe le métier à la Grande Tire, dont le dernier exemplaire visible en Europe se trouve à la Maison des canuts, puis viennent Bouchon, Vaucanson, Jacquard et Breton. Tous apportent leur contribution à la création de la mécanique dite « Jacquard », Virginie Satre Directrice de la Maison des canuts La Maison des canuts 10, rue d’Ivry 69004 Lyon Site Internet : @ : [email protected] Métro : Croix-Rousse Ligne C Tél. : 04 78 28 62 04 Ouverte : du mardi au samedi visite commentée tous les jours à 11h00 et 15h30 Il faut attendre le VIe siècle pour que l’Europe s’empare du fameux secret. L’empereur byzantin Justinien délègue deux moines à Pékin. Ceux-ci en reviennent avec, cachés dans leurs cannes en bambou, les œufs du papillon: le Bombyx mori. L’élevage du bombyx et la production de soie se développent autour du bassin méditerranéen. Les premières traces, en France, remontent au XIIe siècle. Au XIVe siècle, Lyon est une ville florissante. Elle le doit entre autres à sa situation géographique et à l’autorisation que lui a donnée le roi Charles VII d’organiser des foires. Sur ces foires s’échangent de nombreux produits et © Laurent Reiz L’EUROPE S’EMPARE DU BOMBYX MORI INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 31 IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 32 Dossier culturel © DR Joseph Gensoul (1797-1858), chirurgien-major de l’Hôtel-Dieu, arrête les insurgés qui veulent pénétrer dans l’hôpital pour achever les blessés, au cours de la révolte des canuts de 1831. qui révolutionnera le monde du tissage. Le XVIIIe siècle marque une étape importante dans le rayonnement des soieries lyonnaises : les dessins de grands rapports sont très prisés et alimentés par l’école de dessin lyonnaise, dont le chef de file est Philippe de La Salle. Louis XIV passe d’importantes commandes, la cour lui emboîte le pas, puis les cours d’Europe comme celles de Frédéric II de Prusse et de Catherine II de Russie. Le XVIIIe siècle marque un changement dans l’organisation de la soierie appelée la Fabrique. Elle compte trois groupes d’individus– les maîtres-marchands ou soyeux, les maîtres-tisseurs ou propriétaires d’un ou plusieurs métiers à tisser et les maîtres-ouvriers. Les deux derniers groupes deviennent plus connus sous le nom de canuts au XIXe siècle. En 1744, une loi interdit au maître-tisseur de vendre lui-même sa production, ce droit étant réservé au soyeux. Ce sera la première grève des maîtres-ouvriers. UN EMPIRE INDUSTRIEL À LA FOIS RICHE ET RÉVOLTÉ La Révolution est une très mauvaise nouvelle économique pour la ville, la clientèle de Lyon – les rois, la noblesse, l’armée et l’église – étant en mauvaise posture. Il faudra attendre Napoléon Ier pour que la soierie lyonnaise retrouve des couleurs. L’empereur, à la demande 32 des soyeux, va passer d’importantes commandes pour le mobilier national et imposer à toute personne officielle de s’habiller en soieries de Lyon. Le XIXe siècle est l’âge d’or de la soierie lyonnaise : de nouveaux marchés s’ouvrent comme celui de l’Amérique du Nord. L’arrivée de la mécanique Jacquard permet d’augmenter la productivité. Tous ces changements ne se font pas sans heurts : les canuts qui dépendent des soyeux, veulent la mise en place d’un tarif minimal de façon. Les premières revendications tarifaires ont eu lieu en 1786. Mais c’est en 1831 que des négociations s’ouvrent entre les représentants des huit mille canuts et ceux de huit cents soyeux sous l’égide du préfet Bouvier Dumolard. Le tarif est signé, mais une minorité de soyeux ont dénoncé cet accord auprès du roi, qui le cassera. Les canuts, furieux et déçus, se révoltent et quittent leurs ateliers. Au prix de six cents morts, ils se rendent maîtres de l’hôtel de Ville. Malheureusement, ce mouvement n’obtient pas gain de cause et les canuts retournent à leurs ateliers les mains vides. Ils fondent, début XIXe, la première société coopérative française et la première société de devoir mutuel. En 1831, ils sortent leur propre journal l’Écho de la fabrique (consultable sur le site echo-fabrique.ens-lsh.fr grâce à l’ENS). INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 En 1834, Louis-Philippe fait arrêter des chefs de la société mutuelle et interdit la vente de l’Écho de la fabrique. S’amorce alors la deuxième révolte des canuts, plus meurtrière qu’en 1831, elle comptera plus de mille morts. « Vivre en travaillant ou mourir en combattant », la devise et les canuts entrent dans l’histoire. Malgré des hauts et des bas, la soierie à Lyon se développe. En 1877, on recense plus de cent mille métiers à tisser, dont quarante mille pour le seul quartier de la Croix-Rousse. Fin XIXe, la soierie représente les trois quarts de l’activité économique de la ville et l’industrie du textile 25 % de la richesse nationale. Peu à peu, les métiers quittent la ville pour les campagnes de l’Isère et de la Loire où le tissage constituera un complément d’activité pour une population rurale moins revendicatrice que celle des villes. Cependant, les travaux plus élaborés sont réalisés par les canuts de la Croix-Rousse. DE LA SOIERIE LYONNAISE AU TEXTILE EN RHONE-ALPES Aujourd’hui, on parle plus de textile en Rhône-Alpes que de soie ; avec trente mille emplois directs, la région est devenue la première d’Europe pour la fabrication de tissus à usage technique. On tisse à présent aussi bien la soie que le kevlar, le carbone, la fibre de verre ou la fibre optique. ■ IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 33 Dossier culturel La maladie des vers à soie sous l’œil de Pasteur : préambule de la théorie microbienne Duclaux étudiant à Pont-Gisquet, auprès de Pasteur, la maladie des vers à soie. © Imothep MS 1865 – Les éleveurs de vers à soie sont très inquiets, depuis quelques années, leur activité est affectée par une mystérieuse maladie qui fait chuter la productivité, si bien que la plupart des sériciculteurs sont menacés de ruine, en France, mais aussi dans d’autres pays d’Europe occidentale. Seul le Japon est épargné. L’origine du mal n’est pas identifiée, et les éleveurs évoquent des « miasmes » détruisant les chambrées (ateliers d’élevage des vers à soie). Contre la chute de production, rien n’y fait ; les nombreux remèdes répandus de façon empirique sur les feuilles de mûriers ou les cocons – poudre de quinquina, gentiane, valériane, créosote, eau-de-vie, rhum, goudron, etc. – sont sans effet. Un savant italien affirme même : « La pharmacopée des vers à soie est plus compliquée que celle de l’homme. » À l’initiative du ministère de l’Agriculture, Jean-Baptiste Dumas, sénateur, mais aussi professeur de chimie, effectue un voyage d’étude dans les régions touchées pour mettre en place une commission chargée d’élucider la question. Pour en prendre la direction, il sollicite un de ses anciens élèves de l’École normale: Louis Pasteur. Âgé de 43 ans, ce chimiste s’est illustré, en 1857, au travers d’un Mémoire sur la fermentation appelée lactique, ayant pressenti que certains germes et parasites pouvaient gâter les grains de raisin. Acceptant ce nouveau travail, Pasteur se penche cinq années durant sur la maladie des vers à soie. Disposant d’un petit laboratoire dans le massif des Cévennes, en plein milieu de la zone d’élevage, il établit qu’au moins deux maladies affectent les vers; la pébrine, causée par un protozoaire se signalant par des « corpuscules » sur les vers, et la flacherie d’origine nutritionnelle. Fort de ces acquis, il enseigne aux éleveurs, les méthodes d’hygiène leur permettant d’éviter la contamination par le protozoaire; le microscope intègre la panoplie des éleveurs afin de sélectionner les chambrées indemnes du « vibrion ». Mais les vendeurs de créosote contestent ce choix, qui met à mal leur juteux commerce; plusieurs magnaniers répugnent à jeter des chambrées entières sur le seul verdict micrographique; enfin, les importateurs de cocons du Japon répandent des rumeurs sur l’inutilité de la méthode proposée par Pasteur. L’agressivité est telle qu’il est contraint de regagner Paris. Heureusement, les sériciculteurs qui suivent les conseils d’hygiène obtiennent de superbes récoltes, ce dont une commission d’enquête du préfet du Gard atteste. La vérité finit par triompher, et, en août 1868, Pasteur est promu au rang de commandeur de la Légion d’honneur. Ce résultat constitue un exemple remarquable d’application industrielle de la recherche. Suite à l’enseignement de Pasteur, les sériciculteurs qui avaient annexé un laboratoire à leur magnanerie firent dire à Pasteur: « Le microscope devient le vademecum de tous les graineurs intelligents. » Mais ce travail aurait pu être compromis par un accident de santé: le 19 octobre 1868, alors que ses travaux sur les vers étaient vilipendés. Pasteur, âgé de 46 ans, fut victime d’une hémorragie cérébrale entraînant une paralysie de l’hémicorps gauche, dont il gardera toute sa vie des séquelles motrices. C’était sans compter avec l’extraordinaire volonté et l’acharnement au travail qui le caractérisaient. Cinq jours après son attaque, qui avait totalement épargné ses facultés intellectuelles, Pasteur dictait à son disciple Gernez qui le veillait une communication sur les maladies des vers à soie qui fut lue à l’Académie des sciences le 26 octobre. Puis, dans les semaines qui suivirent, il reprit la route des Cévennes contre l’avis de ses médecins! Au-delà des retombées pratiques positives pour les éleveurs, les recherches sur les maladies des vers à soie sont aujourd’hui considérées comme un point de départ essentiel de la pensée pastorienne vers la découverte des pathologies microbiennes. À ceux qui venaient visiter son laboratoire pour étudier la microbiologie, Pasteur ne manquait pas de dire: « Relisez le compte rendu des travaux sur la maladie des vers à soie, ce sera, je crois, une bonne préparation pour les recherches que vous voulez entreprendre. » ■ Nicolas Postel-Vinay Darmon P. « Pasteur ». Fayard (éd.) 1995. Dubos R. « La leçon de Pasteur ». Albin Michel (éd.) 1987. INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 33 IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 34 Dossier culturel Les hôpitaux lyonnais : un parcours presque millénaire Si l’on excepte un certain nombre d’établissements dispersés dans la ville, notamment l’hôpital Saint-Éloi fondé, en 542, par Childebert et son épouse Ultrogoth, on peut faire remonter au XIIe siècle l’origine de l’hospitalisation publique à Lyon. C’est l’existence du pont sur le Rhône qui a justifié la présence d’un équipement hospitalier fort. Hôtel-Dieu (XVIe siècle) et son cloître. © DR François Rabelais (vers 1493-1553). © DR René Mornex Médecin honoraire des hôpitaux Doyen honoraire des facultés de médecine de Lyon Président suppléant du conseil d’administration des Hospices civils de Lyon CHU de Lyon – Hôpital Pierre Wertheimer 59, boulevard Pinel, 69394 Lyon cedex 03 Tél. : 04 72 35 72 89 @ : [email protected] 34 RABELAIS, MÉDECIN DE L’HÔTELDIEU-DE-NOTRE-DAME-DE-PITIÉ DU PONT-DU-RHONE Ce pont était la seule zone permettant la transition entre le nord de l’Europe et l’Italie, et, par conséquent, toutes les grandes migrations passaient à ce niveau, notamment au moment des croisades. Qui dit migration de population dit éclopés ou malades, et ceux-ci étaient volontiers abandonnés en un point névralgique du trajet. Le pont constituait le premier. C’est donc petit à petit que des structures d’accueil, d’abord purement caritatives, puis de soins élémentaires, se sont établies sur la berge du Rhône. En 1507 figure sur les documents la notion d’Hôtel-Dieu-deNotre-Dame-de-Pitié du Pont-duRhône. Il s’agissait là d’un véritable établissement hospitalier, puisqu’il y avait des administrateurs, qui étaient des consuls échevins de la ville, des médecins, dont le troisième fut, en 1530, Rabelais, une organisation de gestion avec un registre des entrées des malades. Le financement dépendait alors de la charité publique sous la forme de dons, de legs dans les testaments ou à l’occasion d’événements exceptionnels. Ces dons consistaient soit en argent, soit en maisons ou terrains, et c’est ainsi qu’une très grande partie de la rive gauche du Rhône (les Brotteaux) est tombée dans le patrimoine hospitalier. À cette époque, ce n’était pas un cadeau extraordinaire, puisqu’il s’agissait de terrains constamment inondés par les crues du INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 Rhône. À partir du moment où la contention du cours du fleuve a pu être réalisée, ces terrains sont devenus de précieuses zones d’urbanisation et, par conséquent, une source de richesse pour l’hôpital. Assez rapidement, les consuls échevins se dégagèrent de la responsabilité de gérer cette structure un peu complexe et décidèrent de créer un conseil d’administration, auquel appartenaient les recteurs, qui étaient issus en partie de la municipalité, mais surtout des membres de la société civile. Il faut saluer au passage à la fois l’engagement dans la gestion quotidienne et l’engagement personnel financier qui a conduit quelques recteurs à la ruine. Par les dons, l’établissement se développa et, peu à peu, obéit à l’obligation d’élargir ses capacités d’hébergement, voire, sous la pression de la municipalité, de participer à l’embellissement de la ville. L’HÔTEL-DIEU ET SES DOMES PAR SOUFFLOT C’est ainsi qu’au XVIIIe siècle, le projet puis la réalisation d’un grand bâtiment qui longe la rive droite du Rhône se concrétisent: ce sera le Palais qui sera surmonté par le Grand Dôme dessiné par Soufflot. On peut souligner que le dispositif architectural, par son volume et par son aménagement intérieur, même s’il n’était pas évidemment adapté aux exigences de l’époque, était un élément important au vu des résultats. Pour ne citer que cette IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 35 Dossier culturel Plan de la partie méridionale de la façade de l’Hôtel-Dieu, dite façade de Soufflot, avec le grand Dôme par N. Thomas, 1791. © DR donnée, l’Hôtel-Dieu était équipé de dômes (l’un copié sur l’hôpital de Milan, l’autre dû au génie de Soufflot) qui avaient un dispositif d’aération tel que les conditions d’hygiène étaient infiniment meilleures qu’ailleurs, ce qui expliquait l’amélioration des résultats. L’Hôtel-Dieu abritait 1 400 malades et était considéré par Tenon, qui rédigea un rapport sur les établissements hospitaliers de France, comme l’hôpital le plus perfectionné, ce qui valut à la ville toutes les visites princières pour célébrer ce « monument élevé à la fièvre ». LA CHARITÉ CONTRE LA FAMINE Parallèlement au développement de l’Hôtel-Dieu, on constate l’existence d’une deuxième démarche. Celle-ci découle d’un événement politique, la révolte de 1529, appelée « Grande Rébène ». Liée à la famine, cette action populaire émut François Ier, qui décida de créer l’Aumône générale de Lyon. Cette structure caritative prendra en charge tous les mal-aimés de la ville, tous ceux qui sont rejetés par la population, les pauvres, les vieillards, les prostituées, les enfants abandonnés… un méli-mélo de misère un peu comparable à ce qui se développait dans le même temps à Bicêtre, à Paris. Pour héberger tous ces malheureux, il fallut construire des bâtiments qui deviendront l’hôpital de la Charité à partir de 1651. Cet hôpital va peu à peu se délester à l’extérieur d’une partie de sa population et se consacrer à l’obstétrique et aux maladies des enfants et des femmes. La structure administrative de la Charité est à peu près la même que celle de l’Hôtel-Dieu. Ses ressources dépendent aussi de la charité publique, et il existe, on ne peut le nier, une certaine compétition, vis-à-vis de l’appel au financement, entre les deux établissements distants de 500 mètres à peine. ÉQUIPEMENT AMBITIEUX Cependant, les choses ne s’arrangent pas avec le temps, les difficultés s’accroissent et donnent lieu à une véritable révolution structurelle avec, en 1802, la création des Hospices Civils de Lyon, sous l’influence du ministre Chaptal, et dont les modalités d’organisation seront à peu près copiées à travers tout le pays. Au début du XIXe siècle, l’ensemble de ces deux hôpitaux permet d’héberger environ 20000 malades par an dans une ville qui ne compte guère plus de 120000 habitants. Surtout, un troisième établissement s’y ajoute dès le début du XIXe siècle. Il s’agit de l’hôpital de l’Antiquaille situé sur les flancs de la colline de Fourvière. C’est là que seront transférés les abandonnés de la Charité et ceux qui étaient hébergés à la Quarantaine, bâtiment sur les bords de la Saône. Il est assez frappant de constater, dans un triangle qui englobe 70 hectares au cœur de la ville, en plein centre de la presqu’île dans laquelle s’inscrit aussi la place Bellecour, que tout l’équipement hospitalier lyonnais est réuni. Peu à peu, s’ajouteront l’hôpital de la Croix-Rousse, construit à des fins sociales pour offrir à toute la population ouvrière (soyeux en particulier) un hôpital. Dans la mesure où ces populations étaient quelquefois mal nourries et à l’hygiène discutable, et dans lesquelles la tuberculose faisait des ravages, cet hôpital deviendra assez vite spécifique de la tuberculose et des maladies infectieuses. Plus loin du centre-ville, les hôpitaux Jules-Courmont et Sainte-Eugénie viendront, pour ne citer que l’essentiel, compléter le dispositif. La force de l’hospitalisation lyonnaise au XIXe siècle repose sur trois éléments, qui se consolident au fur et à mesure depuis sa création. PERSONNEL FORMÉ ET SÉLECTIONNÉ Le recrutement des médecins s’y fait, depuis 1788, sur un mode élitiste, au travers de concours. Ces derniers exigent une connaissance théorique mais aussi et surtout une capacité clinique très poussée. Ce sont les chirurgiens qui ont amorcé cette évolution et sont devenus chirurgiens majors de l’Hôtel-Dieu, de la Charité et de l’Antiquaille. Les médecins ont suivi à partir de 1811. Puisque les concours adoptaient cette formule, l’esprit médical a été très désireux de former des élèves à une capacité clinique. C’est dire que, depuis deux siècles, l’enseignement clinique avait été une des dominantes du comportement médical lyonnais, et la création de l’internat, en La Salle Sainte-Madeleine de l’ancien hôpital de la Charité. © DR INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 35 IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 36 Dossier culturel Faculté de médecine de Lyon sur le quai Claude-Bernard, 1914. © DR 1850, est venue renforcer cette tendance. Une autre de ses forces est l’existence d’un corps infirmier d’une très grande efficacité constitué de personnels religieux ayant deux spécificités par rapport à d’autres congrégations, consacrant toute leur activité aux soins des malades et n’étant pas sous l’autorité religieuse mais administrative. Ce corps, qui était aussi formé de manière très rigoureuse dans des écoles soit de sages-femmes, soit d’infirmières, fournissait, de ce fait, à cette époque où les thérapeutiques puissantes étaient exceptionnelles, l’élément clé, outre les conditions d’hygiène particulières citées plus haut, pour améliorer les résultats thérapeutiques. Pour ne citer qu’un exemple, à la fin du XVIIIe siècle, la mortalité était à l’HôtelDieu de Lyon quatre fois inférieure à celle de l’hôpital homonyme de Paris. C’est donc dans ces conditions que les hôpitaux lyonnais ont abordé le dernier quart du XIXe siècle, qui fut marqué par la création, en 1877, de la faculté de médecine. Le premier bénéfice en a été l’arrivée de nouveaux enseignants d’origine parisienne, par exemple celle de Raphaël Lépine, ou provenant d’autres disciplines, vétérinaire dans le cas de Chauveau. Cette période a aussi bénéficié des évolutions conceptuelles et techniques considérables de l’époque et a su les exploiter au maximum. Telle la radiologie, qui, grâce à Destot, a fait un départ foudroyant à Lyon quelques semaines après la découverte de Roentgen. C’est 36 aussi l’époque où Claude Bernard publie les bases de la médecine expérimentale, véritable bréviaire de tout ce qui, par la suite, sera baptisé « recherche médicale ». Le grand mérite de Léopold Ollier, chirurgien orthopédiste, est d’avoir compris comment il pouvait faire avancer sa discipline en réalisant une expérimentation animale et en appliquant aux indications thérapeutiques les conclusions qu’il en déduisait. Ce sont également les conséquences des découvertes bactériologiques de Pasteur – des concepts d’asepsie, d’antisepsie – qui ont permis à la chirurgie lyonnaise de construire la première salle d’opération chirurgicale aseptique (Antonin Poncet), tandis que ces notions d’hygiène s’élargissaient très vite à toute la population avec consti- INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 tution de bureaux d’hygiène dispersés, véritable activité de santé publique. C’est aussi à cette époque que les « fondamentalistes » de la jeune faculté de médecine, feront faire un bond international aux connaissances anatomiques. Le Professeur Léo Testut en est un bel exemple. C’est aussi Amédée Bonnet, qui, tout en développant l’enseignement de l’orthopédie, adoptera les méthodes de l’anesthésie générale. On peut dire que le XXe siècle, dès son début, va conforter de manière très significative la puissance de la médecine lyonnaise et lui conférer le redoutable honneur d’être, partiellement, la compétitrice de la médecine parisienne. Certes, le financement caritatif de l’hôpital s’affaiblit un peu, mais le conseil d’administration des Hospices Civils de Lyon conserve une large marge de manœuvre pour développer son patrimoine hospitalier et le rénover progressivement. À l’initiative d’Édouard Herriot, un hôpital est construit à l’extérieur du centreville. La Charité y est déplacée, et ce pôle, à côté duquel est édifiée, en 1933, la nouvelle faculté de médecine devient véritablement le premier modèle de CHU français. Sous l’impulsion du premier directeur général nommé en 1950, Louis Veyret, particulièrement actif et créatif, sont bâtis des hôpitaux ayant vocation de spécialité, notamment neurologique et cardiologique. Il est difficile Pr Antonin Poncet (1849-1913), visite dans une salle de malades de l’Hôtel-Dieu. © DR IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 37 Dossier culturel de détailler cette période faste, qui se terminera en 1958 et marquera un virage dans la dynamique hospitalière lyonnaise, virage dû à l’application du texte d’ordonnance inspiré par le Professeur Debré et que l’on peut résumer par: le temps plein à l’hôpital. Cette notion exerce une forte incidence sur les recrutements, qui deviennent nationaux, et sur la place de l’université dans la vie hospitalière quotidienne. Cela est relativement mal perçu dans une ville de fort hospitalocentrisme. En effet, le recrutement de chirurgiens des hôpitaux et autres spécialistes visant à la prise en charge de l’orientation des services, dépendait rigoureusement d’une sélection difficile, répétitive, associant à la fois connaissance et capacité d’application au diagnostic ou à une indication thérapeutique. La leçon d’agrégation, qui teste surtout la capacité orale de transmettre les connaissances à partir de 1958, venait l’emporter sur le jugement de la capacité clinique du futur chef d’école. Cette évolution, qui partout ailleurs s’est faite assez facilement, a vu apparaître des réticences à Lyon. Celles-ci ont été rapidement comblées. DU PREMIER « CHU PROVINCIAL » DE FRANCE AU POLE RHONE-ALPES En contrepoint, il est intéressant de souligner que la deuxième moitié du XXe siècle a connu le développement d’une recherche médicale structurée plus fouillée et notamment se fondant sur des laboratoires bien équipés. Cette recherche, menée à l’aide de professionnels scientifiques, parfois même hors médecine s’est révélée très productive. On peut souligner que le premier laboratoire du nouvel institut de recherche médicale (Inserm) implanté en province l’a été à Lyon, et qu’il s’agissait d’un laboratoire de recherche chirurgicale. Par la suite, et sans discontinuer, Lyon est devenue un très gros centre de recherche médicale s’appuyant non seulement sur l’Inserm mais aussi sur le CNRS et, maintenant, sur l’Inra. Cela explique qu’après quelques hésitations et quelques balbutiements, Lyon ne se considère pas comme la compétitrice de Paris mais comme le premier CHU provincial de France. Ce qui nous ramène au temps présent, et il faut souligner qu’un nouveau choc a eu lieu dans les toutes dernières années du XXe siècle avec l’extension du nombre de structures de formation médicale à travers le pays. Lyon, qui recrutait la fine fleur des étudiants en médecine à travers pratiquement le quart sud-est de la France, s’est vue confrontée à la compétition avec de nouveaux pôles de formation: Besançon, Dijon, Clermont-Ferrand, Grenoble, pour ne citer que les plus proches. Ceuxci, à la fois développaient leur propre dynamique, recrutaient les meilleurs de leur environnement et, de ce fait, venaient un peu appauvrir les ressources de Lyon. La démarche était identique dans le recrutement des malades, donc des capacités de recherche clinique. Là encore, le temps a fait évoluer les choses, et, plutôt que mener un combat stérile, la médecine lyonnaise a su s’adapter à la coopération, tant dans la formation que dans l’activité médicale et la recherche, en concertation avec les deux autres CHU, de manière à constituer le pôle Rhône-Alpes de la médecine hospitalière publique en France, avec un succès dont nous ne pouvons que nous satisfaire. ■ De la phtisiologie à la pneumologie À Jean-François Cordier Pneumologue – Chef de service des maladies orphelines pulmonaires CHU de Lyon – Hôpital Pierre Wertheimer 59, boulevard Pinel, 69394 Lyon cedex 03 Tél. : 04 72 35 72 69 @ : [email protected] l’aube du XXe siècle, l’Hôtel-Dieu, le plus ancien hôpital lyonnais (où exerça Rabelais), compte 1 078 lits ; l’hôpital la Charité 1346; l’hospice de l’Antiquaille et hôpital Saint-Pothin 1 138 ; et l’hôpital de la Croix-Rousse 483. Les services y sont de médecine ou de chirurgie, les seuls spécialisés étant ceux d’ophtalmologie, des maladies cutanées et syphilitiques, des maladies nerveuses et épileptiques, d’accouchement et gynécologie, et de médecine et de chirurgie infantiles. Dans la semaine qui s’achève le 8 février 1902, 229 personnes meurent à Lyon : les maladies pulmonaires sont la principale cause de ces décès (89, dont 34 pour la tuberculose qui tient le premier rang). L’HOSPITALISATION DES TUBERCULEUX, DE LA SALLE COMMUNE AU SANATORIUM En 1883, dans leur ouvrage Nouveaux éléments de pathologie et clinique médicales, J. Teissier, Professeur agrégé à la faculté de médecine de Lyon, et A. Laveran écrivent qu’ils ne croient pas à la transmissibilité de la tuberculose : elle est, selon eux, principalement héréditaire. Il n’y a qu’un an que Koch a découvert le bacille tuberculeux. Il faudra beaucoup d’années encore pour que la contagiosité de la maladie soit réellement reconnue et prise en compte, et que les patients contagieux tuberculeux soient isolés des autres malades dans les hôpitaux. En effet, les tuberculeux sont, au début du XXe siècle, encore admis dans les services INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 37 IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 38 Dossier culturel ©DR de médecine, dirigés par des professeurs de clinique médicale (en très petit nombre) et des médecins des hôpitaux. Toutefois, la spécificité de la maladie amène progressivement certains de ces médecins à se spécialiser dans la prise en charge de la tuberculose. L’essor de la bactériologie et de la radiologie, récemment découvertes, permet progressivement de diagnostiquer plus sûrement la maladie : beaucoup de phtisies, auparavant affirmées sur la seule clinique (et non vérifiées par une autopsie) étaient sans doute assimilées à la kyrielle des autres maladies pulmonaires chroniques. Les frères Courmont, hygiénistes et bactériologistes, se lancent dans la lutte contre la tuberculose dans tous ses aspects, y compris sociaux. Des dispensaires antituberculeux sont créés. Le sanatorium d’Hauteville, dans le Bugey proche, prend en charge les tuberculeux. Il est dirigé par un praticien remarquable, F. Dumarest, qui jouera un rôle majeur dans l’évolution thérapeutique de la tuberculose, de la cure d’altitude à l’introduction du pneumothorax thérapeutique et à la thoracoplastie. Ce n’est qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale que l’isolement des malades est enfin décidé, et deux hospices du sud de Lyon y sont dédiés : le Perron pour les hommes, Sainte-Eugénie pour les femmes. A. Dufourt, élève de P. Courmont, lui succède à la chaire de clinique et de prophylaxie de la tuberculose (créée en 1931), qu’il occupe à Sainte-Eugénie. Traitement des tuberculeux au grand air. Bulletin général de thérapeutique médicale,1890. 38 Le réfectoire des sœurs de l’hôpital de la Croix-Rousse. Les Hospices Civils de Lyon. 1953 © DR Les services de tuberculeux étaient peu attractifs pour la plupart des jeunes médecins hospitaliers, qui s’efforçaient de trouver rapidement une autre affectation. La durée des fonctions hospitalières était en effet limitée, et seuls les professeurs de clinique, peu nombreux, pouvaient garder la direction d’un service hospitalier jusqu’à leur retraite, vers 70 ans. ESSOR DE LA SPÉCIALITÉ DANS LE SILLAGE DU PLATEAU TECHNIQUE Lorsque se développa le traitement de la tuberculose par pneumothorax (entretenu par des insufflations d’air régulières, avec parfois thoracoscopie pour section de brides), vers 1910, la nécessité du matériel et d’une expérience particulière conduisit de facto à une spécialisation des médecins exerçant cette activité, notamment en clientèle privée (la plupart d’entre eux exerçaient à l’hôpital le matin et se consacraient l’après-midi à leur clientèle privée). Dominant la pathologie respiratoire pendant la première moitié du siècle, la phtisiologie déclina après 1950, lorsque le traitement médicamenteux de la maladie fit la preuve de son éclatante efficacité. Le fondateur de la pneumologie (non tuberculeuse) lyonnaise fut V. Cordier*. Son parcours témoigne de l’émergence de la pneumologie à partir de la phtisiologie: il avait commencé son service de médecin des hôpitaux à Sainte-Eugénie, * Aucun rapport de parenté avec l’auteur de ces lignes. INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 en 1924 (où il réalisait des pneumothorax thérapeutiques), puis vint terminer sa carrière au nouvel hôpital de GrangeBlanche, qui s’ouvrit en 1933 (œuvre de l’architecte T. Garnier dénommée ensuite hôpital Édouard-Herriot, du nom du maire de Lyon sous le mandat duquel il fut construit). Curieux et moderne, V. Cordier défricha de nombreux secteurs de la pathologie respiratoire non tuberculeuse. Il s’était rendu aux États-Unis auprès de Chevalier-Jackson, pionnier de la bronchoscopie, qu’il développa activement à partir de 1930 avec P. Mounier-Kuhn (du syndrome éponyme); il se rendit également au Brompton Hospital de Londres. Il participa avec P. Santy au développement de la chirurgie pulmonaire, à Lyon. V. Cordier fut parmi les premiers (avec E. Sergent, de Paris) à parler de « pneumologie ». Son élève, P. Lagèze, également tourné vers la pneumologie non tuberculeuse, lui succéda à GrangeBlanche après son décès prématuré en 1944. STRUCTURATION DE LA DISCIPLINE Après la Seconde Guerre mondiale, l’école phtisiologique de Dufourt marqua de son emprise les hôpitaux accueillant la majorité des patients tuberculeux (SainteEugénie, et Jules-Courmont à la place du Perron). Un concours de « médecin phtisiologue » des hôpitaux avait été ouvert en 1943. J. Brun y fut nommé et, en 1949, G. Despierres; à partir de 1955 furent nommés des « pneumo-phtisio- IR77-P23-39 15/01/07 15:57 Page 39 © Imothep MS Dossier culturel logues » (C. Ollagnier, J.-C. Kalb, R. Touraine). J. Brun, son gendre, succéda à A. Dufourt en 1956 à la chaire de Clinique et de prophylaxie de la tuberculose. Une originale chaire de physiopathologie des voies respiratoires fut créée pour P. Galy, en 1959. L’année suivante, un nouvel intitulé fut attribué à la chaire de J. Brun: Clinique de pneumo-phtisiologie. Comme en témoigne cette évolution des dénominations des spécialistes et des chaires de clinique, de la phtisiologie à la pneumologie s’opérait progressivement, au milieu du siècle, la remarquable « plasticité des spécialités ». P. Galy marqua profondément la pneumologie lyonnaise. Formé à l’histophysiologie par A. Policart, il bénéficia de l’essor de la chirurgie cardiaque et pulmonaire (P. Santy, M. Bérard) pour accroître par l’examen de nombreuses pièces opératoires sa connaissance de l’histopathologie pulmonaire (qu’avait développée R. Tripier au début du siècle). En pathologie aussi bien non tumorale que tumorale, il acquit ainsi une expérience anato- mopathologique exceptionnelle et publia des travaux remarquables par leur clairvoyance, qui restent d’actualité. Il contribua à la formation de R. Loire, anatomo- pathologiste, et développa avec T. Wiesendanger l’exploration fonctionnelle respiratoire et le cathétérisme cardiaque droit. P. Galy avait succédé à P. Lagèze, à GrangeBlanche, en 1962, puis dirigea le service de pneumologie à l’ouverture de l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique en 1970. Des antagonismes tenaces surgis entre J. Brun et P. Galy laissèrent malheureusement longtemps leurs séquelles sur la pneumologie lyonnaise. Après 1970, l’évolution de la pneumologie se fit sur quatre hôpitaux. Au sud, à l’hôpital Jules-Courmont, l’activité s’orienta progressivement vers la cancérologie pulmonaire. R. Touraine excellait par son intransigeante rigueur scientifique, J.-P. Bernard développa l’endoscopie à tube souple. À l’hôpital SainteEugénie, le dynamisme de M. PerrinFayolle fit progresser l’asthmologie et l’allergologie cliniques et biologiques. À l’hôpital de la Croix-Rousse, J.-C. Kalb créa de toutes pièces un service avec une activité pneumologique polyvalente au contact du service de réanimation respi- ratoire. À l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel, J. Brune, consultant réputé, développa une orientation vers les pneumopathies interstitielles et la pathologie vasculaire pulmonaire. AUJOURD’HUI, LA PNEUMOLOGIE HOSPITALIÈRE LYONNAISE EST TRIPOLAIRE Au centre hospitalier Lyon Sud seront bientôt regroupés les services du Docteur P.-J. Souquet et du Professeur Y. Pacheco: le premier orienté préférentiellement vers la cancérologie pulmonaire, et le second vers l’asthmologie et l’allergologie. Au nord, à l’hôpital de la Croix-Rousse, le service du Professeur J.-C. Guérin est préférentiellement axé sur la cancérologie, la pathologie pleurale et la BPCO. À l’est, à l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel (Pr J.-F. Cordier, Pr J.-F. Mornex, Pr V. Cottin), l’orientation préférentielle concerne les maladies orphelines (dont les pneumopathies interstitielles et la pathologie vasculaire pulmonaire) et la transplantation. Dans tous ces services, l’épidémiologie dominante (cancer bronchique, BPCO) impose une lourde charge de soins. L’activité soutenue et la compétence des pneumologues libéraux lyonnais, pour la plupart anciens chefs de clinique à la faculté, constituent, avec la pneumologie hospitalière, un réseau efficace et serein au service des patients. ■ Potins « mondains » Jean-François Cordier, vient d’être élu membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. Jean-François Cordier, comme vous venez de le lire dans l’article ci-dessus, dirige le service de pneumologie et le centre de référence pour la prise en charge des maladies orphelines pulmonaires à l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique de Lyon. Clinicien, ses travaux ont contribué à la reconnaissance internationale de la pneumologie française dans le domaine des pneumopathies interstitielles et des maladies rares pulmonaires. Président de la SPLF (2000-2002), il en a réformé les statuts pour renforcer l’unité de la spécialité, en ouvrant l’accès des pneumologues libéraux et des hôpitaux généraux aux postes de responsabilité de la Société. Il a lancé, il y a six ans la campagne de la SPLF contre la BPCO, « Cette inconnue meurtrière ! ». L’évolution du concept de maladie pulmonaire « depuis la nuit des temps » et la reconnaissance des « géants » qui y ont contribué font partie de son jardin d’intérêts. ■ INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 39 IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 40 Dossier culturel Le musée des Hospices civils de Lyon Pharmacie de l’Hôtel-Dieu, 1673 © Hospices civils de Lyon P Philippe Paillard Conservateur directeur Musée des Hospices civils de Lyon Hôtel-Dieu – 1, place de l’Hôpital, 69002 Lyon Métro : Bellecour Ligne A/D Tél. : 04 77 41 30 42 Ouvert : lundi : 13 h 00-17 h 30 du mardi au vendredi : 10 h 00 à 12 h 00 et de 13 h 00 à 17 h 30 les 1ers et 3es dimanches du mois de 13 h 30 à 17 h 30 Entrée : 3,50 € 40 our ceux qui s’attendent à visiter un musée médical, scientifique, et qui ont à l’esprit une image contemporaine du monde hospitalier, la visite du musée des Hospices civils de Lyon, c'est-à-dire du principal et du plus ancien complexe hospitalier lyonnais, peut se révéler surprenante. Plusieurs salles offrent des écrins magnifiques, avec leurs boiseries, leurs décors sculptés, à des collections de faïences pharmaceutiques parmi les plus prestigieuses conservées en France, à des meubles de prix, des tableaux dignes d’un musée des Beaux-Arts, des tapisseries, etc. Seule une salle, en grande partie occupée par des vitrines contenant instruments, appareils, souvenirs divers en rapport avec les pathologies et les grands noms de la médecine lyonnaise, vient rappeler que la fonction de l’hôpital est tout de même de soigner. L’effet de surprise a au moins le mérite de montrer que l’hôpital n’a pas toujours été le lieu hypertechnique, aseptisé que l’on connaît aujourd’hui, mais qu’il était avant tout un outil social, la manifestation d’un devoir et d’une exigence pour nos aïeux, la bienfaisance et l’exercice de INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 la charité. Tous ces beaux objets illustrent certes davantage les modes de vie de la classe dirigeante, de ceux et celles qui se dévouent à la cause des malades, que ceux des pauvres de toute sorte, qui furent, jusqu’au milieu du siècle dernier, les seuls admis à l’hôpital. Que faut-il donc montrer du patrimoine hospitalier? Si, dans plusieurs musées de ce type, le patrimoine artistique et esthétique tient une place (trop) importante, faut-il pour autant le mettre de côté et ne montrer que ce qui a trait à l’exercice de la médecine, à l’accueil et aux soins des patients? Restons ouverts mais tout de même modestes, car la question n’est pas nouvelle et agite les promoteurs de ces musées, qui ont eu, par ailleurs, fort à faire pour les ouvrir depuis les origines. Le musée des Hospices civils de Lyon, volontairement couplé, à sa création, avec la conservation et la communication des archives de ce prestigieux établissement, est un des meilleurs exemples de cette ambivalence dont le grand mérite est de mettre l’accent sur le rôle éminent des bienfaiteurs et des donateurs, sans lesquels il n’y aurait pas eu de musée, ni d’hôpital ayant pu vivre et se développer comme il l’a fait. Il est l’un des rares à s’ouvrir dans une structure hospitalière multiséculaire et toujours active et surtout dans un des plus beaux lieux du patrimoine architectural lyonnais. Il occupe, en effet, deux salles des « quatre rangs » de l’Hôtel-Dieu, c’est-àdire d’immenses salles à l’intersection desquelles s’élevait un dôme majestueux abritant un autel à plusieurs faces. Il est aussi une des premières marques de cette attention portée au patrimoine hospitalier, longtemps négligé et méconnu, et sans doute une manière pour les responsables municipaux de se racheter de la destruction, en 1935, d’un des plus grands ensembles hospitaliers de la ville, la Charité, lieu à la fois symbolique, historique, emblématique de toute une IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 41 Dossier culturel Fonds bâptistaux © Hospices civils de Lyon page du passé lyonnais. La salle du conseil d’administration de cet hôpital, entièrement reconstituée dans le musée avec ses superbes boiseries, sa cheminée monumentale, suivie de la salle des archives, sans doute le plus beau lieu de France voué à la conservation des précieux documents, font l’admiration des visiteurs et l’initient à ce qu’était autrefois l’administration d’un grand hôpital sous la sage direction des recteurs. La petite apothicairerie, dite de la Charité, même s’il est peu vraisemblable qu’elle ait fait partie de cet immense établissement, est un bijou d’ébénisterie et de décor d’une pharmacie du milieu du XVIIe siècle. Le crocodile empaillé suspendu au plafond, devenu l’emblème des internes lyonnais et qui fit beaucoup parler de lui, est, lui aussi, une énigme. L’ensemble des très beaux objets présentés dans ces salles – meubles, tableaux, objets décoratifs, verreries, faïences, gravures, manuscrits et livres précieux, vêtements liturgiques – donne un aperçu de la richesse du patrimoine des Hospices civils, heureusement conservé et préservé depuis la création du musée, en 1936. Beaucoup de ces objets sont dignes de figurer dans un musée des Beaux-Arts ou des Arts décoratifs, et c’est d’ailleurs ce qui détermina les fondateurs du musée à les présenter. Une salle – la salle Varille – est presque entièrement consacrée à la médecine et aux médecins. Les vitrines renferment essentiellement des instruments et quelques appareils et mettent l’accent sur les grands médecins, qui, à Lyon, ont illustré les techniques et découvertes médicales. Depuis peu, tout un ensemble de vitrines présente des objets des débuts de la radiologie, illustrée à Lyon par le génial Destot à la fin du XIXe siècle, avec des pièces exceptionnelles provenant de la collection Renaut, acquise par les Hospices civils. De nombreuses pièces rares, notamment destinées à la stomatologie, avec Claude Martin, et à l’obstétrique ou à la chirurgie, étonnent et parfois effraient les visiteurs. Cependant, le musée est loin de présenter les objets les plus spectaculaires ou les plus précieux, et il existe, à Lyon, d’autres musées qui viennent heureusement compléter celui de l’Hôtel-Dieu. Un musée hospitalier se doit de retracer la vie des patients, les soins que leur apportaient les sœurs (bien évoquées dans une vitrine) ou le personnel soignant plus récent, ainsi que les médicaments et les traitements. Quelques objets permettent de le faire, tels que lit à quatre places, clystères, cabanon où étaient enfermés les aliénés, mais ceux de ce type, autrefois comme aujourd’hui, ont peu retenu l’attention des gestionnaires de l’hôpital, et la plupart ont disparu. Il serait temps de se pencher sur ce patrimoine, qui, lui aussi comme le reste, connaît une profonde évolution avec le règne du tout jetable. Heureusement, une remarquable collection de photographies, datées des années 1930 et réalisées par un aumônier de l’HôtelDieu, qui pressentait les profonds changements du monde hospitalier, nous restitue une belle part de cet univers bien éloigné du nôtre, tout en nous interrogeant sur le sens de la mission qui est celle, aujourd’hui comme hier, de tous les acteurs de l’hôpital au service du malade. ■ Moulage de gueule cassée © Hospices civils de Lyon INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 41 IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 42 Dossier culturel Les quatre musées de l’université Claude-Bernard Lyon-I Le patrimoine médical français est un des plus riches du monde, néanmoins assez méconnu. Lyon possède pas moins de quatre musées d’histoire de la santé. Leur réserver une visite est un choix justifié et pourrait être l’occasion pour un grand nombre de pneumologues de découvrir un « vrai » stéthoscope en bois tourné par Laënnec lui-même : objet fondateur – sinon culte – de la pneumologie. Un pèlerinage s’impose ! * * Extraits d’après CLUB, le magazine de l’université Claude-Bernard Lyon-I, juillet 2006. Médecine : Le musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I S Le Baquet de Messmer Jean Normand Conservateur Musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie Université Claude-Bernard Lyon-I 8, avenue Rockefeller, 69008 Lyon Tél.: 04 78 77 70 00 – poste 84 374 Ouverture : mardi, mercredi et jeudi de 14 h 00 à 17 h 30 Entrée : gratuite 42 itué dans le domaine Rockefeller, le musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie a un statut particulier au sein de l’université Claude-Bernard Lyon-I. Alexandre Lacassagne, professeur de médecine légale dans la jeune faculté de médecine qui le créa, écrivit à son sujet: « Dès mon arrivée à Lyon et lorsque j’ai eu pris connaissance du passé médical de la cité, j’ai conçu le projet de créer un musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie lyonnaises. C’est vers 1896 que cette idée a été mise à exécution. J’ai eu la joie de trouver et d’acquérir de nombreux matériaux, quelques-uns sont importants, d’autres curieux, tous intéressants et leur réunion constitue un fonds de réelle valeur. » Lacassagne en a fait donation à la faculté de médecine, devant notaire, en décembre 1913, « à charge pour elle de conserver et développer les collections dans la mesure des ressources disponibles ». Un décret du ministère de l’Éducation nationale publié au Journal officiel du 16 avril 1914, a accepté cette donation, si bien que ce musée a un statut original au sein des collections et du patrimoine de INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 l’université Lyon-I. Lacassagne y avait réuni plusieurs centaines d’objets variés, allant de tableaux aux collections d’instruments chirurgicaux et médicaux et une bibliothèque médicale historique offerte à la bibliothèque municipale de Lyon en 1921 (et répartie entre la bibliothèque municipale, celle de l’Académie de Lyon et celle du musée d’histoire de la médecine). Cela peut donner l’impression au visiteur d’une collection disparate, alors que chaque objet du musée y a été placé en sachant qu’il pouvait évoquer un chapitre, un événement ou un personnage de l’histoire médicale et révéler ainsi sa fonction pédagogique dans la transmission du savoir. Parmi les trésors que l’on peut voir dans ce musée, citons : ● Le Baquet de Messmer, reflet de l’introduction en médecine des phénomènes électriques (après les travaux de l’abbé Nollet). Pour Messmer, médecin autrichien du XVIIIe siècle (qui avait commandé à Mozart son premier opéra Bastien et Bastienne), le magnétisme généré par les êtres vivants était une source de vitalité et corrigeait les IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 43 troubles pathologiques. Ce concept touchait à la fois à la médecine magique et à la médecine scientifique. Le musée présente à côté du baquet de Messmer, le rapport demandé par Louis XVI à l’Académie royale de médecine devant le phénomène de société que représentait cette orientation thérapeutique nouvelle. C’est la gloire des académiciens d’avoir conclu à l’inefficacité de la méthode! ● Une Vanité, peinte par Ligozzi, datant du XVIIe siècle. Cette œuvre réunit dans un tableau une effrayante tête de mort posée sur une Bible à côté d’un sablier. Elle associe ainsi vanité de la vie terrestre, religion chrétienne et temps témoin de l’omniprésence de l’idée de la mort au XVIIe siècle. Elle mesure, par contraste, l’occultation de l’image de la mort dans notre siècle. ● Enfin, citons l’ouvrage en français (dans sa reliure lyonnaise d’époque) du livre de Léonard Fuchs intitulé Histoire des Plantes, paru chez l’éditeur Rouillé en 1558. C’est un des premiers livres scientifiques médicaux lyonnais de la Renaissance, qui est le reflet de la vitalité de l’édition lyonnaise au XVIe siècle. © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I Dossier culturel Estampe de Gautier d’Agoty Conformément à l’esprit de Lacassagne, les différents conservateurs du musée ont ajouté des vitrines pédagogiques consacrées à Claude Bernard et à Léopold Ollier (qui ont créé, à Lyon, la médecine et la chirurgie expérimentales). Sous cet angle, la vitrine consacrée à Buste du Pr Alexandre Lacassagne Laennec est exemplaire. Elle présente un stéthoscope en bois tourné par Laennec lui-même, l’édition originale de son livre publié en 1817 et surtout sa méthode anatomoclinique, qui a fait la gloire de la médecine française au XIXe siècle. Finalement, ce musée apparaît d’un singulier modernisme, puisqu’il a anticipé ce que sont nos grandes bibliothèques et médiathèques. Il apporte ainsi sa pierre à l’histoire de la médecine, dont les collections apparaissent comme le dernier refuge de l’épistémologie médicale et de la philosophie des sciences biologiques au sein de l’université Lyon-I. ■ © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I ● Vanité de Ligozzi INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 43 IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 44 Dossier culturel Le musée d’anatomie et d’histoire naturelle médicale DU CABINET DE MARC-ANTOINE PETIT AU MUSÉE DE L’ÉCOLE PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE En 1793, en pleine tourmente révolutionnaire, Marc-Antoine Petit inaugure son majorat au Grand Hôtel-Dieu de Lyon. Esprit brillant, chirurgien virtuose, fondateur de la première école lyonnaise de chirurgie, élève de Dessault et maître de Xavier Bichat, Petit est un pédagogue rigoureux, qui rénove en profondeur la formation médicale. Dans son discours inaugural prononcé en 1795, il pose les principes de son enseignement : « L’anatomie est le flambeau du médecin, elle doit éclairer ses premiers pas. Avant de vouloir ramener la nature égarée [...] il faut savoir quels organes elle emploie pour leur exécution, quelles correspondances elle établit entre eux, quels changements y sont produits par le jeu des passions et des progrès de la vie. » Afin d’atteindre ses objectifs, il presse l’administration hospitalière de créer un amphithéâtre, une salle de dissection, une bibliothèque et un cabinet anatomique. Les trois premiers points sont abandonnés à la postérité. En revanche, le conseil d’administration des hospices accède à sa dernière demande et prévoit, dans un arrêté du 22 pluviôse, an IV, que « les élèves concouJean-Christophe Neidhart Conservateur Musée d’anatomie et d’histoire naturelle médicale Université Claude-Bernard Lyon-I 8, avenue Rockefeller, 69008 Lyon Tél.: 04 78 77 75 86 Ouverture : du lundi au vendredi de 15 h 30 à 19 h 00 et le samedi de 15 h 30 à 18 h 00 Entrée: 2 € – tarif réduit : 1 € 44 rant pour une place à l’Hôtel-Dieu devront réaliser une pièce d’anatomie, préparée de manière à pouvoir être conservée dans un cabinet […] Les pièces seront placées dans des armoires vitrées, numérotées et porteront le nom de l’artiste ainsi que la date de leur préparation ». En 1799, comme l’exigeait le règlement, Marc-Antoine Petit quitte son majorat. Préoccupé de l’avenir réservé aux centaines de pièces constituant son cabinet, il sollicite l’attribution de locaux. Un accord semble trouvé, mais les salles pressenties sont affectées aux charpentiers de l’Hôtel-Dieu. Il se retire alors dans le privé et emporte sa collection avec lui. En 1806, Petit accède à la présidence de la Société de médecine de Lyon, dont il fut, en 1789, le principal fondateur avec onze autres jeunes médecins. Il meurt en 1811 et lègue par testament son cabinet à la Société savante. En 1854, sur requête du directeur de l’École préparatoire de médecine de Lyon, Charles Richard dit, « de Nancy », et de l’anatomiste Jean-CharlesEugène Foltz, le préfet Claude-Marius Vaïsse alloue environ 2000 francs or à l’aménagement de deux salles de l’Hôtel-Dieu pour créer un musée anatomique et une bibliothèque. Un appel est lancé aux médecins de Lyon et livre quelques pièces ; les cabinets hospitaliers, condamnés à la misère depuis la mésaventure de Marc-Antoine Petit, n’ont que peu de matériel à fournir, et c’est presque naturellement vers la Société de médecine que l’on se tourne. Celle-ci accepte de déposer dans cette nouvelle institution le précieux patrimoine médical dont elle est la gardienne depuis sa fondation en 1789. Ainsi naît une association fructueuse, qui se perpétue encore de nos jours. En 1877, le musée est transféré quai Claude-Bernard, où s’élèvent les INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 bâtiments de la nouvelle faculté de médecine, puis sur le site du domaine Rockefeller dans les années trente. ORIGINE ET DIVERSITÉ DES PIECES DE LA COLLECTION En 1851, la Société de médecine devient dépositaire de la collection phrénologique de Gall, conservée par Fleury Imbert. En 1901, Mondan et Vincent lui confient une partie des pièces et documents rassemblés par leur maître, le Professeur Ollier, père de la chirurgie orthopédique moderne et créateur de la chirurgie expérimentale. Ce sera ensuite au tour de LouisCharles-Émile Lortet, premier doyen de la faculté de médecine, d’offrir quelques souvenirs de ses voyages au Proche-Orient et en Égypte. Auguste Chauveau, professeur à l’école vétérinaire de Lyon, suivra le même chemin en léguant une collection très riche de squelettes d’animaux. L’apport le plus important de toutes ces reliques nécrologiques de la science intervient en 1921, lors de la fusion de la Société de médecine de Lyon et de la Société des sciences médicales. Des centaines de pièces d’anatomie normales et pathologiques, des moulages, de nouvelles pièces du Professeur Ollier et la collection Guiart de biologie marine, collectée à l’occasion des campagnes océanographiques du prince Albert I er de Monaco, viennent enrichir les collections du musée. D’autres noms mériteraient d’être cités, mais la liste est trop longue pour rendre ici hommage à tous ceux qui, même avec modestie, contribuèrent, depuis Marc-Antoine Petit, à créer et à développer cet ensemble qui embrasse les sciences morphologiques et l’histoire naturelle médicale. Le département d’anatomie humaine regroupe l’ostéologie, les grands appareils anatomiques, la téra- IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 45 Dossier culturel tologie, l’anatomie pathologique et l’anthropologie criminelle. Le département d’histoire naturelle médicale rassemble les collections antiques, la paléoanthropologie et l’anatomie comparée. Lorsque l’on entre dans le musée, de grandes vitrines en chêne offrent un large éventail de préparations anatomiques. Chaque os du corps humain est détaillé, et d’impressionnantes pathologies, comme le rachitisme, les tuberculoses osseuses ou les déformations du bassin, témoignent d’affections qui ont marqué notre continent dans les siècles passés. Une multitude d’organes, qui nous révèlent les secrets les plus intimes du corps humain, sont présentés en bocaux, fixés sur de fines lames de verre bleu outremer et conservés dans des solutions d’alcool ou de formol. Les anatomies naturalisées, inspirées par les travaux d’Honoré Fragonard, sont des dissections pratiquées sur cadavres, séchées, peintes puis vernies, qui mettent en valeur muscles, tendons, nerfs et vaisseaux. Les injections-corrosions (technique initiée par Léonard de Vinci et qui consiste à détruire les organes après les avoir injectés avec de la cire ou de la résine) dévoilent, par leurs arborescences, l’extraordinaire complexité de l’appareil vasculaire. Enfin, les modèles en cire témoignent d’un artisanat oublié où se mêlaient art et science. Lieu de mystères et de découvertes, le musée, transféré et rénové en 1992 dans l’esprit des cabinets anatomiques d’antan, constitue un outil pédagogique et scientifique d’une grande richesse pour les étudiants et les chercheurs. Il offre à tous les publics l’occasion de découvrir l’organisation de cette merveilleuse machine qu’est le corps humain et de constater, comme l’écrivait Étienne Dolé en 1532, « avec quel soin et quelle beauté le créateur de toutes choses a construit l’Homme […] ». ■ 1. Extraits d’après CLUB, le magazine de l’université Claude-Bernard Lyon-I, juillet 2006. Collections d’appareils anciens de physique et de physiologie É Étienne Boursey Christian Bange Collections d’appareils anciens de physique et de physiologie Université Claude-Bernard Lyon-I 43, boulevard du 11 novembre 1918 69622 Villeurbanne Cedex Tél.: 0472448178 (M. Boursey) Ouverture : Collections dispersées Possibilité de visite individuelle sur demande Entrée: gratuite tudier expérimentalement la nature des choses, qu’il s’agisse d’êtres inanimés ou animés, est une passion que les physiciens* et les physiologistes* ont en commun. Le lien qui unit les deux disciplines n’est pas seulement étymologique, car les particularités du fonctionnement des êtres vivants incitent les biologistes à se faire physiciens quand il le faut. Pour l’illustrer, il suffit de voir comment des biologistes tels qu’Alessandro Volta et Luigi Galvani, Jean-Louis Marie Poiseuille ou Hermann von Helmholtz ont respectivement découvert l’électricité, la viscosité et l’acoustique. Réciproquement, les physiciens ont fourni aux physiologistes bien des appareils. Le spectroscope, par exemple, permet aux physiologistes d’étudier les divers états de l’hémoglobine. Et l’enregistrement graphique (inventé par James Watt pour surveiller le fonctionnement des machines à vapeur) a connu grâce à Étienne-Jules Marey, un développement considérable dans l’étude des processus dynamiques présents chez les êtres vivants (que ce soit la respiration, le fonctionnement cardiaque ou le mouvement) et a même débouché sur l’invention du cinéma. Chez les physiciens et les physiologistes, il ne sera pas étonnant de rencontrer des appareils identiques ou parfois similaires, tout du moins dans leur forme. Fabriqués avec les mêmes matériaux (notamment le laiton), ils proviennent dans bien des cas des mêmes constructeurs. Par exemple, Jobin et Yvon ont construit des spectrophotomètres destinés aux besoins des physiciens et des astronomes mais ont également conçu des appareils pour les dosages biochimiques des physiologistes. Grâce à la constante évolution des techniques et du matériel, les appareils scientifiques ne servent qu’un temps. Cependant, le campus scientifique de La Doua, héritier de l’ancienne Faculté des sciences établie à Lyon en 1835 (au palais Saint-Pierre puis au quai Claude-Bernard), a la chance d’avoir conservé d’intéressants spécimens de quelques appareils scientifiques d’autrefois. Leur examen est fort instructif. Grâce à ce patrimoine, on saisit, mieux qu’avec les appareils presse-bouton d’aujourd’hui, les principes mis en œuvre dans les mesures ainsi que leur lien direct avec les phénomènes observés. Ils illustrent aussi les INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 45 IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 46 Dossier culturel difficultés pratiques de l’approche expérimentale. Véritables souvenirs historiques, ces appareils sont, dans certains cas, des prototypes fabriqués par les chercheurs eux-mêmes ou réalisés selon leurs instructions. Notre université possède ainsi une collection remarquable, qui équivaut à bien des grandes collections universitaires étrangères. © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-i Le résonateur de Koenig (Rudolph Koenig, Paris 1882) fait partie de cette collection. Pouvant servir au physiologiste ou au phoniatre, cet appareil analyse des timbres de sons musicaux ou vocaux. Il fonctionne: ● au gaz: 8 capsules alimentent 8 becs de gaz couplés à 8 résonateurs de von Helmholtz (les 8 notes de l’octave) ● à bras, puisqu’un miroir tournant permet d’observer l’état de repos ou d’agitation des flammes, c’est-à-dire les résonateurs qui entrent en résonance. Si l’on émet un son composé, cet appareil permet d’en observer les harmoniques. Il est en quelque sorte un précurseur inflammable des appareils à transformer de Fourier. La présence d’appareils anciens de physiologie à La Doua tient au fait qu’une chaire de physiologie générale de la Faculté des sciences fut créée à Lyon Résonateur de Koenig 46 Pneumographe dès 1883 et confiée, en 1887, à Raphaël Dubois (1848-1929, ancien élève de Claude Bernard et de Paul Bert connu pour sa découverte du mécanisme de production de lumière par les êtres vivants). Dubois obtint un équipement très complet pour son laboratoire. Ancien sous-directeur du laboratoire d’optique physiologique, il avait inventé un ophtalmomètre, lui aussi présent dans la collection. Il publia, en 1900, Leçons de Physiologie expérimentale et collabora au grand Traité de Physique biologique d’Arsène d’Arsonval, ouvrages largement utilisés pendant plusieurs décennies. La plupart des appareils inventés par Étienne-Jules Marey ou par Paul Bert y sont décrits. Figurent dans la collectiondes cylindres enregistreurs, des myographes, des pneumographes et des cardiographes pour l’usage humain ou les petits animaux. La collection compte également des instruments de l’électrophysiologie naissante, du grand chariot inducteur de Dubois-Reymond au galvanomètre de Kelvin-William Thomson, en passant par les électrodes impolarisables d’Arsène d’Arsonval. Par la suite, Henry Cardot (1886-1942), l’un des maîtres de l’électrophysiologie, utilisa un appareillage spécialisé devenu rare, le cylindre à cames. Certains des collaborateurs de Raphaël Dubois se spécialisè- INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I rent dans les recherches sur le métabolisme, d’où la présence d’anciens manomètres de Warbourg utilisés dans la mesure de la respiration cellulaire. Son successeur, Daniel Cordier (1900-1960), fit l’acquisition des premiers spectrophotomètres, d’appareils à électrophorèse et de chromatographes, qui offrent un panorama représentatif de l’outillage employé pour les recherches sur le métabolisme dans les années 1950-1970. La collection s’est aussi enrichie de dons: citons un prototype de l’électrophotomètre inventé en 1936 par Paul Meunier (1908-1954), qui fut professeur de chimie biologique à la Faculté des sciences de Lyon. D’autres appareils documentent les recherches électrophysiologiques de la même époque, et d’autres encore (microscopes, balances, centrifugeuses ou calculatrices) sont ceux que les biologistes utilisaient habituellement. Au total, la collection de physiologie regroupe près de deux cents appareils anciens stockés au rezde-chaussée du bâtiment des herbiers. Maintenant, reste à attendre que ces pièces les plus significatives pour l’histoire des sciences puissent être exposées dans un local destiné à cet usage. ■ * Physis, en grec, désigne la nature dans un sens dynamique. IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 47 Dossier culturel Le musée dentaire © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-i À travers une reconstitution, le musée dentaire de Lyon illustre un cabinet du début du XXe siècle. © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-i © Éric Le Roux – Service communication université Lyon-i L Dentier complet en ivoire Alain Huet Président Association du musée dentaire de Lyon – UFR d’odontologie Université Claude-Bernard Lyon-I Rockefeller – 69008 Lyon Tél. : 04 78 77 86 92 (secrétariat de la faculté dentaire de Lyon) Ouverture : sur rendez-vous le mercredi e musée dentaire de Lyon restitue l’ambiance d’un cabinet dentaire de la fin du XIXe siècle, période où naquit réellement la dentisterie moderne tout imprégnée des technologies de son temps. Une remarquable série de fauteuils et Units (du XIXe à nos jours) permet notamment de suivre l’évolution de l’ergonomie des cabinets, et une vingtaine de vitrines exposent les instruments de dentisterie, de chirurgie, etc. La dentisterie a toujours recherché la nouveauté technologique, et l’évolution de l’art dentaire a suivi l’histoire des sciences et techniques. Les problèmes posés par les soins, le remplacement des dents ou le fonctionnement de l’appareil manducateur obligèrent les praticiens à s’intéresser à de nombreux domaines concernant tant les sciences biologiques que celles de l’ingénieur. L’ergonomie du cabinet dentaire allait de pair avec la diversité des actes pratiqués. En effet, à une pratique limitée aux extractions sur une place foraine correspondaient un fauteuil à peine Fauteuil Justus Ash modèle d’Archer n° 3, Rochester modifié et un outillage fruste. Et à une dentisterie destinée à une population de riches privilégiés correspondait une instrumentation spécifique dans un environnement plus spécialisé. L’évolution du fauteuil dentaire en est le parfait reflet. Il n’est pas interdit de considérer ce musée comme un témoin du lien pouvant exister entre la technique dans son aspect le plus aride, sophistiqué, dénué de toute humanité et sa finalité vouée à l’amélioration du bien-être social et personnel. Les quelques photographies reproduites ici ne peuvent résumer la richesse des collections du musée et de sa bibliothèque. ■ INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 47 IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 48 Dossier culturel Laboratoire P4 Jean Mérieux : un bâtiment qui manie des virus mortels Le laboratoire P4 de Lyon n’est pas un établissement ordinaire. Il en existe moins de dix au monde de ce type. Manipulant des micro-organismes pathogènes de classe 4, ce bâtiment de haute sécurité dispose d’un système de sécurisation particulièrement sophistiqué. Visite d’une réalisation aux allures de film de science-fiction, qui fait de Lyon une des capitales mondiales de la virologie. L’ © Laboratoire P4 Jean Mérieux Inserm © Laboratoire P4 Jean Mérieux Inserm histoire commence en 1947, lorsque Charles Mérieux crée, dans le quartier des abattoirs de Gerland, l’Institut de production du vaccin antiaphteux afin de faire face à une épizootie mondiale. En raison de la grande contagiosité du virus, cette activité requiert des mesures de sécurité très rigoureuses et les laboratoires sont équipés d’une double enceinte, de sas et de douches. Dans les années 1970 qui connaissent l’émergence et la réémergence de maladies infectieuses, notamment en Afrique, Charles Mérieux préconise la construction d’un laboratoire de haute sécurité. En mai 1995, des spécialistes mondiaux de la virologie chargent Charles Mérieux d’une motion demandant au président de la République française, la mobilisation des pays européens en virologie. En 1996, le projet se concrétise et le laboratoire P4 Jean Mérieux est inauguré en mars 1999 par Jacques Chirac, président de la République. PATHOGENE DE CLASSE 4, RISQUE MORTEL Nicolas Postel-Vinay @ : [email protected] 48 La dénomination P4 (pathogène de classe 4) réfère à des micro-organismes pathogènes faisant encourir des risques mortels au personnel qui les manipule. Ces agents sont caractérisés par leur haute dangerosité (taux de mortalité très élevé en cas d’infection), absence de vaccin protecteur, absence de traitement médical efficace et transmission possible par aérosols. La protection maximale exigée pour manipuler ces germes est INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 désignée par le sigle NSB4: niveau de sécurité biologique 4. Les principaux agents de classe 4 sont des virus générant soit des fièvres hémorragiques (Ebola, Lassa, Marburg, Congo-Crimée), soit des maladies infectieuses à haut pouvoir de dissémination et à haut taux de mortalité; par exemple, la variole. Les pathologies associées aux virus P4 – hémorragies, encéphalites et syndromes pulmonaires ou rénaux – sont également causées par des virus classés P3. La fièvre jaune ou la dengue (maladies d’importation rencontrées en France chez les voyageurs au retour des pays tropicaux), l’encéphalite de West Nile, l’encéphalite à tique ou la fièvre hémorragique avec syndrome rénal (maladies endémo-épidémiques en France) sont dues à des virus classés P3. Le Centre national de référence, centre collaborateur OMS pour les arbovirus et les fièvres hémorragiques virales, est intégré à Lyon dans l’Unité de biologie des infections virales émergentes de l’Institut Pasteur. Il bénéficie des infrastructures modernes du laboratoire pour la préparation de ses réactifs pour le diagnostic des maladies virales en France ou d’importation. SOUS HAUTE SURVEILLANCE Un couloir de visite permet une observation des différentes zones du laboratoire par l’intermédiaire de hublots. L’accès au couloir de visite n’est possible qu’après identification et autorisation par badge magnétique. La zone d’accès IR77-P40-56 15/01/07 15:49 Page 49 Dossier culturel est placée sous surveillance vidéo. La zone P4 comprend trois modules de travail (deux laboratoires indépendants et une animalerie). Les locaux sont maintenus en permanence en dépression par un système d’air neuf, avec filtration absolue de l’air entrant et de l’air sortant. Le chercheur qui pénètre dans la zone P4 est en contact avec le poste central de sécurité (PCS) grâce à un système d’émetteur-récepteur. Le personnel n’entre jamais seul à l’intérieur du laboratoire. Une personne habilitée à accéder en zone P4 doit se trouver dans le poste central de sécurité. Elle pourra intervenir en zone en cas de problème, telle l’évacuation en urgence d’un chercheur lors d’un malaise. L’entrée ou la sortie de matériel s’effectue par un autoclave à double entrée. Les déchets décontaminés sont ensuite pris en compte par une société spécialisée dans l’incinération des déchets. Les effluents liquides sont, après décontamination chimique, stérilisés à la vapeur (128 °C) dans des cuves spécialement adaptées à ce type de traitement. Les locaux d’accès aux laboratoires sont constitués de sas: un Les cinq missions du laboratoire Santé publique : assurer la maintenance des locaux P4 et la formation des personnes susceptibles d’y travailler. ● ● Diagnostic et surveillance des agents pathogènes « spéciaux » connus ou nouveaux, naturels ou liés à la malveillance (bioterrorisme). Pour remplir cette mission, l’Inserm doit solliciter des coopérations diverses : CNR Myxovirus Sud, CNR Paramyxovirus, CNR fièvres hémorragiques virales, etc., et s’organiser en pôle de compétence virologique. Les échantillons parviennent de diverses sources, souvent d’ailleurs, sur la base des habitudes passées, du CNR fièvres hémorragiques de l’Institut Pasteur. ● Accueil d’équipes scientifiques pour la réalisation de programmes de recherche sur des pathogènes spéciaux. ● Gestion de la collection nationale des agents pathogènes spéciaux. ● Participation aux relations internationales entre les pays disposant de P4, ou désirant travailler en liaison avec le P4 français. © Laboratoire P4 Jean Mérieux Inserm sas vestiaire, une douche de propreté, un sas scaphandre et un sas douche de décontamination. AIR RESPIRABLE L’air respirable permet au personnel du laboratoire, par l’intermédiaire d’un narguilé fixé sur le scaphandre, de respirer un air propre, frais et suffisant même lors d’efforts soutenus. Il y a de nombreux narguilés disséminés dans tout le laboratoire, permettant aux chercheurs de se déplacer facilement lors de leurs activités de recherche. En cas de panne des deux compresseurs, un groupe de six bouteilles d’air respirable comprimé est activé. Ces six bouteilles contiennent suffisamment d’air pour permettre à dix chercheurs d’être approvisionnés pendant 15 minutes, temps nécessaire à leur sortie en respectant les procédures. DES SCAPHANDRES ISSUS DE LA RECHERCHE POUR L’INDUSTRIE DU NUCLÉAIRE Le scaphandre est en pression positive par rapport au laboratoire, si bien que l’air sort en cas de déchirure accidentelle. Le chercheur pourra alors décontaminer la partie déchirée, mettre un ruban adhésif prévu à cet effet et sortir de la zone P4 par les douches de décontamination. Lors d’un tel incident, le chercheur ne pourra pas être en contact avec l’air du laboratoire. Le personnel possède un scaphandre sur mesure (taille, pointure de chaussures, longueur des bras). Il peut, à l’aide d’une molette, faire varier le volume d’air respirable (de 400 à 800 litres par minute). Un filtre ayant une efficacité de 99,99994 % pour des particules de 0,015 mm est situé à l’intérieur de la connexion sur le narguilé pour une totale sécurité. TRAITEMENT DE L’AIR Chaque pièce du laboratoire est pourvue de systèmes indépendants de traitement de l’air permettant de maintenir la dépression. Selon les pièces, cette dépression s’échelonne entre moins 40 et moins 90 pascals. Elle augmente de la zone la moins contaminée (sas d’entrée) vers les zones à risque (animalerie, pièces à autoclave). Chaque centrale d’air est constituée d’un soufflage et de deux extractions. L’air de soufflage est pris sur le toit du laboratoire et permet de maintenir une dépression stable. Lors d’un problème sur l’extraction principale, le soufflage s’arrête (l’air est alors pris dans la zone technique supérieure) et l’extraction de secours se met en marche. La dépression est maintenue aux mêmes valeurs, quel que soit le mode d’extraction. ÉTANCHÉITÉ L’étanchéité du laboratoire est due à la conception même du laboratoire. Les murs et les plafonds sont constitués de panneaux de polyuréthane de 12 cm d’épaisseur, reliés entre eux par des joints butyl. L’ensemble est consolidé et rendu étanche par des joints de silicone puis recouvert de panneaux métalliques. L’installation comprend différents systèmes de câblages électriques ou de canalisations (eau, azote liquide). Ces différents éléments sont rassemblés en un seul point par des presse-étoupes, puis rendus étanches avec du silicone. Le sol en béton est recouvert d’une épaisse résine époxy sans angle droit afin d’augmenter les propriétés d’étanchéité. FUTUR Ce laboratoire, aux allures futuristes, mais cependant bien actuel, est un exemple étonnant de liens intimes entre la respiration d’un bâtiment et celle des hommes qui y travaillent. L’artificiel et le physiologique se répondent comme dans un sous-marin. Un modèle d’architecture pour une vie future sur mars ou, plus probablement, dans un monde si pollué que les villes seront placées sous cloche ? ■ INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 49 IR77-P40-56 15/01/07 15:50 Page 50 Dossier culturel Lyon Gastronomique Comme la gastronomie fait partie intégrante du patrimoine d’une région, et que nous savons que les pneumologues n’y sont pas indifférents, Info Respiration vous propose une sélection de restaurants faite par Pierre-Jean Souquet, et cette recette typiquement lyonnaise émanant d’un chef cuisiner de la capitale des Gaules. « Qui n’aime pas aller au restaurant n’est pas lyonnais! » Comment, parmi tant de restaurants, conseiller ses adresses préférées ? Avant de faire votre choix, sachez que beaucoup ont de petites salles et peuvent être fermés les samedis et/ou dimanches, il est donc prudent de réserver ! Certaines rues ou quartiers en abondent, et vous devriez trouver votre bonheur dans la rue des Marronniers (qui donne sur la place Bellecour), la rue Mercière (dans le 2e arrondissement), la rue Saint-Jean et la rue du Bœuf (dans le Vieux Lyon). Les bouchons ➞ Café des Fédérations, 8-10, rue Major-Martin, 69001 Lyon – Tél. : 04 78 28 26 00. ➞ Chez Hugon , 12, rue Pizay, 69001 Lyon Tél. : 04 78 28 10 94. ➞ Café Comptoir Abel , 25, rue Guynemer, 69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 46 18. Ouverts les samedis midi et soir : Ouverts tous les jours : ➞ Le Meunière, 11, rue Neuve, 69001 Lyon Tél. : 04 77 82 62 91. ➞ Chabert et Fils , 11, rue des Marronniers, 69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 01 94. ➞ Le Saint Vincent , 6, place Fernand-Rey, 69001 Lyon – Tél. : 04 72 07 70 43. ➞ Bouchon des carnivores, 8, rue des Marronniers, 69002 Lyon Tél. : 04 78 42 97 69. Ouvert les samedis midi : ➞ La Mère Jean , 5, rue des Marronniers, 69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 81 27. ➞ Le Bouchon de l’Opéra , 13, rue Terraille, 69001 Lyon – Tél. : 04 78 28 49 47. ➞ La Machonnerie , 36, rue Tramassac, 69005 Lyon – Tél. : 04 78 42 24 62. ➞ Le Bistrot de Lyon, 64, rue Mercière, 69002 Lyon Tél. : 04 78 38 47 47. Les brasseries Les « Bocuses », ouvertes tous les jours, midi et soir, repas rapide, toujours de qualité. Comptez de 30 à 50 €. Laissez-vous guider par vos papilles : ➞ Le Nord, une cuisine de tradition, 18, rue Neuve, 69002 Lyon – Tél.: 0472106969. ➞ L’Ouest , une cuisine des îles, 1, quai du Commerce, 69009 Lyon – Tél.: 0437646454. ➞ Le Sud, une cuisine du soleil, 11, place AntoninPoncet, 69002 Lyon – Tél.: 0472778000. ➞ L’Est , une cuisine des voyages, Gare des Brotteaux, 69006 Lyon – Tél.: 0437248585. brasserie, 800 couverts… et malgré cela, un service rapide, une qualité constante et un choix de choucroutes, fruits de mer et lyonnaiseries énormes… un des meilleurs tartares de Lyon… ouvert tous les jours, métro/tram : Perrache. © Office du Tourisme de Lyon ➞ La Brasserie Georges 1836 , 30, cours de Verdun, 69002 Lyon – Tél. : 04 72 56 54 54. Une véritable institution à Lyon, la plus grande 50 ➞ La Brasserie des Brotteaux 1836, 1, place Jules-Ferry, 69006 Lyon – Tél.: 0472740398. Face à la gare des Brotteaux (métro : Brotteaux). Vous serez reçu dans un décor Art INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 ➞ Argenson Gerland, une cuisine bourgeoise, 40, allée Pierre-de-Coubertin, 69007 Lyon Tél.: 0472737273. Mes préférées: Le Sud et L’Ouest, vous avez en plus le cadre et le décor. nouveau, plusieurs reprises cinématographiques s’y sont déroulées pour Le Coût de la vie (film réalisé, en 2003, par Philippe Le Guay, avec Vincent Lindon, Fabrice Luchini et Géraldine Pailhas…), et Vieille Canaille (film réalisé, en 1993, par Gérard Jourd’hui, avec Michel Serrault, Anna Galiena…). La cuisine y est agréable et harmonieuse ; attention, il est fermé le dimanche. © Marie Perin – Office du Tourisme de Lyon Origines du mot « Bouchon » : Au temps des chevaux et diligences, un bouquet de paille était accroché à la porte des cabarets pour indiquer que l’on pouvait y boire du vin. Ce bouquet de paille porte aussi le nom de bouche. Le temps faisant son travail, de « bouche » le mot se déforma à « bouchon ». Une institution lyonnaise ! Qui ne connaît les andouillettes, les tabliers de sapeur, les pieds paquets, les salades ? Avec un pot de Beaujolais ou de côtes-du-Rhône (c’est l’élastique au col de la bouteille qui fait la différence…), comptez entre 25 et 40 €. Prévoyez de vous y rendre le vendredi soir ou le lundi midi avant votre départ : IR77-P40-56 15/01/07 15:50 Page 51 Dossier culturel Les grandes tables Lyon ne joue pas dans la même catégorie que les autres villes avec ses grandes tables. Citons : Paul Bocuse : L’Auberge du Pont-de-Collonges, au Mont-d’Or, Jean-Paul Lacombe: Léon-de-Lyon ; Christian Têtedoie : Tête- doie ; Nicolas Le Bec : Restaurant Nicolas-Le Bec ; Pierre Orsi : Restaurant Pierre-Orsi ; Guy Lassausaie : Restaurant Guy-Lassausaie ; enfin, L’Alexandrin ; Restaurant Larivoire ; La Tour Rose ; Les terrasses de Lyon ; Les Trois Dômes ; Auberge de l’Île Barbe ; Auberge de Fond Rose… À quelques kilomètres de Lyon, Les Pyramides, à Vienne (mention spéciale pour son rapport qualité, prix impressionnant), Alain Chapel, à Mionnay, La Rotonde, à Charbonnières. La Tour rose @ Dancette / Office du Tourisme de Lyon Mes « coups de cœurs » folies raisonnables… ➞ Alex Restaurant, 44, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon – Tél. : 04 78 52 30 11. Fermé les dimanches et lundis. Tout y est élégant : le décor, le service et surtout la cuisine… (menus entre 25 et 50 €). ➞ Raphael Beringer, 37, rue Auguste-Comte, 69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 49 83. Fermé les dimanches. Des saveurs étudiées et exquises, un rapport qualité prix parmi les meilleurs, (menus entre 30 et 50 €). ➞ Mathieu Viannay, 47, avenue Foch, 69006 Lyon Tél. : 04 78 89 55 19. Fermé les samedis et les dimanches. « Mon » restaurant préféré, des saveurs d’une pureté, d’une intensité et d’une inventivité incroyables. N’hésitez pas à rester à Lyon uniquement pour un repas chez Mathieu Viannay (menus entre 40 et 70 €). ➞ Cuisines et Dépendances, 46, rue Ferrandière, 69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 44 84. Fermé le dimanche. Cuisine créative et agréable (poissons) ; (comptez entre 30 et 60 €). ➞ Maison Gamboni, 241, rue Marcel-Mérieux, 69007 Lyon – Tél. : 04 78 72 60 88. Ouvert tous les jours, « LE » restaurant de viandes par excellence : essayez donc le menu du « Tueur »… ➞ Anticipation, 8, rue Chavanne, 69001 Lyon Tél. : 04 79 30 91 92. Fermé le dimanche soir. Si vous aimez être étonné du début jusqu’à la fin par des associations surprenantes et détonantes, courez-y vite. Il y a souvent en dessert de la glace au tabac ! Si, Si… comme quoi, le tabac, ça peut quand même servir ! (40 à 60 €). ➞ Maison Borie , 3, place Antonin-Perrin, 69007 Lyon – Tél. : 04 72 76 20 20. Fermé le dimanche. (30 et 70 €). Très bonne adresse, tout y est parfait, du décor à la cuisine. ➞ Fleur de sel, 3, rue des Remparts-d’Ainay, 69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 40 37. Cuisine toujours excellente et sûre (40 à 70 €). Profitez-en pour visiter la basilique d’Ainay (métro : Ampère-Victor-Hugo) ! ➞ Les Adrets, 30, rue du Bœuf, 69005 Lyon Tél. : 04 78 38 24 30, dans le cadre du Vieux Lyon : une adresse de qualité et de rapport qualité/prix sans reproche (30 à 50 €). Revenez à Lyon pour tout découvrir : sa culture, sa gastronomie et sa convivialité. Si vous avez un petit coup de blues, allez aux halles de Lyon, cours Lafayette, ce n’est pas très loin de la cité Centre de congrès Lyon. À toute heure, prenez une douzaine d’huîtres avec un petit blanc, par exemple. Vous y trouverez tout ce qu’il faut pour le moral. Fermé les dimanches après-midi et les lundis). Royale de foies de volaille et de foie gras crémeux de panais Recette proposée pour huit personnes par Stéphane Gaborieau, chef cuisinier lyonnais qui s’est installé en 1993 à la Villa Florentine, un Relais & Châteaux étoilé accroché à la colline de Fourvière. Il nous propose également dans son restaurant de Paris, Le Pergolèse, 40 rue Pergolèse dans le 16e, des créations largement inspirées de la cuisine lyonnaise. 300 g de foies de volaille bien nettoyés 80 g de foie gras 5 jaunes d’œufs 3 œufs entiers 20 g d’ail blanchi trois fois 750 g de lait 75 g de farine 250 g de crème fleurette Sel et poivre Pour la crème de panais 250 g de panais 2 dl de crème fraîche 1 dl de lait Sel et poivre Mettre le tout dans un bol mixeur et mixer. Passer l’appareil dans un chinois étamine. Verser l’appareil dans 8 ramequins beurrés et cuire au bain-marie pendant 40 minutes à 140 °. Pour la crème de panais : cuire pendant 20 minutes dans une casserole, puis mixer. Couler sur les ravioles la crème de panais Facultatif : ajouter dessus un trait d’huile de noix ou des graines de sésame torréfiées INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 51 IR77-P40-56 15/01/07 15:50 Page 52 Dossier culturel Le bouchon lyonnais et la cervelle de canut… …quand Anglais, Français, Gallo-Romains et Celtes prennent langue autour du pot lyonnais C’ Pour chanter Veni Creator Il faut une chasuble d'or. Pour chanter Veni Creator Il faut une chasuble d'or. Nous en tissons Pour vous grands de l’Église, Et nous pauvres canuts N'avons pas de chemise. C'est nous les canuts, Nous sommes tout nus. C'est nous les canuts, Nous sommes tout nus. Bernard Pigearias Clinique Saint-George 2, avenue de Rimiez, Nice Laboratoire du sommeil et de l’effort 3, rue Cronstadt, Nice 52 est dans le bush, la « brousse », que l’on va découvrir ces « bousches » de l’ancien français, ces poignées de paille, ces bouquets de petits arbustes, les shrubs du bush anglais. Les touffes de lin ou autres graminées bien battues (le boten – battre néerlandais) seront ainsi devenues des bottes de paille, de fibres, à force d’avoir été bien boutées… et pourront être tissées. Ces gerbes de feuillage, ramassées dans la nature, seront le premier objet le plus simple utilisé pour frotter, nettoyer un animal: ainsi, avec ces bottes de végétaux, ces « bousches », l’on bouchonnera un cheval. Cette familiarité avec cet animal considéré comme la plus belle conquête de l’homme explique sans doute le glissement vers d’autres conquêtes: « – Ah! Ma petite friponne! Que je t’aime, mon petit bouchon! »1 Ces mêmes petites bottes immédiatement disponibles serviront à obturer une barrique, un tonneau rempli, évitant la perte des précieux liquides ainsi transportés : ces matériels de transport se retrouveront ainsi « bouchés » avec ce qui va devenir naturellement un bouchon évoluant par ailleurs avec les matériaux disponibles et choisis pour leurs qualités physiques. De végétaux liés en petites bottes, l’on passera à des découpes adaptées de l’écorce très pneumatisée d’un certain chêne qualifié pour la légèreté de sa précieuse écorce de liège – littéralement « léger » – ou à des matériaux plus rigides adhérents par friction: les bouchons de verre dépoli, de bois, de métal, de polymères plastiques de synthèse ou naturels INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 (caoutchouc). Et, selon la force nécessaire pour forcer l’obturation, le bouchon deviendra tampon, tant il est vrai qu’il faut le taper pour fermer la tape – l’objet prenant alors le nom du geste technique –, que ce soit pour fermer sur les navires les écubiers, ces passages des chaînes et cordages, les nables, ces trous de vidange, dont le nom luimême renvoie au néerlandais nagel – cheville, qui est déjà… un bouchon! C’est cette notion de fermeture, de contention, de risque d’accumulation en amont… du bouchon, qui lui a donné son sens figuré pour la circulation routière ou la limitation de la pensée, lorsque l’esprit sinon simplement l’horizon se retrouvent bouchés. Mais il est vrai que le bouchon, une fois formé, relève réellement de l’embouteillage. Mais ne poussons pas trop loin le bouchon… au risque de tricher, car, dans ce jeu de pétanque, le bouchon, devenu cochonnet trop distant, disqualifierait les joueurs aux biceps moins développés, ce qui serait jouer… « petit bras ». Toutefois, la pétanque n’a pas l’apanage du bouchon, quand ce n’est pas un caractère… de police: « – Il ne faut pas que l’inspecteur machin-chose pousse le bouchon trop loin. »2 Il faut croire alors que ce jeu, où il serait indécent de perdre la boule… des yeux, serait plus fort que de jouer au bouchon, ce qui serait alors stupéfiant, sans pour autant que la police ait à s’en mêler… Car le jeu du bouchon est déjà un jeu d’argent, où l’obligation de gain impose d’abattre avec des galets les bouchons surmontés de pièces de mon- IR77-P40-56 15/01/07 15:50 Page 53 Dossier culturel naies, du vrai Zola ! « – Mon Dieu ! J’ai joué au bouchon, quand j’étais gamin. » 3 Mais revenons à nos bouchons, lyonnais bien sûr, prétextes à cette balade sémantico-historique : le retour passe par le vieux français, ces « bousches » de l’ancien français, ces poignées de paille, ces bouquets, qui, après avoir libéré les précieux breuvages par eux séquestrés dans les tonneaux, signalaient la présence de ces derniers maintenant percés par leur accroche à la porte des institutions créées à cet effet. Ainsi, le « bouquet bouchons », véritable enseigne de tonneau, attirait vers l’estaminet, le chaland en manque de boisson et autre distraction. De l’enseigne à l’institution, il n’y avait qu’un pas qui fut vite franchi, et le bouchon vite achalandé ! On retrouve d’ailleurs cette coutume de signalement en Autriche, à Vienne, sur les pentes du Kahlenberg, le MontChauve à Grinzing, où les cabarets locaux, les Heurigen littéralement « de l’année », s’agissant du vin sur ces coteaux produit, servant le vin nouveau, rivalisent de créativité par des compositions végétales bien en phase avec cette capitale impériale si sensible aux courants artistiques. Notre balade est aussi celle de mythiques chalands lyonnais, qui fréquentèrent longuement ces bouchons sur la butte de Fourvière, les ouvriers de la soie, ce qui va, bien sûr, de soi en raison du caractère traditionnellement très populaire de ces cabarets – littéralement, de ces « petites chambres », ces camberete de l’ancien Picard passé par le néerlandais cabret. Ces soyeux de Lyon avaient en charge le tissage des soieries, de ces taffetas qui firent la renommée de la ville. Ces tisserands, ces tafetassiers, si l’on transcrit littéralement en français son homonyme turco-perse, donnaient au tissage tout son lustre par blanchiment, le canuzir provençal, qui reprend au latin le canus exprimant le blanc et en particulier le blanc brillant. Rappelons que ces taffetas ont été la première grande révolution médicale permettant une meilleure hygiène des plaies. Ces tissages, si fins qu’ils furent qualifiés de gaze, ont été enduits de gomme agglutinante et sont devenus les pansements adhésifs actuels: « – Marcelle lui tendait un bout de taffetas gommé. Il tira la langue et lécha docilement la pelure rose. Marcelle appliqua le bout de taffetas sur la plaie [...] » 4 Comme un juste exercice de leur art dont ils tiennent leur nom, les canuts ont donné tout leur… lustre aux cérémonies religieuses avec le tissage des vêtements sacerdotaux, ce qui a été repris par l’un des chansonniers les plus célèbres du cabaret du Chat Noir, devenu Mirliton à la Goutte d’Or, au pied d’une autre butte célèbre, Montmartre, Aristide Bruant, Les canuts, dans le recueil Sur la route : Pour chanter Veni Creator Il faut une chasuble d’or. Pour chanter Veni Creator Il faut une chasuble d’or. Nous en tissons Pour vous grands de l’Église, Et nous pauvres canuts N’avons pas de chemise. C’est nous les canuts, Nous sommes tout nus. C’est nous les canuts, Nous sommes tout nus. Sur la butte de la Capitale des Gaules, l’on traboule – du latin trans-ambulare – littéralement l’on déambule à travers les ruelles, de bouchons en bouchons, pour atteindre au sommet la vielle place, le vieux forum, le Forum vetus : Fourvière, et cela depuis la nuit des Celtes, alors que ce lieu élevé, cette colline, ce dunum, était dédié au culte de Lug, le dieu solaire celte. Le colonisateur romain, toujours en quête d’intégration réussie, a associé cette croyance à l’appellation de la ville sur cette colline fondée : Lugdunum devenu ensuite Lyon, ce qui explique l’Y de son nom, qui n’a donc rien à voir avec le roi d’une jungle plus tropicale. S’il est un animal mythique à associer à ce nom, c’est un corvidé, un lukos, une corneille, un corbeau, le « Raven » anglais annonciateur de la venue du (dieu) soleil à l’aurore : c’est que dans toute mythologie, il y a le dieu et son animal totémique ; c’est d’ailleurs ce même « Raven » qui est symbolisé sous forme d’énormes becs de corvidés au sommet des « totem-poles » des Indiens aléoutes de la côte nord-américaine, cette mère « Raven » ayant sauvé, en les transportant grâce à la puissance de son bec, les survivants d’une humanité emportée par un déluge… Dans la Celtie originelle, le culte de Lug était très répandu, et ses traces fossiles sémantiques se retrouvent dans Laon, Luchon, voire Londinium anglicisé en London. Redescendons les traboules… où l’on a parfois voulu limiter l’origine de canut à la canette que le taffetassier utilise pour exercer son métier… à tisser, ce qui est phonétiquement séduisant mais sémantiquement bien mince, sauf dans l’usage de celle-ci au cabaret, mais il s’agirait alors d’un anglicisme : c’est que la canette du canut ne saurait être le « can » de Jerry… Et le canut vieillit, blanchit: il devient donc chenu, ce qui est un juste retour à ses sources sémantiques… Peut-être est-ce cette blancheur immaculée du fromage blanc frais assaisonné de sel, poivre, ciboulette, ail, échalote, huile et vinaigre, volontiers consommé par les canuts dans les bouchons, qui aurait conduit à nommer cette spécialité renommée « cervelle de canut »? La question est d’importance : c’est autour d’un pot lyonnais que l’on quêtera la réponse à cette brève de comptoir, sinon de conteur de bouchon! ■ 1. Molière. « Le Médecin malgré lui. » Acte I, S5. 2. Borniche Roger. « Le Ricain. » 3. Zola Émile. « Son Excellence Eugène Rougon.» Tome I. 4. Sartre Jean-Paul. « L’âge de raison. » XVII. INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007 53 IR77-P40-56 15/01/07 15:50 Page 54 Dossier culturel 11e Congrès de pneumologie : les conférences culturelles Congrès médical et scientifique par définition, le CPLF n’en oublie pas pour autant la culture. Pour preuve, il accueille, sous la houlette de Jean-Pierre Orlando, trois conférences à visée littéraire et historique. Venez nombreux y assister ! samedi 3 février dimanche 4 février Pneumologie : de la nuit des temps au souffle des géants, Jean-François Cordier, Lyon Respirer la géométrie : l’architecture hospitalière, Dany Baud, Chevilly-Larue À bout de souffle : quand la respiration fait son cinéma, Jacques Lacronique, Paris « Je pris un cahier de papier, j’en formai un rouleau fortement serré dont j’appliquai une extrémité sur la région précordiale, et posant l’oreille à l’autre bout, Je fus aussi surpris que satisfait […] » Des anecdotes aux concepts. De la mort d’Ötzi au clin d’œil de Rabelais et aux millions de sangsues. De la naissance de la méthode anatomoclinique à celle de la médecine fondée sur les preuves. Des rois théocrates à la peste blanche tuberculeuse des deux derniers siècles, et à la peste bleue actuelle. Cette randonnée vagabonde et égoïste dessine par touches le rôle majeur de la pneumologie dans l’histoire et l’évolution de la médecine. © Imothep MS Pneumologie culture à l’auditorium Pasteur de 10 h 00 à 11 h 30 Coordinateur : Jean-Pierre Orlando (Aubagne) © Imothep MS © Imothep MS Séance inaugurale au Forum 2 vendredi 2 février 2007 de 16 h 00 à 17 h 30 vendredi 2 février de 16 h 30 à 17 h 00 « J’étouffe ici. Sortons. » Pelléas A. « C’est donc cela qui te fait pleurer, ma pauvre Mélisande ? Ce n’est donc que cela ? Tu pleures de ne pas voir le ciel ? » Golaud B. Rapprocher ces deux mots, architecture et respiration, peut étonner. Et pourtant ! La respiration n’estelle pas la circulation de l’air qui peut être source de contamination et de maladie ou au contraire vecteur de santé ? L’histoire de l’architecture des hôpitaux et tout particulièrement l’architecture fonctionnaliste depuis Tenon jusqu’aux sanatoriums sera évoquée dans un premier temps. Ensuite, plus prêt des préoccupations de notre temps, aidés par le témoignage d’architectes, d’historiens et de philosophes, nous verrons que justement regarder le construit, dehors et dedans, a toujours constitué une expérience corporelle où la respiration et la sensation de l’espace sont primordiales. Nous nous interrogerons pour savoir s’il en est toujours de même aujourd’hui. « Il est déjà idiot en soi d’ête docteur. On a besoin de malades pour vivre et pourtant on s’acharne à les guérir. » Akira Kurosawa Une petite évasion du souffle magnifié par l’objectif du cinématographe, de son origine à nos jours. La tuberculose et d’autres maladies respiratoires constituent parfois le thème fort d’un film facile à retrouver. Mais quand la respiration ne fait son cinéma qu’en fond d'écran ou dans une seule séquence au souffle remarquable, il faut rassembler ses souvenirs et les organiser pour pouvoir présenter ces scènes, parfois d’anthologie. C’est le défi à relever jusqu’à être… à bout de souffle. Info Respiration remercie pour leur collaboration au dossier culturel de Lyon : • Blandine Thenet, attachée de presse à l’Office du tourisme • Virginie Satre, directrice de la Maison des canuts • Philippe Paillard, conservateur directeur du musée des Hospices civils de Lyon. Pour l’université Claude-Bernard Lyon-I Normand, conservateur du musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie • Jean-Christophe Neidhart, conservateur du musée • Jean 54 d’anatomie et d’histoire naturelle médicale Informatique CERVI – INSERM • Étienne Boursey et Christian Bange pour le musée des • Stéphane Gaborieau, chef cuisinier lyonnais collections d’appareils anciens de physique et de physiologie • Alain Huet, président de l’Association du musée dentaire de Lyon – UFR d’odontologie • Thierry Vallet du Laboratoire P4 Jean Mérieux, fonctionnaire de Sécurité Défense, adjoint du directeur du Laboratoire P4 sûreté du site, RSSI-Réseau Crédit Photographies : Laurent Berthier, Photographie Caméleon/Office du tourisme de Lyon. Edmund Hazlewood, Marie Perrin et Dancette/Office du tourisme de Lyon. UMR CNRS MAP ENSA.Imothep MS. Cyclo 3. Patrice Pierart. Hospices civils de Lyon. Éric Le Roux du service communication de l‘université Lyon-I. Laboratoire P4 Jean Mérieux Inserm. INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007