serge toffaloni
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SERGE TOFFALONI à Paris, le 28 décembre Monsieur François STIFANI GLNF 12 rue Christine de Pisan 75017 Paris objet : démission de ma fonction d’AGM François, Lorsque j’ai adhéré, en 1967, à la maçonnerie, l’article premier des constitutions du GO résumait ce que j’attendais de cette institution : « la Franc Maçonnerie a été créée pour réunir les hautes valeurs morales qui sans elle auraient continué de s’ignorer ». La discrétion en était le corollaire évident. Elle était supposée offrir un lieu de paix, d’échanges et d’évolution individuelle réciproque à l’abri des tumultes du profane. Très rapidement, je me suis rendu compte de mon erreur ; le système électoraliste qui préside à l’attribution d’une fonction à tous les niveaux de cette Obédience y génère, entre les Frères, une compétition permanente dans laquelle les courants profanes, sociétaux ou politiques, l’emportent sur les bonnes volontés individuelles. Seule une phrase du Souverain Grand Commandeur Corneloup a empêché ma démission : « si tu es d’accord avec les principes de l’institution ce n’est pas toi qui dois démissionner, on ne peut laisser le champ libre à ceux qui la dévoient » Jeune maître, j’avais alors 27 ans et l’ardeur de l’âge. Plus tard, au prix de beaucoup de temps, j’ y ai assumé de nombreuses fonctions : Vénérable de Loge, 6 ans délégué au Congrès des Loges, 6 ans délégué au Convent, membre, secrétaire ou président de nombreuses commissions. J’y ai acquis une solide expérience dans la dynamique des conflits. Membre de la commission « extériorisation » j’ai pu constater les dégâts de chaque intervention publique des grands maîtres successifs qui prônaient une ouverture dans les médias. Les sondages effectués rapportaient un impact négatif dans le public ; seule l’émission « divers aspects de la pensée contemporaine » sur France culture ramenait quelques aspects positifs ; l’auditeur en était volontaire. Ensuite, mon admission au Grand Collège des Rites, m’a permis de vivre ma maçonnerie dans un climat plus serein en découvrant le REAA…et de tenir 15 ans dans cette Obédience. 1 Régularisé à 40 ans, en 82, dans la RL Atlas, j’ai découvert le bonheur d’être Maçon à la GLNF. Depuis, j’y ai pratiqué tous les Rites, et rempli de nombreuses fonctions : Grand Expert Provincial avec François Chapoutot, Grand Orateur avec Claude Mallo, 6 ans député Grand Maître Provincial de la Province de la Grande Couronne, 7 ans Grand Maître Provincial de la Province de Lutèce. Parallèlement membre des Nautoniers, de la Marque, du Grand Chapitre Français, des Ordres Unis du Temple, j’ai eu le plaisir de réintégrer le Suprême Conseil à la fin de mes mandats provinciaux (je l’avais quitté 15 ans auparavant pour me consacrer à mes diverses charges), et j’ai assumé pendant 1 an la fonction de premier grand principal adjoint de l’Arche Royale. Contre toute attente tu m’as déchargé de cette tâche, avec les honneurs, pour me nommer Assistant Grand Maître. Dans moins de trois mois, j’aurais vécu intensément 44 ans de maçonnerie. Lorsque tu as pris la direction de l’Obédience, tu as très rapidement défini des orientations nouvelles en sensible rupture avec ce que nous connaissions jusque là. Avec humilité, j’ai pensé que l’institution tempèrerait ce qui n’était peut être qu’un excès de zèle et qu’après un premier temps nous reviendrons à nos fondamentaux. D’autres n’ont pas eu cette patience. Ton dynamisme, ton style particulier, ta gestion des hommes en ont exaspéré quelques uns. Tes orientations ont indisposé quelques frères même parmi les plus anciens attachés à une certaine conception de nos traditions. Tu as su cristalliser auprès d’eux toutes les frustrations et les rancœurs du passé. Depuis un an à présent, de rebondissements en rebondissements, d’assemblées en assemblées, de réunions en réunions, nous vivons les passions du profane, comme si notre maçonnerie était capable de nous offrir le miroir de ce qu’il y a de plus mauvais en nous, de ce que nous devons nous affranchir ; médisances, rumeurs, calomnies auxquelles répondent procédures, ruses, et autres manœuvres ; tout ce à quoi je ne peux souscrire… Et je ne parlerai pas du coût financier de tous ces avatars. L’ambiance générale est déplorable et même si quelques uns se réfugient dans le cocon de leurs loges, on ne vient plus en maçonnerie pour se dépolluer du profane, pour se ressourcer ; le charme est rompu. Etre ton assistant dans ces conditions ne m’est plus possible, c’est donc par cette présente que je démissionne de ma fonction d’assistant grand maître. Fidèle à mes serments, je tairai tes confidences. CE QUE JE SOUHAITERAIS Un maçon se doit d’être constructif ….et je sais que de nombreuses propositions ont été faites, dans la tourmente, sans que le temps de la réflexion soit pris pour prendre la mesure de leurs éventuelles conséquences. 2 Tu as mis en place de nombreuses commissions pour un grand « aggiornamento », il en naîtra peut être quelques autres propositions qui formulées dans ces circonstances pourront souffrir de la même prévention. Avant de dire ce que je souhaiterais, il convient que je précise ce qu’est pour moi la Franc Maçonnerie. C’est une organisation pluri séculaire qui trouve ses origines dans la Grande Tradition. Elle est la seule institution initiatique, adogmatique, qui permet au cherchant de devenir ce qu’il est, en travaillant, avec l’aide de ses frères, dans un chantier de réciprocité. Pour lui permettre de découvrir sa vraie nature la Franc Maçonnerie lui offre des outils et des chemins protégés par des frères plus expérimentés. Pour cela l’enseignement initiatique ne vient pas de la base. Ainsi, il se trouve hiérarchisé. L’autorité trouve sa légitimité dans le respect et le maintien des outils et des chemins initiatiques tels que nous les avons reçus. Toute autorité maçonnique ne se conçoit que sous cet aspect. C’est cela qui confère au Grand Maître son autorité, il est le gardien suprême de l’institution. Depuis ses origines, la Franc Maçonnerie moderne a souffert et souffre des erreurs de certains de ses membres qui, animés par les passions du profane, ont voulu l’entrainer dans des voies substituées. La plus évidente était politique, comment des hommes qui travaillent à l’amélioration de la société pouvaient ne pas engager l’institution dans le combat d’une cause juste ? Une autre, plus sociétale, a voulu que les maçons prennent position sur tous les sujets contemporains : implication immature animée par les mœurs du moment; l’avortement, la pilule, la sécurité sociale, l’euthanasie, la mixité… etc.…. Une autre encore voudrait que l’institution participe à des débats d’actualité, à la télévision, lors de conférences publiques, dans la presse ; satisfaire l’orgueil de l’instant en privilégiant la forme sur le fond, le zapping sur l’intemporel…. La moins avouable serait encore celle qui utiliserait personnelles …. la maçonnerie à des fins Qui peut prétendre représenter notre diversité ? Qui peut prendre la parole au nom de n’importe lequel d’entre nous ? Tous ceux là, n’ont pas pris la mesure de notre Ordre. L’entrainant dans le temps ils l’amputent de sa dimension universelle hors du temps. Pour ma part, je pense que les récents évènements mettent en cause une hiérarchie perçue comme dévoyée sur un mode hégémonique. L’autorité constitutionnelle dévolue à la grande maîtrise, gardienne de la Tradition et des voies initiatiques, est à présent contestée, d’où, dans les faits, cette agitation et ces suspicions permanentes. On ne peut imaginer un grand maître gérer une Obédience avec 50% de contestataires. 3 Une réflexion s’impose pour éviter à l’avenir de tels désagréments. La Maçonnerie régulière n’avait pas instauré les dispositions capables de traiter une telle situation. Dans un premier temps, que peut on envisager ? 1-Un Conseil Constitutionnel. Je reprends ici une des propositions que j’ai formulée lors du dernier souverain grand comité. Il conviendrait de mettre en place un conseil dont il faut étudier la composition, mais en tout cas totalement indépendant du Grand Maître. Ce Conseil après avoir précisé le domaine d’action du Grand Maître devrait avoir la capacité de contrôler et éventuellement de sanctionner ce même Grand Maître si il « sortait » du cadre de ses attributions enfin précisées. 2-Le Souverain Grand Comité est souvent critiqué comme étant une simple chambre d’enregistrement ; ce soupçon est légitime lorsque statutairement la majorité de ses membres est désignée par le Grand Maître en exercice et lorsque chacun est révocable à tout moment. C’était moins le cas, dans ses attributions antérieures lorsque les membres étaient « membre à vie » et représentaient les strates des Grands Maîtres antérieurs. Doit on revenir aux dispositions d’avant 96 ? Doit t’on remettre en chantier sa composition ? De toute façon il convient d’assurer son indépendance et sa pérennité. 3-Les Rites La régularité impose la gestion des trois premiers degrés par l’Obédience ; elle se doit par contre de respecter l’essence même de chaque rite et de ne modifier en rien le contenu des rituels. On sait dans quelles précipitations se sont faites de récentes modifications. 4-Les Grands Collèges Provinciaux sont l’organisation même de l’Obédience ; ils remplissent deux fonctions : - une fonction administrative, qui permet une gestion économique de nos structures grâce au bénévolat de quelques frères particulièrement dévoués, - une fonction d’assistance au bon fonctionnement des loges ; tout officier provincial doit être à même d’assumer un plateau si nécessaire, d’apporter aide et présence lors des tenues, de dispenser discrètement ses conseils au vénérable maître en dehors des tenues. La Loge reste la cellule initiatique de base, un regard extérieur reste nécessaire pour prévenir toute dérive politique ou religieuse, et pour tempérer éventuellement l’empreinte hégémonique d’un Vénérable Maître, ou ancien Maître, qui en deviendrait le guru, comme j’ai pu le constater dans certains cas au Grand Orient et parfois même à la GLNF. Par contre, il faut que cesse l’hégémonie de grands officiers provinciaux opérant comme de grands inquisiteurs ornés de leurs décors. 5- L’Arche Royale 4 Selon nos statuts, elle fait partie intégrée de l’initiation dans l’Obédience qui comme le disent nos textes « dispense les trois premiers degrés y compris le sublime degré de l’Arche Royale ». Certains, comprenant mal mon propos, ont voulu me faire dire que l’on n’était pas initié si l’on n’était pas à l’Arche Royal. Je n’ai jamais dit cela ; j’ai dit l’Arche Royal est la fin du parcours initiatique que propose la GLNF, entendant en cela que la poursuite du parcours initiatique se faisait selon ses choix dans le cadre des Ordres amis : grand chapitre français, suprême conseil, grand prieuré, maçonnerie de marque, nautoniers, degrés cryptiques et ordres du temple …. 6- transparence et société civile, un des griefs principal qui est formulé sur la gestion actuelle de l’Obédience reste le manque de transparence et la prise de décisions inopportunes : un Grand Maître omni décideur suivi par un CA particulièrement docile. La composition du CA est forcément à repenser. Il semble juste de prévoir un nombre de membres suffisants pour interdire toute majorité de fait et issus d’une représentation indépendante du Grand Maître. Comme pour les membres du Conseil Constitutionnel une élection par les Loges, en AG, pourrait par exemple être étudiée. Voici ce que je voulais dire en présentant ma démission de mes fonctions d’Assistant Grand Maître. Actuellement, j’entends trop de propositions circonstancielles ou de solutions qui semblent contenir en germe de nombreuses sources de dérives. En dehors des quelques orientations ci dessus présentées, il me semble urgent de ne pas se presser. L’essentiel réside dans le retour au calme et à la discrétion ; je suis persuadé que la grande majorité des Frères aspirent à vivre leur maçonnerie en pleine sérénité. Il faut que cesse rapidement la folie actuelle. Quelque soit l’issue des aventures du moment, je redoute les règlements de comptes orchestrés par les vainqueurs ; savoir « verser une larme de compassion sur les faiblesses d’un frère » permettrait de mettre en place une large réconciliation pour laisser de coté un passé dont on n’aurait pas lieu d’être fier. A l’aube de cette nouvelle année, je souhaite qu’une grande majorité se forme pour poser les bases d’un futur serein et fraternel. 5