La contestation de la filiation

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La contestation de la filiation
Christèle CLEMENT
Fiche de niveau 3. Droit de la famille / Filiation /
Juin 2007
La contestation de la filiation
La contestation de la filiation suppose depuis toujours en droit français l'exercice d'une
action en justice. Elle obéit aujourd'hui à un régime unifié, inspiré par le souci d'instaurer
un équilibre entre stabilité et vérité des filiations. Ses conditions ont été redéfinies par
l'ordonnance du 4 juillet 2005 pour tenir compte de l'abandon de la distinction entre
filiations légitime et naturelle. Il en résulte qu'à la multitude d'actions autrefois prévues
aux fins de remettre en cause une filiation, succède une action générale en contestation
de la filiation, soumise à des conditions variant selon le mode d'établissement de la
filiation attaquée.
I. Conditions
Renonçant à la diversité et à la complexité qui régnaient en la matière, l'ordonnance de
2005 a mis en place une action générale en contestation de la filiation. Elle en suspend le
succès à la preuve du défaut d'accouchement dans la branche maternelle et à celle de la
non-paternité dans la branche paternelle. Cette preuve peut être apportée par tous
moyens, dont l'expertise scientifique.
L'action en contestation de filiation obéit à un régime différent selon que la filiation
attaquée repose sur un titre et une possession d'état conforme, sur un titre nu ou sur
une possession d'état constatée par un acte de notoriété. Dans la première hypothèse,
les possibilités de contester la filiation sont restreintes. Elles ne s'ouvrent ainsi qu'au
profit de certaines personnes spécialement désignées par la loi (l'enfant, son père ou sa
mère et son prétendu véritable auteur) et doivent s'exercer dans le délai raccourci de 5
ans à compter de la cessation de la possession d'état. La filiation échappe même à toute
possibilité de contestation au cas où la possession d'état considérée a duré plus de 5 ans.
Dans la deuxième hypothèse, c'est-à-dire en l'absence de toute possession d'état, la
filiation s'expose à une contestation facilitée. Tout intéressé peut ainsi la combattre dans
le délai de droit commun de 10 ans à dater de la naissance ou reconnaissance de
l'enfant. Enfin, dans la troisième hypothèse, l'action en contestation s'ouvre au profit de
tout intéressé dans le délai de 5 ans à dater de la délivrance de l'acte de notoriété
constatant la possession d'état à l'origine de la filiation attaquée. Mais, devant
l'imprécision des termes de l'ordonnance de 2005, la doctrine française s'interroge
actuellement sur l'objet de cette contestation : s'agit-il de la seule possession d'état, de
la filiation qui en résulte ou indifféremment des deux ? S'il appartient aux juges de
trancher la question, il reste que, quel que soit son objet, la contestation intentée sur ce
fondement peut aboutir à anéantir la filiation, indirectement dans un cas, directement
dans l'autre.
Dans tous ces cas de figure, le Ministère public est lui-même admis à agir en contestation
de la filiation. Mais la loi exige pour l'y autoriser que des indices tirés des actes euxmêmes rendent le lien attaqué invraisemblable (ex : écart d'âge insuffisant entre l'enfant
et le prétendu parent) ou qu'il y ait eu fraude à la loi (ex : reconnaissance de l'enfant
né d'une mère porteuse par une autre femme).
II. Conséquences
La contestation réussie de la filiation aboutit à anéantir rétroactivement le lien juridique
de parent à enfant initialement établi entre les intéressés. Il en résulte plusieurs
conséquences : tout d'abord, l'enfant perd le nom du parent duquel il se détache. Cette
déchéance suppose toutefois son consentement s'il est majeur. Ensuite, le parent évincé
n'a plus aucun droit et devoir vis-à-vis de l'enfant. Il n'est plus titulaire à son égard de
l'autorité parentale. Néanmoins, un droit de visite et d'hébergement peut lui être
accordé pour empêcher toute rupture brutale des liens affectifs antérieurement tissés, si
l'intérêt de l'enfant l'exige. Par ailleurs, le parent écarté peut demander le
remboursement des sommes qu'il a dépensées aux fins de contribuer à l'entretien et
l'éducation de l'enfant. Cette possibilité lui est toutefois fermée s'il est l'auteur d'une
reconnaissance sciemment mensongère et prend lui-même l'initiative de contester la
filiation qui en résulte. Il est même tenu dans ce dernier cas de réparer le préjudice qu'il
cause à l'enfant en renonçant à respecter les engagements qu'il avait initialement pris à
son égard en le reconnaissant.
Bibliographie
- F. GRANET et J. HAUSER, Le nouveau droit de la filiation, in D.2006 Chr. p.17, spéc.
p.23 et 24.
- F. GRANET et P. HILT, Droit de la famille, PUG Coll. Le Droit en plus, 2ème éd. 2006,
n°280 à 288 p.135 et s.
- P. MALAURIE et H. FULCHIRON, Droit civil – La famille, Defrenois 2ème éd. 2006, n°1290
à 1350 p.501 et s.

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