Dossier spécial Lyon - Espace Francophone de Pneumologie

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Dossier spécial Lyon - Espace Francophone de Pneumologie
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11e Congrès de pneumologie de langue française
Lyon : une ville inscrite
au patrimoine mondial
de l’humanité
Vue aérienne de Lyon
D o s s i e r s p é c i a l Ly o n
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© Laurent Berthier – Photographie Caméleon /Office du Tourisme de Lyon
Depuis la fondation de Lugdunum (colline de la lumière, ou colline des corbeaux)
sous les Romains, au Ier siècle av. J.-C., Lyon est riche de deux mille ans d’histoire.
Visite guidée…
S
on statut de « Capitale des trois-Gaules » lui valut, pendant trois siècles, une certaine suprématie, jusqu’à la
décadence romaine. Au XIe siècle, Lyon reprend son souffle
lorsque l’Église la proclame siège du Primat des Gaules. Sa
prospérité ne cesse alors d’augmenter pour atteindre, à la
Renaissance, son apogée. Dès la fin du XVe siècle, l’apparition de grandes foires, le développement de la banque attirent les commerçants de toute l’Europe, et l’élite s’y installe.
L’expansion perdure. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la soierie
lyonnaise s’exporte dans le monde entier (voir article pages
31-32). La ville se développe et s’équipe d’hôpitaux (voir
articles pages 34-35), de places et d’édifices de qualité (voir
article page 29).
Après l’arrêt de la Révolution française, Lyon s’industrialise
sous l’Empire, et son urbanisation, cette fois « haussman-
nienne », se poursuit. Lyon connaît une période sombre
lors des révoltes des canuts (ouvriers de la soie); cependant,
la puissance de la ville demeure.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, la « Capitale des
trois-Gaules » devient la « capitale de la Résistance ». Puis
c’est un nouveau défi: l’Europe. La ville s’investit alors dans
le développement des transports, d’infrastructures d’accueil
et d’équipements culturels et dans la création, en 1960, du
quartier d’affaires de la Part-Dieu.
Dans les années 1980, un nouvel élan est donné afin
d’améliorer les équipements structurants de la métropole,
où vont se côtoyer en toute harmonie vestiges du passé et
définition de l’avenir. Ces marques de l’histoire sont inscrites dans le patrimoine et l’urbanisme de la ville que nous
vous invitons, lors du 11e CPLF, à découvrir.
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À travers la ville…
FOURVIERE (CITÉ GALLO-ROMAINE)
Les vestiges romains, la « colline de Fourvière » et son théâtre, le temple de Cybèle et
l’Odéon témoignent, à eux seuls, de la puissance de la cité (Lyon est la seule ville en
France à posséder un chantier de fouilles permanent). La basilique de Fourvière
marque la « colline qui prie », symbole de la dévotion lyonnaise au XIXe siècle.
La Basilique de Fourvière
Le petit théatre de l’Odéon
Le théatre Gallo-Romain
© Edmund Hazlewood/Office du Tourisme de Lyon
© Patrice Pierart
© Patrice Pierart
LA CROIX-ROUSSE
Surnommée par Michelet la « colline
qui travaille », c’est le milieu de la soie,
l’histoire ouvrière de la ville au XIXe.
Vous remarquerez de très hauts immeubles avec de nombreuses fenêtres.
Ils abritaient les métiers à tisser des
canuts, dimensionnés pour contenir les
imposants métiers à bras et les nouvelles mécaniques inventées par
Jacquard (voir article pages 31-32).
Des passages nord-sud dans le sens de
la pente, les fameuses traboules, furent
créés pour faciliter la circulation des
piétons. À la même époque, les Lyonnais passent le Rhône, urbanisent la
rive gauche avec de belles bâtisses
« haussmanniennes » et industrialisent
à l’Est dans les 7e et 8e arrondissements.
Persistent d’intéressants bassins de
culture ouvrière (quartiers Mermoz et
États-Unis de Tony Garnier, la CitéJardin de Gerland).
La grande Côte
© Marie Perrin/Office du Tourisme de Lyon
À découvrir
● L’immeuble
des Voraces (pour son escalier de conception très
moderne).
●
L’amphithéâtre des Trois-Gaules (vers 19 apr. J.-C., le plus ancien des
amphithéâtres gallo-romains.)
●
Le Grenier d’abondance (1720, réserve de blé pour la consommation
des Lyonnais).
La cour des Voraces
© Dancette/Office du Tourisme de Lyon
● Les
Subsistances, ancien couvent de Sainte-Marie aux chaînes
du XVIIe siècle.
● La
résidence Villemanzy, ancien monastère des dames
de Sainte-Élisabeth (magnifique point de vue sur le Rhône).
● L’église
XVIIIe
Saint-Bruno des Chartreux (style baroque, dôme du
siècle par Soufflot. Exemple de couvents d’avant la Révolution).
L’amphithéâtre des Trois-Gaules
© Dancette/Office du Tourisme de Lyon
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En traversant la Saône, vous pénétrez dans le Vieux-Lyon
À visiter
●
L’hôtel de Gadagne
●
La Loge du Change
●
Le palais Saint-Jean
●
La Maison des avocats
▲ La
cour Saint-jean
© Dancette/Office du Tourisme de
Lyon
La cathédrale Saint-Jean
© Dancette/Office du Tourisme de Lyon
▲
LE VIEUX-LYON (PÉRIODE RENAISSANCE)
La loge du Change
© Patrice Pierart
Vous pourrez visiter :
La cathédrale Saint-Jean. Elle conserve une abside romane
mais elle est gothique par ailleurs et possède une horloge
astronomique avec une rosace centrale. Sa chapelle des
Bourbons fut construite à une époque plus tardive
(XVe siècle).
●
▼ La
maison des avocats
© Patrice Pierart
L’église Saint-Paul, de style roman, avec son clocher
octogonal, et ses fresques datées de 1480.
●
L’église Saint-Georges, construite au XIXe par Bossan,
architecte de la basilique de Fourvière. Les maisons médiévales ont été agrandies et embellies aux XVIe et XVIIe siècles.
●
Entre les deux rives : La presqu’île
LA PRESQU’ILE
La rue Mercière en son centre était, au
Moyen Âge et sous la Renaissance, le
secteur de l’activité marchande et de
l’imprimerie. De petites rues et traboules
médiévales contrastent avec les grandes
percées de l’époque Napoléon III. Elle
s’enrichit de prestigieux bâtiments à
partir du XVIe siècle : l’Hôtel de Ville
(1646, S. Maupin, restauré par J. Hardouin-Mansart suite à l’incendie de
1674, décor intérieur Second Empire),
La rue Mercière
© Edmund Hazlewood /Office du Tourisme de Lyon
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l’abbaye Saint-Pierre (VIIe siècle, ancien
couvent des Dames de Saint-Pierre,
entièrement reconstruit au XVIIe siècle,
réhabilité en 1803 en musée et son
cloître, un jardin public) et l’HôtelDieu (XIIe siècle, réaménagé en 1779
par J.-G. Soufflot).
De grands aménagements urbains
imposent, au XIXe siècle, le percement
de grandes artères reliant les Terreaux à
la place Bellecour (voir page 29). C’est
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aujourd’hui un quartier très commerçant où sont concentrés banques,
boutiques, grands magasins et cinémas. L’animation, est renforcée par la
présence de nombreux cafés et restaurants ainsi que par des équipements
culturels majeurs. Vous trouverez
place des Célestins : le théâtre des
Célestins (1877, G. André), l’Opéra
(1829, Chenavard et Pollet, rénové et
surmonté d’une voûte en verre par
J. Nouvel, en 1990), le musée SaintPierre, et enfin, le palais de la Bourse
(Dardel, 1862).
L’Opéra
© Patrice Pierart
La place des Terreaux, la fontaine Bartholdi
La place Bellecour, statue de Louis XIV
© Laurent Berthier – Caméléon Photographie/Office du Tourisme de Lyon
© Laurent Berthier Photographie-Caméleon /Office du Tourisme de Lyon
Une traboule
© Dancette/Office du Tourisme de Lyon
La place de la Bourse
© Laurent Berthier – Caméléon Photographie /Office du Tourisme de Lyon
À voir
Saint-Bonaventure (XIVe et
siècles, nombreuses modifications).
● Église
XVe
Saint-Nizier (XVe siècle, intérieur
gothique flamboyant).
● Église
● Basilique
Saint-Martin-d’Ainay
(XIIe siècle, romane).
Église Saint-Nizier – © Patrice Pierart
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LA PART-DIEU : FUTUR QUARTIER D’AFFAIRES EUROPÉEN
Signifiait au Moyen Âge « la propriété de Dieu ». C’est le second centre de Lyon,
la tour du Crédit Lyonnais, dite « le Crayon », constitue, comme la basilique de
Fourvière à laquelle il fait face, un repère visuel pour les promeneurs. Il s’urbanisa
au milieu du XIXe, lorsque la partie Est du Rhône fut reliée à la presqu’île par la
construction de ponts, et la commune de la Guillotière rattachée à Lyon. Ce
quartier est devenu un centre régional de décision avec la bibliothèque municipale, l’auditorium, la tour du Crédit Lyonnais et la gare TGV.
La Tour du Crédit Lyonnais
© Patrice Pierart
La Cité internationale de Lyon
vous attend !
Promenade en vélo, deux possibilités
s’offrent à vous :
●
La Cité des Congrès
© UMR CNRS MAP ENSA
Située entre le Rhône et le parc de la
Tête d’Or, ce site, qui accueillit
jusqu’en 1984 la Foire internationale
de Lyon, vous accueillera en février
pour le 11 e CPLF. La conception
architecturale est signée de l’Italien
Renzo Piano et la conception paysagée
de Michel Corajoud. Un environnement protégé grâce à l’extension du
parc de la Tête d’Or de 10 hectares
d’espaces plantés et au réaménagement
des berges du Rhône conduisant à la
création d’une promenade piétonne et
cycliste de 30 km (et, si vous le souhaitez, vous pourrez vous promener en
vélo-taxi, voir encadré).
La gare TGV de la Part-Dieu se trouve à
5 minutes, l’aéroport de Bron à 10 minutes et celui de Lyon Saint-Exupéry à
20 minutes. Il est situé à proximité du
périphérique nord permettant de rega-
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gner le réseau autoroutier français
et européen. Son implantation au
cœur de la ville le relie directement
aux autres quartiers de Lyon
Et pour la petite histoire :
INTERPOL, l’organisation internationale de police criminelle, y a
installé son siège mondial. On
notera également que le sommet
des 7 pays les plus industrialisés du
monde a eu lieu à la Cité internationale en juin 1996.
Citons enfin un casino, un pôle
culturel avec Ciné Cité, un multiplex cinématographique UGC, un
musée d’art contemporain et un
pôle résidentiel. Il y en a pour tous
les goûts!
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Version sportive : les stations Vélo’v mettent
à votre disposition des vélos à la sortie du
congrès, c’est simple: vous vous identifiez, vous
prenez votre vélo, vous circulez, vous le raccrochez à une autre station du réseau. Vous avez
juste besoin de votre carte de crédit, choisissez
la carte courte durée, le prix: de 30 minutes à
1h30: 0,50 € ; par heure suivante: 2 €, frais
de carte: 1 € ; les 30 premières minutes sont
gratuites.
●
Version taxi: Cyclopolitain vous conduit tel un
taxi au moyen de cyclo électrique dans Lyon. Seule
chose à faire, leur téléphoner au 0478303590;
un quart d’heure plus tard ils viennent vous
prendre à la sortie du congrès pour une visite culturelle (course individuelle ou en groupe).
Le prix: 1 € par personne et par km plus 1 €
forfaitaire lors de la prise en charge. Une façon
très sympathique de découvrir Lyon.
© Cyclo 3
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La place Bellecour
Par Daniel Piperno
L
a place Bellecour n’était, il y a
encore deux cents ans, qu’un
vaste marécage que les eaux de la
Saône venaient remplir à chaque
crue… Elle est, aujourd’hui, la plus
grande place de Lyon et la quatrième
plus grande place de France (après la
place de la Concorde, à Paris, la place
du Pâtis, à Montargis, et la place des
Quinconces, à Bordeaux) avec une
superficie de 310 mètres par 200.
C’est également la plus grande place
piétonne d’Europe. Elle se trouve dans
le deuxième arrondissement, entre la
Saône et le Rhône. Le quartier du
Vieux Lyon et de la cathédrale SaintJean se situe en face, par rapport à la
Saône. Elle est desservie par deux
lignes de métro: les lignes A et D. La
station Bellecour est, de ce fait, la plus
fréquentée du métro lyonnais. De la
place Bellecour partent deux artères
piétonnes majeures de la presqu’île de
Lyon: la rue de la République, menant
à l’Hôtel de Ville, et la rue VictorHugo, qui aboutit à Perrache. Tous les
vendredis soirs, elle est le point de
départ d’une randonnée à rollers.
Enfin, la place Bellecour constitue le
point kilométrique 0 de Lyon: toutes
les distances sont comptées à partir de
ce point.
Au centre de la place se trouve la statue
équestre de Louis XIV, surnommée le
« cheval de bronze », une œuvre du
sculpteur François-Frédéric Lemot de
1825. Cette statue fut coulée à Paris et
transportée à Lyon, en douze jours, par
un attelage de vingt-quatre chevaux.
L’entrée de la statue dans la ville fut
l’occasion de festivités qui attirèrent
un très grand nombre de spectateurs.
On discuta, on écrivit beaucoup au
sujet de l’épigraphe. L’Académie de
Lyon s’en mêla et l’inauguration eut
lieu le 3 novembre 1826, veille de la
fête de Charles X . Une tribune en
forme de cirque, très élégamment
La place Bellecour
© Dancette/Office du Tourisme de Lyon
décorée, avait été construite pour recevoir les autorités et les notables de la
ville. Une particularité de cette statue
est le chevauchement à la romaine (sans
étriers) du cavalier. Au XIXe siècle, c’était
la place du monde médical ; on en
trouve une description lourde et pesante,
quasi fantomatique, dans Place des
angoisses, de l’écrivain et médecin lyonnais Jean Reverzy.
« […] toujours incertaine dans les petits matins
clignotant au pépiement de ses moineaux pleins de
tics. Trop large, vide, ouverte aux attributs
dérisoires. Militaire, impériale : spacieuse aux
manœuvres des bataillons, cour des casernes
somptueuses où la Médecine a pour toujours pris
ses quartiers. Royale : par-dessus les fers de lance
d’une grille rouillée, les sabots du Grand Siècle
piétinant un socle de pierre nue. Sylvestre : sous le
demi-deuil des malingres marronniers noirs.
Agreste : ces kiosques de fleuristes enfouis dans
les bouquets mouillés. Saharienne : ces jours où le
vent souverain, remontant le cours de fleuves, soulève une poussière brûlée plus agressive que les
sables du désert. Hyperboréenne : des âmes
lourdes trébuchant dans les brumes aux blancheurs
de banquise. Et religieuse – ah! combien! –, ces
abbés savants courant à l’étude, et ces femmes
attendries aux oratoires marmonneurs de mots
latins. Et riche, et revêche, et sotte […] »
Jean Reverzy décrit avec cynisme les
immeubles de la place Bellecour,
peuplés de médecins:
« Depuis la mort lointaine de mon père, nous
habitions, ma mère et moi, un appartement “à
façade” dont les fenêtres s’ouvraient sur ce désert
investi par la Médecine. L’immeuble sentait la
vieillerie ; sous le porche passait un courant d’air
d’avarice : des docteurs étaient installés à chaque
étage. Au premier, un pédiatre et un phtisiologue ;
au second, un cardiologue connu, disait-on, du
monde entier ; au-dessus de nos têtes, un spécialiste des maladies mentales. Dans l’escalier, du
matin au soir, c’était un va-et-vient patibulaire de
tousseurs, de radoteurs, d’enfants rabougris et de
cardiaques essoufflés. Nous vivions un peu en
intrus à côté des savants et de leurs familles.
Selon une tradition séculaire, tous les grands
médecins de la ville logeaient aux alentours : et
près d’eux leurs fils, leurs gendres, leurs neveux,
praticiens de moindre renom, mais qui hériteraient
un jour de leur titre, de leur tristesse et de leur
gloire. »
Prenez le temps de flâner sur cette
grande place sans âge, et, en traversant la Saône, vous découvrirez l’un
des plus beaux quartiers Renaissance
d’Europe, sauvé de la destruction et
réhabilité grâce à André Malraux ! ■
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Dossier culturel
Quand je devinais un cancer,
un peu attristé, je disais :
« Vous entrerez à l’hôpital »
«D
Le Passage du médecin et romancier
Jean Réverzy (1914-1959), valut
le prix Renaudot à son auteur en
1954. Au-delà de ses qualités
littéraires propres, ce livre, vendu
à des centaines de milliers
d’exemplaires, est un témoignage
sur le monde médical lyonnais du
milieu du xxe siècle. Pour vous
donner envie de le découvrir, en
voici un extrait…
Jean Réverzy
Extrait des
Œuvres Complètes
Flammarion (éd.) 2002,
916 pages, 26 €.
NB : « Le Passage », édité en un
volume au Seuil, est épuisé.
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evant moi, se tenait un homme
nu, un corps gras, lactescent
sous un pelage grisonnant. À regret, il
s’était séparé de vêtements ternes, usagés,
empreints de sa substance, scellés à sa
peau comme le pansement à la plaie
vive. Le malade souvent redoute ce
dépouillement et, devant la nudité,
recule comme devant une eau glacée. En
se débarrassant de sa chrysalide, l’insecte
doit ressentir de ces douleurs et comme
lui, l’homme souffre en se libérant d’une
enveloppe empesée par sa sueur. Et moi,
je pensais aux mers du Sud, je ne le
regardais pas ; je l’écoutais à peine. Il
s’était étendu sur le divan; je dus faire un
effort pour l’examiner, réfléchir sur sa
maladie. Un corps s’abandonnait à mes
mains actives qui le palpaient et le pétrissaient comme une pâte grasse et ferme.
L’esprit ailleurs, je regardais mes doigts
longs et minces, dont la peau plissée aux
jointures dessinait de minuscules maelströms, s’étendant et se fermant tour à
tour. Le temps passait. Aux questions
l’homme répondait lentement, d’une
voix gluante. Mais j’avais fini par trouver
ce que je cherchais et, satisfait de ma
découverte, je m’étais relevé. Tout cela,
cependant, avait été long. Je suis médecin, et les médecins sont des gens pressés
qui comptent leur temps et leur argent.
Ils glissent dans un monde auquel ils ne
participent qu’à demi; un mur les sépare
de la vie qu’ils surveillent. Pour eux, tous
les êtres s’agitent en un coma permanent
et, parce qu’ils la connaissent, ils se tiennent à l’écart de l’universelle agonie. Leur
expérience est le résidu de souffrances
aiguës ou monotones. Dès l’aube, ils
lèvent le drap du dernier mort de la nuit,
puis errent parmi des formes qui se
plaignent, qui pleurent, qui simulent.
Après des années, ces témoins permanents du passage et de la fluidité de la vie
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devraient aboutir au plus rigoureux
désespoir. Mais le vieil inconscient
humain les avilit ou les protège de trop
de lucidité et ces spectateurs de toutes les
angoisses ne sont pour la plupart que de
petits épargnants. Ce jour-là, pressé
comme les autres, je me hâtai d'en finir
avec mon patient maintenant debout,
qui de ses gros doigts trapus et bruns
comme des pénis enfouissait les pans de
sa chemise à l'intérieur de son pantalon.
L’index levé, je déclarai: “Il faut entrer à
l’hôpital.” Il m’écouta sans rien dire.
Alors, je le vis mieux: c’était un paysan de
la ville, un terrassier remueur de remblais,
leveur de pavés. Sous un casque de cheveux gris, son visage d’un demi-siècle,
simplifié, sans angles, ressemblait à celui
de ces statues usées par le vent du désert.
J’aurais voulu en finir vite; mais au fond,
en homme assez bon que la misère et la
douleur gênent et parfois tourmentent, je
me reprochai d’avoir été bref, je parlai
d’abus anciens, de la nécessité de beaucoup de soins, de repos: “Vous guérirez;
vous reprendrez votre travail”, répétai-je
deux ou trois fois. Et comme le malade
ne semblait pas me croire, je me tus, de
nouveau impatient, fronçant les sourcils
et essayant de penser à autre chose. Cela,
d’ailleurs, se fit sans effort : dans mon
esprit, l’obsession de ce jour reparut, le
visage d’un homme oublié qui, incroyablement, revenait… J’étais un petit docteur attaché à une banlieue triste. Je savais
un peu de médecine: la digitale ranime
les cours, la morphine endort les douleurs
vives, la pénicilline modère les fièvres.
Quand je devinais un cancer, un peu
attristé, je disais: “Vous entrerez à l’hôpital.” Contre la toux et les rhumes je formulais des potions délicieuses. Mais
au-delà d’une vie calme subsistait un
regret qui, certains jours, ressemblait à
un remords. » ■
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De la soie au textile lyonnais
L’histoire de Lyon est liée à celle de la soie et du textile. Rois,
empereurs, marchands, ouvriers, industriels en ont écrit l’histoire.
Sans oublier le génie de Pasteur, pour qui la maladie du ver à
soie fut l’épilogue de sa théorie microbienne.
notamment des étoffes de soie en provenance d’Italie. En 1466, Louis XI
propose aux Lyonnais de créer une
manufacture. Ces derniers déclinent
l’offre, ayant peur de froisser leurs partenaires italiens, et les conditions imposées par le roi sont financièrement trop
lourdes. Ce refus conduit Louis XI à fonder la Manufacture Royale de Tours.
En 1536, François Ier, devant la fuite de
devises liée à l’importation des étoffes
de soie, donne à la ville de Lyon des
lettres patentes autorisant le tissage de
la soie. C’est le début de l’histoire des
Tisseurs de Fils d’Or, d’Argent et de
Soye.
D’ABORD LA CHINE : UN « KILO »
DE SOIE CONTRE UN « KILO » D’OR
© Maison des Canuts
L’origine de la découverte de la soie reste
contestée. Pour certains remontant aux
années 3870 av. J.-C. en Inde, pour
d’autres, on trouverait sa première trace
écrite chez Confucius, en 2640 av. J.-C. La
légende veut qu’une princesse du nom
de Tsi Ling Shi, prenant son thé sous
un mûrier, aurait trouvé une boule
blanche dans sa tasse. Ayant vu un fil,
elle l’aurait tiré et aurait ainsi dévidé le
premier cocon.
Quelles qu’en soient ses origines, la soie
est le symbole de la richesse et du pouvoir. Elle est réservée à l’empereur, puis
à sa cour, quiconque en dévoile le secret
est exécuté. Vers le IIe siècle av. J.-C.,
elle devient monnaie d’échange. Des
caravanes ouvrent les routes de la soie
jusqu’à Rome, où l’on échange un « kilo »
de soie contre un « kilo » d’or.
LYON TISSE LA SOYE POUR LES ROIS
Dès lors, l’activité de la « soierie lyonnaise » n’aura de cesse de se développer
tant en termes d’innovations techniques
et de créations artistiques que de poids
économique et de progrès social.
Lyon devient le siège des principales
améliorations et inventions liées au
métier à tisser. En 1605, Dangon
développe le métier à la Grande Tire,
dont le dernier exemplaire visible en
Europe se trouve à la Maison des
canuts, puis viennent Bouchon, Vaucanson, Jacquard et Breton. Tous
apportent leur contribution à la création de la mécanique dite « Jacquard »,
Virginie Satre
Directrice de la Maison
des canuts
La Maison des canuts
10, rue d’Ivry
69004 Lyon
Site Internet :
@ : [email protected]
Métro : Croix-Rousse Ligne C
Tél. : 04 78 28 62 04
Ouverte : du mardi au samedi
visite commentée tous les jours
à 11h00 et 15h30
Il faut attendre le VIe siècle pour que
l’Europe s’empare du fameux secret.
L’empereur byzantin Justinien délègue
deux moines à Pékin. Ceux-ci en reviennent avec, cachés dans leurs cannes en
bambou, les œufs du papillon: le Bombyx mori. L’élevage du bombyx et la
production de soie se développent
autour du bassin méditerranéen. Les premières traces, en France, remontent au
XIIe siècle.
Au XIVe siècle, Lyon est une ville florissante. Elle le doit entre autres à sa
situation géographique et à l’autorisation que lui a donnée le roi Charles VII
d’organiser des foires. Sur ces foires
s’échangent de nombreux produits et
© Laurent Reiz
L’EUROPE S’EMPARE
DU BOMBYX MORI
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Dossier culturel
© DR
Joseph Gensoul (1797-1858), chirurgien-major de
l’Hôtel-Dieu, arrête les insurgés qui veulent pénétrer
dans l’hôpital pour achever les blessés, au cours de
la révolte des canuts de 1831.
qui révolutionnera le monde du tissage.
Le XVIIIe siècle marque une étape importante dans le rayonnement des soieries
lyonnaises : les dessins de grands rapports sont très prisés et alimentés par
l’école de dessin lyonnaise, dont le chef
de file est Philippe de La Salle. Louis XIV
passe d’importantes commandes, la cour
lui emboîte le pas, puis les cours
d’Europe comme celles de Frédéric II
de Prusse et de Catherine II de Russie.
Le XVIIIe siècle marque un changement
dans l’organisation de la soierie appelée
la Fabrique. Elle compte trois groupes
d’individus– les maîtres-marchands ou
soyeux, les maîtres-tisseurs ou propriétaires d’un ou plusieurs métiers à tisser
et les maîtres-ouvriers. Les deux derniers groupes deviennent plus connus
sous le nom de canuts au XIXe siècle. En
1744, une loi interdit au maître-tisseur
de vendre lui-même sa production, ce
droit étant réservé au soyeux. Ce sera la
première grève des maîtres-ouvriers.
UN EMPIRE INDUSTRIEL
À LA FOIS RICHE ET RÉVOLTÉ
La Révolution est une très mauvaise
nouvelle économique pour la ville, la
clientèle de Lyon – les rois, la noblesse,
l’armée et l’église – étant en mauvaise
posture. Il faudra attendre Napoléon Ier
pour que la soierie lyonnaise retrouve
des couleurs. L’empereur, à la demande
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des soyeux, va passer d’importantes
commandes pour le mobilier national
et imposer à toute personne officielle de
s’habiller en soieries de Lyon.
Le XIXe siècle est l’âge d’or de la soierie
lyonnaise : de nouveaux marchés s’ouvrent comme celui de l’Amérique du
Nord. L’arrivée de la mécanique Jacquard
permet d’augmenter la productivité.
Tous ces changements ne se font pas
sans heurts : les canuts qui dépendent
des soyeux, veulent la mise en place d’un
tarif minimal de façon. Les premières
revendications tarifaires ont eu lieu en
1786. Mais c’est en 1831 que des négociations s’ouvrent entre les représentants
des huit mille canuts et ceux de huit
cents soyeux sous l’égide du préfet Bouvier Dumolard. Le tarif est signé, mais
une minorité de soyeux ont dénoncé cet
accord auprès du roi, qui le cassera. Les
canuts, furieux et déçus, se révoltent et
quittent leurs ateliers. Au prix de six
cents morts, ils se rendent maîtres de
l’hôtel de Ville. Malheureusement, ce
mouvement n’obtient pas gain de cause
et les canuts retournent à leurs ateliers les
mains vides. Ils fondent, début XIXe, la
première société coopérative française et
la première société de devoir mutuel. En
1831, ils sortent leur propre journal
l’Écho de la fabrique (consultable sur le
site echo-fabrique.ens-lsh.fr grâce à
l’ENS).
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En 1834, Louis-Philippe fait arrêter des
chefs de la société mutuelle et interdit la
vente de l’Écho de la fabrique. S’amorce
alors la deuxième révolte des canuts,
plus meurtrière qu’en 1831, elle comptera
plus de mille morts. « Vivre en travaillant
ou mourir en combattant », la devise et
les canuts entrent dans l’histoire.
Malgré des hauts et des bas, la soierie à
Lyon se développe. En 1877, on recense
plus de cent mille métiers à tisser, dont
quarante mille pour le seul quartier de la
Croix-Rousse. Fin XIXe, la soierie représente les trois quarts de l’activité économique de la ville et l’industrie du textile
25 % de la richesse nationale. Peu à peu,
les métiers quittent la ville pour les campagnes de l’Isère et de la Loire où le tissage
constituera un complément d’activité
pour une population rurale moins revendicatrice que celle des villes. Cependant,
les travaux plus élaborés sont réalisés par
les canuts de la Croix-Rousse.
DE LA SOIERIE LYONNAISE
AU TEXTILE EN RHONE-ALPES
Aujourd’hui, on parle plus de textile
en Rhône-Alpes que de soie ; avec
trente mille emplois directs, la région
est devenue la première d’Europe
pour la fabrication de tissus à usage
technique. On tisse à présent aussi
bien la soie que le kevlar, le carbone,
la fibre de verre ou la fibre optique. ■
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Dossier culturel
La maladie des vers à soie sous l’œil de Pasteur :
préambule de la théorie microbienne
Duclaux étudiant à Pont-Gisquet, auprès de Pasteur,
la maladie des vers à soie. © Imothep MS
1865 – Les éleveurs de vers à soie sont très inquiets,
depuis quelques années, leur activité est affectée par
une mystérieuse maladie qui fait chuter la productivité, si bien que la plupart des sériciculteurs sont
menacés de ruine, en France, mais aussi dans d’autres
pays d’Europe occidentale. Seul le Japon est épargné.
L’origine du mal n’est pas identifiée, et les éleveurs
évoquent des « miasmes » détruisant les chambrées
(ateliers d’élevage des vers à soie). Contre la chute de
production, rien n’y fait ; les nombreux remèdes
répandus de façon empirique sur les feuilles de
mûriers ou les cocons – poudre de quinquina, gentiane, valériane, créosote, eau-de-vie, rhum, goudron,
etc. – sont sans effet. Un savant italien affirme
même : « La pharmacopée des vers à soie est plus
compliquée que celle de l’homme. » À l’initiative du
ministère de l’Agriculture, Jean-Baptiste Dumas,
sénateur, mais aussi professeur de chimie, effectue un
voyage d’étude dans les régions touchées pour mettre
en place une commission chargée d’élucider la question. Pour en prendre la direction, il sollicite un de
ses anciens élèves de l’École normale: Louis Pasteur.
Âgé de 43 ans, ce chimiste s’est illustré, en 1857, au travers d’un Mémoire
sur la fermentation appelée lactique, ayant pressenti que certains germes et
parasites pouvaient gâter les grains de raisin. Acceptant ce nouveau travail, Pasteur se penche cinq années durant sur la maladie des vers à soie.
Disposant d’un petit laboratoire dans le massif des Cévennes, en plein
milieu de la zone d’élevage, il établit qu’au moins deux maladies affectent
les vers; la pébrine, causée par un protozoaire se signalant par des « corpuscules » sur les vers, et la flacherie d’origine nutritionnelle. Fort de ces
acquis, il enseigne aux éleveurs, les méthodes d’hygiène leur permettant
d’éviter la contamination par le protozoaire; le microscope intègre la
panoplie des éleveurs afin de sélectionner les chambrées indemnes du
« vibrion ». Mais les vendeurs de créosote contestent ce choix, qui met à
mal leur juteux commerce; plusieurs magnaniers répugnent à jeter des
chambrées entières sur le seul verdict micrographique; enfin, les importateurs de cocons du Japon répandent des rumeurs sur l’inutilité de la
méthode proposée par Pasteur. L’agressivité est telle qu’il est contraint de
regagner Paris. Heureusement, les sériciculteurs qui suivent les conseils
d’hygiène obtiennent de superbes récoltes, ce dont une commission
d’enquête du préfet du Gard atteste. La vérité finit par triompher, et, en
août 1868, Pasteur est promu au rang de commandeur de la Légion
d’honneur.
Ce résultat constitue un exemple remarquable d’application industrielle
de la recherche. Suite à l’enseignement de Pasteur, les sériciculteurs qui
avaient annexé un laboratoire à leur magnanerie firent dire à Pasteur:
« Le microscope devient le vademecum de tous les graineurs intelligents. »
Mais ce travail aurait pu être compromis par un accident de santé: le
19 octobre 1868, alors que ses travaux sur les vers étaient vilipendés.
Pasteur, âgé de 46 ans, fut victime d’une hémorragie cérébrale entraînant
une paralysie de l’hémicorps gauche, dont il gardera toute sa vie des
séquelles motrices. C’était sans compter avec l’extraordinaire volonté et
l’acharnement au travail qui le caractérisaient. Cinq jours après son
attaque, qui avait totalement épargné ses facultés intellectuelles, Pasteur
dictait à son disciple Gernez qui le veillait une communication sur les
maladies des vers à soie qui fut lue à l’Académie des sciences le 26 octobre.
Puis, dans les semaines qui suivirent, il reprit la route des Cévennes contre
l’avis de ses médecins!
Au-delà des retombées pratiques positives pour les éleveurs, les recherches
sur les maladies des vers à soie sont aujourd’hui considérées comme un
point de départ essentiel de la pensée pastorienne vers la découverte des
pathologies microbiennes. À ceux qui venaient visiter son laboratoire
pour étudier la microbiologie, Pasteur ne manquait pas de dire: « Relisez
le compte rendu des travaux sur la maladie des vers à soie, ce sera, je
crois, une bonne préparation pour les recherches que vous voulez entreprendre. » ■
Nicolas Postel-Vinay
Darmon P. « Pasteur ». Fayard (éd.) 1995.
Dubos R. « La leçon de Pasteur ». Albin Michel (éd.) 1987.
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Dossier culturel
Les hôpitaux lyonnais :
un parcours presque millénaire
Si l’on excepte un certain nombre d’établissements dispersés
dans la ville, notamment l’hôpital Saint-Éloi fondé, en 542,
par Childebert et son épouse Ultrogoth, on peut faire remonter
au XIIe siècle l’origine de l’hospitalisation publique à Lyon.
C’est l’existence du pont sur le Rhône qui a justifié la présence
d’un équipement hospitalier fort.
Hôtel-Dieu (XVIe siècle) et son cloître. © DR
François Rabelais (vers 1493-1553). © DR
René Mornex
Médecin honoraire des hôpitaux
Doyen honoraire des facultés de médecine
de Lyon
Président suppléant du conseil
d’administration des Hospices civils
de Lyon
CHU de Lyon – Hôpital Pierre Wertheimer
59, boulevard Pinel, 69394 Lyon cedex 03
Tél. : 04 72 35 72 89
@ : [email protected]
34
RABELAIS, MÉDECIN DE L’HÔTELDIEU-DE-NOTRE-DAME-DE-PITIÉ
DU PONT-DU-RHONE
Ce pont était la seule zone permettant
la transition entre le nord de l’Europe et
l’Italie, et, par conséquent, toutes les
grandes migrations passaient à ce
niveau, notamment au moment des
croisades. Qui dit migration de population dit éclopés ou malades, et ceux-ci
étaient volontiers abandonnés en un
point névralgique du trajet. Le pont
constituait le premier. C’est donc petit à
petit que des structures d’accueil,
d’abord purement caritatives, puis de
soins élémentaires, se sont établies sur la
berge du Rhône. En 1507 figure sur les
documents la notion d’Hôtel-Dieu-deNotre-Dame-de-Pitié du Pont-duRhône. Il s’agissait là d’un véritable
établissement hospitalier, puisqu’il y
avait des administrateurs, qui étaient des
consuls échevins de la ville, des médecins, dont le troisième fut, en 1530,
Rabelais, une organisation de gestion
avec un registre des entrées des malades.
Le financement dépendait alors de la
charité publique sous la forme de dons,
de legs dans les testaments ou à l’occasion d’événements exceptionnels. Ces
dons consistaient soit en argent, soit en
maisons ou terrains, et c’est ainsi qu’une
très grande partie de la rive gauche du
Rhône (les Brotteaux) est tombée dans
le patrimoine hospitalier. À cette
époque, ce n’était pas un cadeau extraordinaire, puisqu’il s’agissait de terrains
constamment inondés par les crues du
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Rhône. À partir du moment où la
contention du cours du fleuve a pu être
réalisée, ces terrains sont devenus de
précieuses zones d’urbanisation et, par
conséquent, une source de richesse pour
l’hôpital.
Assez rapidement, les consuls échevins
se dégagèrent de la responsabilité de
gérer cette structure un peu complexe et
décidèrent de créer un conseil d’administration, auquel appartenaient les recteurs, qui étaient issus en partie de la
municipalité, mais surtout des membres
de la société civile. Il faut saluer au
passage à la fois l’engagement dans la
gestion quotidienne et l’engagement
personnel financier qui a conduit
quelques recteurs à la ruine.
Par les dons, l’établissement se développa et, peu à peu, obéit à l’obligation
d’élargir ses capacités d’hébergement,
voire, sous la pression de la municipalité, de participer à l’embellissement de
la ville.
L’HÔTEL-DIEU ET SES DOMES
PAR SOUFFLOT
C’est ainsi qu’au XVIIIe siècle, le projet puis
la réalisation d’un grand bâtiment qui
longe la rive droite du Rhône se concrétisent: ce sera le Palais qui sera surmonté
par le Grand Dôme dessiné par Soufflot.
On peut souligner que le dispositif architectural, par son volume et par son aménagement intérieur, même s’il n’était pas
évidemment adapté aux exigences de
l’époque, était un élément important au
vu des résultats. Pour ne citer que cette
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Plan de la partie méridionale de la façade de l’Hôtel-Dieu, dite façade de Soufflot,
avec le grand Dôme par N. Thomas, 1791. © DR
donnée, l’Hôtel-Dieu était équipé de
dômes (l’un copié sur l’hôpital de Milan,
l’autre dû au génie de Soufflot) qui
avaient un dispositif d’aération tel que
les conditions d’hygiène étaient infiniment meilleures qu’ailleurs, ce qui expliquait l’amélioration des résultats.
L’Hôtel-Dieu abritait 1 400 malades et
était considéré par Tenon, qui rédigea
un rapport sur les établissements hospitaliers de France, comme l’hôpital le
plus perfectionné, ce qui valut à la ville
toutes les visites princières pour célébrer
ce « monument élevé à la fièvre ».
LA CHARITÉ CONTRE LA FAMINE
Parallèlement au développement de
l’Hôtel-Dieu, on constate l’existence
d’une deuxième démarche. Celle-ci
découle d’un événement politique, la
révolte de 1529, appelée « Grande
Rébène ». Liée à la famine, cette action
populaire émut François Ier, qui décida
de créer l’Aumône générale de Lyon.
Cette structure caritative prendra en
charge tous les mal-aimés de la ville,
tous ceux qui sont rejetés par la population, les pauvres, les vieillards, les prostituées, les enfants abandonnés… un
méli-mélo de misère un peu comparable
à ce qui se développait dans le même
temps à Bicêtre, à Paris. Pour héberger
tous ces malheureux, il fallut construire
des bâtiments qui deviendront l’hôpital
de la Charité à partir de 1651. Cet
hôpital va peu à peu se délester à l’extérieur d’une partie de sa population et se
consacrer à l’obstétrique et aux maladies
des enfants et des femmes.
La structure administrative de la Charité
est à peu près la même que celle de
l’Hôtel-Dieu. Ses ressources dépendent
aussi de la charité publique, et il existe,
on ne peut le nier, une certaine compétition, vis-à-vis de l’appel au financement, entre les deux établissements
distants de 500 mètres à peine.
ÉQUIPEMENT AMBITIEUX
Cependant, les choses ne s’arrangent pas
avec le temps, les difficultés s’accroissent
et donnent lieu à une véritable révolution structurelle avec, en 1802, la création des Hospices Civils de Lyon, sous
l’influence du ministre Chaptal, et dont
les modalités d’organisation seront à peu
près copiées à travers tout le pays.
Au début du XIXe siècle, l’ensemble de ces
deux hôpitaux permet d’héberger environ
20000 malades par an dans une ville qui
ne compte guère plus de 120000 habitants. Surtout, un troisième établissement
s’y ajoute dès le début du XIXe siècle. Il
s’agit de l’hôpital de l’Antiquaille situé
sur les flancs de la colline de Fourvière.
C’est là que seront transférés les abandonnés de la Charité et ceux qui étaient
hébergés à la Quarantaine, bâtiment sur
les bords de la Saône. Il est assez frappant
de constater, dans un triangle qui
englobe 70 hectares au cœur de la ville,
en plein centre de la presqu’île dans
laquelle s’inscrit aussi la place Bellecour,
que tout l’équipement hospitalier lyonnais est réuni.
Peu à peu, s’ajouteront l’hôpital de la
Croix-Rousse, construit à des fins sociales
pour offrir à toute la population ouvrière
(soyeux en particulier) un hôpital. Dans
la mesure où ces populations étaient
quelquefois mal nourries et à l’hygiène
discutable, et dans lesquelles la tuberculose faisait des ravages, cet hôpital
deviendra assez vite spécifique de la
tuberculose et des maladies infectieuses.
Plus loin du centre-ville, les hôpitaux
Jules-Courmont et Sainte-Eugénie
viendront, pour ne citer que l’essentiel,
compléter le dispositif.
La force de l’hospitalisation lyonnaise
au XIXe siècle repose sur trois éléments,
qui se consolident au fur et à mesure
depuis sa création.
PERSONNEL FORMÉ ET SÉLECTIONNÉ
Le recrutement des médecins s’y fait,
depuis 1788, sur un mode élitiste, au
travers de concours. Ces derniers exigent une connaissance théorique mais
aussi et surtout une capacité clinique
très poussée. Ce sont les chirurgiens qui
ont amorcé cette évolution et sont devenus chirurgiens majors de l’Hôtel-Dieu,
de la Charité et de l’Antiquaille. Les
médecins ont suivi à partir de 1811.
Puisque les concours adoptaient cette
formule, l’esprit médical a été très désireux de former des élèves à une capacité
clinique. C’est dire que, depuis deux siècles,
l’enseignement clinique avait été une des
dominantes du comportement médical
lyonnais, et la création de l’internat, en
La Salle Sainte-Madeleine de l’ancien
hôpital de la Charité. © DR
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Faculté de médecine de Lyon sur le quai Claude-Bernard, 1914. © DR
1850, est venue renforcer cette tendance. Une autre de ses forces est l’existence d’un corps infirmier d’une très
grande efficacité constitué de personnels
religieux ayant deux spécificités par rapport à d’autres congrégations, consacrant
toute leur activité aux soins des malades
et n’étant pas sous l’autorité religieuse
mais administrative. Ce corps, qui était
aussi formé de manière très rigoureuse
dans des écoles soit de sages-femmes,
soit d’infirmières, fournissait, de ce fait,
à cette époque où les thérapeutiques
puissantes étaient exceptionnelles, l’élément clé, outre les conditions d’hygiène
particulières citées plus haut, pour améliorer les résultats thérapeutiques. Pour
ne citer qu’un exemple, à la fin du
XVIIIe siècle, la mortalité était à l’HôtelDieu de Lyon quatre fois inférieure à
celle de l’hôpital homonyme de Paris.
C’est donc dans ces conditions que les
hôpitaux lyonnais ont abordé le dernier
quart du XIXe siècle, qui fut marqué par
la création, en 1877, de la faculté de
médecine. Le premier bénéfice en a été
l’arrivée de nouveaux enseignants d’origine parisienne, par exemple celle de
Raphaël Lépine, ou provenant d’autres
disciplines, vétérinaire dans le cas de
Chauveau. Cette période a aussi bénéficié des évolutions conceptuelles et techniques considérables de l’époque et a su
les exploiter au maximum. Telle la radiologie, qui, grâce à Destot, a fait un départ
foudroyant à Lyon quelques semaines
après la découverte de Roentgen. C’est
36
aussi l’époque où Claude Bernard publie
les bases de la médecine expérimentale,
véritable bréviaire de tout ce qui, par la
suite, sera baptisé « recherche médicale ».
Le grand mérite de Léopold Ollier, chirurgien orthopédiste, est d’avoir compris comment il pouvait faire avancer sa
discipline en réalisant une expérimentation animale et en appliquant aux indications thérapeutiques les conclusions
qu’il en déduisait. Ce sont également les
conséquences des découvertes bactériologiques de Pasteur – des concepts
d’asepsie, d’antisepsie – qui ont permis
à la chirurgie lyonnaise de construire la
première salle d’opération chirurgicale
aseptique (Antonin Poncet), tandis que
ces notions d’hygiène s’élargissaient très
vite à toute la population avec consti-
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tution de bureaux d’hygiène dispersés,
véritable activité de santé publique.
C’est aussi à cette époque que les « fondamentalistes » de la jeune faculté de
médecine, feront faire un bond international aux connaissances anatomiques.
Le Professeur Léo Testut en est un bel
exemple. C’est aussi Amédée Bonnet,
qui, tout en développant l’enseignement
de l’orthopédie, adoptera les méthodes
de l’anesthésie générale.
On peut dire que le XXe siècle, dès son
début, va conforter de manière très
significative la puissance de la médecine
lyonnaise et lui conférer le redoutable
honneur d’être, partiellement, la compétitrice de la médecine parisienne.
Certes, le financement caritatif de l’hôpital s’affaiblit un peu, mais le conseil
d’administration des Hospices Civils de
Lyon conserve une large marge de
manœuvre pour développer son patrimoine hospitalier et le rénover progressivement.
À l’initiative d’Édouard Herriot, un hôpital est construit à l’extérieur du centreville. La Charité y est déplacée, et ce
pôle, à côté duquel est édifiée, en 1933,
la nouvelle faculté de médecine devient
véritablement le premier modèle de
CHU français. Sous l’impulsion du premier directeur général nommé en 1950,
Louis Veyret, particulièrement actif et
créatif, sont bâtis des hôpitaux ayant
vocation de spécialité, notamment neurologique et cardiologique. Il est difficile
Pr Antonin Poncet (1849-1913), visite dans une salle de malades de l’Hôtel-Dieu. © DR
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de détailler cette période faste, qui se
terminera en 1958 et marquera un
virage dans la dynamique hospitalière
lyonnaise, virage dû à l’application du
texte d’ordonnance inspiré par le Professeur Debré et que l’on peut résumer
par: le temps plein à l’hôpital.
Cette notion exerce une forte incidence
sur les recrutements, qui deviennent
nationaux, et sur la place de l’université
dans la vie hospitalière quotidienne. Cela
est relativement mal perçu dans une ville
de fort hospitalocentrisme. En effet, le
recrutement de chirurgiens des hôpitaux
et autres spécialistes visant à la prise en
charge de l’orientation des services,
dépendait rigoureusement d’une sélection
difficile, répétitive, associant à la fois
connaissance et capacité d’application au
diagnostic ou à une indication thérapeutique. La leçon d’agrégation, qui teste surtout la capacité orale de transmettre les
connaissances à partir de 1958, venait
l’emporter sur le jugement de la capacité
clinique du futur chef d’école. Cette évolution, qui partout ailleurs s’est faite assez
facilement, a vu apparaître des réticences
à Lyon. Celles-ci ont été rapidement
comblées.
DU PREMIER « CHU PROVINCIAL »
DE FRANCE AU POLE RHONE-ALPES
En contrepoint, il est intéressant de
souligner que la deuxième moitié du
XXe siècle a connu le développement
d’une recherche médicale structurée
plus fouillée et notamment se fondant
sur des laboratoires bien équipés. Cette
recherche, menée à l’aide de professionnels scientifiques, parfois même hors
médecine s’est révélée très productive.
On peut souligner que le premier laboratoire du nouvel institut de recherche
médicale (Inserm) implanté en province
l’a été à Lyon, et qu’il s’agissait d’un
laboratoire de recherche chirurgicale.
Par la suite, et sans discontinuer, Lyon
est devenue un très gros centre de
recherche médicale s’appuyant non seulement sur l’Inserm mais aussi sur le
CNRS et, maintenant, sur l’Inra. Cela
explique qu’après quelques hésitations
et quelques balbutiements, Lyon ne se
considère pas comme la compétitrice
de Paris mais comme le premier CHU
provincial de France.
Ce qui nous ramène au temps présent,
et il faut souligner qu’un nouveau choc
a eu lieu dans les toutes dernières
années du XXe siècle avec l’extension du
nombre de structures de formation
médicale à travers le pays. Lyon, qui
recrutait la fine fleur des étudiants en
médecine à travers pratiquement le
quart sud-est de la France, s’est vue
confrontée à la compétition avec de
nouveaux pôles de formation: Besançon,
Dijon, Clermont-Ferrand, Grenoble,
pour ne citer que les plus proches. Ceuxci, à la fois développaient leur propre
dynamique, recrutaient les meilleurs
de leur environnement et, de ce fait,
venaient un peu appauvrir les ressources
de Lyon. La démarche était identique
dans le recrutement des malades, donc
des capacités de recherche clinique.
Là encore, le temps a fait évoluer les
choses, et, plutôt que mener un combat
stérile, la médecine lyonnaise a su
s’adapter à la coopération, tant dans la
formation que dans l’activité médicale
et la recherche, en concertation avec les
deux autres CHU, de manière à constituer le pôle Rhône-Alpes de la médecine hospitalière publique en France,
avec un succès dont nous ne pouvons
que nous satisfaire. ■
De la phtisiologie à la pneumologie
À
Jean-François Cordier
Pneumologue – Chef de service
des maladies orphelines pulmonaires
CHU de Lyon – Hôpital Pierre Wertheimer
59, boulevard Pinel, 69394 Lyon cedex 03
Tél. : 04 72 35 72 69
@ : [email protected]
l’aube du XXe siècle, l’Hôtel-Dieu,
le plus ancien hôpital lyonnais (où
exerça Rabelais), compte 1 078 lits ;
l’hôpital la Charité 1346; l’hospice de
l’Antiquaille et hôpital Saint-Pothin
1 138 ; et l’hôpital de la Croix-Rousse
483. Les services y sont de médecine ou
de chirurgie, les seuls spécialisés étant ceux
d’ophtalmologie, des maladies cutanées
et syphilitiques, des maladies nerveuses et
épileptiques, d’accouchement et gynécologie, et de médecine et de chirurgie
infantiles. Dans la semaine qui s’achève le
8 février 1902, 229 personnes meurent
à Lyon : les maladies pulmonaires sont
la principale cause de ces décès (89, dont
34 pour la tuberculose qui tient le premier
rang).
L’HOSPITALISATION DES TUBERCULEUX,
DE LA SALLE COMMUNE AU SANATORIUM
En 1883, dans leur ouvrage Nouveaux
éléments de pathologie et clinique médicales, J. Teissier, Professeur agrégé à la
faculté de médecine de Lyon, et
A. Laveran écrivent qu’ils ne croient pas
à la transmissibilité de la tuberculose :
elle est, selon eux, principalement héréditaire. Il n’y a qu’un an que Koch a
découvert le bacille tuberculeux. Il faudra
beaucoup d’années encore pour que la
contagiosité de la maladie soit réellement
reconnue et prise en compte, et que les
patients contagieux tuberculeux soient
isolés des autres malades dans les hôpitaux.
En effet, les tuberculeux sont, au début du
XXe siècle, encore admis dans les services
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©DR
de médecine, dirigés par des professeurs
de clinique médicale (en très petit
nombre) et des médecins des hôpitaux.
Toutefois, la spécificité de la maladie
amène progressivement certains de ces
médecins à se spécialiser dans la prise
en charge de la tuberculose. L’essor de
la bactériologie et de la radiologie,
récemment découvertes, permet progressivement de diagnostiquer plus
sûrement la maladie : beaucoup de
phtisies, auparavant affirmées sur la
seule clinique (et non vérifiées par une
autopsie) étaient sans doute assimilées à
la kyrielle des autres maladies pulmonaires chroniques.
Les frères Courmont, hygiénistes et bactériologistes, se lancent dans la lutte
contre la tuberculose dans tous ses
aspects, y compris sociaux. Des dispensaires antituberculeux sont créés. Le
sanatorium d’Hauteville, dans le Bugey
proche, prend en charge les tuberculeux. Il est dirigé par un praticien
remarquable, F. Dumarest, qui jouera
un rôle majeur dans l’évolution thérapeutique de la tuberculose, de la cure
d’altitude à l’introduction du pneumothorax thérapeutique et à la thoracoplastie. Ce n’est qu’au lendemain de la
Première Guerre mondiale que l’isolement des malades est enfin décidé, et
deux hospices du sud de Lyon y sont
dédiés : le Perron pour les hommes,
Sainte-Eugénie pour les femmes.
A. Dufourt, élève de P. Courmont, lui
succède à la chaire de clinique et de prophylaxie de la tuberculose (créée en
1931), qu’il occupe à Sainte-Eugénie.
Traitement des tuberculeux au grand air.
Bulletin général de thérapeutique médicale,1890.
38
Le réfectoire des sœurs de l’hôpital de la Croix-Rousse.
Les Hospices Civils de Lyon. 1953 © DR
Les services de tuberculeux étaient peu
attractifs pour la plupart des jeunes médecins hospitaliers, qui s’efforçaient de trouver rapidement une autre affectation. La
durée des fonctions hospitalières était en
effet limitée, et seuls les professeurs de clinique, peu nombreux, pouvaient garder
la direction d’un service hospitalier
jusqu’à leur retraite, vers 70 ans.
ESSOR DE LA SPÉCIALITÉ DANS
LE SILLAGE DU PLATEAU TECHNIQUE
Lorsque se développa le traitement de la
tuberculose par pneumothorax (entretenu par des insufflations d’air régulières,
avec parfois thoracoscopie pour section
de brides), vers 1910, la nécessité du
matériel et d’une expérience particulière
conduisit de facto à une spécialisation des
médecins exerçant cette activité, notamment en clientèle privée (la plupart
d’entre eux exerçaient à l’hôpital le
matin et se consacraient l’après-midi à
leur clientèle privée). Dominant la
pathologie respiratoire pendant la première moitié du siècle, la phtisiologie
déclina après 1950, lorsque le traitement
médicamenteux de la maladie fit la preuve
de son éclatante efficacité.
Le fondateur de la pneumologie (non
tuberculeuse) lyonnaise fut V. Cordier*.
Son parcours témoigne de l’émergence
de la pneumologie à partir de la phtisiologie: il avait commencé son service de
médecin des hôpitaux à Sainte-Eugénie,
* Aucun rapport de parenté avec l’auteur de ces lignes.
INFO RESPIRATION N° 77 • www.splf.org • JANVIER 2007
en 1924 (où il réalisait des pneumothorax
thérapeutiques), puis vint terminer sa
carrière au nouvel hôpital de GrangeBlanche, qui s’ouvrit en 1933 (œuvre de
l’architecte T. Garnier dénommée ensuite
hôpital Édouard-Herriot, du nom du
maire de Lyon sous le mandat duquel il fut
construit). Curieux et moderne, V. Cordier
défricha de nombreux secteurs de la
pathologie respiratoire non tuberculeuse.
Il s’était rendu aux États-Unis auprès de
Chevalier-Jackson, pionnier de la bronchoscopie, qu’il développa activement à partir
de 1930 avec P. Mounier-Kuhn (du syndrome éponyme); il se rendit également
au Brompton Hospital de Londres. Il
participa avec P. Santy au développement
de la chirurgie pulmonaire, à Lyon.
V. Cordier fut parmi les premiers (avec
E. Sergent, de Paris) à parler de « pneumologie ». Son élève, P. Lagèze, également tourné vers la pneumologie non
tuberculeuse, lui succéda à GrangeBlanche après son décès prématuré en
1944.
STRUCTURATION DE LA DISCIPLINE
Après la Seconde Guerre mondiale,
l’école phtisiologique de Dufourt marqua
de son emprise les hôpitaux accueillant la
majorité des patients tuberculeux (SainteEugénie, et Jules-Courmont à la place
du Perron). Un concours de « médecin
phtisiologue » des hôpitaux avait été
ouvert en 1943. J. Brun y fut nommé et,
en 1949, G. Despierres; à partir de 1955
furent nommés des « pneumo-phtisio-
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© Imothep MS
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logues » (C. Ollagnier, J.-C. Kalb,
R. Touraine). J. Brun, son gendre, succéda à A. Dufourt en 1956 à la chaire de
Clinique et de prophylaxie de la tuberculose. Une originale chaire de physiopathologie des voies respiratoires fut créée
pour P. Galy, en 1959. L’année suivante,
un nouvel intitulé fut attribué à la chaire
de J. Brun: Clinique de pneumo-phtisiologie. Comme en témoigne cette évolution des dénominations des spécialistes et
des chaires de clinique, de la phtisiologie
à la pneumologie s’opérait progressivement, au milieu du siècle, la remarquable
« plasticité des spécialités ». P. Galy marqua profondément la pneumologie lyonnaise. Formé à l’histophysiologie par
A. Policart, il bénéficia de l’essor de la chirurgie cardiaque et pulmonaire (P. Santy,
M. Bérard) pour accroître par l’examen
de nombreuses pièces opératoires sa
connaissance de l’histopathologie pulmonaire (qu’avait développée R. Tripier au
début du siècle). En pathologie aussi bien
non tumorale que tumorale, il acquit
ainsi une expérience anato- mopathologique exceptionnelle et publia des travaux
remarquables par leur clairvoyance, qui
restent d’actualité. Il contribua à la formation de R. Loire, anatomo- pathologiste, et développa avec T. Wiesendanger
l’exploration fonctionnelle respiratoire et
le cathétérisme cardiaque droit. P. Galy
avait succédé à P. Lagèze, à GrangeBlanche, en 1962, puis dirigea le service
de pneumologie à l’ouverture de l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique en
1970. Des antagonismes tenaces surgis
entre J. Brun et P. Galy laissèrent malheureusement longtemps leurs séquelles sur
la pneumologie lyonnaise.
Après 1970, l’évolution de la pneumologie se fit sur quatre hôpitaux. Au sud,
à l’hôpital Jules-Courmont, l’activité
s’orienta progressivement vers la cancérologie pulmonaire. R. Touraine excellait
par son intransigeante rigueur scientifique, J.-P. Bernard développa l’endoscopie à tube souple. À l’hôpital SainteEugénie, le dynamisme de M. PerrinFayolle fit progresser l’asthmologie et
l’allergologie cliniques et biologiques. À
l’hôpital de la Croix-Rousse, J.-C. Kalb
créa de toutes pièces un service avec une
activité pneumologique polyvalente au
contact du service de réanimation respi-
ratoire. À l’hôpital cardiovasculaire et
pneumologique Louis-Pradel, J. Brune,
consultant réputé, développa une orientation vers les pneumopathies interstitielles
et la pathologie vasculaire pulmonaire.
AUJOURD’HUI, LA PNEUMOLOGIE
HOSPITALIÈRE LYONNAISE EST
TRIPOLAIRE
Au centre hospitalier Lyon Sud seront
bientôt regroupés les services du Docteur
P.-J. Souquet et du Professeur Y. Pacheco:
le premier orienté préférentiellement
vers la cancérologie pulmonaire, et le
second vers l’asthmologie et l’allergologie.
Au nord, à l’hôpital de la Croix-Rousse,
le service du Professeur J.-C. Guérin est
préférentiellement axé sur la cancérologie,
la pathologie pleurale et la BPCO. À l’est,
à l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique Louis-Pradel (Pr J.-F. Cordier,
Pr J.-F. Mornex, Pr V. Cottin), l’orientation préférentielle concerne les maladies
orphelines (dont les pneumopathies interstitielles et la pathologie vasculaire pulmonaire) et la transplantation. Dans tous ces
services, l’épidémiologie dominante (cancer
bronchique, BPCO) impose une lourde
charge de soins. L’activité soutenue et la
compétence des pneumologues libéraux
lyonnais, pour la plupart anciens chefs
de clinique à la faculté, constituent,
avec la pneumologie hospitalière, un
réseau efficace et serein au service des
patients. ■
Potins « mondains »
Jean-François Cordier, vient d’être élu
membre correspondant de l’Académie nationale de médecine.
Jean-François Cordier, comme vous venez de le lire dans l’article ci-dessus, dirige le service de
pneumologie et le centre de référence pour la prise en charge des maladies orphelines pulmonaires à l’hôpital cardiovasculaire et pneumologique de Lyon. Clinicien, ses travaux ont
contribué à la reconnaissance internationale de la pneumologie française dans le domaine
des pneumopathies interstitielles et des maladies rares pulmonaires. Président de la SPLF
(2000-2002), il en a réformé les statuts pour renforcer l’unité de la spécialité, en ouvrant
l’accès des pneumologues libéraux et des hôpitaux généraux aux postes de responsabilité
de la Société. Il a lancé, il y a six ans la campagne de la SPLF contre la BPCO, « Cette inconnue
meurtrière ! ». L’évolution du concept de maladie pulmonaire « depuis la nuit des temps » et la
reconnaissance des « géants » qui y ont contribué font partie de son jardin d’intérêts. ■
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Le musée des Hospices civils de Lyon
Pharmacie de l’Hôtel-Dieu, 1673
© Hospices civils de Lyon
P
Philippe Paillard
Conservateur directeur
Musée des Hospices civils de Lyon
Hôtel-Dieu – 1, place de l’Hôpital,
69002 Lyon
Métro : Bellecour Ligne A/D
Tél. : 04 77 41 30 42
Ouvert : lundi : 13 h 00-17 h 30
du mardi au vendredi : 10 h 00
à 12 h 00 et de 13 h 00 à 17 h 30
les 1ers et 3es dimanches du mois
de 13 h 30 à 17 h 30
Entrée : 3,50 €
40
our ceux qui s’attendent à visiter un
musée médical, scientifique, et qui
ont à l’esprit une image contemporaine
du monde hospitalier, la visite du musée
des Hospices civils de Lyon, c'est-à-dire
du principal et du plus ancien complexe
hospitalier lyonnais, peut se révéler surprenante. Plusieurs salles offrent des
écrins magnifiques, avec leurs boiseries,
leurs décors sculptés, à des collections de
faïences pharmaceutiques parmi les plus
prestigieuses conservées en France, à des
meubles de prix, des tableaux dignes
d’un musée des Beaux-Arts, des tapisseries, etc. Seule une salle, en grande partie
occupée par des vitrines contenant instruments, appareils, souvenirs divers en
rapport avec les pathologies et les grands
noms de la médecine lyonnaise, vient
rappeler que la fonction de l’hôpital est
tout de même de soigner.
L’effet de surprise a au moins le mérite
de montrer que l’hôpital n’a pas toujours
été le lieu hypertechnique, aseptisé que
l’on connaît aujourd’hui, mais qu’il était
avant tout un outil social, la manifestation d’un devoir et d’une exigence pour
nos aïeux, la bienfaisance et l’exercice de
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la charité. Tous ces beaux objets illustrent
certes davantage les modes de vie de la
classe dirigeante, de ceux et celles qui se
dévouent à la cause des malades, que
ceux des pauvres de toute sorte, qui
furent, jusqu’au milieu du siècle dernier,
les seuls admis à l’hôpital.
Que faut-il donc montrer du patrimoine
hospitalier? Si, dans plusieurs musées de
ce type, le patrimoine artistique et esthétique tient une place (trop) importante,
faut-il pour autant le mettre de côté et ne
montrer que ce qui a trait à l’exercice de
la médecine, à l’accueil et aux soins des
patients? Restons ouverts mais tout de
même modestes, car la question n’est pas
nouvelle et agite les promoteurs de ces
musées, qui ont eu, par ailleurs, fort à
faire pour les ouvrir depuis les origines.
Le musée des Hospices civils de Lyon,
volontairement couplé, à sa création,
avec la conservation et la communication des archives de ce prestigieux établissement, est un des meilleurs exemples
de cette ambivalence dont le grand
mérite est de mettre l’accent sur le rôle
éminent des bienfaiteurs et des donateurs, sans lesquels il n’y aurait pas eu de
musée, ni d’hôpital ayant pu vivre et se
développer comme il l’a fait. Il est l’un
des rares à s’ouvrir dans une structure
hospitalière multiséculaire et toujours
active et surtout dans un des plus beaux
lieux du patrimoine architectural lyonnais. Il occupe, en effet, deux salles des
« quatre rangs » de l’Hôtel-Dieu, c’est-àdire d’immenses salles à l’intersection
desquelles s’élevait un dôme majestueux
abritant un autel à plusieurs faces. Il est
aussi une des premières marques de cette
attention portée au patrimoine hospitalier, longtemps négligé et méconnu, et
sans doute une manière pour les responsables municipaux de se racheter de la
destruction, en 1935, d’un des plus
grands ensembles hospitaliers de la ville,
la Charité, lieu à la fois symbolique, historique, emblématique de toute une
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Fonds bâptistaux
© Hospices civils de Lyon
page du passé lyonnais. La salle du
conseil d’administration de cet hôpital,
entièrement reconstituée dans le musée
avec ses superbes boiseries, sa cheminée
monumentale, suivie de la salle des
archives, sans doute le plus beau lieu de
France voué à la conservation des précieux documents, font l’admiration des
visiteurs et l’initient à ce qu’était autrefois
l’administration d’un grand hôpital sous
la sage direction des recteurs. La petite
apothicairerie, dite de la Charité, même
s’il est peu vraisemblable qu’elle ait fait
partie de cet immense établissement, est
un bijou d’ébénisterie et de décor d’une
pharmacie du milieu du XVIIe siècle. Le
crocodile empaillé suspendu au plafond,
devenu l’emblème des internes lyonnais
et qui fit beaucoup parler de lui, est, lui
aussi, une énigme.
L’ensemble des très beaux objets présentés dans ces salles – meubles, tableaux,
objets décoratifs, verreries, faïences, gravures, manuscrits et livres précieux, vêtements liturgiques – donne un aperçu de
la richesse du patrimoine des Hospices
civils, heureusement conservé et préservé
depuis la création du musée, en 1936.
Beaucoup de ces objets sont dignes de
figurer dans un musée des Beaux-Arts ou
des Arts décoratifs, et c’est d’ailleurs ce
qui détermina les fondateurs du musée à
les présenter. Une salle – la salle Varille –
est presque entièrement consacrée à la
médecine et aux médecins. Les vitrines
renferment essentiellement des instruments et quelques appareils et mettent
l’accent sur les grands médecins, qui, à
Lyon, ont illustré les techniques et découvertes médicales.
Depuis peu, tout un ensemble de vitrines
présente des objets des débuts de la
radiologie, illustrée à Lyon par le génial
Destot à la fin du XIXe siècle, avec des
pièces exceptionnelles provenant de la
collection Renaut, acquise par les Hospices civils. De nombreuses pièces rares,
notamment destinées à la stomatologie,
avec Claude Martin, et à l’obstétrique
ou à la chirurgie, étonnent et parfois
effraient les visiteurs. Cependant, le
musée est loin de présenter les objets les
plus spectaculaires ou les plus précieux, et
il existe, à Lyon, d’autres musées qui
viennent heureusement compléter celui
de l’Hôtel-Dieu.
Un musée hospitalier se doit de retracer
la vie des patients, les soins que leur
apportaient les sœurs (bien évoquées
dans une vitrine) ou le personnel soignant plus récent, ainsi que les médicaments et les traitements. Quelques
objets permettent de le faire, tels que lit
à quatre places, clystères, cabanon où
étaient enfermés les aliénés, mais ceux de
ce type, autrefois comme aujourd’hui,
ont peu retenu l’attention des gestionnaires de l’hôpital, et la plupart ont disparu. Il serait temps de se pencher sur ce
patrimoine, qui, lui aussi comme le
reste, connaît une profonde évolution
avec le règne du tout jetable. Heureusement, une remarquable collection de
photographies, datées des années 1930
et réalisées par un aumônier de l’HôtelDieu, qui pressentait les profonds changements du monde hospitalier, nous
restitue une belle part de cet univers bien
éloigné du nôtre, tout en nous interrogeant sur le sens de la mission qui est
celle, aujourd’hui comme hier, de tous
les acteurs de l’hôpital au service du
malade. ■
Moulage de gueule cassée
© Hospices civils de Lyon
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Les quatre musées de l’université
Claude-Bernard Lyon-I
Le patrimoine médical français est un des plus riches du monde, néanmoins assez méconnu. Lyon
possède pas moins de quatre musées d’histoire de la santé. Leur réserver une visite est un choix
justifié et pourrait être l’occasion pour un grand nombre de pneumologues de découvrir un « vrai »
stéthoscope en bois tourné par Laënnec lui-même : objet fondateur – sinon culte – de la pneumologie.
Un pèlerinage s’impose ! *
* Extraits d’après CLUB, le magazine de l’université Claude-Bernard Lyon-I, juillet 2006.
Médecine :
Le musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie
© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I
S
Le Baquet de Messmer
Jean Normand
Conservateur
Musée d’histoire de la médecine
et de la pharmacie
Université Claude-Bernard Lyon-I
8, avenue Rockefeller, 69008 Lyon
Tél.: 04 78 77 70 00 – poste 84 374
Ouverture : mardi, mercredi
et jeudi de 14 h 00 à 17 h 30
Entrée : gratuite
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itué dans le domaine Rockefeller,
le musée d’histoire de la médecine
et de la pharmacie a un statut particulier
au sein de l’université Claude-Bernard
Lyon-I. Alexandre Lacassagne, professeur de médecine légale dans la jeune
faculté de médecine qui le créa, écrivit à
son sujet: « Dès mon arrivée à Lyon et
lorsque j’ai eu pris connaissance du
passé médical de la cité, j’ai conçu le
projet de créer un musée d’histoire de
la médecine et de la pharmacie lyonnaises. C’est vers 1896 que cette idée a
été mise à exécution. J’ai eu la joie de
trouver et d’acquérir de nombreux
matériaux, quelques-uns sont importants, d’autres curieux, tous intéressants
et leur réunion constitue un fonds de
réelle valeur. » Lacassagne en a fait
donation à la faculté de médecine,
devant notaire, en décembre 1913, « à
charge pour elle de conserver et développer les collections dans la mesure
des ressources disponibles ». Un décret
du ministère de l’Éducation nationale
publié au Journal officiel du 16 avril
1914, a accepté cette donation, si bien
que ce musée a un statut original au
sein des collections et du patrimoine de
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l’université Lyon-I. Lacassagne y avait
réuni plusieurs centaines d’objets variés,
allant de tableaux aux collections d’instruments chirurgicaux et médicaux et
une bibliothèque médicale historique
offerte à la bibliothèque municipale de
Lyon en 1921 (et répartie entre la bibliothèque municipale, celle de l’Académie
de Lyon et celle du musée d’histoire
de la médecine). Cela peut donner
l’impression au visiteur d’une collection
disparate, alors que chaque objet du
musée y a été placé en sachant qu’il pouvait évoquer un chapitre, un événement
ou un personnage de l’histoire médicale
et révéler ainsi sa fonction pédagogique
dans la transmission du savoir.
Parmi les trésors que l’on peut voir
dans ce musée, citons :
● Le Baquet de Messmer, reflet de
l’introduction en médecine des phénomènes électriques (après les travaux de
l’abbé Nollet). Pour Messmer, médecin
autrichien du XVIIIe siècle (qui avait
commandé à Mozart son premier
opéra Bastien et Bastienne), le magnétisme généré par les êtres vivants était
une source de vitalité et corrigeait les
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troubles pathologiques. Ce concept touchait à la
fois à la médecine magique et à la médecine scientifique. Le musée présente à côté du baquet de
Messmer, le rapport demandé par Louis XVI à
l’Académie royale de médecine devant le phénomène de société que représentait cette orientation
thérapeutique nouvelle. C’est la gloire des académiciens d’avoir conclu à l’inefficacité de la
méthode!
● Une Vanité, peinte par Ligozzi, datant du
XVIIe siècle. Cette œuvre réunit dans un tableau
une effrayante tête de mort posée sur une Bible à
côté d’un sablier. Elle associe ainsi vanité de la vie
terrestre, religion chrétienne et temps témoin de
l’omniprésence de l’idée de la mort au XVIIe siècle.
Elle mesure, par contraste, l’occultation de l’image
de la mort dans notre siècle.
● Enfin, citons l’ouvrage en français (dans sa
reliure lyonnaise d’époque) du livre de Léonard
Fuchs intitulé Histoire des Plantes, paru chez l’éditeur Rouillé en 1558. C’est un des premiers livres
scientifiques médicaux lyonnais de la Renaissance,
qui est le reflet de la vitalité de l’édition lyonnaise
au XVIe siècle.
© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I
Dossier culturel
Estampe de Gautier d’Agoty
Conformément à l’esprit
de Lacassagne, les différents
conservateurs du musée ont
ajouté des vitrines pédagogiques consacrées à Claude
Bernard et à Léopold Ollier
(qui ont créé, à Lyon, la
médecine et la chirurgie
expérimentales). Sous cet
angle, la vitrine consacrée à
Buste du Pr Alexandre Lacassagne
Laennec est exemplaire. Elle
présente un stéthoscope en
bois tourné par Laennec lui-même, l’édition originale de
son livre publié en 1817 et surtout sa méthode anatomoclinique, qui a fait la gloire de la médecine française au
XIXe siècle. Finalement, ce musée apparaît d’un singulier
modernisme, puisqu’il a anticipé ce que sont nos grandes
bibliothèques et médiathèques. Il apporte ainsi sa pierre
à l’histoire de la médecine, dont les collections apparaissent comme le dernier refuge de l’épistémologie médicale
et de la philosophie des sciences biologiques au sein de
l’université Lyon-I. ■
© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I
© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I
●
Vanité de Ligozzi
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Dossier culturel
Le musée d’anatomie
et d’histoire naturelle médicale
DU CABINET DE MARC-ANTOINE
PETIT AU MUSÉE DE L’ÉCOLE
PRÉPARATOIRE DE MÉDECINE
En 1793, en pleine tourmente révolutionnaire, Marc-Antoine Petit inaugure
son majorat au Grand Hôtel-Dieu de
Lyon. Esprit brillant, chirurgien virtuose, fondateur de la première école
lyonnaise de chirurgie, élève de Dessault
et maître de Xavier Bichat, Petit est un
pédagogue rigoureux, qui rénove en
profondeur la formation médicale.
Dans son discours inaugural prononcé
en 1795, il pose les principes de son
enseignement : « L’anatomie est le
flambeau du médecin, elle doit éclairer
ses premiers pas. Avant de vouloir
ramener la nature égarée [...] il faut
savoir quels organes elle emploie pour
leur exécution, quelles correspondances
elle établit entre eux, quels changements y sont produits par le jeu des
passions et des progrès de la vie. »
Afin d’atteindre ses objectifs, il presse
l’administration hospitalière de créer
un amphithéâtre, une salle de dissection, une bibliothèque et un cabinet
anatomique. Les trois premiers points
sont abandonnés à la postérité. En
revanche, le conseil d’administration des
hospices accède à sa dernière demande
et prévoit, dans un arrêté du 22 pluviôse, an IV, que « les élèves concouJean-Christophe Neidhart
Conservateur
Musée d’anatomie et d’histoire
naturelle médicale
Université Claude-Bernard Lyon-I
8, avenue Rockefeller, 69008 Lyon
Tél.: 04 78 77 75 86
Ouverture : du lundi au vendredi
de 15 h 30 à 19 h 00 et le samedi
de 15 h 30 à 18 h 00
Entrée: 2 € – tarif réduit : 1 €
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rant pour une place à l’Hôtel-Dieu
devront réaliser une pièce d’anatomie,
préparée de manière à pouvoir être
conservée dans un cabinet […] Les
pièces seront placées dans des armoires
vitrées, numérotées et porteront le
nom de l’artiste ainsi que la date de
leur préparation ». En 1799, comme
l’exigeait le règlement, Marc-Antoine
Petit quitte son majorat. Préoccupé de
l’avenir réservé aux centaines de pièces
constituant son cabinet, il sollicite
l’attribution de locaux. Un accord
semble trouvé, mais les salles pressenties
sont affectées aux charpentiers de
l’Hôtel-Dieu. Il se retire alors dans le
privé et emporte sa collection avec lui.
En 1806, Petit accède à la présidence
de la Société de médecine de Lyon,
dont il fut, en 1789, le principal fondateur avec onze autres jeunes médecins. Il meurt en 1811 et lègue par
testament son cabinet à la Société
savante. En 1854, sur requête du directeur de l’École préparatoire de médecine
de Lyon, Charles Richard dit, « de
Nancy », et de l’anatomiste Jean-CharlesEugène Foltz, le préfet Claude-Marius
Vaïsse alloue environ 2000 francs or à
l’aménagement de deux salles de
l’Hôtel-Dieu pour créer un musée anatomique et une bibliothèque. Un appel
est lancé aux médecins de Lyon et livre
quelques pièces ; les cabinets hospitaliers, condamnés à la misère depuis la
mésaventure de Marc-Antoine Petit,
n’ont que peu de matériel à fournir, et
c’est presque naturellement vers la
Société de médecine que l’on se tourne.
Celle-ci accepte de déposer dans cette
nouvelle institution le précieux patrimoine médical dont elle est la gardienne depuis sa fondation en 1789.
Ainsi naît une association fructueuse,
qui se perpétue encore de nos jours.
En 1877, le musée est transféré quai
Claude-Bernard, où s’élèvent les
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bâtiments de la nouvelle faculté de
médecine, puis sur le site du domaine
Rockefeller dans les années trente.
ORIGINE ET DIVERSITÉ DES PIECES
DE LA COLLECTION
En 1851, la Société de médecine
devient dépositaire de la collection
phrénologique de Gall, conservée par
Fleury Imbert. En 1901, Mondan et
Vincent lui confient une partie des
pièces et documents rassemblés par
leur maître, le Professeur Ollier, père
de la chirurgie orthopédique moderne
et créateur de la chirurgie expérimentale. Ce sera ensuite au tour de LouisCharles-Émile Lortet, premier doyen
de la faculté de médecine, d’offrir
quelques souvenirs de ses voyages au
Proche-Orient et en Égypte. Auguste
Chauveau, professeur à l’école vétérinaire de Lyon, suivra le même chemin
en léguant une collection très riche de
squelettes d’animaux. L’apport le plus
important de toutes ces reliques nécrologiques de la science intervient en
1921, lors de la fusion de la Société de
médecine de Lyon et de la Société des
sciences médicales. Des centaines de
pièces d’anatomie normales et pathologiques, des moulages, de nouvelles
pièces du Professeur Ollier et la collection Guiart de biologie marine, collectée
à l’occasion des campagnes océanographiques du prince Albert I er de
Monaco, viennent enrichir les collections du musée. D’autres noms mériteraient d’être cités, mais la liste est trop
longue pour rendre ici hommage à
tous ceux qui, même avec modestie,
contribuèrent, depuis Marc-Antoine
Petit, à créer et à développer cet
ensemble qui embrasse les sciences
morphologiques et l’histoire naturelle
médicale. Le département d’anatomie
humaine regroupe l’ostéologie, les
grands appareils anatomiques, la téra-
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Dossier culturel
tologie, l’anatomie pathologique et
l’anthropologie criminelle. Le département d’histoire naturelle médicale rassemble les collections antiques, la
paléoanthropologie et l’anatomie comparée. Lorsque l’on entre dans le musée,
de grandes vitrines en chêne offrent un
large éventail de préparations anatomiques. Chaque os du corps humain
est détaillé, et d’impressionnantes
pathologies, comme le rachitisme, les
tuberculoses osseuses ou les déformations du bassin, témoignent d’affections
qui ont marqué notre continent dans les
siècles passés. Une multitude d’organes,
qui nous révèlent les secrets les plus
intimes du corps humain, sont présentés
en bocaux, fixés sur de fines lames de
verre bleu outremer et conservés dans
des solutions d’alcool ou de formol. Les
anatomies naturalisées, inspirées par les
travaux d’Honoré Fragonard, sont des
dissections pratiquées sur cadavres,
séchées, peintes puis vernies, qui mettent en valeur muscles, tendons, nerfs
et vaisseaux. Les injections-corrosions
(technique initiée par Léonard de Vinci
et qui consiste à détruire les organes
après les avoir injectés avec de la cire ou
de la résine) dévoilent, par leurs arborescences, l’extraordinaire complexité de
l’appareil vasculaire. Enfin, les modèles
en cire témoignent d’un artisanat
oublié où se mêlaient art et science.
Lieu de mystères et de découvertes, le
musée, transféré et rénové en 1992
dans l’esprit des cabinets anatomiques
d’antan, constitue un outil pédagogique
et scientifique d’une grande richesse
pour les étudiants et les chercheurs. Il
offre à tous les publics l’occasion de
découvrir l’organisation de cette merveilleuse machine qu’est le corps
humain et de constater, comme l’écrivait Étienne Dolé en 1532, « avec quel
soin et quelle beauté le créateur de toutes
choses a construit l’Homme […] ». ■
1. Extraits d’après CLUB, le magazine de l’université Claude-Bernard Lyon-I, juillet 2006.
Collections d’appareils anciens
de physique et de physiologie
É
Étienne Boursey
Christian Bange
Collections d’appareils anciens
de physique et de physiologie
Université Claude-Bernard Lyon-I
43, boulevard du 11 novembre 1918
69622 Villeurbanne Cedex
Tél.: 0472448178 (M. Boursey)
Ouverture : Collections dispersées
Possibilité de visite individuelle sur
demande
Entrée: gratuite
tudier expérimentalement la
nature des choses, qu’il s’agisse
d’êtres inanimés ou animés, est une
passion que les physiciens* et les physiologistes* ont en commun. Le lien
qui unit les deux disciplines n’est pas
seulement étymologique, car les particularités du fonctionnement des êtres
vivants incitent les biologistes à se faire
physiciens quand il le faut. Pour l’illustrer, il suffit de voir comment des biologistes tels qu’Alessandro Volta et Luigi
Galvani, Jean-Louis Marie Poiseuille
ou Hermann von Helmholtz ont respectivement découvert l’électricité, la
viscosité et l’acoustique. Réciproquement, les physiciens ont fourni aux
physiologistes bien des appareils. Le
spectroscope, par exemple, permet aux
physiologistes d’étudier les divers états
de l’hémoglobine. Et l’enregistrement
graphique (inventé par James Watt pour
surveiller le fonctionnement des
machines à vapeur) a connu grâce à
Étienne-Jules Marey, un développement
considérable dans l’étude des processus
dynamiques présents chez les êtres
vivants (que ce soit la respiration, le
fonctionnement cardiaque ou le mouvement) et a même débouché sur
l’invention du cinéma. Chez les physiciens et les physiologistes, il ne sera pas
étonnant de rencontrer des appareils
identiques ou parfois similaires, tout du
moins dans leur forme. Fabriqués avec
les mêmes matériaux (notamment le laiton), ils proviennent dans bien des cas
des mêmes constructeurs. Par exemple,
Jobin et Yvon ont construit des spectrophotomètres destinés aux besoins des
physiciens et des astronomes mais ont
également conçu des appareils pour les
dosages biochimiques des physiologistes. Grâce à la constante évolution
des techniques et du matériel, les appareils scientifiques ne servent qu’un
temps. Cependant, le campus scientifique de La Doua, héritier de l’ancienne
Faculté des sciences établie à Lyon en
1835 (au palais Saint-Pierre puis au
quai Claude-Bernard), a la chance
d’avoir conservé d’intéressants spécimens de quelques appareils scientifiques d’autrefois. Leur examen est fort
instructif. Grâce à ce patrimoine, on
saisit, mieux qu’avec les appareils
presse-bouton d’aujourd’hui, les principes mis en œuvre dans les mesures
ainsi que leur lien direct avec les phénomènes observés. Ils illustrent aussi les
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difficultés pratiques de l’approche
expérimentale. Véritables souvenirs
historiques, ces appareils sont, dans
certains cas, des prototypes fabriqués
par les chercheurs eux-mêmes ou réalisés selon leurs instructions. Notre université possède ainsi une collection
remarquable, qui équivaut à bien des
grandes collections universitaires étrangères.
© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-i
Le résonateur de Koenig (Rudolph
Koenig, Paris 1882) fait partie de cette
collection. Pouvant servir au physiologiste ou au phoniatre, cet appareil analyse des timbres de sons musicaux ou
vocaux. Il fonctionne:
● au gaz: 8 capsules alimentent 8 becs
de gaz couplés à 8 résonateurs de von
Helmholtz (les 8 notes de l’octave)
● à bras, puisqu’un miroir tournant
permet d’observer l’état de repos ou
d’agitation des flammes, c’est-à-dire les
résonateurs qui entrent en résonance.
Si l’on émet un son composé, cet
appareil permet d’en observer les harmoniques. Il est en quelque sorte un
précurseur inflammable des appareils à
transformer de Fourier.
La présence d’appareils anciens de physiologie à La Doua tient au fait qu’une
chaire de physiologie générale de la
Faculté des sciences fut créée à Lyon
Résonateur de Koenig
46
Pneumographe
dès 1883 et confiée, en 1887, à Raphaël
Dubois (1848-1929, ancien élève de
Claude Bernard et de Paul Bert connu
pour sa découverte du mécanisme de
production de lumière par les êtres
vivants). Dubois obtint un équipement
très complet pour son laboratoire.
Ancien sous-directeur du laboratoire
d’optique physiologique, il avait
inventé un ophtalmomètre, lui aussi
présent dans la collection. Il publia, en
1900, Leçons de Physiologie expérimentale et collabora au grand Traité de
Physique biologique d’Arsène d’Arsonval,
ouvrages largement utilisés pendant
plusieurs décennies. La plupart des
appareils inventés par Étienne-Jules
Marey ou par Paul Bert y sont décrits.
Figurent dans la collectiondes cylindres
enregistreurs, des myographes, des pneumographes et des cardiographes pour
l’usage humain ou les petits animaux.
La collection compte également des
instruments de l’électrophysiologie
naissante, du grand chariot inducteur
de Dubois-Reymond au galvanomètre
de Kelvin-William Thomson, en passant par les électrodes impolarisables
d’Arsène d’Arsonval. Par la suite,
Henry Cardot (1886-1942), l’un des
maîtres de l’électrophysiologie, utilisa
un appareillage spécialisé devenu rare, le
cylindre à cames. Certains des collaborateurs de Raphaël Dubois se spécialisè-
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© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-I
rent dans les recherches sur le métabolisme, d’où la présence d’anciens manomètres de Warbourg utilisés dans la
mesure de la respiration cellulaire. Son
successeur, Daniel Cordier (1900-1960),
fit l’acquisition des premiers spectrophotomètres, d’appareils à électrophorèse et
de chromatographes, qui offrent un
panorama représentatif de l’outillage
employé pour les recherches sur le métabolisme dans les années 1950-1970.
La collection s’est aussi enrichie de
dons: citons un prototype de l’électrophotomètre inventé en 1936 par Paul
Meunier (1908-1954), qui fut professeur de chimie biologique à la Faculté
des sciences de Lyon. D’autres appareils
documentent les recherches électrophysiologiques de la même époque, et
d’autres encore (microscopes, balances,
centrifugeuses ou calculatrices) sont
ceux que les biologistes utilisaient habituellement. Au total, la collection de
physiologie regroupe près de deux
cents appareils anciens stockés au rezde-chaussée du bâtiment des herbiers.
Maintenant, reste à attendre que ces
pièces les plus significatives pour l’histoire des sciences puissent être exposées
dans un local destiné à cet usage. ■
* Physis, en grec, désigne la nature dans un sens
dynamique.
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Dossier culturel
Le musée dentaire
© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-i
À travers une reconstitution, le musée dentaire de Lyon
illustre un cabinet du début du XXe siècle.
© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-i
© Éric Le Roux – Service communication université Lyon-i
L
Dentier complet en ivoire
Alain Huet
Président
Association du musée dentaire
de Lyon – UFR d’odontologie
Université Claude-Bernard Lyon-I
Rockefeller – 69008 Lyon
Tél. : 04 78 77 86 92 (secrétariat
de la faculté dentaire de Lyon)
Ouverture : sur rendez-vous
le mercredi
e musée dentaire de Lyon restitue
l’ambiance d’un cabinet dentaire
de la fin du XIXe siècle, période où
naquit réellement la dentisterie
moderne tout imprégnée des technologies de son temps. Une remarquable
série de fauteuils et Units (du XIXe à nos
jours) permet notamment de suivre
l’évolution de l’ergonomie des cabinets,
et une vingtaine de vitrines exposent
les instruments de dentisterie, de
chirurgie, etc.
La dentisterie a toujours recherché la
nouveauté technologique, et l’évolution de l’art dentaire a suivi l’histoire
des sciences et techniques. Les problèmes posés par les soins, le remplacement des dents ou le fonctionnement
de l’appareil manducateur obligèrent les
praticiens à s’intéresser à de nombreux
domaines concernant tant les sciences
biologiques que celles de l’ingénieur.
L’ergonomie du cabinet dentaire allait
de pair avec la diversité des actes pratiqués. En effet, à une pratique limitée
aux extractions sur une place foraine
correspondaient un fauteuil à peine
Fauteuil Justus Ash
modèle d’Archer n° 3, Rochester
modifié et un outillage fruste. Et à une
dentisterie destinée à une population
de riches privilégiés correspondait une
instrumentation spécifique dans un
environnement plus spécialisé. L’évolution du fauteuil dentaire en est le
parfait reflet.
Il n’est pas interdit de considérer ce
musée comme un témoin du lien pouvant exister entre la technique dans
son aspect le plus aride, sophistiqué,
dénué de toute humanité et sa finalité
vouée à l’amélioration du bien-être
social et personnel. Les quelques photographies reproduites ici ne peuvent
résumer la richesse des collections du
musée et de sa bibliothèque. ■
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Laboratoire P4 Jean Mérieux :
un bâtiment qui manie des virus mortels
Le laboratoire P4 de Lyon n’est pas un établissement ordinaire.
Il en existe moins de dix au monde de ce type. Manipulant des
micro-organismes pathogènes de classe 4, ce bâtiment de haute
sécurité dispose d’un système de sécurisation particulièrement
sophistiqué. Visite d’une réalisation aux allures de film de
science-fiction, qui fait de Lyon une des capitales mondiales de la
virologie.
L’
© Laboratoire P4 Jean Mérieux Inserm
© Laboratoire P4 Jean Mérieux Inserm
histoire commence en 1947,
lorsque Charles Mérieux crée,
dans le quartier des abattoirs de Gerland,
l’Institut de production du vaccin antiaphteux afin de faire face à une épizootie
mondiale. En raison de la grande contagiosité du virus, cette activité requiert des
mesures de sécurité très rigoureuses et les
laboratoires sont équipés d’une double
enceinte, de sas et de douches. Dans les
années 1970 qui connaissent l’émergence
et la réémergence de maladies infectieuses, notamment en Afrique, Charles
Mérieux préconise la construction d’un
laboratoire de haute sécurité. En
mai 1995, des spécialistes mondiaux de la
virologie chargent Charles Mérieux d’une
motion demandant au président de la
République française, la mobilisation des
pays européens en virologie. En 1996, le
projet se concrétise et le laboratoire P4
Jean Mérieux est inauguré en mars 1999
par Jacques Chirac, président de la
République.
PATHOGENE DE CLASSE 4,
RISQUE MORTEL
Nicolas Postel-Vinay
@ : [email protected]
48
La dénomination P4 (pathogène de
classe 4) réfère à des micro-organismes
pathogènes faisant encourir des risques
mortels au personnel qui les manipule.
Ces agents sont caractérisés par leur
haute dangerosité (taux de mortalité très
élevé en cas d’infection), absence de vaccin protecteur, absence de traitement
médical efficace et transmission possible
par aérosols. La protection maximale
exigée pour manipuler ces germes est
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désignée par le sigle NSB4: niveau de
sécurité biologique 4. Les principaux
agents de classe 4 sont des virus générant soit des fièvres hémorragiques (Ebola,
Lassa, Marburg, Congo-Crimée), soit
des maladies infectieuses à haut pouvoir
de dissémination et à haut taux de
mortalité; par exemple, la variole. Les
pathologies associées aux virus P4
– hémorragies, encéphalites et syndromes pulmonaires ou rénaux – sont
également causées par des virus classés
P3. La fièvre jaune ou la dengue (maladies d’importation rencontrées en France
chez les voyageurs au retour des pays
tropicaux), l’encéphalite de West Nile,
l’encéphalite à tique ou la fièvre hémorragique avec syndrome rénal (maladies
endémo-épidémiques en France) sont
dues à des virus classés P3.
Le Centre national de référence, centre
collaborateur OMS pour les arbovirus
et les fièvres hémorragiques virales, est
intégré à Lyon dans l’Unité de biologie
des infections virales émergentes de
l’Institut Pasteur. Il bénéficie des infrastructures modernes du laboratoire pour
la préparation de ses réactifs pour le
diagnostic des maladies virales en France
ou d’importation.
SOUS HAUTE SURVEILLANCE
Un couloir de visite permet une observation des différentes zones du laboratoire par l’intermédiaire de hublots.
L’accès au couloir de visite n’est possible
qu’après identification et autorisation
par badge magnétique. La zone d’accès
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est placée sous surveillance vidéo. La
zone P4 comprend trois modules de
travail (deux laboratoires indépendants
et une animalerie). Les locaux sont
maintenus en permanence en dépression par un système d’air neuf, avec filtration absolue de l’air entrant et de
l’air sortant. Le chercheur qui pénètre
dans la zone P4 est en contact avec le
poste central de sécurité (PCS) grâce à
un système d’émetteur-récepteur. Le
personnel n’entre jamais seul à l’intérieur du laboratoire. Une personne
habilitée à accéder en zone P4 doit se
trouver dans le poste central de sécurité. Elle pourra intervenir en zone en
cas de problème, telle l’évacuation en
urgence d’un chercheur lors d’un
malaise. L’entrée ou la sortie de matériel s’effectue par un autoclave à double
entrée. Les déchets décontaminés sont
ensuite pris en compte par une société
spécialisée dans l’incinération des
déchets. Les effluents liquides sont,
après décontamination chimique, stérilisés à la vapeur (128 °C) dans des
cuves spécialement adaptées à ce type
de traitement. Les locaux d’accès aux
laboratoires sont constitués de sas: un
Les cinq missions du laboratoire
Santé publique : assurer la maintenance des
locaux P4 et la formation des personnes susceptibles d’y travailler.
●
● Diagnostic et surveillance des agents pathogènes « spéciaux » connus ou nouveaux, naturels
ou liés à la malveillance (bioterrorisme).
Pour remplir cette mission, l’Inserm doit solliciter
des coopérations diverses : CNR Myxovirus Sud,
CNR Paramyxovirus, CNR fièvres hémorragiques
virales, etc., et s’organiser en pôle de compétence
virologique. Les échantillons parviennent de
diverses sources, souvent d’ailleurs, sur la base
des habitudes passées, du CNR fièvres hémorragiques de l’Institut Pasteur.
● Accueil d’équipes scientifiques pour la réalisation de programmes de recherche sur des pathogènes spéciaux.
● Gestion de la collection nationale des agents
pathogènes spéciaux.
● Participation aux relations internationales entre
les pays disposant de P4, ou désirant travailler en
liaison avec le P4 français.
© Laboratoire P4 Jean Mérieux Inserm
sas vestiaire, une douche de propreté,
un sas scaphandre et un sas douche de
décontamination.
AIR RESPIRABLE
L’air respirable permet au personnel du
laboratoire, par l’intermédiaire d’un narguilé fixé sur le scaphandre, de respirer
un air propre, frais et suffisant même
lors d’efforts soutenus. Il y a de nombreux narguilés disséminés dans tout le
laboratoire, permettant aux chercheurs
de se déplacer facilement lors de leurs
activités de recherche. En cas de panne
des deux compresseurs, un groupe de six
bouteilles d’air respirable comprimé est
activé. Ces six bouteilles contiennent
suffisamment d’air pour permettre à dix
chercheurs d’être approvisionnés pendant 15 minutes, temps nécessaire à leur
sortie en respectant les procédures.
DES SCAPHANDRES ISSUS
DE LA RECHERCHE POUR L’INDUSTRIE
DU NUCLÉAIRE
Le scaphandre est en pression positive
par rapport au laboratoire, si bien que
l’air sort en cas de déchirure accidentelle. Le chercheur pourra alors décontaminer la partie déchirée, mettre un
ruban adhésif prévu à cet effet et sortir
de la zone P4 par les douches de décontamination. Lors d’un tel incident, le
chercheur ne pourra pas être en contact
avec l’air du laboratoire. Le personnel
possède un scaphandre sur mesure
(taille, pointure de chaussures, longueur
des bras). Il peut, à l’aide d’une molette,
faire varier le volume d’air respirable (de
400 à 800 litres par minute). Un filtre
ayant une efficacité de 99,99994 %
pour des particules de 0,015 mm est
situé à l’intérieur de la connexion sur le
narguilé pour une totale sécurité.
TRAITEMENT DE L’AIR
Chaque pièce du laboratoire est pourvue
de systèmes indépendants de traitement
de l’air permettant de maintenir la
dépression. Selon les pièces, cette dépression s’échelonne entre moins 40 et
moins 90 pascals. Elle augmente de la
zone la moins contaminée (sas d’entrée)
vers les zones à risque (animalerie,
pièces à autoclave).
Chaque centrale d’air est constituée
d’un soufflage et de deux extractions.
L’air de soufflage est pris sur le toit du
laboratoire et permet de maintenir une
dépression stable. Lors d’un problème
sur l’extraction principale, le soufflage
s’arrête (l’air est alors pris dans la zone
technique supérieure) et l’extraction de
secours se met en marche. La dépression est maintenue aux mêmes valeurs,
quel que soit le mode d’extraction.
ÉTANCHÉITÉ
L’étanchéité du laboratoire est due à la
conception même du laboratoire. Les
murs et les plafonds sont constitués de
panneaux de polyuréthane de 12 cm
d’épaisseur, reliés entre eux par des
joints butyl. L’ensemble est consolidé et
rendu étanche par des joints de silicone
puis recouvert de panneaux métalliques. L’installation comprend différents systèmes de câblages électriques
ou de canalisations (eau, azote liquide).
Ces différents éléments sont rassemblés
en un seul point par des presse-étoupes,
puis rendus étanches avec du silicone.
Le sol en béton est recouvert d’une
épaisse résine époxy sans angle droit
afin d’augmenter les propriétés d’étanchéité.
FUTUR
Ce laboratoire, aux allures futuristes,
mais cependant bien actuel, est un
exemple étonnant de liens intimes entre
la respiration d’un bâtiment et celle des
hommes qui y travaillent. L’artificiel et
le physiologique se répondent comme
dans un sous-marin. Un modèle
d’architecture pour une vie future sur
mars ou, plus probablement, dans un
monde si pollué que les villes seront
placées sous cloche ? ■
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Dossier culturel
Lyon Gastronomique
Comme la gastronomie fait partie intégrante du patrimoine d’une région, et que nous savons
que les pneumologues n’y sont pas indifférents, Info Respiration vous propose une sélection
de restaurants faite par Pierre-Jean Souquet, et cette recette typiquement lyonnaise émanant
d’un chef cuisiner de la capitale des Gaules.
« Qui n’aime pas aller au restaurant n’est pas lyonnais! »
Comment, parmi tant de restaurants, conseiller ses adresses préférées ? Avant de faire votre choix,
sachez que beaucoup ont de petites salles et peuvent être fermés les samedis et/ou dimanches,
il est donc prudent de réserver ! Certaines rues ou quartiers en abondent, et vous devriez trouver
votre bonheur dans la rue des Marronniers (qui donne sur la place Bellecour), la rue Mercière
(dans le 2e arrondissement), la rue Saint-Jean et la rue du Bœuf (dans le Vieux Lyon).
Les bouchons
➞ Café des Fédérations, 8-10, rue Major-Martin,
69001 Lyon – Tél. : 04 78 28 26 00.
➞ Chez Hugon , 12, rue Pizay, 69001 Lyon
Tél. : 04 78 28 10 94.
➞ Café Comptoir Abel , 25, rue Guynemer,
69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 46 18.
Ouverts les samedis midi et soir :
Ouverts tous les jours :
➞ Le Meunière, 11, rue Neuve, 69001 Lyon
Tél. : 04 77 82 62 91.
➞ Chabert et Fils , 11, rue des Marronniers,
69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 01 94.
➞ Le Saint Vincent , 6, place Fernand-Rey,
69001 Lyon – Tél. : 04 72 07 70 43.
➞ Bouchon des carnivores, 8, rue des
Marronniers, 69002 Lyon
Tél. : 04 78 42 97 69.
Ouvert les samedis midi :
➞ La Mère Jean , 5, rue des Marronniers,
69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 81 27.
➞ Le Bouchon de l’Opéra , 13, rue Terraille,
69001 Lyon – Tél. : 04 78 28 49 47.
➞ La Machonnerie , 36, rue Tramassac,
69005 Lyon – Tél. : 04 78 42 24 62.
➞ Le Bistrot de Lyon, 64, rue
Mercière, 69002 Lyon
Tél. : 04 78 38 47 47.
Les brasseries
Les « Bocuses », ouvertes tous les jours, midi et soir, repas rapide, toujours de qualité. Comptez de 30 à 50 €. Laissez-vous guider par vos papilles :
➞ Le Nord, une cuisine de tradition, 18, rue Neuve,
69002 Lyon – Tél.: 0472106969.
➞ L’Ouest , une cuisine des îles, 1, quai du
Commerce, 69009 Lyon – Tél.: 0437646454.
➞ Le Sud, une cuisine du soleil, 11, place AntoninPoncet, 69002 Lyon – Tél.: 0472778000.
➞ L’Est , une cuisine des voyages, Gare des
Brotteaux, 69006 Lyon – Tél.: 0437248585.
brasserie, 800 couverts… et malgré cela, un
service rapide, une qualité constante et un
choix de choucroutes, fruits de mer et lyonnaiseries énormes… un des meilleurs tartares de Lyon… ouvert tous les jours,
métro/tram : Perrache.
© Office du Tourisme de Lyon
➞ La Brasserie Georges 1836 , 30, cours de
Verdun, 69002 Lyon – Tél. : 04 72 56 54 54.
Une véritable institution à Lyon, la plus grande
50
➞ La Brasserie des Brotteaux 1836, 1, place
Jules-Ferry, 69006 Lyon – Tél.: 0472740398.
Face à la gare des Brotteaux (métro :
Brotteaux). Vous serez reçu dans un décor Art
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➞ Argenson Gerland, une cuisine bourgeoise,
40, allée Pierre-de-Coubertin, 69007 Lyon
Tél.: 0472737273.
Mes préférées: Le Sud et L’Ouest,
vous avez en plus le cadre et le décor.
nouveau, plusieurs reprises cinématographiques s’y sont déroulées pour Le Coût
de la vie (film réalisé, en 2003, par Philippe
Le Guay, avec Vincent Lindon, Fabrice Luchini
et Géraldine Pailhas…), et Vieille Canaille
(film réalisé, en 1993, par Gérard Jourd’hui,
avec Michel Serrault, Anna Galiena…). La
cuisine y est agréable et harmonieuse ; attention, il est fermé le dimanche.
© Marie Perin – Office du Tourisme de Lyon
Origines du mot « Bouchon » : Au temps des chevaux et diligences, un bouquet de paille était accroché à la porte des cabarets pour indiquer que l’on pouvait y
boire du vin. Ce bouquet de paille porte aussi le nom de bouche. Le temps faisant son travail, de « bouche » le mot se déforma à « bouchon ».
Une institution lyonnaise ! Qui ne connaît les andouillettes, les tabliers de sapeur, les pieds paquets, les salades ? Avec un pot de Beaujolais ou de côtes-du-Rhône
(c’est l’élastique au col de la bouteille qui fait la différence…), comptez entre 25 et 40 €. Prévoyez de vous y rendre le vendredi soir ou le lundi midi avant votre
départ :
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Dossier culturel
Les grandes tables
Lyon ne joue pas dans la même catégorie que les autres villes avec ses grandes tables. Citons :
Paul Bocuse : L’Auberge
du Pont-de-Collonges, au
Mont-d’Or, Jean-Paul
Lacombe: Léon-de-Lyon ;
Christian Têtedoie : Tête-
doie ; Nicolas Le Bec : Restaurant Nicolas-Le Bec ;
Pierre Orsi : Restaurant Pierre-Orsi ; Guy Lassausaie : Restaurant Guy-Lassausaie ; enfin,
L’Alexandrin ; Restaurant Larivoire ; La Tour Rose ;
Les terrasses de Lyon ; Les Trois Dômes ;
Auberge de l’Île Barbe ; Auberge de Fond Rose…
À quelques kilomètres de Lyon, Les Pyramides, à
Vienne (mention spéciale pour son rapport qualité,
prix impressionnant), Alain Chapel, à Mionnay,
La Rotonde, à Charbonnières.
La Tour rose @ Dancette / Office du Tourisme de Lyon
Mes « coups de cœurs » folies raisonnables…
➞ Alex Restaurant, 44, boulevard des Brotteaux,
69006 Lyon – Tél. : 04 78 52 30 11. Fermé les
dimanches et lundis. Tout y est élégant : le
décor, le service et surtout la cuisine…
(menus entre 25 et 50 €).
➞ Raphael Beringer, 37, rue Auguste-Comte,
69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 49 83. Fermé les
dimanches. Des saveurs étudiées et exquises,
un rapport qualité prix parmi les meilleurs,
(menus entre 30 et 50 €).
➞ Mathieu Viannay, 47, avenue Foch, 69006
Lyon Tél. : 04 78 89 55 19. Fermé les samedis et les dimanches. « Mon » restaurant
préféré, des saveurs d’une pureté, d’une
intensité et d’une inventivité incroyables.
N’hésitez pas à rester à Lyon uniquement
pour un repas chez Mathieu Viannay (menus
entre 40 et 70 €).
➞ Cuisines et Dépendances, 46, rue Ferrandière,
69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 44 84. Fermé le
dimanche. Cuisine créative et agréable (poissons) ; (comptez entre 30 et 60 €).
➞ Maison Gamboni, 241, rue Marcel-Mérieux,
69007 Lyon – Tél. : 04 78 72 60 88. Ouvert
tous les jours, « LE » restaurant de viandes
par excellence : essayez donc le menu du
« Tueur »…
➞ Anticipation, 8, rue Chavanne, 69001 Lyon
Tél. : 04 79 30 91 92. Fermé le dimanche
soir. Si vous aimez être étonné du début
jusqu’à la fin par des associations surprenantes et détonantes, courez-y vite. Il y a
souvent en dessert de la glace au tabac ! Si,
Si… comme quoi, le tabac, ça peut quand
même servir ! (40 à 60 €).
➞ Maison Borie , 3, place Antonin-Perrin,
69007 Lyon – Tél. : 04 72 76 20 20. Fermé le
dimanche. (30 et 70 €). Très bonne adresse,
tout y est parfait, du décor à la cuisine.
➞ Fleur de sel, 3, rue des Remparts-d’Ainay,
69002 Lyon – Tél. : 04 78 37 40 37. Cuisine
toujours excellente et sûre (40 à 70 €).
Profitez-en pour visiter la basilique d’Ainay
(métro : Ampère-Victor-Hugo) !
➞ Les Adrets, 30, rue du Bœuf, 69005 Lyon
Tél. : 04 78 38 24 30, dans le cadre du Vieux
Lyon : une adresse de qualité et de rapport
qualité/prix sans reproche (30 à 50 €).
Revenez à Lyon pour tout découvrir : sa culture, sa gastronomie et sa convivialité. Si vous avez un petit coup de blues,
allez aux halles de Lyon, cours Lafayette, ce n’est pas très loin de la cité Centre de congrès Lyon. À toute heure, prenez
une douzaine d’huîtres avec un petit blanc, par exemple. Vous y trouverez tout ce qu’il faut pour le moral.
Fermé les dimanches après-midi et les lundis).
Royale de foies de volaille et de foie gras crémeux de panais
Recette proposée pour huit personnes par Stéphane Gaborieau, chef cuisinier lyonnais qui s’est installé
en 1993 à la Villa Florentine, un Relais & Châteaux étoilé accroché à la colline de Fourvière.
Il nous propose également dans son restaurant de Paris, Le Pergolèse, 40 rue Pergolèse dans le 16e,
des créations largement inspirées de la cuisine lyonnaise.
300 g de foies de volaille bien
nettoyés
80 g de foie gras
5 jaunes d’œufs
3 œufs entiers
20 g d’ail blanchi trois fois
750 g de lait
75 g de farine
250 g de crème fleurette
Sel et poivre
Pour la crème de panais
250 g de panais
2 dl de crème fraîche
1 dl de lait
Sel et poivre
Mettre le tout dans un bol mixeur et mixer. Passer l’appareil dans un chinois étamine. Verser l’appareil dans
8 ramequins beurrés et cuire au bain-marie pendant 40 minutes à 140 °. Pour la crème de panais : cuire
pendant 20 minutes dans une casserole, puis mixer. Couler sur les ravioles la crème de panais
Facultatif : ajouter dessus un trait d’huile de noix ou des graines de sésame torréfiées
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Dossier culturel
Le bouchon lyonnais
et la cervelle de canut…
…quand Anglais, Français, Gallo-Romains et Celtes
prennent langue autour du pot lyonnais
C’
Pour chanter Veni Creator
Il faut une chasuble d'or.
Pour chanter Veni Creator
Il faut une chasuble d'or.
Nous en tissons
Pour vous grands de l’Église,
Et nous pauvres canuts
N'avons pas de chemise.
C'est nous les canuts,
Nous sommes tout nus.
C'est nous les canuts,
Nous sommes tout nus.
Bernard Pigearias
Clinique Saint-George
2, avenue de Rimiez, Nice
Laboratoire du sommeil et de l’effort
3, rue Cronstadt, Nice
52
est dans le bush, la « brousse »,
que l’on va découvrir ces « bousches » de l’ancien français, ces poignées
de paille, ces bouquets de petits arbustes,
les shrubs du bush anglais.
Les touffes de lin ou autres graminées
bien battues (le boten – battre néerlandais) seront ainsi devenues des bottes
de paille, de fibres, à force d’avoir été
bien boutées… et pourront être tissées.
Ces gerbes de feuillage, ramassées dans
la nature, seront le premier objet le plus
simple utilisé pour frotter, nettoyer un
animal: ainsi, avec ces bottes de végétaux, ces « bousches », l’on bouchonnera un cheval. Cette familiarité avec
cet animal considéré comme la plus
belle conquête de l’homme explique
sans doute le glissement vers d’autres
conquêtes: « – Ah! Ma petite friponne!
Que je t’aime, mon petit bouchon! »1
Ces mêmes petites bottes immédiatement disponibles serviront à obturer
une barrique, un tonneau rempli, évitant la perte des précieux liquides ainsi
transportés : ces matériels de transport
se retrouveront ainsi « bouchés » avec
ce qui va devenir naturellement un
bouchon évoluant par ailleurs avec les
matériaux disponibles et choisis pour
leurs qualités physiques.
De végétaux liés en petites bottes, l’on
passera à des découpes adaptées de
l’écorce très pneumatisée d’un certain
chêne qualifié pour la légèreté de sa précieuse écorce de liège – littéralement
« léger » – ou à des matériaux plus rigides
adhérents par friction: les bouchons de
verre dépoli, de bois, de métal, de polymères plastiques de synthèse ou naturels
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(caoutchouc). Et, selon la force nécessaire pour forcer l’obturation, le bouchon deviendra tampon, tant il est vrai
qu’il faut le taper pour fermer la tape –
l’objet prenant alors le nom du geste
technique –, que ce soit pour fermer
sur les navires les écubiers, ces passages
des chaînes et cordages, les nables, ces
trous de vidange, dont le nom luimême renvoie au néerlandais nagel –
cheville, qui est déjà… un bouchon!
C’est cette notion de fermeture, de
contention, de risque d’accumulation en
amont… du bouchon, qui lui a donné
son sens figuré pour la circulation routière ou la limitation de la pensée,
lorsque l’esprit sinon simplement l’horizon se retrouvent bouchés. Mais il est
vrai que le bouchon, une fois formé,
relève réellement de l’embouteillage.
Mais ne poussons pas trop loin le bouchon… au risque de tricher, car, dans ce
jeu de pétanque, le bouchon, devenu
cochonnet trop distant, disqualifierait les
joueurs aux biceps moins développés, ce
qui serait jouer… « petit bras ».
Toutefois, la pétanque n’a pas l’apanage
du bouchon, quand ce n’est pas un
caractère… de police: « – Il ne faut pas
que l’inspecteur machin-chose pousse le
bouchon trop loin. »2
Il faut croire alors que ce jeu, où il serait
indécent de perdre la boule… des yeux,
serait plus fort que de jouer au bouchon, ce qui serait alors stupéfiant, sans
pour autant que la police ait à s’en
mêler… Car le jeu du bouchon est déjà
un jeu d’argent, où l’obligation de gain
impose d’abattre avec des galets les
bouchons surmontés de pièces de mon-
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naies, du vrai Zola ! « – Mon Dieu !
J’ai joué au bouchon, quand j’étais
gamin. » 3
Mais revenons à nos bouchons, lyonnais bien sûr, prétextes à cette balade
sémantico-historique : le retour passe
par le vieux français, ces « bousches » de
l’ancien français, ces poignées de paille,
ces bouquets, qui, après avoir libéré les
précieux breuvages par eux séquestrés
dans les tonneaux, signalaient la présence de ces derniers maintenant percés
par leur accroche à la porte des institutions créées à cet effet. Ainsi, le « bouquet bouchons », véritable enseigne de
tonneau, attirait vers l’estaminet, le chaland en manque de boisson et autre distraction. De l’enseigne à l’institution, il
n’y avait qu’un pas qui fut vite franchi,
et le bouchon vite achalandé !
On retrouve d’ailleurs cette coutume de
signalement en Autriche, à Vienne, sur
les pentes du Kahlenberg, le MontChauve à Grinzing, où les cabarets
locaux, les Heurigen littéralement « de
l’année », s’agissant du vin sur ces
coteaux produit, servant le vin nouveau,
rivalisent de créativité par des compositions végétales bien en phase avec cette
capitale impériale si sensible aux courants artistiques. Notre balade est aussi
celle de mythiques chalands lyonnais,
qui fréquentèrent longuement ces bouchons sur la butte de Fourvière, les
ouvriers de la soie, ce qui va, bien sûr,
de soi en raison du caractère traditionnellement très populaire de ces cabarets
– littéralement, de ces « petites
chambres », ces camberete de l’ancien
Picard passé par le néerlandais cabret.
Ces soyeux de Lyon avaient en charge le
tissage des soieries, de ces taffetas qui
firent la renommée de la ville. Ces tisserands, ces tafetassiers, si l’on transcrit
littéralement en français son homonyme turco-perse, donnaient au tissage
tout son lustre par blanchiment, le
canuzir provençal, qui reprend au latin
le canus exprimant le blanc et en particulier le blanc brillant.
Rappelons que ces taffetas ont été la
première grande révolution médicale
permettant une meilleure hygiène des
plaies. Ces tissages, si fins qu’ils furent
qualifiés de gaze, ont été enduits de
gomme agglutinante et sont devenus les
pansements adhésifs actuels:
« – Marcelle lui tendait un bout de taffetas gommé. Il tira la langue et lécha docilement la pelure rose. Marcelle appliqua
le bout de taffetas sur la plaie [...] » 4
Comme un juste exercice de leur art
dont ils tiennent leur nom, les canuts
ont donné tout leur… lustre aux cérémonies religieuses avec le tissage des
vêtements sacerdotaux, ce qui a été
repris par l’un des chansonniers les plus
célèbres du cabaret du Chat Noir,
devenu Mirliton à la Goutte d’Or, au
pied d’une autre butte célèbre, Montmartre, Aristide Bruant, Les canuts,
dans le recueil Sur la route :
Pour chanter Veni Creator
Il faut une chasuble d’or.
Pour chanter Veni Creator
Il faut une chasuble d’or.
Nous en tissons
Pour vous grands de l’Église,
Et nous pauvres canuts
N’avons pas de chemise.
C’est nous les canuts,
Nous sommes tout nus.
C’est nous les canuts,
Nous sommes tout nus.
Sur la butte de la Capitale des Gaules,
l’on traboule – du latin trans-ambulare
– littéralement l’on déambule à travers
les ruelles, de bouchons en bouchons,
pour atteindre au sommet la vielle
place, le vieux forum, le Forum vetus :
Fourvière, et cela depuis la nuit des
Celtes, alors que ce lieu élevé, cette colline, ce dunum, était dédié au culte de
Lug, le dieu solaire celte.
Le colonisateur romain, toujours en
quête d’intégration réussie, a associé
cette croyance à l’appellation de la ville
sur cette colline fondée : Lugdunum
devenu ensuite Lyon, ce qui explique
l’Y de son nom, qui n’a donc rien à voir
avec le roi d’une jungle plus tropicale.
S’il est un animal mythique à associer à
ce nom, c’est un corvidé, un lukos, une
corneille, un corbeau, le « Raven »
anglais annonciateur de la venue du
(dieu) soleil à l’aurore : c’est que dans
toute mythologie, il y a le dieu et son
animal totémique ; c’est d’ailleurs ce
même « Raven » qui est symbolisé sous
forme d’énormes becs de corvidés au
sommet des « totem-poles » des Indiens
aléoutes de la côte nord-américaine,
cette mère « Raven » ayant sauvé, en les
transportant grâce à la puissance de son
bec, les survivants d’une humanité
emportée par un déluge…
Dans la Celtie originelle, le culte de Lug
était très répandu, et ses traces fossiles
sémantiques se retrouvent dans Laon,
Luchon, voire Londinium anglicisé en
London.
Redescendons les traboules… où l’on a
parfois voulu limiter l’origine de canut à
la canette que le taffetassier utilise pour
exercer son métier… à tisser, ce qui est
phonétiquement séduisant mais sémantiquement bien mince, sauf dans l’usage
de celle-ci au cabaret, mais il s’agirait
alors d’un anglicisme : c’est que la
canette du canut ne saurait être le
« can » de Jerry…
Et le canut vieillit, blanchit: il devient
donc chenu, ce qui est un juste retour à
ses sources sémantiques…
Peut-être est-ce cette blancheur immaculée du fromage blanc frais assaisonné
de sel, poivre, ciboulette, ail, échalote,
huile et vinaigre, volontiers consommé
par les canuts dans les bouchons, qui
aurait conduit à nommer cette spécialité
renommée « cervelle de canut »?
La question est d’importance : c’est
autour d’un pot lyonnais que l’on quêtera la réponse à cette brève de comptoir, sinon de conteur de bouchon! ■
1. Molière. « Le Médecin malgré lui. » Acte I, S5.
2. Borniche Roger. « Le Ricain. »
3. Zola Émile. « Son Excellence Eugène Rougon.»
Tome I.
4. Sartre Jean-Paul. « L’âge de raison. » XVII.
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11e Congrès de pneumologie :
les conférences culturelles
Congrès médical et scientifique par définition, le CPLF n’en oublie pas pour autant la culture. Pour preuve,
il accueille, sous la houlette de Jean-Pierre Orlando, trois conférences à visée littéraire et historique.
Venez nombreux y assister !
samedi 3 février
dimanche 4 février
Pneumologie : de la nuit des temps au souffle des
géants, Jean-François Cordier, Lyon
Respirer la géométrie : l’architecture hospitalière,
Dany Baud, Chevilly-Larue
À bout de souffle : quand la respiration fait son
cinéma, Jacques Lacronique, Paris
« Je pris un cahier de papier, j’en formai un rouleau
fortement serré dont j’appliquai une extrémité sur la
région précordiale, et posant l’oreille à l’autre bout,
Je fus aussi surpris que satisfait […] »
Des anecdotes aux concepts. De la mort d’Ötzi au
clin d’œil de Rabelais et aux millions de sangsues.
De la naissance de la méthode anatomoclinique à
celle de la médecine fondée sur les preuves. Des
rois théocrates à la peste blanche tuberculeuse des
deux derniers siècles, et à la peste bleue actuelle.
Cette randonnée vagabonde et égoïste dessine par
touches le rôle majeur de la pneumologie dans
l’histoire et l’évolution de la médecine.
© Imothep MS
Pneumologie culture à l’auditorium Pasteur de 10 h 00 à 11 h 30
Coordinateur : Jean-Pierre Orlando (Aubagne)
© Imothep MS
© Imothep MS
Séance inaugurale au Forum 2
vendredi 2 février 2007 de 16 h 00 à
17 h 30
vendredi 2 février de 16 h 30 à 17 h 00
« J’étouffe ici. Sortons. » Pelléas A.
« C’est donc cela qui te fait pleurer, ma pauvre
Mélisande ? Ce n’est donc que cela ?
Tu pleures de ne pas voir le ciel ? » Golaud B.
Rapprocher ces deux mots, architecture et respiration, peut étonner. Et pourtant ! La respiration n’estelle pas la circulation de l’air qui peut être source de
contamination et de maladie ou au contraire vecteur
de santé ? L’histoire de l’architecture des hôpitaux et
tout particulièrement l’architecture fonctionnaliste
depuis Tenon jusqu’aux sanatoriums sera évoquée
dans un premier temps. Ensuite, plus prêt des préoccupations de notre temps, aidés par le témoignage
d’architectes, d’historiens et de philosophes, nous
verrons que justement regarder le construit, dehors
et dedans, a toujours constitué une expérience corporelle où la respiration et la sensation de l’espace
sont primordiales. Nous nous interrogerons pour
savoir s’il en est toujours de même aujourd’hui.
« Il est déjà idiot en soi d’ête docteur.
On a besoin de malades pour vivre et pourtant
on s’acharne à les guérir. »
Akira Kurosawa
Une petite évasion du souffle magnifié par l’objectif
du cinématographe, de son origine à nos jours. La
tuberculose et d’autres maladies respiratoires
constituent parfois le thème fort d’un film facile à
retrouver. Mais quand la respiration ne fait son
cinéma qu’en fond d'écran ou dans une seule
séquence au souffle remarquable, il faut rassembler
ses souvenirs et les organiser pour pouvoir présenter
ces scènes, parfois d’anthologie. C’est le défi à
relever jusqu’à être… à bout de souffle.
Info Respiration remercie pour leur collaboration au dossier culturel de Lyon :
• Blandine
Thenet, attachée de presse à l’Office du
tourisme
• Virginie Satre, directrice de la Maison des canuts
• Philippe Paillard, conservateur directeur du musée
des Hospices civils de Lyon.
Pour l’université Claude-Bernard Lyon-I
Normand, conservateur du musée d’histoire
de la médecine et de la pharmacie
• Jean-Christophe Neidhart, conservateur du musée
• Jean
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d’anatomie et d’histoire naturelle médicale
Informatique CERVI – INSERM
• Étienne Boursey et Christian Bange pour le musée des
• Stéphane Gaborieau, chef cuisinier lyonnais
collections d’appareils anciens de physique et de
physiologie
• Alain Huet, président de l’Association du musée
dentaire de Lyon – UFR d’odontologie
• Thierry Vallet du Laboratoire P4 Jean Mérieux,
fonctionnaire de Sécurité Défense, adjoint du directeur du Laboratoire P4 sûreté du site, RSSI-Réseau
Crédit Photographies : Laurent Berthier, Photographie Caméleon/Office du tourisme de Lyon. Edmund
Hazlewood, Marie Perrin et Dancette/Office du tourisme
de Lyon. UMR CNRS MAP ENSA.Imothep MS. Cyclo 3.
Patrice Pierart. Hospices civils de Lyon. Éric Le Roux du
service communication de l‘université Lyon-I. Laboratoire
P4 Jean Mérieux Inserm.
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