Le patron de la Stib fait scandale

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Le patron de la Stib fait scandale
Mobilité / « Les clients des transports publics doivent payer plus », dit Kris Lauwers
Le patron de la Stib fait scandale
L’ESSENTIEL
● Le directeur général ad interim de la Stib fait
scandale en proposant de « traire » davantage les
clients des transports en commun bruxellois.
● De plusieurs côtés on réclame sa tête.
● Kris Lauwers pointe la saturation du réseau de la
Stib et le manque de moyens.
● Mais les solutions évoquées hérissent.
chances d’être choisi ; maintenant, il n’en a plus aucune ! Par
ailleurs, il n’a plus sa place à la
Stib, même comme DG adjoint.
Les propos qu’il a tenus sont outranciers. Guerriers. Méprisants.
Nous savons tous qu’il y a un problème de financement à la Stib,
mais ce n’est pas ainsi qu’on va le
régler ».
Les solutions préconisées par
Lauwers vont « à l’encontre des
choix du conseil d’administration de la Stib », a ajouté sa présidente, l’écologiste flamande Adelheid Byttebier. Du même parti,
le secrétaire d’Etat à la Mobilité
Bruno De Lille « espère vraiment
qu’il s’agit d’un lapsus ». Evelyne Huytebroeck (Ecolo), la ministre de l’Energie se dit « hallucinée ». Confusion des rôles, s’inquiète Rudy Vervoort, chef de
groupe CDH au parlement.
« C’est aux autorités bruxelloises
qu’il appartient de préserver une
politique tarifaire accessible à tous et d’in« Que Kris Lauwers retire sa candidature. Il
tervenir en faveur de
n’avait déjà pas beaucoup de chances ;
tarifs sociaux ». En
maintenant, il n’en a plus aucune ! »
Ridouane Chahid, vice-président du CA de la Stib retrait, la ministre
de tutelle de Lau« presque jamais prendre les wers, Brigitte Grouwels (CD&V),
transports publics », il a dit dou- a rappelé que la Stib vient d’augter des abonnements « parce menter ses tarifs et n’est « déjà
qu’ils incitent les gens à prendre pas la moins chère ».
Du côté de l’opposition, Didier
le plus possible les transports en
commun ». Evoquant la satura- Gosuin (FDF) juge les propos de
« inacceptables
à
tion du réseau (« tout est complè- Lauwers
tement plein »), il a insisté pour l’égard de sa clientèle. La voie
que les Bruxellois privilégient la n’est pas dans l’augmentation
marche, le vélo « et au besoin la des prix, ni dans la gratuité tous
voiture ». Qualifiant enfin ses azimuts ». Et de plaider pour
clients de « machine à sous », il a l’instauration de zones basse
jugé qu’il fallait « indubitable- émission à Bruxelles. Dont le rement plus les traire ». Et tendre venu drainerait, estime-t-il, de
vers une situation où « le trans- 10 à 15 millions. Quant à Vincent
port public est payé à son vérita- De Wolf, député MR et bourgble prix ». Rappelons que le taux mestre d’Etterbeek, il qualifie les
de couverture des dépenses de la déclarations du patron provisoiStib par ses recettes de trafic est re de la Stib de « farfelues ». Apde 55 %. Contre 30 % aux TEC pelant à « remplacer vite » Lauwers, il juge qu’il serait temps
wallons et 15 % chez De Lijn.
La réaction la plus virulente est « que le gouvernement bruxellois
venue du vice-président du con- cesse de s’emmêler les pinceaux
seil d’administration de la socié- en disant vouloir encourager le reté, le socialiste Ridouane Chahid. cours au transport public tout en
Ce dernier a demandé « que Kris prenant des mesures ayant l’effet
Lauwers retire sa candidature contraire, telle la récente hausse
au poste de directeur général. Il des tarifs, de 4,5 % en une ann’avait déjà pas beaucoup de née ». ■
MICHEL DE MUELENAERE
tonné, halluciné, scandalisé… les déclarations, au
Morgen du directeur général ad interim de la Stib, Kris Lauwers, suscitent des bouillonnements dans le landerneau bruxellois. Il est vrai qu’en plaidant
pour qu’on « traie » (uitmelken)
davantage ses « clients », le patron de la société de transports
en commun bruxellois n’aurait
pu s’attendre à pis. Même s’il a indiqué ensuite que « l’image donnée par l’interview ne correspond
en rien à ce que je veux », Lauwers n’a pas calmé le hourvari
qui pourrait l’emporter.
Au journal flamand, il avait indiqué que d’ici 2018 la Stib aurait
besoin de 1,8 milliard pour faire
face à ses nouvelles missions.
Pour les trouver, il s’est prononcé
en faveur d’une taxation au kilomètre parcouru mais a aussi indiqué sa volonté de faire payer les
clients de la Stib. Avouant ne
E
À LA SUITE DES PROPOS DU DIRECTEUR GÉNÉRAL AD INTERIM de la Stib, Kris Lauwers, dans la presse de vendredi matin, évoquant
l’option de « traire » davantage le client, le PTB lui a déposé une vache en peluche au siège de la société. © DOMINIQUE DUCHESNES
La Stib, en retard sur son avenir
ANALYSE
©D.R.
Un adjoint devenu
faisant fonction
Celui qui, depuis le 1er janvier de cette année, est directeur général ad-interim
à la Stib (suite à la démission d’Alain Flausch), était
DG adjoint depuis 2005
sur proposition du ministre
bruxellois de la Mobilité de
l’époque, Pascal Smet
(SP.A). Kris Lauwers (56
ans) fut, entre 1999 et
2004, le chef de cabinet
du précédent ministre de
la Mobilité Jos Chabert
(CD&V). Aujourd’hui, il est
candidat à la succession
d’Alain Flausch. Un pari risqué, le PS souhaitant dès
lors l’ouverture des deux
postes (DG et DG adjoint).
Si la requête socialiste passe, Kris Lauwers joue quitte ou double. MDS
La Stib, société qui gère le
transport public bruxellois, est à
un tournant. Et ce depuis plusieurs mois. Mais son avenir se caractérise pourtant aujourd’hui
par une large incertitude. Le politique n’a pu répondre dans les
temps à des délais majeurs, alors
que les défis auxquels doit faire
face cet acteur principal de la mobilité bruxelloise ne cessent de
croître, à une vitesse vertigineuse.
La Stib n’a plus sa tête.
Après plus de dix ans d’exercice, le précédent directeur général, Alain Flausch, a tiré sa révérence. Annoncé en septembre
2011, son départ est effectif depuis le 31 décembre dernier. Depuis lors, c’est celui qui était DG
adjoint, Kris Lauwers (lire ci-contre), qui mène le bateau. Le remplacement d’Alain Flausch, après
des mois des tergiversations politiques, semble bel et bien être sur
les rails. Le gouvernement bruxellois, et sa foisonnante majorité
(PS-CDH-Ecolo-Open
VLDCD&V-Groen), a dû s’accorder
sur le profil de fonction et la procédure de recrutement. Certains
francophones ont pointé un sabotage de la part de la ministre de la
Mobilité, la néerlandophone Brigitte Grouwels (CD&V). La procédure de sélection a enfin été lancée, début février. Les candidats
sont connus depuis le 27 mars, et
le jury (dont la composition a également fait l’objet d’âpres discussions) doit maintenant faire une
première sélection.
Au sortir, une évaluation des
candidats sera transmise au gouvernement, qui conserve le dernier mot. Les plus optimistes espèrent une nomination en juin,
pour une entrée en fonction en
septembre prochain.
Un contrat de gestion
qui se fait trop attendre.
Jusqu’ici, on pouvait écouter
tant le politique (de la majorité)
que la direction de la Stib, et convenir que la situation n’est ni exceptionnelle (d’autres contrats
de gestion se sont fait attendre
quelques mois) ni catastrophique. Mais, au vu des déclarations
malheureuses du DG faisant
fonction ce vendredi, on se dit
qu’il faut très vite donner un cadre strict au développement de la
Stib. Une première note d’orientation relative au contrat de gestion (qui devait couvrir la période 2012-2016, repoussée à 2013)
était livrée dès juillet 2011. Là
aussi, les atermoiements politi-
ques d’une majorité complexe
ont freiné le processus. Début février 2012, une note était enfin
approuvée, ouvrant la voie à la rédaction dudit contrat de gestion.
On l’espère pour septembre.
Un financement fiable pour des
défis exceptionnels.
Kris Lauwers n’a pas menti, il
faut trouver 1,8 milliard d’euros
d’ici 2018 pour que la Stib puisse
offrir un service digne de ce nom
à une population bruxelloise en
plein boom, dans une capitale
dont la mobilité est déjà problématique. Si le contrat de gestion
attendu doit répondre aux choix
de développement du réseau, il
doit surtout définir les modes de
financement de ce développement : une dotation publique
(qui montre constamment ses limites), un recours aux partenariats public-privé, une augmentation des recettes propres (pub,
vente des titres de transport…),
le choix de la déconsolidation
(scinder les budgets de la Stib et
de la Région afin d’augmenter la
capacité d’emprunt de la première), la mise en place d’une taxe kilométrique ou d’un péage urbain
dont les rentrées iraient aux
transports publics, etc. Ici aussi,
c’est le politique qui doit décider.
■
MARIE DE SCHRIJVER

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