Écriture d`invention

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Écriture d`invention
Écriture d’invention
L’on aperçoit, dans de grands bâtiments gris, de vieux objets usés, cassés,
inutiles, entassés dans des pièces sombres sur des lits, des chaises, des fauteuils ; ils
sont de toutes les tailles, de toutes les formes possibles.
Ils ont des membres articulés, tels des automates, qui pendent mollement à côté
d’eux, rouillés. À mieux y regarder, on remarque du mouvement dans les couloirs,
certains se déplacent sur des roues, d’autres à l’aide de bâtons, tout cela avec une
lenteur qui semble exagérée.
Lorsqu’un bruit attire leur attention, ils tournent vers vous une face blême,
creuse et sèche, leurs yeux sont enfoncés et mornes, leur bouche pâteuse ne se desserre
jamais ; ils attendent le jour où ils iront à la casse. Ces automates brisés sont des
hommes, des femmes, des êtres humains qui ne sont plus utiles à la société.
Pour eux, la nuit et le jour ne font aucune différence, les heures s’écoulent
interminables d’ennui ; ils attendent une visite qui ne vient jamais et vivent dans un
autre temps, sur leurs souvenirs, vestiges d’une époque passée, où pour eux le bonheur
était possible.
On les regroupe comme de vieux livres usés, déchirés que l’on entasse dans un
grenier poussiéreux. Ils ont permis à leurs enfants de grandir, ils les ont élevés et
entourés d’amour, leur ont enseigné la vie, ils méritent ainsi de garder leurs droits et
de vivre jusqu’au bout.
Coline Pouget, 2e3
Tous les mercredis et samedis de chaque mois, à l’heure du marché, plus
précisément à la fin de celui-ci, on peut apercevoir des ours énormes et effrayants. Ils
terrorisent les marchands, les passants et les petits enfants. Leurs grognements et leur
démarche font peur, leur chasse ne s’arrête pas tant qu’ils n’ont pas trouvé leurs proies.
On peut détecter leur présence à l’odeur nauséabonde qu’ils laissent derrière eux. Ces
créatures renversent les poubelles et éparpillent tous les aliments jugés, plus tôt dans
la matinée, impropres à la consommation. Ils regroupent le fruit de leur recherche tout
en jetant des coups d’œil par-dessus leur épaule pour voir si on les observe. Enfin, ils se
retournent, leur butin à la main, en apercevant des êtres humains, leur visage se fige
dans une expression de stupeur qui très vite se transforme en honte ; ils baissent la
tête, comme un enfant qu’on aurait surpris en train de voler quelques bonbons. Ils
rabaissent leur capuche lorsqu’ils ont la chance d’en avoir une, passent devant les gens
en marmonnant quelques paroles inaudibles. Ils font mine de partir mais on sait que,
malheureusement, on reverra ces mendiants aux prochains marchés.
Malgré le nombre croissant des nécessiteux, le gaspillage, lui, ne diminue pas.
Max Bourgeat, 2e3
Écriture d’invention
L’on voit des entassements de vêtements et de sacs, répandus dans la rue, sales,
éparpillés et malodorants, volant au gré du vent glacial ; ils ont l’air de bouger de
temps à autre, de remuer comme s’ils étaient pleins de puces, ils frissonnent, se
retournent comme pour se protéger du froid mordant ; il s’en échappe comme une voix
enrouée et un langage plutôt familier et, quand après s’être réveillés, ils se lèvent pour
mendier, malheureusement ils sont des hommes. La journée, ils essaient tant bien que
mal de trouver un peu d’argent pour survivre ; le soir, ils s’enroulent dans leur sac de
couchage, se préparant à une nuit devenant de plus en plus froide, tandis que les
autres hommes dépensent sans compter pour des vêtements ou des objets de plus en
plus chers et sans grande utilité puis s’endorment dans des lits moelleux. Les
mendiants, eux, les regardent passer sans recevoir le moindre euro ; ils ne demandent
pourtant pas grand-chose, seulement un peu d’argent et un toit pour dormir.
Léah Rossiaud, 2e3
L’on voit de plus en plus ces temps-ci, autour des villes et des villages,
d’étranges petits parasites. Ils s’adaptent à tous les climats, l’on en croise autant sous
le soleil brulant d’Afrique que sur les amas de neige au Canada. Tels des mites qui
colonisent et grignotent un pull, ils s’abattent autour des villes. Nul ne sait de quoi ils
vivent ni d’où ils viennent. Ils sont de tout âge, mâles et femelles ; silencieux et
discrets, ils errent dans les rues pour qu’on les remarque. Levant une main tremblante,
ils chuchotent quelques mots : c’est un appel à l’aide. Dans l’ombre, on aperçoit à peine
leurs faces, quand soudain un rayon de soleil laisse entrevoir leurs visages effrayés. En
effet, ce sont des hommes et des femmes, pauvres et affamés, qui vivent entassés dans
des taudis, des bidonvilles, à l’écart des regards indiscrets. Personne ne se préoccupe
d’eux ou ne daigne les aider. Mais qu’ont-ils fait pour mériter cela ? Ont-ils au moins
fait quelque chose de mal ?
Lucie Piquand, 2e3
Sujet :
L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus
par la campagne, noirs, livides et tout brulés du soleil, attachés à la terre qu’ils
fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une
voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face
humaine, et en effet ils sont des hommes ; ils se retirent la nuit dans des
tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines ; ils épargnent aux autres
hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent
ainsi de ne pas manquer de ce pain qu’ils ont semé.
Jean de La Bruyère (1645-1696),
Les Caractères (1688), De l’homme, 128.
Vous écrirez un pastiche de ce texte de La Bruyère pour exprimer votre indignation sur
un sujet d’aujourd’hui qui vous tient à cœur.
Votre texte traduira une expérience personnelle forte, mais ce sera sous l’apparence
d’un style très neutre, sobre, impersonnel.
Après avoir induit le lecteur en erreur, il le fera peu à peu revenir de cette méprise pour
produire sur lui un effet de surprise, cela par une impression de rapprochement progressif.
Il ne se contentera pas de susciter l’indignation, mais il débouchera sur une réflexion à
portée universelle mettant en évidence un paradoxe choquant.