Discours de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre,

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Discours de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre,
Discours de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre,
à l’issue du Comité interministériel de la Jeunesse
Hôtel de Matignon
Jeudi 21 février 2013
Mesdames, Messieurs.
Tout au long de la campagne des élections présidentielles, François HOLLANDE a mis la
jeunesse au cœur de son projet. C’est devenu depuis qu’il est élu président de la République
l’une des grandes priorités de son quinquennat. En effet, partons d’un constat, comment peuton admettre que 40% des chômeurs soient aujourd’hui des jeunes, que la moitié des personnes
pauvres ait moins de 30 ans, qu’un million de jeunes vivent sans formation ni emploi ? Au
nom de l’égalité républicaine et du progrès humain, nous devons rendre espoir aux plus jeunes
d’entre nous, nous devons les aider à mieux tirer parti de leur talent, briser tous les
déterminismes qui les entravent et qui parfois les désespèrent.
Mon gouvernement a d’abord répondu à l’urgence car la crise a précipité des millions de
jeunes dans de graves difficultés sociales. C’est pourquoi nous avons créé les emplois
d’avenir, c’est une des premières décisions de ce gouvernement et de cette nouvelle majorité.
Nous avons pris des mesures d’urgence pour la rentrée à l’école, nous avons entamé la lutte
contre le décrochage scolaire et renforcé le service civique. Mais ces mesures doivent être
complétées par un plan d’ensemble qui s’adresse à toute la jeunesse de France. Les jeunes les
plus en difficulté bien sûr mais aussi tous les autres jeunes qu’il faut aider à frayer leur voie et
à accéder aux responsabilités de demain. Nous voulons agir dans la durée et pour que dans
cinq ans les jeunes Français vivent mieux qu’aujourd’hui comme s’y est engagé le président
de la République. C’est un véritable défi, c’est pourquoi j’ai demandé à Valérie
FOURNEYRON, ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Education populaire et de la Vie
associative, de préparer cette réunion que nous venons de tenir avec les membres du
gouvernement, c’est-à-dire la réunion du comité interministériel de la jeunesse. Je tiens à la
remercier chaleureusement pour ce très gros travail qui a été accompli, cinq mois de
préparation. Et c’est vrai que ce comité interministériel de la jeunesse avait peu fonctionné ces
dernières années. Il a été créé en 1983 et il ne s’est réuni que quatre fois et une fois depuis 10
ans. Or, il n’y a pas d’action publique cohérente, efficace dans ce domaine comme dans
d’autres, mardi nous avons tenu le comité interministériel pour la ville, sans un travail
collégial de tous les ministères concernés. Depuis six mois, cinq groupes de travail réunissant
tous les ministères, une vingtaine de ministères en tout cas, ont diagnostiqué les maux dont
souffre notre jeunesse. Ils ont recensé les dispositifs qui existent déjà mais qui fonctionnent
parfois mal, ils sont souvent inefficaces, et ils ont proposé de nouvelles mesures. De
nombreuses consultations ont également été menées pendant ces cinq mois auprès des
associations, auprès des collectivités locales mais aussi auprès de personnalités qualifiées.
C’est dans le même esprit que j’ai tenu à rencontrer cet après-midi avec Valérie
FOURNEYRON les dirigeants du Forum français pour la jeunesse. Ce forum représente 18
associations de sensibilités différentes, mouvements différents, et pendant plus d’une heure
nous avons échangé sur les thèmes qui ont réuni le comité interministériel et nous avons vu
beaucoup d’attente mais aussi une forte volonté de propositions mais aussi une convergence
sur le diagnostic et sur les objectifs. Et au cours de nos échanges cet après-midi avec les
ministres, nous avons évoqué chacune des actions qui sont désormais nécessaires et qui vont
être engagées et nous avons à l’issue de ce comité interministériel adopté 47 mesures. Je ne
vais bien sûr pas vous les présenter chacune dans le détail mais je voudrais en évoquer
quelques-unes. Les premières mesures ont pour objet d’améliorer la formation des jeunes, tout
démontre que le manque de formation est la première cause d’échec professionnel et social.
Avant toute chose, il faut donc lutter contre le décrochage à l’école. Un accompagnement
spécifique sera mis en place pour celles et ceux dont on aura repéré les difficultés. Et plus
largement il faut proposer aux jeunes un parcours de réussite qui soit adapté à leurs talents et à
leurs aspirations. C’est pourquoi, et c’est une attente très forte, nous allons mettre en place le
service public de l’orientation en relation étroite avec les régions mais aussi avec l’Education
nationale, avec les régions dans le cadre de la future loi de décentralisation qui sera présentée
au Conseil des ministres à la fin du mois de mars.
L’emploi des jeunes est une préoccupation constante de mon gouvernement, aux emplois
d’avenir sont venus s’ajouter ces derniers jours les contrats de génération. Mais là aussi il faut
aller plus loin, créer un véritable choc d’attractivité des jeunes auprès des entreprises. Cela
suppose bien sûr de renforcer la formation professionnelle et d’ouvrir davantage les
établissements de formation vers le monde de l’entreprise. Mais nous voulons aussi
encourager la création d’entreprises par les jeunes eux-mêmes et beaucoup y sont prêts mais
rencontrent des difficultés en particulier difficultés d’accès au crédit. Et c’est pourquoi la
Banque publique d’investissement qui a été installée aujourd’hui à Dijon, qui a réuni son
conseil d’administration, parmi ses missions aura justement celle d’aider les jeunes à mettre
en œuvre les projets qui sont les leurs en matière de création d’entreprise que ce soit dans le
secteur marchand ou dans le secteur de l’économie sociale ou solidaire. Puis les jeunes qui
sont issus des quartiers populaires vont expérimenter, nous l’avons décidé mardi, les
« emplois francs », c’est-à-dire non pas une aide aux quartiers mais une aide aux jeunes issus
des quartiers les plus populaires et les plus en difficulté notamment en matière de chômage.
L’un des principaux obstacles à la mobilité et à l’autonomie des jeunes c’est la difficulté que
les jeunes rencontrent pour se loger. Bien souvent on oppose aux jeunes des exigences, en
particulier au niveau de loyer mais aussi en matière de garantie, de caution, qui sont
démesurées et qui font obstacle même quand un jeune a trouvé un travail, a accédé à cet
emploi. Dans ces conditions, la puissance publique doit jouer pleinement son rôle et offrir aux
jeunes une garantie, c’est ce que nous préparons avec la ministre du Logement et de l’Egalité
des territoires, Cécile DUFLOT, une garantie des risques locatifs et qui permettrait donc de
régler une grande partie des problèmes. L’hébergement des apprentis doit lui-même être aussi
amélioré parce que beaucoup de jeunes en apprentissage pont des difficultés à se loger et c’est
un véritable handicap social.
Une autre préoccupation des jeunes c’est la santé et là plus d’un tiers des étudiants renonce à
des soins faute d’une couverture santé suffisante. Nous allons aider les jeunes à avoir accès au
droit commun, c’est pourquoi dans les universités par exemple des centres de santé vont être
créés et nous faciliterons évidemment l’accès à une mutuelle. Nous sommes déterminés aussi
à sortir les jeunes du dénuement où ils se trouvent quelquefois. J’ai eu l’occasion lors de la
conférence de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale d’évoquer ce projet de
garantie jeunes. Nous voulons en effet que les moins de 25 ans aient droit comme les autres à
la solidarité nationale. Les bénéficiaires de ce nouveau dispositif feront l’objet d’un suivi
personnalisé, ils recevront une allocation d’un montant égal à celui du RSA, RSA socle, et en
échange de quoi ils devront s’engager personnellement à accepter les offres de formation et
d’emploi qu’ils leur seront faites, c’est un contrat de donnant-donnant de droits et de devoirs,
ça n’a rien à voir comme je l’ai lu aussitôt après l’annonce de cette décision à ce que à droite
on a appelé l’assistanat, non, il s’agit d’aider des jeunes qui eux n’entrent pas dans les
dispositifs d’emplois d’avenir, n’entrent pas dans les dispositifs de contrats de génération,
n’entrent pas dans les dispositifs d’emplois aidés parce qu’ils n’y ont aucune qualification,
parce qu’ils ont décroché depuis longtemps, parce qu’ils sont souvent même coupés du milieu
familial, la société, la République ne peut pas se résigner à les abandonner.
Et puis les jeunes doivent pouvoir être encouragés à s’engager dans la vie de la cité. La
jeunesse a beaucoup à nous apprendre, elle qui porte un regard neuf sur le monde et participe
à ses évolutions. C’est pourquoi nous souhaitons renforcer la représentation des jeunes dans
les conseils économiques et sociaux et environnementaux régionaux. Nous souhaitons aussi
que l’âge d’éligibilité soit le même que l’âge du droit de vote. Enfin, il ne peut y avoir de
pacte de confiance entre la République et la jeunesse sans un combat résolu contre les
discriminations. C’est pourquoi nous ferons en sorte que la Fonction publique de demain, et
c’est parmi un des chantiers, reflète mieux la diversité d’origines ou de formations des jeunes.
Le comité interministériel de la jeunesse va donc se réunir au moins une fois par an, c’est
l’engagement que je prends, et il aura pour mission d’évaluer les décisions qui ont été prises
aujourd’hui, d’adopter éventuellement de nouvelles mesures, d’en corriger certaines ou d’en
abandonner d’autres si elles ne sont pas efficaces mais nous ferons cela sur la base
d’indicateurs fiables. L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, l’INJEP, va
produire chaque année un rapport sur l’état de la jeunesse, il servira de base aux travaux du
comité, il servira de base aussi au dialogue avec les associations, ils pourront confronter nos
analyses, et il servira de base aussi au discours que je prononcerai chaque année sur l’état de
la jeunesse.
Et donc, Mesdames et Messieurs, vous avez compris que mon engagement et celui du
gouvernement là comme sur d’autres questions prioritaires est total. La République est notre
bien commun mais nous ne pouvons pas nous contenter de la proclamer pour qu’elle soit
crédible et en particulier pour la jeunesse. Et je veux que la jeunesse, les jeunes Français
sachent que la République vaut la peine d’être vécue, qu’elle vaut qu’on s’engage pour elle à
condition qu’elle offre le meilleur pour chacun d’entre nous et d’abord pour les jeunes. La
jeunesse ce n’est pas une catégorie, ce n’est pas une classification, la jeunesse c’est le cœur de
l’avenir de la société et donc la jeunesse c’est la solidarité entre les générations, c’est la
solidarité entre les citoyens, donc c’est ça la République. Et c’est pourquoi le président de la
République s’y est engagé et le gouvernement le met en œuvre, la jeunesse est une des
grandes priorités de la Nation.
Je vous remercie.